N° 584

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 mai 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos,

Par M. François BONHOMME,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer, secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled.

Voir les numéros :

Sénat :

363 et 585 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Sur le rapport de François Bonhomme (Les Républicains - Tarn-et-Garonne), la commission des lois a adopté le mercredi 10 mai 2023, avec modifications, la proposition de loi n° 363 (2022-2023) déposée par Catherine Deroche (Les Républicains - Maine-et-Loire) et plusieurs de ses collègues, visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos.

Les jeux d'argent et de hasard, dont les casinos font partie, sont régis par un principe de prohibition1(*) qui connait toutefois des dérogations limitatives et encadrées2(*).

La législation en vigueur bénéficie essentiellement à des communes du littoral qui disposent déjà de nombreux atouts touristiques, à l'inverse d'autres territoires bien plus enclavés. Le texte tend ainsi à réduire les inégalités territoriales qui existent pour l'ouverture de casinos en permettant aux communes disposant d'une activité pluriséculaire autour du cheval - à l'instar de Saumur et d'Arnac-Pompadour - de pouvoir accueillir ce type d'établissement, dans le but notamment, de soutenir les activités et infrastructures équestres locales.

La commission, partageant l'objectif poursuivi par les auteurs de la proposition de loi, a souhaité améliorer le dispositif proposé en s'assurant que les communes visées satisfont aux critères pertinents justifiant l'ouverture d'un casino sur leur territoire d'une part, et, d'autre part en permettant aux communes dotées des infrastructures équestres similaires à celles de Saumur et d'Arnac-Pompadour, de pouvoir, le cas échéant, accueillir un casino.

I. L'OUVERTURE D'UN CASINO MUNICIPAL EST PAR PRINCIPE PROHIBÉE MAIS DES DÉROGATIONS LIMITATIVES SONT PRÉVUES PAR LA LOI ET SOUMISES À UN MÉCANISME DE DOUBLE AUTORISATION

A. UN PRINCIPE DE PROHIBITION DES JEUX D'ARGENT ET DE HASARD QUI CONNAIT DES DÉROGATIONS MULTIPLES

1. Depuis près de deux siècles, l'État encadre de manière stricte les jeux d'argent et de hasard

Le principe général d'interdiction des jeux de hasard, issu de la loi du 21 mars 1836 portant prohibition des loteries, est actuellement repris à l'article L. 320-1 du code de la sécurité intérieure qui dispose que « les jeux d'argent et de hasard sont prohibés »3(*). La violation de cette interdiction est punie de trois ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende4(*).

Cette interdiction est justifiée par des motifs d'intérêt général que sont la prévention des « risques d'atteinte à l'ordre public et à l'ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs »5(*).

La régulation de l'ensemble des jeux d'argent et de hasard est notamment assurée par l'Autorité nationale des jeux. Toutefois, celle des casinos relève des services du ministère de l'intérieur, en particulier le service central des courses et jeux et la direction des libertés publiques et des affaires juridiques.

2. L'exploitation des casinos fait partie des exceptions anciennes au principe de prohibition mais son étendue a peu évolué au cours des dernières années

Depuis la loi du 15 juin 1907, l'ouverture de casinos est autorisée dans les sites thermaux. Ce texte a également défini les critères d'implantation d'un casino, les modalités et les procédures d'exploitation. La loi n° 87-306 du 5 mai 1987 modifiant certaines dispositions relatives aux casinos autorisés a permis l'installation de machines à sous.

Actuellement, les seules catégories de communes qui peuvent accueillir un casino, de manière dérogatoire, sont listées limitativement à l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure. Il s'agit principalement des communes classées stations balnéaires, thermales, climatiques, de tourisme antérieurement ou des villes principales d'agglomérations de plus de 500 000 habitants dotées d'établissements culturels spécifiques6(*).

Une particularité existe, depuis plus d'un siècle, pour la ville de Paris puisqu'il est interdit d'y exploiter un casino à moins de 100 kilomètres7(*), exception faite pour la commune d'Enghien-les-Bains8(*). Toutefois, les cercles de jeux étaient autorisés à Paris jusqu'à la  loi  n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain9(*). Depuis le 1er janvier 2018 la capitale expérimente l'exploitation de « clubs de jeux » qui prendra fin au 31 décembre 202410(*).

 
 
 

Casinos en France

Communes d'implantation

Clubs de jeux à Paris

B. L'OUVERTURE D'UN CASINO MUNICIPAL NÉCESSITE UNE DOUBLE AUTORISATION À LA FOIS MUNICIPALE ET MINISTÉRIELLE

1. Un préalable nécessaire : le conseil municipal doit donner son autorisation à l'implantation d'un casino dans la commune

Les communes, qui satisfont aux critères légaux permettant l'implantation d'un casino, « ne peuvent en bénéficier que sur l'avis conforme du conseil municipal »11(*). Outre le principe de l'installation d'un casino dans la commune, la délibération communale doit également porter sur le contrat administratif, qui prend la forme d'une délégation de service public, liant la société commerciale souhaitant exploiter le casino et la commune. Ce contrat doit comprendre un cahier des charges reprenant les obligations qui seront imposées au futur casinotier.

Une des particularités de cette délégation de service public, qui ne peut excéder une durée de 20 ans, réside notamment dans les différents prélèvements opérés au bénéfice des communes sur le produit brut des jeux (PBJ)12(*) des casinos qu'elles accueillent. D'une part, la commune bénéficie d'un revenu fiscal direct représentant entre 0 et 15 % du PBJ, ce taux étant négocié et fixé par le cahier des charges qui accompagne le contrat de délégation de service public13(*). D'autre part, elle perçoit un reversement de 10 % du prélèvement opéré par l'État sur le PBJ14(*).

 
 
 

Produit brut des jeux issu des casinos en 2022

Prélevés sur ce PBJ au profit des collectivités territoriales

Perçus, en moyenne, par chaque commune dotée d'un casino

Source : direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur

En outre, il est prévu une « participation/redevance spectacle » qui vise à financer l'organisation d'événements culturels ou artistiques au sein de la commune.

2. Une seconde étape essentielle : la délivrance d'une autorisation d'exploitation par le ministère de l'intérieur

L'autorisation de la commune et la conclusion d'un contrat entre cette dernière et le casinotier sont un préalable nécessaire à la demande d'autorisation d'exploitation d'un casino qui sera présentée par la société commerciale au préfet du département d'implantation de l'établissement de jeux15(*). Une enquête administrative est alors diligentée par les services du ministère de l'intérieur. Le préfet de département sollicité rend un avis qu'il transmet à son ministre de tutelle. La commission consultative des jeux de cercles et de casinos est ensuite saisie pour rendre un avis obligatoire qui ne lie pas le ministre de l'intérieur dans sa décision d'autoriser ou non l'implantation du casino.

II. LA PROPOSITION DE LOI : RÉDUIRE LES INÉGALITÉS TERRITORIALES POUR L'OUVERTURE DES CASINOS EN ASSURANT DES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES AUX COMMUNES DOTÉES D'UNE ACTIVITÉ ÉQUESTRE PLURISÉCULAIRE

La proposition de loi comprend un article unique qui vise à introduire une sixième hypothèse de dérogation au principe d'interdiction générale des jeux d'argent et de hasard qui serait fondée sur l'existence d'une infrastructure et d'une activité équestre au sein de la commune.

