Section 2 - La gouvernance

Article 32 (art. L. 5422-20, L. 5422-20-1 et L. 5422-20-2 [nouveaux], L. 5422-21 à L. 5422-23, L. 5422-25, L. 5424-22, L. 5424-23 du code du travail) - Encadrement de la négociation de la convention d'assurance chômage

Objet : Cet article prévoit la communication aux partenaires sociaux d'un document de cadrage du Premier ministre avant l'ouverture de la négociation de la convention d'assurance chômage, dans le but notamment de résorber la dette de l'Unédic.

I - Le dispositif proposé

A. La dette de l'assurance chômage atteint un niveau préoccupant

Selon les perspectives financières de l'assurance chômage entre 2018 et 2021 publiées le 13 juin 2018, la dette du régime devrait atteindre un pic en 2019 avec 35 milliards d'euros , soit 11 mois de recettes environ, avant de refluer en 2021 à 29,8 milliards.

Il s'agit du niveau le plus élevé atteint au moins depuis 1990 .

L'Unédic a analysé l'origine de la dette sur la période 2008-2018 . En 2008, elle s'élevait à seulement 5 milliards d'euros, contre 34,9 milliards attendus cette année, soit un alourdissement de quelque 30 milliards.

Or la moitié de cette variation de l'endettement, soit 14,4 milliards d'euros, provient de décisions qui relèvent des pouvoirs publics et non des partenaires sociaux .

D'une part, les règles de financement de Pôle emploi introduites en 2008 (contribution au moins égale à 10% des recettes de l'assurance chômage), plus généreuses que celles qui prévalaient jusqu'alors pour l'Agence nationale pour l'emploi (7 % des recettes), ont entraîné un surcoût de 850 millions d'euros par an, soit 9 milliards sur la période considérée. D'autre part, l'indemnisation des transfrontaliers, définie par un règlement européen, a représenté un surcoût de 5,4 milliards d'euros sur la même période.

Les effets de la conjoncture économique expliquent le creusement de la dette de l'Unédic à hauteur de 12,7 milliards d'euros , soit 42 % du total.

Enfin, les décisions relevant des partenaires sociaux n'ont expliqué que 10 % de l'alourdissement de la dette sur la période étudiée , soit 2,8 milliards d'euros.

B. Une rationalisation du paritarisme de décision dans le champ de l'assurance chômage

L'article L. 5422-20 prévoit actuellement que les mesures d'application du régime d'assurance chômage font l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés. Ces accords visent la convention d'assurance chômage elle-même, ses annexes, ses textes d'application ainsi que les avenants et les accords sur des dispositifs spécifiques.

Sont toutefois actuellement exclues du champ de la négociation :

- l'obligation pour chaque employeur de déclarer les rémunérations afin de calculer sa contribution à l'assurance chômage 221 ( * ) ;

- la règle selon laquelle l'Unédic doit mettre en demeure préalablement l'employeur avant de le sanctionner en cas de manquement à certaines de ses obligations déclaratives et de paiement de sa contribution 222 ( * ) ;

- la définition des organismes habilités à recouvrer les contributions dues à l'Unédic 223 ( * ) ;

- l'obligation pour ce dernier de transmettre chaque année au Parlement et au Gouvernement un rapport sur ses perspectives financières triennales , ainsi que celle du Gouvernement d'établir un rapport sur les moyens d'atteindre à moyen terme l'équilibre financier de l'assurance chômage 224 ( * ) .

En pratique, il s'agit d'accords nationaux interprofessionnels (ANI).

Toutefois, contrairement aux autres ANI qui sont soit d'application immédiate en s'imposant aux autres accords et conventions de niveau inférieur, soit transcrits dans un texte qui leur confère valeur législative, l'accord portant convention d'assurance chômage ne devient opposable qu'après avoir été agréé par voie réglementaire par le Gouvernement dans les conditions prévues aux articles L. 5422-21 à L. 5422-24.

L'agrément rend en effet obligatoires les dispositions de l'accord pour tous les employeurs et salariés compris dans son champ d'application professionnel ou territorial 225 ( * ) . Un agrément spécifique est prévu pour les annexes et les avenants de la convention d'assurance chômage.

Le dernier texte réglementaire d'agrément pris par le Gouvernement est l' arrêté du 4 mai 2017 portant agrément de la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage et de ses textes associés.

