III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉS DE VOYAGEURS »
1. Les trains d'équilibre du territoire ont été profondément réformés depuis 2015
Depuis 2011, l'État est devenu l'autorité organisatrice des lignes de trains d'équilibre du territoire (TET) , qui jouent un rôle important en matière d'aménagement du territoire , et sont exploitées depuis le 1 er janvier 2012 sous la dénomination « Intercités ».
En tant qu'autorité organisatrice, l'État détermine le plan de transport que doit réaliser SNCF Mobilités (fréquence des trajets par lignes, nombres d'arrêts à réaliser par gares).
En contrepartie, il verse chaque année à l'opérateur ferroviaire des compensations pour financer une partie de son déficit résultant de l'exploitation des TET ainsi que le programme pluriannuel de maintenance et de régénération de leur matériel roulant .
Entre 2015 et 2018, ces trains Intercités, dont le déficit d'exploitation s'était dangereusement creusé dans la période précédente, ont fait l'objet d'une profonde réforme destinée à redynamiser l'offre proposée aux voyageurs . Cette réforme s'est notamment traduite pas la fermeture de lignes de nuit et par le transfert aux régions de nombreuses lignes de jour (voir encadré ci-dessous).
La réforme des lignes de Trains d'équilibre du territoire (TET)
Le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche avait mis en place en novembre 2014 une commission « TET d'avenir » et lui avait confié la mission d' étudier les dysfonctionnements de l'offre TET afin de proposer des axes d'amélioration . Sur la base du diagnostic de cette commission, il avait établi le 7 juillet 2015 une feuille de route « pour un nouvel avenir des trains d'équilibre du territoire » visant à réformer profondément les lignes Intercités .
Le Gouvernement avait décidé de cesser progressivement de financer six lignes de nuit entre le 1 er octobre 2016 et le 1 er octobre 2017 5 ( * ) , seules les lignes Paris-Briançon et Paris-Rodez-Latour-de-Carol restant en activité, à raison d' un aller-retour quotidien , en tant que lignes d'aménagement du territoire .
D'autre part, il a signé des accords de reprise de lignes Intercités avec de nombreuses régions . Ainsi, la région Normandie , par un accord signé le 25 avril 2016, a accepté de devenir l'autorité organisatrice des cinq lignes TET qui la desservent 6 ( * ) et d'en supporter les déficits , à compter du 1 er janvier 2020 au plus tard, en contrepartie d' un financement par l'État de 720 millions d'euros pour renouveler le matériel roulant , largement vétuste, des lignes Paris-Caen-Cherbourg et Paris-Rouen-Le Havre.
À la Normandie sont ensuite venues depuis s'ajouter les régions Grand Est, Nouvelle-Aquitaine, Hauts-de-France, Occitanie et Centre-Val de Loire. Au total, 18 lignes ont été transmises aux régions , selon des modalités spécifiques pour chacune d'entre elles, et l'État s'est engagé à investir plus de 1,4 milliard d'euros au total pour l'acquisition de matériels neufs.
En revanche, l'État est resté l'autorité organisatrice des lignes de longue distance structurantes au niveau national, à savoir les trois lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, Paris-Clermont-Ferrand et Bordeaux-Toulouse-Marseille . Il s'est engagé à acquérir d'ici 2025 des rames neuves adaptées aux besoins des voyageurs sur ces lignes, pour un montant d'environ 1,2 milliard d'euros .
Par ailleurs, ont également été maintenues sous l'autorité de l'État , au titre de l'aménagement du territoire les trois lignes Nantes-Bordeaux, Toulouse-Hendaye et Nantes-Lyon .
Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a changé de position concernant l'arrêt des trains de nuit et s'est engagé à remettre en circulation deux nouvelles lignes d'ici 2022 : Paris-Nice et Paris-Tarbes.
En mai 2021, en application d'une disposition de la LOM, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) a publié une étude portant sur le développement de nouvelles lignes de TET de jour et de nuit. Les scénarios de création de nouvelles lignes proposés dans le rapport reposent sur des évaluations prospectives des modèles économiques de ces nouvelles lignes. Le développement de nouvelles lignes de TET supposera des arbitrages tant en termes de financement que de gestion.
Source : commission des finances du Sénat
Les obligations respectives de l'opérateur ferroviaire et de l'État sont formalisées dans des conventions d'exploitation. La convention actuellement en vigueur, initialement destinée à couvrir la période 2016-2020 , a été adoptée le 27 février 2017 . Cette convention doit être prolongée par un cinquième avenant attendu en 2021.
2. Pour sa dernière année d'existence le CAS a bénéficié, comme en 2019, d'une révision à la baisse des compensations dues à SNCF Voyageurs pour l'exploitation des lignes TET
Jusqu'en 2020, les compensations versées par l'État à SNCF Voyageurs , mais également celles qui sont désormais prévues pour les régions dans le cadre du transfert de certaines lignes TET, étaient portées par le compte d'affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » , qui avait été créé par l'article 65 de la loi de finances pour 2011.
