N° 333

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 janvier 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE),

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Sénat :

231 et 334 (2016-2017)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 25 janvier 2017, sous la présidence de M. Philippe Bas, président , la commission des lois a examiné le rapport de M. Alain Vasselle et établi son texte sur la proposition de loi n° 231 (2016-2017), présentée par M. Alain Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain, tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques, pour l'examen de laquelle le Gouvernement a engagé la procédure accélérée.

Le rapporteur a rappelé que cette proposition de loi reprenait une disposition de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique censurée par le Conseil constitutionnel pour défaut de lien avec le projet de loi initial.

Il a indiqué qu'était tout d'abord prévue la publication par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) d'informations relatives aux emprunts souscrits par les candidats à une élection politique tenus d'établir un compte de campagne et les partis et groupements politiques bénéficiant de l'aide publique ou de dons. Ces derniers seraient tenus de transmettre annuellement à la CNCCFP, sous forme d'une annexe à leurs comptes, les informations nécessaires à cette publication.

Observant que la proposition de loi prévoyait également la publication d'informations relatives aux flux financiers entre partis et groupements politiques, le rapporteur s'est interrogé sur la conformité d'une telle obligation à l'article 4 de la Constitution, qui garantit le libre exercice de leur activité par les partis et groupements politiques, ainsi que sur son utilité.

Sur sa proposition, la commission a adopté quatre amendements : deux amendements de précision du rapporteur, un amendement complétant l'intitulé de la proposition de loi, présenté par M. Jean-Pierre Grand, ainsi qu'un amendement du rapporteur prévoyant l'application du texte outre-mer et reportant son application aux élections organisées et aux comptes arrêtés en 2018.

La commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

Mesdames, Messieurs,

Déposée le 15 décembre 2016 par notre collègue Alain Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain, la proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques vise à rendre publiques des informations relatives aux emprunts souscrits par les candidats à une élection pour financer leur campagne ainsi qu'aux emprunts souscrits ou consentis par les partis ou groupements politiques.

À cet effet, ce texte modifie l'article L. 52-12 du code électoral régissant les campagnes électorales ayant lieu en France ( article 1 er ) et l'article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ( article 2 ) qui fixe le régime applicable aux partis et groupements politiques.

Des dispositions identiques avaient été introduites par l'Assemblée nationale par voie d'amendement lors de l'examen en première lecture de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite loi « Sapin II »). En première lecture, le Sénat les avait supprimées, sur la proposition de son rapporteur, notre collègue François Pillet, au motif notamment de l'absence de lien avec le texte en discussion. Rétablies en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, elles ont été finalement censurées par le Conseil constitutionnel comme un « cavalier législatif » en application de l'article 45 de la Constitution 1 ( * ) .

I. LA CONSOLIDATION DE RÈGLES EN FAVEUR DE LA TRANSPARENCE FINANCIÈRE DES PARTIS OU GROUPEMENTS POLITIQUES ET DES CAMPAGNES ÉLECTORALES

Si l'intitulé et l'exposé des motifs de la proposition de loi ne font référence qu'aux obligations comptables des partis politiques, le texte instaure deux séries d'obligations distinctes : l'une relative aux partis et groupements politiques, l'autre aux candidats à certaines élections politiques.

S'agissant des partis et groupements politiques, ce texte reprend la proposition n° 15 formulée par notre collègue député Romain Colas dans son rapport de juillet 2015 sur l'évaluation de la pertinence des dispositions législatives et réglementaires relatives au financement des campagnes électorales et des partis politiques.

Extraits du rapport d'information n° 2979 de M. Romain Colas sur l'évaluation de la pertinence des dispositions législatives et réglementaires relatives au financement des campagnes électorales et des partis politiques
15 juillet 2015

« De fait, les éléments transmis à la Commission nationale des comptes de campagne peuvent, en l'état, se révéler insuffisants ou peu explicites. D'après certains témoignages recueillis par le Rapporteur spécial, ils reposent d'abord sur un bilan d'ensemble et à un compte de résultat d'ensemble, présentés de manière synthétique. Ils ne fournissent pas notamment le détail des prêts souscrits par un parti politique, l'identité des prêteurs ou les conditions et la durée d'un emprunt. Ils ne retracent pas davantage les flux financiers susceptibles d'exister entre formations politiques, non plus que les concours en nature dont ils ont bénéficié ou ont pu faire bénéficier les candidats qu'ils soutiennent.

