LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission, tendant à minorer les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » de 48, 01 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) afin de garantir le respect de la norme de dépense en valeur de l'État.
Cette minoration est répartie de la façon suivante :
- une baisse de 25 millions d'euros en AE et en CP sur le programme 114 « Appels en garantie de l'État ». Pour mémoire, il s'agit de crédits évaluatifs ;
- une baisse de 23,01 millions d'euros en AE et en CP sur le programme 145 « Épargne ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 21 octobre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Serge Dassault, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'État », les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et le compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce ».
M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - En tant que rapporteur de la mission « Engagements financiers de l'État », je vous ferai brièvement part de mes observations sur la situation de nos finances publiques avant de vous exposer un certain nombre de pistes qui permettraient, selon moi, de contribuer à une véritable amélioration de notre situation économique et budgétaire.
Le Gouvernement prévoit une croissance de 1,1 % pour 2015 et de 1,6 % pour 2016. Si le Haut Conseil des finances publiques estime, dans son avis rendu le 30 septembre, que l'objectif du Gouvernement est crédible pour 2015, il considère en revanche, je le cite, que « compte tenu de l'accroissement des incertitudes depuis l'été, l'hypothèse d'une croissance de 1,5 % en 2016 ne peut plus être qualifiée de « prudente » ».
S'il l'estime néanmoins « atteignable », ce n'est pas grâce à la politique économique du Gouvernement, mais bien en raison d'un alignement des astres particulièrement favorable : baisse du prix du pétrole, euro faible, politique monétaire exceptionnellement accommodante.
En dépit de tous ces facteurs exogènes positifs, je pense pour ma part que le chiffre de 1,5 % de croissance demeure encore trop optimiste, tant notre économie peine à sortir de sa léthargie. Le contexte international pourrait en outre s'avérer moins porteur que prévu, avec le ralentissement économique des grands pays émergents, en particulier la Chine.
Le 18 septembre 2015, l'agence de notation Moody's a d'ailleurs procédé à une nouvelle dégradation de la note de la dette française, qui est passée de « Aa1 » avec perspective « négative » à « Aa2 » avec perspective « stable ». Elle s'est ainsi alignée sur les autres agences qui avaient dégradé la France au dernier trimestre 2014.
Pour justifier sa décision, l'agence a invoqué « la faiblesse continue » des perspectives de croissance française, faiblesse qui selon elle « devrait perdurer jusqu'à la fin de la décennie » et empêcher toute « réduction significative du fardeau de la dette ».
Cette anémie, selon l'agence, est principalement due aux « contraintes institutionnelles et politiques », ainsi qu'à la « rigidité du marché du travail », en grande partie responsable d'un taux de chômage élevé. Les chefs d'entreprise, sachant qu'ils ne pourront licencier, n'embauchent pas : je le sais bien, moi qui suis chef d'entreprise ! Il n'y a rien à espérer tant que la flexibilité de l'emploi, qui donne de bons résultats aux États-Unis, ne sera pas mise en place chez nous.
En maintenant dans le même temps toute leur confiance à l'Allemagne, qui bénéficie auprès de chacune d'entre elles de la note AAA, les agences de notation ont clairement marqué tout l'écart qui sépare aux yeux des investisseurs un pays capable de dégager un excédent budgétaire d'un pays incapable de s'attaquer sérieusement au redressement de ses finances publiques.
J'en viens au budget 2016 proprement dit.
À la fin août 2015, l'encours de la dette négociable de l'État s'élevait à 1 574 milliards d'euros en valeur actualisée. Selon le projet annuel de performances pour 2016, l'encours de la dette de l'État passera l'an prochain de 1 584 à 1 647 milliards, soit une augmentation de 3,9 %. Certes, la progression de l'encours ralentit par rapport au paroxysme de la crise économique et financière de 2008-2009. Cependant, entre la fin 2008 et la fin 2016, celui-ci aura augmenté de 630,5 milliards d'euros : 62 % !
À la fin août 2015, l'encours de la dette négociable de l'État s'élevait à 1 574,1 milliards d'euros en valeur actualisée. Selon le projet annuel de performances pour 2016, l'encours de la dette de l'État passera de 1 584,6 milliards d'euros fin 2015 à 1 647,1 milliards d'euros fin 2016, soit une augmentation de 3,9 %.
Certes, la progression de l'encours de la dette nominale ralentit par rapport au paroxysme de la crise économique et financière de 2008-2009.
Toutefois, je tiens à souligner qu'entre la fin 2008 et la fin 2016, l'encours de la dette de l'État devrait avoir augmenté de 630,5 milliards d'euros, soit une très forte hausse de 62 %.
Alors qu'il devrait s'attaquer frontalement à ce problème en réduisant massivement les dépenses publiques, le Gouvernement se limite à freiner leur croissance tendancielle, se résignant à maintenir un déficit quasiment inchangé en 2016 (72 milliards d'euros) par rapport à 2015 (73 milliards d'euros).