En l'absence d'accord ou d'agrément, il incombe au Gouvernement de prendre un décret en Conseil d'État, et non un simple arrêté, pour fixer les mesures d'application du régime d'assurance chômage. Cette situation s'est produite en 1993, et plus récemment un décret a été adopté le 13 juillet 2016 226 ( * ) pour prolonger la validité de la convention de 2014 suite à l'échec des négociations entre partenaires sociaux.

Le juge administratif veille à ce que la convention d'assurance chômage n'empiète pas sur les prérogatives du législateur et respectent les principes généraux du droit . Ainsi, par une décision du 5 octobre 2015, le Conseil d'État a jugé que les modalités de recouvrement des sommes indûment versées et les conséquences des périodes de travail non déclarées par les demandeurs d'emploi ne relevaient pas de la compétence des partenaires sociaux gestionnaires de l'assurance chômage. Il a également considéré dans la même décision que la prise en compte, dans le calcul du différé d'indemnisation spécifique, des indemnités prud'homales pour licenciement abusif, portait atteinte au droit à réparation du préjudice subi de certains salariés. Un avenant à cette convention d'assurance chômage, daté du 18 décembre 2015, et agréé le 19 février 2016, a tiré les conséquences de cette décision du Conseil d'État en modifiant les dispositions conventionnelles litigieuses.

Le présent article élargit le champ des thèmes qui échapperont à la compétence des partenaires sociaux . La convention d'assurance chômage ne pourra plus aborder :

- l'ensemble des dispositions prévues aux articles L. 5422-20-1 (nouveau) à L. 5422-24, qui précisent les règles de son agrément par le Gouvernement ;

- l'affectation de tout ou partie des impositions de toute nature à l'Unédic pour financer l'allocation d'assurance chômage et l'allocation des travailleurs indépendants ;

- les règles d'assujettissement fiscal et social pour les contributions versées à l'assurance chômage 227 ( * ) .

C. La création d'un document de cadrage du Premier ministre en amont de la négociation de la convention d'assurance chômage

À travers l'introduction dans le code du travail des articles L. 5422-20-1 et L. 5422-20-2 , le présent article vise à encadrer la négociation de la convention d'assurance par la transmission aux partenaires sociaux d'un document de cadrage du Premier ministre .

Ce document a pour objet de :

- préciser les objectifs concernant la trajectoire financière du régime d'assurance chômage ;

- le délai dans lequel cette négociation doit aboutir ;

- le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles de ce régime.

Un décret en Conseil d'État devra déterminer les conditions d'application du document de cadrage.

Par coordination juridique, il reviendra directement au Premier ministre, et non plus au ministre chargé de l'emploi, d'agréer l'accord portant convention d'assurance chômage 228 ( * ) . Si l'accord n'est pas signé par la totalité des partenaires sociaux représentatifs au niveau national, et sauf opposition de leur part dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, le Premier ministre pourra procéder à l'agrément de l'accord 229 ( * )

Afin d'éclairer le Gouvernement, Pôle emploi et l'Unédic devront fournir aux services de l'État toutes les informations nécessaires au suivi des négociations.

D. Une modification des règles d'agrément afin de rendre contraignant le document de cadrage

La nouvelle rédaction de l'article L. 5422-22 prévoit que l'accord portant convention d'assurance chômage ne pourra pas être agréé par le Premier ministre s'il n'est pas compatible avec le document de cadrage. Toutefois, la seule circonstance que la négociation s'achève à une date postérieure au délai indiqué dans le document de cadrage ne saurait justifier le refus d'agréer l'accord.

La nouvelle rédaction de cet article s'accompagne de deux autres modifications substantielles.

D'une part, l'accord ne sera plus cantonné aux allocations spéciales versées aux travailleurs sans emploi et à celles versées aux travailleurs partiellement privés d'emploi. Elle pourra porter sur d'autres sujets, comme les allocations versées aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants , par cohérence avec les autres dispositions du projet de loi.

D'autre part, les précisions superfétatoires sur le contrôle de légalité de l'accord sont supprimées 230 ( * ) .