Les auteurs du texte soulignent que les dérogations actuelles ne profitent qu'à certaines zones géographiques déjà dynamiques sur le plan touristique (bords de mer et territoires urbanisés) alors que les territoires ruraux ne disposent pas des mêmes atouts. Ces derniers pourraient ainsi utilement bénéficier de l'ouverture de casinos pour accroitre leur attrait touristique et leurs ressources financières. Les auteurs font également valoir que les communes disposant d'une activité équestre importante sont déjà en lien avec l'univers des jeux et des paris, de sorte que l'ouverture d'un casino viendrait compléter une offre touristique, liée aux jeux d'argent et de hasard, déjà existante.

Le critère proposé par le texte est double en ce qu'il implique, pour la commune, de disposer sur son territoire de « sites historiques du cadre noir et des Haras nationaux », d'une part, et d'avoir organisé « au moins pendant cinq années avant le 1er janvier 2023, au moins 10 événements hippiques au rayonnement national ou international par an », d'autre part. Selon les auteurs de la proposition de loi, seules deux communes seraient concernées par cette nouvelle dérogation : Arnac-Pompadour et Saumur.

Les auditions des maires des communes de Saumur et Arnac-Pompadour menées par le rapporteur ont mis en exergue de manière concrète les retombées de l'implantation d'un casino dans leur territoire. Saumur espère, par exemple, voir arriver entre 1,5 à 1,6 million de touristes par an d'ici 2026 (contre 1,3 million actuellement). Cette commune table également sur la création de 100 emplois directs ou indirects et des recettes fiscales annuelles de l'ordre de 1 à 1,5 million d'euros.

En outre, tant Saumur qu'Arnac-Pompadour ont mis en avant l'importance de l'arrivée d'un casino dans leur commune dans le but de financer l'activité équestre présente sur leur territoire ou à proximité. C'est particulièrement le cas de l'hippodrome de Verrie, exploité pour les activités hippiques de Saumur, qui nécessite des investissements importants que l'État n'entend pas réaliser. Le maire d'Arnac-Pompadour estime lui aussi que les revenus dégagés par l'arrivée d'un casino permettraient d'assurer la « sauvegarde de l'attraction touristique équestre » compte tenu du désengagement financier de l'État dans ce domaine.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : RENFORCER L'OPÉRATIONNALITÉ DU DISPOSITIF EN CIBLANT MIEUX LES COMMUNES SUSCEPTIBLES D'EN BÉNÉFICIER

A. LA PERTINENCE DE PERMETTRE AUX COMMUNES DISPOSANT D'UNE ACTIVITÉ ÉQUESTRE PLURISÉCULAIRE D'ACCUEILLIR UN CASINO DANS LEUR TERRITOIRE

En premier lieu, la commission a estimé que la rédaction initiale de la proposition de loi ne serait pas pleinement opérationnelle. Celle-ci prévoit en effet une condition cumulative tenant à l'existence du site historique du Cadre noir et d'un haras national sur le territoire d'une même commune. Or, cette condition n'est, dans les faits, remplie ni par Saumur ni par Arnac-Pompadour puisque la première accueille uniquement le site historique du Cadre noir et la seconde, un haras national.

La commission a donc choisi d'étendre le champ de la proposition de loi aux communes qui accueillent le site historique du Cadre noir ou un haras national. Cette extension est toutefois limitée dans la mesure où les « Haras nationaux » - marque déposée par l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE) à l'Institut national de la propriété intellectuelle - sont au nombre de 13 selon les informations publiées par l'IFCE étant précisé que cet établissement est toujours propriétaire de trois d'entre eux, les dix autres haras ayant été acquis par des collectivités territoriales16(*).

En second lieu, si ces deux communes organisent annuellement de nombreux événements équestres, les événements dits « hippiques » (notion relative aux seules courses hippiques) ont lieu dans les hippodromes se trouvant sur le territoire de communes voisines17(*). La commission a donc retenu le terme « équestre » qui renvoie à l'ensemble des activités relatives au monde du cheval et de l'équitation.

Néanmoins, la commission a souhaité maintenir un lien étroit entre la commune, les activités hippiques, équestres et les paris sportifs, en retenant comme critère d'implantation la présence dans la commune du siège d'une société de courses hippiques (association à but non lucratif en charge d'organiser les courses dans un hippodrome).

B. UNE INITIATIVE QUI DOIT PERMETTRE DE RÉFLÉCHIR À UNE REMISE À PLAT DE L'ENSEMBLE DES CRITÈRES GOUVERNANT À L'OUVERTURE DE CASINOS

Les informations recueillies par le rapporteur ont mis exergue les difficultés actuelles de financement des activités et infrastructures équestres des communes de Saumur et d'Arnac-Pompadour. La commission a donc fait le choix de répondre à cette situation particulière en leur permettant de pouvoir accueillir prochainement un casino tout en veillant à assurer une égalité de traitement avec les communes disposant d'infrastructures similaires sans déséquilibrer la filière des casinos sur l'ensemble du territoire. Elle a également été sensible aux enjeux de santé publique et d'ordre public qui gouvernent la régulation des jeux d'argent et de hasard auxquels appartiennent les casinos.

Néanmoins, il ressort des auditions des syndicats de casinos, de l'association nationale des élus des territoires touristiques et des services du ministère de l'intérieur, menées par le rapporteur, qu'il apparait nécessaire d'envisager aujourd'hui une réflexion plus globale sur les critères permettant l'installation d'un casino dans une commune. À cet égard, la fin de l'expérimentation relative aux clubs de jeux parisiens au 31 décembre 2024, doit permettre d'engager une réflexion afin d'opérer une clarification et une remise à plat générale des règles gouvernant l'installation des casinos en France, dans le cadre d'un véhicule législatif adapté.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique
Ouverture de casinos dans les communes dotées d'un site historique du Cadre noir ou d'un haras national

L'article unique de la proposition de loi vise à permettre aux communes, en particulier Saumur et Arnac-Pompadour, d'accueillir un casino si elles sont sites historiques du Cadre noir ou des haras nationaux et ont organisé au moins dix événements hippiques annuels au cours des cinq dernières années.

Sur proposition du rapporteur, la commission a souhaité s'assurer que les communes visées par les auteurs de la proposition de loi satisfont aux critères pertinents justifiant l'ouverture d'un casino sur leur territoire d'une part, et, d'autre part permettre aux communes dotées des infrastructures équestres similaires à celles de Saumur et d'Arnac-Pompadour, de pouvoir, le cas échéant, accueillir un casino.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

1. L'ouverture d'un casino municipal est par principe prohibée mais des dérogations limitatives sont prévues par la loi et soumises à un mécanisme de double autorisation

1.1. Un principe de prohibition des jeux d'argent et de hasard qui connait des dérogations multiples

a) Depuis près de deux siècles l'État encadre de manière stricte les jeux d'argent et de hasard

Le principe général d'interdiction des jeux de hasard, issu de la loi du 21 mars 1836 portant prohibition des loteries, est actuellement repris à l'article L. 320-1 du code de la sécurité intérieure qui dispose que « les jeux d'argent et de hasard sont prohibés »18(*). La violation de cette interdiction est punie de trois ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende19(*).

Cette interdiction est justifiée par des motifs d'intérêt général que sont la prévention des « risques d'atteinte à l'ordre public et à l'ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs »20(*). Plus spécifiquement, en limitant et en encadrant l'offre et la consommation des jeux, l'État entend notamment prévenir le jeu excessif ou pathologique, assurer l'intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu, prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il entend également veiller à l'équilibre économique des différentes filières du jeu21(*).

