EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 25 octobre 2016 sous la présidence de M. Richard Yung, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Marc Laménie, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et articles 53 à 55) et entend une communication sur son contrôle budgétaire relatif à l'Institution nationale des Invalides (INI)).
M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » comporte trois programmes : le programme 167, qui porte essentiellement sur les crédits de la Journée « défense et citoyenneté » (la JDC) et des opérations commémoratives promues par le secrétariat d'État ; le programme 169, le plus important, qui finance les différentes prestations versées aux invalides et anciens combattants et le programme 158, qui implique les services du Premier ministre et réunit les moyens nécessaires à la réparation des spoliations et des actes de nature antisémite et de barbarie commis pendant le second conflit mondial.
Au total, les crédits de la mission s'élèvent à 2,554 milliards d'euros, dont 2,448 milliards d'euros au titre des dépenses d'intervention, ce qui atteste de la vocation de la mission d'être un réservoir de transferts en faveur du monde combattant. Ce réservoir est principalement logé dans le programme 169, qui réunit 2,4 milliards d'euros de crédits destinés à honorer un certain nombre de droits, au premier rang desquels la dette viagère à hauteur de 1,9 milliard d'euros. Il s'agit de la retraite du combattant (748,5 millions d'euros) et des pensions militaires d'invalidité (1,147 milliard d'euros). Ce programme comprend également les financements des soins gratuits (32,6 millions d'euros), des remboursements des prestations de sécurité sociale aux invalides de guerre pour les prestations non prises en charge gratuitement (85,2 millions d'euros), et des coûts des majorations des rentes mutualistes, qui pèsent à hauteur de 253,5 millions d'euros, somme assez considérable quand on la compare aux dépenses des retraites versées aux combattants.
Le programme 167 totalise 37,9 millions d'euros, dont 15,7 millions d'euros pour financer la Journée « défense et citoyenneté » (JDC), tandis que le programme 158 bénéficie d'environ 100 millions d'euros.
Le projet de budget fait ressortir une baisse des crédits de 2,6 % en crédits de paiement, soit une économie de 67 millions d'euros. Cette baisse est concentrée sur les dépenses d'intervention du programme 169.
Enfin, le budget ne rend pas compte de la totalité de l'effort financier en faveur des anciens combattants : hormis une centaine de millions d'euros provenant d'autres missions, quasi exclusivement pour financer le déroulement de la JDC, il faut encore compter avec des dépenses fiscales estimées cette année à 751 millions d'euros, qui augmentent les crédits de la mission de près de 30 %.
Concernant les dépenses fiscales, ma première observation tend à en faire ressortir l'importance dans l'ensemble des transferts consentis au bénéfice des anciens combattants. Notre commission s'était interrogée dans le passé sur leur poids et sur l'opportunité d'attribuer aux différentes dépenses fiscales un si grand rôle dans l'expression de la solidarité avec le monde combattant. Certaines dépenses fiscales et sociales consenties aux anciens combattants ne sont toujours pas recensées dans le projet annuel de performances. La Cour des comptes l'avait déploré. J'ai interrogé le ministère sur ce point, et les réponses fournies, éclairantes pour certaines, ne m'apparaissent pas entièrement satisfaisantes. Je vous propose de porter notre attention sur ce point dans l'année à venir d'autant que, traditionnellement, les dépenses fiscales connaissent un certain dynamisme, qui contraste avec les crédits budgétaires.
