EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises a été déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale le 19 juin 2018. Le même jour, la procédure accélérée était engagée par le Gouvernement.
Il a été examiné à l'Assemblée nationale par une commission spéciale entre les 6 et 14 septembre 2018 et en séance publique du 25 septembre au 9 octobre 2018.
Au Sénat, une commission spéciale rassemblant 37 sénateurs désignés à la proportionnelle des groupes politiques a été nommée le 10 octobre 2018. Au cours de sa réunion constitutive le 11 octobre, elle désigné sa Présidente et ses trois rapporteurs.
La commission spéciale du Sénat a adopté son texte à l'issue de trois réunions les 16 et 17 janvier 2019.
I. UNE RÉPONSE, FINALEMENT MODESTE, AUX ATTENTES DES ENTREPRISES
A. UN CONSTAT PARTAGÉ SUR LES BESOINS DES ENTREPRISES
Les obstacles rencontrés par les entreprises françaises (petites et moyennes essentiellement) pour se développer et les handicaps qui les pénalisent par rapport à leurs concurrentes européennes et mondiales sont depuis longtemps dénoncés par de multiples rapports et à l'occasion de chaque débat parlementaire sur le sujet.
Le présent rapport n'est pas le lieu de faire une nouvelle présentation générale du contexte économique et les difficultés spécifiques rencontrées (financières, fiscales, juridiques...) sont exposées dans les différents commentaires traitant des articles du présent projet de loi.
Certains chiffres permettent de poser simplement le constat . Ils sont rappelés dans le dossier de presse du ministère de l'économie et des finances de présentation du projet de loi publié en juin 2018.
B. LA MÉTHODE À RISQUE DU GOUVERNEMENT
Le projet de loi soumis au vote du Sénat a été précédé, avant son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, d'une très longue phase de communication et de concertation, d'ampleur tout à fait inhabituelle. Cette période de pré-négociation était à la fois un souhait du ministre de l'économie et des finances, qui a pu ainsi recueillir de nombreuses propositions émanant de chefs d'entreprises, de professionnels et de juristes, mais aussi une conséquence subie des incertitudes quant à l'inscription à l'ordre du jour des assemblées.
C'est donc dès le 23 octobre 2017 que le coup d'envoi de la première phase de consultation a été engagé avec la constitution sous l'aval du ministère de l'économie et des finances de six groupes de travail constitués de parlementaires et de chefs d'entreprises.
Le 21 décembre 2017 a eu lieu la restitution publique des travaux menés par les groupes de travail, suivie du 15 janvier au 15 février d'une consultation publique en ligne sur 31 propositions sélectionnées.
Extrait du communiqué de presse du ministère de l'économie et des finances pour le « lancement de la consultation publique sur le PACTE » (15 janvier 2018) « Dès aujourd'hui et jusqu'au 5 février, chaque citoyen pourra voter (« d'accord », « pas d'accord », « mitigé »), commenter les propositions du Gouvernement (dépôt d'arguments pour ou d'arguments contre) et faire ses propres contributions, elles-mêmes soumises aux votes des internautes. Les nombres de votes sur chaque proposition, d'arguments et les participants sont visibles par tous, de manière transparente, en temps réel. La consultation est articulée autour de 9 actions pour les entreprises (créer, financer, développer, innover, partager, transformer, exporter, rebondir, transmettre) déclinées en 31 propositions. Ces propositions soumises à la consultation ne sont ni définitives ni exhaustives. Le PACTE a vocation à s'enrichir au cours des prochaines semaines. Cette consultation publique s'inscrit dans la lignée de la méthode choisie pour concevoir le PACTE: la co-construction. La première étape a eu lieu entre octobre et décembre. Six binômes de parlementaire / chef d'entreprise ont été missionnés sur 6 thématiques, afin de formuler des propositions au plus près des besoins exprimés. En parallèle, une large consultation a été menée auprès de tous les acteurs : contribution des partenaires sociaux et des organisations professionnelles, mobilisation des régions avec l'appui des services des DIRECCTE, sollicitation des groupes parlementaires et du Conseil économique, social et environnemental (CESE). La consultation publique en ligne, ouverte à tous, constitue la seconde étape pour enrichir le PACTE. Les principaux contributeurs seront invités au ministère de l'Economie et des Finances pour échanger et débattre de vive voix avec les ministres ». |
Puis, durant les mois de février à avril 2018 s'est déroulée une concertation avec les organisations syndicales et les fédérations professionnelles pour aboutir finalement à l'adoption du projet de loi par le Conseil des ministres le 18 juin 2018.
