Rapport n° 299 (2021-2022) de Mme Catherine DI FOLCO , fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 décembre 2021

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N° 299

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 décembre 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte et sur la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d' alerte ,

Par Mme Catherine DI FOLCO,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4398 , 4663 et T.A. 692

4375 , 4664 et T.A. 693

Sénat :

173 , 174 , 300 et 301 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 15 décembre 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet, la commission des lois a examiné le rapport de Catherine Di Folco sur les propositions de loi n° 174 (2021-2022) visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte et organique n° 173 (2021-2022) visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte , adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture après engagement de la procédure accélérée.

Dus à l'initiative du député Sylvain Waserman, ces deux textes visent à renforcer les garanties offertes aux personnes qui signalent ou divulguent publiquement, dans l'intérêt public, des informations sensibles, voire confidentielles . Ils transposent en droit français la directive du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union , tout en allant au-delà de ce qu'exige le droit européen.

Souscrivant aux objectifs poursuivis, la commission des lois s'est attachée à parfaire l'équilibre entre, d'une part, la protection des lanceurs d'alerte et des personnes qui leur portent assistance et, d'autre part, la sauvegarde des secrets protégés et des intérêts matériels ou moraux des personnes mises en cause .

I. LE CHAMP DE L'ALERTE : LA NATURE DES INFORMATIONS SIGNALÉES OU DIVULGUÉES

Le régime actuel de protection des lanceurs d'alerte en droit français , issu de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique , dite loi « Sapin 2 », concerne les personnes physiques qui révèlent des faits graves : des crimes, des délits, d'autres violations graves de règles de droit, ou encore des menaces ou préjudices graves pour l'intérêt général.

La directive du 23 octobre 2019 impose aux États membres de faire bénéficier de mesures de protection les personnes physiques qui signalent ou divulguent toute information portant sur la violation de certaines règles du droit de l'Union européenne, dans des domaines limitativement énumérés (commande publique, services financiers, sécurité des produits...), ou encore sur un acte ou une omission allant à l'encontre des objectifs poursuivis par ces règles, quel que soit le degré de gravité des faits.

Compte tenu de l'assouplissement des règles relatives au signalement et à la divulgation publique des informations concernées (voir ci-après), qui renforcent le risque d'atteintes, même non justifiées, à des secrets protégés ou à la réputation des personnes, la commission des lois a considéré qu'il convenait de maintenir, pour l'application des mesures de protection, une condition tenant à la gravité des faits concernés, dès lors qu'ils se situent en dehors du champ d'application de la directive du 23 octobre 2019 .

En revanche, la commission des lois a admis que des informations puissent être signalées ou divulguées même si elles fournissent seulement des motifs raisonnables de soupçonner qu'une violation a été ou peut être commise (alors que le droit en vigueur exige que la violation soit manifeste). De même, la commission a accepté la suppression de la condition liée au caractère désintéressé de l'alerte : il serait seulement exigé, désormais, que le lanceur d'alerte ait agi de bonne foi et sans contrepartie financière directe.

II. LES PROCÉDURES DE SIGNALEMENT ET LES CONDITIONS DE DIVULGATION PUBLIQUE DES INFORMATIONS

La procédure d'alerte prévue par la loi « Sapin 2 » comporte trois étapes . Le lanceur d'alerte doit d'abord adresser un signalement « en interne », au sein de son entreprise ou de son administration. En l'absence de diligences appropriées, il peut s'adresser à l'autorité judiciaire ou administrative ou à l'ordre professionnel concerné. Ce n'est qu'« en dernier ressort » qu'il est autorisé à rendre publiques les informations dont il dispose. En cas de danger grave et imminent ou en présence d'un risque de dommages irréversible, néanmoins, il peut s'adresser directement à l'autorité externe ou rendre public son signalement.

Tout en établissant la même distinction entre signalement interne ou externe et divulgation publique, la directive du 23 octobre 2019 prévoit, quant à elle, que le lanceur d'alerte puisse s'adresser directement à une autorité externe, sans aucune condition . Il s'agit de prendre en compte le risque de représailles auquel le lanceur d'alerte est confronté en cas d'alerte interne, mais aussi d'encourager les entités publiques et privées à se doter de procédures internes robustes, auxquelles les lanceurs d'alerte puissent faire confiance.

La proposition de loi applique ce même principe à l'ensemble des informations susceptibles de faire l'objet d'une alerte en droit français . Conformément à la directive, le texte impose aux organisations les plus importantes de se doter d'une procédure interne ad hoc de recueil et de traitement des signalements ; les autorités externes compétentes seraient désignées par voie réglementaire. Sur ces points, l a commission des lois a apporté au texte divers compléments et améliorations rédactionnelles.

Par ailleurs, la proposition de loi reprend à l'identique les conditions prévues par la directive pour la divulgation publique des informations . Un lanceur d'alerte bénéficierait des protections offertes par le régime s'il divulguait publiquement ses informations, soit après avoir effectué sans succès un signalement externe, soit dans le cas où un signalement externe l'exposerait à des représailles ou serait voué à l'inefficacité, soit « en cas de danger imminent ou manifeste pour l'intérêt général, notamment lorsqu'il existe une situation d'urgence ou un risque de préjudice irréversible ». La commission des lois a estimé, pour sa part, que seul un danger manifeste, imminent et d'une gravité suffisante justifie en principe de « court-circuiter » les procédures normales de signalement .

Enfin, pour mieux protéger les lanceurs d'alerte, la commission a clarifié l'articulation des phases de signalement externe et de divulgation publique .

III. LES MESURES DE PROTECTION DES LANCEURS D'ALERTE

A. UNE EXONÉRATION DE RESPONSABILITÉ PÉNALE ET CIVILE

Les lanceurs d'alerte qui signalent ou divulguent des informations dans les conditions prévues par la loi bénéficient d'ores et déjà d'une irresponsabilité pénale dans le cas où ils auraient porté atteinte à un secret protégé par la loi .

Selon la proposition de loi, cette irresponsabilité s'étendrait à la « soustraction » de données secrètes ou confidentielles , mais non pas
- comme la commission des lois a tenu à le préciser - aux atteintes à la vie privée (par exemple, la violation de domicile ou l'intrusion dans des locaux professionnels) ou aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données.

La proposition de loi consacre également l' exonération de responsabilité civile du lanceur d'alerte dans le cas où celle-ci cause un dommage.

Afin d'éviter toute dérive et conformément à la directive, la commission a également entendu conditionner le bénéfice des irresponsabilités civile et pénale au fait que le signalement ou la divulgation de l'intégralité des informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts aux causes.

B. LA PROTECTION CONTRE LES MESURES DE REPRÉSAILLES ET LES PROCÉDURES « BÂILLONS »

La proposition de loi transpose la liste des mesures de représailles interdites à l'égard des personnes physiques qui ont effectué une alerte dans les conditions légales et crée une nouvelle sanction pénale réprimant spécifiquement les représailles . La commission des lois a veillé à ce que ces protections s'appliquent, non seulement aux salariés et aux agents publics, mais aussi aux travailleurs indépendants et aux personnes placées dans des situations de travail atypiques (bénévoles, stagiaires...).

En cas de recours contre une mesure de représailles, le lanceur d'alerte serait également mieux protégé . Outre le renversement de la charge de la preuve à son bénéfice que prévoyait déjà la loi « Sapin 2 », la proposition de loi permet au juge de lui allouer une provision pour frais d'instance ou pour subsides.

Le lanceur d'alerte bénéficierait de protections du même ordre dans le cas où il devrait se défendre contre une procédure « bâillon », à caractère civil ou pénal . À l'inverse, le montant de l'amende civile à laquelle peuvent être condamnées les personnes agissant de manière dilatoire ou abusive contre un lanceur d'alerte serait alourdi et son champ d'application élargi.

La commission des lois a précisé ces dispositions et amélioré leur lisibilité .

En revanche, elle a supprimé le nouveau « référé-liberté » visant à sauvegarder le droit d'alerter, introduit par les députés, dont l'objectif est pleinement atteint par les règles actuelles de la procédure administrative contentieuse. Elle a également jugé disproportionné que la provision pour subsides accordée au lanceur d'alerte puisse, avant même un jugement sur le fond, être définitivement acquise.

La commission des lois a également prévu, conformément à la directive, qu' une personne ayant effectué de mauvaise foi un signalement auprès d'une autorité externe s'exposerait aux peines prévues en cas de dénonciation calomnieuse .

C. LE SOUTIEN PSYCHOLOGIQUE ET FINANCIER

Enfin, la proposition de loi habilite les autorités externes compétentes à apporter un soutien psychologique et financier aux lanceurs d'alerte. La commission des lois aurait souhaité qu'un fonds puisse être créé à cet effet , alimenté par le produit des amendes prononcées à l'encontre des personnes faisant obstacle aux alertes, mais les règles de recevabilité financière des amendements parlementaires l'empêchent de prendre elle-même cette initiative.

IV. LA PROTECTION DES « FACILITATEURS »

La proposition de loi prévoit d' étendre l'application des mesures de protection bénéficiant au lanceur d'alerte à plusieurs catégories de personnes en lien avec celui-ci, notamment aux « facilitateurs » , définis comme les personnes physiques et les personnes morales de droit privé à but non lucratif qui l'aident dans ses démarches. À cet égard, le texte va au-delà de la directive du 23 octobre 2019, qui n'inclut parmi les « facilitateurs » que les personnes physiques.

La proposition de loi prévoit d' étendre l'application des mesures de protection bénéficiant au lanceur d'alerte à plusieurs catégories de personnes en lien avec celui-ci, notamment aux « facilitateurs » , définis comme les personnes physiques et les personnes morales de droit privé à but non lucratif qui l'aident dans ses démarches. À cet égard, le texte va au-delà de la directive du 23 octobre 2019, qui n'inclut parmi les « facilitateurs » que les personnes physiques.

Le rapporteur a estimé indispensable d'imposer des garde-fous, afin que le régime ne soit pas détourné de ses finalités par des officines qui chercheraient à déstabiliser les administrations ou les entreprises françaises .

Sans s'interdire de revenir sur le sujet lors de l'examen du texte en séance publique, la commission des lois a adopté trois amendements identiques présentés respectivement par Michel Canévet, Franck Menonville et Nadège Havet, qui limitent la protection des « facilitateurs » aux seules personnes physiques, comme le prévoit la directive .

V. L'ARTICULATION DU RÉGIME GÉNÉRAL DE PROTECTION DES LANCEURS D'ALERTE AVEC LES RÉGIMES SECTORIELS

La proposition de loi comprend diverses dispositions, que la commission des lois a précisées et complétées, visant à articuler le régime général de protection des lanceurs d'alerte avec des régimes spéciaux prévus notamment par le code du travail, le statut général de la fonction publique, le code de l'action sociale et des familles et le code monétaire et financier.

VI. LE RÔLE DU DÉFENSEUR DES DROITS

La proposition de loi organique élargit les missions du Défenseur des droits en vue de l'accompagnement des lanceurs d'alerte ; elle les étend aux « facilitateurs » et autres personnes en lien avec ces derniers.

Le Défenseur des droits se verrait notamment reconnaître un rôle pivot dans la procédure de signalement externe : tout signalement pourrait lui être adressé ; dans le cas où il ne serait pas lui-même compétent, le Défenseur des droits orienterait le lanceur d'alerte vers l'autorité compétente ou, à défaut, vers l'organisme le mieux à même de connaître du signalement. Il pourrait également être saisi par toute personne pour émettre un avis sur sa qualité de lanceur d'alerte .

Enfin, le Défenseur des droits serait chargé de l'évaluation du système de protection des lanceurs d'alerte en France.

La commission des lois a approuvé ces dispositions et les a complétées, en prévoyant notamment que le Défenseur des droits soit assisté d'un adjoint spécialement chargé de l'accompagnement des lanceurs d'alerte .

*

* *

La commission a adopté les propositions de loi ordinaire et organique ainsi modifiées .

PRÉAMBULE

LA PROTECTION DES LANCEURS D'ALERTE
DE LA LOI « SAPIN 2 » DU 9 DÉCEMBRE 2016
À LA DIRECTIVE DU 23 OCTOBRE 2019

1. Qu'est-ce qu'un régime de protection des lanceurs d'alerte ?

Un régime de protection des lanceurs d'alerte a pour objet de prémunir les personnes qui révèlent utilement certaines informations sensibles , ayant trait notamment à la violation de règles de droit ou à d'autres formes de menace ou de préjudice pour les intérêts de la société, soit en signalant ces informations à une personne compétente, soit en les divulguant publiquement, contre les conséquences préjudiciables que cette révélation peut avoir pour elles-mêmes .

En effet, les informations signalées ou divulguées peuvent être protégées par le secret ou par une obligation de discrétion ou de confidentialité, auquel cas le lanceur d'alerte s'expose à des poursuites pénales, disciplinaires ou (en cas de dommages) civiles . En outre, le support des informations peut être la propriété d'autrui, le lanceur d'alerte encourant alors des sanctions pénales pour vol et recel ; la connaissance de ces informations peut impliquer de pénétrer dans des lieux ou dans un système d'information auxquels la personne n'a normalement pas accès, etc .

Par ailleurs, même si le lanceur d'alerte n'a enfreint aucune règle de droit ou commis aucune faute, il peut s'exposer à des mesures de représailles (licenciement, rupture de relations contractuelles, traitement discriminatoire...).

Par conséquent, un régime de protection des lanceurs d'alerte comprend deux séries de dispositions :

1° Des mesures de protection , qui peuvent comprendre notamment :

- une exonération de responsabilité pénale, disciplinaire ou civile ;

- l'interdiction de mesures de représailles, notamment dans un cadre professionnel, interdiction qui peut être assortie de sanctions pénales ;

- diverses mesures visant à aider le lanceur d'alerte en cas de contentieux (soit qu'il conteste une mesure de représailles, soit qu'il doive lui-même se défendre contre des poursuites, dans le cadre d'une procédure dite « bâillon ») : assistance juridique ou financière, aménagement des règles de procédure ou de preuve, etc . ;

2° Des conditions pour bénéficier de ces mesures de protection, qui comprennent :

- des conditions de fond , tenant notamment :

o à la personne du lanceur d'alerte (le régime peut être réservé aux personnes physiques) ;

o à la nature des faits signalés ou révélés (violations de règles de droit, menaces ou préjudices pour certains intérêts protégés...) ;

o au degré de gravité de ces faits ;

o au degré de connaissance des faits par le lanceur d'alerte (on peut ou non se contenter de simples soupçons, de faits connus par personne interposée, etc .) ;

o aux motivations du lanceur d'alerte (la protection peut être réservée à ceux qui agissent de manière désintéressée) ;

- des conditions de procédure : en général, les lanceurs d'alerte ne sont pas autorisés à divulguer publiquement (par voie de presse, sur les réseaux sociaux...) les informations secrètes ou confidentielles dont ils disposent sans les avoir préalablement signalées aux personnes compétentes et sans leur avoir laissé le temps d'y apporter une réponse appropriée.

Tout régime de protection des lanceurs d'alerte doit ménager une juste conciliation entre plusieurs intérêts légitimes : il s'agit, d'un côté, de faciliter la révélation de faits socialement nuisibles et de protéger ceux qui les révèlent , d'un autre côté, de maintenir des garanties suffisantes pour que les secrets protégés ne soient pas trop facilement éventés et de préserver la réputation des personnes physiques et morales contre des alertes abusives ou inconsidérées.

2. L'institution d'un régime général de protection des lanceurs d'alerte par la loi « Sapin 2 »

2.1. Avant la loi « Sapin 2 » : des dispositifs dispersés

Il existe depuis fort longtemps, en droit français, des dispositifs visant à faciliter la révélation d'infractions pénales, d'autres manquements à des règles juridiques ou de faits préjudiciables à l'intérêt général .

L'article 40 du code de procédure pénale fait ainsi obligation à « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire » qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de lui transmettre tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. Il s'agit d'un principe plus que bicentenaire 1 ( * ) . Cette obligation de signalement au procureur de la République des faits susceptibles de revêtir la qualification de crime ou de délit délie les agents publics du secret professionnel et de l'obligation de discrétion auxquels ils sont normalement tenus.

Par ailleurs, au fil du temps et souvent en réaction à des affaires, le législateur a créé divers dispositifs d'alerte sectoriels , visant à protéger les personnes qui révèlent certains types d'informations : faits de corruption 2 ( * ) , faits intéressant la sécurité des produits de santé 3 ( * ) , faits faisant peser un risque grave sur la santé publique ou l'environnement 4 ( * ) , conflits d'intérêts 5 ( * ) , violation des règles relatives aux techniques de renseignement 6 ( * ) , etc .

Ces différents régimes restaient néanmoins lacunaires et peu cohérents . Ils ne couvraient pas l'ensemble des faits susceptibles de faire l'objet d'une alerte ; les procédures à suivre pour les lanceurs d'alerte n'étaient pas toujours définies avec la précision souhaitable, non plus que les procédures de traitement des alertes ; enfin, les protections offertes différaient d'un régime à l'autre. C'est ce qui a amené le législateur, suivant les recommandations du Conseil d'État 7 ( * ) , à instituer un régime général de protection des lanceurs d'alerte par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique , dite loi « Sapin 2 » .

2.2. Le régime de protection des lanceurs d'alerte issu de la loi « Sapin 2 »

La loi « Sapin 2 » définit un lanceur d'alerte comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

Pour bénéficier des protections offertes par le régime, un lanceur d'alerte doit donc, en premier lieu, satisfaire aux conditions de fond qui découlent de cette définition légale :

- il doit s'agir d'une personne physique ;

- les faits révélés doivent constituer une violation d'une règle de droit applicable en France (une règle de droit interne ou une règle de droit international régulièrement incorporée dans l'ordre interne), notamment mais non exclusivement lorsque cette violation est constitutive d'une infraction pénale, ou encore une menace ou un préjudice pour l'intérêt général (ce qu'il appartient au juge d'apprécier le cas échéant) ;

- ces faits doivent être graves 8 ( * ) ;

- les faits eux-mêmes et leur qualification (en tant que violations, menaces ou préjudices) doivent être manifestes ; le lanceur d'alerte doit avoir eu personnellement connaissance des faits (ce qui exclut les informations obtenues par ouï-dire) ;

- le lanceur d'alerte doit agir de manière désintéressée et de bonne foi (la bonne foi excluant non seulement le fait de rapporter des informations que l'on sait être fausses, mais aussi le fait de lancer l'alerte dans l'intention de nuire 9 ( * ) ).

Par ailleurs, des règles d'ordre procédural s'imposent au lanceur d'alerte.

1° En principe, le signalement doit d'abord être porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci . Des procédures appropriées de recueil des signalements émis par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels sont établies par les personnes morales de droit public ou de droit privé d'au moins cinquante salariés, les administrations de l'État, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions.

2° En l'absence de diligences de la personne destinataire de l'alerte « interne » dans un délai raisonnable, le signalement est adressé à l'autorité judiciaire, à « l'autorité administrative » ou aux ordres professionnels . Il convient de noter que le décret d'application ne comporte aucune précision sur l'identité de l'autorité administrative concernée (ministre, préfet, etc .) 10 ( * ) .

3° « En dernier ressort » et à défaut de traitement du signalement dans un délai de trois mois par l'autorité judiciaire, l'autorité administrative ou l'ordre professionnel concerné, le signalement peut être rendu public . Toutefois, le signalement peut être directement adressé à l'autorité judiciaire ou administrative ou à l'ordre professionnel concerné ou même directement rendu public « en cas de danger grave et imminent ou en présence d'un risque de dommages irréversibles ».

Sous réserve de respecter ces conditions de fond et de procédure, le lanceur d'alerte bénéficie :

- de l' irresponsabilité pénale prévue à l'article 122-9 du code pénal, pour le cas où l'alerte porterait atteinte à un secret protégé par la loi 11 ( * ) ;

- d'une protection contre les sanctions disciplinaires et les mesures de représailles (révocation ou licenciement, mutation, refus d'une promotion, d'une formation, etc .) qui pourraient être prises par son employeur public ou privé 12 ( * ) .

Il bénéficie aussi, quoique la loi n'en dise rien, d'une exonération de responsabilité civile , car opérer un signalement ou révéler un fait dans les conditions prévues par la loi ne saurait être constitutif d'une faute ouvrant droit à réparation 13 ( * ) .

Il convient toutefois de noter que ces mesures de protection ne s'étendent pas aux personnes qui divulgueraient des faits couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client .

2.3. Un bilan mitigé

Malgré ces avancées, le bilan du nouveau régime de protection des lanceurs d'alerte créé par la loi « Sapin 2 » est mitigé, comme l'a relevé le Défenseur des droits dans plusieurs de ses rapports annuels et comme l'ont souligné les députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix dans un récent rapport d'information 14 ( * ) .

Plusieurs difficultés ont été relevées.

Tout d'abord, certaines des conditions de fond exigées pour bénéficier du régime protecteur des lanceurs d'alerte laissent au juge une marge d'appréciation trop importante et font ainsi planer sur les personnes concernées un risque juridique dissuasif . Il en va ainsi, selon le rapport précité, de la condition de désintéressement , car « une personne qui effectue un signalement concernant une entreprise avec laquelle il se trouve en litige pour une autre raison (parfois indirectement liée à l'alerte) peut être considérée comme intéressée. Il en va de même lorsque les conséquences de son alerte peuvent lui bénéficier (par exemple en signalant l'agissement illégal d'un concurrent ou d'une administration) 15 ( * ) . »

Ensuite, l'obligation faite au lanceur d'alerte de saisir préalablement ses supérieurs hiérarchiques ou le canal de signalement interne mis en place dans son organisation l'expose à des représailles . Par ailleurs, nombre d'entreprises et d'administrations n'ont pas mis en place les procédures de signalement interne imposées par la loi 16 ( * ) ; lorsqu'elles existent, les garanties d'indépendance des personnes chargées du traitement des signalements et de confidentialité des informations restent insuffisantes. Quant aux canaux de signalement « externe », ils restent mal identifiés 17 ( * ) .

Enfin, l'accompagnement juridique et financier des lanceurs d'alerte, qui continuent souvent de s'exposer à des représailles ou à des procédures « bâillons », est très insuffisant. L'association La Maison des lanceurs d'alerte, entendue par le rapporteur, fait état d'une augmentation continue du nombre de demandes de conseil ou de soutien financier, auxquelles elle peine à répondre avec ses faibles moyens.

3. La directive du 23 octobre 2019

Issue d'une proposition publiée en avril 2018 par la Commission européenne, la directive du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union 18 ( * ) a pour objet d'imposer un cadre minimal pour la protection des lanceurs d'alerte dans les États membres de l'Union européenne .

Par rapport au droit français en vigueur, le champ matériel d'application de la directive est plus limité à certains égards, plus large à d'autres égards .

Son champ est plus limité, tout d'abord, parce que le régime qu'elle définit ne s'applique qu'aux signalements de violations du droit de l'Union européenne (comprises comme les actes ou omissions illicites en vertu du droit de l'Union ou qui vont à l'encontre des objectifs poursuivis par celui-ci) dans des domaines limitativement énumérés , à savoir :

- les violations des actes de l'Union figurant en annexe de la directive qui concernent les domaines suivants : marchés publics ; services, produits et marchés financiers et prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ; sécurité et conformité des produits ; sécurité des transports ; protection de l'environnement ; radioprotection et sûreté nucléaire ; sécurité des aliments destinés à l'alimentation humaine et animale, santé et bien-être des animaux ; santé publique ; protection des consommateurs ; protection de la vie privée et des données à caractère personnel, et sécurité des réseaux et des systèmes d'information 19 ( * ) ;

- les violations portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union visés à l'article 325 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et précisés dans les mesures pertinentes de l'Union ;

- les violations relatives au marché intérieur visé à l'article 26, paragraphe 2, du TFUE, y compris les violations des règles de l'Union en matière de concurrence et d'aides d'État, ainsi que les violations relatives au marché intérieur en ce qui concerne les actes qui violent les règles applicables en matière d'impôt sur les sociétés ou les dispositifs destinés à obtenir un avantage fiscal qui va à l'encontre de l'objet ou de la finalité de la législation applicable en matière d'impôt sur les sociétés.

En outre, le régime ne s'applique qu'aux auteurs de signalements qui ont obtenu des informations sur des violations « dans un contexte professionnel » (en tant que salariés ou agents, dirigeants, associés, cocontractants ou sous-traitants). Le législateur européen a, en effet, considéré qu'« en l'absence de déséquilibre de pouvoir inhérent à la relation de travail, par exemple, dans le cas de plaignants ordinaires ou de citoyens observateurs, il est inutile de prévoir une protection contre les représailles 20 ( * ) ».

À certains égards, en revanche, la directive a un champ plus large que la loi française, car le régime protecteur qu'elle prévoit a vocation à s'appliquer :

- quel que soit le degré de gravité des violations signalées ou révélées 21 ( * ) ;

- que ces violations ou risques de violations aient ou non un caractère manifeste, à condition toutefois qu'il existe des « soupçons raisonnables » ;

- non seulement aux violations, mais aussi aux tentatives de dissimulation de celles-ci ;

- quelles que soient les motivations du lanceur d'alerte.

La procédure d'alerte est, quant à elle, moins contraignante pour le lanceur d'alerte que ce que prévoit le droit français en vigueur .

1° La directive impose aux « entités juridiques des secteurs privé et public » de mettre en place un « canal de signalement interne » , avec des dérogations possibles pour les plus petites entités (entités publiques ou privées qui emploient moins de cinquante agents et communes de moins de 10 000 habitants). Elle fixe des règles précises de traitement de l'alerte par la voie interne (accusé de réception, délai de trois mois maximum pour répondre, motivation des mesures prises...).

2° La directive impose également aux États membres de mettre en place des canaux de signalement externes et autonomes . Le lanceur d'alerte aurait la faculté d'adresser directement son signalement à l'autorité externe, sans aucune condition , ce qui a notamment pour objet d'encourager les entités publiques et privées à mettre en place des canaux de signalement interne robustes, auxquels les lanceurs d'alerte puissent faire confiance. Ici encore, des règles précises sont fixées sur la conception de ces canaux externes (saisine écrite ou orale, confidentialité des informations...) et le traitement des alertes (délai maximal de réponse de trois mois ou six mois dans les cas dûment justifiés).

3° Enfin, les États membres doivent reconnaître au lanceur d'alerte le droit de divulguer publiquement les informations concernées , tout en bénéficiant du régime protecteur défini par la directive :

- s'il a d'abord effectué un signalement interne et externe, ou a effectué directement un signalement externe, sans qu'aucune mesure appropriée n'ait été prise dans les délais impartis ;

- ou directement , s'il a des motifs raisonnables de croire :

o que la violation « peut représenter un danger imminent ou manifeste pour l'intérêt public , comme lorsqu'il existe une situation d'urgence ou un risque de préjudice irréversible » ;

o ou que, en cas de signalement externe, « il existe un risque de représailles ou il y a peu de chances qu'il soit véritablement remédié à la violation, en raison des circonstances particulières de l'affaire, comme lorsque des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou lorsqu'une autorité peut être en collusion avec l'auteur de la violation ou impliquée dans la violation ».

Le régime protecteur comprend des interdictions de représailles, une exonération de responsabilité civile ou pénale - y compris en ce qui concerne l'obtention des informations qui sont signalées ou divulguées publiquement ou l'accès à ces informations, « à condition que cette obtention ou cet accès ne constitue pas une infraction pénale autonome 22 ( * ) » - diverses mesures de soutien, ainsi que des sanctions à l'encontre des personnes qui cherchent à faire obstacle aux alertes.

*

La proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte , qui s'accompagne d'une proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte , a pour objet premier de transposer en droit français la directive du 23 octobre 2019, le délai imparti aux États membres pour cette transposition expirant le 17 décembre 2021.

Toutefois, ces deux textes vont au-delà d'une simple transposition de la directive . En effet, tout en reprenant le cadre général défini par celle-ci - en ce qui concerne les mesures de protection destinées aux lanceurs d'alerte ainsi que les conditions de fond et de procédure pour en bénéficier -, ces textes conservent le champ matériel d'application, extrêmement vaste, du régime actuel de l'alerte en droit français - comprenant toute violation du droit interne ou d'engagements internationaux, toute menace pour l'intérêt général ou tout préjudice causé à celui-ci, que le lanceur d'alerte en ait eu connaissance dans un contexte professionnel ou non.

Comme l'a relevé le Conseil d'État dans son avis, ce choix permet de « préserver la clarté et l'intelligibilité du dispositif de protection des lanceurs d'alerte en évitant, autant que possible, de poser des règles distinctes selon la nature des violations signalées ». Le Conseil d'État suggérait néanmoins, sur certains points, d'opérer des distinctions selon que les signalements concernés entrent ou non dans le champ d'application de la directive.

EXAMEN DES ARTICLES
DE LA PROPOSITION DE LOI

TITRE IER
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 1er
Définition du lanceur d'alerte et conditions de fond -
Articulation avec les régimes spéciaux de protection

L'article 1 er de la proposition de loi modifie la définition du lanceur d'alerte et les conditions de fond requises pour bénéficier des protections associées au régime de l'alerte. Il exclut de ce régime les informations couvertes par certains secrets. Enfin, il prévoit l'application des mesures les plus favorables dans le cas où les conditions d'application de plusieurs régimes de protection sont réunies.

La commission des lois a adopté cet article en le modifiant, afin que le régime ne s'applique qu'au signalement ou à la divulgation d'informations portant sur des faits d'une gravité suffisante (en dehors du champ matériel d'application de la directive du 23 octobre 2019) et afin de substituer aux notions de « menace » et de « préjudice pour l'intérêt général », trop indéterminées, des notions mieux définies faisant référence aux objectifs poursuivis par les règles de droit.

1. Une nouvelle définition du lanceur d'alerte et des conditions de fond assouplies

1.1. Rappels sur le droit français en vigueur et la directive du 23 octobre 2019

Comme il a été rappelé, l'article 6 de la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 » définit un lanceur d'alerte comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

La directive du 23 octobre 2019 impose des conditions de fond différentes pour bénéficier du régime protecteur qu'elle prévoit .

1° S'agissant du contenu du signalement ou de la divulgation :

- la directive ne vise que les violations du droit de l'Union européenne dans des domaines limitativement énumérés 23 ( * ) , étant entendu que par « violations » il faut entendre non seulement les actes ou omissions illicites, mais aussi ceux qui « vont à l'encontre de la finalité des règles prévues dans les actes de l'Union et les domaines » relevant du même champ matériel d'application 24 ( * ) ;

- en revanche, il n'est pas requis que les violations constatées ou soupçonnées soient d'une particulière gravité ;

- les mesures de protection bénéficient aux personnes qui signalent, non pas seulement des violations avérées, mais plus largement des « informations, y compris des soupçons raisonnables, concernant des violations effectives ou potentielles , qui se sont produites ou sont très susceptibles de se produire » , ainsi que des informations concernant « des tentatives de dissimulation de telles violations 25 ( * ) » .

2° S'agissant de la personne du lanceur d'alerte et des conditions dans lesquelles il a eu connaissance des informations signalées ou divulguées :

- la directive ne s'applique qu'aux lanceurs d'alerte, personnes physiques 26 ( * ) ;

- elle ne s'applique qu'aux personnes qui ont obtenu les informations concernées « dans un contexte professionnel » , ce qui doit au moins englober les personnes ayant le statut de travailleur ou de travailleur indépendant au sens des articles 45 et 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les actionnaires et membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une entreprise, les bénévoles et stagiaires, ainsi que « toute personne travaillant sous la supervision et la direction de contractants, de sous-traitants et de fournisseurs » ; sont également protégées les personnes révélant des informations obtenues dans le cadre d'une relation de travail qui a pris fin depuis, ou encore celles dont la relation de travail n'a pas encore commencé mais qui ont obtenu ces informations lors du processus de recrutement ou d'autres négociations précontractuelles 27 ( * ) ;

3° Les motivations du lanceur d'alerte sont indifférentes . Selon les considérants de la directive, en effet, « les motifs amenant les auteurs de signalement à effectuer un signalement devraient être sans importance pour décider s'ils doivent recevoir une protection ». Néanmoins, la directive n'a pas vocation à s'appliquer aux indicateurs de police ou autres personnes qui fournissent, contre rémunération, des informations aux services chargés de la répression des infractions 28 ( * ) .

