CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AUX INCOMPATIBILITÉS
Le chapitre II du projet de loi organique vise à encadrer plus strictement l'exercice d'activités de conseil par un député ou un sénateur en créant de nouvelles incompatibilités parlementaires.
Il concerne tous les modes d'exercice des activités de conseil, qu'il s'agisse de la direction ou du contrôle capitalistique d'une entreprise de ce secteur (articles 4, 6 et 7) ou des prestations de conseil fournies à titre individuel par les parlementaires (article 5) .
Il tend, en outre, à mieux identifier d'éventuels conflits d'intérêts (article 3) et à en tirer les conséquences en matière de démission d'office des députés et des sénateurs (article 8) .
Les modalités d' entrée en vigueur du chapitre II sont fixées à l' article 12 du projet de loi organique.
Ses dispositions sont, en outre, étendues aux représentants français au Parlement européen par l'article 13 du projet de loi ordinaire.
Les incompatibilités parlementaires Les incompatibilités correspondent à l'impossibilité pour un parlementaire de cumuler son mandat électif, d'une part, et certaines fonctions mentionnées aux articles L.O. 137 à L.O. 153 du code électoral, d'autre part 187 ( * ) . En vertu de l' article 25 de la Constitution 188 ( * ) , les incompatibilités applicables aux députés et aux sénateurs sont définies par la loi organique ; elles sont interprétées de façon stricte, dans la mesure où elles portent atteinte à l'exercice d'un mandat électif 189 ( * ) . Leur champ d'application a été étendu, par la loi ordinaire 190 ( * ) , aux représentants français au Parlement européen , comme le permet l'article 7 de l'Acte du 20 septembre 1976 portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct 191 ( * ) . Contrairement aux inéligibilités, les incompatibilités n'empêchent pas l'élection du candidat ; elles lui imposent toutefois d'opérer un choix entre des fonctions incompatibles. Le code électoral prévoit trois catégories d'incompatibilités parlementaires : - les incompatibilités avec d'autres fonctions publiques électives À titre d'exemple, le mandat d'un député cesse de plein droit lorsqu'il est élu sénateur ou représentant au Parlement européen (articles L. O. 137 et L. O. 137-1 du code électoral). La loi organique n° 2014-125 et la loi n° 2014-126 192 ( * ) du 14 février 2014 ont renforcé cette catégorie d'incompatibilités en interdisant le cumul de fonctions exécutives locales (maire, président d'un conseil départemental, etc .) avec le mandat parlementaire 193 ( * ) (articles L. O. 141 et L.O. 141-1 du même code). - les incompatibilités avec des fonctions publiques non électives L'exercice d'une activité de fonctionnaire ou d'agent non titulaire de la fonction publique est aussi incompatible avec le mandat parlementaire, sauf pour les professeurs titulaires de chaires ou chargés de directions de recherches et, en Alsace-Moselle, les ministres des cultes et les délégués du Gouvernement dans l'administration des cultes (article L.O. 142 du code électoral). Ces incompatibilités ont pour finalité, comme l'a rappelé notre collègue Gérard Longuet, de « mettre le parlementaire à l'abri de la pression de l'État » 194 ( * ) et, plus largement, de son administration d'origine. En pratique, les fonctionnaires élus parlementaires sont placés en disponibilité d'office et sont réintégrés dans leur administration, à l'issue de leur mandat, dès la première vacance d'emploi dans un poste correspondant à leur grade (article L.O. 151-1 du même code). - les incompatibilités avec d'autres activités professionnelles, notamment dans le secteur privé L'exercice de certaines professions est également incompatible avec le mandat parlementaire. À titre d'exemple, pendant son mandat, un parlementaire ne peut pas être directeur général d'une entreprise nationale (articles L.O. 145 et L.O. 146 du même code). Comme l'a souligné notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest, « en prohibant l'exercice de certaines activités ou professions, (ces dispositions) empêchent les parlementaires de dépendre financièrement de certains intérêts privés pour leurs revenus. L'incompatibilité s'avère donc un mécanisme très efficace de prévention des conflits d'intérêts » 195 ( * ) . |
• Les fonctions de conseil
Le code électoral mentionne déjà, en son article L.O. 146-1, la notion de « fonctions de conseil » - pour interdire à tout parlementaire de commencer à exercer une activité de conseil qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat - mais ne la définit pas.
D'après notre ancien collègue député Jean-Jacques Urvoas, « chacun s'accorde à reconnaître qu'il n'y a pas de définition juridique de la notion de conseil et, si vous avez lu le rapport, vous avez pu constater que, faute de mieux, j'avais repris la définition du dictionnaire Le Robert , selon lequel le conseil est une activité professionnelle consistant à mettre ses connaissances à la disposition de ceux qui en font la demande » 196 ( * ) .
Cette notion a également fait l'objet d'interprétations jurisprudentielles, le Conseil constitutionnel considérant que des fonctions de gérant d'une entreprise unipersonnelle ayant pour objet « la mise en place de l'organisation et du développement commercial » d'autres sociétés constituaient une activité de conseil 197 ( * ) .
Dans son avis sur le projet de loi organique , le Conseil d'État précise, en outre, que « les fonctions de conseil dont le projet renforce l'encadrement englobent la notion de représentation d'intérêts » 198 ( * ) , définie comme « l'activité (...) d'influer sur la décision publique » 199 ( * ) .
Enfin, les « fonctions de conseil » incluent les professions règlementées - et notamment celles d'avocat ou d'expert-comptable -, à la différence des « activités de consultant » mentionnées à l'article L.O. 135-1 du code électoral.
D'après l'étude d'impact, l'activité de conseil nécessite une attention particulière en matière de prévention des conflits d'intérêts : elle recouvrirait, en effet, « des prestations de nature hétéroclite, rémunérées, au profit d'une clientèle également très diverse. Or cette clientèle a nécessairement des intérêts propres qui ne peuvent se confondre avec l'intérêt général, lequel doit être au coeur de la mission d'un parlementaire. Les prestations de conseil rendues par un parlementaire à ses clients sont donc susceptibles, dans certains cas, d'affecter ou de donner l'apparence d'affecter l'exercice de son mandat » 200 ( * ) .