Le CAS a été supprimé par la loi de finances initiale pour 2021 . Depuis le 1 er janvier 2021 les crédits qu'il portait sont inscrits à l'action 44-06 « financement du déficit d'exploitation des trains d'équilibre du territoire » de l'action 44 « transports collectifs » du programme 203 .
Le CAS percevait diverses taxes affectées (contribution de solidarité territoriale-CST, fraction de la taxe d'aménagement du territoire-TAT et taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires-TREF) qui lui permettaient de reverser une dotation à SNCF Voyageurs afin de financer son déficit au titre de l'exploitation des lignes TET (programme 785 « Exploitation des services nationaux de transport conventionnés ») et de renouveler leur matériel roulant (programme 786 « Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés »).
En 2020, le niveau des ressources du CAS a baissé de 46,5 millions d'euros , soit une diminution de 13,0 % pour s'établir à 312,8 millions d'euros . Cette réduction s'explique par la diminution du plafond de la fraction de TAT affectée au CAS. Cette fraction est passée de 117,2 millions d'euros en 2019 à 70,7 millions d'euros en 2020.
Les recettes tirées de la TREF (226 millions d'euros) et de la CST (16,1 millions d'euros) avaient été fixées en loi de finances initiale à des niveaux similaires aux montants établis en 2019 .
Au titre de l'exercice 2020, les prévisions de dépenses du CAS s'élevaient à 312,7 millions d'euros en AE et en CP, soit une diminution de 12,9 % par rapport aux montants inscrits en loi de finances initiale pour 2019 (359,2 millions d'euros).
Cette somme comprenait 246,1 millions d'euros (soit une baisse de 14 % par rapport au montant de 286,2 millions d'euros prévu en 2019) au titre de l'exploitation des TET (programme 785) et de 66,6 millions d'euros (soit une baisse de 8,8 % par rapport au montant de 73,0 millions d'euros prévu en 2019) pour la contribution de l'État aux investissements relatifs à la maintenance et à la régénération du matériel roulant (programme 786).
Les dépenses réellement exécutées en 2020 se sont établies à 296,7 millions d'euros en AE , soit une baisse de 11,5 % par rapport à 2019 et un écart de - 5,1 % à la prévision initiale, et à 276,2 millions d'euros en CP , c'est-à-dire une diminution de 18,7 % par rapport à 2019 et un écart à la prévision de -11,7 %.
L'exécution du programme 786 a été conforme à la prévision (66,6 millions d'euros). La sous-consommation des crédits prévus en loi de finance initiale s'explique par l'exécution du programme 785 . Elle a pour origine une diminution du montant de compensation d'exploitation due à SNCF Voyageurs entérinée par un avenant à la convention signé le 26 février 2020.
Lors de la quatrième loi de finances rectificative pour 2020, 14,5 millions d'AE et 15,2 millions de CP ont été annulés sur ce programme.
Le montant des engagements conventionnels pris par l'État vis-à-vis des régions pour accompagner les frais d'exploitation des lignes de TET transférées s'est élevé à 76,7 millions d'euros en 2020.
Le versement de l'acompte de 90 % de la compensation du déficit d'exploitation des lignes TET due à SNCF Voyageurs a été effectué en novembre 2020 pour un montant de 198,2 millions d'euros . Ce montant est réparti sur les programmes 785 (153,6 millions d'euros) et 786 (66,6 millions d'euros).
3. En raison des conséquences de la crise sur l'activité des TET, SNCF Voyageurs réclame une compensation additionnelle de 48 millions d'euros
L'offre ainsi que la fréquentation des lignes de TET ont été affectées par les conséquences de la crise. En vertu des dispositions de la convention relative à l'exploitation des lignes TET signée entre SNCF Voyageurs et l'État, l'opérateur de transport a demandé à l'État , par un courrier du 10 novembre 2020, une compensation additionnelle d'un montant de 48 millions d'euros.
Les conséquences de la crise sanitaire apparaissent pouvoir relever des conditions de force majeure stipulées dans la convention et ouvrant droit pour l'opérateur à une neutralisation de leurs conséquences sur l'équilibre financier du contrat. Les négociations se poursuivent entre l'État et la SNCF mais, en tout état de cause, les crédits adoptés en loi de finances initiale pour 2021 ne permettraient pas de couvrir le montant de cette compensation additionnelle.
* 5 La ligne Paris-Tarbes-Hendaye était maintenue jusqu'au 1 er juillet 2017 (ouverture de la ligne Tours-Bordeaux) et Paris-Nice jusqu'au 1 er octobre 2017.
* 6 Paris-Caen-Cherbourg/Trouville-Deauville, Paris-Rouen-Le Havre, Paris-Évreux-Serquigny, Paris-Granville et Caen-Le Mans-Tours.