ARTICLE 1ER OCTIES A
PROLONGATION D'UN AN DE L'ACTIVITÉ DES AGENCES
DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES
DE GUADELOUPE ET DE MARTINIQUE
ET REPORT EN CONSÉQUENCE DU TRANSFERT DES ZONES URBANISÉES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Les agences des zones des cinquante pas de Guadeloupe et de la Martinique, établissements publics à caractère industriel et commercial (EPCI), ont été créées en 1996 afin de participer à la gestion des zones des cinquante pas géométriques 73 ( * ) . Elles exercent deux missions : une mission prioritaire d'accompagnement du processus de régularisation et une mission secondaire d'aménagement foncier 74 ( * ) .

L'article 1 er octies A, qui résulte de l'adoption d'un amendement du Gouvernement en séance publique à l'Assemblée nationale, tend à inscrire directement dans la loi une prolongation d'un an de l'activité des agences de la zone des cinquante pas géométriques de Guadeloupe et de Martinique , à laquelle le Gouvernement souhaitait procéder par voie d'ordonnance.

Il s'agirait de la cinquième prolongation de la durée d'activité de ces agences , initialement créées pour une durée de 10 ans.

1. Un transfert des zones urbanisées de la zone des cinquante pas géométriques aux collectivités territoriales découlant de la cessation d'activité des agences

L'article 27 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer, reportant la cessation d'activité de ces agences au 1 er janvier 2021, a prévu qu'à cette même date, après consultation de la région de Guadeloupe et de la collectivité territoriale de Martinique, les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques soient transférés en pleine propriété dans le domaine public du conseil régional de la Guadeloupe et de la collectivité territoriale de Martinique.

Pour préparer ce transfert, la loi prévoyait que :

- au plus tard le 1 er janvier 2018, l'État et les collectivités concernées adoptent un document stratégique d'aménagement et de mise en valeur de la zone des cinquante pas géométriques 75 ( * ) . Ce document a bien été élaboré ;

- au plus tard le 1 er janvier 2019, l'État délimite par décret en Conseil d'État, après avis des collectivités territoriales ou de leurs groupements, à l'intérieur de la zone des cinquante pas géométriques, d'une part, les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, d'autre part, les espaces naturels, la présence de constructions éparses ne pouvant faire obstacle à l'identification d'un secteur comme espace naturel 76 ( * ) ;

- au plus tard le 1 er janvier 2020, le représentant de l'État remet au président de la collectivité concernée un rapport comportant un état des cessions et des enjeux d'aménagement qui y sont liés, une évaluation des charges liées à ce transfert ainsi qu'un bilan de l'activité de chacune des deux agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone des cinquante pas géométriques 77 ( * ) .

2. Un calendrier désormais irréalisable au vu des nombreux enjeux liés aux occupations sans titre et aux risques naturels

La gestion de la zone des cinquante pas géométriques est toutefois éminemment complexe , en raison de la multitude des thématiques à traiter. Aux questions foncières et d'aménagement , au coeur de la problématique en raison de l'occupation massive de cette zone sans droit ni titre, s'ajoute la question des risques naturels .

Comme le soulignait en effet la délégation sénatoriale aux outre-mer, dans son rapport intitulé Risques naturels majeurs dans les outre-mer (volet relatif à la reconstruction et à la résilience des territoires et des populations) , « ces espaces en contrebas et en bordure de mer apparaissent souvent exposés à des risques naturels importants et sont particulièrement vulnérables, notamment face aux vents violents, aux conséquences des cyclones en termes de submersion ou d'inondation, et aux évolutions du trait de côte » et « les agences ne peuvent pas régulariser par cession du foncier les situations des habitations situées dans les zones exposées aux risques naturels graves et prévisibles menaçant des vies humaines notamment en termes de submersion marine, de glissements de terrain ou de recul du trait de côte » 78 ( * ) .

De fait, la collectivité territoriale de Martinique et le conseil régional de Guadeloupe ont fait de l'avancée sur ces sujets, et notamment de la régularisation ou du relogement des populations en zones à risques , un préalable au transfert prévu d'une partie de ces zones dans leur domaine. Par une lettre au Président de la République en date du 13 mai 2019, ils ont formalisé ces « conditions » préalables au transfert en demandant de « bâtir un calendrier réaliste mais resserré aboutissant à une prise de compétence raisonnée de [leur] collectivités ».

Les difficultés dans la gestion des zones des cinquante pas géométriques de Guadeloupe et de Martinique ont conduit les ministres de la cohésion des territoires et des outre-mer à confier, le 29 octobre 2019, au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) une mission pour éclairer les décisions du Gouvernement en matière d'organisation et de moyens à mobiliser avec pour objectif final d'assurer à terme une destination définitive des terrains gérés actuellement par les agences des cinquante pas géométriques, en dehors du domaine public ou privé de l'État. La lettre de mission demandait ainsi au CGEDD de proposer des solutions d'amélioration des processus et des outils, concernant le cas des zones de menace grave pour la vie humaine et celui des produits d'accession très sociale à proposer dans le cas des opérations de relogement.