1.2. La proposition de loi et les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'article 1 er de la proposition de loi tend à modifier la définition du lanceur d'alerte fixée à l'article 6 de la loi « Sapin 2 » et les conditions de fond qui en découlent pour le bénéfice des mesures de protection du régime général, en s'alignant, à quelques exceptions près, sur les dispositions de la directive . Cette nouvelle définition n'a fait l'objet que de retouches lors de l'examen du texte en première lecture par l'Assemblée nationale 29 ( * ) .

Le I dudit article 6 serait ainsi rédigé : « Un lanceur d'alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l'intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d'une violation d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, du droit de l'Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n'ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l'article 8, le lanceur d'alerte doit en avoir eu personnellement connaissance . »

Par rapport à la législation française en vigueur :

- les verbes désignant l'action du lanceur d'alerte seraient modifiés pour tenir compte de la terminologie retenue aux articles suivants en ce qui concerne les procédures à suivre (« signale ou divulgue » au lieu de « révèle ou signale ») ;

- la nouvelle définition conserve l'ensemble du champ des actes juridiques dont la violation peut aujourd'hui faire l'objet d'une alerte sur le fondement de la loi « Sapin 2 » et ne se limite donc pas au champ d'application matériel de la directive . En outre, le texte conserve les notions de « menace » et de « préjudice pour l'intérêt général » , alors que la directive ne vise, au-delà des actes et omissions illicites, que ceux qui vont à l'encontre de la finalité des règles prévues par le droit de l'Union ;

- le régime de protection de droit français continuerait à s'appliquer aux informations obtenues en dehors de tout contexte professionnel ;

- toute référence au caractère « manifeste » des violations signalées ou divulguées disparaîtrait ; corrélativement, le contenu du signalement ou de la divulgation serait désigné en tant que simples « informations » portant sur une violation 30 ( * ) . En revanche, s'agissant d'informations obtenues en dehors de tout contexte professionnel (exclues du champ d'application de la directive), le texte maintient l'exigence selon laquelle le lanceur d'alerte doit en avoir eu personnellement connaissance : cette disposition résulte d'un amendement du rapporteur, adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale ;

- tout critère lié à la gravité des faits signalés ou divulgués serait supprimé ;

- le texte assouplit les conditions tenant aux motivations du lanceur d'alerte , tout en restant peut-être au-delà de ce qu'autorise la directive, puisqu'il exige non seulement la bonne foi 31 ( * ) , mais aussi l'absence de contrepartie financière directe 32 ( * ) .

1.3. La position de la commission des lois : limiter les risques de dérives

La commission des lois s'est interrogée sur l'équilibre défini par le texte adopté par l'Assemblée nationale .

En effet, au moment de définir le champ des informations susceptibles de faire l'objet d'une alerte (violations concernées, degré de gravité, niveau de certitude sur la matérialité des faits et leur qualification...), il convient de prendre en compte les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent être divulguées, au risque de porter atteinte à des secrets protégés ou à la réputation des personnes mises en cause . Or la nouvelle législation faciliterait de telles atteintes , puisqu'un lanceur d'alerte pourrait désormais s'adresser directement à une autorité externe, sans passer par le canal interne de signalement, et puisqu'il pourrait également rendre publiques les informations dont il dispose dans des conditions très assouplies.

Dès lors, la commission des lois a estimé qu'il n'était pas raisonnable de supprimer toute condition tenant à la gravité des faits signalés ou révélés . Ce critère doit certes être supprimé dans le champ matériel d'application de la directive, et il peut l'être sans dommage excessif puisque le législateur européen a pris soin d'identifier précisément le corpus de règles soumises au régime de l'alerte 33 ( * ) . Il doit en revanche être maintenu en dehors de ce champ.

En revanche, la commission a admis que des informations puissent être signalées ou révélées dès lors qu'elles laissent raisonnablement supposer qu'une violation a été ou peut être commise, et même si cette violation n'est pas « manifeste », tout en approuvant l'exigence supplémentaire, introduite par les députés, tenant à ce que le lanceur d'alerte ait eu personnellement connaissance des informations concernées, s'il les a obtenues en dehors de tout contexte professionnel.

À cet égard, la position de la commission des lois se situe donc à mi-chemin de celles de l'Assemblée nationale et du Conseil d'État qui, dans son avis, avait invité le législateur, « avant de supprimer la condition tenant au caractère "grave et manifeste" des violations signalées ou d'introduire la référence à la notion d'"informations sur des violations" dans l'ensemble du champ couvert par les dispositions nationales », à « évaluer l'impact de telles mesures, notamment en ce qui concerne les risques de détournement du dispositif de protection ».

Par ailleurs, l'extension du régime de protection au signalement ou à la divulgation publique d'informations portant sur toute « menace » ou tout « préjudice pour l'intérêt général » a paru doublement problématique à la commission. D'une part, ces notions (certes déjà présentes dans la loi « Sapin 2 ») sont extrêmement vagues et laissent au juge - appelé, le cas échéant, à se prononcer sur l'applicabilité du régime de protection - une marge d'appréciation considérable , ce qui va à l'encontre de l'impératif de sécurité juridique. D'autre part, dans une démocratie, il n'appartient pas aux juridictions - et moins encore aux lanceurs d'alerte pris individuellement - de définir l'intérêt général, mais au peuple et à ses représentants, ce qu'ils font en édictant des règles de droit . Appeler les tribunaux à apprécier si l'intérêt général est menacé ou atteint, sans se référer aux règles de droit établies par les autorités politiques, c'est confondre les pouvoirs.

Rappelons d'ailleurs que la directive du 23 octobre 2019 limite son propre champ d'application, d'une part, aux actes illicites en vertu des règles du droit de l'Union qu'elle énumère, d'autre part, aux actes ou omissions qui « vont à l'encontre de l'objet ou de la finalité » de ces règles.

Enfin, la commission a accepté de remplacer le critère de désintéressement du lanceur d'alerte, sans doute trop vague, par celui lié à l'absence de contrepartie financière directe .

À l'initiative du rapporteur, la commission des lois a donc adopté un amendement COM-20 qui définit un lanceur d'alerte comme une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi :

- d'une part, des informations, obtenues dans un contexte professionnel, sur la violation des règles du droit de l'Union européenne mentionnées par la directive, sur tout acte ou omission allant à l'encontre des objectifs poursuivis par ces règles ou sur toute tentative de dissimulation d'une telle violation, d'un tel acte ou d'une telle omission (rédaction qui transpose strictement la directive) ;

- d'autre part, toute autre information dont il a eu personnellement connaissance sur un crime, un délit ou toute autre violation grave d'une règle de droit interne ou international applicable en France ou sur un acte ou une omission allant gravement à l'encontre des objectifs poursuivis par de telles règles.

2. L'exclusion des informations couvertes par certains secrets

L'article 1 er de la proposition de loi exclut du champ d'application du régime général de l'alerte les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le « secret professionnel de l'avocat 34 ( * ) » , comme le prévoit déjà la loi « Sapin 2 », mais aussi par « le secret des délibérations judiciaires » (comme l'autorise expressément la directive) ainsi que « le secret de l'enquête ou de l'instruction judiciaire » (la directive indiquant qu'elle n'affecte pas les règles prévues par le droit de l'Union ou le droit national en matière de procédure pénale 35 ( * ) ), « sous réserve des dérogations prévues par la loi ».

Le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale relève, à propos de cette dernière exclusion, qu'elle a « principalement pour objet d'empêcher la protection d'un agent qui ferait une alerte parce qu'il ne serait pas d'accord avec la décision de classement sans suite du procureur, ou qui entendrait tout simplement utiliser le cadre juridique de la protection des lanceurs d'alerte pour s'affranchir du secret de l'enquête ou de l'instruction auquel il est soumis ». En revanche, « la commission d'une infraction par une personne soumise au secret de l'enquête ou de l'instruction ne serait pas couverte par ce secret 36 ( * ) ».

Seuls trois amendements rédactionnels ou de précision ont été adoptés sur ce point par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

La commission des lois a approuvé ces exclusions . Elle s'est contentée de supprimer le membre de phrase, superflu, qui réserve le cas des dérogations prévues par la loi aux secrets susmentionnés ( amendement COM-21 du rapporteur). Dès lors qu'il existe des dérogations aux secrets de la défense nationale, au secret médical, au secret des délibérations judiciaires, etc. , les faits, informations ou documents entrant dans le champ de ces dérogations ne sont pas couverts par le secret et sont donc pleinement soumis au régime de l'alerte.

3. L'articulation du régime général et des régimes spéciaux de protection

L'article 1 er de la proposition de loi prévoit enfin que le régime général de protection des lanceurs d'alerte, institué par la loi « Sapin 2 » modifiée, ne s'applique pas lorsque sont réunies les conditions d'application d'un « dispositif spécifique de signalement de violations et de protection de l'auteur du signalement » prévu par la loi ou le règlement ou par un acte de l'Union européenne mentionné en annexe de la directive, dès lors que ce dispositif spécifique comprend « des mesures au moins aussi favorables » au lanceur d'alerte et préserve « le choix du moyen de signalement ».

Dans le cas où les mesures prévues par le régime spécial seraient tantôt plus favorables, tantôt moins favorables que celles du régime général, la mesure la plus favorable à l'auteur du signalement s'appliquerait.

Les députés ont adopté à ce sujet plusieurs amendements rédactionnels ou de clarification, en commission puis en séance publique.

La commission des lois n'a pas modifié ces dispositions.

La commission des lois a adopté l'article 1er ainsi modifié .

Article 2
Extension des mesures de protection
aux facilitateurs et autres personnes

L'article 2 de la proposition de loi vise à étendre le bénéfice des mesures de protection prévues par le régime de l'alerte aux « facilitateurs », y compris les personnes morales de droit privé à but non lucratif, et à d'autres personnes physiques ou morales en lien avec le lanceur d'alerte.

La commission des lois a adopté cet article en complétant la liste des mesures de protection bénéficiant à ces personnes.

Elle a également défini un nouvel équilibre dans la protection accordée aux personnes morales agissant en tant que facilitateurs : ce statut protecteur serait réservé aux syndicats représentatifs et aux associations agréées, qui auraient en revanche la faculté d'effectuer un signalement ou une divulgation pour le compte d'un lanceur d'alerte resté anonyme.

1. L'état du droit et les exigences de la directive du 23 octobre 2019

Le régime protecteur défini par la loi « Sapin 2 » ne s'applique qu'aux personnes physiques qui lancent une alerte dans les conditions prévues par la loi, et non pas aux personnes physiques ou morales
- collègues, représentants des salariés, syndicats, associations... - qui, le cas échéant, aident celles-ci dans leurs démarches . Ces autres personnes ne bénéficient qu'indirectement des mesures de protection : il semble notamment qu'elles ne puissent être poursuivies pénalement pour complicité ou recel de violation du secret professionnel, dès lors que l'auteur principal de l'infraction est reconnu irresponsable 37 ( * ) .

La directive du 23 octobre 2019 impose, quant à elle, aux États membres d'étendre le bénéfice des mesures de protection qu'elle prévoit :

- aux « facilitateurs » , entendus comme les « personne[s] physique[s] qui aide[nt] un auteur de signalement au cours du processus de signalement dans un contexte professionnel et dont l'aide devrait être confidentielle » ;

- aux « tiers qui sont en lien avec les auteurs de signalement et qui risquent de faire l'objet de représailles dans un contexte professionnel, tels que des collègues ou des proches des auteurs de signalement » ;

- et aux « entités juridiques appartenant aux auteurs de signalement ou pour lesquelles ils travaillent, ou encore avec lesquelles ils sont en lien dans un contexte professionnel 38 ( * ) » .

2. La proposition de loi : une double surtransposition

L'article 2 de la proposition de loi, dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, vise à insérer dans la loi « Sapin 2 » un nouvel article 6-1 aux termes duquel certaines des mesures de protection prévues par cette même loi s'appliquent :

- aux « facilitateurs , entendus comme toute personne physique ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d'alerte à effectuer un signalement ou une divulgation » dans le respect des conditions légales ;

- aux « personnes physiques en lien avec un lanceur d'alerte [...] et qui risquent de faire l'objet de l'une des mesures mentionnées au I de l'article 10-1 [mesures de représailles] dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur, de leur client ou du destinataire de leurs services » ;

- aux « entités juridiques contrôlées, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, par un lanceur d'alerte [...], pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel 39 ( * ) ».

Hormis les choix lexicaux et références légistiques qui visent à adapter au langage juridique français les termes de la directive, ces dispositions appellent deux remarques principales.

En premier lieu, les députés ont décidé d' étendre la protection des tiers (facilitateurs et autres) à toutes les alertes entrant dans le champ d'application matériel de la loi « Sapin 2 » , et non pas seulement à celles qui relèvent du champ d'application de la directive.

En second lieu, ils ont choisi d' octroyer le bénéfice des mesures de protection aux personnes morales agissant en tant que facilitateurs, alors que la directive ne vise que les personnes physiques . Il a néanmoins été décidé, en commission et à l'initiative du rapporteur Sylvain Waserman, de se limiter aux personnes morales de droit privé à but non lucratif , telles que les associations ou les syndicats, afin d'éviter que le dispositif de protection ne soit détourné de son objet, par exemple, par une entreprise concurrente ou un fonds spéculatif.

3. La position de la commission des lois : éviter tout détournement du régime de protection

À l'initiative du rapporteur, la commission des lois a complété la liste des mesures de protection bénéficiant aux facilitateurs et autres personnes mentionnées au nouvel article 6-1 de la loi « Sapin 2 », qui, dans le texte de l'Assemblée nationale, comportait plusieurs lacunes ( amendement COM-22 du rapporteur).

La commission s'est, en revanche, interrogée sur l'octroi du statut de facilitateur aux personnes morales de droit privé, fussent-elles à but non lucratif . L'on ne peut ignorer, en effet, le risque que des associations de façade soient créées par des détenteurs d'intérêts économiques, voire par des puissances étrangères qui chercheraient à s'engouffrer dans cette brèche pour déstabiliser des entreprises ou des administrations françaises , par le lancement d'alertes tous azimuts.

Après avoir envisagé de réserver le bénéfice de ce statut aux seuls syndicats représentatifs et aux associations spécialement agréées par le Gouvernement, la commission a finalement adopté trois amendements identiques COM-3, COM-7 et COM-57 présentés, respectivement, par Michel Canévet, Franck Menonville et Nadège Havet, dont l'objet est de s'en tenir strictement à la directive en n'incluant parmi les facilitateurs que les personnes physiques .

La commission des lois ne s'est toutefois par interdit de revenir sur ce sujet lors de l'examen de la proposition de loi en séance publique.

La commission des lois a adopté l'article 2 ainsi modifié .

TITRE II
PROCÉDURES DE SIGNALEMENT

Article 3
Procédures de signalement
et conditions de divulgation publique

L'article 3 de la proposition de loi détermine les règles d'ordre procédural qu'un lanceur d'alerte doit respecter pour bénéficier des mesures de protection prévues par le régime. Il traite de la procédure interne de signalement, ouverte aux personnes ayant obtenu des informations dans un contexte professionnel, de la procédure de signalement auprès d'une autorité externe et des conditions auxquelles les informations peuvent être divulguées publiquement.

La commission des lois a adopté cet article dans une rédaction sensiblement modifiée, afin notamment de préciser les règles applicables aux groupes de sociétés, aux collectivités territoriales et à leurs groupements ; de mieux articuler les phases de signalement externe et de divulgation publique ; et de fixer des conditions plus rigoureuses pour que les informations concernées puissent être divulguées publiquement sans signalement externe préalable.

1. L'état du droit : des différences sensibles entre la loi française et la directive européenne dans la définition des procédures à suivre par les lanceurs d'alerte

Comme il a été rappelé précédemment, le régime général de protection des lanceurs d'alerte institué par la loi « Sapin 2 » impose à ces derniers de respecter certaines règles d'ordre procédural pour bénéficier des mesures de protection qu'il prévoit .

En principe, le signalement doit d'abord être porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci, des procédures spéciales de recueil des signalements émis par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels devant être établies par les personnes morales de droit public ou de droit privé d'au moins cinquante salariés, les administrations de l'État, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions, dans des conditions précisées par voie réglementaire. En l'absence de diligences de la personne destinataire de l'alerte « interne » dans un délai raisonnable, le signalement peut être adressé à l'autorité judiciaire, à « l'autorité administrative » ou aux ordres professionnels. Ce n'est qu'« en dernier ressort », et à défaut de traitement du signalement dans un délai de trois mois par l'autorité judiciaire, l'autorité administrative ou l'ordre professionnel concerné, que le signalement peut être rendu public.

Cette procédure à trois étapes connaît néanmoins une exception : un signalement peut être directement adressé à l'autorité judiciaire ou administrative ou à l'ordre professionnel concerné, ou même directement rendu public, « en cas de danger grave et imminent ou en présence d'un risque de dommages irréversibles » .

Le modèle retenu par la directive est différent, puisque celle-ci impose aux États membres (en ce qui concerne les alertes entrant dans son champ d'application matériel) d'autoriser les lanceurs d'alerte à adresser directement leur signalement à une autorité externe, sans saisir préalablement le canal interne de signalement . Dans certains cas, en effet, comme l'exposent les considérants de la directive, « on ne peut raisonnablement pas s'attendre à ce que les canaux internes fonctionnent correctement. C'est particulièrement le cas lorsque les auteurs de signalement ont des raisons valables de croire qu'ils subiraient des représailles liées au signalement, notamment en raison d'une violation de la confidentialité, ou que des autorités compétentes seraient plus à même de prendre des mesures efficaces pour remédier à la violation, (...) par exemple lorsque le titulaire ultime de la responsabilité dans le contexte professionnel est impliqué dans la violation, ou qu'il existe un risque que la violation ou les éléments de preuve y afférents puissent être dissimulés ou détruits ; ou, plus généralement, l'efficacité des mesures d'enquête prises par les autorités compétentes risquerait autrement d'être compromise, (...) ou la violation appelle des mesures urgentes ».

En outre, les conditions dans lesquelles les informations pourraient être divulguées publiquement par le lanceur d'alerte, selon la directive, diffèrent assez sensiblement de ce que prévoit aujourd'hui le droit français 40 ( * ) .

2. La proposition de loi : un alignement sur les règles prévues par la directive

L'article 3 de la proposition de loi tend à modifier les conditions dans lesquelles les lanceurs d'alerte entrant dans le (vaste) champ d'application de la loi « Sapin 2 » peuvent signaler les informations dont ils disposent ou les divulguer, en s'alignant, quant au fond, sur les règles prévues par la directive. Les députés y ont apporté en première lecture, en commission puis en séance publique, de nombreuses modifications visant à en clarifier la rédaction, mais qui n'en ont pas altéré le contenu.

Un article 7-1, à caractère pédagogique, serait inséré dans la loi « Sapin 2 » pour rappeler qu'un lanceur d'alerte bénéficie des protections offertes par le régime s'il effectue un signalement interne ou externe (à son choix) dans les conditions prévues par la loi, ou encore s'il divulgue publiquement les informations concernées, à condition là encore que les conditions légales soient remplies.

L'article 8, modifié, définirait les procédures de signalement interne et externe ainsi que les conditions de divulgation des informations.

2.1. La procédure de signalement interne

Par « signalement interne », il faut entendre le fait, pour une personne qui travaille au sein d'une organisation ou qui est en lien avec elle, de communiquer des informations à une personne ou une entité intégrée à l'organisation ou contrôlée par celle-ci.

La proposition de loi (A du I de l'article 8 de la loi « Sapin 2 » modifiée) distingue deux types d'entités, soumises à des obligations de degré différent :

- les personnes morales de droit public ou de droit privé employant moins de cinquante agents ou salariés, ainsi que les communes de moins de 10 000 habitants, au sein desquelles un signalement pourrait être effectué auprès du supérieur hiérarchique direct ou indirect, de l'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci - à moins qu'une procédure interne spéciale de recueil et de traitement des signalement ait été facultativement mise en place ;

- les personnes morales de droit public ou de droit privé employant au moins cinquante agents ou salariés, les administrations de l'État, les communes de 10 000 habitants ou plus, les départements et les régions, les établissements publics relevant de ces collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre comprenant au moins une commune de plus de 10 000 habitants, où devrait obligatoirement être établie, après consultation des instances de dialogue social, une procédure de recueil et de traitement des signalements . Les « garanties d'indépendance et d'impartialité » de cette procédure et les délais du retour d'informations fait à l'auteur seraient fixés par décret en Conseil d'État, dans le respect de la directive (laquelle impose notamment un accusé de réception sous sept jours et un retour d'informations sous trois mois) 41 ( * ) .

Conformément à la directive, le seuil de cinquante agents ou salariés ne s'appliquerait pas aux entités relevant du champ d'application des actes de l'Union européenne mentionnés au B de la partie I de l'annexe de celle-ci (dans le domaine des services, produits et marchés financiers, ainsi que de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme) ou à sa partie II (actes sectoriels prévoyant des règles spécifiques de signalement des violations).

Comme l'autorise également la directive, et à la différence du droit français en vigueur, les personnes morales employant moins de 250 agents ou salariés seraient autorisées à mettre en commun leur procédure de recueil et de traitement des signalements.

Le canal de signalement interne (qu'il prenne ou non la forme d'une procédure formalisée) serait accessible aux personnes ayant eu accès aux informations concernées dans le cadre de leurs activités professionnelles , à savoir :

- les membres du personnel, anciens membres du personnel et personnes ayant candidaté à un emploi au sein de l'entité concernée ;

- les actionnaires, associés et autres titulaires de droits de vote au sein de l'assemblée générale ;

- les membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance ;

- les collaborateurs extérieurs ou occasionnels ;

- les membres du personnel et de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance des « contractants, sous-traitants et fournisseurs ».

2.2. La procédure de signalement externe

Les lanceurs d'alerte pourraient également adresser un signalement dit « externe », soit après avoir effectué un signalement interne, soit directement :

- à l'autorité compétente, désignée par décret en Conseil d'État parmi les autorités administratives, les autorités publiques indépendantes (API), les autorités administratives indépendantes (AAI), les ordres professionnels et les personnes morales chargées d'une mission de service public ;

- au Défenseur des droits qui (sauf dans le cas où l'alerte serait de celles pour lesquelles il aurait lui-même été désigné comme l'autorité externe compétente) orienterait la personne concernée « vers la ou les autorités les mieux à même d'en connaître » ; comme l'explicite l'article 2 de la proposition de loi organique, il s'agirait, soit de l'une des autorités compétentes désignées par décret en Conseil d'État, soit, à défaut, de « l'autorité, l'administration ou l'organisme le mieux à même [de] connaître » du signalement 42 ( * ) ;

- à « l'autorité judiciaire » - concrètement, le procureur de la République, chargé de recevoir les plaintes et dénonciations portant sur des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, dans les conditions prévues par le code de procédure pénale ;

- à une institution, un organe ou un organisme de l'Union européenne compétent pour recueillir des informations sur des violations entrant dans le champ matériel d'application de la directive du 23 octobre 2019.

Les garanties d'indépendance et d'impartialité de la procédure applicable auprès des « autorités compétentes » désignées par décret en Conseil d'État, les délais du retour d'informations, les modalités de « clôture des signalements », les conditions d'évaluation de la procédure, les obligations de formation des personnes chargées du recueil et du traitement des signalements ainsi que la nature des informations que ces mêmes autorités devraient transmettre au Défenseur des droits pour l'élaboration de son rapport annuel seraient fixées par le même décret.

Enfin, la proposition de loi prévoit que, si une autorité externe saisie d'un signalement estime que celui-ci ne relève pas de sa compétence ou concerne également d'autres autorités, elle le transmet à l'autorité compétente ou au Défenseur des droits (qui réorienterait lui-même le lanceur d'alerte).

2.3. Les conditions de divulgation publique des informations

Enfin, la proposition de loi reprend, presque à l'identique, les conditions prévues par la directive pour la divulgation publique des informations .

Un lanceur d'alerte ayant divulgué publiquement des informations, par exemple par voie de presse ou sur les réseaux sociaux, bénéficierait des mesures de protection prévues par le régime (notamment l'exonération de responsabilité pénale, disciplinaire et civile), dans l'un ou l'autre des cas suivants :

- lorsque la divulgation n'a eu lieu qu' après que le lanceur d'alerte a préalablement effectué un signalement externe (précédé ou non d'un signalement interne), sans qu'aucune mesure « appropriée » ait été prise dans les délais prévus par voie réglementaire ;

- « en cas de danger imminent ou manifeste pour l'intérêt général , notamment lorsqu'il existe une situation d'urgence ou un risque de préjudice irréversible » ;

- ou lorsque la saisine de l'autorité externe compétente , du Défenseur des droits, de l'autorité judiciaire ou de l'institution, organe ou organisme de l'Union européenne compétent ferait encourir à son auteur un risque de représailles à caractère professionnel 43 ( * ) ou qu'elle ne pourrait permettre de remédier efficacement au problème constaté , « notamment si des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou si l'auteur du signalement a des motifs sérieux de penser que l'autorité peut être en conflit d'intérêts, en collusion avec l'auteur des faits ou impliquée dans ces faits ».

En cas de contestation, il appartiendrait au juge d'apprécier si l'une ou l'autre de ces conditions est remplie - les termes de la loi lui laissant, comme on peut le constater, une importante marge d'appréciation.

3. La position de la commission des lois : clarifier, compléter et articuler les procédures, imposer des garde-fous

À l'initiative du rapporteur, la commission des lois a adopté plusieurs amendements visant à clarifier les dispositions proposées, à les compléter, à mieux articuler les phases de signalement et de divulgation et à définir plus rigoureusement les conditions auxquelles des informations pourraient être divulguées publiquement sans signalement préalable.

3.1. Les dispositions liminaires

Par l' amendement COM-24 du rapporteur, la commission a clarifié la rédaction du nouvel article 7-1 de la loi « Sapin 2 », dont la visée est purement pédagogique.

3.2. Le signalement interne

La commission a également réécrit les A et B du I de l'article 8 de la loi « Sapin 2 » modifiée, relatifs au signalement « interne », par l'adoption d'un amendement COM-25 du rapporteur poursuivant plusieurs objectifs :

- il s'agit d'abord de clarifier la structure de ce paragraphe : les procédures de signalement interne n'étant ouvertes qu'aux personnes ayant eu connaissance de faits dans un contexte professionnel , il paraît souhaitable de rendre plus apparente cette limitation de leur champ d'application, en l'énonçant en tête du paragraphe concerné ;

- l'amendement comble certaines lacunes et corrige certaines incohérences du texte en ce qui concerne la définition des entités soumises ou non à l'obligation de mettre en place une procédure ad hoc de recueil et de traitement des signalements internes 44 ( * ) ;

- la commission a inscrit dans la loi la faculté, pour les entités soumises à l'obligation d'établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements, d'avoir recours à un prestataire externe ;

- elle a également souhaité autoriser les collectivités territoriales et les établissements publics locaux membres d'un centre de gestion à confier à celui-ci le recueil et le traitement des signalements « internes » . Toutefois, en application de la directive du 23 octobre 2019, les signalements de violations entrant dans le champ matériel de celle-ci devraient être traités en interne par les collectivités et établissements membres du centre de gestion employant au moins 250 agents (le recueil des signalements pouvant en revanche être confié au centre) 45 ( * ) ;

- enfin, l'amendement a procédé à plusieurs améliorations rédactionnelles .

Par l' amendement COM-26 du rapporteur, la commission a introduit au sein du même paragraphe un sous-paragraphe C afin que soient définies par décret des règles adaptées aux groupes de sociétés . En particulier, dans le cas où une procédure centralisée serait accessible à toutes les personnes travaillant au sein du groupe, les obligations imposées aux filiales pourraient être allégées, dans la mesure compatible avec la directive - dont les exigences, sur ce point, restent assez incertaines et pourraient être clarifiées à l'avenir par la jurisprudence.

L'application des règles prévues par la directive du 23 octobre 2019 relatives
au recueil et au traitement des signalements dans les groupes de sociétés

Dans un courrier adressé à la Commission européenne le 19 mai 2021 , plusieurs organisations d'employeurs du secteur privé, implantées dans divers États de l'Union européenne, se sont en effet inquiétées de l'application, dans les groupes de sociétés, des règles relatives à la procédure interne de recueil et de traitement des signalements prévues par la directive du 23 octobre 2019.

La mise en place dans chaque société d'un même groupe d'une procédure interne de signalement provoquerait des coûts supplémentaires. Surtout, elle réduirait l'efficacité du système d'alerte , à défaut pour chaque société de disposer en interne de l'expertise nécessaire pour assurer un traitement efficace des signalements. Elle rendrait difficile, voire impossible, la tenue de tableaux de bord exhaustifs au niveau de la société mère et, partant, le reporting auprès de ses organes de gouvernance. Ce serait d'autant plus paradoxal que la société mère ou ses dirigeants peuvent, sous certaines conditions, être reconnus civilement ou pénalement responsables des manquements commis par ou au sein de leurs filiales. En outre, d'autres dispositifs d'alerte, notamment celui prévu par la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre , sont obligatoirement organisés au niveau de la société mère.

Dans sa réponse datée du 2 juin 2021 , la Commission européenne considère que la directive impose à toute société employant plus de cinquante salariés de mettre en place une procédure interne de recueil et de traitement des signalements , qu'elle fasse ou non partie d'un groupe, la mutualisation des moyens n'étant possible que pour les sociétés comptant entre 50 et 249 salariés (au sein d'un même groupe ou non). En particulier, la Commission estime que la faculté laissée par la directive de confier le recueil des signalements à un tiers ne doit pas s'entendre comme la possibilité de mettre en place une procédure commune à plusieurs sociétés d'un même groupe.

Toutefois, la Commission souligne que la directive offre certaines souplesses . Selon elle, il serait ou pourrait être conforme à ce texte :

- que des filiales comptant entre 50 et 249 salariés bénéficient des moyens d'investigation de leur société mère, à condition que des canaux de signalement restent disponibles au niveau des filiales, que les lanceurs d'alerte puissent s'opposer à la remontée d'informations et qu'ils bénéficient d'un retour d'informations au niveau de la filiale ;

- que les signalements révélant des problèmes structurels au sein du groupe soient portés à la connaissance de la société mère, avec l'accord du lanceur d'alerte, afin d'être traités de manière transversale ;

- que la procédure de signalement établie par la société mère soit accessible aux salariés, associés, dirigeants, collaborateurs et cocontractants de ses filiales, qui auraient alors le choix du niveau auquel effectuer leur signalement.

3.3. Le signalement externe

En ce qui concerne la procédure de signalement « externe », outre deux amendements COM-27 et COM-28 à caractère rédactionnel, la commission a adopté un amendement COM-29 du rapporteur visant à inscrire dans la loi l'obligation, pour les autorités externes compétentes, de rendre compte annuellement de leur action au Défenseur des droits et de lui transmettre les informations nécessaires à l'élaboration de son rapport périodique sur l'efficacité du système de protection des lanceurs d'alerte en France. Entendue par le rapporteur, la Défenseure des droits a en effet exprimé la crainte d'être obligée de procéder à des relances répétées auprès de multiples autorités pour obtenir les informations nécessaires.