Ma deuxième observation concerne les économies programmées sur ces crédits. Elles se montent à 67 millions d'euros, ce qui est loin d'être négligeable. C'est traditionnellement à une sorte de « dividende démographique » qu'elles sont dues. De nombreuses prestations voient naturellement la population de bénéficiaires se réduire. Cette année encore, il est prévu que les titulaires des pensions militaires d'invalidité (PMI) et de la retraite du combattant se contractent de près de 5 % pour chacune de ces catégories. Or, les crédits ne baissent pas à due proportion. Si l'on se limite aux PMI et à la retraite du combattant, la seule variation démographique aurait dû permettre près de 100 millions d'euros d'économies. Le projet de budget n'en programme que la moitié. Ce décalage s'explique par des mesures qui atténuent l'ampleur du dividende démographique. Il ne s'agit pas tant des mesures des articles rattachés à la mission, puisque leur montant ne dépasse pas 800 000 euros. Les 50 millions d'euros d'écart sont en réalité essentiellement le résultat d'une mesure directe : l'attribution de deux fois deux points aux titulaires de la retraite du combattant et d'un enchaînement qui, au travers du « rapport constant » liant la valeur des prestations dont il s'agit à l'indice INSEE, dit « grille des salaires », transmet les revalorisations salariales de la fonction publique aux principales prestations de la mission. En 2017, le coût de la revalorisation de la retraite du combattant s'élèvera à 27,4 millions d'euros, tandis que le second mécanisme enclenché majoritairement avec la revalorisation de l'indice de la fonction publique, à deux reprises - 0,6 % en juillet 2016, puis en février 2017 -implique un coût de 39,8 millions d'euros pour l'ensemble des prestations indexées.
En raison du calendrier, ces mesures auront des effets plus importants encore sur les charges de la mission considérées en année pleine. Les points attribués à la retraite du combattant représentent une augmentation de plus de 8 % en année pleine soit, selon certaines hypothèses, près de 65 millions d'euros, qui joueront à la hausse sur les dotations en 2018. Par comparaison, il faut mentionner que les pensions civiles devraient faire l'objet d'une revalorisation de 0,6 % en octobre 2017. En outre, si les PMI sont revalorisées du fait du rapport constant, cette indexation sera nettement plus modérée que pour ce qui concerne la retraite du combattant, discordance évidemment discutable. On peut parler d'un sérieux coup de pouce. Cependant, il ne suffira pas à effacer les pertes de pouvoir d'achat subies par tous les titulaires des droits liés à la valeur du point PMI, qui sert de base au calcul de leur paiement. Si celui-ci avait été indexé sur l'inflation depuis 2011, il aurait atteint 14,64 euros en 2015, contre les 14,04 euros observés et les 14,36 euros prévus en 2017 résultant de la revalorisation entreprise.
Ma première observation porte sur la JDC, sur laquelle notre commission a rendu un rapport en cours d'année. Toutes les préconisations formulées ne sont pas encore traduites dans les faits. L'une, qui me tient à coeur, semble toutefois devoir être prise en compte : la JDC, en plus de sa raison d'être, qui est de sensibiliser les jeunes aux affaires de défense, doit mieux faire que ce qu'elle fait déjà en termes de remédiation au décrochage de certains jeunes : entre 100 000 et 150 000 jeunes sortent sans bagage du système scolaire chaque année. C'est vraiment une cause nationale que de s'attaquer à ce problème. La JDC permet d'identifier les vrais décrocheurs, qui sont reçus en entretien et se voient proposer des filières de requalification. Il faut que cette action soit beaucoup plus vigoureuse. L'idée de transformer la direction du service national en direction du service national et de la jeunesse, en cours d'étude, doit être le premier pas vers une amplification des suites données à la JDC.
Ma dernière observation concerne le programme 158 et, en particulier, les missions de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS). Je souhaite que les dossiers nombreux qu'il lui faut encore traiter au titre de l'indemnisation des victimes d'actes de barbarie permettent d'avancer rapidement vers la résorption d'un stock trop élevé. Il convient aussi de mieux traduire les recommandations formulées par la mission de la commission de la culture et, en particulier, par sa rapporteure, pour que, au-delà de l'indemnisation stricto sensu , la réparation puisse prendre la forme de restitutions. À cet égard, il faudra sans doute surmonter des questions d'organisation, mais aussi prévoir les crédits nécessaires à des recherches concrètes plus actives. Au bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter les crédits de la mission sans modification.
J'en viens maintenant à la présentation des articles 53 à 55 rattachés.