Notre besoin de financement atteindra 200,2 milliards d'euros, soit 4,3 % de plus qu'en 2015. Ce montant correspond au déficit budgétaire, soit 73 milliards d'euros, et au refinancement de 127 milliards d'euros de dette arrivant à échéance en 2016. Le besoin de financement sera couvert par un emprunt de 187 milliards d'euros. Le solde sera financé par 10,7 milliards d'euros de disponibilités du Trésor et 2 milliards d'euros de recettes de cession de participations de l'État.
La charge de la dette, qui représente 99 % des crédits de la mission que je vous présente aujourd'hui, pèsera une nouvelle fois très lourd dans le budget de notre pays, avec 44,5 milliards d'euros, soit 11,6 % des dépenses de l'État en 2016, en hausse de 2,1 milliards d'euros par rapport à 2015.
Elle constituera en termes de crédits de paiement le deuxième poste budgétaire de l'État après la mission « Enseignement scolaire », dotée de 48 milliards d'euros mais très loin devant la mission « Défense » (31,7 milliards d'euros) ou bien encore la mission « Recherche et l'enseignement supérieur » (25,9 milliards d'euros), qui constituent pourtant des priorités pour garantir, respectivement, notre sécurité et l'amélioration du taux de croissance potentielle de notre pays.
Les taux des obligations françaises sont restés historiquement bas en 2015, à court comme à moyen et long termes, ce qui a une nouvelle fois rendu indolore l'augmentation de l'encours de la dette de l'État.
Ce phénomène a été amplifié par l'annonce le 22 janvier 2015 puis par le lancement effectif le 9 mars 2015, par la Banque centrale européenne (BCE) de sa politique d'achats d'actifs du secteur public ( Public Sector Purchase Programme ) qui a conduit l'Eurosystème à acheter 60 milliards d'euros d'actifs d'États de la zone euro par mois dans le but d'amplifier la diminution des taux d'intérêt de long terme pour stimuler la croissance.
Cette situation exceptionnelle ne devrait plus durer longtemps. L'Agence France Trésor, dont j'ai entendu le directeur général, prévoit que les taux à 10 ans vont augmenter progressivement dans les mois qui viennent et pourraient atteindre 1,4 % fin 2015 puis 2,4 % fin 2016, en lien avec l'amélioration de la conjoncture économique.
En outre, une hausse imprévue de 100 points de base des taux d'intérêt sur l'ensemble de la courbe de la dette française provoquerait dès 2016 un alourdissement de la charge de la dette de 2,1 milliards d'euros, puis 4,8 milliards d'euros en 2017, 6,9 milliards d'euros en 2018, etc.
Le risque d'une remontée plus rapide que prévu des taux d'intérêt doit donc être pris au sérieux par le Gouvernement et conduire ce dernier à enfin adopter des mesures crédibles de réduction des dépenses de l'État, à même de rassurer les investisseurs et de restaurer notre crédibilité budgétaire.
Je vais vous faire maintenant quelques propositions dans ce sens.
D'abord, l'État devrait se doter de règles de bonne gestion budgétaire - autrement dit, appliquer la règle d'or, qui obligerait à présenter des budgets équilibrés. Il faudrait préparer les budgets avec une croissance prévisionnelle voisine de 0 %, ne réservant que de bonnes surprises. Il serait également bon de plafonner la dette, si possible via la Constitution, et d'éliminer drastiquement tous les dispositifs prévus dans le cadre du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité, qui ne sont pas financés. Il faudrait réaliser de véritables économies sur les dépenses sociales, en supprimant par exemple l'Aide médicale d'État aux étrangers ou le RSA, qui risquent d'exploser avec l'afflux des migrants sur notre territoire.
Le Gouvernement devrait aussi arrêter de fabriquer des fonctionnaires à vie, en embauchant des personnes que l'État devra ensuite payer pendant soixante ans ! Mieux vaudrait les embaucher pour quinze ans, puis les reconduire dans leur poste si l'on a besoin d'eux. De même les fonctions publiques territoriale et hospitalière se retrouvent en difficultés pour financer les agents depuis que les dotations sont en baisse. Appliquons la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite !
Il est urgent de mener une vraie politique de croissance en réduisant les impôts des entreprises et des entrepreneurs. En taxant les riches, on fait fuir les investisseurs. Nous les jetons dehors !
Mme Michèle André , présidente . - Il en reste quelques-uns.
M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Les jeunes, eux aussi, s'en vont. Ne restent que les fonctionnaires, les chômeurs et les retraités.
Il faudrait aussi supprimer les 35 heures qui paralysent notre économie, car elles coûtent 21 milliards d'euros à l'État sur un budget de 35 milliards d'euros consacré aux politiques de l'emploi.
Mme Michèle André , présidente . - Personne ne les a remises en cause...