• Le contrôle des incompatibilités parlementaires par le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel contrôle de manière approfondie les incompatibilités entre le mandat parlementaire et les activités professionnelles.
Il s'assure que chaque incompatibilité est « justifiée, au regard des exigences découlant de l'article 6 de la Déclaration (des droits de l'homme et du citoyen) de 1789, par la nécessité de protéger la liberté de choix de l'électeur, l'indépendance de l'élu ou l'indépendance des juridictions contre les risques de confusion ou de conflits d'intérêts » 201 ( * ) . Le Conseil constitutionnel concilie, de même, les incompatibilités parlementaires avec la liberté d'entreprendre des députés et des sénateurs.
Dans son avis précité, le Conseil d'État a considéré que les dispositions du chapitre II du projet de loi organique, « qui n'instituent pas une interdiction générale de l'exercice de fonctions de conseil mais s'appliquent à des situations dans lesquelles les risques de confusion ou de conflits d'intérêts sont avérés, n'excèdent pas ce qui est nécessaire à la prévention de tels risques » .
Article 3 (art. L.O. 135-1 du code électoral) - Mention dans la déclaration d'intérêts et d'activités des parlementaires des participations leur conférant le contrôle d'une structure dont l'activité consiste « principalement » dans la fourniture de conseils
L'article 3 du projet de loi organique tend à compléter la déclaration d'intérêts et d'activités des parlementaires en prévoyant une mention relative aux participations directes ou indirectes leur conférant le contrôle d'une société, d'une entreprise ou d'un organisme dont l'activité consiste « principalement » dans la fourniture de conseils.
1. La déclaration d'intérêts et d'activités des parlementaires
La déclaration d'intérêts et d'activités des députés et des sénateurs permet, dans un objectif de prévention des conflits d'intérêts, d'identifier les intérêts qu'ils détiennent ainsi que leurs activités professionnelles ou d'intérêt général.
Conformément à l'article L. O 135-1 du code électoral, cette déclaration doit être adressée dans les deux mois suivant l'entrée en fonction du parlementaire :
- au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui la publie sur son site internet 202 ( * ) ;
- et au bureau de l'assemblée concernée, qui utilise ce document pour vérifier que le parlementaire n'est pas confronté à une situation d'incompatibilité 203 ( * ) .
Toute modification substantielle des intérêts ou des activités du parlementaire donne lieu, dans un délai de deux mois, à la transmission d'une nouvelle déclaration.
La déclaration d'un député ou d'un sénateur fait ainsi apparaître « la liste des intérêts détenus » à la date de son élection et dans les cinq années précédentes, « ainsi que la liste des activités professionnelles ou d'intérêt général, même non rémunérées, qu'il envisage de conserver » .
Le contenu de la déclaration d'intérêts et d'activités Le contenu de la déclaration d'intérêts des parlementaires est fixé par l'article L.O. 135-1 du code électoral et est précisé par le décret n° 2013-1212 du 23 décembre 2013 204 ( * ) . Il comprend : 1° les activités professionnelles donnant lieu à rémunération ou gratification exercées à la date de l'élection ; 2° les activités professionnelles ayant donné lieu à rémunération ou gratification exercées au cours des cinq dernières années ; 3° les activités de consultant exercées à la date de l'élection et au cours des cinq dernières années ; 4° les participations aux organes dirigeants d'un organisme public ou privé ou d'une société à la date de l'élection ou lors des cinq dernières années ; 5° les participations financières directes dans le capital d'une société à la date de l'élection ; 6° les activités professionnelles exercées à la date de l'élection par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin ; 7° l''exercice de fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts ; 8° [dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-675 DC du 9 octobre 2013] 205 ( * ) ; 9° les autres fonctions et mandats électifs exercés à la date de l'élection ; 10° les noms des collaborateurs parlementaires ainsi que les autres activités professionnelles déclarées par eux ; 11° les activités professionnelles ou d'intérêt général, même non rémunérées, que le député envisage de conserver durant l'exercice de son mandat. |
En l'état du droit, la déclaration d'intérêts et d'activités des parlementaires ne comprend qu'une seule information d'ordre patrimonial 206 ( * ) : la détention, à la date de l'élection, de participations financières directes dans le capital d'une société.
2. L'ajout d'une nouvelle information d'ordre patrimonial au sein de la déclaration d'intérêts et d'activités des parlementaires
L'article 3 du projet de loi organique tend à modifier le 8° de l'article L.O. 135-1 du code électoral pour mentionner une information complémentaire au sein de la déclaration d'intérêts et d'activités des parlementaires.
La déclaration mentionnerait désormais « les participations directes ou indirectes qui confèrent le contrôle d'une société, d'une entreprise ou d'un organisme dont l'activité consiste principalement dans la fourniture de conseils » . Cette rédaction inclurait dans son périmètre le contrôle de fait et par personne interposée de ce type de structures.
L'article 3 s'inscrit dans un système plus large de mise en oeuvre d'une nouvelle incompatibilité parlementaire :
- l' article 6 prévoit un régime d'incompatibilité entre le mandat parlementaire et le contrôle d'une société, d'une entreprise ou d'un organisme dont l'activité consiste « principalement » dans la fourniture de conseils ;
- l' article 8 donnerait au bureau de chaque assemblée les moyens de contrôler cette incompatibilité à partir de la déclaration d'intérêts et d'activités des parlementaires 207 ( * ) . Le bureau pourrait, le cas échéant, saisir le Conseil constitutionnel pour qu'il constate l'incompatibilité et déclare démissionnaire d'office un parlementaire qui n'aurait pas régularisé sa situation dans un délai de trente jours.
Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, cette nouvelle mention dans la déclaration d'intérêts et d'activités doit être justifiée par un motif d'intérêt général (la prévention et le traitement des conflits d'intérêts) et ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée des parlementaires.
Cette première exigence semble respectée, le Conseil constitutionnel ayant admis que l'insertion d'éléments encore plus larges dans la déclaration de situation patrimoniale (valeurs mobilières, immeubles bâtis, etc .) était justifiée par l'objectif d'intérêt général de prévention des conflits d'intérêts et de lutte contre ceux-ci 208 ( * ) .