La régulation de l'ensemble des jeux d'argent et de hasard est notamment assurée par l'Autorité nationale des jeux. Toutefois, celle des casinos relève des services du ministère de l'intérieur, en particulier le service central des courses et jeux et la direction des libertés publiques et des affaires juridiques.

L'autorité nationale des jeux (ANJ)

Depuis juin 202022(*), cette autorité administrative indépendante, qui remplace l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), met en oeuvre la politique de l'État en matière de régulation des jeux d'argent et de hasard. Elle régule les jeux et paris autorisés en ligne, en points de vente et dans les hippodromes, contrôle la politique du jeu responsable des casinos, s'assure que les opérateurs autorisés à exercer sur le marché français respectent leurs obligations, protège les joueurs des risques de jeu excessif, garantit une offre de jeu récréative et lutte contre l'offre illégale et les pratiques frauduleuses.

b) L'exploitation des casinos fait partie des exceptions anciennes au principe de prohibition mais son étendue a peu évolué au cours des dernières années

Depuis la loi du 15 juin 1907, l'ouverture de casinos est autorisée dans les sites thermaux. Ce texte a également défini les critères d'implantation d'un casino, les modalités et les procédures d'exploitation. La loi n° 87-306 du 5 mai 1987 modifiant certaines dispositions relatives aux casinos autorisés a permis l'installation de machines à sous.

Actuellement, les seules catégories de communes qui peuvent accueillir un casino, de manière dérogatoire, sont listées limitativement à l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure. Il s'agit :

- des communes classées stations balnéaires, thermales ou climatiques antérieurement au 3 mars 2009 ;

- des communes classées stations de tourisme qui constituent la ville principalement d'une agglomération de plus de 500 000 habitants et participent pour plus de 40 % au fonctionnement d'un centre dramatique nationale ou d'une scène nationale, d'un orchestre national et d'un théâtre d'opéra présentant en saison une activité régulière d'au moins 20 représentations lyriques23(*) ;

- des villes ou stations classées de tourisme mentionnées à l'article L. 161-5 du code du tourisme ;

- des communes dans lesquelles un casino est régulièrement exploité au 3 mars 2009 ;

- des communes qui, étant en cours de classement comme station balnéaire, thermale ou climatique avant le 14 avril 2006 sont classées stations de tourisme au sens du code du tourisme avant le 3 mars 2014.

La France compte actuellement 203 casinos, répartis dans 196 communes situées dans 63 départements du littoral pour l'essentiel. Certaines communes accueillent plusieurs casinos : Aix-les-Bains, Antibes, Cannes, Nice, les Sables d'Olonne et le Touquet. Les casinos français représentent près de 40 % du parc européen.

Une particularité existe pour la ville de Paris puisqu'en vertu de l'article 82 de la loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général, toujours en vigueur et non codifié, il est interdit d'exploiter un casino à moins de 100 kilomètres de Paris. Néanmoins, l'article 24 de la loi du 31 mars 1931 a introduit une dérogation au profit des « casinos des stations thermales légalement reconnus », au seul bénéfice de la commune d'Enghien-les-Bains.

Toutefois, les cercles de jeux24(*) sont autorisés à Paris25(*) depuis le début du XXe siècle. La capitale ne comptait, avant la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, plus que deux établissements26(*). Cette réforme a permis de manière expérimentale, à compter du 1er janvier 2018 et pour une durée de trois ans initialement, l'installation à Paris de « clubs de jeux » où sont pratiqués des jeux de cercle ou de contrepartie27(*). Cette expérimentation a déjà été prolongée à deux reprises, passant de cinq à sept ans, pour s'achever au 31 décembre 202428(*).

 
 
 

Casinos en France

Communes d'implantation

Clubs de jeux à Paris

1.2. L'ouverture d'un casino municipal nécessite une double autorisation à la fois municipale et ministérielle

a) Un préalable nécessaire : le conseil municipal doit donner son autorisation à l'implantation d'un casino dans la commune

Les communes satisfaisant aux critères légaux permettant l'implantation d'un casino « ne peuvent en bénéficier que sur l'avis conforme du conseil municipal »29(*). Outre le principe de l'installation d'un casino dans la commune, la délibération communale doit également porter sur le contrat administratif liant la société commerciale souhaitant exploiter le casino et la commune. Ce contrat doit comprendre un cahier des charges reprenant les obligations qui seront imposées au futur casinotier.

La jurisprudence administrative estime, de manière constante, qu'il s'agit d'une délégation de service public30(*). Cette qualification a notamment été retenue dans la mesure où le casino regroupe trois activités - l'hôtellerie-restauration, les spectacles dans une salle dédiée et les jeux d'argent et de hasard proposés dans un espace dédié - qui participent au développement économique de la commune concernée. Les règles relatives à la délégation de service public prévues aux articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ont donc vocation à s'appliquer31(*).

Une des particularités de cette délégation de service public, qui ne peut excéder une durée de 20 ans, réside notamment dans les différents prélèvements opérés au bénéfice des communes sur le produit brut des jeux (PBJ)32(*) des casinos qu'elles accueillent. D'une part, la commune bénéficie d'un revenu fiscal direct représentant entre 0 et 15 % du PBJ, ce taux étant négocié et fixé par le cahier des charges qui accompagne le contrat de délégation de service public33(*). D'autre part, elle perçoit un reversement de 10 % du prélèvement opéré par l'État sur le PBJ34(*).

Entre 2019 et 2021, le PBJ des casinos a diminué de 55 %, passant de 2,4 milliards d'euros en 2019 à 1,1 milliard en 2021. Le nombre annuel d'entrées dans les casinos a également baissé fortement puisqu'il était de 33 millions de 2017 à 2019 pour atteindre seulement 13 millions en 2021. Cependant, pour l'année ludique 2021-2022, une nette reprise de l'activité a engendré un PBJ dont le montant dépasse celui qu'il avait atteint avant la crise sanitaire, pour s'établir à 2,5 milliards d'euros. Le casino le plus important a versé 19 millions d'euros à sa commune d'accueil tandis que le plus petit établissement a versé 832 euros. Le prélèvement médian sur le PBJ est de 789 595 euros.

 
 
 

Produit brut des jeux issus des casinos en 2022

D'euros prélevés sur ce PBJ au profit des collectivités territoriales

D'euros issus du PBJ ont été perçus, en moyenne, par chaque commune disposant d'un casino

Source : direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur

En outre, il est prévu une « participation/redevance spectacle » qui vise à financer l'organisation d'événements culturels ou artistiques au sein de la commune. L'objectif de cette contribution financière est de « participer, conformément à la justification initiale invoquée pour leur création et leur implantation dans les communes, à la vie culturelle et donc touristique locale »35(*). Il a été indiqué au rapporteur que le montant de cette participation est un élément important de négociation entre la commune et le casinotier dans la mesure où elle peut atteindre, dans certains cas, plusieurs millions d'euros. Néanmoins, la Cour des comptes constate depuis une vingtaine d'années que certaines communes rencontrent des difficultés pour défendre au mieux leurs intérêts économiques face aux casinotiers.