Cette méthode (dont les différentes phases se sont déroulées sur une longue période de temps, de près d'un an) a certainement eu l'avantage de valoriser une concertation préalable à l'élaboration d'un projet de loi, qui traditionnellement est conduite avec plus de discrétion et aussi moins de transparence 2 ( * ) .
Elle a permis aussi, et le Gouvernement n'a pas manqué de s'en féliciter, d'associer certains parlementaires, même s'il est sans doute délicat de conserver autant de sens critique pour l'examen d'un texte 3 ( * ) lorsque l'on a été aussi étroitement associé à son élaboration.
Binômes et trinômes composés de parlementaires et de chefs d'entreprise missionnés pour réfléchir aux six thèmes du PACTE Thème 1 : Création, croissance, transmission et rebond Composition du binôme : Olivia Grégoire (députée de Paris) et Clémentine Gallet (présidente de Coriolis Composite). Thème 2 : Partage de la valeur et engagement sociétal des entreprises Composition du binôme : Stanislas Guerini (député de Paris) et Agnès Touraine (présidente de l'Institut Français des Administrateurs). Thème 3 : Financement des entreprises Composition du binôme : Jean-Noël Barrot (député des Yvelines) et Alice Zagury (présidente de The Family). Thème 4 : Numérisation et innovation Composition du trinôme : Célia de Lavergne (députée de la Drôme), Philippe Arraou (président d'honneur de l'Ordre des experts comptables) et Lionel Baud (PDG de Baud Industries). Thème 5 : Simplification Composition du binôme : Sophie Errante (députée de Loire-Atlantique) et Sylvain Orebi (PDG de Orientis). Thème 6 : Conquête de l'international Composition du binôme : Richard Yung (sénateur des Français de l'étranger) et Éric Kayser (artisan boulanger, PDG de Maison Kayser).
Source : Pacte - restitution des travaux conduits
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Mais cette méthode de co-construction publique a eu aussi pour effet de rendre le temps de mise au point et d'arbitrage du projet de loi visiblement beaucoup plus long aux yeux des médias, du public et des personnes concernées, au premier rang desquelles les entreprises et leurs salariés.
Or cette lenteur, qui n'est imputable qu'à l'exécutif, a été mise sur le compte d'une procédure parlementaire, qui en l'espèce a montré son efficacité et même sa rudesse quant au temps de réflexion laissé aux élus nationaux sur des sujets majeurs ou présentés comme tels.
Il est donc d'autant plus étonnant que les critiques sur les délais d'examen par le Parlement aient été émises par certains parlementaires et par des représentants du Gouvernement alors que ce dernier a communiqué sur ses propositions pendant plus d'une année avant de décider l'application de la procédure accélérée pour l'examen du texte au Parlement.
Quoiqu'il en soit, il reviendra bien au Gouvernement d'assurer dans les meilleurs délais la publication des ordonnances et des textes d'application nécessaires à l'entrée en vigueur des dispositions du texte lorsqu'il sera promulgué à la fin de la navette parlementaire et après l'éventuel examen par le Conseil constitutionnel.
* 2 Les assemblées parlementaires publient par principe depuis longtemps la liste des personnes auditionnées par leurs commissions et leurs rapporteurs (voir l'annexe du présent rapport).
* 3 De même pour l'évaluation de ses effets.