Les dispositions de l'article 3 doivent, en outre, être suffisamment précises au regard du principe de légalité des délits et des peines : une personne remplissant une déclaration d'intérêts doit être en mesure de connaître les informations devant y figurer, un délit spécifique étant prévu en cas de déclaration incomplète 209 ( * ) . À titre d'exemple, le Conseil constitutionnel n'a pas admis que la déclaration d'intérêts et d'activités des parlementaires comporte un chapitre intitulé, de manière trop imprécise, « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts » 210 ( * ) .
Outre le fait que la notion de « conseil » 211 ( * ) n'est pas définie par le code électoral, votre rapporteur s'est interrogé sur l'adverbe « principalement » auquel se réfère l'article 3.
Il constate toutefois que le Conseil constitutionnel a admis l'usage de cet adverbe en droit des incompatibilités - qui fait l'objet d'interprétations strictes -, un parlementaire ne pouvant pas, depuis 2013 212 ( * ) , exercer des activités dans « les sociétés ayant principalement un objet financier et faisant publiquement appel à l'épargne » (article L.O. 146 du code électoral) 213 ( * ) .
Sollicité par votre rapporteur, le Gouvernement précise que plusieurs critères pourraient être utilisés pour déterminer le caractère « principal » d'une activité : chiffre d'affaires (critère le plus simple et le plus usité), nature des actifs ou des investissements, composition de la clientèle, nombre de salariés affectés à l'activité, etc. ).
Votre commission a adopté l' amendement rédactionnel COM-37 de son rapporteur et l'article 3 ainsi modifié .
Article 4 (art. L.O. 146 du code électoral) - Extension de l'incompatibilité parlementaire applicable aux fonctions de direction exercées au sein d'une société, d'une entreprise ou d'un organisme
L'article 4 du projet de loi organique tend à rendre incompatibles le mandat parlementaire, d'une part, et les fonctions de direction au sein d'une société, d'une entreprise ou d'organisme dont l'activité consiste « principalement » à fournir des conseils aux structures mentionnées à l'article L.O. 146 du code électoral, d'autre part.
1. L'incompatibilité prévue à l'article L.O. 146 du code électoral
En l'état du droit, l'article L.O. 146 du code électoral prévoit une incompatibilité entre le mandat de parlementaire et des fonctions de direction 214 ( * ) dans des sociétés, entreprises, établissements et organismes considérés comme « sensibles ».
Sont concernées les structures dont l'activité est liée ou susceptible d'être liée à l'action publique (travaux publics, sociétés d'économie mixte, etc. ) ou dont le mode de financement présente un risque particulier de conflit d'intérêts (entreprises subventionnées, sociétés ayant principalement un objet financier et faisant publiquement appel à l'épargne, etc .). À titre d'exemple, il n'est pas permis à un parlementaire d'exercer une fonction de direction dans une société par actions simplifiée (SAS) de gestion des domaines skiables ou dans une société foncière 215 ( * ) .
Cette incompatibilité s'étend à la direction de fait et par personne interposée des structures mentionnées à l'article L.O. 146 du code électoral 216 ( * ) . Il est également interdit à tout parlementaire d'accepter, au cours de son mandat, une fonction de membre de leur conseil d'administration ou de surveillance (article L.O. 147 du même code).
Sociétés, entreprises,
établissements et organismes visés
1° les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d'intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d'avantages assurés par l'État ou par une collectivité publique sauf dans le cas où ces avantages découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale ; 2° les sociétés ayant principalement un objet financier et faisant publiquement appel à l'épargne, ainsi que les sociétés civiles autorisées à faire publiquement appel à l'épargne et les organes de direction, d'administration ou de gestion de ces sociétés ; 3° les sociétés ou entreprises dont l'activité consiste dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services destinés spécifiquement à ou devant faire l'objet d'une autorisation discrétionnaire de la part de l'État, d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale ou d'un État étranger ; 4° les sociétés ou entreprises à but lucratif dont l'objet est l'achat ou la vente de terrains destinés à des constructions, quelle que soit leur nature, ou qui exercent une activité de promotion immobilière ou, à titre habituel, de construction d'immeubles en vue de leur vente ; 5° les sociétés dont plus de la moitié du capital est constituée par des participations de sociétés, entreprises ou établissements visés aux 1° à 4° ; 6° les sociétés et organismes exerçant un contrôle effectif sur une société, une entreprise ou un établissement mentionnés aux 1° à 4° ; 7° les sociétés d'économie mixte. |
Comme l'a souligné notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest, cette incompatibilité prévient « de façon radicale tout conflit d'intérêts entre l'intérêt général et des intérêts privés, dès lors que le parlementaire ne peut avoir aucun intérêt personnel dans la direction des sociétés concernées » 218 ( * ) .
2. L'ajout d'une nouvelle incompatibilité
L'article 4 du projet de loi organique tend à créer une nouvelle incompatibilité : un parlementaire ne pourrait plus exercer de fonctions de direction dans des sociétés, entreprises ou organismes dont l'activité consiste « principalement » 219 ( * ) à fournir des conseils aux structures mentionnées à l'article L.O. 146 du code électoral .
Afin d'assurer la constitutionnalité du dispositif, les parlementaires conserveraient la possibilité de diriger une société, une entreprise ou un organisme ne conseillant pas les structures « sensibles » de l'article L.O. 146 précité ou ne les conseillant qu'occasionnellement.
En effet, comme le note l'étude d'impact, dans une société de grande taille « une prestation de conseil isolée peut être tout à fait marginale. Elle est de ce fait difficile à identifier et nécessiterait la mise en place d'un dispositif interne de vérification spécifique permettant de classer les clients en fonction des critères d'activité au regard de l'article L.O. 146. Il serait alors difficile d'exiger des dirigeants de toute société d'anticiper l'éventualité d'un conseil occasionnel à une de ces entités pour se déporter en amont de ses fonctions » 220 ( * ) .
Votre commission a adopté l' amendement rédactionnel COM-38 de son rapporteur et l'article 4 ainsi modifié .
