N° 666
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021
Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juin 2021
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ,
Par Mme Marta de Cidrac, MM. Pascal MARTIN et Philippe TABAROT,
Sénateurs
Tome I
Rapport
(Essentiel et examen des articles du titre I er au titre III)
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : |
3875 rect., 3995 et T.A. 602 |
Sénat : |
551 , 634 , 635 , 649 , 650 et 667 (2020-2021) |
• L'ESSENTIEL
FIXER
UN CAP CLAIR POUR ENGAGER DURABLEMENT NOTRE PAYS DANS LA TRANSITION BAS
CARBONE
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, réunie mercredi 2 juin 2021, sous la présidence de Jean-François Longeot, a examiné le rapport de Marta de Cidrac, Pascal Martin et Philippe Tabarot, rapporteurs, sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets . L'ensemble des groupes politiques a salué le retour des préoccupations environnementales dans notre agenda législatif comme un signe positif . Toutefois, en l'état, ce projet de loi contente peu d'acteurs . Entre les renoncements inavoués , les ajouts opportuns , les propositions très ambitieuses et les fausses bonnes idées , il n'est pas simple de faire le tri : il faut souvent regarder dans le détail et lever le voile sur des mesures dont l'effet peut paraître très positif pour l'environnement, mais, dans les faits, se révéler insuffisant .
Aussi, face à un texte perfectible au regard de nos engagements internationaux et sur le plan technique, la commission, unissant son expertise à quatre autres commissions , dont la commission des affaires économiques, s'est engagée dans un travail approfondi et a adopté 697 amendements visant à :
• réconcilier les transitions écologique, économique et sociale , dans un objectif de cohésion nationale et territoriale ;
• fixer un cap clair pour engager durablement notre économie dans la transition bas carbone ;
• faire le trait d'union entre la vie quotidienne des Français, la structure de notre modèle économique et nos engagements climatiques internationaux et européens ;
• rehausser l'ambition environnementale du texte présenté par le Gouvernement modifié par les députés ;
• garantir l'effectivité des dispositions votées.
La commission a adopté le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ainsi modifié.
I. UN PROJET DE LOI PERFECTIBLE AU REGARD DES ENGAGEMENTS DE LA FRANCE À L'ÉCHELLE INTERNATIONALE ET DÉCEVANT SUR LE PLAN TECHNIQUE
A. UN « EXAMEN DE RATTRAPAGE », QUI NE PERMETTRA PAS À LA FRANCE DE RESPECTER SES ENGAGEMENTS CLIMATIQUES INTERNATIONAUX
Après les lois Egalim, Énergie-Climat (LEC), d'orientation des mobilités (LOM), anti-gaspillage (AGEC), le projet de loi « Climat et résilience » , dernier texte environnemental du quinquennat, devait permettre à la France d'atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés en application de l'Accord de Paris (réduction des émissions de gaz à effet de serre [GES] de 40 % d'ici 2030 par rapport à 1990, neutralité carbone d'ici 2050). Le constat , dressé par des instances aussi diverses que le Haut Conseil pour le climat (HCC), le Conseil économique, social et environnemental (Cese) ou la Convention citoyenne pour le climat (CCC), pourtant à l'origine du texte proposé au Parlement, est clair : le texte présenté par le Gouvernement est insuffisant dans son ambition et ne répond pas pleinement aux attentes.
Le projet de loi déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale ne contribue, en effet, à effectuer qu'entre la moitié et les deux tiers du chemin restant à parcourir entre les émissions de GES en 2019 et la cible 2030 , et entre un quart et un tiers du chemin à parcourir par rapport à la cible 2030 révisée, adoptée en avril dernier par le Parlement européen et en cours de négociation au sein du Conseil européen.
Les lois adoptées depuis le début du quinquennat ne suffiront pas à combler cet écart .
« L'atteinte de l'objectif de 40 % 1 ( * ) sera conditionnée à l'exécution "intégrale et volontariste" des textes entrés en vigueur depuis 2017 et seules 20 % des réductions d'émissions envisagées par le Gouvernement sont pleinement garanties à ce jour. »
Étude du Boston Consulting Group 2 ( * ) , février 2021
Si le volume du projet de loi a été multiplié par trois à la faveur de son passage devant l'Assemblée nationale - en passant de 69 à 218 articles -, sa portée n'a pas été accrue dans les mêmes proportions. En outre, en dépit des recommandations formulées par le HCC, l'évaluation de l'impact environnemental des dispositions ajoutées en cours d'examen parlementaire n'a pas été réalisée par le Gouvernement , que ce soit pour les amendements d'origine parlementaire ou pour ceux d'origine gouvernementale.
Dans ces conditions, il est difficile de déterminer la portée réelle du texte soumis à l'examen du Sénat, même si son ambition climatique apparaît encore limitée du fait de la faible portée normative de ses nombreuses dispositions.
* 1 Depuis rendu obsolète par le nouvel objectif européen.
* 2 Étude menée à la demande du ministère de la transition écologique pour évaluer l'impact des mesures prises depuis 2017 ou actuellement en discussion sur la trajectoire bas carbone au regard de l'atteinte de l'objectif de réduction de 40 % des émissions de GES à horizon 2030.