E. Le Gouvernement pourra demander aux partenaires sociaux de modifier la convention d'assurance chômage en cas de détérioration soudaine de sa trajectoire financière

Introduit par l'article 29 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 231 ( * ) , l'article L. 5422-25 prévoit que l' Unédic transmet chaque année au Parlement et au Gouvernement, au plus tard le 30 juin, ses perspectives financières triennales , en précisant notamment les effets de la composante conjoncturelle de l'évolution de l'emploi salarié et du chômage sur l'équilibre financier du régime d'assurance chômage.

Compte tenu de ce rapport et des autres informations disponibles, le Gouvernement doit ensuite transmettre avant le 31 décembre au Parlement et aux partenaires sociaux gestionnaires de l'Unédic un rapport sur la situation financière de l'assurance chômage, précisant notamment les mesures mises en oeuvre et celles susceptibles de contribuer à l'atteinte de l'équilibre financier à moyen terme. Si l'Unédic s'est acquittée de ses obligations annuelles, il n'en va pas de même du Gouvernement, qui n'a présenté qu'un rapport depuis 2015.

Le présent article propose une réécriture complète de ces dispositions.

Désormais, le Gouvernement transmettra chaque année au Parlement et aux partenaires sociaux gestionnaires de l'Unédic, avant le 30 septembre, un rapport sur la situation financière de l'assurance chômage, précisant notamment les mesures mises en oeuvre et celles susceptibles de contribuer à l'atteinte de l'équilibre financier à moyen terme. La référence aux conséquences de la conjoncture sur les finances de l'assurance chômage est donc supprimée.

Le Premier ministre pourra demander aux partenaires sociaux représentatifs au niveau national de modifier l'accord portant convention d'assurance chômage dans un délai qu'il fixera si le rapport précité fait état d'un écart significatif entre la trajectoire financière du régime d'assurance chômage et :

- celle prévue par l'accord précité ;

- ou celle fixée dans la loi de programmation des finances publiques.

Le Premier ministre devra alors transmettre un document de cadrage aux partenaires sociaux dans les mêmes conditions qu'en amont de la négociation de la convention d'assurance chômage.

Les dispositions légales applicables aux avenants de l'accord portant convention d'assurance chômage sont les mêmes que celles qui régissent l'accord lui-même 232 ( * ) .

Le Premier ministre pourra retirer l'agrément de l'accord portant convention d'assurance chômage et prendre lui-même les mesures d'application du régime d'assurance chômage si les partenaires sociaux ne respectent pas les objectifs mentionnés dans le document de cadrage.

F. L'obligation pour les représentants des intermittents du spectacle de respecter les objectifs du document de cadrage fixé par le Premier ministre

Introduit par l'article 34 de la loi « Rebsamen » 233 ( * ) , l' article L. 5424-22 prévoit un cadre spécifique pour négocier les règles d'indemnisation chômage des intermittents du spectacle, prévues aux annexes VIII et X de la convention d'assurance chômage.

Ces annexes s'appliquent aux artistes et techniciens relevant des secteurs de la production cinématographique, de l'audiovisuel et du spectacle.

Avant 2015, il revenait aux partenaires sociaux représentatifs au niveau national de négocier la convention d'assurance chômage, y compris les règles des annexes VIII et X.

Depuis cette date, ces annexes peuvent être négociées directement par les partenaires sociaux représentant les artistes et techniciens relevant des secteurs de la production cinématographique, de l'audiovisuel et du spectacle, à condition de respecter le document de cadrage financier et le délai fixés par les partenaires sociaux chargés de négocier la convention d'assurance chômage.

À défaut d'accord entre partenaires sociaux représentant les intermittents du spectacle, ou en cas d'accord incompatible avec le document de cadrage, ce sont les partenaires sociaux chargés de négocier la convention d'assurance chômage qui fixent eux-mêmes les règles des annexes VIII et X.

Un comité d'experts techniques est par ailleurs chargé de conseiller les partenaires sociaux représentant les intermittents du spectacle et d'évaluer la conformité de leur éventuel accord avec le document de cadrage financier 234 ( * ) .

Ce dispositif de négociation enchâssée des annexes VIII et X n'a été utilisé qu'une fois dans des circonstances particulières depuis sa création en 2015. En effet, le 28 avril 2016, un accord a bien été conclu entre partenaires sociaux représentant les intermittents du spectacle mais il n'a pas été repris par les partenaires sociaux représentatifs au niveau national, faute d'accord pour fixer la convention d'assurance chômage 235 ( * ) . En outre, un doute existait sur le respect de l'accord conclu avec le document de cadrage financier.