Article 5 (art. L.O. 146-1 du code électoral) - Extension de l'incompatibilité parlementaire relative aux activités de conseil exercées à titre individuel
L'article 5 du projet de loi organique tend à étendre le périmètre de l'incompatibilité prévue par l'article L.O. 146-1 du code électoral pour les activités de conseil exercées à titre individuel par les parlementaires.
1. L'encadrement, depuis 1995, des activités de conseil exercées à titre individuel par les parlementaires
• L'interdiction de débuter une activité de conseil qui n'était pas la sienne avant le début du mandat
Issu de la loi organique n° 95-63 du 19 janvier 1995 221 ( * ) , le premier alinéa de l'article L.O. 146-1 du code électoral interdit à un parlementaire de commencer à exercer, après le début de son mandat, une fonction de conseil qui n'était pas la sienne avant l'élection.
Un député ou un sénateur ne respectant pas cette interdiction est déclaré démissionnaire d'office par le Conseil constitutionnel, selon la procédure définie aux articles L.O. 151-2 à L.O. 151-4 du même code 222 ( * ) .
À l'inverse, rien n'empêche un parlementaire de poursuivre une activité de conseil débutée avant le début de son mandat 223 ( * ) .
• Une dérogation pour les professions règlementées
L'incompatibilité prévue au premier alinéa de l'article L.O. 146-1 du code électoral n'est pas applicable aux « professions libérales soumises à un statut législatif ou règlementaire ou dont le titre est protégé » (second alinéa du même article). Cette dérogation concerne, selon notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest, tant « les notaires, les experts comptables, les géomètres-experts, les architectes, les administrateurs et mandataires judiciaires, les huissiers de justice, les pharmaciens ou les médecins que les avocats » 224 ( * ) .
En d'autres termes, des parlementaires peuvent commencer à exercer une fonction de conseil dans ces domaines d'activité même après le début de leur mandat.
Lorsque le parlementaire exerce comme avocat au cours de son mandat, son activité est toutefois strictement encadrée par les articles L.O. 149 et L.O. 151-3 du code électoral.
L'encadrement de l'exercice par les parlementaires de la profession d'avocat Les parlementaires exerçant la profession d'avocat ne peuvent : - accomplir, « directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un associé, d'un collaborateur ou d'un secrétaire » , un acte relatif à une affaire pénale engagée devant les juridictions répressives pour crimes ou délits contre la nation, l'État et la paix publique ou en matière de presse ou d'atteinte au crédit et à l'épargne 225 ( * ) ; - plaider ou consulter pour le compte d'une entreprise nationale, d'un établissement public national ou d'une structure mentionnée à l'article L.O. 146 du code électoral 226 ( * ) ou contre l'État, les sociétés nationales et les collectivités ou établissements publics 227 ( * ) . Le parlementaire qui ne respecte pas ces dispositions est déclaré démissionnaire d'office par le Conseil constitutionnel, à la requête du bureau de son assemblée ou du ministre de la justice ; sa démission est notifiée à son assemblée et au ministère de l'intérieur. |
Enfin, l'article L.O. 145 du code électoral interdit à un parlementaire d'exercer des fonctions « de façon permanente en qualité de conseil » auprès des entreprises nationales et des établissements publics nationaux.
Synthèse du régime
d'incompatibilité applicable
aux activités de conseil (droit
en vigueur)
Activité commencée avant le début du mandat |
Activité commencée après le début du mandat |
|
Activité de conseil |
Autorisée |
Incompatible |
Activité de conseil dans une profession règlementée |
Autorisée |
|
Activité de conseil
|
Autorisée, sous réserve des articles L.O.
149
|
|
Activité
« permanente »
|
Incompatible |
Source : commission des lois du Sénat
Selon l'étude d'impact, à la fin de la XIV ème législature, l'Assemblée nationale comptait trente-quatre avocats et notaires, vingt-huit membres des professions de santé, trois experts comptables ou commissaires aux comptes et un architecte.
En juin 2017, dix-sept sénateurs étaient avocats, trois experts comptables ou commissaires aux comptes et vingt-deux membres des professions de santé.
Quatre sénateurs et dix députés indiquaient, en outre, exercer une profession de conseil en entreprise et un sénateur mentionnait la qualité d'administrateur de société 228 ( * ) .
2. Des tentatives de réforme avortées
Plusieurs rapports ont recommandé de renforcer l'incompatibilité prévue à l'article L.O. 146-1 du code électoral pour les parlementaires fournissant des prestations de conseil.
En 2011, notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest avait proposé de rendre l'exercice de nouvelles fonctions de conseil incompatibles avec le mandat parlementaire, même lorsque ces fonctions sont exercées dans le cadre d'une profession réglementée 229 ( * ) . Cela revenait, concrètement, à supprimer la dérogation prévue au second alinéa de l'article L.O. 146-1 du code électoral pour les avocats, les commissaires aux comptes, etc .
Un an plus tard, la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique , présidée par M. Lionel Jospin, reprenait cette proposition.
La commission soulignait notamment le risque de conflit d'intérêts qui « peut naître dans le cas d'une activité de conseil auprès d'un opérateur économique ou financier ».
Elle rappelait, en outre, que « le secret professionnel de l'avocat fait obstacle à ce que l'identité du client et la nature des missions effectuées pour son compte soient portées à la connaissance du public dans le cadre d'une déclaration d'intérêts » .
Enfin, elle regrettait que les parlementaires puissent solliciter l'inscription au barreau après huit ans de mandat, sans avoir à suivre de formation théorique ou pratique 230 ( * ) . Ce dispositif dérogatoire d'accès à la profession d'avocat a toutefois été supprimé depuis 231 ( * ) .
En 2013, lors de l' examen des projets de lois relatifs à la transparence pour la vie publique 232 ( * ) , le législateur a souhaité aller plus loin en matière d'incompatibilité en interdisant aux parlementaires :
- d'exercer toute activité professionnelle qui n'était pas la leur avant le début de leur mandat, sauf lorsqu'il s'agissait de travaux scientifiques, littéraires ou artistiques ;
- de poursuivre l'exercice d'une fonction de conseil, sauf dans le cas spécifique où les parlementaires l'exerçaient avant le début de leur mandat et dans le cadre d'une profession règlementée.