M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Enfin, on ne pourra pas équilibrer notre budget sans réformer notre système d'imposition en remplaçant l'impôt sur le revenu à taux progressif par un impôt proportionnel à taux fixe, payé par tous les contribuables, c'est-à-dire une Flat tax .
Ces réformes ne sont ni de droite, ni de gauche, ce sont des réformes de bon sens dans l'intérêt de la France.
Je vous propose cependant d'adopter les crédits de cette mission, car la France doit respecter ses engagements à l'égard de ses créanciers.
Mme Michèle André , présidente . - J'ai lu dans votre note de présentation que la direction générale du Trésor et la direction du budget avaient modifié certaines de leurs procédures pour tenir compte des recommandations formulées par notre ancien rapporteur spécial Jean-Claude Frécon dans son rapport de contrôle du compte de concours financiers « Avances aux services de l'État et aux organismes gérant des services publics » publié en 2014. Qu'en est-il exactement ?
M. Vincent Delahaye . - Vous annoncez une augmentation de la charge de la dette de 2,1 milliards en 2016. Pourtant, dans le document, on parle d'une charge de la dette de 44,5 milliards en 2016 contre 44,3 milliards l'an dernier, soit une augmentation de 200 millions.
J'avais déjà demandé un travail spécifique sur l'évolution de la dette, qui prenne en compte le déficit budgétaire de l'État, mais aussi d'autres éléments, comme la dotation au Mécanisme européen de stabilité. Un tableau d'ensemble année par année serait très utile.
M. Philippe Dominati . - La dette n'est pas nouvelle. Elle court depuis trente ou trente-cinq ans. C'est une dérive de long terme. Le plafond de la dette, en revanche, est une notion nouvelle. Dans certains pays, le Gouvernement a besoin de l'accord du Parlement pour dépasser ce plafond, comme aux États-Unis où le Congrès s'est réuni à trois reprises ces dernières années pour examiner une telle demande. La règle d'or dont on parlait tant au début du mandat présidentiel a disparu du débat politique. Comment faire pour fixer un plafond de la dette ? Faut-il qu'il corresponde à un pourcentage du PIB ? Notre ancien rapporteur général disait que la dette publique avait atteint un niveau insoutenable lorsqu'elle était à 80 % du PIB. On est désormais presque à 100 %.
M. Marc Laménie . - Dans un tableau que présente votre rapport, je lis que 100 millions d'euros sont inscrits au projet de loi de finances 2016 au titre du programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats structurés à risque ». Pourquoi ces crédits ont-ils doublé par rapport à l'année 2015 ?
M. Yannick Botrel . - Je lisais dans votre rapport que la dette de l'État était détenue à 64 % par des non-résidents. Quelle est la part, dans cette catégorie, des fonds souverains et celle des fonds privés ?
Mme Michèle André , présidente . - Petite précision : le plafond de la variation nette appréciée en fin d'année de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an est fixé à 60,5 milliards d'euros, ainsi qu'il est inscrit dans l'article d'équilibre qui est soumis à notre vote.
M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Notre collègue Jean-Claude Frécon avait formulé dans son rapport deux recommandations destinées à améliorer la procédure d'octroi et de remboursement des avances du Trésor dans le cadre de ce compte de concours financiers.
Sa première recommandation portait sur la définition d'une doctrine d'octroi des avances. Cette doctrine a été déterminée par une circulaire commune de la direction générale du Trésor et de la direction du budget qui insiste notamment sur le caractère limitatif des crédits du compte de concours financiers, précise le taux dont sont assorties les avances et analyse leur procédure d'octroi.
La seconde recommandation portait sur l'amélioration du suivi de la gestion des avances du Trésor et proposait de renforcer le rôle de l'agence. Jusqu'ici l'AFT participait à l'instruction de toute nouvelle demande d'avance mais n'était pas consultée en cas de modification dans l'exécution de l'avance (notamment de modification de l'échéancier de remboursement) ; la circulaire du 27 juillet 2015 prévoit qu'elle sera désormais systématiquement consultée et que « toute modification du plan de remboursement initial doit être exceptionnelle et donner lieu à une saisine conjointe de l'AFT et de la direction du budget. »
M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Le plafond de la dette qui existe aux États-Unis est très sérieux : M. Obama a dû demander au Congrès l'autorisation de le dépasser. Là-bas, quelqu'un contrôle... quant à nous, nous augmentons l'encours de notre dette de 60 à 80 milliards par an et personne ne s'en soucie ! Nous devrions instituer un plafond à 1 800 ou 1 900 milliards et nous y tenir. Sinon, jamais nous ne parviendrons pas à un déficit de 2,7 % du PIB en 2017...
M. Vincent Eblé . - Si !
M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Le Gouvernement fait continuellement des fausses promesses. Il faudrait quelque chose qui l'engage, si possible inscrit dans la Constitution, sans quoi nous arriverons un jour à 3 000 milliards de dette !
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État ».
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » ainsi que du compte d'affectation spéciale « Participations de la France au désendettement de la Grèce ».
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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et des comptes spéciaux.