II. LA PROPOSITION DE LOI : UN COUP DE PROJECTEUR SUR UN PROBLÈME ÉMERGENT

L'article 1er de la proposition de loi vise à introduire la protection de la vie privée de l'enfant parmi les obligations des parents au titre de l'autorité parentale, aux côtés de la sécurité, la santé et la moralité (article 371-1 du code civil).

L'article 2 tend à préciser que le droit à l'image de l'enfant mineur est exercé en commun par les deux parents et qu'ils doivent y associer l'enfant selon son âge et son degré de maturité (article 372 du code civil).

L'article 3 prévoit qu'en cas de désaccord entre les parents quant à l'exercice des actes non-usuels relevant du droit à l'image de l'enfant, le juge aux affaires familiales (JAF) peut interdire à l'un des parents de publier ou de diffuser tout contenu sans l'autorisation de l'autre parent - ces mesures pouvant être ordonnées en référé en cas d'urgence (article 373-2-6 du code civil).

L'article 4 ouvrirait la voie à une délégation forcée de l'exercice du droit à l'image de l'enfant lorsque la diffusion de l'image de celui-ci porte gravement atteinte à sa dignité ou son intégrité morale (article 377 du code civil).

Selon les associations, la Défenseure des droits, Claire Hédon, et le Défenseur des enfants, Eric Delemar, entendus par la rapporteure, le principal apport de la proposition de loi serait de favoriser une prise de conscience collective sur le droit à l'image des enfants qui est un problème émergent. Bruno Studer lui-même l'a décrite comme « une loi de pédagogie » à destination des parents.

L'apport juridique de cette initiative est en revanche plus limité. Veiller au respect de la vie privée de l'enfant fait en effet déjà partie de la mission exercée conjointement par les parents dans le cadre de l'autorité parentale, à savoir « protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ».

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : RENDRE PLUS EFFECTIF LE DROIT À L'IMAGE DES ENFANTS

Consciente des nouveaux enjeux que le numérique fait naître en matière de droit à l'image des enfants, la commission a adopté une approche constructive dans le cadre de l'examen de la proposition de loi, bien qu'elle fasse sienne la conviction de la rapporteure qu'en la matière, l'éducation et la sensibilisation des parents sont primordiales au regard de ce que permet déjà le droit en vigueur.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a choisi :

d'accepter la dimension pédagogique de la loi et d'intégrer la notion de vie privée dans la définition de l'autorité parentale de l'article 371-1 du code civil, pour expliciter ce qu'est le « respect dû à la personne de l'enfant » (article 1er) ;

- d'inscrire dans la loi que la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée d'un enfant, ce qui comprend les photos et vidéos, nécessite l'accord des deux parents ; cette disposition éviterait toute divergence d'approche entre juridictions pour décider s'il s'agit d'un acte usuel ou non usuel et permettrait au parent non consentant de saisir le JAF d'une demande d'interdiction (article 3) ;

- de permettre à la CNIL d'agir en référé dès lors qu'il y a une atteinte aux droits des mineurs en matière de données à caractère personnel, sans condition de gravité ou d'immédiateté (article 5) ; la Commission pourrait sur cette base demander le blocage d'un site internet dont l'éditeur ne répondrait pas aux demandes d'effacement ou ne prouverait pas avoir l'accord des deux parents pour la publication relative à l'enfant.

En revanche, la commission a supprimé les articles 2 et 4 de la proposition de loi, le premier parce qu'il n'est qu'une répétition du droit existant et, le second car la délégation forcée de l'exercice du droit à l'image de l'enfant en cas de diffusion de l'image de l'enfant portant gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale ne semble pas apporter de solution efficiente au regard de ce que peut déjà le juge des enfants.

Les thèmes associés à ce dossier