3.4. La divulgation publique

• Préciser l'articulation entre les phases de signalement externe et de divulgation publique

La commission a adopté un amendement COM-30 du rapporteur visant à préciser l'articulation entre les phases de signalement externe et de divulgation publique, dans le cas où l'autorité externe saisie ne serait pas l'une des autorités sectorielles compétentes désignées par décret en Conseil d'État , mentionnées au 1° du II de l'article 8 de la loi « Sapin 2 » modifiée. Le texte de l'Assemblée nationale comportait, à cet égard, des lacunes préjudiciables à l'efficacité du régime de protection des lanceurs d'alerte .

En effet, les autres autorités auxquelles un signalement externe pourrait être adressé (« l'autorité, l'administration ou l'organisme le mieux à même d'en connaître » désignée par le Défenseur des droits à défaut d'autorité compétente, l'autorité judiciaire, ou encore une autorité européenne) ne seraient pas soumises aux mêmes règles procédurales, et en particulier aux mêmes délais de réponse que les autorités sectorielles compétentes désignées par décret en Conseil d'État. En ce qui concerne, plus particulièrement, le procureur de la République, l'article 40-2 du code de procédure pénale lui impose d'aviser les plaignants, les victimes si elles sont identifiées, ainsi que les auteurs de signalements effectués en application du deuxième alinéa de l'article 40 du même code, des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qui ont été décidées ; le cas échéant, le procureur doit les aviser de sa décision de classer sans suite la procédure, en leur en indiquant les raisons juridiques ou d'opportunité. Mais aucun délai n'est fixé à cet effet.

Dès lors, la question se pose de savoir combien de temps un lanceur d'alerte devrait attendre une réponse « appropriée » de l'une de ces autorités avant de divulguer publiquement ses informations (si du moins les conditions de divulgation publique directe, sans signalement externe préalable, ne sont pas réunies).

Il n'était bien sûr pas question, pour la commission des lois, d'imposer au ministère public, aux entités désignées à titre indicatif par le Défenseur des droits ou moins encore à des organismes européens des contraintes procédurales nouvelles. En revanche, la commission a prévu qu'un décret en Conseil d'État fixerait le délai au-delà duquel, à défaut de mesure appropriée prise en réponse à son signalement par l'une des autorités concernées (celles mentionnées aux 2° à 4° du III de l'article 8 de la loi « Sapin 2 » modifiée), le lanceur d'alerte serait en droit de divulguer publiquement les informations, tout en bénéficiant des mesures de protection prévues par la loi .

Le même amendement COM-30 a procédé à diverses améliorations rédactionnelles.

• Définir des conditions plus rigoureuses pour que des informations puissent être divulguées sans signalement préalable

La commission des lois a émis de sérieuses réserves sur les conditions de divulgation publique des informations faisant l'objet de l'alerte, telles que prévues par la proposition de loi, qui s'est alignée sur ce point sur les dispositions de la directive du 23 octobre 2019.

Les conditions dans lesquelles un lanceur d'alerte peut divulguer publiquement les informations dont il dispose tout en bénéficiant des protections offertes par régime constituent le nerf d'un tel régime de protection. En effet, c'est en divulguant publiquement des informations que le lanceur d'alerte est susceptible de porter le plus gravement atteinte à des secrets protégés par la loi, ainsi qu'aux intérêts matériels et moraux des personnes mises en cause . La protection des lanceurs d'alerte eux-mêmes et des tiers exige donc que les conditions de divulgation publique soient précisément définies .

Dès lors, il peut sembler regrettable que le législateur européen, après avoir réglé avec minutie les procédures de recueil et de traitement des signalements internes et externes, n'ait consacré aux conditions de divulgation publique des informations que des dispositions succinctes et, à dire vrai, assez confuses.

Il est certes parfaitement légitime - et conforme à la logique d'ensemble du régime de l'alerte - que le lanceur d'alerte soit protégé s'il divulgue publiquement ses informations après avoir d'abord effectué un signalement externe, sans qu'aucune mesure appropriée n'ait été prise en réponse dans les délais impartis.

De même, l'on peut admettre que le lanceur d'alerte soit autorisé à divulguer directement ses informations, sans signalement externe préalable, s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il s'exposerait à des représailles en procédant à un tel signalement ou que cette procédure n'offrirait (selon les termes de la directive, légèrement adaptés par la proposition de loi) que « peu de chances qu'il soit véritablement remédié à la violation, en raison des circonstances particulières de l'affaire, comme lorsque des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou lorsqu'une autorité peut être en collusion avec l'auteur de la violation ou impliquée dans la violation 46 ( * ) ».

En revanche, qu'un lanceur d'alerte puisse divulguer publiquement des informations même confidentielles, dès lors qu'il a des motifs raisonnables de croire que « la violation peut représenter un danger imminent ou manifeste pour l'intérêt public, comme lorsqu'il existe une situation d'urgence ou un risque de préjudice irréversible », laisse beaucoup plus circonspect. Le caractère alternatif des critères retenus (un danger imminent « ou » manifeste) et le lien assez incertain entre ces critères et les exemples qui sont censés les illustrer n'aident pas à y voir clair.

Selon le rapporteur, seul un danger manifeste, imminent et d'une gravité suffisante - ces trois conditions étant cumulatives - peut justifier de « court-circuiter » les procédures normales de signalement, au risque de porter une atteinte grave et possiblement injustifiée à des secrets protégés et à la réputation des personnes mises en cause .

Tel est donc le principe posé par l' amendement COM-31 du rapporteur, adopté par la commission 47 ( * ) . Toutefois, afin d'éviter tout risque de sous-transposition, les conditions prévues par la directive ont été maintenues dans le champ matériel d'application de celle-ci. Dans l'intérêt de tous, il faut espérer que la jurisprudence leur donnera bientôt un sens plus déterminé.

La commission des lois a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 3 bis
Mention du dispositif de protection des lanceurs d'alerte
dans le règlement intérieur des entreprises

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, par l'adoption en commission d'un amendement de Dominique Potier, sous-amendé à l'initiative du rapporteur, l'article 3 bis de la proposition de loi vise à imposer aux entreprises de mentionner, dans leur règlement intérieur, l'existence du dispositif de prévention des lanceurs d'alerte prévu par la loi « Sapin 2 ». La rédaction de cette disposition a été simplifiée par l'adoption en séance publique, par les députés, d'un amendement du rapporteur.

Pour mémoire, tous les employeurs de droit privé, ainsi que les établissements publics à caractère industriel et commercial, sont tenus d'établir un règlement intérieur dès lors qu'ils emploient au moins cinquante salariés 48 ( * ) .

La commission des lois a adopté l'article 3 bis sans modification .

Article 4
Confidentialité et conservation des signalements

L'article 4 de la proposition de loi vise à préciser les règles visant à garantir la confidentialité des auteurs de signalements et des autres personnes concernées par ces derniers. Il fixe la durée de conservation des signalements, tout en prévoyant que des données anonymisées puissent être conservées ultérieurement.

La commission des lois a adopté cet article en en précisant la rédaction et en supprimant la limitation à trente ans de la durée de conservation de données anonymisées.

1. L'état du droit et les exigences de la directive du 23 octobre 2019

L'article 9 de la loi « Sapin 2 » impose que les procédures mises en oeuvre pour recueillir les signalements des lanceurs d'alerte - qu'il s'agisse des procédures internes ou de celles, « externes », mises en oeuvre par l'autorité judiciaire, l'autorité administrative ou les ordres professionnels - garantissent une stricte confidentialité de l'identité de l'auteur du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies .

Les éléments de nature à identifier le lanceur d'alerte ne peuvent être « divulgués 49 ( * ) », sauf à l'autorité judiciaire, qu'avec le consentement de celui-ci. Quant aux éléments de nature à identifier la personne mise en cause par un signalement, ils ne peuvent être divulgués, sauf à l'autorité judiciaire, qu'une fois établi le caractère fondé de l'alerte.

La divulgation de ces informations est passible de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

En la matière, la directive du 23 octobre 2019 comporte plusieurs exigences :

- les procédures de signalement interne doivent comprendre des « canaux (...) conçus, établis et gérés d'une manière sécurisée qui garantit la confidentialité de l'identité de l'auteur du signalement et de tout tiers mentionné dans le signalement et qui empêche l'accès auxdits canaux par des membres du personnel non autorisés 50 ( * ) » ;

- de même, les canaux de signalement externe doivent être « conçus, établis et gérés de manière à garantir l'exhaustivité, l'intégrité et la confidentialité des informations et à empêcher l'accès à ces informations aux membres du personnel de l'autorité compétente non autorisés 51 ( * ) » ;

- dans le cadre du recueil et du traitement des signalements internes et externes, les États membres doivent veiller « à ce que l'identité de l'auteur de signalement ne soit pas divulguée sans le consentement exprès de celui-ci à toute personne autre que les membres du personnel autorisés compétents pour recevoir des signalements ou pour en assurer le suivi », sauf dans le cas où il s'agit d' « une obligation nécessaire et proportionnée imposée par le droit de l'Union ou le droit national dans le cadre d'enquêtes menées par des autorités nationales ou dans le cadre de procédures judiciaires, notamment en vue de sauvegarder les droits de la défense de la personne concernée », auquel cas des « mesures de sauvegarde appropriées » doivent être prévues. En particulier, les auteurs de signalement doivent être informés avant que leur identité ne soit divulguée et les motifs de cette divulgation doivent leur être communiqués, à moins que de telles informations ne risquent « de compromettre les enquêtes ou les procédures judiciaires concernées ». Ces mêmes règles s'appliquent à toute information permettant d'identifier l'intéressé 52 ( * ) ; elles doivent être assorties de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives 53 ( * ) ;

- tout traitement de données à caractère personnel effectué en vertu des règles prévues par la directive, y compris l'échange ou la transmission de données à caractère personnel par les autorités compétentes, doit être effectué conformément au règlement général sur la protection des données (RGPD) 54 ( * ) et à la directive qui l'accompagne 55 ( * ) . Les données à caractère personnel qui ne sont manifestement pas pertinentes pour le traitement d'un signalement ne doivent pas être collectées ; si elles le sont accidentellement, elles doivent être effacées sans retard injustifié 56 ( * ) ;

- enfin, les États membres doivent veiller à ce que les entités juridiques des secteurs privé et public et les autorités compétentes archivent tous les signalements reçus, dans le respect des exigences de confidentialité prévues par la directive. Les signalements ne doivent pas être conservés plus longtemps qu'il n'est nécessaire et proportionné pour respecter les exigences imposées par la directive ou d'autres exigences imposées par le droit de l'Union ou le droit national 57 ( * ) .

2. La proposition de loi

L'article 4 de la proposition de loi tend à modifier l'article 9 de la loi « Sapin 2 » pour en préciser la rédaction et assurer sa conformité à la directive.

À cet effet, il est prévu que les procédures de recueil, mais aussi de traitement des signalements doivent garantir la confidentialité de l'identité, non seulement de l'auteur du signalement et des personnes visées par celui-ci, mais aussi de tout tiers qui y est mentionné .

Il resterait néanmoins possible de révéler l'identité du lanceur d'alerte à l'autorité judiciaire. Le texte adopté par les députés paraît ici contraire aux exigences de la directive, puisqu'il ne subordonne pas cette exception à la règle de confidentialité au fait que la révélation de l'identité du lanceur d'alerte à l'autorité judiciaire résulterait d'une obligation .

En cas de divulgation de son identité à l'autorité judiciaire, le lanceur d'alerte devrait être informé, « à moins que cette information ne risque de compromettre la procédure judiciaire concernée » . La proposition de loi impose aux autorités et autres entités chargées du recueil et du traitement des signalements « externes » l'obligation de joindre à cette information des explications écrites . Elle omet donc le cas des personnes chargées du recueil et du traitement des signalements internes , qui pourraient pourtant estimer souhaitable de dénoncer les faits concernés au procureur de la République, voire y être juridiquement obligées, et être alors amenées à divulguer l'information du lanceur d'alerte.

Un paragraphe serait ajouté à l'article 9 de la loi « Sapin 2 », relatif à la conservation des signalements . Ces derniers ne pourraient être conservés que « le temps strictement nécessaire et proportionné à leur traitement et à la protection de leurs auteurs, des personnes visées par celui-ci et de tout tiers mentionné dans le signalement, en tenant compte d'éventuelles enquêtes complémentaires ». Toutefois, à l'initiative du député Matthieu Orphelin, la commission des lois de l'Assemblée nationale a ajouté une disposition - dont la rédaction a été modifiée en séance publique par l'adoption d'un amendement du rapporteur - pour autoriser la conservation pendant une durée maximale de trente ans de données anonymisées , « notamment lorsque les signalements concernent des informations devant faire l'objet d'un traitement à long terme 58 ( * ) ». Enfin, à l'initiative du rapporteur, il a été précisé en commission que les traitements de données à caractère personnel relatives à des signalements devaient être conformes au RGPD.

3. Les modifications apportées par la commission des lois

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté, outre un amendement COM-32 à caractère rédactionnel :

- un amendement COM-33 qui prévoit d'une part, conformément à la directive, que la révélation à l'autorité judiciaire d'éléments de nature à identifier le lanceur d'alerte n'est permise que dans le cas où la personne chargée du recueil ou du traitement du signalement est tenue de dénoncer les faits au procureur de la République , d'autre part, que les personnes chargées des signalements internes ont également l'obligation, le cas échéant, d'expliquer au lanceur d'alerte les raisons ayant conduit à divulguer son identité ;

- un amendement COM-34 relatif à la conservation de données anonymisées , visant à préciser le sens de cette notion et à supprimer la limitation à trente ans de la durée de conservation de telles données , qui n'apparaît pas nécessaire.

La commission des lois a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 4 bis (nouveau)
Sanction pénale des alertes abusives

Introduit à l'initiative du rapporteur, l'article 4 bis prévoit des sanctions à l'encontre des personnes ayant procédé à un signalement ou une divulgation publique de mauvaise foi. Il parachève la transposition de l'article 23 de la directive du 23 octobre 2019 qui impose des sanctions envers les auteurs d'alerte abusive, ce que le droit en vigueur ne permet que partiellement.

1. Le dévoiement du droit d'alerte : un risque qui n'est pas à négliger

Si un large consensus se dégage quant à la légitimité du droit d'alerte et à la nécessité d'une meilleure protection des auteurs de signalement ou de divulgation publique , les travaux du rapporteur ont également mis en évidence le risque d'un dévoiement de ce droit, aux effets potentiellement délétères.

Au cours des auditions, des inquiétudes ont notamment été exprimées par les représentants des entreprises quant à un risque de déstabilisation des entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises, qu'entraînerait un encadrement trop lâche du droit d'alerte ou un régime de protection qui irait au-delà du nécessaire, au risque de conférer une forme d'immunité à des personnes potentiellement malveillantes.

Le Conseil d'État formule des préoccupations similaires dans son avis sur la proposition de loi, notamment lorsqu'il estime « qu'il peut exister, dans les relations du travail, un risque de dévoiement des garanties apportées aux lanceurs d'alerte ». Toujours dans le secteur public, la direction générale de l'administration et de la fonction publique a fait état, dans sa contribution écrite, d'une jurisprudence naissante sur le sujet en matière disciplinaire.

Le rapporteur partage cette préoccupation et estime que le risque de dévoiement du droit d'alerte ne doit pas être négligé. Dans ce contexte, la commission s'est attachée à trouver un équilibre satisfaisant entre protection des lanceurs d'alerte et encadrement de l'exercice de ce droit . Le fait de prévoir des sanctions à l'encontre des auteurs d'alerte abusive, comme l'impose la directive, permet de se rapprocher de cet équilibre.

Une jurisprudence naissante sur le recours abusif au droit d'alerte
( Cour administrative d'appel de Nantes, 1 er juin 2021 ) 59 ( * )

Le tribunal administratif d'Orléans puis la Cour administrative d'appel de Nantes ont eu à se prononcer sur le cas d'une agente de la fonction publique territoriale ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire de révocation pour avoir transmis à l'ensemble des membres du conseil municipal de la commune où elle était employée un courrier de sept pages mettant en cause « de manière particulièrement virulente les agissements du maire à son égard » et imputant, par exemple, au maire en question « des malversations et du gaspillage d'argent public », tout en assortissant ces accusations de menaces.

Si elle a été déboutée en première instance puis en appel, la requérante s'était toutefois prévalue pour sa défense du statut de lanceur, au titre des articles 6 à 9 de la loi « Sapin 2 » et de l'article 6 ter A du statut général de la fonction publique.

2. La sanction des auteurs d'alertes abusives : une exigence de la directive du 23 octobre 2019 qui n'était que partiellement satisfaite par le droit en vigueur

Le 2 de l'article 23 de la directive du 23 octobre 2019 dispose que les « États membres prévoient des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives applicables aux auteurs de signalement lorsqu'il est établi qu'ils ont sciemment signalé ou divulgué publiquement de fausses informations ».

En l'état, les sanctions pénales prévues par les articles 29 à 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en cas de diffamation et par l'article 226-10 du code pénal en cas de dénonciation calomnieuse répondent partiellement à l'exigence fixée par la directive.

Les régimes de la diffamation publique et de la dénonciation calomnieuse

Diffamation publique

Dénonciation calomnieuse

Définition

Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé.


La diffamation publique est qualifiée quand elle peut être lue ou entendue par un public étranger à l'auteur des faits.

Dénonciation, par tout moyen et contre une personne déterminée, d'un fait susceptible de sanctions disciplinaires administratives ou judiciaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact.

Elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur.

Sanctions pénales

Amende de 12 000 euros

Cinq ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende

D'une part, le régime de la diffamation publique s'applique lorsque le lanceur d'alerte a sciemment divulgué de fausses informations. D'autre part, la dénonciation calomnieuse pourrait être constituée dans la plupart des cas où il aurait été fait un usage abusif des canaux de signalement interne ou externe.

Il existe toutefois un angle mort. En effet, en cas de saisine d'une autorité externe, le délit de dénonciation calomnieuse n'est constitué que lorsque ladite autorité dispose du pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, ce qui ne serait pas nécessairement le cas de toutes les autorités externes désignées par le pouvoir règlementaire pour traiter des signalements.

La commission a adopté un amendement COM-35 présenté par le rapporteur et visant à combler cette lacune. Pour ce faire, il insère un nouvel article 9-1 au sein de la loi « Sapin 2 » qui réprime le fait d'adresser de mauvaise foi un signalement à une autorité interne ou externe par les peines prévues par l'article 226-10 du code pénal relatif à la dénonciation calomnieuse . À titre de rappel, la notion de mauvaise foi recouvre l'intention de nuire et la connaissance, au moins partielle, de l'inexactitude des faits.

Par l'adoption de cet amendement, la commission a entendu garantir, d'une part, la pleine transposition de la directive du 23 octobre 2019 et, d'autre part, un équilibre entre la protection légitime du droit d'alerte et la nécessité d'un encadrement de ce droit.

TITRE III
MESURES RENFORÇANT LA PROTECTION
DES LANCEURS D'ALERTE

L'efficacité d'un régime d'alerte repose sur sa capacité à sécuriser, en amont, les canaux de signalement ou de divulgation et à garantir, en aval, la protection des lanceurs d'alerte contre les mesures de rétorsion . Lorsque, confrontée à une situation qui lui semble justifier une alerte, une personne fait le choix d'y procéder plutôt que de garder le silence, elle se place en effet en situation de grande vulnérabilité vis-à-vis de son employeur, ce qui justifie l'octroi de protections renforcées.

En premier lieu, le fait de signaler et, le cas échéant, divulguer des informations peut constituer une violation d'un secret protégé par la loi ou d'une obligation de confidentialité, de discrétion ou de loyauté résultant de la loi ou du contrat, qui engage, selon le cas, la responsabilité pénale, disciplinaire ou civile du lanceur d'alerte. Il peut également arriver qu'en accédant à ces informations, en conservant ou en copiant les documents qui les contiennent, et en les communiquant à autrui, le lanceur d'alerte manque à ses obligations contractuelles ou commette une infraction pénale autonome (vol, abus de confiance, etc. ).

En second lieu, l'employeur qui préfère dissimuler les faits répréhensibles plutôt qu'y mettre fin dispose de multiples leviers pour faire pression sur l'auteur de l'alerte . Ces mesures de rétorsion peuvent revêtir deux formes principales : les mesures de représailles dans le champ professionnel, y compris par le dévoiement des procédures de sanction prévues par les textes encadrant la relation de travail d'une part, et le recours à des « procédures-bâillons » d'autre part. Par ce terme, on entend l'engagement de recours abusifs et dilatoires, notamment en diffamation, visant à entraver l'alerte en discréditant et en décourageant son auteur. Combinées, ces mesures peuvent conduire le lanceur d'alerte à se retrouver dans une situation financière et psychologique précaire du fait des sanctions professionnelles dont il a fait l'objet - pouvant aller jusqu'au licenciement - tout en devant se défendre sur le terrain judiciaire face à des recours chronophages et onéreux.

Au risque de voir le dispositif vidé de toute portée, il est donc impératif d'assurer une protection effective des lanceurs d'alerte, et ce tant par la limitation de leur responsabilité à raison du signalement ou de la divulgation publique que par un rééquilibrage des armes en cas de mesures de représailles et la sanction de leurs auteurs. Le considérant 88 de la directive du 23 octobre 2019 souligne ainsi à juste titre que « lorsque des représailles sont exercées sans être découragées et restent impunies, elles ont un effet dissuasif sur le lanceur d'alerte potentiel ».

Le rapporteur souhaite insister sur le fait que ces comportements répréhensibles ne constituent pas une généralité . Interrogées sur ce point, toutes les personnes auditionnées ont rappelé que les employeurs ont intérêt à mettre en place un régime d'alerte efficace afin de remédier le plus rapidement possible aux faits éventuellement signalés et, ainsi, garantir le bon fonctionnement de la structure et sauvegarder la réputation de celle-ci. Le constat est similaire du côté des lanceurs d'alerte, dont la très grande majorité est animée de bonnes intentions et agit dans le seul objectif de voir résolus les problèmes constatés. Aussi juste qu'il soit, ce constat général ne saurait néanmoins conduire à ignorer l'existence d'abus de part et d'autre. S'il est manifeste que certains employeurs peu désireux de s'attaquer au fond des problèmes préfèrent se livrer à des représailles à l'encontre des lanceurs d'alerte, il est également possible que certaines personnes détournent l'esprit du système à des fins de destabilisation de l'employeur.

Dans ce contexte, si la loi « Sapin 2 » a dressé un premier rempart de protection autour des lanceurs d'alerte , celui-ci présente des failles. En ce sens, la commission rejoint les conclusions des députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix quand ils estiment que « tandis que la loi Sapin 2 incite à effectuer des signalements en affirmant l'existence de garanties élevées pour les lanceurs d'alerte, la protection et l'accompagnement des auteurs de signalement restent faibles en pratique, exposant parfois les lanceurs d'alerte à de grande difficultés » 60 ( * ) . En l'état, le titre III de la proposition de loi répond à certains de ces angles morts, sans parvenir à les couvrir intégralement .

Tirant les conséquences de ce bilan en demi-teinte, la commission a d'un côté, pour garantir une plus grande sécurité juridique des lanceurs d'alerte, entendu clarifier et, lorsque cela était possible, renforcer les garanties qui leur sont accordées . De l'autre côté et afin d'éviter le dévoiement de ce régime très favorable par des personnes mal intentionnées, elle a souhaité préciser les limites de ces protections et les cantonner à ce qui est nécessaire : pour reprendre une formule prisée outre-Manche : « pas plus, mais certainement pas moins » 61 ( * ) .

Article 5
Protections contre les mesures de représailles

L'article 5 aligne la liste des mesures de représailles prohibées sur celle de la directive du 23 octobre 2019 et renforce les protections offertes aux lanceurs d'alerte avec :

- des garanties a priori : la consécration de l'irresponsabilité civile des lanceurs d'alerte et l'extension du champ de leur irresponsabilité pénale ;

- des garanties a posteriori : la possibilité ouverte au juge d'accorder à l'auteur de l'alerte, sous certaines conditions, une provision pour frais d'instance ou une provision visant à couvrir ses subsides.

La commission qui a précisé et limité le champ des irresponsabilités pénale et civile, est revenue à une transposition in extenso de la liste des mesures de représailles prohibées et a clarifié les modalités d'aménagement de la procédure contentieuse en cas de représailles ou de procédure-bâillon.

1. Un premier filet de protection contre les mesures de représailles dressé par la loi « Sapin 2 »

Avec l'adoption de la loi « Sapin 2 », le législateur a bâti les fondations du régime de protection des lanceurs d'alerte . Afin d'inciter les citoyens à recourir au système d'alerte lorsque cela est nécessaire, il a consacré les principes d'irresponsabilité pénale des lanceurs d'alerte et d'interdiction des mesures de représailles . Il a également entendu mettre en place des protections a posteriori , en aménageant une procédure contentieuse plus favorable pour les lanceurs d'alerte victimes de mesures de représailles ou de « procédures-bâillons ».

1.1. Un régime d'irresponsabilité pénale strictement défini

La première pierre du dispositif de protection des lanceurs d'alerte construit par la loi « Sapin 2 » est leur irresponsabilité pénale lorsqu'ils portent atteinte à un secret protégé par la loi . L'article 122-9 du code pénal subordonne toutefois l'octroi de cette irresponsabilité à une triple condition :

- la divulgation des informations soumises au secret doit être « nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause » ;

- la personne doit satisfaire les critères de définition du lanceur d'alerte ;

- la personne doit respecter les procédures légales d'alerte.

Ce dispositif pèche par son imprécision et est difficilement intelligible . D'une part, il ne mentionne que les « atteintes » aux secrets protégés par la loi, sans viser les autres cas de figure potentiellement répréhensibles. D'autre part, il semble limiter son champ d'application à la seule divulgation publique, alors même que la seule communication d'une information protégée à un tiers est susceptible d'être qualifiée d'infraction.

S'il est, certes, implicite, l'octroi de l'irresponsabilité civile aux lanceurs d'alerte n'est quant à lui jamais mentionné .

1.2. La prohibition des mesures de représailles à l'encontre de certains lanceurs d'alerte

Le principe de l'interdiction des mesures de représailles à l'égard des lanceurs d'alerte dans le champ professionnel a été fixé par l'article 10 de la loi « Sapin 2 » . Modifiés en ce sens, les articles L. 1132-3-3 du code du travail et 6 ter A du statut général de la fonction publique précisent toutefois que ce régime protecteur bénéficie aux seules personnes ayant signalé une alerte dans le respect des conditions légales .

Dans sa recherche d'une rédaction couvrant de la manière la plus exhaustive possible les potentielles actions de rétorsion, le législateur n'avait pas retenu une solution uniforme en 2016. Pour les personnes soumises au code du travail, il avait été fait le choix d'une énumération des mesures prohibées, au risque d'une omission, tandis qu'une rédaction de portée générale avait été préférée s'agissant des agents publics, au risque d'être évasif. Ce dilemme n'a pas été résolu depuis lors et, à bien des égards, les difficultés qu'il engendre se retrouvent dans la proposition de loi .

Alinéa 2 de l'article L. 1132-3-3 du code du travail

« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération , au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat , pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique . »

Alinéa 2 de l'article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires 62 ( * )

« Aucun fonctionnaire ne peut être sanctionné ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte , pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique . »

Ce filet de protection comporte une autre imperfection en ce qu'il n'est applicable qu'aux personnes soumises au code du travail et au statut général de la fonction publique. Il exclut de facto les travailleurs indépendants ou les personnes situées dans une relation de travail atypique , et ce, en dépit de leur potentielle qualité de lanceur d'alerte.

Enfin, seul l'article 6 ter A de la « loi Le Pors » précise les conséquences juridiques de la mise en place d'une mesure défendue, à savoir la nullité de plein droit.

1.3. Une procédure contentieuse plus favorable aux lanceurs d'alerte victimes de mesures de représailles ou de « procédures-bâillons »

L'article 10 de la loi « Sapin 2 » parachève le dispositif de protection des lanceurs d'alerte en aménageant la procédure contentieuse dans un sens plus favorable au lanceur d'alerte . Pour ce faire, il étend aux salariés et agents publics lanceurs d'alerte le bénéfice des protections déjà prévues pour les fonctionnaires témoignant ou dénonçant « de faits constitutifs d'un délit, d'un crime ou susceptibles d'être qualifiés de conflit d'intérêts [...] dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de [leurs] fonctions » 63 ( * ) .

Ces dispositions visent les recours des personnes se prévalant de la qualité de lanceur d'alerte envers les mesures de représailles qu'elles estiment avoir subi pour ce motif. Dans ce cadre, il leur suffit de présenter des « éléments de fait qui permettent de présumer » qu'elles ont procédé à l'alerte conformément aux procédures légales pour modifier le régime procédural . Une fois cette « présomption » acquise, il revient alors à la partie défenderesse d'apporter la preuve que son action était dénuée de tout rapport avec l'alerte, par dérogation aux règles de procédures selon lesquelles il incombe au demandeur de présenter les faits nécessaires au succès de sa demande.

2. L'article 5 : une montée en puissance du dispositif de protection des lanceurs d'alerte encore perfectible

2.1. L'élargissement de la liste des mesures de représailles défendues à l'encontre des lanceurs d'alerte

Premièrement, l'article 5 transpose l'article 19 de la directive du 23 octobre 2019, qui fixe la liste des mesures de représailles interdites à l'égard des lanceurs d'alerte.

Si la proposition de loi initiale reproduisait in extenso les mesures énumérées par la directive dans un nouvel article 10-1 de la loi « Sapin 2 », la commission des lois de l'Assemblée nationale a préféré procéder, lorsque cela était possible, par renvoi à des dispositions préexistantes dans le droit interne. Pour des raisons de lisibilité du droit, le Conseil d'État préconisait en effet de distinguer les garanties apportées aux travailleurs salariés par l'article L. 1132-3-3 du code du travail et aux agents publics par l'article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 et les garanties transversales prévues par la directive et ayant vocation à s'appliquer indifféremment à l'ensemble des lanceurs d'alerte. Par l'adoption d'un amendement n° CL150 présenté par le rapporteur, la commission a procédé à ces renvois et a complété les dispositions précitées afin de les mettre en conformité avec la directive.

Article 19 de la directive du 23 octobre 2019

Les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire toute forme de représailles contre les personnes visées à l'article 4, y compris les menaces de représailles et tentatives de représailles, notamment sous les formes suivantes :

a) suspension, mise à pied, licenciement ou mesures équivalentes ;

b) rétrogradation ou refus de promotion ;

c) transfert de fonctions, changement de lieu de travail, réduction de salaire, modification des horaires de travail ;

d) suspension de la formation ;

e) évaluation de performance ou attestation de travail négative ;

f) mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière ;

g) coercition, intimidation, harcèlement ou ostracisme ;

h) discrimination, traitement désavantageux ou injuste ;

i) non-conversion d'un contrat de travail temporaire en un contrat permanent, lorsque le travailleur pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent ;

j) non-renouvellement ou résiliation anticipée d'un contrat de travail temporaire ;

k) préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur les réseaux sociaux, ou pertes financières, y compris la perte d'activité et la perte de revenu ;

l) mise sur liste noire sur la base d'un accord formel ou informel à l'échelle sectorielle ou de la branche d'activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d'emploi à l'avenir au niveau du secteur ou de la branche d'activité ;

m) résiliation anticipée ou annulation d'un contrat pour des biens ou des services ;

n) annulation d'une licence ou d'un permis ;

o) orientation vers un traitement psychiatrique ou médical.

L'article 5 pallie par ailleurs l'absence de précision sur les conséquences juridiques des mesures de représailles dans le code du travail et affirme leur nullité de plein droit sans considération du statut du lanceur d'alerte concerné .