L'article 53 introduit un nouveau cas de majoration des pensions de réversion pour les conjoints survivants. En l'état, les majorations sont accordées sous condition d'âge, un ayant droit de moins de 40 ans n'y ayant pas vocation, sauf à connaître un état de santé très dégradé. L'article prévoit d'élargir ce droit aux ayants droit de moins de 40 ans ayant au moins un enfant à charge. La mesure bénéficierait à 105 personnes, pour un coût de 130 000 euros par an. Je propose d'adopter cet article.
L'article 54 majore de 100 euros les différentes allocations spécialement accordées aux supplétifs et à leurs ayants droit. Cette mesure coûterait 570 000 euros. La situation des harkis s'en trouverait davantage améliorée que celle d'autres combattants des mêmes conflits. Malgré cette asymétrie, il faut aussi tenir compte des difficultés particulières rencontrées par cette population. Je suis donc favorable à cet article.
Enfin, l'article 55, qui représente 100 000 euros, complète la liste des fonctionnaires exerçant des missions au service de la sécurité du pays et ayant fait preuve d'un courage particulier dans des situations d'agression dont le décès justifie une majoration de pension pour les ayants droit survivants. Les militaires décédés sur le territoire national hors ceux de la gendarmerie nationale n'entrent pas jusqu'à présent dans cette liste. Il s'agit de réparer une omission, ce qui, compte tenu des conditions d'engagement actuelles des soldats sur le territoire national, est hélas très justifié. Je préconise l'adoption de cet article.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Comme vous, monsieur le rapporteur spécial, je regrette que la totalité de l'effort de la Nation à l'égard du monde combattant ne soit pas retracée dans cette mission, notamment en ce qui concerne les dépenses fiscales. Je l'avais d'ailleurs dit dans mon rapport sur l'exécution budgétaire en 2015.
M. Jean-Baptiste Lemoyne , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - Que dire après cet excellent rapport, sauf à faire du psittacisme, d'autant que la commission des affaires sociales se retrouve dans la plupart des propos tenus ?
Nous partageons votre analyse sur la JDC qui doit se recentrer sur les notions de défense.
La commission des affaires sociales s'est intéressée à la quatrième génération du feu, qui prend une importance croissante, même si elle reste embryonnaire du fait de l'âge des intéressés. La diminution démographique des générations précédentes ne se poursuivra pas car, dans quelques années, nous verrons arriver les 150 000 personnes qui auront été en opérations extérieures. Il est du devoir de la Nation de toujours mieux les accompagner, notamment lorsque les soldats sont blessés. Ils bénéficient alors de l'ONAC. Cela nous conduit à réfléchir sur les missions de cet organisme, avec une meilleure prise en compte de ce nouveau public.
Depuis 2007, le Sénat demandait la revalorisation de deux fois deux points de la retraite du combattant. Avec ce projet de loi de finances, c'est chose faite.
Enfin, les articles 53, 54 et 55 répondent à des situations spécifiques, même si les montants en jeu restent modestes.
M. Claude Raynal . - Ce budget consacre la revalorisation de la retraite du combattant. Toutes les associations d'anciens combattants s'en félicitent.
Les montants sont certes symboliques mais satisfont les personnes qui vont en bénéficier. Ainsi, la pension des ayants droit des militaires tués dans l'exercice de leur fonction va doubler : en d'autres termes, le salaire sera maintenu. Ces aides sont essentielles pour celles et ceux qui en profiteront. Il importait que la Nation consente un effort en faveur de ces populations ; c'est chose faite, et nous nous en félicitons tous.
M. Jean-Claude Requier . - Je salue la hausse de deux fois deux points de la retraite des anciens combattants.
Les pilotes de Rafale et les personnes qui servent sur le Charles-de-Gaulle sont-ils considérés comme anciens combattants ?
M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - Je remercie le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour son intervention.
L'ONAC-VG joue un rôle social important dans tous nos départements.
Sont déclarés anciens combattants tous ceux qui ont connu l'épreuve du feu.
M. Richard Yung , président . - Nous allons nous prononcer sur la mission et les articles attachés.
À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ainsi que les articles 53, 54 et 55.
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Réunie à nouveau le jeudi 24 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.