III. LA POSITION DE LA COMMISSION : RENFORCER L'EFFICACITÉ DES PROCÉDURES DÉONTOLOGIQUES ET CONCILIER DROITS DES FONCTIONNAIRES ET PRÉROGATIVES DES EMPLOYEURS
A. RENFORCER L'EFFICACITÉ DU CONTRÔLE DÉONTOLOGIQUE PAR L'HARMONISATION ET LA SIMPLIFICATION DES PROCEDURES
1. Mieux articuler et définir les différents dispositifs déontologiques
Dès lors que le législateur étend à l'ensemble des fonctionnaires des mécanismes de prévention des conflits d'intérêts qui ne trouvaient à s'appliquer qu'à ceux exerçant des emplois à la discrétion du Gouvernement (préfets, directeurs d'administration centrale, etc .), il n'y a pas lieu de multiplier les régimes applicables , source de confusions et d'inégalités de traitement. Votre commission s'est donc attachée, sous réserve de certaines spécificités des fonctionnaires et magistrats, à appliquer les règles qui ont été arrêtées par le Parlement lors de l'élaboration de la loi du 11 octobre 2013 précitée.
a) Conforter le « droit commun de la déontologie »
La commission des lois a tout d'abord souhaité consacrer sur le plan législatif le devoir de réserve (article 1 er ), principe ancré de longue date dans la jurisprudence et rappelant la nécessité pour un fonctionnaire de s'exprimer avec tact et retenue.
Dans le même esprit, elle a explicitement prévu la possibilité pour le supérieur hiérarchique de s'autosaisir en présence d'un risque de conflits d'intérêts et de demander de lui-même au fonctionnaire concerné de se décharger du dossier (article 2).
En outre, votre commission a veillé à coordonner au sein d'un même article du statut général le dispositif (existant) de lanceurs d'alerte en matière pénale et celui relatif aux conflits d'intérêts (créé par le présent texte) (article 3).
D'un point de vue institutionnel, la commission des lois a approuvé le choix de l'Assemblée nationale visant à ce que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ( HATVP ) soit dotée des mêmes prérogatives pour le contrôle des déclarations des fonctionnaires que pour celui des déclarations des responsables politiques (article 4).
Elle a également jugé opportun l' élargissement des compétences et le renforcement des prérogatives de la commission de déontologie de la fonction publique (article 8).
Votre rapporteur avait proposé d'aller plus loin en prévoyant l'intégration au 1 er janvier 2019 de la commission de déontologie au sein de la HATVP, cette solution organisationnelle présentant l'avantage de l'efficacité et de la lisibilité en unifiant les missions relatives à la déontologie au sein de la Haute Autorité.
En effet, dans le dispositif proposé par le Gouvernement, cette dernière est appelée à examiner les déclarations d'intérêts des fonctionnaires mais il appartiendrait à la commission de déontologie de se prononcer sur des situations individuelles posant des difficultés déontologiques, au prix d'éventuelles divergences d'appréciation.
Au terme d'un débat approfondi, votre commission a toutefois considéré qu'il convenait, avant cette extension des compétences de la HATVP, de dresser un premier bilan de son action depuis sa création par la loi du 11 octobre 2013.
En outre, votre commission s'est interrogée sur la pertinence de confier les missions de la commission de déontologie à une autorité administrative indépendante alors que les questions déontologiques au sein de la fonction publique relèvent, avant tout, de la gestion administrative du service.
Enfin, elle a souligné les incertitudes relatives à la possibilité pour les fonctionnaires de former un recours contre les décisions de la Haute Autorité.
C'est pourquoi, à ce stade, votre commission n'a pas retenu cette proposition d'intégration de la commission de déontologie dans la HATVP.
b) Prévenir tout risque d'intrusion excessive dans la vie privée des fonctionnaires
Votre commission a veillé à assurer la constitutionnalité des dispositifs déontologiques du présent projet de loi. Dans cette optique, elle a retenu plusieurs propositions de son rapporteur visant à concilier la prévention des conflits d'intérêts, d'une part, et le respect du droit à la vie privée 24 ( * ) , d'autre part.
La commission des lois a ainsi écarté le dispositif qui prévoyait de verser la déclaration d'intérêts au dossier du fonctionnaire . De même, à l'initiative de son rapporteur, elle a circonscrit plus précisément le périmètre des fonctionnaires tenus de confier la gestion de leurs instruments financiers à des tiers : seraient concernés non plus les fonctionnaires exerçant des missions ayant « une incidence en matière économique » - formule relativement large au regard de l'objectif poursuivi - mais seulement ceux exerçant des « responsabilités en matière économique ».
Enfin, si elle a souscrit à la transmission de la déclaration d'intérêts préalablement à la nomination pour éclairer le choix de l'employeur public, votre commission a souhaité que l'envoi de la déclaration de situation patrimoniale soit requis dans un délai de deux mois après la nomination , solution qui prévaut actuellement pour les responsables politiques. En effet, il ne semble pas opportun de contraindre tous les candidats à une nomination à transmettre une telle déclaration dans la mesure où cette dernière vise uniquement à contrôler l'évolution du patrimoine durant l'exercice des fonctions publiques et non antérieurement à celles-ci (article 4).
2. Harmoniser et préciser les règles applicables aux magistrats administratifs et financiers
Votre commission a souhaité harmoniser les règles déontologiques applicables aux magistrats administratifs et financiers avec celles adoptées par le Sénat en novembre dernier pour les magistrats judiciaires 25 ( * ) . Si elle n'a pas remis en cause l'économie générale du projet de loi sur ce point, qu'elle a globalement approuvée (articles 9 bis à 9 nonies ), elle a veillé à la simplifier, à la clarifier et à améliorer sa lisibilité.
En matière de déclaration d'intérêts , votre commission a prévu que sa transmission à l'autorité supérieure devait précéder l'entretien déontologique - lequel devrait faire l'objet d'un compte rendu - , de façon à servir de support et de cadre à cet entretien. Elle a également prévu, pour les membres du Conseil d'État et de la Cour des comptes, que la transmission de la déclaration au collège de déontologie ne devrait pas être systématique , le collège n'étant saisi qu'en cas de doute du supérieur, de façon à ne pas faire du collège une instance de contrôle mais à conserver sa mission d'avis et de conseil.
Votre commission a également clarifié les règles de déport en cas de conflit d'intérêts et a instauré un serment pour les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Sur proposition de son rapporteur, elle a également réintroduit à l'article 23 bis la réforme des conseillers d'État en service extraordinaire pour poursuivre le processus de diversification des membres de cette juridiction.
* 24 Droit qui bénéfice, pour mémoire, d'une protection constitutionnelle en vertu de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.
* 25 Cf. le projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats dont le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl14-660.html.