Le présent article conserve les règles spécifiques de la négociation des annexes VIII et X, tout en précisant par coordination juridique que le document de cadrage financier établi par les partenaires sociaux en charge de négocier la convention d'assurance chômage devra respecter les objectifs et la trajectoire financière du document de cadrage élaboré par le Premier ministre.

Si les partenaires sociaux représentant les intermittents du spectacle ne parviennent pas à conclure un accord compatible avec le document de cadrage élaboré par les partenaires sociaux chargés de négocier la convention d'assurance chômage, ces derniers devront négocier eux-mêmes ces annexes, à condition de respecter le document de cadrage du Premier ministre et les dispositions légales et réglementaires en vigueur.

En outre, le comité d'experts sur les annexes VIII et X devra examiner la compatibilité de l'accord conclu par les représentants des intermittents du spectacle avec, d'une part, le document de cadrage élaboré par les partenaires sociaux représentatifs au niveau national et interprofessionnel et, d'autre part, le document de cadrage fixé par le Premier ministre.

Enfin, le présent article procède à des modifications rédactionnelles, dans la lignée de l'article 38 du présent projet de loi, en remplaçant l'expression « l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 » par celle de « Pôle emploi ».

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission , outre trois amendements de précision juridique, deux amendements du rapporteur ont été adoptés.

Le premier a indiqué que le document de cadrage devra être précédé d'une concertation avec les partenaires sociaux représentatifs au plan national et interprofessionnel.

Le second oblige le Gouvernement à préciser, dans le document de cadrage, les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles il se fonde. Le document de cadrage devra également préciser le montant prévisionnel des impositions de toute nature qui financeront l'assurance chômage, pour les trois exercices à venir , sans préjudice des dispositions prévues dans les prochaines lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.

En séance publique , outre un amendement rédactionnel du rapporteur, un amendement du même auteur a été adopté pour repousser du 30 septembre au 15 octobre la date limite imposée au Gouvernement pour publier son rapport annuel sur la situation financière de l'assurance chômage.

III - La position de votre commission

Vos rapporteurs se félicitent de la prise de conscience par le Gouvernement de la nécessité d'endiguer la dette de l'assurance chômage. Pour autant, ils constatent avec stupéfaction que la moitié de l'accroissement de la dette entre 2008 et 2018 résulte de décisions qui ne dépendent pas des partenaires sociaux, mais qui sont, directement ou non, imputables à l'Etat, comme l'a montré l'Unédic dans ses perspectives financières pour 2018-2021. En outre, l'État aggrave la situation financière de l'Unédic à travers l'extension de l'assurance chômage aux démissionnaires ayant élaboré un projet professionnelle, dont le coût pourrait varier entre 270 et 480 millions d'euros par an. La responsabilité des partenaires sociaux dans l'aggravation de la dette de l'assurance chômage, quoique réelle, doit donc être fortement relativisée, et ne saurait justifier une critique frontale de leur gestion du régime.

Sur proposition de vos rapporteurs , la commission a adopté 4 amendements à cet article, dont l'amendement de précision juridique COM-318 .

La commission a tout d'abord adopté l' amendement COM-309 pour restreindre le champ d'application du document de cadrage du Gouvernement à seulement deux types d'accords : la convention d'assurance chômage et l'accord qui le modifie . En effet, le document de cadrage doit se limiter aux grands équilibres financiers de l'assurance chômage, et les partenaires sociaux doivent rester libres de négocier les avenants à la convention d'assurance chômage et les accords spécifiques relevant de l'assurance chômage. L'amendement est cohérent avec l'article 38 du présent projet de loi, qui exclut déjà la négociation du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) du champ d'application du document de cadrage.

A travers l'adoption de l' amendement COM-314 , elle a rétabli l'obligation pour l' Unédic de transmettre au Gouvernement et au Parlement son rapport sur les perspectives pluriannuelles de l'assurance chômage. En effet, la nouvelle rédaction de l'article 32 faisait disparaître ce rapport, qui est pourtant essentiel pour éclairer le Parlement et l'opinion publique, comme vient de le montrer le dernier rapport sur les perspectives financières de l'assurance chômage pour 2019-2021. Son contenu sera élargi aux modifications législatives, réglementaires ou conventionnelles adoptées au cours des trois années précédentes qui ont un impact significatif sur les finances de l'assurance chômage. Concrètement, l'Unédic devra évaluer les conséquences financières dans les trois prochaines années de l'élargissement de l'assurance chômage aux démissionnaires et aux indépendants prévu dans le présent projet de loi.

