B. LES CRÉDITS ET LES EMPLOIS DES OPÉRATEURS
En 2020, les programmes de la mission « Travail et emploi » seront chefs de file de sept opérateurs :
- Pôle emploi (Programme 102) ;
- l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Épide) (Programme 102) ;
- France compétences (Programme 103), bien que cette agence soit financée par la taxe d'apprentissage ;
- l'Agence nationale pour formation professionnelle des adultes (AFPA) (Programme 103) ;
- le Centre INFFO (Programme 103) ;
- l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) (Programme 111) ;
- l'Institut national du travail, de l'emploi et la formation professionnelle (Intefp) (Programme 155).
La mission concourt en outre au financement de l'Agence nationale de la sécurité sanitaire, de l'alimentation et de l'environnement et du travail (ANSES).
Les crédits alloués aux opérateurs en 2018, 2019 et 2020
(en milliers d'euros et en %)
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Les subventions pour charges de service public allouées aux opérateurs sont stables, hormis celle perçue par Pôle emploi qui diminue de près de 10 % en 2020.
Les emplois sous plafond des opérateurs augmentent de
356 ETPT, après une diminution de 458 ETPT en 2019. Peuvent
être notées l'augmentation importante des emplois sous plafond de
Pôle emploi (+ 950 ETPT) et la forte baisse des emplois sous
plafond de l'AFPA
(- 574 ETPT), liée à l'actuel
plan de transformation de cette agence.
Variation 2020/2019 des charges de service public et des plafonds d'emplois des opérateurs de la mission « Travail et emploi »
(en milliers d'euros et en ETPT)
Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performance « Travail et emploi » annexé au projet de loi de finances pour 2020
La position de votre rapporteur spécial Emmanuel Capus La diminution des crédits des opérateurs, comme celle du ministère du travail, est une composante nécessaire du redressement des finances publiques . Votre rapporteur spécial salue néanmoins la hausse des moyens humains de Pôle emploi qui se traduit, après plusieurs années de diminution des effectifs, par une hausse du schéma d'emploi de 950 ETPT en 2020. Cette évolution s'accompagne d'une réorientation de l'offre d'accompagnement, en phase avec la situation actuelle du marché du travail et de l'emploi . Celle-ci permet une prise en charge accrue des chômeurs qui en ont le plus besoin, et va de pair avec la mise en place d'outils innovants d'accompagnement tels que le « pacte de démarrage », fondé sur une approche plus collective de la recherche d'emploi. Partant du constat que le chômage structurel constaté aujourd'hui procède pour une grande part des difficultés de recrutement auxquelles les employeurs font face, notamment dans certains secteurs en tension de l'industrie, Pôle emploi prévoit un renforcement significatif de l'accompagnement des entreprises, qui mobilise actuellement 4 300 conseillers. La convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi en cours de négociations déterminera les grands objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre pour Pôle emploi dans les prochaines années. L'AFPA poursuit sa réforme, indispensable pour redresser sa situation financière . Fin 2018, l'excédent brut d'exploitation de l'agence s'établissait encore à - 68,7 millions d'euros. Si un certain retard dans la mise en oeuvre du plan de transformation a pour le moment été constaté, des précautions ont été prises de manière à ce que la transition s'opère dans les meilleures conditions possibles, notamment en privilégiant, dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi en cours, un plan de départ volontaire sur les éventuels licenciements. Un contrat d'objectif et de moyens doit être conclu avec l'État avant la fin de l'année 2019. Celui-ci reste dans son rôle en maintenant la subvention pour charges de service public à son niveau de l'an passé, soit 110 millions d'euros. Enfin, la situation financière de l'ANACT est bonne et la baisse de sa subvention pour charges de service public est modérée au regard des orientations budgétaires globales qui affectent la mission. Des axes d'améliorations subsistent pour cet opérateur, relevés par la Cour des comptes dans son dernier référé du 24 mai 2019, notamment en matière de rationalisation de ses missions et de pilotage du réseau des ARACT. La position de votre rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian Votre rapporteure spéciale ne peut que déplorer la baisse d'année en année des subventions pour charges de service public et des effectifs des opérateurs de la politique de l'emploi, qui relève soit d'une logique budgétaire, soit, comme dans le cas de l'AFPA, d'une logique de libéralisation. La hausse des effectifs de Pôle emploi cette année est louable en soi, mais l'on ne saurait en attribuer le mérite au Gouvernement , qui a décidé cette année une nouvelle diminution, à hauteur de près de 10 %, de la subvention pour charges de service public allouée à cet opérateur. Au contraire, celle-ci est bien financée par une hausse de 1 point de la contribution de l'Unédic (portée à 11 % de ses ressources). L'État, qui a par ailleurs imposé une réforme de l'assurance-chômage restreignant considérablement les droits des demandeurs d'emploi dans le seul but de générer 4,5 milliards d'euros d'économie pour l'Unédic à horizon 2022, fait ainsi supporter aux chômeurs eux-mêmes le coût du service public de l'emploi. Cette décision s'inscrit dans une tendance de fond consistant à demander à l'Unédic le financement de politiques distinctes de sa mission première (indemniser les chômeurs) qui, comme l'a montré récemment l'observatoire français des conjonctures économiques, constitue la cause réelle de l'accroissement de la dette de cet établissement 8 ( * ) . En outre, cette hausse des effectifs, qui sera en partie absorbée par le renforcement de l'accompagnement des entreprises et ne sera donc pas uniquement centrée sur les publics les plus éloignés de l'emploi, ne compense pas les baisses très importantes enregistrées ces dernières années, et contraste avec les importants efforts engagés à cet égard lors du précédent quinquennat . Ainsi, de 2013 à 2017, les effectifs totaux s'établissaient à près de 50 000 ETPT contre moins de 47 000 en 2020. Cette évolution est notamment liée à la suppression de tout recrutement « hors plafond » en CDD ou en contrat aidé à Pôle emploi. Évolution des effectifs de Pôle emploi Source : ministère du travail, réponse au questionnaire |
Les difficultés de l'AFPA sont la conséquence attendue de l'intégration dans le champ concurrentiel, prévue par l'ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016, des missions de service public qu'elle exerce . Le plan de transformation affaiblira encore l'opérateur et se traduira par une baisse de la qualité du service rendu, ainsi que par une diminution de sa présence sur le territoire : dans certains département, on ne compte aujourd'hui plus aucun centre AFPA. Le plan de transformation emporte également de lourds risques sur la santé les personnels de l'AFPA. La forte dégradation des indicateurs socio-sanitaires traduit en effet une situation alarmante à laquelle il convient que les autorités apportent une réponse. La mise en concurrence dans le cadre des marchés publics passés au titre du Plan d'investissement dans les compétences marginalise l'AFPA alors que celle-ci aurait un rôle important à jouer dans sa mise en oeuvre, notamment au titre de sa mission d'utilité sociale qui combine qualité de la formation et accès à la formation pour tous. C'est d'autant plus dommageable qu'elle a su, par le passé, démontrer une efficacité sociale élevée, avec un taux d'entrée en emploi supérieur à la moyenne des organismes de formation. Votre rapporteure spéciale sera vigilante concernant le déroulement de l'actuel plan de sauvegarde de l'emploi, et appelle à ce qu'aucun licenciement économique ne soit prononcé. Peut enfin être déplorée la baisse d'année en année de la subvention pour charges de service public de l'ANACT (- 10 % depuis 2015). |
* 8 Bruno Coquet, « Quelle gouvernance pour l'assurance chômage ? », observatoire français des conjonctures économiques, policy brief n° 57, 13 juin 2019.