II. L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE
A. DES ANNONCES DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FAUSSEMENT AMBITIEUSES
La France a souscrit depuis de nombreuses années à l'objectif d'accorder 0,7 % au moins de son RNB à l'aide publique au développement. Ainsi, le rapport annexé à la loi de programmation précitée prévoit que « la France s'appuie sur le consensus de Monterrey, adopté par les Nations unies en 2002, qui fixe l'objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement. »
Cependant cet objectif n'a jamais été respecté et l'échéance à laquelle il le sera n'a pas été précisée dans la loi, celle-ci se contentant de prévoir que « la France reprendra une trajectoire ascendante vers les objectifs internationaux qu'elle s'est fixés dès lors qu'elle renouera avec la croissance ».
Dans ce contexte, le Président de la République a fait deux annonces qui auraient pu susciter un certain espoir.
Le 28 septembre dernier, lors de son intervention au débat général de la soixante-dixième assemblée générale des Nations unies, le Président de la République a annoncé que « les financements annuels de la France pour le climat, qui sont de trois milliards d'euros aujourd'hui, dépasseront cinq milliards d'euros en 2020 », en précisant que cet accroissement ne se ferait pas uniquement sous forme de prêts.
Le même jour, lors du Sommet sur le développement durable à New York, le Président de la République a annoncé que « la France, qui veut toujours montrer l'exemple, [...] a décidé d'augmenter le niveau de l'aide publique au développement pour dégager 4 milliards d'euros de plus à partir de 2020 ». Il est également revenu sur le projet de taxe sur les transactions financières au niveau communautaire, qui pourrait être opérationnelle en 2017, évoquant l'affectation d'une partie de son produit « à la lutte contre les inégalités, les pandémies et le réchauffement ».
Cependant, ces 4 milliards d'euros supplémentaires ne correspondent pas à une hausse de 4 milliards de notre APD au sens de l'OCDE, mais à une augmentation de la capacité annuelle d'octroi de prêts de l'AFD , d'ici 2020. Il n'est pas facile de détermine le niveau d'aide résultant in fine d'un prêt ; néanmoins, on peut calculer que l'effort budgétaire correspondant pour l'État représenterait entre 300 et 550 millions d'euros , selon la façon dont sera financée la bonification du prêt par l'AFD. Cette fourchette est calculée en tenant compte de l'effet de levier moyen des prêts de l'AFD en 2016 (13,5 d'après les documents budgétaires) et en regardant la part des bonifications actuellement financées à travers la « ressource à condition spéciale » (60 %) - c'est-à-dire à travers un prêt très concessionnel accordé à l'État par l'AFD - et celle financée à travers les bonifications du programme 110.
En définitive, l'effort consenti est donc bien inférieur aux 4 milliards d'euros annoncés .
Par ailleurs, le ministre des affaires étrangères a annoncé au Conseil des ministres du 14 octobre dernier que le montant des dons serait « en 2020 supérieur de 370 millions d'euros à ce qu'il est aujourd'hui » (3,38 milliards d'euros en 2013) .
Respecter l'objectif de 0,7 % du RNB impliquerait de doubler notre effort et d'accorder à cette politique 8 milliards d'euros supplémentaires chaque année (9,9 milliards de dollars 3 ( * ) ). On voit donc que les annonces du Président de la République ne sont pas à la hauteur des enjeux. La « France qui veut toujours montrer l'exemple » devrait d'abord s'astreindre à atteindre un niveau d'aide au moins égal à la moyenne des pays du CAD .
S'agissant de l'objectif d'augmenter de 4 milliards d'euros les engagements de l'AFD , celui-ci ne semble pas hors d'atteinte si l'on observe l'évolution récente des engagements du groupe. Ceux-ci sont passés de 1,8 milliard d'euros en 2004 à 3,7 milliards d'euros en 2007 et 7,5 milliards d'euros en 2013 pour atteindre 8 milliards d'euros en 2014 (dont 5,4 milliards d'euros d'activité de l'AFD dans les pays en développement). Les augmenter de 50 % en 6 ans parait donc crédible, d'autant plus que le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts devrait renforcer ses fonds propres et lui permettre d'accorder des prêts plus facilement.
L'adossement de l'AFD à la Caisse des dépôts et consignations Le Président de la République a annoncé le 24 août dernier l'adossement de l'AFD à la Caisse des dépôts et consignations et une mission de préfiguration relative à ce rapprochement a été confiée à Remy Rioux. L'objectif poursuivi serait notamment le renforcement des fonds propres de l'AFD et de lui permettre d'emprunter à des taux plus favorables, ces deux éléments lui permettant d'accorder plus de prêts. |
* 3 Taux de change euro / dollar de la Banque de France pour 2014.