D. UN COÛT DE LA COMPENSATION CARBONE DES SITES TRÈS ELECTRO-INTENSIFS EN FORTE HAUSSE
Le dispositif de compensation carbone porté par le programme 134 vise à permettre la compensation, pour les sites électro-intensifs, du système européen des quotas d'émissions (SEQE). Le dispositif, notifié et validé par la Commission européenne, est régi par l'article L. 122-8 du code de l'énergie.
Ce dispositif a récemment fait l'objet d'une réforme au niveau européen. Dans sa communication du 25 septembre 2020 portant sur les « Lignes directrices concernant certaines aides d'État dans le contexte du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre après 2021 », la Commission européenne a mis à jour la liste des secteurs pouvant bénéficier de cette aide afin de s'assurer qu'elle comporte toujours les secteurs exposés à un risque significatif de fuite de carbone. Par ailleurs la Commission européenne a rappelé qu'outre lutter contre les fuites de carbone, l'objectif est aussi d'inciter les bénéficiaires à adopter des comportements plus efficaces sur le plan énergétique, et à limiter les distorsions du marché intérieur.
Si les modalités de calcul de l'aide sont restées sensiblement inchangées, les modalités de calcul du facteur d'émission applicable à la France ont été revues à la baisse par la Commission . La France a proposé à la Commission un facteur d'émission basé sur le marché, conformément aux lignes directrices. Les autorités françaises sont en attente de la validation du dispositif par la Commission européenne, au regard de sa compatibilité avec les règles du marché intérieur 56 ( * ) .
Par ailleurs, la France s'est engagée à vérifier que les bénéficiaires de l'aide réalisent régulièrement des audits énergétiques, tous les 4 ans, et qu'ils mettent en oeuvre les recommandations contenues dans ledit rapport d'audit.
Les rapporteurs spéciaux considèrent que ce dispositif, en faveur des entreprises électro-intensives (sidérurgie, papier/carton, chimie, etc .), est pleinement justifié par les risques que ferait peser sur ces industries une hausse trop brutale du niveau d'imposition.
Les coûts du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre répercutés sur les prix de l'électricité pourraient en effet avoir des effets très négatifs sur les entreprises très consommatrices en énergie. Il est donc nécessaire de permettre transitoirement une compensation pour accompagner les entreprises.
D'après le texte déposé devant l'Assemblée nationale, la compensation carbone devait représenter, en 2023, 856 millions d'euros (en AE=CP). Les rapporteurs spéciaux constatent que le coût de cette compensation est supérieur de 512 millions d'euros par rapport à 2022 (où il s'établissait à 344 millions d'euros), soit une très forte hausse. Une partie de cette hausse, soit environ 150 millions d'euros, est la conséquence du fait que le versement de l'aide en 2022 au titre des coûts supportés durant l'année 2021 n'a donc toujours pas pu être effectué 57 ( * ) , dans l'attente de d'accord de la Commission européenne sur le facteur d'émission de l'électricité consommée en France.
Le montant de la compensation carbone dépend de plusieurs éléments :
- le facteur d'émission de l'électricité consommée en France . Il est établi sur la base d'une étude de la teneur en CO 2 de la technologie marginale déterminant le prix effectif sur le marché de l'électricité. Sa détermination fait cependant toujours l'objet de discussions avec la Commission européenne ;
- le prix du quota du SEQE . Il est fixé par arrêté des ministres chargés de l'industrie, de l'énergie et du budget, et correspond au prix moyen de la tonne de CO 2 l'année précédente ;
- le référentiel d'efficacité , dont la valeur varie en fonction de l'activité de l'entreprise ;
- la production annuelle éligible de l'entreprise , exprimée en tonnes ;
- l'intensité maximale de l'aide ; correspondant à 75 % . Elle est fixée annuellement par arrêté.
Le facteur d'émission et les référentiels d'efficacité connaissent une baisse notable, avec la révision des lignes directrices, entre 2020 et 2021, le budget de la compensation carbone connaîtra une hausse continue, en raison du prix du quota de CO 2 qui rencontre une tendance haussière nette depuis 2020, entraînée notamment par l'anticipation du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » ou « Fit for 55 » et de ses ambitions environnementales renforcées.
Ainsi, pour l'aide versée au titre des coûts supportés durant les années 2021, 2022 et 2023, les coûts suivants sont estimés par le Gouvernement, sur la base d'une intensité de l'aide de 75 % :
Année de l'aide (versée au titre de l'année N-1) |
2022 |
2023 |
2024 |
Prix quota N-1 prévisionnel (euro/t) |
25,10 |
46,8 |
50,5 |
Ensemble du coût de la mesure (en millions d'euros) |
494 |
856 |
1 101 |
Un tel dynamisme du coût de la compensation carbone , d'ailleurs cohérent avec la hausse prévue dans les années à venir des crédits du programme 134 58 ( * ) , interroge les rapporteurs spéciaux sur sa soutenabilité à moyen terme.
* 56 Réponses au questionnaire budgétaire.
* 57 La compensation est versée habituellement l'année suivant l'année au cours de laquelle les coûts sont supportés. Une avance a toutefois été mise en oeuvre en 2022 pour venir soulager pour partie la charge de trésorerie provoquée par cette mécanique. Cette avance porte sur une part de la compensation à laquelle les entreprises pourront prétendre l'année suivante (part plafonnée à 24,45 % de ces coûts).
* 58 Voir supra .