3. L'article 1 er octies A : une prolongation de l'activité des agences de la zone des cinquante pas géométriques en Martinique et en Guadeloupe dans l'attente d'une réforme de plus grande ampleur

Dans son rapport rendu en janvier 2020, le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) propose de revoir plus complètement, par voie législative, le dispositif de transition préparant le transfert des espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse aux collectivités territoriales .

La date initialement prévue par la loi pour ce transfert - le 1 er janvier 2021 - ne peut en effet être tenue, car les étapes préalables n'ont pu avoir lieu. En particulier, le zonage des zones devant revenir aux collectivités n'a pas été réalisé.

L'Assemblée nationale a donc décidé, sur proposition du Gouvernement et afin de permettre la réalisation des étapes préalables à ce transfert mais également une concertation approfondie avec les collectivités territoriales sur une potentielle réforme, de reporter d'un an la cessation d'activité des agences de la zone des cinquante pas géométriques de Martinique et de Guadeloupe et, par conséquent, le transfert des espaces concernés aux collectivités territoriales . Le transfert serait donc effectif au plus tard le 1 er janvier 2022.

L'article effectue également les coordinations nécessaires :

- les demandes de régularisation pourront être déposées jusqu'au 1 er janvier 2021 ;

- les étapes préalables au transfert seraient repoussées : l'article 1 er octies A prévoit ainsi que l'État délimiterait par décret en Conseil d'État, après avis des collectivités territoriales ou de leurs groupements, à l'intérieur de la zone des cinquante pas géométriques, d'une part, les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, d'autre part, les espaces naturels, avant le 1 er juillet 2021.

Le rapport du CGEDD propose toutefois une réforme plus ambitieuse de la gestion de la zone des cinquante pas géométriques , afin d'aboutir à la disparition de ce concept et à une entrée de ces zones dans le droit commun du littoral :

- à court terme, l'État mettrait en place un programme opérationnel de relogement et de démolition par des opérations d'aménagement ad hoc et les agences des cinquante pas verraient leur prérogatives renforcées et leur durée de vie allongée, pour leur permettre de mener les opérations d'aménagement nécessaires ;

- à moyen terme, le concept de zone des cinquante pas géométrique serait aboli et le terrain transféré aux collectivités territoriales, qui se chargeraient de l'achèvement définitif des régularisations.

La proposition du CGEDD s'inscrit dans la droite ligne des recommandations de la délégation sénatoriale aux outre-mer qui indiquait, dans son rapport d'information Domaines public et privé de l'État outre-mer : 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile , qu'« Il est désormais grand temps de refermer la phase postcoloniale du traitement de la ZPG et de renverser la logique à laquelle elle obéissait. Il ne convient plus de considérer comme normale et nécessairement légitime l'appropriation de la bande côtière par l'État et comme dérogatoire et toujours en quête de justification les interventions des collectivités » 79 ( * ) . Ce rapport indiquait toutefois également que : la « prorogation [des agences des cinquante pas géométriques] devra être accompagnée en contrepartie de la fixation d'une date ferme à laquelle devront être achevées les négociations de transfert avec l'État ».

Cinq ans après, alors que le Gouvernement propose une énième prorogation de l'existence de ces agences, la commission des lois estime indispensable d'avoir une ambition plus forte pour l'avenir de cette zone afin, d'une part, d'assurer des conditions de vie digne aux habitants de la zone actuellement sans droit ni titre et, d'autre part, de rendre effectif au plus vite le transfert du foncier aux collectivités territoriales. Elle appelle donc de ses voeux, au-delà de ce nouvel ajustement qui traduit les difficultés récurrentes de mise en oeuvre du cadre défini en 1996, l'examen au Parlement d'un texte permettant une réforme de la gestion de la zone des cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique , après concertation approfondie avec les collectivités concernées.

La commission a adopté l'article 1 er octies A sans modification .


* 73 La zone des cinquante pas géométriques correspond à une surface d'une largeur de 81,20 mètres décomptés à partir de la limite du rivage de la mer (article L. 5111-2 du code général de la propriété des personnes publiques). Elle fait partie du domaine public maritime de l'État (article L. 5111-1 du code précité). Elle bénéficie, à ce titre, des garanties d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité : sauf procédure de déclassement préalable, elle ne peut pas être cédée à une personne privée et ne peut faire l'objet d'une prescription acquisitive.

* 74 Article 5 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone des cinquante pas géométriques dans les DOM.

* 75 VI de l'article 27 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer.

* 76 Article L. 5112-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 77 V de l'article 27 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer.

* 78 Rapport d'information n° 122 (2019-2020) de MM. Guillaume ARNELL, Abdallah HASSANI et Jean-François RAPIN, fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, déposé le 14 novembre 2019. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r19-122-1/r19-122-1.html .

* 79 Rapport d'information n° 538 (2014-2015) de MM. Thani Mohamed Soilihi, Joël Guerriau, Serge Larcher et Georges Patient, fait au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, déposé le 18 juin 2015.

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