B. LES MODALITÉS D'EXÉCUTION DE LA MISSION SONT TRÈS DÉROGATOIRES
1. Les actions ne sont pas menées par l'administration responsable des programmes
De manière générale, les mesures de la mission « Plan de relance » ne sont pas menées par la direction du budget, qui est pourtant responsable, au sens de la gestion budgétaire, des trois programmes, mais par les administrations « métier » qui ont reçu les crédits par convention de délégation de gestion ou par transferts.
a) Les crédits sont mis à disposition d'autres administrations par délégation de gestion ou transfert
Une circulaire publiée le 11 janvier 2021 5 ( * ) a prévu que le mode de gestion normal pour les crédits de la mission « Plan de relance » serait celui de la délégation de gestion , au titre de laquelle les crédits restent confiés au gestionnaire de programme ; une convention indique alors les modalités de gestion et de suivi des crédits entre le ministère de l'économie et le ministère chargé de la mise en oeuvre des actions ainsi financées.
Une trentaine de conventions ont organisé la délégation de gestion des crédits pour environ 90 % des crédits de la mission, avec la plupart des ministères. Les crédits restent alors consommés sur le programme d'origine, même s'ils sont utilisés en pratique par le ministère « métier ».
À titre d'exemple, l'action 01 « Rénovation thermique » du programme 362 « Écologie » relève à elle seule de six budgets opérationnels de programme distincts, eux-mêmes en lien avec de nombreuses administrations centrales et déconcentrées 6 ( * ) .
La circulaire précitée du 11 janvier 2021 prévoit que moins de 15 % des crédits pourront faire l'objet d'un transfert vers d'autres ministères , « notamment pour des dispositifs mobilisant des circuits de gestion complexes ».
Trois décrets ont transféré des crédits de la mission « Plan de relance » vers d'autres ministères 7 ( * ) , pour un montant total de 3,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,0 milliards d'euros en crédits de paiement, soit moins de 10 % des crédits ouverts : la condition fixée par la circulaire a donc été respectée. Ces transferts ont notamment porté sur la rénovation des logements sociaux, le financement de la recherche aéronautique civile ou la revalorisation de la rémunération des adultes en formation.
Un transfert a également été effectué en sens inverse. Des autorisations d'engagement non utilisées sur le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi » ont été transférées en fin de gestion, à hauteur de 416,5 millions d'euros, vers le programme 364, afin de financer l'aide exceptionnelle à l'apprentissage.
b) Une forte proportion des crédits sont transférés à des opérateurs
Si les programmes sont placés sous la responsabilité budgétaire de la direction du budget et que les crédits sont mis à disposition des directions métiers, la mise en oeuvre pratique des mesures repose souvent sur de très nombreux opérateurs 8 ( * ) , alors même qu'aucun opérateur n'est rattaché aux programmes de la mission dans la nomenclature budgétaire.
Par exemple, sur le programme 362 « Écologie », l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) a reçu des crédits à hauteur de 2,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 0,5 milliard d'euros en crédits de paiement pour la réalisation de projets d'infrastructure et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a été attributaire, pour le financement de la rénovation des logements privés, de 1,5 milliard d'euros consommés en autorisations d'engagement et 0,6 milliard d'euros en crédits de paiement.
Sur le programme 364, l'Agence de services et de paiements, à elle seule, a géré des crédits issus du plan de relance pour un montant de 12,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 9,7 milliards d'euros en crédits de paiement, soit plus des deux tiers des crédits du programme, dont 6,0 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 4,0 milliards d'euros en crédits de paiement au titre de la prime exceptionnelle à l'apprentissage 9 ( * ) .
Crédits de la mission « Plan de relance » alloués aux opérateurs
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, à partir du rapport annuel de performances
Or les dépenses exécutées par les opérateurs ne font pas l'objet d'un suivi harmonisé . Surtout, la consommation des crédits est enregistrée dans les comptes de l'État dès leur versement à l'opérateur, et non lors de l'utilisation effective de ces crédits par l'opérateur. Le suivi des dépenses est plus complexe et dépend ensuite du dispositif et de l'opérateur 10 ( * ) .