2.2. Un renforcement des protections accordées aux auteurs de signalement ou de divulgation publique

2.2.1. Des garanties a priori mieux définies : les irresponsabilités civiles et pénales

Deuxièmement, l'article 21 de la directive du 23 octobre 2019 impose la mise en place d'une exonération de toute responsabilité au profit des lanceurs d'alerte . Son paragraphe 2 consacre le fait que les personnes intéressées « n'encourent aucune responsabilité d'aucune sorte concernant ce signalement ou cette divulgation publique », sous réserve qu'elles aient eu des motifs raisonnables de croire en la nécessité du signalement ou de la divulgation et de dérogations ayant trait à des secrets protégés 64 ( * ) . Son paragraphe 3 prévoit ensuite l'irresponsabilité à raison de l'obtention ou de l'accès aux informations signalées ou divulguées, tandis que son paragraphe 7 applique ce principe dans le cadre des procédures judiciaires.

Afin de limiter les risques d'abus, le champ de cette irresponsabilité n'est pas illimité et le 4 de l'article 21 de la directive prévoit explicitement qu'il ne couvre pas les « actes ou omissions qui ne sont pas liés au signalement ou à la divulgation publique ou qui ne sont pas nécessaires pour révéler une violation ».

La proposition de loi transpose ce pan de la directive en consacrant le principe de l'irresponsabilité civile d'une part et en complétant le régime de l'irresponsabilité pénale introduit par la loi « Sapin 2 » d'autre part.

• La consécration de l'irresponsabilité civile

Alors que l'exonération de responsabilité civile des lanceurs d'alerte était jusqu'ici implicite, le nouvel article 10-1 introduit dans la loi « Sapin 2 » l'inscrit explicitement dans la loi . Son octroi est toutefois subordonné au respect des conditions légales de signalement ou de divulgation publique et au fait que leur auteur devait pouvoir « considérer [lorsqu'il y a procédé] que le signalement ou la divulgation était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause ».

Suivant l'avis du Conseil d'État, la commission des lois de l'Assemblée nationale a, en outre, adopté un amendement du rapporteur qui limite le champ de l'irresponsabilité civile aux seuls dommages causés du fait de l'alerte .

• L'extension du champ de l'irresponsabilité pénale

L'article 5 de la proposition de loi modifie ensuite l'article 122-9 du code pénal afin d'inclure dans le périmètre de l'irresponsabilité pénale le fait d'avoir, dans le cadre d'un signalement ou d'une divulgation publique, soustrait, révélé ou recélé des informations protégées par la loi ou de nature confidentielle.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur n° CL 149 clarifiant la rédaction des infractions visées et étendant le bénéfice de l'irresponsabilité pénale aux facilitateurs .

2.2.2. Des garanties a posteriori : une possibilité de soutien financier dans le cadre d'une instance

Le 2 de l'article 20 de la directive du 23 octobre 2019 prévoit que « les États membres peuvent prévoir une assistance financière et des mesures de soutien, notamment psychologique, pour les auteurs de signalement dans le cadre des procédures judiciaires », tandis que le 6 de son article 21 impose l'accès des lanceurs d'alerte, mais aussi des facilitateurs, à des « mesures correctives contre les représailles, y compris des mesures provisoires dans l'attente du règlement des procédures judiciaires ».

Le considérant 99 est plus explicite sur ce point et précise que ladite aide peut couvrir les frais juridiques du lanceur d'alerte contestant une mesure de représailles ou revêtir une portée générale pour ceux « qui ont de sérieux besoins financiers ».

• Une provision visant à couvrir les frais de l'instance

Dans le cadre de recours contre des mesures de représailles ou de « procédures-bâillons » , la proposition de loi ouvre la possibilité au juge d'accorder au lanceur d'alerte, sous certaines conditions et à sa demande, une provision visant à couvrir ses frais d'instance . A la charge de l'autre partie, ladite provision ne peut toutefois être accordée que lorsque l'auteur de l'alerte « justifie » avoir procédé au signalement ou à la divulgation publique conformément aux procédures légales. Le cas échéant, le juge en définit le montant, en tenant compte « de la situation économique des parties et du coût prévisible de la procédure ».

Dans l'hypothèse où cette provision est accordée, un aménagement de la procédure contentieuse similaire à celui évoqué précédemment en matière de mesures de représailles est mis en place . Il revient alors à l'autre partie de justifier sa décision par des éléments objectifs étrangers à l'alerte.

Cette rédaction génère toutefois une certaine confusion quant au régime d'administration de la preuve à l'occasion de recours contre les mesures de représailles : dans le cas général, il est déjà prévu que le lanceur d'alerte présente des éléments pour renverser la charge de la preuve 65 ( * ) . Dès lors la rédaction proposée peut être interprétée de deux manières : soit l'usage du terme « justifie » suppose que le lanceur d'alerte présente des éléments plus probants que dans ce premier cas, soit il s'agit d'une redondance inutile. Faute d'explications convaincantes, le rapporteur a retenu la seconde option.

Il est par ailleurs précisé que le juge statue à bref délai et qu'un décret en Conseil d'État définit « les modalités d'application de l'article ». Cette mention est toutefois imputée à la fin d'un alinéa lui-même situé au coeur du nouvel article 10-1 de la loi « Sapin 2 », ce qui rend malaisée son interprétation.

• Une provision visant à couvrir les subsides du lanceur d'alerte

Par l'adoption en séance de quatre amendements identiques 66 ( * ) , l'Assemblée nationale a entendu aller plus loin dans le soutien financier des lanceurs d'alerte en accordant au juge la faculté d'allouer , dans les mêmes conditions que précédemment, une provision visant à couvrir les subsides de « la partie dont la situation financière s'est gravement dégradée en raison du signalement » .

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté en séance un amendement n° 137 présenté par Sylvain Waserman et Raphaël Gauvain qui visait à ce que, le cas échéant, le juge puisse décider à tout moment de la procédure du bénéfice définitif de la provision pour frais de l'instance . Cet amendement était inspiré de l'avis du Conseil d'État qui préconisait que « que le juge puisse décider, pour des considérations d'équité, que la provision [pour frais d'instance] versée reste définitivement acquise au lanceur d'alerte dans le cas où celui-ci serait la partie perdante ». Toutefois, selon le texte transmis, cette disposition semble a priori plutôt applicable à la provision visant à couvrir les subsides du lanceur d'alerte.

3. La position de la commission : rééquilibrer et clarifier les protections accordées aux lanceurs d'alerte

La commission a adopté trois amendements COM-36, COM-37 et COM-38 présentés par le rapporteur et traitant respectivement des irresponsabilités pénales et civiles, des mesures de représailles prohibées et de l'aménagement de la procédure contentieuse.

Au-delà des modifications de fond développées ci-après, ces amendements entendaient améliorer la lisibilité de l'article 10-1 de la loi « Sapin 2 ». Pour ce faire, ils opèrent une réorganisation de ses dispositions, de manière à ce qu'elles correspondent à la chronologie de l'alerte. La disposition relative à l'irresponsabilité civile est ainsi placée en premier et, pour des raisons pédagogiques, il est inséré concomitamment un renvoi aux dispositions du code pénal relatives à l'irresponsabilité pénale. Suivent les dispositions relatives aux mesures de représailles et à l'aménagement de la procédure contentieuse.

3.1. Préciser et limiter le champ des irresponsabilités pénale et civile

S'agissant du régime des irresponsabilités, l'amendement adopté par la commission procède à trois modifications de fond.

Premièrement, il limite leur champ aux seules informations dont le signalement ou la divulgation était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause . Dans un objectif de responsabilisation des lanceurs d'alerte, il s'agit d'éviter le signalement ou la divulgation d'une masse d'informations ou de documents, dont une partie serait sans lien avec les faits justifiant l'alerte .

Cette précision permet de se conformer au 4 de l'article 21 de la directive du 23 octobre 2019 qui précise que : « Toute autre responsabilité éventuelle des auteurs de signalement découlant d'actes ou d'omissions qui ne sont pas liés au signalement ou à la divulgation publique ou qui ne sont pas nécessaires pour révéler une violation en vertu de la présente directive continue d'être régie par le droit de l'Union ou le droit national applicable ».

Deuxièmement, il étend explicitement le champ de l'irresponsabilité pénale aux auteurs de simples signalements .

Troisièmement, il explicite le fait que le bénéfice de l'irresponsabilité pénale ne s'étend pas aux atteintes à la vie privée ou aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données . Concrètement, cette irresponsabilité pourrait notamment être opposée dans le cas où les faits seraient constitutifs d'un vol ou d'un abus de confiance 67 ( * ) . En revanche, elle ne couvrirait pas les cas où l'obtention desdits documents ou informations résulte, par exemple, de la commission de l'une des infractions suivantes : violation de domicile, y compris des locaux professionnels, captation non autorisée de paroles ou d'images privées ou confidentielles, accès frauduleux à des systèmes d'information.

Le dispositif proposé est pleinement conforme aux dispositions de la directive du 23 octobre 2019, dont l'article 21 dispose que lorsque l'accès ou l'obtention des informations signalées ou divulguées « constitue une infraction pénale autonome, la responsabilité pénale continue d'être régie par le droit national applicable ».

3.2. Le retour à une liste unique de mesures de représailles prohibées

La commission est ensuite revenue à une transposition in extenso de la liste des mesures de représailles prohibées figurant à l'article 19 de la directive. Le choix de la commission des lois de l'Assemblée nationale de procéder par renvoi recréait, en effet, le problème de l'exclusion des personnes situées dans une relation de travail atypique que le texte initial avait pourtant résolu.

En outre, la commission a estimé que cette méthodologie présentait une difficulté conceptuelle . Construire un régime à vocation généraliste par renvoi à des dispositions sectorielles n'est ni logique ni lisible ; c'est la démarche inverse qui doit être privilégiée, soit l'adaptation des régimes sectoriels au régime général.

Il est également préférable pour des raisons pédagogiques de faire figurer l'ensemble des mesures de représailles prohibées au sein d'une seule et même disposition . En effet, la multiplicité des renvois nuit à la lisibilité du régime et est de nature à décourager de potentiels lanceurs d'alerte, faute de vision claire des protections qui leur seraient accordées.

3.3. La clarification de l'aménagement des procédures contentieuses

La commission a enfin veillé à clarifier l'aménagement de la procédure judiciaire en cas de recours contre des mesures de représailles ou de procédures-bâillons. La possibilité du défendeur de construire sa défense sur d'éventuelles méconnaissances de la procédure d'alerte a été affirmée d'une part et le rôle du juge dans l'appréciation du respect des conditions légales d'alerte a été clarifié d'autre part.

En outre, la commission n'a pas retenu la proposition selon laquelle la provision visant à couvrir les subsides du lanceur d'alerte puisse être définitivement acquise à tout moment de la procédure qui, en plus d'être intellectuellement contestable, est constitutionnellement incertaine.

La commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 6
Articulation avec les régimes sectoriels d'alerte
prévus par le code du travail et le statut général de la fonction publique

L'article 6 opère la coordination du régime général d'alerte avec les régimes sectoriels prévus par le code du travail et le statut général de la fonction publique.

Afin d'assurer une cohabitation efficace entre le régime général d'alerte et ces régimes spéciaux, la commission en a précisé et clarifié la rédaction, avant de l'adopter.

1. L'article 6 : la coordination du régime général d'alerte avec les régimes sectoriels prévus par le code du travail et le statut général de la fonction publique

En l'état, le régime général d'alerte prévu par la loi « Sapin 2 » cohabite avec une pluralité de régimes sectoriels , dont le périmètre et les modalités de mise en oeuvre diffèrent dans des proportions variables. Généralement plus souples d'utilisation, ces dispositions sectorielles permettent de faciliter le lancement d'alerte dans des cas déterminés. Dans certaines situations, elles font même de l'alerte une obligation.

L'enchevêtrement des différents régimes peut être source de confusion, d'autant plus lorsque leurs périmètres se rejoignent . De fait, la plupart des cas visés pourraient tout autant être traités dans le cadre du régime général, mais la nature particulière des faits justifiait une adaptation de la procédure. Prenant acte de ce déficit d'intelligibilité, l'Assemblée nationale a adopté en séance deux amendements du Gouvernement réécrivant intégralement l'article 6 de la proposition de loi et visant à coordonner le dispositif de la loi « Sapin 2 » avec les régimes sectoriels d'alerte figurant au code du travail et au statut général de la fonction publique.

1.1. Les régimes sectoriels d'alerte prévus par le code du travail

1.1.1. Un droit d'alerte aménagé en matière de crimes et délits et de harcèlement moral ou sexuel

Le dispositif issu de l'Assemblée nationale coordonne en premier lieu le régime général avec trois régimes sectoriels prévus respectivement aux articles L. 1132-3-3, L. 1152-2 et L. 1153-3 du code du travail et applicables :

- aux personnes témoignant ou relatant des délits ou des crimes dont elles ont eu connaissance dans l'exercice de leurs fonctions ;

- aux personnes victimes de harcèlement moral et à celles témoignant ou relatant de tels faits ;

- aux personnes victimes de harcèlement sexuel et à celles témoignant ou relatant de tels faits.

Dans une logique d'harmonisation par le haut, l'article 6 aligne le niveau de protection accordée au lanceur d'alerte sur celui, plus favorable, prévu par le régime général. En revanche, les conditions à réunir pour procéder à l'alerte demeurent moins strictes et les canaux de signalement moins formalisés , ce qui facilite le lancement d'alertes pour ces faits présentant un haut degré de gravité.

Les régimes sectoriels d'alerte prévus par le code du travail

Article L. 1132-3-3

Article L. 1152-2

Article L. 1153-3

Bénéficiaires

Salariés

Candidats à un recrutement, à un stage ou à une période de formation

/

Candidats à un recrutement, à un stage ou à une période de formation

/

Personnes en stage ou en période de formation

Faits visés

Faits constitutifs d'un délit ou d'un crime

Harcèlement moral

Harcèlement sexuel

Critères

Bonne foi

Connaissance dans l'exercice des fonctions

/

Modalités

/

Avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés
de harcèlement

Relater ou témoigner des faits

Protections

Socle commun de protections applicable à tous les bénéficiaires

I. Dans le champ professionnel

Prohibition des sanctions, licenciement, mesures discriminatoires, directes ou indirectes, notamment en matière de rémunération de formation, de reclassement, d'affectation,
de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat ou de toute mesure mentionnée aux 11° à 15° du I de l'article 10-1 de la loi n° 2016-1691
du 9 décembre 2016.

II. Dans la procédure contentieuse

Bénéfice des articles 10-1 et 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016
et de l'article 122-9 du code pénal

Protections supplémentaires applicables aux salariés : prohibition des mesures discriminatoires, directes ou indirectes, en matière d'intéressement ou de distribution d'actions

/

Protections applicables aux candidats : interdiction d'être écarté de la procédure de recrutement.

Source : commission des lois.

1.1.2. Un cas particulier : les produits ou procédés de fabrication faisant peser un risque grave sur la santé publique ou l'environnement

En second lieu, l'article L. 4133-1 du code du travail impose aux travailleurs d'alerter leur employeur lorsqu'ils estiment, de bonne foi, que « les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en oeuvre par l'établissement font peser un risque grave sur la santé publique ou l'environnement » . La rédaction de l'Assemblée nationale opère une articulation de même nature que pour les régimes sectoriels précédents. En revanche, elle n'envisage pas le risque de concurrence avec le régime issu de la loi « Sapin 2 », dès lors que l'on se situe en présence d'une alerte obligatoire .

1.2. Les régimes sectoriels d'alerte prévus par le statut général de la fonction publique

De la même manière, la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires établit plusieurs régimes sectoriels d'alerte, dont les modalités d'application sont décrites dans les tableaux ci-après.

Les articles 6, 6 bis , 6 ter et 6 quinquies créent tout d'abord des régimes spéciaux applicables aux fonctionnaires victimes de mesures discriminatoires ou de harcèlement moral et sexuel et aux fonctionnaires témoignant ou relatant de tels faits.

Les dispositifs sectoriels d'alerte dans la fonction publique
en matière de discrimination et de harcèlement

Article 6

Article 6 bis

Article 6 ter

Article 6 quinquies

Auteur

Fonctionnaires

Fait visés

Mesure de discrimination, directe ou indirecte, limitativement énumérées (hors mesures discriminatoires à raison du sexe).

Mesure de discrimination, directe ou indirecte, à raison du sexe

Agissements sexistes

Harcèlement sexuel

Harcèlement moral

Cas d'ouverture

Avoir subi ou refusé de subir les agissements visés

Avoir formulé un recours hiérarchique ou judiciaire afin de faire cesser les faits en cause ou de faire respecter le principe correspondant

Avoir témoigné ou relaté d'agissements contraires à ces principes

Protections

Interdiction de toute mesure ou de menace ou de tentative de recourir à celles-ci, concernant notamment le recrutement, la titularisation, la radiation des cadres, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, le reclassement, la promotion, l'affectation, les horaires de travail ou la mutation.

Interdiction de toute mesure ou de menace ou de tentative de recourir à celles-ci mentionnées aux 11° à 15° du I de l'article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Source : commission des lois.

L'article 6 ter A prévoit ensuite un régime sectoriel applicable aux fonctionnaires témoignant ou relatant des délits ou des crimes, ainsi que des faits susceptibles d'être qualifiés de conflits d'intérêts .

Les dispositifs sectoriels d'alerte dans la fonction publique
en matière de crimes et délits et de prévention des conflits d'intérêts

I de l'article 6 ter A

Reprise du régime général d'alerte

II de l'article 6 ter A

III de l'article 6 ter A

Auteur

Fonctionnaire

Faits visés

Crimes et délits

Faits susceptibles d'être qualifiés de conflits d'intérêts

Critères

Connaissance des faits dans l'exercice des fonctions

Procédure

Obligation de signalement
à l'autorité judiciaire

Possibilité de signalement
aux autorités administratives

Possibilité de signalement
à l'autorité hiérarchique

Possibilité de témoignage
auprès du référent déontologue

Protections

Pour avoir relaté ou témoigné des faits de bonne foi : interdiction de toute mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la radiation des cadres,
la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle,
la discipline, le reclassement, la promotion, l'affectation, les horaires de travail
ou la mutation, et de toute autre mesure mentionnée aux 11° à 15° du I
de l'article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, ou de menaces
ou de tentative de recourir à celles-ci.

Pour avoir relaté, témoigné ou signalé des faits et en cas de litige : articles 10-1, 13 et 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, article 122-9 du code pénal et article L. 911-1-1 du code de justice administrative.

Source : commission des lois.

Enfin, l'article 6 quater A du statut général de la fonction publique prévoit la mise en place d'un dispositif de recueillement des alertes en matière de discrimination, de harcèlement ou lorsqu'un fonctionnaire s'estime victime « d'atteintes volontaires à l'intégrité physique, d'actes de violence, de menaces ou d'intimidation ».

2. La position de la commission : clarifier l'articulation entre régime général et régimes sectoriels d'alerte

Le rapporteur n'est pas hostile par principe au maintien des régimes sectoriels , qui peuvent être plus adaptés à des situations particulières ou présentant un haut degré de gravité. L'ancienneté de certains d'entre eux, notamment dans la fonction publique, les fait par ailleurs bénéficier d'une certaine notoriété qui favorise leur usage. Il serait peu judicieux de revenir sur ces avancées.

En revanche, pour des raisons d'intelligibilité du droit, il importe de clarifier autant que possible l'articulation entre les différents régimes, autour d'une règle simple : les régimes sectoriels sont une adaptation du régime général, et non l'inverse . Par exemple, le fait que chacune des dispositions sectorielles dresse une liste autonome de mesures de représailles prohibées, qui peut diverger à la marge, va à l'encontre de ce principe et nuit fortement à la lisibilité d'ensemble.

Dans ce contexte, la commission a adopté trois amendements COM-39, COM-40 et COM-41 présentés par le rapporteur et visant à parfaire l'articulation entre régime général et régime sectoriel.

2.1. Une meilleure articulation entre régimes spéciaux et régime général dans le secteur privé

Dans le champ des articles L. 1132-3-3, L. 1152-2 et L. 1153-3 du code du travail, le dispositif proposé à l'issue de l'examen de la proposition de loi à l'Assemblée nationale est encore perfectible :

- les bénéficiaires de ces régimes sectoriels fluctuent sans raison objective : les salariés, les candidats à un recrutement et les personnes en formation sont concernés mais avec des combinaisons différentes selon le régime sectoriel ;

- l'énumération pour chaque régime d'une liste limitative de mesures de représailles prohibées, dont le périmètre peut parfois diverger, génère des risques d'omission et de confusion ;

- la mise en place des protections n'est pas toujours subordonnée à un critère de bonne foi .

Afin de remédier à ces lacunes, la commission a procédé à des ajustements de forme et de fond.

Sur le fond, elle a d'une part abandonné la distinction entre les salariés, les candidats à un recrutement et les personnes en formation pour étendre le bénéfice de ces régimes sectoriels à toute personne. D'autre part, elle a subordonné à un critère de bonne foi l'octroi des différentes protections.

Sur la forme, elle est revenue sur la construction en silo des régimes sectoriels en les modifiant afin qu'ils renvoient systématiquement à la liste unique des mesures de représailles prohibées dressée par la loi « Sapin 2 ». Pour des raisons de pédagogie et afin de pallier tout risque d'insécurité juridique, elle a complété cette démarche par l'insertion d'un nouvel article au code du travail qui qualifie explicitement de représailles au sens de la loi « Sapin 2 » les mesures précédemment énumérées au sein de chaque régime sectoriel.

S'agissant du régime d'alerte à raison des produits ou procédés de fabrication faisant peser un risque grave sur la santé publique ou l'environnement, la commission a entendu préciser que l'obligation du travailleur d'alerter son employeur s'applique sans préjudice de son droit de recourir simultanément au régime d'alerte prévu par la loi « Sapin 2 » lorsqu'il le juge nécessaire. Pour des raisons de lisibilité, elle a également supprimé la procédure spéciale qui, en l'absence de suite donnée à l'alerte par l'employeur, autorisait l'auteur de l'alerte à saisir le préfet. Cette procédure ne se justifie plus dès lors que les intéressés pourraient effectuer un signalement directement à une autorité externe dans le cadre du régime général.

2.2. Une meilleure articulation entre régimes spéciaux et régime général dans le secteur public

Pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment l'équilibre proposé par l'Assemblée nationale entre régime général et régime sectoriel dans la fonction publique n'est pas pleinement satisfaisant . Il s'y ajoute une autre difficulté relative à la construction en cascade des articles 6, 6 bis , 6 ter , 6 quinquies et 6 quater A, où l'ensemble des protections prévues pour les lanceurs d'alerte n'est accordé que dans le cas où le dispositif de signalement ad hoc prévu par le statut général a été saisi.

La commission des lois a procédé de la même manière que pour les régimes sectoriels prévus par le code du travail. Sur le fond, elle a ajouté l'exigence de la bonne foi du lanceur d'alerte lorsque celle-ci manquait. Sur la forme, elle a amélioré l'articulation de ces dispositions avec la loi « Sapin 2 ». Pour des raisons de lisibilité, elle a créé une disposition spécifique aux « atteintes volontaires à l'intégrité physique, actes de violence, menaces et intimidation », qui n'étaient mentionnées que dans le cadre du dispositif de signalement prévu à l'article 6 quater A.

Enfin, elle a finalisé cette démarche par l'insertion d'un nouvel article au sein du statut général de la fonction publique qui qualifie explicitement de représailles, au sens de la loi « Sapin 2 », les mesures précédemment énumérées au sein de chaque régime sectoriel.

La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 7
Aides à la réinsertion professionnelle des lanceurs d'alerte,
création d'un référé liberté « droit d'alerte » et interdiction
de toute renonciation ou limitation aux droits des lanceurs d'alerte

L'article 7 entend, premièrement, faciliter la réinsertion professionnelle des lanceurs d'alerte du secteur privé en permettant au conseil des prud'hommes d'obliger l'employeur, à l'occasion de tout litige, à abonder leur compte personnel de formation jusqu'à son plafond.

Deuxièmement, il prévoit expressément la possibilité pour un agent public de déposer une demande en référé-liberté sur le fondement du « droit d'alerter », pour laquelle la condition d'urgence serait présumée satisfaite.

Il précise, troisièmement, que les recours intentés dans le cadre du droit d'alerte ne peuvent faire l'objet d'une renonciation ou de limitations d'aucune forme.

La commission n'a pas entendu remettre en cause les dispositions relatives à l'office du conseil des prud'hommes. En revanche, elle est revenue sur la consécration d'un référé-liberté « droit d'alerte » et a précisé le champ d'application de l'interdiction de renoncer aux droits des lanceurs d'alerte ou de les limiter.

1. L'état du droit : des dispositions de principe sur la réinsertion professionnelle des lanceurs d'alerte et un accès au juge dans les conditions du droit commun

En l'état, l'article 12 de la loi « Sapin 2 » se borne à rappeler le droit dont dispose tout salarié ayant fait l'objet d'une « rupture du contrat de travail consécutive au signalement d'une alerte » de saisir le conseil des prud'hommes d'une demande de référé conservatoire .

S'agissant du recours par les lanceurs d'alerte au référé-liberté prévu à l'article L. 521-2 du code de justice administrative dans le cadre du droit d'alerte, il se fait dans les conditions du droit commun. Aux termes de cet article, « saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ». À ce jour, le « droit d'alerter » n'a pas été consacré par la jurisprudence administrative au rang de liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

2. L'article 7 : faciliter la réinsertion professionnelle et protéger l'accès au juge des lanceurs d'alerte

2.1. Faciliter la réinsertion professionnelle du lanceur d'alerte en obligeant l'employeur à abonder son compte personnel de formation

En premier lieu, l'article 7 complète l'article 12 de la loi « Sapin 2 » afin d'élargir l'office du conseil des prud'hommes dans le traitement des litiges relatifs aux lanceurs d'alerte . Il ouvre la possibilité au juge prud'homal d'imposer à l'employeur d'abonder le compte personnel de formation d'un salarié « ayant lancé l'alerte ». Le champ d'application de cette sanction est extrêmement large , dès lors qu'elle peut être prononcée « à l'occasion de tout litig e » 68 ( * ) , « en complément de toute autre sanction » et entraîner l'abondement du compte personnel de formation de l'intéressé jusqu'à son plafond , fixé à 5 000 euros par l'article R. 6323-1 du code du travail 69 ( * ) .

L'objectif affiché par l'exposé des motifs de la proposition de loi, est « d'améliorer la réinsertion des lanceurs d'alerte sanctionnés sans fondement par leurs employeurs ».

2.2. Étendre les voies de recours ouvertes aux agents publics lanceurs d'alerte en consacrant un référé-liberté au titre du « droit d'alerter »

En deuxième lieu, l'article 7 insère un nouvel article 12-1 au sein de la loi « Sapin 2 » qui a trait aux modalités de mise en oeuvre du référé-liberté dans le cadre de l'exercice du droit d'alerte. Il autorise expressément les agents publics à déposer un référé-liberté aux fins de sauvegarder le « droit d'alerter », lequel est explicitement consacré au rang de liberté fondamentale . Surtout, la condition d'urgence serait présumée , ce qui faciliterait significativement la recevabilité de ces référés-liberté « droit d'alerte ».

Cette présomption d'urgence répond à une préoccupation exprimée par le secteur associatif. Au cours de son audition, l'association « La Maison des lanceurs d'alerte » a notamment fait état de fortes difficultés rencontrées par les auteurs de signalement ou de divulgation pour satisfaire la condition d'urgence et, ainsi, faire admettre la recevabilité de leur recours.

Ce dispositif semble aller au-delà des exigences fixées par l'article 22 de la directive du 23 octobre 2019 , qui se borne à prévoir que les auteurs de signalement ou de divulgation publique « jouissent pleinement du droit à un recours effectif et à un procès équitable [...] ».

2.3. Protéger l'accès au juge des lanceurs d'alerte par l'impossibilité de limiter le droit au recours ou de renoncer aux actions engagées

En troisième lieu, l'article insère un article 12-2 à la loi « Sapin 2 » prévoyant que les « actions » prévues au chapitre II de son titre Ier ne peuvent « faire l'objet d'une renonciation ni être limitées par un quelconque accord ou une quelconque politique, forme d'emploi ou condition de travail ». Il est par ailleurs précisé que tout acte ou disposition pris en ce sens est frappé de nullité.

Cette disposition vise à transposer l'article 24 de la directive du 23 octobre 2019, qui prévoit l'absence de renonciation ou de toute limitation aux « droits et recours » accordés au lanceur d'alerte . La transposition est toutefois perfectible , en ce que le terme « actions » mentionné à l'article 7 est moins large que le périmètre de la directive : il semble faire uniquement référence aux recours en justice ouverts au lanceur d'alerte. En outre, la notion de « disposition » contraire au dispositif issu de la loi « Sapin 2 » en matière d'alerte est floue et il est peu évident d'y rattacher des exemples concrets.

3. La position de la commission : la suppression d'un référé-liberté « droit d'alerte » disproportionné et la clarification de l'absence de renonciation aux droits et recours

La commission n'a pas entendu remettre en cause le pouvoir du conseil de prud'hommes d'obliger, à titre de sanction, un employeur à abonder le compte personnel de formation d'un salarié lanceur d'alerte . Elle a pris acte de l'absence d'observations du Conseil d'État, dont l'avis précise que « cette mesure qui présente le caractère d'une sanction ne méconnaît pas les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité ». Si la portée concrète de cette disposition n'apparaît pas de manière évidente, elle pourrait néanmoins s'avérer utile et ne suscite pas de difficultés particulières sur le fond.

En revanche, la commission a adopté un amendement COM-42 présenté par le rapporteur et revenant sur la création d'un référé-liberté « droit d'alerte », où l'urgence serait présumée. Elle rejoint sur ce point l'avis défavorable du Conseil d'État et du Gouvernement et considère qu'en l'état, les conditions de mise en oeuvre du référé-liberté permettent au juge de répondre efficacement aux éventuelles requêtes des lanceurs d'alerte. Il importe, d'une part, de ne pas complexifier le paysage procédural et, d'autre part, de ne pas créer une rupture d'égalité entre les requérants , selon la liberté fondamentale à laquelle une atteinte aurait été portée. La consécration du droit d'alerter au rang de liberté fondamentale ne semble pas non plus nécessaire dès lors que les droits afférents à la condition de lanceur d'alerte découlent du droit fondamental à la liberté d'expression, elle-même consacrée.

Comme le mentionne l'avis du Conseil d'État, les lanceurs d'alerte disposent également avec le référé-suspension et le référé « mesures utiles » 70 ( * ) d'instruments procéduraux complémentaires pour faire valoir leur droit.

Par l'adoption d'un amendement COM-43 du rapporteur, la commission a enfin entendu sécuriser juridiquement l'interdiction de renonciation ou de limitation aux droits et recours accordés aux lanceurs d'alerte . Afin d'assurer la pleine transposition de la directive, elle a substitué le terme « droits » au terme « actions », qui couvre à la fois les droits et les recours prévus par la directive. Elle a opté pour une formulation de portée plus générale s'agissant des formes que pourraient revêtir lesdites limitations, et ce de manière à pallier tout risque d'omission. Par ailleurs, cet amendement a remplacé le terme « disposition » par le terme « stipulation », plus fidèle à la forme contractuelle que revêtirait a priori ces renonciations ou limitations.

La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .

Article 8
Sanction des mesures de représailles et des procédures-bâillons

L'article 8 renforce, d'une part, les sanctions civiles que le juge peut prononcer à l'encontre des personnes agissant en justice de manière abusive envers un lanceur d'alerte et prévoit, d'autre part, une sanction pénale réprimant la prise de mesures de représailles.

