C. DES DÉPENSES FISCALES « FORÊT » SOUVENT MODIQUES ET MAL ÉVALUÉES

L'estimation des dépenses fiscales en faveur de la forêt et du bois est particulièrement complexe dans la mesure où certaines dépenses fiscales qui lui profitent poursuivent une vocation plus large que celle de favoriser les actifs forestiers.

L'information sur ce point reste très insatisfaisante.

Selon la lecture qu'on en fait, l'estimation des dépenses fiscales annexée au projet annuel de performances aboutit à une valeur comprise entre 202 millions d'euros (en incluant le taux préférentiel de 10 % appliqué aux livraisons de bois de chauffage) et 60 millions d'euros.

Ces éléments ne correspondent pas à ceux transmis à vos rapporteurs spéciaux.

Les dépenses fiscales pour la forêt entre 2017 et 2019

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les dépenses fiscales pour la forêt concernent la plupart des impôts et taxes auxquels les propriétaires forestiers sont susceptibles d'être assujettis et mettent en oeuvre des mécanismes fiscaux variés puisqu'ils agissent sur l'assiette (exonérations), sur le taux (taux réduits) ou sur le montant de l'impôt (réductions et crédits d'impôt).

Ces mesures concernent des impôts d'État, sauf une qui concerne un impôt local : la taxe foncière sur les propriétés non bâties, avec compensation par l'État.

S'y ajoute une modalité de calcul de l'impôt sur le revenu applicable au revenu de la vente de bois issu de la forêt, appelée « forfait forestier ».

Les avantages fiscaux fléchés vers la forêt sont majoritairement à vocation patrimoniale. Cette situation n'est pas anormale s'agissant d'un actif dont la détention suppose d'accepter une rentabilité pour le moins aléatoire et différée, mais aussi un certain nombre de sujétions coûteuses.

En matière d'accompagnement fiscal de la détention, l'adoption d'un nouvel impôt sur la fortune immobilière n'a pas changé la donne. Il faut s'en féliciter. Cependant, la dépense fiscale correspondante n'est plus estimée.

Pour autant, l'efficacité des incitations fiscales à l'investissement suscite une certaine perplexité 28 ( * ) alors que la rationalisation de la forêt française privée et de son exploitation demeure un enjeu économique et environnemental fort et qu'il s'agirait là du levier le plus adapté pour aboutir à une amélioration au niveau national.

Dans son rapport « Les soutiens à la filière forêt-bois », établi en novembre 2014 à la demande de votre commission des finances, la Cour des comptes avait émis une appréciation, considérant qu'il conviendrait de « davantage utiliser la fiscalité forestière comme un levier au service de la politique forestière et de procéder en conséquence à un rééquilibrage en faveur des mesures fiscales à visée incitative ».

La plupart des mesures sont, individuellement, d'une ampleur très limitée. Par ailleurs, elles sont peu évaluées, même si dans le cadre du rapport de l'Inspection générale des finances publié en 2011 portant sur les mesures dérogatoires fiscales et sociales, la plupart des dispositifs ayant pu faire l'objet d'une appréciation ont reçu une bonne notre d'efficience.

Selon les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, depuis la remise de ce rapport, le ministère de l'agriculture a à nouveau sollicité en février 2013 les services de la DGFiP dans le cadre d'une lettre de mission interministérielle - préparatoire au volet forêt-bois de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt - afin de disposer de quelques éléments chiffrés mais sans que la suite donnée à cette saisine puisse être jugée conclusive.

Tout juste aura-t-elle permis de réunir les quelques données quantitatives suivantes faisant état de :

- 33 575 bénéficiaires de l'exonération partielle d'ISF pour un montant de 23 millions d'euros (estimé à partir du fichier d'ISF 2010), portés selon le PAP pour 2018 à 52 millions d'euros en 2017 ;

- 1 300 successibles déclarés en 2012 au titre des bois et forêt pour un montant de 2 millions d'euros, aucune donnée n'ayant pu être délivrée sur l'exonération partielle des bois et forêts et parts de groupements forestiers au titre des donations.

La dépense fiscale à l'impact financier le plus important réside dans les exonérations partielles de droit de mutation à titre gratuit, qui facilitent la transmission des patrimoines forestiers et préviennent un morcellement forestier encore plus fort qu'aujourd'hui.

La commission des finances du Sénat a dit son opposition à une remise en cause de cet avantage fiscal au cours de l'examen récent d'une proposition de loi allant dans ce sens.

Une amélioration du régime fiscal applicable aux forêts pourrait provenir d'une meilleure incitation à un regroupement des parcelles et à des incitations à procéder à des travaux forestiers.

À cet égard le DEFI forestier présente certaines limites dont le dépassement mérite un examen.

Les données relatives au dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI) ne portaient que sur les déclarations des particuliers déposés au titre des revenus 2011.

Nature de la dépense fiscale (Volet du DEFI)

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires

Part de la dépense fiscale

Assurance

1 709

0,05 million d'euros

Acquisition

1 630

2,4 millions d'euros

Travaux

5 317

1,4 million d'euros

Contrat

426

0,006 million d'euros

La situation semble n'avoir que peu évolué tant pour le nombre des bénéficiaires que pour les enjeux considérés.

De manière générale s'agissant des mesures fiscales sur lesquelles s'appuie notre politique forestière, vos rapporteurs spéciaux jugent pertinent de ne pas réduire le coût global des dépenses fiscales dont bénéficie la filière.

Ils préconisent plutôt une simplification, et une meilleure lisibilité, des soutiens publics vers les mesures fiscales à visée incitative afin que l'investissement privé puisse mieux contribuer à l'atteinte de nos objectifs forestiers.


* 28 Comme l'avaient indiqué vos rapporteurs spéciaux dans leur rapport, « Faire de la filière forêt-bois un atout pour la France », n° 382 (2014-2015).

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