II. UN COMITÉ STRATÉGIQUE DE L'ETAT ACTIONNAIRE QUI TARDE À SE METTRE EN PLACE
En janvier 2014, Pierre Moscovici, alors ministre de l'économie et des finances et Arnaud Montebourg, alors ministre du redressement productif, confirmaient dans une communication en Conseil des ministres sur la stratégie de l'État actionnaire la création prochaine d'un comité stratégique de l'État actionnaire.
Interrogé par votre rapporteur spécial sur le retard pris dans la mise en place de ce comité stratégique, le Gouvernement a répondu que « pour renforcer son rôle d'actionnaire et en éclairer les grands principes d'action, l'État gagnerait à se doter d'un lieu institutionnel d'échange, visant à débattre et à suivre sa politique actionnariale, sur un plan aussi bien stratégique que financier, avec le souci de gérer au mieux des intérêts du pays le portefeuille qui lui a été confié. À cette fin, le Gouvernement travaille aux modalités de mise en place d'un comité stratégique de l'État actionnaire.
« Celui-ci, composé de personnalités indépendantes et qualifiées, aura pour mission d'évaluer dans la durée la stratégie et les objectifs de l'État actionnaire, de l'actualiser si nécessaire, et de juger de la performance de gestion de l'APE. Ce Comité jouera ainsi un rôle précieux pour décrire les options stratégiques du portefeuille dans les principaux secteurs économiques et en définir les orientations. Il constituera un lieu de dialogue utile et de pédagogie nécessaire sur les choix opérés par l'État dans la gestion de ses participations. »
Compte tenu de cette appréciation sur l'utilité d'un tel comité, votre rapporteur spécial s'explique mal les raisons qui conduisent à différer sa mise en place. Il considère par ailleurs qu'au regard de ses missions, et étant détenu à 50% par l'État, Bpifrance pourrait opportunément être intégré au périmètre de ce comité stratégique.
III. LA VALEUR DU PORTEFEUILLE DE L'ÉTAT PÉNALISÉE PAR LES DIFFICULTÉS DU SECTEUR DE L'ENERGIE
Le rapport de l'État actionnaire indique que « sur un an (avril 2014 - avril 2015), la valeur du portefeuille a reculé de 2,3 milliards d'euros à 83,1 milliards d'euros (- 2,73 %), alors que les mouvements de cessions et investissements [...] se sont traduits par une rentrée nette de 127 millions d'euros ». Cette évolution est sensiblement inférieure à celle des marchés actions, le CAC 40 ayant enregistré une croissance 12,46 % sur la même période
Le même rapport explique que, « malgré les excellentes performances de la plupart de ses lignes, le portefeuille de titres cotés a peu bénéficié de la hausse générale des marchés actions en raison de sa composition sectorielle ». En effet, « la valeur du portefeuille est affectée par celle de sa principale participation cotée (EDF) dont le cours a reculé 17,78 % sur un an dans un contexte caractérisé par la baisse des prix de l'énergie en Europe ainsi que sur les incertitudes sur la transition énergétique ».
Votre rapporteur spécial rappelle que la forte hausse constatée sur la période précédente (+ 40,75 % du 30 avril 2013 au 30 avril 2014), s'expliquait déjà principalement par l'évolution du cours d'EDF (+ 97,75 % sur un an), entreprise dont l'État possède 85 % du capital.
De fait, la participation de l'État dans EDF comptait au 30 avril 2015 pour près de 43 % de valeur du patrimoine coté de l'État. Le secteur énergétique (EDF, GDF Suez, Areva) représentait à la même date 61,7 % du portefeuille, qui est donc particulièrement sensible aux difficultés que peut rencontrer ce secteur.
On notera cependant que, si l'indice européen des valeurs du secteur électrique a fortement ralenti sa progression sur la période considérée, il augmente tout de même de 6,82 %. EDF se situe donc nettement en-dessous de son benchmark européen.
L'entreprise cumule en effet plusieurs difficultés : elle doit faire face doit faire face à d'importantes dépenses (travaux sur son parc nucléaire français, projet d'EPR au Royaume-Uni, rachat d'une partie de l'activité d'Areva), alors même que des incertitudes pèsent sur ses ressources et sa rentabilité.
À compter du 1 er janvier 2016, conformément à l'article L. 337-9 du code de l'énergie, les sites des consommateurs dont la puissance de raccordement est supérieure à 36 kVA (tarifs « jaune » et « vert ») ne pourront plus bénéficier des tarifs réglementés d'électricité. Les entreprises concernées devront souscrire un nouveau contrat en offre à prix de marché, avec le fournisseur d'électricité de leur choix. Le prix de marché est actuellement inférieur aux tarifs réglementés.
Pourtant les tarifs réglementés ne permettent pas à EDF de couvrir ses coûts de production d'électricité.
Dans son troisième rapport sur les tarifs de vente réglementée d'électricité, publié le 15 juillet 2015, la commission de régulation de l'énergie (CRE) indique que « l es évolutions tarifaires au 23 juillet 2012 et au 1 er août 2013 ne permettaient pas de couvrir les coûts comptables d'EDF avec rémunération constatés sur les années 2012 et 2013. » La CRE rappelle que « les niveaux de sous-couverture des tarifs avaient occasionné un retard en masse de respectivement 509 millions d'euros et 627 millions d'euros pour ces deux années ».
Le régulateur signale également que « l es tarifs fixés au 1 er août 2013 sont restés en vigueur jusqu'au 31 octobre 2014 ». Durant cette période, « les tarifs ne permettaient toujours pas de couvrir les coûts d'EDF, [...] engendrant de nouveaux rattrapages tarifaires à réaliser sur les exercices tarifaires suivants ».
Pourtant, par une décision du 11 avril 2014 6 ( * ) , le Conseil d'État avait, sur un recours déposé par les fournisseurs d'électricité concurrents d'EDF, annulé l'arrêté du 20 juillet 2012 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité et enjoint au Gouvernement de procéder dans les deux mois à une hausse des tarifs permettant de couvrir rétroactivement le manque à gagner pour EDF.
Or le rattrapage effectué réalisés par les tarifs réglementés de vente sur la période du 1 er novembre 2014 au 31 juillet 2015 ne s'élève qu'à 205 millions d'euros.
C'est pourquoi la CRE a préconisé que l'augmentation du tarif « bleu » d'EDF, plutôt destiné aux particuliers, qui devait intervenir le 1 er août 2015, s'établisse à 8 %, pour un rattrapage sur un an des hausses insuffisantes intervenues par le passé, ou à 3,5 % pour un rattrapage en deux ans. Une hausse de 2,5 % était proposée pour le tarif « jaune », plutôt destiné aux petites entreprises.
L'arrêté du 30 juillet 2015 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité, pris par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et par le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, a finalement fixé la hausse du tarif « bleu » à 2,5 % et a gardé inchangé le tarif « jaune ».
Entre le 31 juillet 2015 et le 30 septembre 2015, le cours de l'action EDF a perdu près de 30 % de sa valeur.
* 6 CE, 11 avril 2014, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), n° 65219.