La commission partage la volonté de mieux réprimer les mesures de rétorsions à l'égard des lanceurs d'alerte et a adopté l'article 8 en procédant à des ajustements rédactionnels visant à assurer la lisibilité et l'opérationnalité du dispositif.

1. Des sanctions prévues par la loi « Sapin 2 » à l'encontre des auteurs de mesures de rétorsion encore insuffisantes

L'article 13 de la loi « Sapin 2 » s'attache à protéger les auteurs de signalement ou de divulgation publique en prévoyant deux dispositifs de sanction à l'encontre des personnes faisant obstacle à l'exercice du droit d'alerte ou recourant à des procédures-bâillons :

- une sanction pénale de portée générale : le I dudit article 13 réprime d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de faire « obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission d'un signalement » à l'autorité interne compétente pour le recevoir ou à l'autorité judiciaire, à l'autorité administrative ou aux ordres professionnels ;

- une majoration de l'amende civile encourue en cas de recours abusif ou dilatoire en diffamation : le II du même article 13 prévoit un doublement du montant de l'amende civile qui peut être prononcée par le juge d'instruction 71 ( * ) ou la chambre d'instruction 72 ( * ) lorsqu'il estime que le recours en diffamation présentait un caractère abusif ou dilatoire.

Il est particulièrement délicat d'apprécier l'efficacité concrète de ces dispositions pour la protection des lanceurs d'alerte . Le rapport des députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix précité sur l'application de la loi « Sapin 2 » mentionne ainsi le fait qu'à la date de sa publication, aucune condamnation n'avait été prononcée pour un délit d'entrave au droit d'alerte 73 ( * ) . De l'avis des personnes auditionnées, cette donnée semble plutôt révéler que les sanctions prévues sont de trop faible envergure pour être réellement dissuasives que l'inverse . En outre, le dispositif ne réprime pas explicitement le fait de prendre des mesures de représailles à l'encontre des lanceurs d'alerte.

2. L'article 8 : un renforcement significatif de l'arsenal du juge pour sanctionner les représailles et les « procédures-bâillons »

L'article 8 transpose les b) et c) de l'article 24 de la directive du 23 octobre 2019 qui disposent que les États membres prévoient « des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives » à l'encontre des personnes physiques ou morales qui, respectivement, « exercent des représailles » ou « intentent des procédures abusives » contre les lanceurs d'alerte.

2.1. Une augmentation du montant de l'amende civile encourue en cas de procédure-bâillon

L'article 8 modifie en premier lieu le II de l'article 13 de la loi « Sapin 2 » relatif à l'amende civile encourue en cas de procédure dilatoire ou abusive pour prévoir un dispositif plus large et plus dissuasif :

- un dispositif élargi et autonome : alors que, sous le régime de la loi « Sapin 2 », le prononcé d'une amende civile majorée n'était ouvert que dans le cadre des recours en diffamation, la proposition de loi l'étend à toutes les instances présentant un caractère dilatoire et abusif. En outre, elle crée une disposition autonome où il n'est plus fait référence aux dispositions de droit commun en matière d'amende civile ;

- un dispositif plus dissuasif : en lieu et place du plafonnement antérieur à 30 000 euros, il est prévu que le montant de ladite amende civile ne puisse être supérieur à 20% du montant de la demande de dommages et intérêts et, à défaut, à 60 000 euros. Il est par ailleurs précisé que le prononcé de l'amende civile se fait sans préjudice de l'octroi éventuel de dommages et intérêts à la partie victime.

2.2. La répression pénale des mesures de représailles

En deuxième lieu, l'article 8 introduit un III à l'article 13 de la loi « Sapin 2 » de manière à réprimer la prise de mesures de représailles à l'encontre d'un lanceur d'alerte par trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende .

2.3. La possibilité de publication des condamnations pour entrave au droit d'alerte, recours abusif ou dilatoire et prise de mesures de représailles

En dernier lieu, l'article 8 insère un nouvel article 13-1 dans la loi « Sapin 2 » afin de prévoir la possibilité de publier, dès lors qu'ils ont l'autorité de la chose jugée, les jugements condamnant les auteurs d'une entrave au droit d'alerte, d'un recours abusif ou dilatoire ou de mesures de représailles envers un lanceur d'alerte. Cette publication pourrait intervenir « sur tous supports » et, le cas échéant, être mise à la charge de la personne sanctionnée.

Suivant l'avis du Conseil d'État, l'Assemblée nationale a adopté en séance un amendement n° 127 présenté par le rapporteur et prévoyant, d'une part, que la décision de publier le jugement revienne à la juridiction l'ayant prononcé et, d'autre part, qu'elle soit spécialement motivée, en tenant compte des circonstances propres à l'espèce.

Pour rappel, l'article 33 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a consacré le principe de la publication sous forme électronique des jugements des juridictions judiciaires, mais ladite publication n'a aucune visée répressive. L'article L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire impose en effet d'occulter les noms et prénoms des parties ou des tiers à l'instance voire, dans certains cas, tout élément permettant d'identifier les parties, les tiers et les magistrats.

3. La position de la commission : un durcissement bienvenu des sanctions envers les auteurs de représailles

Cinq ans après la loi « Sapin 2 », une montée en charge du dispositif répressif envers les auteurs de représailles ou de procédures-bâillons était nécessaire et la commission partage pleinement cet objectif . Il est d'une part légitime que les sanctions réprimant ces actes soient à la hauteur des risques auxquels les lanceurs d'alerte s'exposent et d'autre part nécessaire qu'elles soient suffisamment sévères pour être réellement dissuasives.

À ce stade, la commission n'a pas entendu modifier le fond du dispositif. À l'initiative du rapporteur et sans s'interdire de revenir sur le sujet en séance, elle a toutefois adopté un amendement COM-45 inscrivant explicitement dans la loi le caractère de sanction des décisions de publication des jugements prononcés sur le fondement de l'article 13 de la loi « Sapin 2 ». La commission a par ailleurs adopté un amendement rédactionnel COM-44 présenté par le rapporteur.

Pour rappel, la commission a adopté à l'article 2 un amendement de coordination du rapporteur permettant l'application de la sanction pénale précitée aux auteurs de mesures de représailles envers les « facilitateurs ».

La commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 8 bis (supprimé)
Amende civile en cas de plainte avec constitution de partie civile
abusive ou dilatoire

L'article 8 bis autorise le juge à prononcer une amende civile pour procédure abusive en matière correctionnelle lorsqu'il a été saisi à l'issue d'une information ouverte sur plainte avec constitution de partie civile, ce que le droit n'autorise pas en l'état.

Considérant qu'il était dépourvu de tout lien avec l'objet de la proposition de loi, la commission a supprimé cet article.

Sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 392-1 du code de procédure pénale, le tribunal correctionnel peut, à la suite d'une décision de relaxe et lorsqu'il estime que le recours engagé présentait un caractère abusif ou dilatoire, condamner la partie civile au paiement d'une amende civile . Le montant de ladite amende est plafonné à 15 000 euros et son prononcé ne peut intervenir que lorsque la saisine initiale résulte d'une citation directe de la partie civile. En revanche, ce dispositif ne trouve pas à s'appliquer au cas où le tribunal correctionnel a été saisi à l'issue d'une information ouverte sur plainte avec constitution de partie civile.

Introduit lors de l'examen de la proposition de loi en première lecture en séance à l'Assemblée nationale par l'adoption d'un amendement n° 156 présenté par le Gouvernement, l'article 8 bis entend combler cet angle mort. Il modifie l'article 392-1 du code de procédure pénale précité afin d'étendre la compétence du tribunal correctionnel pour prononcer une amende civile sanctionnant les procédures dilatoires et abusives au cas où sa saisine intervient à l'issue d'une information ouverte sur plainte avec constitution de partie civile.

Pour utile qu'il soit, la commission a considéré que cet article était dépourvu de tout lien avec le régime juridique des lanceurs d'alerte . Comme évoqué précédemment, l'article 8 de la proposition de loi crée une disposition spéciale et autonome pour sanctionner les actions dilatoires et abusives envers les auteurs de signalement ou de divulgation publique 74 ( * ) , qui s'applique sans considération de la nature de la saisine et avec une majoration du montant de l'amende civile. L'article 392-1 du code de procédure pénale n'aurait donc, par définition, aucune vocation à s'appliquer aux lanceurs d'alerte , lesquels seraient soumis au régime spécial défini par l'article 13 de la loi « Sapin 2 ». En conséquence, la commission a adopté un amendement COM-46 du rapporteur supprimant l'article 8 bis .

La commission a supprimé l'article 8 bis .

Article 9
Soutien psychologique et financier aux lanceurs d'alerte

L'article 9 prévoit la faculté pour les autorités externes saisies conformément à la procédure établie par la « loi Sapin II » de mettre en place des mesures de soutien psychologique et d'accorder un secours financier à l'auteur de l'alerte. Le soutien financier est toutefois temporaire et est conditionné au fait que la situation du lanceur d'alerte se soit gravement dégradée en raison du signalement. Le cas échéant, ces mesures d'assistance peuvent être assurées en commun par plusieurs autorités de signalement.

Si la commission aurait souhaité qu'un fonds de soutien aux lanceurs d'alerte puisse être créé, elle reconnaît toutefois l'avancée représentée par cet article et l'a adopté sans modification.

1. Des lanceurs d'alerte à la vulnérabilité psychologique et financière accrue

Le rapporteur partage pleinement le constat établi par les députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix lorsqu'ils estiment que « le risque financier pris par les lanceurs d'alerte est considérable » et que « même en l'absence de représailles, il peut arriver que le lanceur d'alerte soit contraint de quitter son emploi ou qu'il abandonne des perspectives de carrières » 75 ( * ) . Il est manifeste que le lancement d'une alerte expose son auteur à un risque financier , que ce soit du fait de mesures de représailles, allant jusqu'au licenciement, ou des nombreux frais de procédure qu'il pourrait avoir à supporter en cas de recours contre ces mesures ou de procédures-bâillons. Si toutes les alertes ne se traduisent, fort heureusement, pas par un basculement vers la précarité, cette éventualité est néanmoins réelle et est de nature à décourager de potentiels lanceurs d'alerte, réduisant d'autant l'efficacité du système .

Les risques ne sont pas moins grands sur le plan psychologique. Comme l'ont souligné toutes les personnes auditionnées, il est même d'autant plus élevé que le profil type du lanceur d'alerte est celui d'une personne très engagée professionnellement et dont le seul objectif est de voir le problème soulevé résolu. C'est d'ailleurs souvent par cette implication dans son travail que l'intéressé remarquera des faits susceptibles de justifier une alerte. Pour ces personnes de bonne foi, les conséquences psychologiques d'une alerte restée lettre morte ou de mesures de représailles sont décuplées .

À titre d'exemple, la Défenseure des droits a insisté sur la situation d'extrême vulnérabilité des lanceurs d'alerte ayant saisi ses services depuis l'entrée en vigueur de la loi « Sapin 2 ». Elle a ainsi indiqué que les auteurs des 388 alertes étaient tous confrontés à d'importantes difficultés dans leur vie professionnelle et personnelle, avec des situations parfois dramatiques. Ces difficultés ont qui plus est tendance à s'étirer dans le temps et la Défenseure des droits a fait état de la difficulté de ses services à clore des dossiers . Pour ces raisons, l'accompagnement psychologique et financier des lanceurs d'alerte est un enjeu crucial de la proposition de loi.

2. L'article 9 : autoriser les autorités externes à soutenir psychologiquement et financièrement les lanceurs d'alerte

Dans ce contexte, l'article 9 entend insérer un nouvel article 14-1 à la loi « Sapin 2 » afin d'habiliter les autorités externes , saisies d'un signalement effectué conformément aux conditions légales, à mettre en place au bénéfice du lanceur d'alerte des mesures :

- de soutien psychologique ;

- de soutien financier : l'octroi d'un secours financier suppose toutefois que la situation financière de l'intéressé se soit « gravement dégradée en raison de son signalement » et revêt un caractère temporaire.

Les autorités externes compétentes pour recevoir et traiter les signalements peuvent, le cas échéant, assurer en commun la mise en place de ces mesures de soutien . Si la possibilité d'action conjointe était initialement restreinte aux mesures de soutien psychologique, l'adoption en séance à l'Assemblée nationale d'un amendement n° 125 présenté par le rapporteur a étendu cette possibilité aux mesures de soutien financier.

La portée de cet article a été significativement réduite lors de son examen en commission à l'Assemblée nationale . Alors que la rédaction initiale conférait un caractère d'obligation à la mise en place de mesures de soutien psychologique et financier par les autorités externes compétentes, la commission a entendu, par l'adoption d'un amendement n° CL137 présenté par le rapporteur, en faire une simple faculté. Suivant les recommandations formulées par le Conseil d'État, cette restriction vise à pallier le risque d'inconstitutionnalité d'une telle obligation. Alors que le Conseil constitutionnel a explicitement exclu la possibilité pour le Défenseur des droits d'apporter une aide financière aux lanceurs d'alertes qui le saisissent 76 ( * ) , l'octroi de cette faculté aux seules autres autorités externes compétentes était, en effet, de nature à porter atteinte au principe d'égalité .

L'article 9 vient transposer le point 2 de l'article 20 de la directive du 23 octobre 2019 qui dispose que « les États membres peuvent prévoir une assistance financière et des mesures de soutien, notamment psychologique, pour les auteurs de signalement dans le cadre des procédures judiciaires ». En ce qu'il ne restreint pas la mise en place de mesures d'assistance psychologique et de secours financier au cadre des procédures judiciaires, l'article 9 va au-delà des exigences fixées par la directive sur les mesures de soutien devant être établies par les États membres au bénéfice des lanceurs d'alerte .

3. La position de la commission : une avancée indéniable mais à la portée concrète limitée

La commission n'a pas contesté les avancées portées par l'article 9 , qui a au moins le mérite de poser la première pierre d'un dispositif d'accompagnement psychologique et financier des lanceurs d'alerte. Elle a toutefois regretté le manque d'ambition de ce dispositif et est consciente de sa portée concrète , qui sera nécessairement limitée par la faiblesse des moyens financiers des autorités externes et l'absence de toute nouvelle allocation de crédits.

La proposition de loi prévoit, certes, la possibilité pour le juge d'accorder une provision pour frais d'instance ou pour subsides au lanceur d'alerte, mais cela n'est pas suffisant. La commission aurait souhaité qu'un fonds dédié à l'accompagnement des lanceurs d'alerte puisse être créé , alimenté par le produit des amendes prononcées à l'encontre des personnes faisant obstacle aux alertes, mais les règles de recevabilité financières des amendements parlementaires l'empêchent de prendre elle-même cette initiative. À défaut, elle a adopté l'article 9 sans modification .

La commission a adopté l'article 9 sans modification.

Article 10
Réintégration professionnelle des agents publics lanceurs d'alerte

L'article 10 étend à l'ensemble des lanceurs d'alerte le champ d'application de l'article L. 911-1-1 du code de justice administrative, qui autorise le juge administratif à enjoindre leur réintégration lorsqu'ils ont subi une mesure de licenciement, de non-renouvellement d'un contrat ou de révocation en raison de leur signalement.

Tout en l'adoptant, la commission s'est, d'une part, attachée à parfaire la rédaction du dispositif pour en assurer l'opérationnalité. Elle a, d'autre part, rehaussé son niveau d'ambition en autorisant le juge administratif à prescrire la réaffectation à son poste précédent d'une personne ayant fait l'objet d'un changement d'affectation en représailles d'une alerte.

1. La définition par la loi « Sapin 2 » des modalités d'application du pouvoir d'injonction du juge administratif au contentieux des lanceurs d'alerte

Afin d'assurer la bonne exécution de leurs décisions, les juridictions administratives disposent depuis la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, d'un pouvoir d'injonction . Applicable sans considération de la nature du recours, de l'office du juge et du stade de l'instance (excès de pouvoir ou plein contentieux ; juge du fond ou en référé ; contentieux de première instance, d'appel ou de cassation), cette faculté se matérialise de deux manières, selon que la juridiction :

- ordonne à l'administration de prendre une mesure précise (article L. 911-1 du code de justice administrative) : aux termes de cet article, la juridiction, « lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;

- ordonne à l'administration de réexaminer dans un délai déterminé la demande de l'administré (article L. 911-2 du code de justice administrative).

Le cas échéant, de telles mesures peuvent également être prescrites d'office par la juridiction compétente.

Introduit par l'article 11 de la loi « Sapin 2 » du 9 décembre 2016, l'article L. 911-1-1 du code de justice administrative précise les modalités d'application de ce pouvoir d'injonction aux litiges impliquant des agents publics lanceurs d'alerte et victimes de mesures de représailles . Il dispose que la juridiction compétente peut prescrire la réintégration de toute personne ayant fait l'objet d'un licenciement, d'un non-renouvellement de son contrat ou d'une révocation en méconnaissance des normes relatives à la protection des lanceurs d'alerte en vigueur.

Sous réserve que les conditions légales d'alerte fixées par la loi « Sapin 2 » aient été respectées, l'article L. 911-1-1 précité précise que cette procédure est applicable :

- aux fonctionnaires : en application de l'article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires 77 ( * ) ;

- aux militaires : en application de l'article L. 4122-4 du code de la défense 78 ( * ) ;

- aux personnes employées par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public : en application, le cas échéant, de l'article L. 1132-3-3 du code du travail 79 ( * ) .

2. L'article 10 : étendre le pouvoir d'injonction à la réintégration professionnelle des lanceurs d'alerte à l'ensemble des agents publics

L'article 10 de la proposition de loi étend le champ d'application du pouvoir d'injonction à la réintégration prévu à l'article L. 911-1-1 du code de justice administrative à toute personne ayant subi l'une des mesures de représailles listées en méconnaissance de l'article 10-1 de la loi « Sapin 2 » , tel que modifié par la proposition de loi.

Concrètement, cette modification autorise, le cas échéant, le juge administratif à prescrire la réintégration de tout agent public , et non plus celle des seuls agents relevant des trois régimes précités.

Cette disposition répond, d'une part, au considérant 94 de la directive du 23 octobre 2019 qui affirme notamment la nécessité pour les lanceurs d'alerte d'avoir accès à une voie de recours appropriée pour se défendre face à d'éventuelles mesures de représailles. Ledit recours « peut prendre la forme d'actions en réintégration, par exemple en cas de licenciement, de mutation ou de rétrogradation, de suspension de formation ou de refus de promotion, ou en rétablissement d'un permis, d'une licence ou d'un contrat annulés ». Elle transpose, d'autre part, le 6 de l'article 21 de la directive qui impose l'accès des lanceurs d'alertes « lorsque cela est approprié, à des mesures correctives contre les représailles ».

3. La position de la commission : clarifier et étendre le champ d'application du dispositif

En l'état, le dispositif proposé souffre de trois lacunes qui affectent significativement son opérationnalité :

- des imperfections légistiques : l'Assemblée nationale a adopté en séance deux amendements du Gouvernement n° 154 et n° 155 à l'article 6, qui procèdent à une réécriture intégrale des articles L. 1132-3-3 du code du travail et 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. En l'absence de modification des renvois à ces dispositions figurant à l'article L. 911-1-1 du code de justice administrative, le dispositif se trouve inopérant ;

- des redondances dans son périmètre d'application : l'ajout de la référence à l'article 10-1 de la loi « Sapin 2 » confère de facto une portée générale au dispositif et prive d'utilité l'énumération par catégorie des agents concernés par la réintégration ;

- une transposition a minima de la directive : le champ d'application de l'article L. 911-1-1 du code de justice administrative se limite aux mesures de licenciement, de non-renouvellement d'un contrat ou de révocation, alors même que le considérant 94 précité de la directive du 26 novembre 2019 est plus ambitieux et comprend, notamment, la réintégration après une mutation ou une rétrogradation.

La commission s'est attachée à répondre à ces lacunes . Par souci de lisibilité et en cohérence les amendements adoptés à l'article 6, elle a, à l'initiative du rapporteur, supprimé les renvois à des dispositions sectorielles pour maintenir la seule mention du régime général d'alerte ( amendement COM-47 ).

Surtout, la commission a entendu rehausser l'ambition du dispositif en prévoyant que le juge administratif puisse prescrire la réaffectation à son poste précédent de toute personne ayant fait l'objet d'un changement d'affectation en raison d'un signalement ou d'une divulgation publique (même amendement COM-47). Concrètement, cette disposition répond aux situations où un lanceur d'alerte s'est retrouvé « placardisé » en représailles à son signalement ou à sa divulgation publique. L'ambition de la directive du 23 octobre 2019 est ainsi plus largement concrétisée.

La commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 11
Alertes portant atteinte au secret des affaires

L'article 11 précise que l'inopposabilité du secret des affaires à un lanceur d'alerte ne vaut que s'il respecte les procédures légales de signalement ou de divulgation publique.

La commission a adopté l'article 11 sans modification.

L'article L. 151-8 du code de commerce prévoit, à l'occasion d'une instance relative à une atteinte au secret des affaires, l'inopposabilité de ce secret dans trois cas de figure, selon que l'atteinte est intervenue :

- pour l'exercice du droit à la liberté d'expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et de la liberté d'expression ;

- pour révéler, dans le but de protéger l'intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, et ce y compris dans le cadre du recours au droit d'alerte ;

- pour la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit européen ou le droit interne.

L'article 11 de la proposition de loi modifie l'article L. 151-8 du code de commerce afin de préciser que le lanceur d'alerte qui porte atteinte au secret des affaires ne bénéficie de cette exonération de responsabilité civile que dans la mesure où il a respecté les procédures de signalement ou de divulgation publique .

Cette précision n'est sans doute pas juridiquement indispensable, mais elle n'est pas inutile pour protéger le secret des affaires.

La commission a adopté l'article 11 sans modification.

Article 11 bis
Articulation du régime général d'alerte avec le régime de dénonciation et de témoignage des mauvais traitements et de privations dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux

L'article 11 bis procède à l'articulation entre le régime de dénonciation et de témoignage de mauvais traitements et de privations dans les établissements et les services sociaux et médico-sociaux prévu par le code de l'action sociale et des familles et le régime général d'alerte. Dans un objectif d'harmonisation par le haut, il conserve les modalités de recours allégées du régime sectoriel, tout en alignant les protections accordées au lanceur d'alerte sur celles, plus favorables, prévues par le régime général.

Sur le fond, la commission a entendu conditionner l'octroi des protections au lanceur d'alerte à sa bonne foi. Sur la forme, elle a procédé à des ajustements rédactionnels et de coordination visant à assurer l'opérationnalité du dispositif.

1. Le régime de dénonciation et de témoignage des mauvais traitements et des privations : un cadre plus souple que le régime général d'alerte

L'article L. 313-24 du code de l'action sociale et des familles prévoit un régime d'alerte spécifique dans les établissements et les services sociaux et médico-sociaux . Il protège les salariés et agents ayant relaté ou témoigné de mauvais traitements ou de privations infligés à une personne accueillie contre toute mesure défavorable dans des domaines déterminés 80 ( * ) .

Ce dispositif est, à bien des égards, plus souple d'utilisation que le mécanisme général d'alerte prévu par la proposition de loi . Ces différences, qui sont similaires à celles évoquées précédemment s'agissant des régimes sectoriels d'alerte prévus par le code du travail et le statut général de la fonction publique 81 ( * ) , tiennent notamment à :

- la nature des faits pouvant faire l'objet d'un signalement : les mauvais traitements et privations dont il est question ne satisfont pas nécessairement les critères exigés pour effectuer un signalement ou une divulgation publique au titre de la loi « Sapin 2 », en particulier ils ne revêtent pas systématiquement un caractère criminel ou délictuel ;

- l'absence de canaux ou de modalités de signalement prédéterminés ;

- l'absence de tout critère lié à la bonne foi de l'auteur du signalement .

2. L'article 11 bis : articuler le régime général d'alerte avec le régime de dénonciation et de témoignage des établissements sociaux et médico-sociaux

L'article 11 bis a été introduit en séance en première lecture à l'Assemblée nationale par l'adoption d'un amendement présenté par le Gouvernement. Il modifie l'article L. 313-24 du code de l'action sociale et des familles afin d'aligner le niveau de protection des salariés et agents recourant à ce régime sectoriel d'alerte sur celui, plus favorable, du régime général. Outre l'élargissement des mesures de représailles prohibées, leur serait notamment accordé le bénéfice des irresponsabilités civile et pénale prévues pour les lanceurs d'alerte.

3. La position de la commission : la nécessité d'une bonne articulation avec le régime général d'alerte

À l'instar de la position exprimée sur l'article 6, la commission n'est pas défavorable au maintien de régimes sectoriels d'alerte, à la condition que leur bonne articulation avec le régime général d'alerte prévue par la présente proposition de loi soit assurée. En l'espèce, cette exigence était en grande partie satisfaite par la rédaction proposée.

À l'initiative du rapporteur et afin d'éviter tout usage abusif de ce régime sectoriel plus libéral que le cadre général, la commission a néanmoins adopté un amendement COM-48 conditionnant l'octroi des protections à l'auteur de l'alerte à sa bonne foi . Le même amendement procède par ailleurs à des ajustements rédactionnels.

La commission a adopté l'article 11 bis ainsi modifié .

Article 11 ter
Coordination entre le régime général de protection des lanceurs d'alerte
et les régimes spéciaux applicables en matière financière

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, par l'adoption en séance publique d'un amendement du Gouvernement, l'article 11 ter de la proposition de loi a pour objet de parfaire l'articulation entre le régime général de protection des lanceurs d'alerte prévu par la loi « Sapin 2 » et diverses dispositions du code monétaire et financier, dont les champs respectifs d'application se recoupent en partie.

La commission des lois a adopté cet article dans une rédaction modifiée, afin de poursuivre l'harmonisation des régimes et de tenir compte du resserrement du champ matériel d'application du régime général de l'alerte, décidé par ailleurs.

1. Le droit en vigueur : un maquis de dispositions mal coordonnées

Le code monétaire et financier comprend diverses dispositions visant à organiser le recueil et le traitement de signalements concernant des manquements à la législation applicable au sein des entreprises du secteur financier et à protéger les lanceurs d'alerte . Ces dispositions, dispersées dans le code, sont en partie redondantes et mal coordonnées .

1.1. Les procédures de signalement interne et externe

Les différentes procédures de signalement « interne » et « externe » prévues par le code monétaire et financier sont présentées dans les deux tableaux ci-après.

Les procédures de signalement « interne » prévues
par le code monétaire et financier

Nature des faits signalés

Auteur(s)
du signalement

Modalités de recueil
et de traitement

Fondement légal

Manquements ou infractions aux règles prudentielles communautaires
ou nationales

Membres du personnel des établissements de crédit, sociétés de financement
et assimilés

Le signalement est adressé aux responsables et comités compétents de l'entreprise.

III de l'art. L. 511-41

Manquements aux obligations définies par les règlements européens et par le code monétaire et financier, le code des assurances, le code de la mutualité, le code de la sécurité sociale ou le règlement général de l'AMF et dont la surveillance est assurée par l'AMF ou l'ACPR

Membres du personnel des entités soumises au contrôle de l'AMF et de l'ACPR, sauf exceptions

Procédures internes appropriées permettant le signalement « par des canaux de communication sécurisés et garantissant l'anonymat des personnes communiquant des informations
à cette fin
»

Art. L. 634-2

Les procédures de signalement « externe » prévues
par le code monétaire et financier

Nature des faits signalés

Auteur(s)
du signalement

Autorité destinataire

Procédure

Fondement légal

Manquements et infractions potentiels ou avérés aux règles applicables aux prestataires de services bancaires et d'investissement

Membres du personnel des établissements de crédit, sociétés de financement
et assimilés
et de leurs prestataires

ACPR

Signalement par écrit.

L'ACPR doit garantir la confidentialité de l'identité du lanceur d'alerte et la protection des données à caractère personnel.

II de l'art. L. 511-33

Manquements et infractions aux règles prudentielles

Membres du personnel des établissements de crédit, sociétés de financement et assimilés et de leurs prestataires

ACPR

Un « moyen spécifique, indépendant et autonome » de signalement à l'ACPR doit être mis place par l'établissement ou la société eux-mêmes.

III de l'art. L. 511-41

Manquements et infractions potentiels ou avérés aux règles applicables aux prestataires de services bancaires et d'investissement

Membres du personnel des entreprises d'investissement et assimilées et de leurs prestataires

AMF ou ACPR

Signalement par écrit.

L'ACPR doit garantir la confidentialité de l'identité du lanceur d'alerte et la protection des données à caractère personnel.

II de l'art. L. 531-12

Manquements aux obligations définies par les règlements européens et par le code monétaire et financier, le code des assurances, le code de la mutualité, le code de la sécurité sociale ou le règlement général de AMF et dont la surveillance est assurée par l'AMF ou l'ACPR

Toute personne 82 ( * )

AMF ou ACPR

Procédure mise en place, respectivement, par l'AMF et l'APCR, « par des canaux de communication sécurisés et garantissant l'anonymat des personnes communiquant des informations
à cette fin
»

Art. L. 634-1

Comme on peut le constater, ces diverses dispositions, en partie redondantes, font également double emploi, pour certaines d'entre elles, avec les procédures de signalement prévues par la loi « Sapin 2 » dans sa rédaction actuelle et, plus encore, dans sa rédaction modifiée par la proposition de loi.

Font néanmoins exception :

- les procédures de signalement interne et externe prévues aux articles L. 634-1 et L. 634-2 du code monétaire et financier, qui doivent garantir l'anonymat des lanceurs d'alerte 83 ( * ) ;

- la procédure de signalement externe des manquements aux règles prudentielles prévue à l'article L. 511-41 du même code, puisque celle-ci doit être mise en place par les établissements de crédit et sociétés de financement eux-mêmes , comme l'exige la directive du 26 juin 2013 84 ( * ) 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit .

1.2. La protection des auteurs de signalement

Ces mêmes dispositions du code monétaire et financier offrent, pour la plupart d'entre elles, certaines garanties aux auteurs de signalement.

En premier lieu, les personnes effectuant un signalement externe en application du II de l'article L. 511-33 ou du II de l'article L. 531-12 sont expressément déliées du secret professionnel et ne s'exposent donc à aucune poursuite pénale pour violation de celui-ci. Notons que, dans le cadre des autres procédures de signalement, les lanceurs d'alerte sont protégés par l'article 266-14 du code pénal, qui rend inapplicable la sanction pénale des violations du secret professionnel « dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret ».

En second lieu, des mesures de protection contre les représailles sont prévues :

- au III de l'article L. 511-41, relatif au signalement à l'ACPR de manquements aux règles prudentielles, puisque les établissements de crédit, sociétés de financement et assimilés doivent « veiller, en adoptant toutes les dispositions nécessaires, à ce qu'aucune personne ne soit écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise et à ce qu'aucun membre de leur personnel ne soit sanctionné, licencié ou ne fasse l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distributions d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat » pour avoir signalé de bonne foi des manquements ou des infractions auprès des responsables et comités compétents de leur entreprise (signalement interne) ainsi qu'à l'APCR (signalement externe). En outre, la charge de la preuve est partiellement renversée en cas de litige (« dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a signalé de bonne foi des manquements ou des infractions, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers au signalement réalisé par l'intéressé ») ;

- à l'article L. 634-3, qui dispose d'une manière générale que les personnes physiques ayant signalé de bonne foi à l'AMF ou à l'ACPR des faits susceptibles de caractériser l'un ou plusieurs des manquements mentionnés à l'article L. 634-1 ne peuvent faire l'objet, pour ce motif, « d'un licenciement, d'une sanction, d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération ou d'évolution professionnelle, ou de toute autre mesure défavorable ».

