SECONDE PARTIE - ANALYSE PAR PROGRAMME
I. LE PROGRAMME 105 « ACTION DE LA FRANCE EN EUROPE ET DANS LE MONDE »
1. Présentation générale du programme
Les crédits demandés pour le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élèvent à 1 979,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 1 970,7 millions d'euros en crédits de paiement .
Le programme est composé de six actions , qui ne connaissent pas de mesures de transfert significatives par rapport à la loi de finances pour 2015 :
- la coordination de l'action diplomatique, qui rassemble notamment les crédits destinés à l'accueil de personnalités étrangères, aux déplacements ministériels à l'étranger, au centre de crise, à la communication ;
- l'action européenne, qui regroupe notamment les contributions aux institutions européennes hors Union européenne (Conseil de l'Europe en particulier) ;
- les contributions internationales, qui rassemblent les contributions aux organisations internationales, en particulier celles liées à l'Organisation des nations unies (ONU), ainsi que le financement des quinze opérations de maintien de la paix ;
- la coopération de sécurité et de défense, qui retrace les crédits de fonctionnement et de personnel de la direction de la coopération de sécurité et de défense du MAEDI, ainsi que les dépenses d'intervention de cette dernière (notamment de formation et d'entraînement) ;
- le soutien, qui correspond aux dépenses de personnel et de fonctionnement de l'administration centrale ;
- le réseau diplomatique, qui rassemble les crédits de personnel et de fonctionnement du réseau à l'étranger.
Le tableau suivant retrace la répartition par action de ces crédits, qui sont essentiellement destinées au financement des contributions internationales de la France et des dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau diplomatique.
Répartition par action des crédits demandés
Autorisations d'engagement
Action |
Exécution 2014 |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2015/2016 |
Coordination de l'action diplomatique |
78,3 |
83,7 |
92,1 |
10,0 % |
Action européenne |
43,9 |
50,2 |
49,1 |
-2,2 % |
Contributions internationales |
717,2 |
746,4 |
904,6 |
21,2 % |
Coopération de sécurité et de défense |
88,3 |
93,8 |
87,8 |
-6,4 % |
Soutien |
220,4 |
230,9 |
229,5 |
-0,6 % |
Réseau diplomatique |
570,9 |
581,9 |
616,3 |
5,9 % |
Total |
1 840,5 |
1786,9 |
1979,4 |
10,8 % |
Crédits de paiement
Action |
Exécution 2014 |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2015/2016 |
Coordination de l'action diplomatique |
85,3 |
83,7 |
92,1 |
10,0 % |
Action européenne |
45,3 |
50,2 |
49,1 |
-2,2 % |
Contributions internationales |
717,2 |
746,4 |
904,6 |
21,2 % |
Coopération de sécurité et de défense |
88,1 |
93,8 |
87,8 |
-6,4 % |
Soutien |
230,9 |
235,8 |
232,9 |
-1,2 % |
Réseau diplomatique |
568,5 |
581,9 |
604,1 |
3,8 % |
Total |
1 847,9 |
1781,8 |
1970,7 |
10,0 % |
Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016
2. Une action publique particulièrement politique, reflétée par les indicateurs de performance du programme
La partie de ce programme relative à la performance présente quatre objectifs qui, pour la plupart, ont peu de lien avec la programmation budgétaire et permettent surtout au MAEDI d'exposer et défendre la stratégie de relations internationales qu'il met en place.
Le premier, intitulé « Construire l'Europe », vise tout à la fois à rappeler les objectifs poursuivis par la France au sein de l'Union européenne, tant sur le plan intérieur que sur le plan de ses relations extérieures, mais aussi à mesurer l'influence de la France dans l'Union européenne, mesurée par le taux d'encadrement français de l'Union, stable à 11 % .
Le deuxième objectif « Renforcer la sécurité internationale et la sécurité des Français » est particulièrement sensible en cette année 2015 marquée à la fois par les attentats de Paris de janvier et par le renforcement de la menace de l'Organisation État islamique (OEI ou Daesh) au Moyen-Orient. Cette mission est difficile à mesurer par des indicateurs de performance, qui se limitent donc au taux de hauts responsables en activité formés par la France, ainsi qu'au taux d'actualisation des fiches « Conseils aux voyageurs ».
Le troisième objectif « Promouvoir le multilatéralisme » a trait à l'action de la France au sein des Nations unies ; la réussite de la COP 21 constitue, dans ce cadre, l'enjeu majeur de l'année en cours ( cf. infra ).
