H. LE BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » BÉNÉFICIE D'UNE NOUVELLE AVANCE DE 200 MILLIONS D'EUROS

Le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) peut recevoir des prêts et avances consentis par l'État, accordés par l'Agence France Trésor (AFT) via le programme 824 « Avances à des services de l'État » du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». La loi de finances fixe annuellement un plafond à cette autorisation d'emprunt.

1. Les recettes du budget annexe sont victimes, comme en 2020, du niveau exceptionnellement bas du trafic aérien

Les recettes du BACEA sont particulièrement sensibles à l'évolution du trafic aérien et les conséquences de la crise sanitaire se sont traduites, en 2020, par un effondrement de ses recettes. Sur cet exercice, les recettes du BACEA ont été inférieures de 60 % au niveau prévu en loi de finances initiale (831 millions d'euros contre 2 065 millions d'euros). Par-delà les conséquences induites directement par la baisse du trafic, le Gouvernement a décidé, afin de préserver la compétitivité des opérateurs du transport aérien, le report du paiement de certaines taxes et redevances aéronautiques perçues par le budget annexe.

Cet effondrement des recettes a nécessité, en 2020, deux ouvertures de crédits au titre d'avances sur le programme 824 : 500 millions d'euros à l'occasion de la première de loi de finances rectificative du 23 mars 2020, puis 700 millions d'euros à l'occasion de la deuxième loi de finances rectificative du 25 avril 2020. L'autorisation d'emprunt au bénéfice du BACEA est ainsi passée d'un montant de 50 millions d'euros prévu en loi de finances initiale à un montant supérieur à 1,25 milliard d'euros. Cette capacité a été intégralement consommée à travers des avances de l'AFT de 400 millions d'euros en avril 2020, 400 millions d'euros en juillet puis 450 millions d'euros en octobre.

La dette du BACEA a ainsi été multipliée par 2,7 et portée à 1 811 millions d'euros au 31 décembre 2020. Cette situation a interrompu une trajectoire de désendettement du budget annexe entamée en 2015. Après une diminution de près de 50 %, la dette du BACEA s'établissait à 667 millions d'euros au 31 décembre 2019.

Comme l'avait souligné le rapporteur spécial de la commission des finances, Vincent Capo-Canellas, dans son rapport spécial 56 ( * ) , les hypothèses de trafic aérien retenues dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 , qui prévoyaient un déficit de trafic d'environ 30 % par rapport au niveau de 2019, étaient exagérément optimistes . De ces hypothèses de trafic aérien résultaient des recettes prévisionnelles du BACEA nettement surestimées. La loi de finances initiale pour 2021 prévoyait par ailleurs une autorisation de recourir à l'emprunt de 1 060 millions d'euros au bénéfice du BACEA.

La poursuite de la crise sanitaire et le maintien de nombreuses restrictions sur les déplacements , notamment internationaux, ont continué à affecter le trafic aérien de manière importante en 2021 et le niveau de recettes effectivement constaté en 2021 est bien inférieur au niveau de recettes attendu. Au 30 avril 2021, l'ensemble des recettes du BACEA étaient inférieures de 57 % à celles constatées à la même date en 2019. S'agissant de la taxe de l'aviation civile (TAC) et de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), les recettes constatées sont inférieures, respectivement, de 77 % et 74 % à leur niveau de 2019.

Pour l'exercice 2021, la DGAC a eu recours à un premier tirage auprès de l'AFT en mars pour un montant de 400 millions d'euros. La dette du BACEA s'établit ainsi à 2 200 millions d'euros au 1 er juin 2021.

Malgré les signes de reprises et les espoirs liés aux campagnes de vaccination, au développement d'un « pass » sanitaire européen et à l'assouplissement des restrictions aux déplacements internationaux, les prévisions les plus récentes de l'organisme Eurocontrol estiment qu'en 2021, le trafic aérien en Europe sera comparable à celui qui a été observé en 2020 . Par rapport au niveau de 2019, la baisse de trafic se situerait entre 59 % et 65 %, de très loin supérieure à la baisse de 30 % que le gouvernement avait retenu dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.

2. Tout en étant nécessaire, l'avance de 200 millions d'euros pourrait être insuffisante et accroît la nécessité à terme de résoudre la question de l'endettement du budget annexe

Au regard de la situation décrite précédemment, il apparaît nécessaire, comme cela avait été fait en 2020, d'accroître le niveau des avances consenties au BACEA en ouvrant de nouveaux crédits sur le programme 824.

Actuellement, sous réserve des incertitudes qui demeurent sur une reprise effective du trafic aérien en Europe, la DGAC estime qu'en 2021, les recettes du BACEA pourraient être inférieures de 30 % à celles qui ont été inscrites en loi de finances initiale. Cette nouvelle prévision nécessiterait un besoin de financement complémentaire de 278 millions d'euros pour le BACEA. À la fin de l'année 2021, la dette du BACEA pourrait approcher les 2 230 millions d'euros.

L'ouverture de crédits prévue par le présent texte afin d'accroître les capacités de prêt de l'AFT au BACEA se limite à 200 millions d'euros . Selon le rythme et l'intensité de la reprise du trafic aérien dans les mois à venir , il n'est pas certain que cette ouverture de crédits soit suffisante . Elle est d'ores et déjà inférieure de 78 millions d'euros aux estimations de la DGAC.

Par ailleurs, l'enjeu de la soutenabilité du BACEA devra faire l'objet d'une vigilance attentive . L'Inspection générale des finances (IGF) et le Commissariat général à l'environnement et au développement durable (CGEDD) mènent actuellement une mission commune sur ce sujet. Il sera en effet nécessaire d'engager à nouveau la démarche de désendettement du BACEA dès que les conditions du transport aérien seront revenues à la normale, afin que ces avances répétées d'année en année ne conduisent pas à faire « rouler » cette dette de manière indéfinie.

Enfin, cette augmentation considérable des avances faites par le compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État » au BACEA doit conduire à souligner leur caractère fortement dérogatoire , comme le fait la Cour des comptes 57 ( * ) .

Pour mémoire, ce compte de concours financiers a été créé par le V de l'article 46 de la loi de finances pour 2006, qui a seulement la possibilité pour le Trésor d'accorder des avances (et non, comme pour d'autres comptes de concours financiers, des prêts), aux organismes concernés. Ces avances , comme le prévoit l'article 24 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), devraient être accordées pour une durée déterminée, qui est limitée à deux ans , renouvelables une fois, par le recueil des normes comptables de l'État. Or les avances accordées par le programme 824 au BACEA sont habituellement d'une durée de l'ordre de dix ans 58 ( * ) .

Cette situation n'est pas satisfaisante , même si, en pratique, le principe du recours aux avances du Trésor est dans l'intérêt du BACEA, qui bénéficie de conditions de financement favorables, sans pour autant représenter véritablement un coût pour l'État compte tenu du niveau actuel des taux d'intérêt 59 ( * ) .


* 56 Vincent Capo-Canellas, annexe XI au rapport général n° 138 (2020-2021) sur le projet de loi de finances pour 2021, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020.

* 57 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2020 du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

* 58 Projet annuel de performances du compte de concours financiers précité.

* 59 Alors que les avances sont en principe assorties d'un taux correspondant aux placements de trésorerie, qui est actuellement négatif, l'AFT applique un taux nul, voire une prime de risque, afin d'éviter que ces avances ne représentent un coût pour l'État.

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