B. LA LÉGISLATION EUROPÉENNE SUR LE MERCURE ET SES COMPOSÉS
1. Une utilisation déjà fortement encadrée
Le lancement par l'Union européenne d'une stratégie sur le mercure en 2005 a conduit à l'adoption de nombreux règlements relatifs à l'utilisation et au commerce du mercure. Ces règlements s'appliquent directement au niveau national.
Le règlement CE n°1102/2008 du 22 octobre 2008 relatif à l'interdiction des exportations de mercure métallique et de certains composés et mélanges de mercure et au stockage en toute sécurité de cette substance est le seul règlement qui porte spécifiquement sur ce métal . Il interdit, à partir du 15 mars 2011, les exportations, à partir de l'Union européenne, de mercure métallique et de certains composés - le mercure métallique (Hg), le minerai de cinabre, le chlorure de mercure (Hg2Cl2), l'oxyde de mercure (HgO) - et les mélanges de mercure métallique avec d'autres substances dont la teneur atteint 95 % de la masse. Les exportations à des fins de recherche et développement, à des fins médicales ou d'analyses ne sont toutefois pas visées par ces dispositions.
Par dérogation aux dispositions de la directive 1999/31/CE du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets qui interdit précisément la mise en décharge des déchets liquides - le mercure métallique est une substance liquide dans des conditions normales de température et de pression - ce règlement prévoit également, qu'à partir de cette date, les déchets de mercure peuvent être stockés temporairement ou de façon permanente dans une mine de sel souterraine adaptée, ou dans des formations profondes, souterraines et rocheuses; ou bien temporairement dans une installation de surface exclusivement consacrée au stockage du mercure métallique avant son élimination définitive. Il précise toutefois qu'aucun stockage définitif de déchets de mercure métallique ne peut être autorisé avant la mise à jour des annexes de la directive 1999/31/CE. Or si cette mise à jour a été faite par la décision 2011/97, elle ne concerne que le stockage temporaire de déchets de mercure métallique. Ce texte indique que le mercure issu de certaines activités industrielles doit être considéré comme un déchet et devra être stocké dans des conditions qui garantissent la sécurité de la santé humaine et de l'environnement. Les activités industrielles concernées sont l'industrie du chlore et de la soude, l'épuration du gaz naturel, les opérations d'extraction et de fusion des métaux non ferreux ainsi que l'extraction du minerai de cinabre dans l'Union européenne.
D'autres instruments de l'Union contiennent des dispositions ad hoc concernant le mercure et ses composés, et permettant d'encadrer, voire de restreindre ou interdire leur utilisation.
Le règlement UE n°649/2012 du 4 juillet 2012 concernant les exportations et importations de produits chimiques dangereux, qui vise à mettre en oeuvre la convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international, impose l'utilisation de cette procédure en cas d'importation de mercure au sein des États membres de l'Union européenne.
De même, le règlement CE n°1272/2008 du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, qui fixe des prescriptions uniformes relatives à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances chimiques et des mélanges conformément au système général harmonisé (SGH) des Nations unies, s'applique au mercure et aux composés du mercure.
Le règlement CE n°1907/2006 du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (dit REACH , acronyme de « Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals ») et instituant une Agence européenne des produits chimiques , qui fournit un cadre législatif complet en matière de fabrication et d'utilisation des produits chimiques en Europe, s'applique aussi au mercure et à ses composés. Son annexe XVII présente des restrictions applicables à la fabrication, à la mise sur le marché et à l'utilisation de certaines substances dangereuses et de certains mélanges et articles dangereux dont certaines visent spécifiquement le mercure et ses composés. Cette annexe a été modifiée par le règlement (UE) n° 552/2009, qui a notamment permis l'insertion des dispositions de la directive 2007/51/CE modifiant la directive 76/769/CEE concernant la limitation de la mise sur le marché de certains dispositifs de mesure contenant du mercure, ainsi que par le règlement (UE) 847/2012 du 19 septembre 2012. Elle interdit que le mercure soit utilisé dans les thermomètres médicaux ainsi que dans d'autres dispositifs de mesures destinés à la vente au grand public (manomètres, baromètres, sphygmomanomètres, thermomètres) ainsi qu'en tant que substance ou dans des mélanges destinés à empêcher la salissure par micro-organismes, plantes ou animaux sur des équipements immergés ; à protéger le bois ; à imprégner des textiles lourds industriels et des fils destinés à leur fabrication ou à traiter des eaux industrielles.