La commission a enfin adopté l'amendement COM-316 afin d'obliger le Gouvernement à communiquer au Parlement, au plus tard quatre mois avant la fin de validité de la convention d'assurance chômage, un projet de document de cadrage . Il est en effet désormais nécessaire de modifier l'articulation entre démocratie sociale et démocratie parlementaire en matière d'assurance chômage. Les règles actuelles et celles proposées par le Gouvernement ne prévoient pratiquement aucune place pour le Parlement en matière de pilotage financier de l'Unédic, sauf a posteriori lors du vote de la garantie par l'État de la dette de l'Unédic. Or, la fiscalisation actuelle de l'assurance chômage (45 % de ses ressources proviennent de l'impôt en 2018), la coresponsabilité de l'État dans la naissance de la dette de l'Unédic et le débat actuel sur la réforme des institutions plaident pour la création d'un nouveau rôle des parlementaires en matière d'assurance chômage.

L'amendement de vos rapporteurs offre une « boîte à outils » pour la commission des affaires sociales de chaque assemblée : elle pourra soit ne pas se prononcer sur le projet de document de cadrage du Premier Ministre, soit faire connaître au Gouvernement une communication, soit mettre en place un groupe de travail qui rendra un rapport, soit enfin être à l'origine d'une résolution débattue en séance publique en présence du Gouvernement. Dans tous les cas, ce dernier sera libre de ne pas suivre les préconisations du Parlement, mais les parlementaires pourront exprimer leur position en amont de l'élaboration du document de cadrage et tenter d'influer le Gouvernement et les partenaires sociaux.

À terme, il serait justifié de modifier l'article L. 1 du code du travail , afin de prévoir la communication au Parlement d'un projet de document d'orientation pour lui permettre de s'exprimer en amont de l'ouverture de toute négociation nationale interprofessionnelle sollicitée par le Gouvernement.

En définitive, cet amendement a potentiellement une portée majeure à court et moyen terme en renforçant les droits du Parlement en matière sociale .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 33 - Mesures transitoires relatives à l'assurance chômage fixées par décret en Conseil d'État

Objet : Cet article autorise le Gouvernement à fixer par décret en Conseil d'Etat, pour la période comprise entre le 1 er janvier 2019 et le 30 septembre 2020, les règles relatives, d'une part, à l'extension de l'assurance chômage aux démissionnaires ayant élaboré un projet professionnel et, d'autre part, à la modulation des contributions au régime et au cumul allocation-salaire si les négociations menées dans les branches professionnelles n'aboutissent pas d'ici la fin de l'année.

I - Le dispositif proposé

Le présent article comprend deux volets :

- le I liste les règles relatives à l'allocation versée aux démissionnaires ayant élaboré un projet de reconversion professionnelle et celle accordée aux travailleurs indépendants que devra fixer le Gouvernement par décret en Conseil d'État pendant la période comprise entre le 1 er janvier 2019 et le 30 septembre 2020 ;

- le II ouvre la faculté au Gouvernement d'instaurer également par décret en Conseil d'État pendant la même période une modulation des contributions patronales à l'assurance chômage et de définir les règles de cumul allocation-salaire si les négociations menées dans les branches professionnelles n'aboutissent pas d'ici le 1 er janvier 2019.

A. Plusieurs règles structurantes portant sur les allocations versées aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants devront être fixées par décret en Conseil d'État dès le 1 er janvier 2019

Par dérogation à la compétence générale des partenaires sociaux prévues à l'article L. 5422-20 et pour une période comprise entre le 1 er janvier 2019 et le 30 septembre 2020, le Gouvernement fixera dans un décret en Conseil d'État les règles relatives :

- à l'allocation d'assurance chômage versée aux démissionnaires dotés d'un projet professionnel réel et sérieux 236 ( * ) ;

- au conseil en évolution professionnelle que doit solliciter le salarié avant de démissionner et bénéficier de l'allocation d'assurance chômage 237 ( * ) ;

- à la coordination entre les mesures d'application de l'allocation des travailleurs indépendants et le régime d'assurance chômage 238 ( * ) ;

- au cumul entre l'allocation des travailleurs indépendants et les revenus tirés d'une activité réduite ou occasionnelle 239 ( * ) ;

- au contrôle des démarches d'un salarié démissionnaire pour réaliser son projet professionnel, à sa radiation des listes de Pôle emploi en cas de démarches insuffisantes et à la reprise du versement du reliquat de ses droits à l'allocation d'assurance après radiation 240 ( * ) .