Enfin, le quatrième et dernier objectif « Assurer un service diplomatique efficient et de qualité » est le seul objectif de gestion du présent programme, avec une vocation de suivi de la performance des crédits engagés, à travers des indicateurs de gestion immobilière ou d'efficience des fonctions support et achat.
3. La hausse du coût des contributions internationales en raison d'un taux de change défavorable
Les crédits du présent programme affichent une hausse d'environ 10 % , qui est essentiellement le fait des contributions internationales et opérations de maintien de la paix (CI-OMP). Les dépenses prévues pour ces dernières passent en effet de 746 millions d'euros en 2015 à 904 millions d'euros en 2016 .
Cette évolution est le résultat de la combinaison de deux phénomènes en sens contraires :
- d'une part, la dépréciation de l'euro par rapport au dollar, qui induit une hausse du coût en euros des contributions internationales payables en devises ;
- d'autre part, une réduction, dans une moindre mesure, de la participation (à taux de change constant) de la France aux opérations de maintien de la paix en raison de la révision prochaine de leur barème .
S'agissant de l'évolution du barème des contributions de la France aux opérations de maintien de la paix, le MAEDU anticipe une baisse de 30 millions d'euros des dépenses.
S'agissant de la variation de change, le taux sur lequel avait été fondée la budgétisation du triennal 2015-2016 était de 1,36 dollar pour 1 euro . Or, vos rapporteurs spéciaux avaient déjà noté, dans leur rapport budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2015, que « le budget a été construit sur une hypothèse de cours de 1,36 dollar pour un euro ; au moment où votre commission des finances examine les crédits de cette mission, le cours réel s'établit à 1,25 dollar pour un euro et peu de facteurs semblent plaider pour un raffermissement notable de l'euro à court terme ». Ainsi, l'euro s'étant stabilisé autour de 1,15 dollar depuis le premier semestre 2015, le taux de budgétisation pour le projet de loi de finances pour 2016 a été modifié par une circulaire du 9 avril 2015, qui l'a fixé à 1,1 dollar .
Cette modification a eu deux conséquences . Tout d'abord, elle a permis au MAEDI de budgéter de façon plus sincère le coût réel lié aux CI-OMP dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 .
D'autre part, elle a permis de déclencher la mise en oeuvre du mécanisme de couverture de change dont dispose le MAEDI avec l'Agence France Trésor , en vertu d'une convention datée du 5 juillet 2006. Ainsi, afin de prévenir les conséquences d'une éventuelle nouvelle baisse de l'euro, l'Agence France Trésor a procédé à l'achat de 600 millions de dollars à terme (200 millions au 31 mars 2016, 160 millions d'euros au 31 mai 2016 et 240 millions d'euros au 31 octobre 2016) à un taux supérieur ou égal à 1,1. Cet achat à terme permet de sécuriser les décaissements en dollars au taux de 1,1 sur lequel sont fondées les prévisions budgétaires .
Cette situation appelle de la part de vos rapporteurs spéciaux trois principales remarques .
La première est que ce poste de dépenses est, pour le MAEDI, doublement contraint . D'une part, le montant des contributions de la France est fixé en application d'un barème partagé avec l'ensemble de la communauté internationale. D'autre part, le taux de change lui-même est une donnée que le ministère subit dans sa prévision budgétaire.
La deuxième remarque a trait à l'exécution 2015, qui est elle-même particulièrement difficile . En effet, avec une prévision budgétaire de 746 millions d'euros fondée sur un taux de change de 1,36, la variation de change représente, d'après les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux, une perte de 142 millions d'euros pour les seules CI-OMP. Cette perte ne pouvant être financée par redéploiement interne, le paiement des contributions internationales devrait nécessiter des ouvertures de crédits en fin de gestion, d'un montant d'environ 150 millions d'euros .
Enfin, vos rapporteurs spéciaux, tout en soulignant l'achat de dollars à terme qui a permis au ministère de sécuriser les décaissements de 2016, considèrent qu' il est nécessaire d'améliorer la réactivité du mécanisme de couverture du risque de change . Le dispositif actuel ne peut être activé que dans le cas où le taux de budgétisation, réactualisé par une décision positive du Premier ministre, est inférieur au taux de change réel, permettant alors à l'AFT de réaliser des opérations d'achat. Cela fait peser un risque majeur en cas de chute non anticipée du cours de l'euro - comme ce fut le cas à la fin de l'année 2014 et au début de l'année 2015 . Au total, les opérations mises en oeuvre en 2015 (actualisation du taux de budgétisation et achat de dollars à terme) exposent le MAEDI à un risque dans les deux sens : si le cours de l'euro s'améliore, le MAEDI aura enregistré une perte ; s'il continue de baisser, le MAEDI aura enregistré un gain grâce à une opération qui peut être assimilée à une spéculation sur la baisse de l'euro. Dans l'un et l'autre cas, cette situation n'est pas satisfaisante.
