AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La commission de la culture, de l'éducation et de la communication est saisie de la proposition de résolution n° 104 (2016-2017) sur la reconnaissance de l'enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l'avenir, déposée le 4 novembre 2016 par Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Michel Billout, Éric Bocquet et leurs collègues, en application de l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat et rejetée par la commission des affaires européennes lors de sa réunion du 1 er décembre 2016 1 ( * ) .
Ce texte pose la question du financement de l'enseignement supérieur en Europe , déjà largement abordée, s'agissant de la France, au cours de nos récents débats budgétaires en commission 2 ( * ) .
Quels sont les besoins de financement à l'horizon 2025 de l'enseignement supérieur européen, face à la massification des effectifs et dans un contexte de concurrence internationale accrue ? Quelle répartition de financements publics et privés serait à même de répondre à cette ambition ?
Telles sont les questions, lourdes d'enjeux d'avenir pour notre continent, que nous pose cette proposition de résolution européenne.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution qui autorise l'adoption de résolutions européennes par l'une ou l'autre des assemblées parlementaires, la présente proposition de résolution européenne, déposée par Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Michel Billout, Éric Bocquet et leurs collègues, invite le Gouvernement à proposer :
- « que l'Union et les États membres s'engagent à reconnaître l'enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à leur avenir et retiennent un objectif de 2 % du PIB 3 ( * ) pour les dépenses d'enseignement supérieur à l'horizon 2025 » ;
- « que les dépenses publiques d'enseignement supérieur ne soient pas prises en compte dans le calcul des déficits publics des États membres ».
Cette proposition reprend très directement l'une des propositions-phares du comité de la StraNES 4 ( * ) en matière de financement de l'enseignement supérieur : « porter au niveau européen (...) un objectif global de dépenses de 2 % du PIB pour l'enseignement supérieur. En complément, les dépenses d'enseignement supérieur et de recherche doivent être reconnues comme un investissement pour l'avenir, donc exclues du calcul des déficits publics » 5 ( * ) .
Elle comporte donc trois éléments distincts sur lesquels votre rapporteur portera tour à tour son analyse :
- la nécessité d'une reconnaissance de l'enseignement supérieur comme « un investissement nécessaire à l'avenir » (I) ;
- l'objectif d'amener les dépenses d'enseignement supérieur à 2 % du PIB européen à l'horizon 2025 (II) ;
- la création d'une dérogation au calcul des déficits publics des États membres pour les dépenses d'enseignement supérieur et de recherche (III).
I. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, UN INVESTISSEMENT D'AVENIR
Votre commission partage le souhait des auteurs de la proposition de résolution européenne que l'enseignement supérieur soit reconnu, par l'Union comme par les États membres, comme un « investissement nécessaire à leur avenir ». Cette reconnaissance est d'ailleurs très largement effective aujourd'hui, tant au niveau de l'Union européenne que de notre propre pays.
A. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, UN ENJEU D'AVENIR AU NIVEAU EUROPÉEN
Si l'éducation, en général, et l'enseignement supérieur, en particulier, étaient largement absents des premiers textes fondateurs de la Communauté européenne 6 ( * ) , depuis, d'importantes avancées ont été réalisées 7 ( * ) , la plupart à la fin du siècle dernier :
- en 1971, les ministres de l'éducation s'accordent sur le principe d'une coopération en matière d'éducation ;
- en 1976, un programme d'action est défini afin de parvenir à une meilleure connaissance des systèmes éducatifs en Europe et de renforcer leurs relations ;
- en 1987, le programme Erasmus est créé 8 ( * ) ;
- en 1998 , la « Déclaration de la Sorbonne » pose les fondements d'une harmonisation de l'architecture du système européen d'enseignement supérieur ;
- en 1999 , la « Déclaration de Bologne » définit les principes devant conduire à la création d'un espace européen de l'enseignement supérieur avant 2010 et enclenche le « processus de Bologne » qui sera couronné par le lancement officiel de l'espace européen de l'enseignement supérieur en 2010 ;
- en 2000 , la « Stratégie de Lisbonne » est adoptée, avec l'objectif de faire de l'Union européenne, en 2010, « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable » ; l'objectif est alors de porter les investissements dans la recherche de 1,8 à 3 % du PIB européen en 2010 ;
- en 2010 , la stratégie « Europe 2020 » succède à la stratégie de Lisbonne. En dépit d'un contexte de raréfaction des ressources budgétaires, l'ambition de consacrer 3 % de leur PIB à la recherche est réaffirmée par les États membres. La stratégie « Europe 2020 » comporte, en outre, un volet éducatif important avec, notamment, la définition d'un objectif d'au moins 40 % de diplômés de l'enseignement supérieur parmi les 30-34 ans. Cette stratégie a été confortée et précisée lors de la conférence ministérielle d'Erevan en 2015 9 ( * ) .
Cependant n'oublions pas que les compétences de l'Union en matière d'éducation et a fortiori d'enseignement supérieur, demeurent limitées : aucun dispositif de contrainte n'existe à l'encontre des États en cette matière.
Le texte du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) est très clair à cet égard. Il prévoit que « l'Union contribue au développement d'une éducation de qualité en encourageant la coopération entre États membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leur action tout en respectant pleinement la responsabilité des États membres pour le contenu de l'enseignement et l'organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique » 10 ( * ) .
Pour contribuer à la réalisation de ces objectifs, « le Parlement européen et le Conseil (...) adoptent des actions d'encouragement , à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres » 11 ( * ) et « le Conseil adopte, sur proposition de la Commission, des recommandations » 12 ( * ) . Les dispositions sont les mêmes 13 ( * ) s'agissant de la formation professionnelle.
* 1 Voir rapport n° 179 (2016-2017) de Mmes Colette Mélot et Patricia Schillinger, fait au nom de la commission des affaires européennes.
* 2 Voir débats en commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur les crédits de la Mission interministérielle « Recherche et Enseignement supérieur », inscrits au projet de loi de finances pour 2017.
* 3 Produit intérieur brut.
* 4 Stratégie nationale de l'enseignement supérieur.
* 5 « Pour une société apprenante », rapport du comité pour la StraNES, septembre 2015, p. 20.
* 6 Seule la formation professionnelle était mentionnée dans le Traité de Rome.
* 7 Pour une analyse plus complète, voir « Enseignement et recherche : l'Europe continue-t-elle de former les élites mondiales ? », Septième conférence des Entretiens sur l'Europe, Conseil d'État, 14 septembre 2016.
* 8 On connaît son remarquable succès : on estime à plus de 3 millions le nombre d'étudiants qui en ont bénéficié depuis sa création.
* 9 La prochaine conférence ministérielle aura lieu en 2018, organisée par la France.
* 10 Article 165-TFUE (notre souligné).
* 11 Notre souligné.
* 12 Notre souligné.
* 13 Article 166-TFUE.