Le Conseil constitutionnel a toutefois censuré ces dispositions, considérant qu'elles excédaient « manifestement ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l'électeur, l'indépendance de l'élu ou prévenir les risques de confusion ou de conflits d'intérêts » 233 ( * ) .
3. Un régime d'incompatibilité plus strict pour les activités de conseil exercées par un parlementaire à titre individuel
L'article 5 du projet de loi organique tend à renforcer trois aspects du régime d'incompatibilité prévu à l'article L.O. 146-1 du code électoral pour encadrer les prestations de conseil fournies par un parlementaire.
Il prévoit, en premier lieu, l'impossibilité pour un député ou un sénateur de poursuivre l'exercice d'une activité de conseil lorsque celle-ci a été initiée dans les douze mois précédant le premier jour du mois de son entrée en fonction 234 ( * ) .
Il s'agit, selon l'étude d'impact, « de faire obstacle à ce qu'un candidat à l'élection contourne la règle d'incompatibilité en s'engageant dans une activité de conseil, alors qu'il a le projet de concourir à l'élection » 235 ( * ) .
En deuxième lieu, serait supprimée la dérogation prévue pour les professions règlementées .
À titre d'exemple, un parlementaire ne pourrait plus :
- poursuivre une activité d'avocat ou de commissaire aux comptes initiée moins d'un an avant le début de son mandat ;
- débuter une telle activité durant son mandat.
Seul l'exercice d'activités règlementées initiées plus d'un an avant l'entrée en fonction du parlementaire resterait admis.
En dernier lieu, l'article 5 du projet de loi organique tend à créer une nouvelle incompatibilité parlementaire : le député ou le sénateur ne pourrait en aucun cas fournir des prestations de conseil aux sociétés, entreprises, établissements ou organismes mentionnés aux 1° à 7° de l'article L.O. 146 du code électoral . Cette disposition vise, concrètement, à interdire aux parlementaires de fournir des conseils aux structures « sensibles » dont l'activité est liée ou susceptible d'être liée à l'action publique ou dont le mode de financement présente un risque particulier de conflits d'intérêts 236 ( * ) .
D'après l'étude d'impact, cette disposition vise à répondre à « un risque de collusion particulier (...). Il ne s'agit alors pas seulement d'empêcher le développement d'une activité parallèlement à l'exercice d'un mandat parlementaire, mais de conduire un parlementaire qui se trouve dans cette situation, même antérieurement à son élection, à cesser de fournir ces prestations de services. Le conflit d'intérêts, lié à une clientèle spécifique, est ici d'un degré tel que l'intérêt général commande que l'incompatibilité s'applique sans condition d'antériorité » 237 ( * ) .
Synthèse du régime
d'incompatibilité applicable aux activités de
conseil
(art. 5 du projet de loi organique)
Activité commencée plus d'un an avant le début du mandat |
Activité commencée moins d'un an avant le début du mandat |
Activité commencée après le
début
|
|
Activité de conseil |
Autorisée |
Incompatible |
Incompatible |
Activité de conseil dans une profession réglementée |
Autorisée |
Incompatible |
|
Activité de conseil en tant qu'avocat |
Autorisée, sous réserve des articles L.O. 149 et L.O. 151-3 du code électoral |
Incompatible |
|
Activité « permanente » de conseil auprès d'une entreprise nationale ou d'un établissement public national |
Incompatible |
||
Activité de conseil auprès des structures
mentionnées aux 1° à 7° de
l'article L.O. 146
|
Incompatible |
Source : commission des lois du Sénat
Les inscriptions en italique correspondent aux modifications au droit en vigueur introduites par l'article 5 du projet de loi organique.
Votre commission a adopté l' amendement rédactionnel COM-39 de son rapporteur et l'article 5 ainsi modifié .
Article 6 (art. L.O. 146-2 [nouveau] du code électoral) - Interdiction pour un parlementaire d'acquérir et, sous certaines conditions, d'exercer le contrôle d'une société, d'une entreprise ou d'un organisme dont l'activité consiste « principalement » dans la fourniture de conseils
L'article 6 du projet de loi organique vise à créer une nouvelle incompatibilité parlementaire portant sur l'acquisition et l'exercice du contrôle de certaines structures de conseil.
Ses conditions d'application sont précisées à l'article 7.
1. L'absence, en l'état du droit, d'incompatibilité portant sur le patrimoine des parlementaires
Actuellement, les incompatibilités parlementaires concernent l'exercice de certaines activités ou fonctions 238 ( * ) . À l'inverse, un parlementaire peut détenir des participations dans tout type de structures, y compris dans les sociétés de conseil , sous réserve de les mentionner dans sa déclaration de situation patrimoniale ou, selon les cas, dans sa déclaration d'intérêts et d'activités.
En l'état du droit, les « incompatibilités patrimoniales » concernent uniquement les ministres et certains présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes 239 ( * ) .
L'article 8 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 240 ( * ) dispose, en effet, que « les instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et les présidents et membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes intervenant dans le domaine économique sont gérés dans des conditions excluant tout droit de regard de leur part pendant la durée de leurs fonctions » .
Depuis la loi « déontologie des fonctionnaires » du 20 avril 2016 241 ( * ) , une disposition comparable s'applique aux fonctionnaires « exerçant des responsabilités en matière économique ou financière et dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient » .
Sont notamment concernés le directeur général du trésor (ministère de l'économie), le directeur général de l'offre de soins (ministère des solidarités et de la santé) et le directeur général de l'alimentation (ministère de l'agriculture et de l'alimentation) 242 ( * ) .
2. La création d'une « incompatibilité patrimoniale » applicable aux parlementaires
Un cas « d'incompatibilité patrimoniale » serait créé pour les parlementaires. Il concernerait l'acquisition et l'exercice du contrôle de structures dont l'activité consiste « principalement » dans la fourniture de conseils (nouvel article L.O. 146-2 du code électoral).
Sollicité par votre rapporteur, le Gouvernement précise que le Conseil constitutionnel apprécierait ce type d'incompatibilité en fonction des cas d'espèce qui lui seraient soumis, le droit en vigueur connaissant plusieurs définitions de la notion de « contrôle ».