Extraits du rapport public annuel 2021 de la Cour des comptes :
« La présence d'un casino sur un territoire : une rente de situation fragilisée »

Concernant la négociation des communes avec les casinotiers sur les aspects économiques, la Cour des comptes note que « Les communes appréhendent la présence d'un casino sur leur territoire comme une rente de situation, sans risque associé et qui leur procure des ressources pérennes sans qu'elles supportent de charges. [...] Dans les relations avec les casinotiers, elles restent relativement passives dans la négociation ainsi que sur l'exécution des contrats de délégation de service, comme la Cour l'avait déjà observé en 2002, ne percevant pas, jusqu'à présent, l'intérêt d'une relation plus équilibrée au bénéfice de leur territoire. [...] Il est donc important de mieux protéger les intérêts de collectivités qui, dans nombre de cas examinés, ne disposent pas de l'expertise juridique nécessaire pour l'élaboration de clauses qui, bien que non précisées aujourd'hui dans le code général des collectivités territoriales, paraissent pourtant essentielles pour ces délégations de service public. »36(*)

b) Une seconde étape essentielle : la délivrance d'une autorisation d'exploitation par le ministère de l'intérieur

L'autorisation de la commune et la conclusion d'un contrat entre cette dernière et le casinotier sont un préalable nécessaire à la demande d'autorisation d'exploitation d'un casino qui sera présentée par la société commerciale au préfet du département d'implantation de l'établissement de jeux37(*). Une enquête administrative est alors diligentée par les services du ministère de l'intérieur.

En outre, le casinotier doit, notamment, compléter sa demande par différentes pièces dont :

- une étude d'impact économique montrant l'existence d'une demande de jeux non satisfaite et permettant de mesurer les conséquences de l'ouverture d'un établissement de jeux sur les casinos voisins existants, ainsi qu'un bilan prévisionnel d'activité sur cinq ans montrant la viabilité du projet ;

- le programme de prévention de l'abus de jeux, comprenant notamment la formation des personnels et les mesures envisagées à l'égard des joueurs38(*).

Le préfet de département sollicité rend un avis qu'il transmet à son ministre de tutelle. La commission consultative des jeux de cercles et de casinos est ensuite saisie pour rendre un avis obligatoire qui ne lie pas le ministre de l'intérieur dans sa décision d'autoriser ou non l'implantation du casino. En effet, ce dernier « conserve un large pouvoir d'appréciation au moment de prendre l'arrêté d'autorisation d'ouverture et d'exploitation d'un casino municipal. Il peut ainsi tenir compte ou non des effets concurrentiels d'un casino par rapport à d'autres structures situées dans des communes voisines39(*) ». Pour autant et sur ce dernier point en particulier, la législation actuelle ne prévoit pas de critères de distance géographique entre casinos. Par ailleurs, la décision du ministre de l'intérieur peut faire l'objet des recours administratifs usuels (gracieux ou contentieux).

2. La proposition de loi : réduire les inégalités territoriales pour l'ouverture des casinos en assurant des retombées économiques aux communes dotées d'une activité équestre pluriséculaire

2.1. La proposition de loi entend permettre à des communes disposant d'une activité équestre pluriséculaire de compléter leur offre touristique et culturelle par l'ouverture d'un casino

La proposition de loi comprend un article unique qui vise à introduire une sixième hypothèse de dérogation au principe d'interdiction générale des jeux d'argent et de hasard qui serait fondée sur l'existence d'une infrastructure et une activité équestre au sein de la commune.

Les auteurs du texte soulignent que les dérogations actuelles ne profitent qu'à certaines zones géographiques déjà dynamiques sur le plan touristique (bords de mer et territoires urbanisés) alors que les territoires ruraux ne disposent pas des mêmes atouts. Ces derniers pourraient ainsi utilement bénéficier de l'ouverture de casinos pour accroitre leur attrait touristique et leurs ressources financières. Les auteurs font également valoir que les communes disposant d'une activité équestre importante sont déjà en lien avec l'univers du jeu et des paris, de sorte que l'ouverture d'un casino viendrait compléter une offre touristique, liée aux jeux d'argent et de hasard, déjà existante.

Le critère proposé par le texte est double en ce qu'il implique, pour la commune, de disposer sur son territoire de « sites historiques du cadre noir et des Haras nationaux », d'une part, et d'avoir organisé « au moins pendant cinq années avant le 1er janvier 2023, au moins 10 événements hippiques au rayonnement national ou international par an », d'autre part. Selon les auteurs de la proposition de loi, seules deux communes seraient concernées par cette nouvelle dérogation : Arnac-Pompadour et Saumur.

Plusieurs initiatives parlementaires sont déjà venues soutenir la création d'un casino dans ces deux communes. En effet, une proposition de loi relativement similaire a été déposée par les sénateurs du Maine-et-Loire Stéphane Piednoir et Catherine Deroche le 3 avril 201940(*). Une autre proposition de loi a été déposée le 29 novembre 2022 par plusieurs députés dont la première signataire est Laetitia Saint-Paul (Maine-et-Loire)41(*). En outre, selon cette élue, le président de la République se serait engagé à ce que Saumur puisse disposer d'un casino sur son territoire d'ici la fin de son second mandat42(*).

L'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE),
fruit de la fusion du Cadre noir de Saumur et des Haras nationaux

Service de l'État créé en 1665, le service des Haras est, à l'origine, conçu comme un « étalonnier de guerre » ayant pour mission de fournir aux armées et
notamment à celle de Napoléon Ier des dépôts d'étalons, véritables réservoirs de
chevaux de guerre. En 1999, le service de l'État, alors appelé service des Haras, des courses et de l'équitation, est transformé en établissement public administratif par le
décret n° 99-556 du 2 juillet 1999. Ce décret précise que les Haras nationaux jouent à
la fois le rôle d'intervenant de terrain (étalonnage, aides à l'élevage) et d'expert de
proximité
, au profit aussi bien des services de l'État que de la filière, avec pour
missions « de développer l'élevage des équidés et les activités liées au cheval en
partenariat notamment avec les organisations socio-professionnelles, les collectivités
locales et les associations
 ».43(*)

Le Cadre noir fait référence aux élèves officiers de cavalerie qui s'installent dans l'école de cavalerie créée à Saumur en 1825, qui a pour objectif de renforcer la formation des troupes à cheval. Le décret n° 72-398 du 16 mai 1972 crée l'École nationale d'équitation (ENE), la rattache au ministère des sports, et précise ses missions qui sont notamment la formation des cadres de l'équitation, l'organisation de sessions au bénéfice de la fédération française d'équitation (FFE) ainsi que le maintien et le rayonnement de l'équitation de tradition française.44(*)

L'IFCE, établissement public à caractère administratif créé par le décret n° 2010-90  du 22 janvier 2010, rassemble les Haras nationaux et du Cadre noir. Il est placé sous la double tutelle du ministère chargé des sports et du ministère chargé de l'agriculture. Son siège social est situé à Saumur mais le site administratif principal est implanté à Arnac-Pompadour. L'IFCE est l'opérateur public unique pour toute la filière équine, de l'élevage du cheval aux sports équestres de haut niveau45(*).

2.2. L'implantation d'un casino est une source potentielle de revenus importante pour le territoire et le soutien de la filière équestre locale

Les auteurs de la proposition de loi soulignent que l'exploitation d'un casino permet de « développer une économie locale » puisque de manière très immédiate, cela créé des emplois au sein de l'établissement de jeux, et que les clients du casino sont également susceptibles de faire vivre les autres opérateurs économiques locaux (hôtels, restaurants, commerces, etc.). Les casinos sont effectivement à l'origine d'importants passages dans les communes d'implantation puisque l'Agence nationale des jeux indique dans son rapport annuel 2022, qu'avant la crise sanitaire, entre 2017 et 2019, les casinos ont comptabilisé 33 millions d'entrées annuelles46(*).