2. La proposition de loi : une mise en cohérence partielle

L'article 11 ter vise à mettre en cohérence les dispositions du code monétaire et financier avec le régime général de l'alerte prévue par la loi « Sapin 2 » modifiée, en supprimant les redondances et en harmonisant les garanties offertes aux lanceurs d'alerte. Cette mise en cohérence n'est cependant pas totale .

2.1. La suppression de procédures surabondantes

Il est ainsi prévu d'abroger le II de l'article L. 511-33 du code monétaire et financier, qui crée une procédure spéciale de signalement externe, auprès de l'ACPR, des manquements et infractions potentiels ou avérés aux règles applicables aux prestataires de services bancaires et d'investissement, ouverte au personnel des établissements de crédit, sociétés de financement et assimilés. La procédure de signalement externe prévue par le régime général, qui ne nécessiterait plus désormais d'avoir préalablement effectué un signalement interne, rend ces dispositions superfétatoires. Il appartiendra au pouvoir réglementaire de désigner l'ACPR en tant qu'autorité compétente pour recueillir et traiter les signalements externes entrant dans son champ de compétence habituel.

L'article 11 ter prévoit aussi de supprimer les dispositions du III de l'article L. 511-41 qui organisent une procédure spéciale de signalement interne des manquements aux règles prudentielles, au sein des établissements de crédit, sociétés de financement et assimilés.

2.2. L'harmonisation des garanties

La procédure de signalement externe des manquements aux règles prudentielles, prévue au même III de l'article L. 511-41 et que les entreprises concernées ont elles-mêmes la charge de mettre en place, comme l'exige le droit européen, serait en revanche maintenue. L'ensemble des garanties prévues par le régime général (et non seulement la protection contre certaines mesures de représailles) seraient étendues aux auteurs de signalement.

Il en irait de même, en ce qui concerne la procédure de signalement auprès de l'AMF ou de l'APCR prévue à l'article L. 634-1 du code monétaire et financier, qui diffère sensiblement de la procédure de signalement externe de droit commun puisqu'elle est ouverte aux personnes morales et doit garantir l'anonymat des auteurs de signalement (article L. 634-3 modifié).

Enfin, l'article L. 634-2 du code monétaire et financier serait réécrit. Au lieu d'imposer une procédure spéciale de signalement interne, il renverrait désormais à la procédure prévue par le régime général, tout en prévoyant que, dans le cas des entités soumises au contrôle de l'AMF et de l'ACPR, cette procédure de signalement interne devrait garantir l'anonymat des auteurs de signalement.

3. La position de la commission des lois : tirer les conséquences du resserrement du champ d'application du régime général de l'alerte, compléter et ajuster les dispositions proposées

3.1. Tirer les conséquences du resserrement du champ matériel d'application du régime général de l'alerte

La commission des lois ayant réintroduit, à l'article 1 er de la proposition de loi, pour l'application du régime général de la protection des lanceurs d'alerte, un critère lié à la gravité des manquements signalés ou divulgués, sauf lorsqu'il s'agit de violations de règles de droit européen visées par la directive du 23 octobre 2019, il lui fallait en tirer les conséquences ici.

Plutôt que de supprimer la procédure spéciale de signalement externe, auprès de l'ACPR, des manquements et infractions potentiels ou avérés aux règles applicables aux prestataires de services bancaires et d'investissement , prévue au II de l'article L. 511-33 du code monétaire et financier, elle a prévu que de tels manquements pourraient être signalés à l'autorité externe, dans le cadre de la procédure prévue par la loi « Sapin 2 », sans qu'aucune condition de gravité soit requise ( amendement COM-49 du rapporteur). L'objectif d'unification des procédures, poursuivi par la proposition de loi, est donc atteint.

En revanche, la commission des lois a estimé que la procédure de signalement interne des manquements aux règles prudentielles, prévue au III de l'article L. 511-41, pouvait être supprimée sans inconvénient, puisque la réglementation prudentielle applicable en France résulte de textes de droit européen mentionnés dans la partie I de l'annexe de la directive du 23 octobre 2019.

3.2. Compléter et ajuster les dispositions proposées

• La suppression de la procédure spéciale de signalement externe prévue au II de l'article L. 531-12

L'article 11 ter de la proposition de loi, dans la rédaction transmise au Sénat, ne traite pas de la procédure spéciale de signalement externe des manquements aux règles applicables aux prestataires de services bancaires et d'investissement, prévue au II de l'article L. 531-12 au bénéfice des membres du personnel des entreprises d'investissement et assimilées . Dans la logique du texte adopté par les députés, ces dispositions auraient pu être purement et simplement supprimées. La commission des lois a adopté un amendement COM-51 du rapporteur qui prévoit que les membres du personnel de ces entreprises peuvent signaler de tels manquements à l'autorité externe, dans le cadre de la procédure prévue par la loi « Sapin 2 », sans condition de gravité .

• Les garanties offertes en cas divulgation publique des informations

Si la proposition de loi étend aux personnes qui effectuent un signalement externe de manquements aux règles prudentielles, dans les conditions prévues par le III de l'article L. 511-41, les garanties prévues par le régime général de protection des lanceurs d'alerte, elle passe sous silence le cas où ces mêmes manquements seraient ensuite rendus publics. Il n'est pas certain que les protections prévues par le régime général s'appliquent alors, car l'auteur du signalement se serait inscrit dans un autre cadre procédural 85 ( * ) .

Pour lever ce doute, la commission des lois a adopté un amendement COM-50 du rapporteur qui prévoit que l'ensemble des mesures de protection prévues par le régime général s'appliquent dans le cas où la personne qui signale à l'ACPR un manquement aux règles prudentielles en application du III de l'article L. 511-41 bénéficie également des protections prévues par le régime général des lanceurs d'alerte dans le cas où elle divulgue publiquement ce manquement, à défaut d'avoir obtenu une réponse appropriée dans un délai fixé par décret en Conseil d'État .

Suivant la même logique, la commission des lois a prévu que l'ensemble des mesures de protection prévues par le régime général s'appliquent dans le cas où une personne physique qui signale un manquement à l'AMF ou à l'ACPR en application de l'article L. 634-1 du code monétaire et financier divulgue ensuite celui-ci publiquement, à défaut d'avoir obtenu une réponse appropriée dans un délai fixé par décret en Conseil d'État ( amendement COM-52 du rapporteur).

• Les signalements anonymes

Selon le Gouvernement, la procédure de signalement à l'AMF ou à l'ACPR prévue à l'article L. 634-1 du code monétaire et financier diffère des procédures de signalement de droit commun en ce qu'elle « garantit l'anonymat des lanceurs d'alerte ». La portée des dispositions de cet article (selon lesquelles les autorités concernées doivent mettre en mesure toute personne de leur signalement des manquements « par des canaux de communication sécurisés et garantissant l'anonymat des personnes communiquant des informations à cette fin ») n'est cependant pas évidente. L'article 145-3 du règlement général de l'AMF mentionne seulement, à ce propos, des « canaux de signalement (...) garantissant la confidentialité » des signalements.

Afin de clarifier ce point, la commission des lois a prévu que la procédure de signalement mise en place par l'AMF et l'ACPR devait permettre le recueil et le traitement de signalements anonymes et, dans le cas contraire, garantir la confidentialité de l'auteur du signalement (amendement COM-52 précité).

Similairement, aux termes de l' article L. 634-2 du code monétaire et financier , les entités soumises au contrôle de l'AMF et de l'ACPR doivent (sauf exceptions) mettre en place des procédures internes appropriées permettant aux membres de leur personnel d'effectuer un signalement, « par des canaux de communication sécurisés et garantissant l'anonymat des personnes communiquant des informations à cette fin ». La portée de ce membre de phrase, introduit par une ordonnance du 12 février 2020 86 ( * ) , est ambiguë. S'agit-il seulement de garantir la confidentialité de l'identité du lanceur d'alerte ? D'interdire que les personnes chargées de recueillir et de traiter le signalement aient accès aux informations permettant d'identifier directement ou indirectement son auteur (ce qui nécessiterait des moyens techniques adéquats) ? D'imposer le traitement de signalements anonymes ?

Cette dernière interprétation semble devoir être préférée. En effet, la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme , dont l'ordonnance précitée a achevé la transposition, impose aux États membres d'exiger des entités assujetties qu'elles disposent de procédures appropriées permettant à leur personnel ou aux personnes se trouvant dans une situation comparable de signaler en interne les infractions « par une voie spécifique, indépendante et anonyme ».

Selon l'article 11 ter de la proposition de loi, l'article L. 634-2 du code monétaire et financier renverrait désormais à la procédure de signalement interne prévue par le régime général pour toutes les entités employant au moins cinquante salariés, tout en prévoyant que, dans le cas des entités soumises au contrôle de l'AMF et de l'ACPR, cette procédure de signalement interne devrait garantir l'anonymat des auteurs de signalement .

Une telle rédaction serait contraire au droit européen . En effet, pour ce qui est des violations entrant dans le champ matériel d'application de la directive du 23 octobre 2019, celle-ci exige non seulement que l'auteur d'un signalement interne reçoive un accusé de réception, puis un retour d'informations dans un délai maximal de trois mois, mais aussi que le signalement interne puisse être effectué « par écrit ou oralement, ou les deux », y compris par le biais d'une rencontre en personne si l'auteur du signalement en fait la demande. Ces exigences sont incompatibles avec l'anonymat du lanceur d'alerte. En outre, l'on ne saurait appliquer aux lanceurs d'alerte anonymes des mesures de protection identiques à celles des autres lanceurs d'alerte 87 ( * ) .

Afin de concilier ces exigences opposées, la commission des lois a prévu que la procédure interne de recueil et de traitement des signalements établie par les entités soumises au contrôle de l'AMF et de l'ACPR, en application de la loi « Sapin 2 », doit permettre en outre le recueil et le traitement des signalements anonymes, de manière à garantir l'anonymat de leur auteur . Dans ce cas, les règles relatives à la divulgation d'informations après un signalement préalable ne seraient pas applicables ( amendement COM-53 du rapporteur).

La commission des lois a adopté l'article 11 ter ainsi modifié .

TITRE IV
DISPOSITIONS FINALES

Article 12 A
Application outre-mer

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, par l'adoption en commission d'un amendement du rapporteur, l'article 12 A de la proposition de loi a pour objet d' étendre au territoire de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis et Futuna l'application des dispositions du régime général de protection des lanceurs d'alerte qui y relèvent de la compétence de l'État et appartiennent à des matières régies par le principe de spécialité législative.

À cet effet, le texte adopté par l'Assemblée nationale :

- met à jour la rédaction de l'article 167 de la loi « Sapin 2 » précitée, qui concerne l'application de cette loi sur les territoires susmentionnés ;

- modifie l'article 1 er bis de la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d'Outre-mer . Ledit article, créé par la loi « Sapin 2 », interdit à Wallis-et-Futuna les mesures de représailles à caractère professionnel visant les lanceurs d'alerte et renverse le régime de la preuve en cas de contentieux, à la condition que le demandeur « présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'[il] a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'[il] a signalé une alerte » dans le respect des conditions légales.

À l'initiative du rapporteur, la commission des lois a modifié cet article :

- afin que l'ensemble des dispositions de la loi « Sapin 2 » qui sont modifiées par la nouvelle loi s'appliquent en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna dans leur nouvelle rédaction ( amendement COM-54 ) ;

- afin d'étendre également à ces territoires les modifications apportées au code pénal, au code monétaire et financier ainsi que (pour Wallis-et-Futuna seulement 88 ( * ) ) au code de commerce (même amendement COM-54) ;

- afin de tirer les conséquences des amendements présentés à l'article 6 pour l'application à Wallis-et-Futuna des dispositions protégeant les salariés lanceurs d'alertes, les salariés relatant des crimes ou des délits et les salariés victimes de harcèlement moral ou sexuel ( amendement COM-55 ).

Il convient de noter que les modifications apportées au statut général de la fonction publique et au code de justice administrative sont applicables de plein droit dans tous ces territoires, sans qu'une mention expresse soit nécessaire.

La commission des lois a adopté l'article 12 A
ainsi modifié .

Article 12
Entrée en vigueur

L'article 12 de la proposition de loi prévoit que celle-ci entre en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa promulgation.

Cette entrée en vigueur différée a paru opportune à la commission des lois, afin de laisser le temps aux lanceurs d'alerte, aux associations et syndicats qui les assistent, ainsi qu'aux organismes publics et privés soumis à l'obligation de mettre en place une procédure interne de recueil et de traitement des signalements, le temps de se familiariser avec les nouvelles règles. Ce délai permettra aussi au Gouvernement de fixer par voie réglementaire la liste des autorités compétentes pour traiter des signalements « externes ».

La commission des lois a adopté l'article 12 sans modification .

Article 13 (suppression maintenue)
« Gage » financier

L'article 13 de la proposition de loi avait pour objet de compenser la charge résultant pour l'État de l'application de la nouvelle loi, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Il a été supprimé par l'Assemblée nationale en première lecture, par l'adoption en commission d'un amendement du Gouvernement.

La commission des lois a maintenu la suppression de l'article 13.

*

* *

La commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .

EXAMEN DES ARTICLES
DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1er
Attributions du Défenseur des droits

L'article 1 er de la proposition de loi organique procède à quelques ajustements dans la définition des attributions du Défenseur des droits, afin principalement d'étendre son rôle d'orientation et de défense des lanceurs d'alerte aux autres personnes protégées dans le cadre de la procédure d'alerte, tels que les facilitateurs.

La commission des lois l'a adopté sans modification.

1. Le rôle actuel du Défenseur des droits dans l'accompagnement et la défense des lanceurs d'alerte

Le Défenseur des droits , seule autorité administrative indépendante dont l'existence est prévue par la Constitution, est d'ores et déjà investi d'attributions en matière de recueil et de traitement de signalements émanant de lanceurs d'alerte et d'accompagnement de ces derniers .

En premier lieu, depuis la création de cette institution en 2011, le Défenseur des droits peut être saisi par toute personne concernée dans ses domaines propres de compétence , définis aux 1° à 4° de la loi organique du 29 mars 2011 89 ( * ) , à savoir :

- la défense des droits et libertés des personnes dans leurs relations avec les administrations et les organismes chargés d'une mission de service public ;

- la défense et la promotion de l'intérêt supérieur et des droits de l'enfant ;

- la lutte contre les discriminations ;

- la charge de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité.

Saisi sur l'un de ces fondements, le Défenseur des droits peut exercer toute l'étendue de ses pouvoirs pour vérifier les faits qui lui sont signalés et y donner suite , notamment les pouvoirs d'enquête définis aux articles 18 et 20 à 22 de la loi organique précitée, l'émission de recommandations (articles 25 et 30), la médiation civile (article 26) , la transaction pénale (article 28), ou encore la présentation d'observations devant les juridictions (article 33).

En second lieu, depuis 2016 90 ( * ) , le Défenseur des droits est chargé d'orienter les lanceurs d'alerte qui s'adressent à lui vers les autorités compétentes, et de veiller à leurs droits et libertés . Lorsque le lanceur d'alerte est victime de discriminations, le Défenseur des droits peut en outre exercer ses compétences ordinaires pour assurer sa protection.

2. Les ajustements proposés

La proposition de loi organique soumise à l'examen du Sénat vise à ajuster et à étendre ces attributions .

Sur un plan terminologique, l'article 1 er prévoit que, lorsqu'un lanceur d'alerte s'adresse au Défenseur des droits, celui-ci n'a pas seulement pour mission de l'« orienter », mais aussi de l' « informer » et de le « conseiller » . Il ne devrait plus « veiller » à ses droits et libertés, mais les « défendre ».

Surtout, ces mêmes compétences s'exerceraient non plus seulement à l'égard du lanceur d'alerte, mais aussi des « personnes protégées dans le cadre d'une procédure d'alerte » , à savoir les facilitateurs, les personnes physiques « en lien avec un lanceur d'alerte » et qui risquent de faire l'objet de mesures de représailles, ainsi que les entités juridiques contrôlées par un lanceur d'alerte, celles pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel 91 ( * ) .

En pratique, le Défenseur des droits peut d'ores et déjà intervenir en faveur de ces personnes si elles font l'objet de discriminations . L'apport concret de ces dispositions semble donc limité.

La commission des lois a adopté l'article 1 er sans modification .

Article 1er bis (nouveau)
Adjoint du Défenseur des droits
chargé de l'accompagnement des lanceurs d'alerte

Introduit par la commission des lois, par l'adoption d'un amendement COM-2 du rapporteur, l'article 1 er bis de la proposition de loi organique prévoit la nomination, par le Premier ministre, d'un adjoint du Défenseur des droits chargé de l'accompagnement des lanceurs d'alerte .

Cet adjoint assisterait le Défenseur des droits dans l'exercice de cette mission qui lui a été reconnue en 2016 et qui a vocation à se développer.

Compte tenu des règles de recevabilité financière des amendements parlementaires, l'article 1 er bis prévoit que ce nouvel adjoint ne pourra percevoir aucune indemnité ni aucune rémunération d'aucune sorte. Il appartiendra au Gouvernement de déposer, en séance publique, un amendement visant à supprimer cette disposition.

La commission des lois a adopté l'article 1 er bis ainsi rédigé .

Article 2
Rôle du Défenseur des droits dans la procédure de signalement externe ; avis sur la qualité de lanceur d'alerte

L'article 2 de la proposition de loi organique détermine le rôle du Défenseur des droits dans le cadre de la procédure de signalement « externe » des informations relevant du champ du régime de l'alerte. Il prévoit aussi que le Défenseur des droits puisse, à la demande de toute personne, émettre un avis sur sa qualité de lanceur d'alerte au regard des conditions fixées par la loi « Sapin 2 ».

La commission des lois a adopté cet article, tout en prévoyant que le Défenseur des droits puisse également émettre un avis sur la qualité de lanceur d'alerte d'une personne au regard des conditions fixées par tout régime spécial d'alerte.

1. Le rôle du Défenseur des droits dans la procédure de signalement externe

Le nouvel article 35-1 de la loi organique du 29 mars 2011, que tend à insérer l'article 2 de la proposition de loi organique, aurait d'abord pour objet de déterminer les modalités d'intervention du Défenseur des droits dans le cas où un lanceur d'alerte lui adresserait un signalement. Il s'agirait donc d'un signalement « externe », par opposition au signalement « interne » que le lanceur d'alerte, agissant dans un cadre professionnel, pourrait adresser au sein de son organisation.

Plusieurs cas de figure sont distingués.

Dans le cas où le signalement relèverait de la compétence du Défenseur des droits lui-même - dans l'un des domaines énumérés aux 1° à 4° de l'article 4 de la loi organique du 29 mars 2011 - il lui appartiendrait de le recueillir, de le traiter « selon une procédure indépendante et autonome » et de fournir un retour d'informations au lanceur d'alerte . Un décret en Conseil d'État préciserait les délais et garanties de confidentialité applicables. Relevons que ce cas de figure implique, pour que les garanties offertes par le régime de protection des lanceurs d'alerte s'appliquent, que le Défenseur des droits soit expressément désigné par voie réglementaire en tant qu'autorité externe compétente pour recueillir et traiter certains signalements externes, sur le fondement de l'article 8 de la loi « Sapin 2 » modifiée 92 ( * ) .

Dans le cas où le signalement relèverait de la compétence d'une autre autorité (désignée sur ce même fondement), le Défenseur des droits serait chargé d'orienter son auteur vers celle-ci .

Enfin, dans le cas où le signalement ne relèverait de la compétence d'aucune des autorités « externes » désignées par voie réglementaire ou relèverait de la compétence de plusieurs d'entre elles, le Défenseur des droits devrait orienter le lanceur d'alerte vers « l'autorité, l'administration ou l'organisme le mieux à même d'en connaître » . La proposition de loi organique suppose donc que la liste réglementaire des autorités compétentes pour recueillir et traiter les signalements « externes » puisse ne pas être exhaustive, ce que la directive, notons-le, interdit dans son champ matériel d'application. Contrairement à ce que la rédaction initiale de la proposition de loi organique prévoyait, les députés ont renoncé à ce que le Défenseur des droits soit habilité à « désigner l'autorité administrative » chargée de recueillir et de traiter le signalement, une telle disposition encourant selon le Conseil d'État un risque d'inconstitutionnalité 93 ( * ) .

La commission des lois a adopté un amendement COM-3 du rapporteur visant à améliorer la lisibilité de ces dispositions.

2. L'avis du Défenseur des droits sur la qualité de lanceur d'alerte d'une personne

Tout régime de protection des lanceurs d'alerte doit définir les conditions qui doivent être remplies pour qu'une personne ayant révélé des informations sensibles bénéficie des mesures protectrices qu'il prévoit. Il s'agit de conditions de fond, tenant à la personne du lanceur d'alerte, à ses motivations, à la nature des informations concernées, au contexte dans lequel elles ont été obtenues, etc ., et de conditions d'ordre procédural, tenant aux modalités de signalement ou de divulgation publique des informations.

La protection des lanceurs d'alerte est d'autant plus efficace que les conditions prévues par le régime sont libérales et qu'elles laissent moins de place à l'appréciation du juge . À cet égard, on peut regretter l'imprécision de certaines formules de la directive du 23 octobre 2019, reprises dans la proposition de loi ordinaire, notamment en ce qui concerne les conditions de divulgation publique des informations.

Quoi qu'il en soit , l'application à un cas concret des règles légales laissera toujours place à une marge d'appréciation . Or l'incertitude qui en découle est de nature à décourager les personnes qui estiment nécessaire de signaler les informations qu'elles détiennent, voire de les révéler au public . C'est ce qui avait amené les députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix à proposer que les personnes concernées puissent se voir reconnaître la qualité de lanceur d'alerte , soit au moyen d'une « certification » par le Défenseur des droits, soit par le biais d'une procédure incidente devant le juge judiciaire, et se prévaloir ensuite de cette qualité devant les juridictions.

En ce sens, la proposition de loi organique prévoyait initialement que le Défenseur des droits puisse être saisi par toute personne intéressée « aux fins de se prononcer sur sa qualité de lanceur d'alerte au sens de la loi du 9 décembre 2016 ».

Or, en la matière et comme l'a fait observer le Conseil d'État, l'appréciation d'une autorité administrative ne saurait s'imposer aux juridictions . C'est pourquoi la rédaction adoptée par les députés en première lecture ne mentionne plus qu' un simple « avis » du Défenseur des droits sur la qualité de lanceur d'alerte du demandeur , « au regard des conditions fixées aux articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 », c'est-à-dire des conditions de fond et de procédure du régime général. Un amendement d'Olivier Marleix, adopté par l'Assemblée nationale en séance publique, a fixé à six mois le délai imparti au Défenseur des droits pour répondre 94 ( * ) .

Approuvant ces dispositions, la commission des lois a adopté un amendement COM-4 du rapporteur qui prévoit que le Défenseur des droits puisse également rendre un avis sur la qualité de lanceur d'alerte de toute personne au regard des conditions prévues par un régime spécial de protection prévu, par exemple, par le code du travail, le statut général de la fonction publique, le code de l'action sociale et des familles ou encore le code monétaire et financier.

La commission des lois a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3
Rapport bisannuel sur la protection des lanceurs d'alerte

L'article 3 de la proposition de loi prévoit la remise régulière, par le Défenseur des droits, d'un rapport d'évaluation du système de protection des lanceurs d'alerte en France.

La commission des lois a adopté cet article en portant d'un à deux ans la périodicité de ce rapport.

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, par l'adoption en commission d'un amendement du rapporteur, l'article 3 de la proposition de loi organique a pour objet d'imposer au Défenseur des droits d'établir chaque année, à l'intention du Président de la République, du Président de l'Assemblée nationale et du Président du Sénat, un rapport sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d'alerte, réalisé à partir des informations transmises par les autorités compétentes pour traiter et recueillir les signalements.

De même que le rapport annuel d'activité et le rapport annuel consacré aux droits de l'enfant, ce rapport sur la protection des lanceurs d'alerte serait publié et pourrait faire l'objet d'une communication du Défenseur des droits devant chacune des deux assemblées.

À l'initiative du rapporteur, la commission des lois a porté à deux ans la périodicité de ce nouveau rapport ( amendement COM-5 ). Il n'apparaît en effet ni nécessaire, ni réaliste, au vu des moyens dont dispose le Défenseur des droits, de lui imposer de réaliser chaque année un bilan exhaustif du système d'alerte en France. En revanche, il lui sera loisible d'évoquer dans son rapport annuel d'activité les conditions d'exercice de sa mission d'accompagnement des lanceurs d'alerte (nombre de saisines, difficultés rencontrées, etc .), conformément à sa pratique actuelle.

La commission des lois a adopté l'article 3 ainsi modifié .

*

* *

La commission des lois a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée .

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 15 DÉCEMBRE 2021

M. François-Noël Buffet , président . - Nous examinons le rapport sur la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte et la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - L'objet de ces propositions de loi ordinaire et organique est de renforcer la protection des lanceurs d'alerte : il s'agit des personnes qui, dans l'intérêt de la société, signalent à une autorité compétente ou révèlent au public des informations sensibles, voire confidentielles, au risque de s'exposer à des mesures de représailles ou de voir leur responsabilité engagée.

Ces deux textes, dus à l'initiative du député Sylvain Waserman, visent principalement à transposer en droit français une directive européenne du 23 octobre 2019, mais ils vont au-delà de ce qu'exige le droit européen.

Permettez-moi d'abord quelques remarques générales.

Un régime de protection des lanceurs d'alerte comprend deux séries de dispositions. Il comprend, d'une part, des mesures de protection. Les lanceurs d'alerte peuvent bénéficier d'une exonération de responsabilité pénale, disciplinaire ou civile, pour le cas où ils porteraient atteinte à un secret protégé par la loi, à une obligation contractuelle ou statutaire de discrétion ou de loyauté, voire pour le cas où ils commettraient des infractions pénales connexes, par exemple le vol de documents ou l'abus de confiance. Les mesures de protection peuvent également comprendre l'interdiction de mesures de représailles, notamment dans un cadre professionnel, interdiction qui peut être assortie de sanctions pénales. Des dispositions peuvent être prises pour aider le lanceur d'alerte en cas de contentieux, soit qu'il conteste une mesure de représailles, soit qu'il doive lui-même se défendre contre des poursuites, dans le cadre de ce que l'on appelle les « procédures bâillons ».

D'autre part, un régime de protection des lanceurs d'alerte fixe les conditions nécessaires pour bénéficier de ces protections. Il y a, d'abord, des conditions de fond, qui peuvent tenir, soit à la personne du lanceur d'alerte
- le régime peut être ou non réservé aux personnes physiques - soit à la nature des faits signalés ou révélés - il peut s'agir de la violation de règles de droit, de menaces ou de préjudices pour certains intérêts protégés... - soit au degré de gravité de ces faits, soit au degré de connaissance des faits par le lanceur d'alerte - on peut ou non se contenter de simples soupçons, de faits connus par personne interposée... - soit encore aux motivations du lanceur d'alerte - la protection peut être réservée à ceux qui agissent de manière désintéressée.

Ensuite, le régime fixe généralement des conditions d'ordre procédural : les lanceurs d'alerte ne sont pas autorisés à divulguer publiquement les informations dont ils disposent sans les avoir préalablement signalées aux personnes compétentes et sans leur avoir laissé le temps d'y apporter une réponse appropriée.

Tout régime de protection des lanceurs d'alerte doit ménager une juste conciliation entre plusieurs intérêts légitimes : il s'agit, d'un côté, de faciliter la révélation de faits socialement nuisibles et de protéger ceux qui les révèlent, et d'un autre côté, de maintenir des garanties suffisantes pour que les secrets protégés ne soient pas trop facilement éventés et pour préserver la réputation des personnes physiques et morales contre des alertes abusives ou inconsidérées.

Il existe depuis fort longtemps, en droit français, des dispositifs visant à faciliter la révélation d'infractions pénales ou d'autres manquements. Toutefois, ces dispositifs sont longtemps restés lacunaires et incohérents. C'est ce qui a amené le législateur à instituer un régime général de protection des lanceurs d'alerte, avec la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 ».

La loi Sapin 2 définit un lanceur d'alerte comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

Pour bénéficier des protections offertes par le régime, un lanceur d'alerte doit donc, en premier lieu, satisfaire aux conditions de fond qui découlent de cette définition légale : il doit s'agir d'une personne physique ; les faits révélés doivent constituer une violation d'une règle de droit applicable en France ou encore une menace ou un préjudice pour l'intérêt général ; ces faits doivent être graves ; les faits eux-mêmes et leur qualification doivent être manifestes, et le lanceur d'alerte doit en avoir eu personnellement connaissance ; enfin, le lanceur d'alerte doit agir de manière désintéressée et de bonne foi.

Sur le plan procédural, le signalement doit en principe être d'abord porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, de l'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci. Des procédures internes spéciales de recueil des signalements doivent être mises en place dans les plus grandes organisations. En l'absence de diligences de la personne destinataire de l'alerte interne, le signalement peut être adressé à l'autorité judiciaire, à l'autorité administrative ou aux ordres professionnels. Ce n'est qu'« en dernier ressort » que le signalement peut être rendu public, sauf « en cas de danger grave et imminent ou en présence d'un risque de dommages irréversibles ».

Sous réserve de respecter ces conditions, le lanceur d'alerte bénéficie d'une irresponsabilité pénale, pour le cas où l'alerte porterait atteinte à un secret protégé par la loi, et d'une protection contre les sanctions disciplinaires et les mesures de représailles qui pourraient être prises par son employeur public ou privé. Il bénéficie aussi, dans les faits, quoique la loi ne soit pas explicite sur ce point, d'une exonération de responsabilité civile.

Toutefois, ces mesures de protection ne s'étendent pas aux personnes qui divulgueraient des faits couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client.

Malgré ces avancées, le bilan de la loi Sapin 2 est mitigé. Plusieurs difficultés ont été relevées, en particulier dans un récent rapport d'information de nos collègues députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix.

Tout d'abord, certaines des conditions exigées pour bénéficier du régime protecteur des lanceurs d'alerte laissent au juge une marge d'appréciation trop importante et font ainsi planer sur les personnes concernées un risque juridique dissuasif. Il en va ainsi tout particulièrement de la condition selon laquelle le lanceur d'alerte doit agir de manière désintéressée.

Ensuite, l'obligation faite au lanceur d'alerte d'effectuer d'abord un signalement par la voie interne l'expose à des représailles. Par ailleurs, nombre d'entreprises et d'administrations n'ont pas mis en place les procédures de signalement interne imposées par la loi ; lorsqu'elles existent, les garanties d'indépendance des personnes chargées du traitement des signalements et de confidentialité des informations restent insuffisantes. Quant aux canaux de signalement « externe », ils restent mal identifiés.

Enfin, l'accompagnement juridique et financier des lanceurs d'alerte est très insuffisant. L'association La Maison des lanceurs d'alerte, que j'ai entendue, fait état d'une augmentation continue du nombre de demandes de conseil ou de soutien financier, auxquelles elle peine à répondre avec ses faibles moyens.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi Sapin 2, une directive a été adoptée le 23 octobre 2019 par le Parlement européen et le Conseil, qui vise à imposer un cadre minimal pour la protection des lanceurs d'alerte dans les États membres de l'Union européenne.

Par rapport au droit français en vigueur, le champ matériel d'application de cette directive est plus limité à certains égards, plus large à d'autres égards.

Son champ est plus limité, tout d'abord, parce que le régime qu'elle définit ne s'applique qu'aux signalements de violations du droit de l'Union européenne dans des domaines limitativement énumérés. En outre, le régime ne s'applique qu'aux personnes qui signalent des informations obtenues dans le cadre de leurs activités professionnelles.