Or, du point de vue du Rapporteur spécial, la divulgation de ces informations permettrait aux citoyens de juger par eux-mêmes de l'indépendance de chaque formation et serait, éventuellement, de nature à prévenir certaines dérives pouvant tomber sous le coup de la loi pénale. C'est la raison pour laquelle, sous réserve qu'il ne soit pas porté atteinte au principe de liberté des partis consacré par l'article 4 de la Constitution, ou à d'autres principes protégés par la loi, il importe d'enrichir les obligations comptables des partis politiques. Il s'agirait en l'occurrence de rendre obligatoire la publication, à une fréquence à déterminer, d'une annexe aux comptes retraçant les prêts obtenus et les prêts consentis, leur durée et leurs conditions de remboursement, et d'établir une rubrique permettant de mieux isoler les concours en nature (dont ils ont bénéficié ou ont pu faire bénéficier les candidats qu'ils soutiennent), les flux financiers entre partis et entre les partis et les candidats.

Proposition n° 15 : Compléter les comptes des partis politiques déposés à la CNCCFP par une annexe retraçant les prêts obtenus ou consentis, les flux financiers entre partis et entre les partis et les candidats, ainsi que les concours en nature dont ils ont pu bénéficier ou ont fait bénéficier les candidats qu'ils soutiennent. En assurer la publication sous des formes adaptées. »

A. UNE OBLIGATION DE TRANSMISSION POUR LES PARTIS ET GROUPEMENTS POLITIQUES

En application de l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 précitée, les partis et groupements politiques qui bénéficient des aides publiques ou de dons ont l'obligation de tenir une comptabilité, d'arrêter leurs comptes chaque année, de les faire certifier par deux commissaires aux comptes puis de les adresser au cours du semestre de l'année suivante à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

En application de l'article 2 de la proposition de loi, chaque parti ou groupement politique serait désormais tenu de transmettre, en annexe de ses comptes, « les montants et les conditions d'octroi des emprunts souscrits ou consentis par eux, ainsi que l'identité des prêteurs, les flux financiers entre partis et entre les partis et les candidats » soumis à l'établissement d'un compte de campagne. Lors de son audition, M. François Logerot, président de la CNCCFP, a indiqué que l'obligation de transmettre ces informations sous la forme d'une annexe aux comptes annuels conduirait les commissaires aux comptes à devoir certifier cette annexe, ce qui faciliterait d'autant le contrôle de la CNCCFP.

En application de l'article L. 52-12 du code électoral, chaque candidat ou candidat tête de liste qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection durant une période de six mois précédant le premier jour du mois de l'élection (élections législatives, sénatoriales, régionales, départementales, municipales dans les communes de plus de 9 000 habitants, etc.).

Comme l'a indiqué le président de la CNCCFP, les informations relatives aux emprunts souscrits sont déjà sollicitées des candidats à travers l'annexe n° 3 du compte de campagne.

En revanche, cette disposition ne s'appliquerait pas à l'élection du Président de la République dont les modalités relèvent, en application de l'article 6 de la Constitution, du domaine de la loi organique. Si le II de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, qui a valeur organique, prévoit l'application de l'article L. 52-12 du code électoral à ce scrutin, la jurisprudence dite de « cristallisation » prévoit que les dispositions ordinaires auxquelles il est fait référence par une disposition organique « sont rendues applicables dans leur rédaction en vigueur à la date de l'adoption définitive de cette loi organique » 2 ( * ) . Elles sont donc « cristallisées » à cette date à moins d'une précision ultérieure par le législateur organique 3 ( * ) .


* 1 Conseil constitutionnel, 8 décembre 2016, n° 2016-741 DC.

* 2 Conseil constitutionnel, 9 juillet 2008, n° 2008-566 DC.

* 3 Actuellement, les dispositions auxquelles renvoie l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 sont « cristallisées » par l'article 4 de cette loi à la date de publication de la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle.

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