Les auditions des maires des communes de Saumur et Arnac-Pompadour menées par le rapporteur ont mis en exergue de manière concrète les retombées de l'implantation d'un casino dans leur territoire. Saumur espère, par exemple, voir arriver entre 1,5 à 1,6 million de touristes par an d'ici 2026 (contre 1,3 million actuellement). Cette commune table également sur la création de 100 emplois directs ou indirects et des recettes fiscales annuelles de l'ordre de 1 à 1,5 million d'euros.

En outre, tant Saumur qu'Arnac-Pompadour ont mis en avant l'importance de l'arrivée d'un casino dans leur commune dans le but de financer l'activité équestre présente sur leur territoire ou à proximité. C'est le cas de l'hippodrome de Verrie, exploité pour les activités hippiques de Saumur, qui nécessite des investissements importants que l'État n'entend pas réaliser. Le maire d'Arnac-Pompadour estime lui aussi que les revenus dégagés par l'arrivée d'un casino permettraient d'assurer la « sauvegarde de l'attraction touristique équestre » compte tenu du désengagement financier de l'État dans ce domaine.

3. La position de la commission : renforcer l'opérationnalité du dispositif en ciblant mieux les communes susceptibles d'en bénéficier

3.1. La pertinence de permettre aux communes disposant d'une activité équestre pluriséculaire d'accueillir un casino dans leur territoire

Tout en partageant l'intention des auteurs de la proposition de loi de permettre aux communes de Saumur et d'Arnac-Pompadour de pouvoir accueillir un casino sur leur territoire, l'amendement adopté par la commission à l'initiative de son rapporteur vise à assurer l'opérationnalité du dispositif et à étendre, de manière très restreinte, le champ d'application de la proposition de loi.

En premier lieu, la commission a estimé que la rédaction initiale de la proposition de loi ne serait pas pleinement opérationnelle. Celle-ci prévoit en effet une condition cumulative tenant à l'existence du site historique du Cadre noir et d'un haras national sur le territoire d'une même commune. Or, cette condition n'est, dans les faits, remplie ni par Saumur ni par Arnac-Pompadour puisque la première accueille uniquement le site historique du Cadre noir et la seconde, un haras national.

La commission a donc choisi d'étendre le champ de la proposition de loi aux communes qui accueillent le site historique du Cadre noir ou un haras national. Cette extension est toutefois limitée dans la mesure où les Haras nationaux - marque déposée par l'IFCE à l'Institut national de la propriété intellectuelle - sont au nombre de 13 selon les informations publiées par l'IFCE étant précisé que cet établissement est toujours propriétaire de trois d'entre eux, les dix autres haras ayant été acquis par des collectivités territoriales47(*). À cet égard, l'IFCE précise que « la marque  haras national  surtout reconnue localement, continue à être utilisée par l'IFCE quand il est encore propriétaire du site ou par les repreneurs de ces sites emblématiques grâce à un protocole d'utilisation »48(*).

En second lieu, si ces deux communes organisent annuellement de nombreux événements équestres, les événements dits « hippiques » (notion relative aux seules courses hippiques) ont lieu dans les hippodromes se trouvant sur le territoire de communes voisines49(*). La commission a donc retenu le terme « équestre » qui renvoie à l'ensemble des activités relatives au monde du cheval et de l'équitation. Les auditions des maires des communes ciblées par la proposition de loi ont par ailleurs confirmé avoir accueilli, dans leur municipalité, plus d'une dizaine d'événements équestres au cours des cinq dernières années.

Néanmoins, la commission a souhaité maintenir un lien étroit entre la commune, les activités hippiques, équestres et les paris sportifs, en retenant comme critère d'implantation la présence dans la commune du siège d'une société de courses hippiques (association à but non lucratif en charge d'organiser les courses dans un hippodrome).

3.2. Une initiative qui doit permettre de réfléchir à une remise à plat de l'ensemble des critères gouvernant à l'ouverture de casinos

Les informations recueillies par le rapporteur ont mis exergue les difficultés actuelles de financement des activités et infrastructures équestres des communes de Saumur et d'Arnac-Pompadour. La commission a donc fait le choix de répondre à cette situation particulière en leur permettant de pouvoir accueillir prochainement un casino tout en veillant à assurer une égalité de traitement avec les communes disposant d'infrastructures similaires sans déséquilibrer la filière des casinos sur l'ensemble du territoire. Elle a également été sensible aux enjeux de santé publique et d'ordre public qui gouvernent la régulation des jeux d'argent et de hasard auxquels appartiennent les casinos.

Néanmoins, il ressort des auditions des syndicats de casinos, de l'association nationale des élus des territoires touristiques et des services du ministère de l'intérieur, menées par le rapporteur, qu'il apparait nécessaire d'envisager aujourd'hui une réflexion plus globale sur les critères permettant l'installation d'un casino dans une commune. À cet égard, la fin de l'expérimentation relative aux clubs de jeux parisiens au 31 décembre 2024, doit permettre d'engager une réflexion afin d'opérer une clarification et une remise à plat générale des règles gouvernant l'installation des casinos en France, dans le cadre d'un véhicule législatif adapté.

La commission a adopté l'article unique ainsi modifié.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 10 MAI 2023

M. François Bonhomme, rapporteur. - La proposition de loi déposée par la présidente Catherine Deroche vient répondre aux attentes légitimes et anciennes des maires de territoires ruraux qui souhaitent accueillir un casino. Il s'agit plus précisément de Saumur et d'Arnac-Pompadour qui disposent d'équipements équestres ancestraux nécessitant de trouver rapidement des financements pour assurer leur pérennité.

En effet, depuis plusieurs années, l'État se désengage progressivement de la filière équestre laissant, bien souvent, les collectivités territoriales seules pour entretenir et financer les activités et les infrastructures de cette filière. Or ces équipements et les événements équins font à la fois partie du patrimoine de ces territoires et sont des atouts pour attirer les touristes.

Je rappelle que l'ouverture d'un casino municipal est par principe prohibée. En effet, depuis près de deux siècles, l'État encadre de manière très stricte les jeux d'argent et de hasard. Le principe général d'interdiction des jeux de hasard est issu de la loi du 21 mars 1836 portant prohibition des loteries. La violation de cette interdiction est d'ailleurs punie de trois ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende.

Cette interdiction est justifiée par des motifs d'intérêt général : la prévention des « risques d'atteinte à l'ordre public et à l'ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs ».

Cependant, l'exploitation des casinos fait partie des exceptions anciennes au principe de prohibition. Son étendue a peu évolué au cours des dernières années. Depuis la loi du 15 juin 1907, l'ouverture de casinos est autorisée dans les sites thermaux. La loi du 5 mai 1987 a permis l'installation de machines à sous. Ces dispositions ont depuis été insérées dans le code de la sécurité intérieure.

Actuellement, les seules catégories de communes qui peuvent accueillir un casino de manière dérogatoire sont listées limitativement à l'article  L. 321-1 du code de la sécurité intérieure. Il s'agit principalement des communes classées stations balnéaires, thermales, climatiques, de tourisme ou des villes principales d'agglomérations de plus de 500 000 habitants dotées d'établissements culturels spécifiques.

Par ailleurs, une particularité existe, depuis plus d'un siècle, pour la ville de Paris puisqu'il est interdit d'y exploiter un casino à moins de 100 kilomètres, exception faite pour la commune d'Enghien-les-Bains. Toutefois, jusqu'à la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, les cercles de jeux étaient autorisés à Paris. Depuis le 1er janvier 2018, la capitale expérimente l'exploitation de sept « clubs de jeux », expérimentation qui prendra fin le 31 décembre 2024.