En revanche, la directive a vocation à s'appliquer quel que soit le degré de gravité des violations signalées ou révélées ; que ces violations aient ou non un caractère manifeste, à condition toutefois qu'il existe des « soupçons raisonnables » non seulement aux violations, mais aussi aux tentatives de dissimulation de celles-ci ; et quelles que soient les motivations du lanceur d'alerte.

La procédure d'alerte est, quant à elle, moins contraignante pour le lanceur d'alerte que ce que prévoit le droit français en vigueur. En particulier, la directive prévoit que les lanceurs d'alerte puissent directement effectuer un signalement auprès d'une autorité externe, sans passer par le canal interne. Les entités publiques et privées sont ainsi encouragées à mettre en place des canaux de signalement interne robustes, auxquels les lanceurs d'alerte puissent faire confiance.

Le régime protecteur prévu par la directive comprend des interdictions de représailles, une exonération de responsabilité civile et pénale, diverses mesures de soutien, ainsi que des sanctions à l'encontre des personnes qui cherchent à faire obstacle aux alertes.

Les deux propositions de loi dont nous sommes saisis visent à transposer cette directive, mais elles vont au-delà. Tout en reprenant le cadre général défini par la directive - en ce qui concerne les mesures de protection destinées aux lanceurs d'alerte ainsi que les conditions de fond et de procédure pour en bénéficier - ces textes conservent le champ matériel d'application, extrêmement vaste, du régime actuel de l'alerte en droit français.

Comme l'a souligné le Conseil d'État, ce choix permet de « préserver la clarté et l'intelligibilité du dispositif de protection des lanceurs d'alerte en évitant, autant que possible, de poser des règles distinctes selon la nature des violations signalées ». Néanmoins, le Conseil d'État recommandait, sur certains points, d'opérer des distinctions selon que les signalements concernés entrent ou non dans le champ d'application de la directive. Je vous proposerai de reprendre certaines de ces recommandations.

Plus largement, mes amendements ont pour objet de parfaire l'équilibre entre, d'une part, la protection des lanceurs d'alerte et des personnes qui leur portent assistance et, d'autre part, la sauvegarde des secrets protégés et des intérêts matériels ou moraux des personnes physiques ou morales qui peuvent être injustement mises en cause par une alerte.

En ce qui concerne la nature des informations susceptibles de faire l'objet d'une alerte, je vous proposerai de rétablir une condition tenant à la gravité des faits visés - tout en acceptant que ces informations puissent fournir de simples « soupçons raisonnables », et non la certitude qu'une violation a été ou va être commise.

Mon amendement se situe donc à mi-chemin de la position de l'Assemblée nationale et de celle du Conseil d'État, qui, dans son avis, avait invité le législateur, « avant de supprimer la condition tenant au caractère "grave et manifeste" des violations signalées ou d'introduire la référence à la notion d'"informations sur des violations" dans l'ensemble du champ couvert par les dispositions nationales », à « évaluer l'impact de telles mesures, notamment en ce qui concerne les risques de détournement du dispositif de protection ».

S'agissant des procédures, je vous proposerai de rétablir des conditions plus rigoureuses pour que des informations puissent être rendues publiques sans signalement préalable à l'autorité compétente. Seul un danger imminent, manifeste et d'une gravité suffisante justifie de « court-circuiter » les procédures normales de signalement.

Je vous proposerai également de clarifier l'articulation des phases de signalement externe et de divulgation publique, qui comporte des lacunes dans le texte de l'Assemblée nationale, ce qui fait peser un risque juridique sur les lanceurs d'alerte.

En ce qui concerne les mesures de protection, je vous proposerai, comme la directive le prévoit, que le lanceur d'alerte ne soit civilement et pénalement irresponsable que s'il était nécessaire, pour sauvegarder les intérêts en cause, de divulguer l'intégralité des informations qui ont effectivement été divulguées. Le législateur européen a voulu éviter que des dizaines de milliers de documents confidentiels puissent être diffusés sur internet au seul motif que l'un de ces documents laisse penser qu'une violation, même mineure, a été commise.

Je vous proposerai de préciser que l'irresponsabilité pénale des lanceurs d'alerte en cas d'atteinte à un secret protégé par la loi, irresponsabilité que les députés ont étendue à la soustraction d'informations ou de documents, ne s'étend ni aux atteintes à la vie privée ni aux atteintes aux traitements automatisés de données. Nous avons été nombreux à recevoir des messages d'éleveurs de nos départements qui craignent que ce texte ne facilite la tâche à des associations qui n'hésitent pas à s'introduire sans autorisation et même par effraction dans des exploitations, afin de prendre quelques images et de les publier en ligne... La protection des lanceurs d'alerte n'autorise pas tout.

Je vous proposerai aussi diverses améliorations plus techniques, visant notamment à ce que les interdictions de représailles s'appliquent non seulement aux salariés et aux fonctionnaires, mais aussi aux travailleurs indépendants et aux personnes placées dans des situations de travail atypiques, comme les bénévoles ou les stagiaires.

Les lanceurs d'alerte ont également besoin de soutien psychologique, voire d'un soutien financier dans le cas où ils ont fait l'objet de mesures de représailles professionnelles et doivent engager un contentieux.

À ce sujet, les députés ont fait feu de tout bois, y compris en prévoyant des mesures juridiquement douteuses, parce que l'article 40 de la Constitution les empêchait de créer un fonds spécial d'aide aux lanceurs d'alerte. On peut le regretter. Ce fonds aurait pu être alimenté par le produit des amendes infligées aux personnes qui cherchent à faire obstacle au lancement d'une alerte. Le Gouvernement peut seul pallier ce manque.

Au-delà des lanceurs d'alerte eux-mêmes, la proposition de loi prévoit d'étendre le bénéfice du régime de protection à plusieurs catégories de personnes en lien avec ces derniers, notamment aux « facilitateurs », définis comme les personnes physiques et les personnes morales de droit privé à but non lucratif qui aident un lanceur d'alerte dans ses démarches. À cet égard, le texte va plus loin que la directive du 23 octobre 2019, qui n'inclut parmi les « facilitateurs » que les personnes physiques. Plusieurs amendements ont été déposés à ce sujet, dont nous aurons à débattre.

Conformément à la directive, je vous proposerai de sanctionner pénalement les signalements effectués de mauvaise foi.

Enfin, je vous proposerai quelques compléments à la proposition de loi organique, qui vise à élargir les compétences d'ores et déjà reconnues au Défenseur des droits pour l'accompagnement des lanceurs d'alerte.

M. Ludovic Haye . - Nous convergeons sur la nécessité de profiter de la transposition de la directive du 23 octobre 2019 pour consolider le régime français des lanceurs d'alerte et le rendre pleinement opérationnel. L'Assemblée nationale était unanime sur ce sujet : un rapport d'évaluation transpartisan a constaté le caractère parfois dissuasif et faiblement protecteur du régime découlant de la loi Sapin 2. Sylvain Waserman en a tiré toutes les conséquences dans cette proposition de loi, tout en aménageant un équilibre indispensable pour éviter les effets de bord ou d'aubaine.

Nous saluons plusieurs avancées, notamment l'adaptation des critères de définition des lanceurs d'alerte et l'extension des protections aux personnes physiques et morales qui leur sont liées. Je pense aussi à l'abolition, conformément à la directive européenne, de la hiérarchie entre les canaux de signalement internes et externes, qui peut enrayer les signalements. Je salue aussi le renforcement de la protection des lanceurs d'alerte, avec l'interdiction des mesures de représailles à leur encontre et une meilleure protection contre les « procédures bâillons ».

Les amendements du rapporteur réécrivent le texte de manière assez globale et parfois complexe. Je pense notamment aux propositions de modification de l'article 1 er , qui distinguent deux régimes d'alerte en fonction du champ matériel des informations signalées. La complexité que ce dualisme pourrait introduire semble confirmée par la modification proposée à l'article 11 ter , qui, pour en tirer les conséquences, semble rétablir un canal de signalement spécifique au sein du code monétaire et financier.

Autre exemple, à l'article 2, vous proposez des modifications qui restreignent le champ des personnes morales de droit privé à but non lucratif pouvant être définies comme facilitateurs, mais qui étendent également largement leurs prérogatives en tant que facilitateurs. Elles pourraient ainsi aller jusqu'à effectuer, pour le compte du lanceur d'alerte, un signalement ou une divulgation. La portée de ce resserrement et de cette extension au sein d'un même amendement interroge.

Nous saluons l'accord du rapporteur sur le principe d'une réforme et d'un renforcement de la protection des lanceurs d'alerte ainsi que certaines améliorations, mais nous restons vigilants : il faut suivre la ligne de crête que la majorité d'entre nous recherchent.

M. Jérôme Durain . - Je félicite le rapporteur pour la qualité de son travail et la clarté de son propos. Ces deux textes, attendus, sont bienvenus. La transposition de la directive européenne d'octobre 2019 s'inscrit dans le droit fil d'un travail législatif d'inspiration française : c'est la philosophie qui irriguait la loi Sapin 2 qui a abouti à la directive.

Il y a eu un large accord politique, comme en témoigne le vote à l'unanimité à l'Assemblée nationale - et même le soutien de Médiapart , c'est dire ! Il est difficile d'amender à ce stade, car ce texte est réussi et consensuel. Nous nous félicitons de l'extension de la protection aux personnes morales à but non lucratif, de la reconnaissance des trois piliers de l'alerte, de la définition des lanceurs d'alerte et des facilitateurs, de la lutte contre les « procédures bâillons », d'une meilleure reconnaissance du Défenseur des droits.

Il reste des possibilités d'amélioration, comme nous l'ont dit les organisations que nous avons rencontrées : le recours au statut de salarié protégé, la création d'un fonds de solidarité, le rôle plus complet du Défenseur des droits... Nous déposerons peut-être des amendements en séance sur ces sujets.

Nous sommes inquiets de certains amendements restrictifs, qui viennent notamment de milieux agricoles. Attention à ne pas toucher à l'équilibre obtenu. Ne nous trompons pas de cible ; nous pourrions, sinon, amoindrir la portée de ce texte très attendu. Nous essaierons de préserver cette ligne de crête.

M. Guy Benarroche . - Nous soutenons le texte issu de l'Assemblée nationale qui va dans le bon sens et qui améliore le statut du lanceur d'alerte. Il prévoit des dispositions indispensables, à la suite de manquements relevés. Nous proposerons des amendements pour l'améliorer.

Je remercie le rapporteur de son travail. Toutefois, certaines propositions affaibliraient le texte de l'Assemblée nationale, notamment le régime général de protection des lanceurs d'alerte. L'octroi du statut de facilitateur à certaines catégories de personnes morales seulement - même si ce statut évolue positivement - est trop limitatif. L'ajout d'un article prévoyant une infraction pénale à l'encontre des personnes ayant procédé à un signalement ou à une divulgation publique de mauvaise foi est un peu délicat et pourrait être mal perçu.

Il est dommage de revenir sur la possibilité que la provision visant à couvrir les subsides du lanceur d'alerte puisse être définitivement acquise, ainsi que sur la suppression de l'article permettant au tribunal correctionnel de prononcer des amendes lorsqu'une constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire. Nous exprimerons notre position sur ces sujets et présenterons des amendements, mais nous sommes favorables à ce texte.

M. François Bonhomme . - Je comprends la nécessité d'encadrer la notion de lanceur d'alerte et de transposer la directive européenne. Cependant, je m'interroge sur la pratique du Défenseur des droits et son droit d'autosaisine. À force d'en abuser, ne risque-t-il pas de modifier notre perception de la notion de lanceur d'alerte, qui se diffuse dans le débat public ?

Mme Éliane Assassi . - Je remercie le rapporteur de son travail. L'action des lanceurs et lanceuses d'alerte représente une nouvelle forme de contrôle des citoyens au service des valeurs de la République. Nous devons protéger ces hommes et ces femmes qui dénoncent ceux qui, en toute connaissance de cause, commettent des actes contraires à nos lois et à nos principes.

L'ensemble des organisations non gouvernementales, associations et syndicats de défense des lanceurs et lanceuses d'alerte ont oeuvré ces derniers mois pour que la transposition de la directive européenne de 2019 soit la meilleure possible en droit français. Les résultats de cette mobilisation sont satisfaisants, au vu du texte adopté par l'Assemblée nationale.

Il y a de nombreux enjeux en matière de libertés publiques et de droit à l'information des citoyens. Certains des amendements du rapporteur sont préoccupants. Nous y travaillerons et réservons notre vote pour la séance publique.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Monsieur Bonhomme, le Défenseur des droits ne peut s'autosaisir en ce qui concerne la protection des lanceurs d'alerte, quoiqu'il puisse être saisi facilement.

Le texte sera examiné en séance le 19 janvier. Nous avons donc suffisamment de temps pour le retravailler si nécessaire.

M. François-Noël Buffet , président . - Il nous reste à fixer le périmètre indicatif des propositions de loi pour l'application de l'irrecevabilité prévue à l'article 45 de la Constitution.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur - Je vous propose de considérer que le périmètre de la proposition de loi ordinaire inclut des dispositions relatives au régime de protection des lanceurs d'alerte, entendus comme les personnes qui signalent ou divulguent publiquement des informations portant sur la violation de règles de droit ou d'autres formes de menace ou de préjudice pour des intérêts protégés, et qui sont de ce fait susceptibles de s'exposer à des sanctions pénales, disciplinaires ou civiles ou à des mesures de représailles.

Ces dispositions comprennent, d'une part, des mesures de protection relevant de divers champs du droit - droit pénal et disciplinaire, droit civil, procédures juridictionnelles, droit du travail, droit de la fonction publique... - et, d'autre part, des conditions de fond et de procédure imposées pour bénéficier de ces mesures de protection.

Je vous propose de considérer que le périmètre de la proposition de loi organique inclut des dispositions relatives aux compétences exercées par le Défenseur des droits pour assister les lanceurs d'alerte, défendre leurs droits et évaluer l'efficacité des règles de droit et des procédures visant à les protéger.

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Afin de limiter les risques de dérives, je vous propose, au travers de mon amendement COM-20 , de limiter l'application du régime général de protection des lanceurs d'alerte au signalement et à la divulgation publique de faits présentant un certain degré de gravité, comme c'est le cas aujourd'hui en droit français. Cette condition de gravité ne serait toutefois pas exigée en ce qui concerne la violation des règles de droit européen limitativement énumérées par la directive du 23 octobre 2019.

Par ailleurs, je propose de substituer aux notions de « menace » et de « préjudice pour l'intérêt général », qui laissent une marge d'appréciation excessive au juge, celle d'actes ou d'omissions allant à l'encontre des objectifs poursuivis par les règles de droit. En démocratie, c'est au peuple et à ses représentants, et non aux tribunaux, qu'il appartient de dire ce qui relève ou non de l'intérêt général.

M. Guy Benarroche . - Je me permets d'insister sur le fait que cet amendement restreint très nettement le champ des lanceurs d'alerte.

Notre groupe ne suivra pas le rapporteur sur ce point.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement n'est nullement restrictif au regard du droit en vigueur.

L'amendement COM-20 est adopté ; les amendements COM-8 , COM-9 , COM-10 , COM-13 et COM-14 deviennent sans objet.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Les amendements identiques COM-2 et COM-56 , ainsi que l'amendement COM-5 , répondent à une préoccupation légitime.

Il s'agit de faire en sorte que le régime de protection des lanceurs d'alerte ne soit pas détourné de son objet par des personnes physiques ou des associations qui, au nom de l'intérêt général tel qu'elles le conçoivent, n'hésitent pas à s'introduire dans des domiciles privés ou des locaux professionnels et à y prendre des images ou des documents, pour ensuite les diffuser sur internet.

Nous avons en particulier été alertés sur le cas de l'association L214, dont les membres, au nom de la protection animale, s'introduisent sans autorisation ou même par effraction dans des élevages, tournent des clips vidéo plus ou moins biaisés de quelques secondes, avant de les publier sur internet, sans même prévenir l'exploitant.

La protection des lanceurs d'alerte n'autorise pas tout. Ce n'est pas la loi de la jungle. Il existe des procédures et des agents publics assermentés pour mener, s'il y a lieu, des perquisitions dans les domiciles et les locaux professionnels. Je souscris donc aux objectifs de ces amendements.

En revanche, le dispositif proposé n'est pas le bon. Il s'insère au milieu de dispositions qui fixent les exceptions au principe selon lequel les secrets protégés par la loi ne sont pas opposables aux lanceurs d'alerte qui effectuent un signalement ou une divulgation dans les conditions légales.

Par conséquent, je suis défavorable à ces amendements. Je vous proposerai une solution différente, qui consiste à écrire expressément dans la loi que l'irresponsabilité pénale dont bénéficient les lanceurs d'alerte ne s'étend pas aux atteintes à la vie privée réprimées par le code pénal, lesquelles comprennent aussi bien la violation de domicile stricto sensu que l'intrusion irrégulière dans des locaux professionnels.

Les amendements COM-2, COM-56 et COM-5 ne sont pas adoptés.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-21 vise à supprimer un membre de phrase superflu.

L'amendement COM-21 est adopté.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - L'amendement COM-19 vise à créer un droit d'alerte sur des informations couvertes par le secret de la défense nationale.

Il n'est pas interdit de mener une réflexion à ce sujet. Toutefois, le dispositif est inabouti et, en outre, beaucoup trop laxiste. On ne peut pas affaiblir à ce point la protection de secrets nécessaires pour sauvegarder les intérêts supérieurs de la Nation. Avis défavorable.

L'amendement COM-19 n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-22 vise à compléter la liste des mesures de protection offertes aux facilitateurs et aux autres personnes en lien avec un lanceur d'alerte. Le texte de l'Assemblée nationale comporte des lacunes, sans doute involontaires.

L'amendement COM-22 est adopté.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-23 et les amendements identiques COM-3 , COM-7 et COM-57 abordent une question importante, celle de l'extension aux personnes morales du statut protecteur de « facilitateur ».

La directive européenne impose aux États membres d'offrir aux personnes qui assistent les lanceurs d'alerte les mêmes protections qu'à ces derniers, mais elle ne vise, parmi les « facilitateurs », que les personnes physiques.

Les députés ont voulu aller plus loin. Le texte initial incluait, parmi les « facilitateurs », toutes les personnes morales. Le risque de dérive était manifeste : des entreprises concurrentes ou des fonds spéculatifs auraient pu encourager le lancement d'alertes pour porter atteinte à la réputation, donc à la valeur économique de certaines entreprises.

Les députés ont finalement limité ce champ aux « personnes morales de droit privé à but non lucratif ». Cela me semble encore trop large. On ne peut pas négliger le risque que des associations de façade soient créées, soit par des détenteurs d'intérêts économiques, soit même par des puissances étrangères, pour déstabiliser des entreprises ou des administrations françaises. Dans le secteur associatif, on trouve le pire comme le meilleur. Certaines ONG ont une gouvernance et un mode de financement très opaques.

C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à réserver le bénéfice du statut de facilitateur aux syndicats représentatifs et aux associations spécialement agréées par le Gouvernement. En contrepartie, ces syndicats et associations agréées se seraient vu expressément reconnaître la faculté d'adresser un signalement ou de divulguer des informations pour le compte d'un lanceur d'alerte. Cela aurait permis au lanceur d'alerte de ne pas s'exposer inutilement - au moins dans un premier temps, car, en cas de contentieux, la personne morale aurait pu être contrainte de révéler l'identité du lanceur d'alerte, afin de prouver qu'elle s'inscrivait bien dans le régime légal de l'alerte.

Plusieurs de nos collègues proposent d'aller plus loin, en réservant aux seules personnes physiques le bénéfice du statut de facilitateur, ce qui correspond à une stricte transposition de la directive.

Je sais que ce sujet suscite beaucoup de crispations. Il doit être possible de trouver un juste équilibre d'ici à la fin de la navette. Pour l'heure, il me semble que le plus sage est de nous en tenir strictement à la directive.

Je retire donc mon amendement COM-23, au bénéfice des amendements COM-3, COM-7 et COM-57. Nous pourrons continuer à travailler d'ici à l'examen en séance pour parfaire le dispositif.

M. Alain Richard . - Je souscris tout à fait à la démarche et au cadrage proposés par le rapporteur.

Les associations sont agréées par le Gouvernement, mais sous le contrôle du juge. Il y a donc bien une présomption d'impartialité et de responsabilité.

Pouvez-vous me confirmer que le bénéfice du statut de facilitateur sera réservé aux syndicats représentatifs ? Compte tenu des signes d'affaiblissement du mouvement syndical et de la captation d'organisations syndicales par des groupes idéologiques pour faire tout autre chose que du syndicalisme, la représentativité, au moins dans la branche, serait une première protection contre ces détournements.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement vise les syndicats représentatifs à l'échelon national, au niveau de l'entreprise, de l'établissement ou de l'administration concernée.

L'amendement COM-23 est retiré.

Les amendements COM-3, COM-7 et COM-57 sont adoptés.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Avec l'amendement COM-17 , nos collègues proposent de substituer à la notion de « personnes physiques » celle de « tiers », afin d'englober les personnes morales.

Je n'y suis pas favorable. Quoique sa formulation puisse prêter à interprétation, la directive vise ici clairement les personnes physiques. Elle cite l'exemple de « collègues » ou de « proches » de l'auteur du signalement, qui risquent de faire l'objet de mesures de représailles.

L'amendement COM-17 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

L'amendement rédactionnel COM-24 est adopté.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-25 concerne la procédure de signalement interne ouverte aux lanceurs d'alerte.

Outre diverses améliorations d'ordre technique ou rédactionnel, je vous propose d'inscrire dans la loi la faculté, pour les entités soumises à l'obligation d'établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements, d'avoir recours à un prestataire externe, comme l'autorise la directive. Par ailleurs, je propose d'élargir au maximum les possibilités de mutualisation offertes aux collectivités territoriales membres d'un centre de gestion : l'amendement prévoit que ces collectivités puissent confier au centre de gestion le recueil et le traitement des signalements ; seules celles qui emploient plus de 250 agents devraient traiter en interne les signalements entrant dans le champ d'application de la directive, car celle-ci ne laisse pas le choix.

L'amendement COM-25 est adopté ; l'amendement COM-11 devient sans objet.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Avec mon amendement COM-26 , je vous propose de confier au Gouvernement le soin d'assouplir par décret les règles applicables aux sociétés appartenant à un même groupe, dans toute la mesure compatible avec la directive. Il s'agit de répondre à un besoin de clarification et de simplification, qui a été exprimé lors de nos auditions.

L'amendement COM-26 est adopté.

Les amendements rédactionnels COM-27 et COM-28 sont adoptés.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-29 vise à imposer aux autorités externes compétentes l'obligation de rendre compte annuellement de leur action au Défenseur des droits. Mme Hédon, que j'ai auditionnée, craint de devoir aller « à la pêche » aux renseignements nécessaires pour élaborer son rapport.

L'amendement COM-29 est adopté.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-30 tend à clarifier l'articulation entre les phases de signalement externe et de divulgation publique des informations, dans le cas où l'autorité externe saisie ne serait pas l'une des autorités sectorielles compétentes désignées par voie réglementaire.

L'amendement COM-30 est adopté.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-31 concerne les conditions dans lesquelles un lanceur d'alerte serait autorisé à divulguer publiquement les informations dont il dispose sans avoir procédé préalablement à un signalement « externe » auprès de l'autorité compétente. À mes yeux, seul un danger manifeste, imminent et d'une gravité suffisante, ces trois conditions étant cumulatives, peut justifier de court-circuiter les procédures normales de signalement. Nous nous devons d'apporter des garanties suffisantes pour la sauvegarde des secrets protégés et des intérêts matériels et moraux des personnes qui peuvent être injustement mises en cause.

L'amendement COM-31 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3 bis (nouveau)

L'article 3 bis est adopté sans modification.

Article 4

L'amendement rédactionnel COM-32 est adopté.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-33 a pour objet d'assurer la conformité de la proposition de loi à la directive en ce qui concerne les conditions dans lesquelles l'identité du lanceur d'alerte peut être divulguée.

Conformément à la directive, l'identité du lanceur d'alerte ne peut être communiquée à l'autorité judiciaire elle-même que si cela résulte d'une obligation prévue par le droit national. Les motifs pour lesquels son identité est communiquée à l'autorité judiciaire doivent, sauf cas exceptionnel, être fournis au lanceur d'alerte, y compris lorsqu'il a effectué un signalement par le canal interne.

L'amendement COM-33 est adopté.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-34 vise à supprimer la durée limite de trente ans pendant laquelle des « données anonymisées » pourraient être conservées et à préciser le sens de cette notion.

L'amendement COM-34 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 4

L'amendement COM-1 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - La directive européenne prévoit des sanctions à l'encontre des personnes ayant sciemment signalé ou divulgué publiquement de fausses informations.

Les dispositifs aujourd'hui prévus par le droit en matière de diffamation et de dénonciation calomnieuse ne répondent que partiellement à cette exigence. En particulier, le délit de dénonciation calomnieuse n'est constitué que pour des dénonciations effectuées auprès d'une autorité disposant du pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, ce qui ne serait pas nécessairement le cas de toutes les autorités externes intervenant dans le cadre d'une alerte.

Mon amendement COM-35 comble cette lacune.

L'amendement COM-35 est adopté et devient article additionnel.

Article 5

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-36 concerne les irresponsabilités civile et pénale dont bénéficie le lanceur d'alerte ayant agi conformément aux procédures légales.

Outre diverses améliorations d'ordre technique ou rédactionnel, je vous propose de clarifier et de limiter le champ de ces irresponsabilités. Il est bien évidemment légitime que les lanceurs d'alerte bénéficient de ces protections. Compte tenu des risques auxquels ils s'exposent, cela est indispensable. Toutefois, accorder ces protections de manière trop légère ouvrirait la porte à des alertes abusives, loufoques, voire malveillantes. Le subtil équilibre qui doit être trouvé ne me semble pas complètement atteint dans le texte qui nous est proposé.

Pour y parvenir, cet amendement apporte deux modifications majeures.

Il limite le champ de l'irresponsabilité civile et pénale aux seules informations dont le signalement ou la divulgation était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause : dans un objectif de responsabilisation des lanceurs d'alerte, il s'agit d'éviter le signalement ou la divulgation d'une masse d'informations ou de documents dont une partie serait sans lien avec les faits justifiant l'alerte.

Il explicite le fait que le bénéfice de l'irresponsabilité pénale ne s'étend pas aux atteintes à la vie privée ou aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé : elle pourrait, par exemple, être opposée en cas de vol de documents ou d'abus de confiance, mais pas en cas de violation de domicile ou de locaux professionnels.

Cet amendement vise à répondre très concrètement aux craintes qu'a pu susciter ce texte, dans le monde agricole notamment.

L'amendement COM-36 est adopté ; l'amendement COM-16 devient sans objet.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-37 procède à une transposition in extenso des mesures de représailles prohibées listées par la directive. Le système de renvois prévu par la proposition de loi serait en effet source de confusion et d'insécurité juridique.

Premièrement, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale revient à exclure du champ de la protection les personnes qui ne sont soumises ni au code du travail ni au statut général de la fonction publique. On peut notamment citer les travailleurs indépendants, les personnes situées dans une relation de travail atypique, comme les travailleurs des plateformes, les candidats à des procédures de recrutement, les collaborateurs occasionnels, comme les stagiaires ou les bénévoles... Le retour à une liste de portée générale et « dépersonnalisée » pallie ce risque d'omission.

Deuxièmement, la méthodologie des renvois pose une difficulté conceptuelle. Construire un régime à vocation généraliste par renvoi à des dispositions sectorielles n'est ni logique ni lisible ; c'est la démarche inverse qui doit être privilégiée, soit l'adaptation des régimes sectoriels au régime général.

Troisièmement, il est préférable, dans un souci de clarté, de faire figurer l'ensemble des mesures de représailles prohibées au sein d'une seule et même disposition.

L'amendement COM-37 est adopté ; les amendements COM-15 et COM-18 deviennent sans objet.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-38 a trait aux aménagements de la procédure contentieuse en cas de recours d'un lanceur d'alerte contre des représailles ou de procédure bâillon.

Il apporte tout d'abord deux améliorations techniques : il rappelle la possibilité du défendeur de construire sa défense sur d'éventuelles méconnaissances de la procédure d'alerte et clarifie le rôle du juge dans l'appréciation du respect des conditions légales d'alerte.

Surtout, il revient sur la possibilité que la provision visant à couvrir les subsides du lanceur d'alerte puisse être définitivement acquise. En plus d'être intellectuellement contestable, celle-ci est constitutionnellement incertaine. Comment imaginer de décider du caractère définitif d'une provision avant même toute décision sur le fond et alors que le lanceur d'alerte pourrait perdre son procès ? Cela me paraît tout à fait déraisonnable.

L'amendement COM-38 est adopté.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - L'amendement COM-6 limite le bénéfice de l'irresponsabilité aux seuls actes directement liés au signalement ou à la divulgation publique d'informations pour les besoins de l'alerte.

Je partage le raisonnement de son auteur : si les protections accordées aux lanceurs d'alerte sont légitimes et nécessaires, le risque de les voir dévoyées n'est pas à négliger. Accorder l'irresponsabilité pénale et civile trop légèrement ouvrirait la porte à des alertes potentiellement loufoques, voire malveillantes.

C'est pourquoi je vous ai proposé de circonscrire le champ de ces irresponsabilités aux seules informations dont le signalement ou la divulgation était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause et d'inscrire noir sur blanc dans la loi que l'irresponsabilité pénale ne couvre pas les atteintes à la vie privée ou aux systèmes de traitement automatisé de données - nous avons adopté un amendement en ce sens tout à l'heure.

J'émets donc un avis défavorable à l'amendement COM-6 et, pour les mêmes raisons, aux amendements COM-58 et COM-4 .

L'amendement COM-6 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-58 et COM-4.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - L'amendement COM-12 entend élargir le bénéfice du secret des sources aux personnes morales « facilitatrices d'alerte ».

Le secret des sources ne me paraît tout simplement pas transposable au cas des lanceurs d'alerte. Ceux-ci sont des personnes physiques, qui devront bien naturellement révéler leur identité dans le cas d'un signalement à une autorité interne ou externe. Surtout, le secret des sources a été conçu spécifiquement pour les journalistes, pour garantir l'exercice de leur mission d'information du public. Il me paraît sain que cette protection demeure l'apanage des journalistes. Avis défavorable.

L'amendement COM-12 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-39 réécrit quasiment tout l'article 6 : il articule le régime général d'alerte prévu par la proposition de loi avec les régimes sectoriels figurant dans le code du travail. Le résultat nous paraît plus lisible.

L'amendement COM-39 est adopté.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-40 s'inscrit dans la lignée du précédent.

L'amendement COM-40 est adopté.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-41 complète la réécriture de l'article 6.

L'amendement COM-41 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-42 supprime les dispositions relatives à un nouveau référé-liberté « droit d'alerte », où la condition d'urgence serait présumée.

Je partage, sur ce point, l'avis du Conseil d'État et du Gouvernement, qui y sont franchement défavorables. Il convient de ne pas complexifier outre mesure le paysage procédural existant et de ne pas créer une rupture d'égalité entre les requérants selon la liberté fondamentale dont la violation serait alléguée. L'actuel référé-liberté suffit.

L'amendement COM-42 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-43 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8

L'amendement rédactionnel COM-44 est adopté.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-45 concerne la possibilité de publier les jugements sanctionnant les auteurs de représailles ou de procédure bâillon. Il inscrit clairement dans la loi le caractère de sanction que revêtiraient ces décisions de publication.

L'amendement COM-45 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8 bis (nouveau)

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-46 supprime une disposition introduite par le Gouvernement qui est sans rapport avec le régime des lanceurs d'alerte.

L'amendement COM-46 est adopté.

L'article 8 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

L'article 9 est adopté sans modification.