À compter du 30 septembre 2020 , ces règles fixées par décret en Conseil d'État cesseront de produire leurs effets et devront être définies par la convention d'assurance chômage négociée par les partenaires sociaux.

B. Les règles relatives au bonus-malus et au cumul allocation-salaire pourront être fixées par décret en Conseil d'État si les négociations de branche échouent

Les partenaires sociaux représentatifs au niveau national et interprofessionnel devront transmettre un rapport au Gouvernement au plus tard le 1 er janvier 2019 qui comprendra deux parties.

La première, obligatoire , devra dresser un bilan des mesures issues des négociations de branches visant à développer l' installation durable dans l'emploi et à éviter les risques d'enfermement des salariés dans des situations de précarité .

La seconde, facultative , comprendrait des propositions en lien avec ces objectifs et portant sur deux dispositifs légaux :

- la modulation des contributions patronales à l'assurance chômage , en fonction du nombre de fins de contrats, de la nature des contrats de travail, de leur durée, des motifs de recours, de l'âge des bénéficiaires et de la taille des entreprises 241 ( * ) ;

- le cumul entre un revenu de remplacement (allocation d'assurance, allocation de solidarité, allocation spécifique) et les revenus tirés d'une activité occasionnelle ou réduite ainsi qu'avec les prestations de sécurité sociale ou d'aide sociale 242 ( * ) .

Le cumul allocation-salaire

Toute personne indemnisée par l'assurance chômage peut cumuler, sous conditions, un revenu d'activité et une partie de son allocation, afin de l' inciter à retrouver une activité pérenne et éviter l'enfermement dans le chômage en lui versant un complément de ressource quand elle reprend une activité moins bien rémunérée que la précédente.

Ce dispositif améliore donc le revenu total par rapport à la seule allocation, sans toutefois autoriser un revenu supérieur à la rémunération de l'ancienne activité.

Le cumul est possible indépendamment du nombre d'heures travaillées et de la nature de l'activité reprise . L'allocataire peut être en CDD ou en CDI moins bien rémunéré que l'emploi précédant l'ouverture de droit, il peut aussi développer une activité non salariée.

Seuls les jours indemnisés chaque mois sont décomptés de la durée totale des droits. Les droits ouverts à l'assurance chômage sont prolongés à due concurrence.

L'Unédic prend l'exemple suivant pour présenter le dispositif. Soit un salarié qui percevait 3 000 euros bruts de salaire mensuel ; son allocation de retour à l'emploi est de 1 710 euros et il retrouve un emploi rémunéré 2 100 euros bruts par mois. Il percevra alors un complément d'allocation de 228 euros en plus de son nouveau salaire.

En 2016, près d'un allocataire de l'assurance chômage sur deux a travaillé. Parmi les allocataires qui ont travaillé, la moitié a bénéficié du cumul allocation-salaire , soit 854 000 personnes chaque mois 243 ( * ) .

À la lumière de ce rapport, et par dérogation à la compétence générale des partenaires sociaux représentatifs au niveau national et interprofessionnel pour négocier la convention d'assurance chômage, le Gouvernement pourra prendre un décret en Conseil d'État s'il souhaite fixer les règles des deux dispositifs légaux précités pendant la période comprise entre le 1 er janvier 2019 et le 30 septembre 2020. Ce décret devra être précédé d'une concertation avec ces mêmes partenaires sociaux. Ses mesures se substitueront alors de plein droit aux stipulations de l'accord relatif à l'assurance chômage en vigueur. Toutefois, à compter du 30 septembre 2020, les mesures d'application fixées par le décret en Conseil d'État cesseront de produire leurs effets et devront être déterminées par les accords relatifs à l'assurance chômage.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission , outre quatre amendements rédactionnels du rapporteur , un amendement de Boris Vallaud, député, et plusieurs de ses collègues du groupe Nouvelle Gauche, a été adopté pour indiquer que le rapport sur la lutte contre la précarité que les partenaires sociaux doivent rendre au Gouvernement avant le 1 er janvier 2019 devra également être transmis au Parlement.