En pratique, l'ouverture d'un casino municipal nécessite une double autorisation, à la fois municipale et ministérielle.

En premier lieu, le conseil municipal doit donner son autorisation à l'implantation d'un casino dans la commune, sous réserve de rentrer dans les critères légaux prévus à l'article  L. 321-1 du code de la sécurité intérieure.

Outre le principe de l'installation d'un casino dans la commune, la délibération du conseil municipal doit également porter sur le contrat de délégation de service public qui va lier la société commerciale souhaitant exploiter le casino et la commune. Ce contrat doit comprendre un cahier des charges reprenant les obligations qui seront imposées au futur casinotier. Une des particularités de cette délégation de service public, qui ne peut excéder une durée de vingt ans, réside notamment dans les différents prélèvements opérés au bénéfice des communes sur le produit brut des jeux (PBJ) des casinos qu'elles accueillent.

D'une part, la commune bénéficie d'un revenu fiscal direct représentant entre zéro et 15  % du PBJ, ce taux étant négocié et fixé par le cahier des charges qui accompagne le contrat de délégation de service public. D'autre part, elle perçoit un reversement de 10  % du prélèvement opéré par l'État sur le PBJ. En outre, il est prévu une « participation-redevance spectacle » qui vise à financer l'organisation d'événements culturels ou artistiques au sein de la commune.

En second lieu, le ministère de l'intérieur doit délivrer une autorisation d'exploitation.

La société commerciale qui entend exploiter un casino doit présenter une demande d'autorisation d'exploitation au préfet du département d'implantation de l'établissement de jeux. Une enquête administrative est alors diligentée par les services du ministère de l'intérieur. Le préfet de département sollicité rend un avis qu'il transmet à son ministre de tutelle. La commission consultative des jeux de cercles et de casinos est ensuite saisie pour rendre un avis obligatoire, qui ne lie pas le ministre de l'intérieur dans sa décision d'autoriser ou non l'implantation du casino.

Le texte proposé comprend un article unique. Il vise à introduire une sixième hypothèse de dérogation au principe d'interdiction générale des jeux d'argent et de hasard qui serait fondée sur l'existence d'une infrastructure équestre et des événements hippiques organisés au sein de la commune.

Les auteurs du texte que j'ai entendus soulignent que les dérogations actuelles ne profitent qu'à certaines zones géographiques déjà dynamiques sur le plan touristique - bords de mer et territoires urbanisés -, alors que les territoires ruraux ne disposent pas des mêmes atouts. Ces derniers pourraient ainsi utilement bénéficier de l'ouverture de casinos pour accroître leur attrait touristique et leurs ressources financières. Les auteurs font également valoir que les communes disposant d'une activité équestre importante sont déjà en lien avec l'univers du jeu et des paris, de sorte que l'ouverture d'un casino viendrait compléter une offre touristique, liée aux jeux d'argent et de hasard, déjà existante.

Le critère proposé par le texte est double en ce qu'il implique, pour la commune, de disposer sur son territoire de « sites historiques du cadre noir et des haras nationaux », d'une part, et d'avoir organisé « au moins pendant cinq années avant le 1er janvier 2023, au moins dix événements hippiques au rayonnement national ou international par an », d'autre part.
Seules deux communes seraient concernées par cette nouvelle dérogation : Arnac-Pompadour et Saumur.

Les maires de ces deux communes m'ont fait part de manière précise des retombées de l'implantation d'un casino dans leur territoire. Saumur espère, par exemple, voir arriver entre 1,5 à 1,6 million de touristes par an d'ici à 2026, contre 1,3 million actuellement. Cette commune table également sur la création de 100 emplois directs ou indirects et des recettes fiscales annuelles de l'ordre de 1 à 1,5 million d'euros.

En outre, tant Saumur qu'Arnac-Pompadour ont mis en avant l'importance de l'arrivée d'un casino dans leur commune dans le but de financer l'activité équestre présente sur leur territoire ou à proximité. C'est le cas de l'hippodrome de Verrie, exploité pour les activités hippiques de Saumur, qui nécessite des investissements que l'État n'entend pas réaliser. Le maire d'Arnac-Pompadour estime, lui aussi, que les revenus dégagés par l'arrivée d'un casino permettraient d'assurer la « sauvegarde de l'attraction touristique équestre » compte tenu du désengagement financier de l'État dans ce domaine.

Ainsi, à l'issue de mes travaux et des différentes auditions menées, il m'apparaît nécessaire de permettre à cette proposition de loi de prospérer.

Cependant, il convient au préalable de renforcer l'opérationnalité du dispositif en ciblant mieux les communes susceptibles d'en bénéficier. En effet, il me semble pertinent de permettre aux communes disposant d'une activité équestre pluriséculaire d'accueillir un casino dans leur territoire.

En premier lieu, la proposition de loi prévoit une condition cumulative tenant à l'existence du site historique du Cadre noir et d'un haras national sur le territoire d'une même commune. Or cette condition n'est, dans les faits, remplie ni par Saumur ni par Arnac-Pompadour puisque la première accueille uniquement le site historique du Cadre noir et la seconde un haras national.

Je vous propose donc d'étendre le champ de la proposition de loi aux communes qui accueillent le site historique du Cadre noir ou un haras national. D'emblée, je tiens à vous rassurer en précisant que cette extension serait toutefois limitée dans la mesure où les haras nationaux sont, à ce jour, au nombre de treize selon les informations publiées par l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE). Je précise que cet établissement public est toujours propriétaire de trois d'entre eux, les dix autres haras ayant été acquis par des collectivités territoriales.

En second lieu, si Saumur et Arnac-Pompadour organisent annuellement de nombreux événements équestres, les événements dits hippiques - notion relative aux seules courses hippiques - ont lieu dans les hippodromes se trouvant sur le territoire de communes voisines. Dès lors, je vous propose de retenir le terme « équestre » qui renvoie à l'ensemble des activités relatives au monde du cheval et de l'équitation.

Néanmoins, afin de maintenir un lien étroit entre la commune, les activités hippiques et équestres et les paris sportifs qui y sont associés, il m'apparaît pertinent de retenir comme critère d'implantation la présence dans la commune du siège d'une société de courses hippiques, qui est une association à but non lucratif en charge d'organiser les courses dans un hippodrome.

Voilà le sens de l'amendement que j'entends soumettre à votre appréciation.

Avant de conclure mon intervention, je tiens à souligner que si je suis favorable à cette proposition de loi, c'est notamment eu égard à l'urgence de répondre aux difficultés actuelles de financement des activités et infrastructures équestres des communes de Saumur et d'Arnac-Pompadour. Il s'agit en effet d'une situation particulière que la proposition de loi entend régler. L'amendement que je vous propose vise également à assurer une égalité de traitement avec les communes disposant d'infrastructures similaires, sans toutefois déséquilibrer la filière des casinos sur l'ensemble du territoire en permettant l'ouverture de tels établissements dans toute la France.

Pour autant, il ressort de l'ensemble des auditions que j'ai menées qu'il est nécessaire d'envisager une réflexion plus globale sur les critères permettant l'installation d'un casino dans une commune. La fin de l'expérimentation relative aux clubs de jeux parisiens, prévue le 31 décembre 2024, doit permettre d'opérer une clarification et une remise à plat générale des règles gouvernant l'installation des casinos en France, dans le cadre d'un véhicule législatif adapté.