La notion de « contrôle » d'une structure commerciale La définition de l'article L. 233-3 du code de commerce porte principalement sur les droits de vote exercés en assemblée générale. Ainsi, « toute personne, physique ou morale, est considérée (...) comme en contrôlant une autre : 1° Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ; 2° Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ; 3° Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ; 4° Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société » . Ce contrôle est présumé lorsqu'une personne physique ou morale détient plus de 40 % des droits de vote d'une entreprise et qu'aucun autre actionnaire ne détient une fraction supérieure à la sienne. Parallèlement, l'article L. 233-16 du même code dispose qu'une personne exerce le contrôle d'une société lorsqu'elle désigne, pendant deux exercices successifs, la majorité des membres de ses organes d'administration, de direction ou de surveillance. |
D'après l'étude d'impact, « le contrôle d'une société dont l'activité consiste à fournir des prestations de conseil est (...) porteur de conflit d'intérêts, alors même que le parlementaire n'est pas dirigeant de cette société. La situation de contrôle permettant de désigner le dirigeant d'une société, d'influer sur ses principales décisions, et généralement d'en retirer les bénéfices, cette situation doit également compléter le dispositif destiné à prévenir les conflits d'intérêts » 243 ( * ) .
Ce nouveau régime d'incompatibilité comprendrait trois interdictions distinctes .
Un parlementaire ne pourrait plus, au cours de son mandat, « acquérir le contrôle d'une société, d'une entreprise ou d'un organisme dont l'activité consiste principalement dans la fourniture de conseils » .
Dans la même logique, il ne pourrait plus exercer le contrôle d'une telle structure lorsqu'il l'a acquis dans les douze mois précédant le premier jour de son entrée en fonction .
Enfin, un député ou un sénateur ne pourrait dans aucune hypothèse exercer le contrôle de structures dont l'activité principale consiste à fournir des prestations de conseil aux sociétés, entreprises, établissements ou organismes « sensibles » mentionnés à l'article L.O. 146 du code électoral 244 ( * ) .
Ce dernier cas d'incompatibilité serait absolu : durant son mandat, un parlementaire ne pourrait pas exercer le contrôle de ce type de structures, même lorsqu'il l'a acquis plus d'un an avant son entrée en fonction.
À l'inverse, un parlementaire pourrait conserver des participations financières dans toute société de conseil si elles ne sont pas de nature à lui en conférer le contrôle.
Synthèse du nouveau régime d'incompatibilité patrimoniale (art. 6 du projet de loi organique)
Contrôle acquis plus d'un an avant l'entrée en fonction |
Contrôle acquis moins d'un an avant l'entrée en fonction |
Contrôle acquis après l'entrée en fonction |
|
Structure dont l'activité principale n'est pas la fourniture de conseils |
Autorisé |
||
Structure dont l'activité principale est la
fourniture
|
Autorisé |
Incompatible |
|
Structure dont l'activité principale est la fourniture de conseils pour les entités mentionnées à l'article L.O. 146 du code électoral |
Incompatible |
Source : commission des lois du Sénat
Les inscriptions en italique correspondent aux modifications au droit en vigueur par l'article 6 du projet de loi organique.
Ce nouveau dispositif d'incompatibilité constituerait une atteinte au droit de propriété du parlementaire garanti, comme pour toute personne, par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Le Conseil constitutionnel admet ce type d'atteintes lorsqu'elles sont justifiées par un motif d'intérêt général (la prévention et le traitement des conflits d'intérêts en l'espèce) et sont proportionnées à l'objectif d'intérêt général poursuivi 245 ( * ) .
En l'espèce, cet équilibre semble atteint, notamment au regard de l'article 7 du projet de loi organique qui permet aux parlementaires de se démettre temporairement de leurs participations dans les sociétés concernées par l'incompatibilité et d'en retrouver la gestion à la fin de leur mandat.
Votre commission a adopté l' amendement rédactionnel COM-40 de son rapporteur et l'article 6 ainsi modifié .
Article 7 (art. L.O. 151-1 du code électoral) - Délai de mise en conformité accordé aux parlementaires pour la nouvelle incompatibilité patrimoniale et coordinations
L'article 7 du projet de loi organique vise à tirer les conséquences de la création, à l'article 6, d'une incompatibilité patrimoniale applicable aux parlementaires exerçant ou acquérant le contrôle d'une société, d'une entreprise ou d'un organisme dont l'activité consiste « principalement » dans la fourniture de prestations de conseil.
Il tend à procéder à une coordination au sein de l'article L.O. 151-1 du code électoral et, de manière plus substantielle, à préciser les modalités d'application de ce nouveau dispositif d'incompatibilité.
Un parlementaire disposerait ainsi de trois mois à compter de son entrée en fonction ou, en cas de contestation de son élection, à compter de la décision du Conseil constitutionnel, pour se mettre en conformité avec les dispositions du nouvel article L.O. 146-2 du code électoral .
Ce délai serait plus long que la période de trente jours accordée aux parlementaires par l'article L.O. 151-1 du même code pour régulariser d'éventuelles incompatibilités professionnelles. Il s'agit, en l'espèce, de prendre en compte l'ampleur des démarches administratives à réaliser.
Ne pouvant exercer le contrôle d'une structure dont l'activité consiste « principalement » dans la fourniture de conseils, un parlementaire disposerait, en effet, de deux possibilités :
- la cession de tout ou partie de ses participations ;
- ou leur gestion, pendant la durée de son mandat, « dans des conditions excluant tout droit de regard » .
Comme le précise l'étude d'impact du projet de loi organique 246 ( * ) , cette dernière hypothèse autoriserait un parlementaire à « mettre en pension » ses titres 247 ( * ) , à céder leur nue-propriété ou à mettre en place une fiducie-gestion 248 ( * ) .
À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté l'amendement COM-41 pour bien distinguer l'interdiction d'acquérir, au cours du mandat, le contrôle d'une structure dont l'activité consiste principalement dans la fourniture de conseils, d'une part, et l'interdiction, dans certaines conditions, de continuer à exercer le contrôle d'une telle structure, d'autre part.