2. Par l'emploi de procédures diverses, l'exécution des crédits est assez éloignée de la prévision en loi de finances
a) La mission « Plan de relance » a financé un dispositif d'activité partielle relevant en réalité de la mission « Plan d'urgence »
Comme le rapporteur général s'en est étonné dès l'examen du projet de décret d'avance de mai 2021 11 ( * ) , ainsi que la Cour des comptes à plusieurs reprises, la gestion des crédits de l'activité partielle sur le plan de relance a été marquée en 2021 par une véritable confusion entre deux véhicules budgétaires , à savoir le programme 356 « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire » de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » et le programme 364 « Cohésion » de la mission « Plan de relance ».
Sur l'action 01 « Sauvegarde de l'emploi » du programme 364, la loi de finances pour 2021 avait ouvert une enveloppe de 4,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour financer deux nouveaux dispositifs : l'activité partielle de longue durée (APLD) et l'activité partielle de droit commun (APDC).
Or, ces dispositifs ont été peu utilisés, entraînant sur l'ensemble de l'année une consommation de 709,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Dans le même temps, la prolongation de la crise sanitaire a nécessité un recours prolongé au dispositif d'activité partielle d'urgence porté par le programme 356 de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ».
Au lieu d'ouvrir les crédits nécessaires sur le programme 356, ce qui aurait été possible compte tenu des reports de crédits très importants effectués en début d'année ou bien dans le cadre d'un texte spécifique (décret d'avance ou loi de finances rectificative), le Gouvernement a alors utilisé les crédits du plan de relance pour financer une mesure qui relevait en fait de la politique de soutien d'urgence .
b) De nombreux reports, ainsi que des ouvertures de crédits en cours d'année, ont complété les crédits ouverts en loi de finances initiale
La mission « Plan de relance » a bénéficié en début d'année de reports de crédits importants de l'année 2020, à hauteur de 3,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 328,7 millions d'euros en crédits de paiement.
Ces reports ont permis notamment de reprendre sur la mission « Plan de relance » des mesures (aides à l'embauche et à l'alternance, contrats aidés, emplois francs...) lancées en 2020 sur la mission « Travail et emploi ».
Par la suite, la première loi de finances rectificative du 19 juillet 2021 a ouvert des crédits supplémentaires , à hauteur de 4,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 4,9 milliards d'euros en crédits de paiement.
Ces ouvertures de crédits résultaient notamment de la nécessité de recharger les crédits du programme 364, suite à la décision du Gouvernement, mentionnée supra , d'utiliser ces crédits pour financer l'activité partielle d'urgence.
En fin d'année, la seconde loi de finances rectificative a encore ouvert des crédits de 2,3 milliards d'euros, en autorisations d'engagement uniquement, afin de financer l'extension de plusieurs dispositifs tels que le fonds de réhabilitation des friches, les projets de transports collectifs en site propre et le plan « 1 jeune, 1 solution ».
Ces ouvertures de crédits sont intervenues en complément à de nombreux redéploiements internes - permis par la taille importante des programmes budgétaires - qui ont réalimenté des mesures connaissant une application plus rapide ou plus importante que prévu, tels que le fonds de réhabilitation des friches ou le dispositif « Industrie du futur ».
* 5 Circulaire 2REC-21-3622 (NOR CPPB2100712C) de gestion budgétaire du plan de relance, 11 janvier 2021.
* 6 Cartographie des budgets opérationnels de programme, en date du 5 janvier 2021.
* 7 Décrets n° 2021-84 du 28 janvier 2021, n° 2021-831 du 28 juin 2021 et n° 2021-1509 du 19 novembre 2021.
* 8 Selon le rapport annuel de performances, 76 opérateurs ont reçu des crédits du programme 362, 75 de la part du programme 363 et 21 de la part du programme 364.
* 9 L'autre dépense majeure faite par l'Agence de services et de paiement aux entreprises est l'indemnisation de l'activité partielle.
* 10 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire sur l'exécution de la mission « Plan de relance » en 2021.
* 11 Rapport d'information n° 576 (2020-2021) de Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances sur un projet de décret d'avance, déposé le 12 mai 2021.