Il pourrait être imaginé de convertir les enveloppes (libellées en euros) en dollars au moment du paiement des contributions, de façon à se limiter à « constater » les évolutions du taux de change sans faire de pari, ni à la hausse ni à la baisse, sur ce dernier. Le système allemand , défini par un échange de lettres entre les ministères des affaires étrangères et des finances en 2011, et qui permet au ministère fédéral des finances de procéder à des ouvertures et des annulations de crédit systématiques en fonction de l'évolution du taux de change , paraît à cet égard plus réactif et moins risqué pour les finances publiques.
4. Des économies enregistrées sur les dépenses pilotables de l'administration centrale
Le programme 105 est caractérisé par la prépondérance des dépenses contraintes , en particulier les dépenses de personnel, soit 590,7 millions d'euros (y compris CAS Pensions) et les dépenses liées aux CI-OMP. Au total, les dépenses contraintes représentent près de 82 % de l'enveloppe du présent programme, comme l'illustre le graphique ci-dessous.
Répartition des dépenses contraintes et
des dépenses pilotables
du programme 105 dans le projet de loi de
finances pour 2016
Source : Commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du MAEDI
En conséquence, la marge de manoeuvre du MAEDI sur le présent programme est limitée aux dépenses pilotables relativement réduites , qui connaissent une diminution en 2016 par rapport à 2015 s'agissant en particulier :
- des dépenses liées au protocole (- 6 millions d'euros) ;
- des dépenses de coopération de sécurité et de défense (- 4 millions d'euros), principalement sur les frais de mission et dépenses de fonctionnement.
En revanche, les dépenses de fonctionnement du réseau, qui constituent l'essentiel des dépenses non contraintes du présent programme, connaissent une hausse en 2016.
5. La hausse des dépenses de fonctionnement du réseau à l'étranger
Notre réseau diplomatique, le troisième au monde en nombre de représentations, est organisé sur la base de trois catégories de postes , en fonction de l'importance stratégique accordée au pays en question :
- les postes de « présence diplomatique » , soit 31 représentations ;
- les postes aux missions prioritaires , soit 95 représentations ;
- les postes aux missions élargies , soit 31 représentations ;
- enfin, les postes aux missions élargies « format d'exception » , soit 8 postes particulièrement sensibles (Washington, Rabat, Antananarivo, Dakar, Berlin, Madrid, Rome et Londres).
Même si cette classification n'a pas de lien direct avec les effectifs qui y sont affectés 1 ( * ) , vos rapporteurs spéciaux, qui appellent de leurs voeux une adaptation du réseau aux enjeux du 21 e siècle, s'étonnent de ne voir aucun pays émergent majeur, et en premier lieu la Chine, dans la liste des postes « format d'exception » . L'adaptation du réseau ne doit, en effet, pas avoir pour seul objet de réduire certains postes à une simple présence diplomatique, mais également à redéployer les effectifs et les missions vers les représentations les plus stratégiques.
*
L'action 7 « Réseau diplomatique » voit sa dotation augmenter de près de 6 % en AE et de 4 % en crédits de paiement , pour atteindre 604,1 millions d'euros . Cette évolution, à rebours de la reconfiguration de notre réseau à l'étranger, s'explique par trois principaux phénomènes :
- l'évolution du taux de change , qui entraîne une hausse du coût réel de certaines dépenses effectuées à l'étranger, pour 12,7 millions d'euros ;
- la croissance des dépenses d'investissement dans la sécurité dite « passive » des postes à l'étranger , dont les crédits s'établissent à 31,5 millions d'euros en 2016, contre 19 millions d'euros en 2015. Comme chaque année, cette enveloppe est complétée par des crédits du programme 723 du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », à hauteur de 10 millions d'euros en 2016 ;
- de façon plus générale, l'augmentation des coûts constatés pour le fonctionnement des postes (coût de l'énergie, transport aérien, locations immobilières, etc.).
* 1 Par exemple, le poste de Pékin rassemble un total 326 ETP, soit davantage que la plupart des postes d'exception (hors Washington et Rabat).