Enfin, je tiens à souligner que j'ai régulièrement échangé avec les auteurs de la proposition de loi en vue de l'élaboration de l'amendement que je vous soumets. Je les remercie chaleureusement pour leur disponibilité et la qualité de nos échanges pour formuler des pistes de solution équilibrées et consensuelles dans l'intérêt de nos communes.

Mme Nathalie Goulet. - L'intérêt général de ce texte est réduit aux acquêts... L'ouverture de casinos pose problème en cas de mauvaise évaluation des conséquences qu'elle entraîne. Je vous fais part d'un avis très sincère, mon département ayant à la fois un haras national et un casino. Dans d'autres départements, par exemple, la Haute-Savoie, l'ouverture d'un troisième casino a déstabilisé les deux premiers.

Je m'abstiendrai sur ce texte, qui vise seulement à régler un problème ponctuel.

Mme Cécile Cukierman. - Personne n'est dupe : il existe une appétence, parfois excessive, d'un certain nombre d'élus pour l'ouverture d'un casino pour compenser les baisses de dotations. Il faudrait mener une réflexion d'ensemble sur les règles d'implantation des casinos. La proposition de loi, qui prévoit d'ouvrir des casinos dans deux communes, ne répond pas à cet objectif.

J'ai entendu les propos du rapporteur sur les inégalités territoriales entre les communes, mais Saumur reçoit une dotation globale de fonctionnement (DGF) à hauteur de  sept millions d'euros pour 26 000 habitants.

Notre groupe s'abstiendra sur ce texte.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - L'approche des élections sénatoriales développe la créativité des élus.

M. Loïc Hervé. - Pas à Paris !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Mon cher collègue, ce n'est pas l'objet de notre discussion, mais je peux vous rappeler les raisons pour lesquelles Paris n'a pas de casino...

M. Mathieu Darnaud. - Mais il y a des cercles de jeux !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Notre groupe ne fait pas preuve d'un grand enthousiasme sur ce texte, mais l'encadrement qu'il prévoyait permettait de limiter l'ouverture de casinos à deux villes. L'amendement du rapporteur déstabilise le dispositif : quelles sont les communes concernées ?

Nous voterons contre la proposition de loi si la commission intègre l'amendement du rapporteur dans le texte.

M. Patrick Kanner. - Il est osé d'utiliser le casino comme antidote pour lutter contre la perte de moyens financiers ! J'ai travaillé sur la création d'un casino à Lille, une ville frontalière et touristique qui est au coeur d'une agglomération de 1,2 million d'habitants. Pierre Mauroy avait fait évoluer la législation pour rendre cette création possible, ce qui avait permis à d'autres grandes villes de faire de même. Ces ouvertures sont souvent très loin de répondre aux objectifs financiers imaginés par les villes concernées, car les casinotiers reversent aujourd'hui beaucoup moins d'argent qu'avant.

Nous considérons que l'amendement du rapporteur aggrave le texte. Si la filière équestre peut justifier la création de casinos, alors pourquoi ne pas permettre qu'il en aille de même dans les villes ayant un grand zoo, une équipe de Ligue 1, ou qui organise un championnat du monde de pêche aux canards ? On tire l'élastique très loin !

M. Éric Kerrouche. - Je vis dans une zone touristique dans laquelle la demande de casino a toujours été forte, mais ce texte nous montre que la dérogation tue la dérogation...

On peut comprendre la demande des deux communes concernées, qui cherchent à assurer leur développement touristique et économique. Mais il ne faudrait pas que les casinos deviennent les centres commerciaux du passé. Le nombre d'emplois promis est largement surévalué par rapport à la réalité. Les attentes des élus sont souvent déçues, sachant que l'économie des casinos est moins florissante qu'avant.

Autant on peut comprendre la demande initiale des communes concernées, autant on a du mal à appréhender la portée de l'amendement du rapporteur.

M. François Bonhomme, rapporteur. - Madame Goulet, le risque de déstabilisation existe certes dans ce genre d'opération. Pour les jeux de hasard et d'argent, c'est l'Autorité nationale des jeux qui a la main, sauf pour les casinos, qui relèvent du ministère de l'intérieur, via le service central des jeux, d'une part, et la direction des libertés publiques et des affaires juridiques, d'autre part. L'implantation des casinos est donc maîtrisée.

Un rapport de la Cour des comptes avait fait état d'une situation stabilisée des casinos depuis une vingtaine d'années. Leur nombre s'élève à 203, répartis géographiquement essentiellement dans les grandes villes et sur le littoral.

Mon amendement élargit le champ de la proposition de loi, car le critère cumulatif - haras national et Cadre noir - ne permettait pas de respecter l'intention des auteurs du texte. J'ai donc prévu un critère alternatif pour rendre le dispositif opérationnel.

La liste des sites potentiellement concernés est disponible sur le site Internet de l'Institut français du cheval et de l'équitation : il s'agit des haras de Saint-Lô, de Lamballe, du Pin, d'Hennebont, du Lion d'Angers, de la Roche-sur-Yon, de Pompadour, de Villeneuve-sur-Lot, d'Aurillac, de Pau-Gelos, d'Uzès, de Rosières-aux-Salines et de Cluny. Les communes concernées sont confrontées à un désengagement régulier de la filière des haras nationaux, qui ne leur permet plus d'entretenir les infrastructures.

Monsieur Kanner, le rapport de la Cour des comptes montre que le casino dont les ressources financières sont les plus élevées dans notre pays est celui de Lille, avec 42 millions d'euros par an. Mais il existe aussi de petits casinos, dont les recettes annuelles sont de l'ordre de 100 000 à 140 000 euros. Les situations sont donc très diverses.

Par ailleurs, je rappelle que les casinos sont historiquement liés aux paris hippiques sportifs.

Madame de La Gontrie, la loi sur le statut de Paris de 2017 a prévu l'expérimentation de sept cercles de jeux à Paris jusqu'au 31 décembre 2024.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je n'ai pas parlé de Paris !

M. François Bonhomme, rapporteur. - Le ministre avait alors évoqué la possibilité, à l'issue de cette expérimentation, de faire une remise à plat du dispositif.

M. Alain Richard. - Le financement de la filière équestre est assuré en partie par un reversement du produit du pari mutuel urbain (PMU). Le système paraissait équilibré : pourquoi la recette n'est-elle aujourd'hui plus suffisante ?

M. François Bonhomme, rapporteur. - Les haras ne sont plus financés par le PMU.

M. François-Noël Buffet, président. - Je vous propose de considérer que le périmètre de la proposition de loi inclut les dispositions relatives aux dérogations à la prohibition des jeux d'argent et de hasard qui permettent l'implantation d'un casino sur le territoire de certaines communes.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

M. François Bonhomme, rapporteur. - L'amendement COM- 1 rectifié bis vise à permettre l'ouverture de casinos dans les communes classées communes historiques dans un département frontalier.

Je suis défavorable à cet amendement, dont l'adoption pourrait conduire à déséquilibrer la filière des casinos. Par ailleurs, le critère retenu ne paraît pas pertinent.

L'amendement COM-1 rectifié bis n'est pas adopté.

M. François Bonhomme, rapporteur. - L'amendement COM- 2 prévoit un critère alternatif, et non cumulatif, pour respecter l'intention poursuivie par les auteurs du texte.

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

N° 

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme JOSEPH

1 rect. bis

Ouverture de casinos dans les communes classées communes historiques dans un département frontalier.

Rejeté

M. BONHOMME, rapporteur

2

Ouverture de casinos dans les communes dotées du site historique du Cadre noir ou d'un haras national.