Dans le premier cas, l'interdiction serait d'application immédiate à compter de l'entrée en vigueur de la loi. Dans le second, le parlementaire disposerait de trois mois pour régulariser sa situation.
Votre commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .
Article 8 (art. L.O. 151-2 du code électoral) - Contrôle des incompatibilités parlementaires par le bureau de chaque assemblée et modalités de démission d'office du député ou du sénateur
L'article 8 du projet de loi organique vise à adapter la procédure de contrôle des incompatibilités parlementaires afin de prendre en compte la création, à l'article 6, d'une « incompatibilité patrimoniale » .
1. Le contrôle des incompatibilités professionnelles
Dans les deux mois qui suivent son entrée en fonction, le parlementaire adresse une déclaration d'intérêts et d'activités au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et au bureau de son assemblée.
Conformément aux articles L.O. 151-2 et L.O. 151-4 du code électoral, le bureau vérifie que ses « activités professionnelles ou d'intérêt général » sont bien compatibles avec le mandat parlementaire .
En cas de doute 249 ( * ) , le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Bureau, le ministre de la justice ou le parlementaire concerné. Depuis 1966, le Conseil a été saisi de trente cas, dont le dernier date de décembre 2015 250 ( * ) .
Si le Conseil constitutionnel constate une incompatibilité, le parlementaire dispose d'un délai de trente jours à compter de la notification de la décision pour régulariser sa situation.
En l'absence de régularisation, le Conseil constitutionnel déclare le parlementaire démissionnaire d'office de son mandat et notifie cette démission à son assemblée et au ministère de l'intérieur.
2. La prise en compte de « l'incompatibilité patrimoniale »
L'article 8 du projet de loi organique tend à adapter ce contrôle à « l'incompatibilité patrimoniale » qui serait créée par l'article 6 pour les parlementaires acquérant ou exerçant, sous certaines conditions, le contrôle d'une société, d'une entreprise ou d'un organisme dont l'activité consiste « principalement » dans la fourniture de conseils.
Le bureau de l'assemblée concernée contrôlerait ainsi les activités professionnelles ou d'intérêt général du parlementaire mais également ses participations directes ou indirectes dans ce type de structures 251 ( * ) (article L.O. 151-2 du code électoral).
En cas d'incompatibilité potentielle, il appliquerait la procédure précédemment décrite (saisine du Conseil constitutionnel, délai de régularisation de trente jours pour le parlementaire et possible démission d'office).
Votre commission a adopté l'amendement rédactionnel COM-42 de son rapporteur et l'article 8 ainsi modifié .
* 187 Ces articles sont insérés dans le titre II, « Dispositions spéciales à l'élection des députés » , du code électoral. Ils sont rendus applicables aux sénateurs par un renvoi opéré à l'article L.O. 297 du même code.
* 188 « Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités » .
* 189 Conseil constitutionnel, 18 octobre 1977, Examen de la compatibilité de certaines fonctions avec l'exercice du mandat parlementaire (Monsieur Marcel Dassault, député) , décision n° 77-5 I.
* 190 Article 6 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.
* 191 Article selon lequel « chaque État membre peut étendre (aux parlementaires européens) les incompatibilités applicables sur le plan national » .
* 192 Loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen.
* 193 Cette loi organique s'applique à compter du renouvellement des assemblées, soit en juin 2017 pour l'Assemblée nationale et en septembre 2017 pour le Sénat.
* 194 Compte rendu intégral de la séance du Sénat du 25 juillet 2013.
* 195 « Prévenir effectivement les conflits d'intérêts pour les parlementaires » , rapport n° 518 (2010-2011) fait au nom du groupe de travail sur les conflits d'intérêts de la commission des lois du Sénat, p. 85. Ce rapport est consultable au lien suivant :
http://www.senat.fr/rap/r10-518/r10-5181.pdf .
* 196 Compte rendu de la deuxième séance de l'Assemblée nationale du mardi 18 juin 2013.
* 197 Conseil constitutionnel, 12 juillet 2011, Situation de M. Jean-Charles Taugourdeau, député, au regard du régime des incompatibilités parlementaires , décision n° 2011-29 I.
* 198 Conseil d'État, avis n° 393323 du 12 juin 2017.
* 199 Article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
* 200 Étude d'impact du projet de loi organique, p. 19.
* 201 Conseil constitutionnel, 13 février 2014, Loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur , décision n° 2014-689 DC.
* 202 Article L.O. 135-2 du code électoral.
Les déclarations d'intérêts et d'activités des parlementaires sont consultables au lien suivant :
http://www.hatvp.fr/consulter-les-declarations/ .
* 203 Article L.O. 151-2 du code électoral.
Cf . le commentaire de l'article 8 du projet de loi organique pour plus de précisions sur le contrôle des incompatibilités parlementaires par le bureau de chaque assemblée.
* 204 Décret relatif aux déclarations de situation patrimoniale et déclarations d'intérêts adressées à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
* 205 Initialement, le législateur avait souhaité que la déclaration d'intérêts des parlementaires mentionne les « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts » . La considérant trop imprécise, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition .
* 206 Ce type d'informations étant prioritairement inclus dans la déclaration de situation patrimoniale de l'élu.
* 207 Ce qui justifie d'inclure cette nouvelle information dans la déclaration d'intérêts et d'activités (transmise au bureau de l'assemblée concernée et au président de la HATVP) et non dans la déclaration de situation patrimoniale (uniquement transmise au président de la HATVP).
* 208 Conseil constitutionnel, 9 octobre 2013, Loi organique relative à la transparence de la vie publique , décision n° 2013-675 DC.
* 209 Le fait, pour un parlementaire, d'omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts et activités ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende (article L.O. 135-1 du code électoral).
* 210 Conseil constitutionnel, décision n° 2013-675 DC précitée.
* 211 Cf. supra.
* 212 Loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
* 213 Conseil constitutionnel, décision n° 2013-675 DC précitée.
* 214 Sont énumérées les fonctions de chef d'entreprise, de président de conseil d'administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d'administrateur délégué, de directeur général, de directeur général délégué et de gérant.
