C. L'IMPÔT SUR LE REVENU : DES RÉFORMES PONCTUELLES SUCCESSIVES SANS COHÉRENCE D'ENSEMBLE
1. Près de 7 milliards d'euros d'augmentation de l'impôt sur le revenu en raison des mesures prises depuis le début du quinquennat
Votre rapporteur général a déjà souligné, dans la précédente partie du présent rapport, l'augmentation de la charge fiscale pesant sur les ménages à laquelle a conduit la politique d'ajustement par les recettes menée par le Gouvernement. L'impôt sur le revenu est bien sûr concerné : son rendement a connu une hausse de 35 % entre 2011 et 2015 , passant d'environ 51 milliards d'euros à près de 70 milliards d'euros.
Une part de l'augmentation globale du produit de l'impôt sur le revenu est certes liée à son évolution spontanée . Mais même après neutralisation de la croissance spontanée de l'impôt sur le revenu, c'est au total près de 7 milliards d'euros supplémentaires qui ont pesé sur les ménages de 2013 à 2016 , du seul fait des mesures prises par la majorité gouvernementale depuis 2012.
Graphique n° 55 : Évolution du produit de l'impôt sur le revenu et du nombre de contribuables de 2009 à 2016
(en millions de contribuables et en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
Graphique n° 56 : Impact sur le produit de l'impôt sur le revenu des mesures présentées par le Gouvernement depuis le début du quinquennat
(en milliards d'euros)
Note de lecture : en 2016, les mesures présentées dans le PLF et les textes précédents représentent une baisse de l'impôt sur le revenu d'environ 600 millions d'euros. Les chiffrages correspondent à des prévisions ex ante et non à des évaluations ex post .
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
2. Une augmentation de l'impôt sur le revenu pesant sur un nombre toujours plus restreint de contribuables
L 'impôt sur le revenu est très fortement concentré : les foyers fiscaux appartenant au dernier décile, c'est-à-dire les 10 % des ménages imposables les plus aisés, paient près de 70 % du produit de l'IR alors qu'ils représentent 30 % du revenu imposable .
Graphique n° 57 : La concentration de l'impôt sur le revenu en 2013
Note de lecture : en 2013, les foyers fiscaux dont le revenu imposable annuel est supérieur à 49 890 euros représentaient 10 % du total des ménages imposables et 33 % du revenu imposable national. Ils acquittaient 67,08 % du produit global de l'impôt.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Cette concentration déjà importante a été encore accrue par les différentes réformes du Gouvernement. Ainsi, le coût de la réforme du quotient familial pèse pour près de 85 % sur les foyers fiscaux situés dans le dernier décile de la population imposable. Environ un tiers des foyers fiscaux du dernier décile ont vu leur impôt s'alourdir , contre seulement 0,65 % des contribuables des autres déciles.
Tableau n° 58 : L'impact en 2014 de la réforme du quotient familial selon le niveau de revenu
Revenu imposable annuel |
Nombre de foyers fiscaux |
% dont l'impôt augmente |
Hausse totale (en euros) |
Hausse moyenne par foyer (en euros) |
Part de la hausse totale (en %) |
Moins de 49 995 euros |
33 272 937 |
0,65% |
91 591 842 |
425,69 |
15,74% |
Plus de 49 995 euros |
3 696 914 |
31,56% |
986 435 156 |
845 |
84,26% |
Total |
36 969 851 |
3,75% |
1 078 026 998 |
779 |
100% |
Note de lecture : 32 % des foyers fiscaux dont le revenu imposable de référence est supérieur à 49 995 euros en 2014 ont connu une hausse de leur imposition sur le revenu à la suite de la réforme du quotient familial. La hausse moyenne pour ces foyers s'élève à 845 euros.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
Malgré la suppression de la première « tranche » du barème de l'impôt sur le revenu, le montant moyen de l'impôt dû a augmenté entre 2013 et 2014 de 2,4 % pour l'ensemble des foyers fiscaux. Pour la dernière « tranche » du barème, l'augmentation moyenne s'élève à 5,8 %.
3. Un manque de lisibilité des réformes successives du Gouvernement
Au-delà de la pertinence de chaque réforme du Gouvernement, c'est leur cohérence même qui fait défaut. À des hausses au début du quinquennat ont succédé des baisses, qui ont d'abord ciblé les contribuables modestes puis, dans le projet de loi de finances pour 2016, les contribuables dont les revenus sont « moyens ». Plusieurs grandes réformes ont été annoncées et presque simultanément repoussées : la fusion de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée (CSG) n'est plus à l'ordre du jour, le prélèvement à la source n'interviendra pas avant le 1 er janvier 2018, etc. La nouvelle baisse de l'impôt sur le revenu présentée dans le projet de loi de finances pour 2016, annoncée par le Président de la République en août, constitue une mesure ponctuelle qui ne contribue pas à la lisibilité de l'impôt et ne s'inscrit pas dans une politique fiscale cohérente.
L'accélération depuis 2012 des départs des assujettis à l'impôt sur le revenu , mise en évidence par un récent rapport du ministère des finances remis au Parlement le 30 septembre 2015 158 ( * ) s'appuyant sur des indicateurs mis en place par l'ancien président de la commission des finances du Sénat Philippe Marini, paraît trouver au moins pour partie sans source dans la politique fiscale du Gouvernement, renforçant tout à la fois la charge fiscale pesant sur les ménages, sa concentration et l'instabilité des règles qui régissent son calcul .
Graphique n° 59 : Évolution de 2007 à 2013 du nombre de redevables de l'impôt sur le revenu partis pour l'étranger et de leur revenu fiscal de référence moyen
(en milliers de départs et en milliers d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport « Évolution des départs pour l'étranger et des retours en France des contribuables et évolution du nombre de résidents fiscaux » remis au Parlement par le ministère des finances et des comptes publics le 30 septembre 2015.
* 158 « Évolution des départs pour l'étranger et des retours en France des contribuables et évolution du nombre de résidents fiscaux ».