B. CLARIFIER LE DROIT POUR LES LETTRES UTILISÉES DANS LES PRÉNOMS INSCRITS À L'ÉTAT CIVIL
L'article 3 de la proposition de loi, dans sa rédaction résultant de l'examen du texte en commission, tend à prévoir les lettres comportant des signes diacritiques qui peuvent être utilisés dans les prénoms inscrits à l'état civil des personnes et à y inclure la lettre « ñ » (« n tilde »).
1. L'impossibilité d'utiliser la lettre « ñ » dans les prénoms ne semble pas répondre à une réelle justification
Les lettres et signes admissibles dans les prénoms inscrits à l'état civil des personnes sont actuellement définis par la circulaire de la ministre de la justice du 23 juillet 2014 relative à l'état civil 39 ( * ) . Celle-ci comprend, parmi les lettres comportant un signe diacritique, des voyelles (à - â - ä- é - è - ê - ë - ï - î - ô - ö - ù - û - ü - ÿ) mais également une consonne (ç). La lettre « ñ » n'y figure cependant pas.
Cette absence a généré des incompréhensions pour des parents désirant utiliser ce signe dans le prénom de leur enfant, mises en lumière par la récente affaire relative à la graphie du prénom de Fañch B. 40 ( * )
Pourtant, l'usage du signe « tilde » est attesté dans la langue française , y compris dans l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539. Il ne serait tombé en désuétude qu'au XVIII ème siècle. Dès lors, il ne semble pas que l'usage du « tilde » dans les actes de naissance aille à l'encontre des dispositions constitutionnelles 41 ( * ) ou législatives 42 ( * ) qui prévoient l'usage du français dans les actes officiels.
2. Préciser les signes diacritiques admissibles dans les prénoms inscrits à l'état civil
L'article 3, introduit par un amendement COM-1 rectifié ter présenté par Michel Canevet et plusieurs de ses collègues, propose donc de clarifier le droit existant et préciser les signes diacritiques de la langue française qu'il est possible d'utiliser dans les prénoms inscrits à l'état civil.
Il tend à insérer, après le deuxième alinéa de l'article 57 du code civil relatif au choix des prénoms de l'enfant à sa naissance, un nouvel alinéa. Celui-ci prévoit une liste des « voyelles et consonnes accompagnées d'un signe diacritique connues de la langue française », comportant les lettres suivantes : à - â - ä- é - è - ê - ë - ï - î - ô - ö - ù - û - ü - ÿ - ç - ñ. Il inclut donc dans cette liste le « ñ » .
Il précise par ailleurs que les signes diacritiques admis « peuvent être portés tant sur les lettres majuscules que sur les minuscules » et que les ligatures « æ » et « oe » sont admises, en majuscule comme en minuscule.
Enfin, il prévoit explicitement qu'aucun autre signe diacritique que ceux prévus à l'article « ne peut être retenu pour l'établissement d'un acte de l'état civil. »
* 39 Circulaire de la ministre de la justice du 23 juillet 2014 relative à l'état civil (NOR : JUSC1412888C).
* 40 Dans cette affaire, la cour d'appel de Rennes a annulé un jugement du tribunal de grande instance de Quimper portant rectification de l'acte de naissance de Fañch B. pour supprimer de son prénom le signe « tilde ». Elle a motivé son arrêt par le fait que, contrairement à l'argumentation du ministère public, « l'usage du tilde n'est pas inconnu de la langue française puisque le ñ figure à plusieurs reprises dans le dictionnaire de l'Académie Française, dans le Petit Robert et dans le Larousse de la langue française ». Elle a également relevé l'usage du « ñ » à plusieurs reprises dans des patronymes figurant dans des décrets de nomination et estimé que, sauf à « générer une situation discriminatoire », un tel usage pouvait être admis pour les prénoms. Enfin, elle a souligné que le prénom Fañch « avec cette même graphie a déjà été accepté par le procureur de la République de Rennes » en 2002. La Cour de cassation a rejeté le 17 octobre 2019, pour irrecevabilité, le pourvoi qui lui avait été adressé par le parquet général de la cour d'appel de Rennes.
* 41 L'article 2 de la Constitution prévoit, depuis la loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992, que « la langue de la République est le français ».
* 42 La loi du 2 Thermidor an II (20 juillet 1794) et l'arrêté consulaire du 24 Prairial an XI (13 juin 1803) rendent obligatoire l'écriture des actes administratifs en langue française.