* 215 Conseil constitutionnel, 22 décembre 2015, Situation de M. Michel Bouvard, sénateur, au regard du régime des incompatibilités parlementaires , décision n° 2015-33 I et Conseil constitutionnel, 14 décembre 2010, Situation de Monsieur Philippe Marini, sénateur, au regard du régime des incompatibilités parlementaires , décision n° 2010-28 I.
* 216 La direction de fait s'entendant comme « une participation à la conduite générale de l'entreprise active, régulière et comportant prise de décisions ».
Conseil constitutionnel, 18 octobre 1977, Examen de la compatibilité de certaines fonctions avec l'exercice du mandat parlementaire (M. Marcel Dassault, député) , décision n° 77-5 I.
* 217 Dans sa version résultant de la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
* 218 « Prévenir effectivement les conflits d'intérêts pour les parlementaires » , rapport n° 518 (2010-2011) fait au nom du groupe de travail sur les conflits d'intérêts de la commission des lois du Sénat, p. 25. Ce rapport est consultable au lien suivant :
http://www.senat.fr/rap/r10-518/r10-5181.pdf .
* 219 Pour l'analyse de l'adverbe « principalement » , voir le commentaire de l'article 3 du projet de loi organique.
* 220 Étude d'impact du projet de loi organique, p. 25.
* 221 Loi organique relative à la déclaration de patrimoine des membres du Parlement et aux incompatibilités applicables aux membres du Parlement et à ceux du Conseil constitutionnel.
* 222 Cf. le commentaire de l'article 8 du projet de loi organique pour plus de précisions sur cette procédure.
* 223 À titre d'exemple, un parlementaire élu en juin 2017 peut poursuivre une activité de conseil débutée en janvier 2017.
* 224 « Prévenir effectivement les conflits d'intérêts pour les parlementaires » , rapport n° 518 (2010-2011) fait au nom du groupe de travail sur les conflits d'intérêts de la commission des lois du Sénat, p. 87. Ce rapport est consultable au lien suivant :
http://www.senat.fr/rap/r10-518/r10-5181.pdf .
* 225 Sauf lorsqu'il s'agit d'affaires examinées par la Haute Cour de justice ou par la Cour de justice de la République.
* 226 Cf. le commentaire de l'article 4 de la loi organique pour plus de précisions sur les structures mentionnées à l'article L.O. 146 du code électoral.
* 227 Par dérogation, les avocats exerçant un mandat parlementaire peuvent plaider contre une personne publique dans le cadre d'actions en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque.
* 228 Étude d'impact du projet de loi organique, p. 19.
* 229 « Prévenir effectivement les conflits d'intérêts pour les parlementaires », op. cit. , p. 88.
* 230 « Pour un renouveau démocratique » , novembre 2012, p. 99 à 101.
Ce rapport est consultable au lien suivant :
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/124000596.pdf .
* 231 Décret n° 2013-319 du 15 avril 2013 supprimant les conditions particulières d'accès à la profession d'avocat des personnes exerçant des responsabilités publiques.
* 232 Loi n° 2013-907 et loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013.
* 233 Conseil constitutionnel, 9 octobre 2013, Loi organique relative à la transparence de la vie publique , décision n° 2013-675 DC.
* 234 L'usage du terme « entrée en fonction » permet d'appliquer ce régime d'incompatibilité aux suppléants des parlementaires, dont le mandat débute postérieurement à l'élection, notamment lorsque le siège du parlementaire élu devient vacant pour cause de décès.
* 235 Étude d'impact du projet de loi organique, p. 22.
* 236 Cf. le commentaire de l'article 4 du projet de loi organique pour plus de précisions sur ces structures « sensibles » .
* 237 Étude d'impact du projet de loi organique, p. 23.
* 238 Cf. les commentaires des articles 4 et 5 du projet de loi organique pour plus de précisions.
* 239 Notamment les membres de l'Autorité des marchés financiers, de l'Autorité de la concurrence et du Conseil supérieur de l'audiovisuel (article 1 er du décret n° 2014-747 du 1 er juillet 2014 relatif à la gestion des instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et par les présidents et membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes intervenant dans le domaine économique).
* 240 Loi relative à la transparence de la vie publique.
* 241 Loi n° 2016-483 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
* 242 Décret n° 2017-547 du 13 avril 2017 relatif à la gestion des instruments financiers détenus par les fonctionnaires ou les agents occupant certains emplois civils.
* 243 Étude d'impact du projet de loi organique, p. 23.
* 244 Soit les sociétés, entreprises, établissements ou organismes dont l'activité est liée ou susceptible d'être liée à l'action publique ou dont le mode de financement présente un risque particulier de conflits d'intérêts. Cf. le commentaire de l'article 4 du projet de loi organique.
* 245 Cf., à titre d'exemple, la décision suivante : Conseil constitutionnel, 12 novembre 2010, M. Pierre B. [Mur mitoyen] , décision n° 2010-60 QPC.
* 246 Étude d'impact du projet de loi organique, p. 27-28.
* 247 Les titres seraient cédés à une personne morale ou à un fonds, moyennant un prix et un délai préalablement convenus. À la fin du contrat, les titres seraient rétrocédés au parlementaire au prix défini (article L. 211-27 du code monétaire et financier).
* 248 Les titres du parlementaire seraient gérés par un fiduciaire ad hoc qui exercerait les droits de vote correspondants et percevrait les dividendes.
* 249 Le Conseil constitutionnel a ainsi considéré que le bureau devait explicitement se positionner sur l'existence, ou non, d'un doute et a rappelé qu'il ne pouvait pas être saisi par un électeur. Conseil constitutionnel, 20 décembre 1976, Marcel Dassault , décision n° 76-3 I, et Conseil constitutionnel, 24 novembre 1987, Edgar Faure , décision n° 87-6 I.
* 250 La liste des décisions relatives aux incompatibilités parlementaires est consultable au lien suivant : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-type/les-decisions-i.28365.html .
* 251 Ce contrôle serait réalisé à partir de la déclaration d'intérêts et d'activités telle que modifiée par l'article 3 du projet de loi organique.