En séance publique , un amendement de Monique Iborra et plusieurs de ses collègues du groupe La République En Marche a été adopté pour préciser que le recours éventuel du Gouvernement à un décret en Conseil d'État devait concerner à la fois la modulation de la contribution patronale et le cumul allocation-salaire et que ces règles transitoires devaient se référer à une période commune .

III - La position de votre commission

Vos rapporteurs considèrent que le développement très rapide des contrats courts comporte de nombreux inconvénients. S'agissant des salariés, l'accès au logement, au crédit et à la formation est rendu plus difficile, et suscite une crainte liée à l'absence de perspectives de revenu stable. Concernant les employeurs, le recours à un personnel soumis à un fort taux de rotation peut entraîner une baisse de la qualité de la production et des services, ainsi qu'une dégradation des conditions de travail. Le dualisme du marché du travail, qui caractérise notre pays au sein de l'OCDE, nuit au dynamisme de l'économie et à la cohésion nationale.

Pour autant, il serait illusoire de croire que l'instauration d'un bonus-malus suffira à elle-seule à lutter contre le recours excessif aux contrats courts. D'autres dispositifs doivent être mobilisés conjointement, qu'il revient aux partenaires sociaux de concevoir. En outre, certains secteurs recourent aux contrats courts pour des raisons inhérentes à leurs activités, sans que cette utilisation découle d'un souhait des employeurs de contourner les règles du CDI et de précariser les salariés.

C'est pourquoi la commission a adopté, par cohérence avec l'amendement COM 374 de suppression de l'article 29, l' amendement COM-320 qui supprime la possibilité offerte au Gouvernement de fixer par décret en Conseil d'État les règles relatives au bonus-malus et celles portant sur le cumul allocation-salaire si les négociations de branche n'aboutissent pas. Il prévoit également de repousser du 1 er janvier 2019 au 1 er juillet 2019 la date limite fixée aux partenaires sociaux pour publier un rapport sur le bilan des négociations de branche. Vos rapporteurs considèrent qu'il convient d'identifier les spécificités des secteurs d'activité et d'inciter les partenaires sociaux à concevoir des dispositifs originaux dans leurs branches professionnelles.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.


* 221 Art. L. 5422-14.

* 222 Art. L. 5422-15.

* 223 Art. L. 5422-16.

* 224 Art. L. 5422-25.

* 225 Art. L. 5422-21.

* 226 Décret n° 2016-961 du 13 juillet 2016 relatif au régime d'assurance chômage des travailleurs involontairement privés d'emploi.

* 227 Art. L. 5422-10. En effet, les contributions des employeurs ne sont passibles ni du versement forfaitaire sur les salaires ni des cotisations de sécurité sociale. En revanche, elles sont déductibles de l'impôt sur le revenu ou le cas échéant de l'impôt sur les sociétés.

* 228 Art. L. 5422-21.

* 229 Art. L. 5422-23.

* 230 L'article L. 5422-22 précise que le contrôle de légalité exercée par le Ministère du travail avant agrément de l'accord porte sur les dispositions relatives au contrôle de l'emploi, à la compensation des offres et des demandes d'emploi, au contrôle des travailleurs privés d'emploi, et à l'organisation du placement de l'orientation ou du reclassement des travailleurs sans emploi.

* 231 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 232 Art. L. 5422-20 à L. 5422-24, regroupés dans la section 5 « accords relatifs à l'assurance chômage ».

* 233 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi.

* 234 Art. L. 5424-23.

* 235 L'accord du 28 avril 2016, complété par un avenant du 23 mai 2016, a été agréé par le décret n° 2016-961 du 13 juillet 2016 précité.

* 236 Art. L. 5422-1, II.

* 237 Art. L. 5422-1-1.

* 238 Art. L. 5424-27, 2°.

* 239 Art. L. 5425-1.

* 240 Art. L. 5426-1-2.

* 241 Art. L. 5422-12.

* 242 Art. L. 5425-1.

* 243 « Poursuivre les efforts pour améliorer le retour à l'emploi durable et modérer le recours aux contrats courts », Références, note de l'Unédic, 23 mars 2018, p. 5.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page