Article 10

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-47 concerne le pouvoir du juge administratif d'enjoindre la réintégration des agents publics lanceurs d'alerte ayant fait l'objet d'une révocation.

Outre diverses améliorations d'ordre technique, il rehausse l'ambition du dispositif en prévoyant que le juge puisse prescrire la réaffectation à son poste précédent de toute personne ayant fait l'objet d'un changement d'affectation. Concrètement, cette rédaction permet de répondre aux situations où un agent s'est retrouvé « placardisé » du fait de son alerte. Cela constitue une protection supplémentaire.

L'amendement COM-47 est adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

L'article 11 est adopté sans modification.

Article 11 bis (nouveau)

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-48 articule le régime général d'alerte avec les régimes sectoriels prévus dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux.

L'amendement COM-48 est adopté.

L'article 11 bis est adopté dans la rédaction issue dans travaux de la commission.

Article 11 ter (nouveau)

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - L'article 11 ter vise à articuler le régime général de protection des lanceurs d'alerte avec divers régimes spéciaux prévus par le code monétaire et financier. Mes amendements procèdent à des ajustements techniques.

Les amendements COM-49 , COM-50 , COM-51 , COM-52 et COM-53 sont adoptés.

L'article 11 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12 A (nouveau)

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-54 vise à assurer l'extension en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie de l'ensemble des dispositions relatives à la protection des lanceurs d'alerte.

L'amendement COM-54 est adopté.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-55 est un amendement de coordination outre-mer.

L'amendement COM-55 est adopté.

L'article 12 A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

L'article 12 est adopté sans modification.

Article 13 (supprimé)

L'article 13 demeure supprimé.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1 er

L'article 1 er est adopté sans modification.

Après l'article 1 er

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-2 prévoit la nomination d'un nouvel adjoint du Défenseur des droits, chargé de l'accompagnement des lanceurs d'alerte. Nous essayons de donner plus de moyens au Défenseur des droits sans tomber sous le coup de l'irrecevabilité financière.

L'amendement COM-2 est adopté et devient article additionnel.

Article 2

L'amendement rédactionnel COM-3 est adopté.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . -La proposition de loi organique prévoit que le Défenseur des droits puisse être saisi par toute personne pour rendre un avis sur sa qualité de lanceur d'alerte, au regard des conditions prévues par la loi Sapin 2. Je vous propose, au travers de mon amendement COM-4 , d'étendre cette compétence aux régimes spéciaux d'alerte.

L'amendement COM-4 est adopté ; l'amendement COM-1 devient sans objet.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3 (nouveau)

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Mon amendement COM-5 vise à porter d'un à deux ans la périodicité du rapport d'évaluation du Défenseur des droits sur le système de protection des lanceurs d'alerte. Cela répond à une demande de l'actuelle Défenseure des droits elle-même, qui pourra, du reste, consacrer un paragraphe de son rapport annuel au sujet.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi organique est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. François-Noël Buffet , président . - La proposition de loi et la proposition de loi organique seront examinées en séance publique le mercredi 19 janvier 2022.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

PROPOSITION DE LOI

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er

Mme DI FOLCO, rapporteur

20

Définition du lanceur d'alerte

Adopté

Mme Mélanie VOGEL

8

Extension aux personnes morales à but non lucratif de la définition du lanceur d'alerte

Satisfait ou sans objet

Mme Mélanie VOGEL

9

Motivations et bonne foi du lanceur d'alerte

Satisfait ou sans objet

Mme Mélanie VOGEL

10

Suppression de la condition tenant à ce que le lanceur d'alerte ait eu personnellement connaissance des informations concernées, lorsqu'elles ont été obtenues en dehors du cadre de ses activités professionnelles.

Satisfait ou sans objet

Mme Mélanie VOGEL

13

Suppression de la dérogation relative au secret des délibérations judiciaires, au secret de l'enquête et de l'instruction

Satisfait ou sans objet

Mme Mélanie VOGEL

14

Ajout de la notion de "risque pour l'intérêt général"

Satisfait ou sans objet

M. CANÉVET

2

Exclusion du régime de l'alerte des informations dont l'obtention résulte d'une infraction pénale autonome

Rejeté

Mme HAVET

56

Exclusion du régime de l'alerte des informations dont l'obtention résulte d'une infraction pénale autonome

Rejeté

M. MENONVILLE

5

Exclusion du régime de l'alerte des informations dont l'obtention résulte d'une intrusion illégale dans le domicile d'autrui ou sur son lieu de travail

Rejeté

Mme DI FOLCO, rapporteur

21

Cas des dérogations aux secrets prévus par la loi

Adopté

Mme Mélanie VOGEL

19

Alerte portant sur des informations couvertes par le secret de la défense nationale

Rejeté

Article 2

Mme DI FOLCO, rapporteur

22

Mesures de protection bénéficiant aux facilitateurs et autres personnes en lien avec un lanceur d'alerte

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

23

Personnes morales agissant en tant que facilitateurs

Retiré

M. CANÉVET

3

Suppression de l'octroi du statut de facilitateur aux personnes morales de droit privé à but non lucratif

Adopté

M. MENONVILLE

7

Suppression de l'octroi du statut de facilitateur aux personnes morales de droit privé à but non lucratif

Adopté

Mme HAVET

57

Suppression de l'octroi du statut de facilitateur aux personnes morales de droit privé à but non lucratif

Adopté

Mme Mélanie VOGEL

17

Protection des personnes « en lien avec un lanceur d'alerte »

Rejeté

Article 3

Mme DI FOLCO, rapporteur

24

Rédactionnel

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

25

Signalement interne

Adopté

Mme Mélanie VOGEL

11

Accord des instances de dialogue social sur la procédure de signalement interne

Satisfait ou sans objet

Mme DI FOLCO, rapporteur

26

Procédure de signalement interne - règles applicables aux groupes de sociétés

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

27

Rédactionnel

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

28

Rédactionnel

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

29

Obligation pour les autorités externes compétentes de rendre compte annuellement de leur action au Défenseur des droits

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

30

Articulation entre les phases de signalement externe et de divulgation publique

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

31

Conditions de divulgation publique directe des informations

Adopté

Article 4

Mme DI FOLCO, rapporteur

32

Rédactionnel

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

33

Condition de divulgation de l'identité du lanceur d'alerte

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

34

Conservation de données anonymisées

Adopté

Articles additionnels après l'article 4

M. DUPLOMB

1

Répression pénale de la violation de domicile

Irrecevable (48-3)

Mme DI FOLCO, rapporteur

35

Sanction des alertes abusives

Adopté

Article 5

Mme DI FOLCO, rapporteur

36

Clarification et limitation du champ des irresponsabilités civiles et pénales

Adopté

Mme Mélanie VOGEL

16

Inopposabilité du devoir de réserve aux agents publics lanceurs d'alerte

Satisfait ou sans objet

Mme DI FOLCO, rapporteur

37

Liste des mesures de représailles prohibées

Adopté

Mme Mélanie VOGEL

15

Liste des mesures de représailles prohibées

Satisfait ou sans objet

Mme Mélanie VOGEL

18

Retrait du terme "abusive" pour qualifier une orientation vers un traitement psychiatrique ou médical de représailles.

Satisfait ou sans objet

Mme DI FOLCO, rapporteur

38

Aménagements de la procédure contentieuse

Adopté

M. MENONVILLE

6

Limitation de l'irresponsabilité du lanceur d'alerte aux actes directement liés au signalement ou à la divulgation publique des informations

Rejeté

Mme HAVET

58

Limitation de l'irresponsabilité du lanceur d'alerte aux actes directement liés au signalement ou à la divulgation publique des informations

Rejeté

M. CANÉVET

4

Limitation de l'irresponsabilité du lanceur d'alerte aux actes directement liés au signalement ou à la divulgation publique des informations

Rejeté

Mme Mélanie VOGEL

12

Extension du secret des sources aux personnes morales facilitatrices d'alerte

Rejeté

Article 6

Mme DI FOLCO, rapporteur

39

Articulation entre le régime général d'alerte et les régimes sectoriels prévus par le code du travail

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

40

Articulation entre le régime général d'alerte et l'obligation d'alerte en cas de produits ou procédés dangereux pour la santé publique ou l'environnement

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

41

Articulation du régime général d'alerte avec les régimes sectoriels d'alerte prévus par le statut général de la fonction publique

Adopté

Article 7

Mme DI FOLCO, rapporteur

42

Suppression du référé-liberté "droit d'alerte"

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

43

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 8

Mme DI FOLCO, rapporteur

44

Amendement rédactionnel

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

45

Publication des sanctions envers les auteurs de représailles ou de procédures bâillons

Adopté

Article 8 bis (nouveau)

Mme DI FOLCO, rapporteur

46

Suppression d'article

Adopté

Article 10

Mme DI FOLCO, rapporteur

47

Injonction à la réintégration des agents publics lanceurs d'alerte

Adopté

Article 11 bis (nouveau)

Mme DI FOLCO, rapporteur

48

Articulation entre le régime général d'alerte et les régimes sectoriels dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux

Adopté

Article 11 ter (nouveau)

Mme DI FOLCO, rapporteur

49

Procédures spéciale de signalement, par les membres du personnel des établissements de crédit, sociétés de financement et assimilés, de manquements aux règles applicables aux prestataires de services bancaires et d'investissement

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

50

Procédures spéciale de signalement des manquements aux règles prudentielles

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

51

Procédures spéciale de signalement, par les membres du personnel des entreprises d'investissement et assimilées, de manquements aux règles applicables aux prestataires de services bancaires et d'investissement

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

52

Procédure de signalement externe de manquements divers auprès de l'Autorité des marchés financiers ou de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

53

Procédure de signalement interne de manquements divers, au sein des entités soumises au contrôle de l'Autorité des marchés financiers ou de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Adopté

Article 12 A (nouveau)

Mme DI FOLCO, rapporteur

54

Application outre-mer

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

55

Coordination outre-mer

Adopté

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article additionnel après l'article 1 er

Mme DI FOLCO, rapporteur

2

Adjoint du Défenseur des droits chargé de l'accompagnement des lanceurs d'alerte

Adopté

Article 2

Mme DI FOLCO, rapporteur

3

Rédactionnel

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur

4

Avis du Défenseur des droits sur la qualité de lanceur d'alerte au regard de régimes spéciaux

Adopté

Mme Mélanie VOGEL

1

Délai imparti au Défenseur des droits pour répondre à une demande d'avis sur la qualité de lanceur d'alerte

Satisfait ou sans objet

Article 3 (nouveau)

Mme DI FOLCO, rapporteur

5

Périodicité du rapport d'évaluation du Défenseur des droits

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 95 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 96 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 97 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 98 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 15 décembre 2021, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 174 (2021-2022) visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives au régime de protection des lanceurs d'alerte, entendus comme les personnes qui signalent ou divulguent publiquement des informations portant sur la violation de règles de droit ou d'autres formes de menace ou de préjudice pour des intérêts protégés, et qui sont de ce fait susceptibles de s'exposer à des sanctions pénales, disciplinaires ou civiles ou à des mesures de représailles.

En revanche, la commission a estimé que ne présentait pas de lien, même indirect, avec le texte déposé , un amendement relatif aux sanctions pénales encourues en cas de violation de domicile.

Lors de la même réunion, la commission des lois a arrêté le périmètre indicatif de la proposition de loi organique n° 173 (2021-2022) visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives aux compétences exercées par le Défenseur des droits pour assister les lanceurs d'alerte, défendre leurs droits et évaluer le système français de protection des lanceurs d'alerte.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la justice, direction des affaires civiles et du sceau

M. Jean-François de Montgolfier , directeur

M. Pierre Rohfritsch , chef du bureau du droit des sociétés et de l'audit

M. Dorian Boujon , rédacteur au sein de ce même bureau

Ministère de la transformation et de la fonction publiques, direction dénérale de l'administration et de la fonction publique

M. Florian Blazy , directeur adjoint

Mme Tessa Tournette , chargée d'études juridiques

Défenseur des droits

Mme Claire Hédon , défenseure des droits

Mme Constance Rivière , secrétaire générale

M. Marc Loiselle , directeur de la protection des droits et des affaires publiques

Mme France de Saint Martin , conseillère parlementaire

Maison des lanceurs d'alerte

Mme Nadège Buquet , co-présidente

M. Glen Millot , directeur général

M. Jean-Philippe Foegle , chargé de plaidoyer

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

M. Bruno Dondero , président de la commission juridique

M. Lionel Vignaud , directeur des affaires économiques, juridiques et fiscales

M. Adrien Dufour , chargé de mission des affaires publiques et organisation

Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

Mme Corinne Lagache , vice-présidente du comité déontologie internationale

M. Bruno Zabala , directeur juridique, éthique et gouvernance des entreprises

M. Grégoire Guinand , chargé de mission senior à la direction des affaires internationales

M. Antoine Portelli , chargé de mission senior à la direction des affaires publiques

Association française des entreprises privées (AFEP)

Mme Odile de Brosses , directrice du service juridique

Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Mme Franca Salis-Madinier , secrétaire nationale CFDT Cadres, vice-présidente du groupe travailleurs au Comité

Confédération générale du travail (CGT)

Mme Sophie Binet , membre de la direction confédérale

Mme Nayla Glaise , membre de la direction de l'UGICT-CGT

Mme Anaïs Ferrer , conseillère confédérale

Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

Mme Anne-Catherine Cudennec , secrétaire nationale Europe & International

Mme Sonia Arbaoui , chargée d'études Europe & International

Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)

Mme Émilie Trigo , secrétaire nationale

Fédération autonome de la fonction publique (FA-FP)

M. Pascal Kessler, président

M . Éric Labourdette , secrétaire général du versant hospitalier de la FA-FP, secrétaire générale de la Fédération autonome de la fonction publique hospitalière (FA-FPH)

Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

M. Étienne Gangneron , vice-président et référent « bien-être animal »

M. Jean-Édouard Leroy , juriste en droit de l'agriculture

M. Guillaume Lidon , responsable des affaires publiques

Contributions écrites :

Commission nationale de l'informatique et des libertés

Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement (cnDAspe)

Assemblée des départements de France

Confédération générale du travail - Force ouvrière (FO)

Union syndicale Solidaires

Association Les Z'Homnivores

Mme Nicole-Marie Meyer, experte alerte éthique (Transparency International France)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives des textes, les tableaux synoptiques de la loi en construction sont disponibles sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-173.html

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-174.html


* 1 Voir l'article 23 du code des délits et des peines du 3 Brumaire An IV (25 octobre 1795).

* 2 Loi n° 2007-1598 du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption .

* 3 Loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament .

* 4 Loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte .

* 5 Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique .

* 6 Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement .

* 7 Le droit d'alerte : signaler, traiter, protéger , étude adoptée par l'assemblée générale plénière du Conseil d'État le 25 février 2016. Cette étude peut être consultée à l'adresse suivante : https://www.conseil-etat.fr .

* 8 La condition de gravité n'est pas expressément exigée lorsque les faits sont constitutifs d'un crime ou d'un délit.

* 9 Sur la polysémie de la notion de bonne foi en droit français (et plus largement dans les droits de tradition romaine), voir Ph. Le Tourneau et M. Poumareyde, « Bonne foi », R. D. Droit civil , janvier 2017.

* 10 Décret n° 2017-564 du 19 avril 2017 relatif aux procédures de recueil des signalements émis par les lanceurs d'alerte au sein des personnes morales de droit public ou de droit privé ou des administrations de l'État .

* 11 « N'est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu'elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d'alerte prévus à l'article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »

* 12 Article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et article L. 1132-3-3 du code du travail.

* 13 D'une manière générale, la liberté d'expression limite les conditions dans lesquelles la responsabilité civile d'une personne peut être recherchée, sur le fondement de la faute, pour des propos qu'elle a tenus. En principe, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1240 (ancien article 1382) du code civil (Cass. ass. plén., 12 juill. 2000, n° 98-10.160 et Cass. ass. plén., 12 juill. 2000, n° 98-11.155). La réparation des dommages subis doit donc être demandée par la partie civile dans le cadre d'un procès pénal fondé sur la législation sur la presse (par exemple pour diffamation). Le cas de violation d'un secret protégé par la loi ou d'une obligation de confidentialité fait cependant partie des hypothèses dans lesquelles l'article 1240 du code civil est invocable (voir Cass., com., 13 juin 2019, n° 18-10.688, à propos d'une violation de l'obligation de confidentialité imposée aux personnes appelées à une procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ).

* 14 Rapport d'information n° 4325 (XV e législature) fait, au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, par MM. Raphaël Gauvain et Olivier Marleix sur l'évaluation de l'impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 » , consultable à l'adresse suivante : https://www.assemblee-nationale.fr .

* 15 Rapport d'information précité, p. 141.

* 16 Le rapport d'information précité fait état d'un sondage selon lequel 51 % des cadres du secteur privé seulement ont à leur disposition un dispositif d'alerte interne à leur entreprise ou leur organisation. Dans le secteur public, de tels dispositifs semblent avoir été mis en place dans la quasi-totalité des administrations de l'État, mais ils font encore trop souvent défaut dans les administrations locales (selon des statistiques du Défenseur des droits, moins de 30 % des collectivités territoriales de plus de 30 000 habitants en étaient dotés à la fin de l'année 2018).

* 17 Voir ci-avant : le pouvoir réglementaire a omis de désigner les autorités administratives compétentes pour recueillir et traiter les signalements externes.

* 18 Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union . Pour plus de précisions sur le contenu de la directive, voir le commentaire des articles de la proposition de loi.

* 19 Les considérants de la directive précisent qu'il s'agit d'une « référence dynamique » : « Si un acte de l'Union figurant en annexe a été modifié ou est modifié, la référence est faite à l'acte modifié ; si un acte de l'Union figurant en annexe a été remplacé ou est remplacé, la référence est faite au nouvel acte. » (cons. 19)

* 20 Cons. 36 de la directive précitée.

* 21 Précisons qu'il peut s'agir de violations passées ou susceptibles de se produire. (La loi française, par la référence aux « menaces (...) pour l'intérêt général », vise aussi les faits à venir.)

* 22 Les considérants de la directive précisent : « Si les auteurs de signalement ont obtenu les informations ou documents concernés ou y ont eu accès en commettant une infraction pénale, telle qu'une atteinte physique aux droits de propriété ou un piratage informatique, leur responsabilité pénale devrait demeurer régie par le droit national applicable. » (cons. 92)

* 23 Voir le préambule du présent rapport et l'article 2 de la directive.

* 24 Article 5 de la directive.

* 25 Articles 4 à 6 de la directive.

* 26 Article 5 de la directive.

* 27 Article 4 de la directive.

* 28 Voir le considérant 30 : « La présente directive ne devrait pas s'appliquer aux cas dans lesquels des personnes qui, après avoir donné leur consentement éclairé, ont été identifiées comme informateurs ou enregistrées comme tels dans des bases de données gérées par des autorités désignées au niveau national, telles que les autorités douanières, et signalent des violations aux services répressifs en échange d'une récompense ou d'une indemnisation. Ces signalements sont effectués conformément à des procédures spécifiques qui visent à garantir l'anonymat de ces personnes afin de protéger leur intégrité physique et qui sont distinctes des canaux de signalement prévus par la présente directive. »

* 29 Outre l'amendement du rapporteur dont il est question ci-après, un amendement de précision du groupe Socialistes et apparentés a été adopté en commission.

* 30 Il n'est pas expressément exigé (comme le prévoit la directive) que ces informations fournissent des motifs raisonnables de croire qu'une violation a été commise ou est susceptible de l'être. Toutefois, le maintien d'un critère de bonne foi (non prévu par la directive) permet d'atteindre le même objectif.

* 31 La directive n'a certes pas pour objet de protéger des personnes qui signaleraient des informations qu'elles savent inexactes (voir le considérant 42). Mais, comme il a été rappelé précédemment, la bonne foi est une notion polysémique qui implique l'absence d'intention de nuire.

* 32 Étant entendu, cependant, que la directive n'a pas vocation à s'appliquer aux indicateurs rémunérés (voir ci-avant).

* 33 Comme l'a relevé le Conseil d'État dans son avis sur la proposition de loi, « le fait que les États membres n'ont pas introduit dans la directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019 une condition analogue [à savoir, la condition liée à la gravité des faits et à leur caractère manifeste] n'est sans doute pas sans rapport avec leur choix de circonscrire la protection à certains domaines juridiques - dont ne font pas partie, notamment, les relations de travail - et à des textes limitativement énumérés, parmi lesquels ne figure pas, en particulier, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ».

* 34 Malgré une différence rédactionnelle par rapport au droit en vigueur, c'est toujours le secret protégé par l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques qui est visé ; il englobe l'ensemble des informations recueillies par un avocat dans le cadre de ses relations avec un client, dans le domaine de la défense comme dans celui du conseil.

* 35 Article 3 de la directive. Selon certaines personnes entendues par le rapporteur, l'ajout du secret des délibérations judiciaires et du secret de l'enquête ou de l'instruction judiciaire serait contraire à la « clause de non-régression » prévue par la directive (« La mise en oeuvre de la présente directive ne peut, en aucun cas, constituer un motif pour réduire le niveau de protection déjà offert par les États membres dans les domaines régis par la présente directive », article 25). Le rapporteur n'est pas de cet avis, car, précisément, les informations couvertes par ces secrets n'entrent pas dans le champ d'application de la directive.

* 36 Rapport n° 4663 (XV e législature) de M. Sylvain Waserman, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, p. 17. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.assemblee-nationale.fr .

* 37 Les causes d'irresponsabilité pénale qui ne sont pas propres à l'auteur de l'infraction (comme l'aliénation mentale), mais s'expliquent par des raisons objectives (comme l'autorisation de la loi ou le commandement de l'autorité légitime) entraînent également l'irresponsabilité des personnes ayant concouru à l'accomplissement des faits (Cass. crim., 17 févr. 1981 : Bull. crim . n° 63).

* 38 Articles 4 et 5 de la directive précitée.

* 39 La rédaction initiale de la proposition de loi y ajoutait les « personnes qui signalent auprès des institutions, organes ou organismes de l'Union européenne compétents des informations entrant dans le champ d'application de la directive », mais cette disposition a été supprimée par les députés en commission, sur proposition du rapporteur, car les personnes concernées ont la qualité de lanceur d'alerte et il ne s'agissait ici que de désigner l'autorité destinataire de l'alerte. Plusieurs amendements rédactionnels ou de précision ont également été adoptés par les députés, en commission puis en séance publique, outre l'amendement réservant le bénéfice des mesures de protection aux personnes morales de droit privé à but non lucratif, lorsqu'elles agissent en tant que facilitateurs (voir ci-après).

* 40 Voir le préambule du présent rapport.

* 41 Il convient de noter que, si l'administration de l'Assemblée nationale et celle du Sénat seront soumises à l'obligation de mettre en place une procédure de recueil et de traitement des signalements, dans les conditions prévues par la loi et par la directive du 23 octobre 2019, les modalités de cette procédure seront fixées librement par les autorités de chaque assemblée, sans que les dispositions prises par le Gouvernement par voie réglementaire puissent avoir à leur égard force obligatoire, conformément aux principes de séparation des pouvoirs et d'autonomie des assemblées parlementaires.

* 42 La liste des autorités externes compétentes désignées par décret en Conseil d'État ne pourra, en effet, pas être exhaustive, compte tenu du champ matériel d'application presque illimité de la loi « Sapin 2 ». En revanche, une autorité externe devra être désignée pour chacune des catégories de violations entrant dans le champ de la directive.

* 43 Il s'agit plus exactement des mesures de représailles interdites en application du I de l'article 10-1 de la loi « Sapin 2 », dans sa rédaction prévue par la proposition de loi (voir le commentaire de l'article 5).

* 44 Le texte transmis ne traitait pas des entreprises exploitées en nom propre par des personnes physiques. Il comportait des dispositions contradictoires en ce qui concerne les EPCI à fiscalité propre ne comportant parmi leurs membres aucune commune de plus de 10 000 habitants mais employant au moins cinquante agents ; il laissait dans l'ombre le cas des syndicats de communes.

* 45 Il appartiendrait donc à ces collectivités et établissements (notamment ceux comptant entre 250 et 349 agents, obligatoirement affiliés) de s'organiser comme il leur semblerait bon, soit en traitant en interne l'ensemble des signalements, soit en confiant le traitement d'une partie d'entre eux (en pratique, les plus nombreux) au centre de gestion.

* 46 Cette condition aurait toutefois gagné à être précisée, car les illustrations proposées laissent entendre qu'il est non seulement exigé que le signalement externe ne soit pas de nature à remédier à la violation, mais aussi qu'il soit de nature à empêcher qu'il y soit remédié.

* 47 L'amendement adopté prévoit que les informations peuvent être divulguées publiquement, sans signalement externe préalable, « en cas de danger imminent et manifeste ». La condition liée à la gravité du danger n'a pas été expressément introduite ici, la commission ayant prévu à l'article 1 er de la proposition de loi que le régime de l'alerte ne s'applique qu'aux informations portant, soit sur des violations entrant dans le champ de la directive du 23 octobre 2019, soit sur des crimes, des délits ou d'autres violations graves de règles de droit, ou encore sur des actes ou omissions allant gravement à l'encontre des objectifs poursuivis par ces règles. Le texte de la commission réserve également les cas où il existe un risque de représailles et ceux où un signalement externe serait inefficace en raison des circonstances particulières de l'affaire.

* 48 Article L. 1311-2 du code du travail.

* 49 Ce verbe fait ici référence à toute communication non autorisée et n'implique pas que les informations soient accessibles au public (contrairement à l'expression « divulgation publique » employée par la directive et l'article 8 de la loi « Sapin 2 » tel que modifié par la proposition de loi).

* 50 Article 9 de la directive du 23 octobre 2019 précitée.

* 51 Article 10 de la directive précitée.

* 52 Article 16 de la directive précitée.

* 53 Article 23 de la directive précitée.

* 54 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE .

* 55 Directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil .

* 56 Article 17 de la directive du 23 octobre 2019 précitée.

* 57 Article 18 de la directive précitée.

* 58 Dans la rédaction initiale de cette disposition, résultant de l'amendement adopté en commission, la conservation d'informations pendant une donnée maximale de trente ans n'était permise que « dans la mesure utile au repérage et à l'étude d'effets différés sur la santé publique et l'environnement ». En revanche, l'anonymisation des signalements n'était pas exigée.

* 59 Cour administrative d'appel de Nantes, 1 er juin 2021, 19NT03158.

* 60 Assemblée nationale, Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, Rapport d'information sur l'évaluation de l'impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 » (2021).

* 61 Chambre des Lords, Ullah v. Secretary of State for the Home Department, 2004 (opinion motivée de Lord Bingham sur la nécessité d'aller au-delà des exigences fixées par la convention européenne des droits de l'homme).

* 62 À compter du 1 er mars 2022, cette disposition figurera à l'article L. 135-2 du nouveau code général de la fonction publique.

* 63 Article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

* 64 La protection des informations classifiées, la protection du secret professionnel des avocats et du secret médical, le secret des délibérations judiciaires et les règles en matière de procédure pénale.

* 65 Voir infra .

* 66 Amendements n° 96 du groupe La République en Marche , n° 97 du groupe Mouvement Démocrate , n° 124 du groupe Agir Ensemble et n° 136 du rapporteur.

* 67 Aux termes de l'article 314-1 du code pénal « L'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ».

* 68 Le champ d'application de cette disposition était initialement limité au référé prud'hommal mais l'adoption d'un amendement n° 126 du rapporteur en séance à l'Assemblée nationale l'a étendu à toutes les procédures devant le conseil des prud'hommes.

* 69 Un plafond majoré de 8 000 euros est prévu à l'article R. 6323-3-1 du code du travail au bénéfice des salariés qui n'ont « pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme classé au niveau 3, un titre professionnel enregistré et classé au niveau 3 du répertoire national des certifications professionnelles ou une certification reconnue par une convention collective nationale de branche ».

* 70 Articles L. 521-1 et L. 521-3 du code de justice administrative.

* 71 Article 177-2 du code de procédure pénale.

* 72 Article 212-2 du code de procédure pénale.

* 73 Assemblée nationale, Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, rapport d'information sur l'évaluation de l'impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 » (2021).

* 74 Cf. commentaire de l'article 8.

* 75 Assemblée nationale, Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, rapport d'information sur l'évaluation de l'impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 » (2021).

* 76 Dans sa décision n°2016-740 DC du 8 décembre 2016 sur la loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte, le Conseil constitutionnel a estimé que « la mission confiée par les dispositions constitutionnelles [relatives] au Défenseur des droits de veiller au respect des droits et libertés ne comporte pas celle d'apporter lui-même une aide financière, qui pourrait s'avérer nécessaire, aux personnes qui peuvent le saisir. Dès lors, le législateur organique ne pouvait, sans méconnaître les limites de la compétence conférée au Défenseur des droits par la Constitution, prévoir que cette autorité pourrait attribuer aux intéressés une aide financière ou un secours financier ».

* 77 En l'état, son deuxième alinéa prohibe toute sanction ou mesure discriminatoire à l'encontre des fonctionnaires auteurs d'une alerte dans le respect de procédures établies par la loi « Sapin 2 » ( Cf. Commentaires des articles 5 et 6).

* 78 Son deuxième alinéa contient des dispositions similaires pour les militaires mais exclut toutefois la possibilité pour les militaires, d'une part, d'adresser directement un signalement à l'autorité judiciaire ou administrative et, d'autre part, de procéder directement à une divulgation publique en cas de danger grave et imminent ou en présence d'un risque de dommages irréversibles.

* 79 En l'état, son deuxième alinéa contient des dispositions similaires au régime applicable aux fonctionnaires ( Cf. Commentaire des articles 5 et 6).

* 80 L'article L. 313-24 du code de l'action sociale et des familles protège contre les mesures défavorables « en matière d'embauche, de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail, ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire ».

* 81 Cf. Commentaire de l'article 6.

* 82 Y compris les membres du personnel de l'AMF ou de l'APCR, pour qui il s'agit donc d'une procédure de signalement « interne ».

* 83 La portée de cette exigence est toutefois assez incertaine, comme il est expliqué ci-après.

* 84 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE .

* 85 Les règles d'articulation du régime général et des régimes spéciaux de protection prévues à l'article 1 er de la proposition de loi laissent ce point dans l'ombre.

* 86 Ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme .

* 87 En particulier, dans le régime général, les lanceurs d'alerte ne peuvent divulguer publiquement les informations dont ils disposent, tout en bénéficiant des mesures de protection, qu'à la condition (sauf exceptions) d'avoir préalablement effectué un signalement et laissé à l'autorité compétente le temps nécessaire pour y apporter une réponse appropriée et la lui faire connaître. Ces dispositions seraient dépourvues de sens en ce qui concerne les lanceurs d'alerte anonymes, qui ne peuvent recevoir aucun retour d'informations.

* 88 En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, l'État n'est pas compétent en matière de droit commercial.

* 89 Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits . La liste (très large) des personnes habilitées à saisir le Défenseur des droits est fixée à l'article 5 de cette loi organique.

* 90 Loi organique n° 2016-1690 du 9 décembre 2016 relative à la compétence du Défenseur des droits pour l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte .

* 91 Voir ci-avant, le commentaire de l'article 2 de la proposition de loi ordinaire.

* 92 Voir le commentaire de l'article 3 de la proposition de loi ordinaire.

* 93 Sur ces dispositions, les autres amendements adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture sont de clarification.

* 94 Contrairement à ce qui a pu être avancé, ce délai n'est pas contraire à la directive du 23 octobre 2019, puisque il ne s'agit pas ici d'une procédure de recueil et de traitement « externes » de signalements, mais d'une procédure consultative non prévue par la directive.

* 95 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 96 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 97 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 98 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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