D'autres instruments juridiques sectoriels viennent s'ajouter à ces dispositions, dont :
- la directive 2006/66/CE du 6 septembre 2006 relative aux piles et accumulateurs ainsi qu'aux déchets de piles et d'accumulateurs qui exige des États qu'ils interdisent la mise sur le marché des piles avec plus de 0,0005% de mercure à l'exception des piles boutons avec moins de 2% en poids de mercure (exception ensuite limitée au 1 er octobre 2015 par la directive 2013/56/UE), et qu'ils développent des dispositions sur le recyclage de ces piles et encouragent le développement de piles sans mercure ;
- la directive 2011/65/UE du 8 juin 2011 relative à la limitation de l'utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques (EEE) qui dispose que les États membres veillent à ce que les EEE contenant plus de 1 % de mercure en poids, ne soient pas mis sur le marché, même si des exceptions pour différents types de lampes, de détecteurs ou appareils de mesure sont prévues ;
- la directive 2000/53/CE du 18 septembre 2000 relative aux véhicules hors d'usage selon laquelle les États membres veillent à ce que les matériaux et les composants des véhicules mis sur le marché après le 1 er juillet 2003 ne contiennent pas de mercure, sous réserve de certaines exceptions pour certains équipements et que tous les équipements contenant du mercure soient retirés lors des traitements de dépollution.
Les dispositions de ces trois directives ont été transposées dans le code de l'environnement, partie règlementaire.
De plus, le règlement CE n°1223/2009 du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques interdit l'utilisation du mercure et de ses composés à l'exception de quelques utilisations dans des produits pour la zone oculaire.
Les émissions de mercure par les installations industrielles font l'objet de la directive 2010/75/UE du 24 novembre 2010 sur les émissions industrielles, dite « IED ». Cette directive a pour objectif de parvenir à un niveau élevé de protection de l'environnement grâce à une prévention et à une réduction intégrée de la pollution provenant d'un large éventail d'activités industrielles et agricoles citées dans son annexe I. Pour cela, elle prévoit que les conditions d'autorisation de ces activités doivent être fondées sur les meilleures techniques disponibles (MTD) afin de prévenir toutes les pollutions possibles. Ces MTD doivent être élaborées dans le cadre de documents de référence appelés BREF, « Best available techniques REFerence document », qui couvrent les différents secteurs d'activité et sont opposables aux tiers quatre ans après leur publication.
Ces « BREF » peuvent contenir des dispositions relatives au mercure. Ainsi, dans le cadre du BREF pour la production de chlore-alcali, la décision d'exécution 2013/732/UE stipule que la technique de l'électrolyse à mercure ne peut en aucun cas être considérée comme appartenant aux MTD. Elle prévoit d'interdire l'utilisation de cathodes à mercure avant fin 2017. D'autres BREF prévoient des dispositions relatives aux valeurs limites d'émissions du mercure, notamment pour la production de ciment, chaux, et magnésie, dont les conclusions ont été adoptées par la décision 2013/163/UE.
La « directive IED » contient également des dispositions techniques applicables directement à certains secteurs d'activité. L'annexe VI prévoit ainsi des valeurs limites d'émission et de rejet du mercure et de ses composés dans l'air et dans l'eau pour les installations d'incinération et de co-incinération des déchets.
Le règlement CE n°166/2006 du 18 janvier 2006 concernant la création d'un registre européen des rejets et des transferts de polluants permet aussi le suivi des émissions industrielles. Les rejets sont rapportés quand le niveau d'émission des polluants dépasse certains seuils et résultent d'une des 65 activités visées à l'annexe I. La plupart de ces activités sont également réglementées au titre de la directive sur les émissions industrielles et comprennent, notamment, les établissements couverts par les secteurs de la production énergétique, de l'industrie minérale, de l'industrie chimique, de la gestion des déchets et des eaux usées, et de la fabrication et de la transformation du papier et du bois. S'agissant du mercure et de ses composés, les seuils sont fixés à 10kg/an dans l'air et 1kg/an dans le sol et l'eau.
La directive 1999/31/CE du Conseil précitée concernant la mise en décharge de déchets, c'est-à-dire leur enfouissement dans le sol, vise à prévenir, ou à réduire autant que possible, les effets négatifs de la mise en décharge des déchets sur les eaux de surface, les eaux souterraines, le sol, l'air ou la santé humaine, en introduisant des exigences techniques strictes. Ses annexes I à III précisent les critères spécifiques applicables au stockage du mercure métallique considéré comme un déchet. Elle a été modifiée par la directive 2011/97/UE.
2. Des aménagements à la marge de la législation européenne : le « paquet mercure »
La Commission européenne a communiqué, le 2 février 2016, sa proposition de paquet législatif « mercure » visant à permettre à l'Union européenne d'être en totale conformité avec la convention de Minamata, de mettre à jour ses règlements sur le mercure, et de lancer le processus de ratification par l'Union européenne. Ce paquet « mercure » est composé d'une nouvelle proposition législative, et d'une proposition de décision de ratification.
Étant donné l'ampleur de l'acquis de l'Union sur le mercure et compte tenu du fait que la convention de Minamata s'inspire largement de la législation européenne, la Commission considère que les interventions législatives nécessaires à la ratification de la convention sont assez limitées . Elle indique toutefois qu'il ressort de l'évaluation de l'acquis de l'Union que certaines lacunes réglementaires existent et doivent être corrigées afin de garantir une mise en adéquation complète de la législation de l'Union avec la convention. Ces lacunes portent sur :
- l'importation de mercure ;
- l'exportation de certains produits contenant du mercure ajouté ;
- l'utilisation du mercure dans certains procédés de fabrication ;
- les nouvelles utilisations du mercure dans les produits et les procédés de fabrication ;
- l'utilisation du mercure pour l'extraction minière artisanale et à petite échelle d'or ;
- et l'utilisation du mercure dans les amalgames dentaires.
La Commission considère que le règlement 1102/2008/CE, seul acte juridique de l'Union portant spécialement sur le mercure, devrait être utilisé comme base à cet effet. Toutefois, compte tenu de la nature et de l'étendue des modifications à apporter à ce règlement et de la nécessité de renforcer cohérence et clarté juridique, elle précise qu'il s'agira d'adopter un nouvel acte législatif abrogeant le règlement de 2008, le remplaçant et reprenant les obligations de fond qui demeurent nécessaires. Elle prévoit d'y ajouter de nouvelles dispositions qui correspondent pour l'essentiel aux changements minimums à apporter pour permettre la ratification. Certaines dispositions un peu plus strictes toutefois vont au-delà de la convention de Minamata, comme celles relatives aux nouvelles utilisations du mercure et aux amalgames dentaires.
Selon les services du ministère des affaires étrangères et du développement international 3 ( * ) , la proposition de nouveau règlement de la Commission s'articule autour des grandes dispositions suivantes :
- les restrictions au commerce et à la fabrication de mercure, de composés du mercure et de produits contenant du mercure ajouté : en plus de l'interdiction d'exportation déjà existante, le projet prévoit d'interdire les importations à d'autres fins que l'élimination du mercure en tant que déchet, ainsi qu'une procédure pour d'éventuelles dérogations. En outre, l'exportation, l'importation et la fabrication dans l'Union européenne d'une liste de produits contenant du mercure ajouté devraient être interdites à partir du 1 er janvier 2021 ;
- les restrictions, voire l'interdiction de l'utilisation du mercure et de ses composés dans des processus de fabrication industriels, ainsi que l'interdiction de l'utilisation dans les nouveaux produits ou procédés de fabrication après le 1 er janvier 2018 ;
- la réduction de l'utilisation du mercure dans l'extraction minière artisanale et à petite échelle d'or ; en pratique ces dispositions ne sont applicables qu'en France, seul État membre à être concerné par cette activité, sur le territoire de la Guyane ;
- la restriction de l'utilisation d'amalgames dentaires contenant du mercure aux seules formes encapsulées et l'obligation pour les praticiens dentistes de mettre en place des séparateurs d'amalgame pour permettre le traitement des déchets d'amalgame ;
- et le stockage et l'élimination des déchets de mercure pour lesquelles les dispositions reprennent largement celles du règlement de 2008 mais ont pour distinction majeure de permettre le stockage permanent en sous-sol, sous forme liquide, de déchets de mercure.
Le « paquet mercure » a été transmis au Conseil et au Parlement européen. Les travaux ont débuté sous l'impulsion de la Présidence néerlandaise qui souhaite avancer vite sur ce dossier et arriver à une position du Conseil d'ici la fin juin. En revanche, les négociations n'ont pas encore débuté au Parlement européen. La Commission considère que les négociations sur ce texte devraient pouvoir être finalisées avant la fin de l'année 2016, permettant une ratification de l'Union européenne, début 2017.
* 3 Source : réponses au questionnaire écrit de la commission.