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 50(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie51(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte52(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial53(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 10 mai 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 363 (2022-2023) visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives aux dérogations à la prohibition des jeux d'argent et de hasard qui permettent l'implantation d'un casino sur le territoire de certaines communes.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Auteurs de la proposition de loi

Mme Catherine Deroche, sénatrice de Maine-et-Loire

M. Stéphane Piednoir, sénateur de Maine-et-Loire

M. Claude Nougein, sénateur de la Corrèze

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ)

M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, adjoint de la directrice de la DLPAJ

Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) - Service central des courses et jeux

M. Stéphane Piallat, chef du service central courses et jeux

Maires de commune

M. Alain Tisseuil, maire d'Arnac-Pompadour

M. Jackie Goulet, maire de Saumur

Association nationale des élus des territoires touristiques (ANETT)

M. Philippe Sueur, président

Mme Géraldine Leduc, directrice générale

M. Simon Lebeau, chargé de mission

Association des casinos indépendants de France (ACIF)

M. Luc Le Borgne, président

Casinos de France

M. Olivier Raineau, président

M. Philippe Bon, délégué général

Personnalités qualifiées

M. Jean-Baptiste Vila, maître de conférences (HDR), université de Bordeaux

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Autorité nationale des jeux (ANJ)

Fédération nationale des courses hippiques en France (FNCH)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-363.html


* 1 Article L. 320-1 du code de la sécurité intérieure (CSI).

* 2 1° de l'article L. 320-6 du CSI.

* 3 Texte issu de l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard.

* 4 Articles L. 324-3 et L. 324-4 du CSI.

* 5 Article L. 320-2 du CSI.

* 6 Dérogation introduite par l'article 57 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation, dit « amendement Chaban-Delmas », qui ciblait la ville de Bordeaux.

* 7 Article 82 de la loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général.

* 8 Article 24 de la loi du 31 mars 1931.

* 9 Voir les IV, V et VIII de l'article 34 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain.

* 10 Articles 219 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 et 148 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 11 Article L. 321-2 du code de la sécurité intérieure.

* 12 Le produit brut des jeux se définit comme la différence entre le montant des mises initiales des joueurs et les gains versés par le casino sur leurs différents jeux. Ce montant représente à la fois ce qui reste aux opérateurs après redistribution des gains et la somme que les joueurs ont effectivement dépensé, c'est-à-dire perdue. En d'autres termes, il s'agit du chiffre d'affaires du casino.

* 13 Article L. 2333-54 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

* 14 Article L. 2333-55 du CGCT.

* 15 En effet l'article L. 321-2 du CSI dispose que « Les autorisations sont accordées par le ministre de l'intérieur, après enquête, et en considération d'un cahier des charges établi par le conseil municipal et approuvé par le ministre de l'intérieur. »

* 16 Haras national de Saint Lô, haras national de Lamballe, haras national du Pin, haras national d'Hennebont, haras national du Lion d'Angers, haras national de la Roche-sur-Yon, haras national de Pompadour, haras national de Villeneuve-sur-Lot, haras national d'Aurillac, haras national de Pau-Gelos, haras national d'Uzès, haras national de Rosières aux Salines et haras national de Cluny - liste établie selon le site Internet de l'IFCE consulté le 8 mai 2023 à l'adresse suivante : https://www.ifce.fr/haras-nationaux/nos-sites/.

* 17 L'hippodrome de Verrie pour la commune de Saumur et l'hippodrome de Saint-Sornin-Lalops pour la commune d'Arnac-Pompadour.

* 18 Texte issu de l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard.

* 19 Les articles L. 324-3 et L. 324-4 du CSI incriminent le fait d'émettre ou de distribuer des supports de jeux d'argent et de hasard prohibés ou de concourir à cette émission ou à cette distribution ainsi que la mise à disposition de tiers, l'installation et l'exploitation de ces appareils sur la voie publique et ses dépendances, dans des lieux publics ou ouverts au public et dans les dépendances, mêmes privées, de ces lieux publics ainsi que l'exploitation de ces appareils ou leur mise à disposition de tiers par une personne privée, physique ou morale, dans des lieux privés.

* 20 Article L. 320-2 du CSI.

* 21 Article L. 320-3 du CSI.

* 22 Créée par le 15° de l'article 12 de l'ordonnance du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard.

* 23 Dérogation introduite par l'article 57 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation, dit « amendement Chaban-Delmas », qui ciblait la ville de Bordeaux.

* 24 A l'inverse d'un casino, qui est une société commerciale, un cercle de jeux est une association sans but lucratif et se distingue aussi des casinos en ce que l'accès à l'établissement se fait après le paiement d'une cotisation d'adhésion à l'association, que la contrepartie de certains jeux est assurée par des joueurs ne prenant pas part au jeu (ils sont appelés « banquiers »), qu'il n'y a pas de jeux de contrepartie ou de machines à sous et que la commune d'accueil n'est pas liée par une délégation de service public à cet établissement.

* 25 Articles 47 et 49 de la loi de finances du 30 juin 1923 et décret n° 47-798 du 5 mai 1947.

* 26 Le Club anglais, créé en 1918, et le Cercle Clichy-Montmartre, créé en 1947.

* 27 Voir les IV, V et VIII de l'article 34 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain.

* 28 Articles 219 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 et 148 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 29 Article L. 321-2 du code de la sécurité intérieure.

* 30 Le Conseil d'État estime que la convention passée entre la commune et le casino a le caractère de délégation de service public même si l'activité de jeux ne revêt pas, en soi, le caractère d'un service public (CE, 25 mars 1966, n° 46504, Ville de Royan ; CE, 19 mars 2012, Partouche, n° 341562).

* 31 C'est également ce que rappelle l'article 3 de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos, NOR : INTD0754510A.

* 32 Le produit brut des jeux se définit comme la différence entre le montant des mises initiales des joueurs et les gains versés par le casino sur leurs différents jeux. Ce montant représente à la fois ce qui reste aux opérateurs après redistribution des gains et la somme que les joueurs ont effectivement dépensé, c'est-à-dire perdue. En d'autres termes, il s'agit du chiffre d'affaires du casino.

* 33 Article L. 2333-54 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

* 34 Article L. 2333-55 du CGCT.

* 35 Jean-Baptiste Vila, Le droit de la régulation des jeux d'argent, LGDJ, août 2020, p. 171.

* 36 Rapport disponible à l'adresse suivante : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/55053.

* 37 En effet l'article L. 321-2 du CSI dispose que « Les autorisations sont accordées par le ministre de l'intérieur, après enquête, et en considération d'un cahier des charges établi par le conseil municipal et approuvé par le ministre de l'intérieur. »

* 38 Article 6 de l'arrêté du 14 mai 2007 cité supra.

* 39 Jean-Baptiste Vila, op. cit., p. 181.

* 40 Proposition de loi n° 430 (2018-2019) visant à étendre le périmètre d'implantation des casinos aux communes comportant un élément de patrimoine singulier, déposée par Stéphane Piednoir et Catherine Deroche au Sénat le 3 avril 2019.

* 41 Proposition de loi n° 552 (XVIème lég.) visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos, déposée par Laetitia Saint-Paul à l'Assemblée nationale le 29 novembre 2022.

* 42 « Saumur aura son casino pendant ce quinquennat, l'engagement d'Emmanuel Macron », Ouest France, article publié le 23 décembre 2022, disponible à l'adresse suivante : https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/saumur-49400/saumur-aura-son-casino-pendant-ce-quinquennat-l-engagement-d-emmanuel-macron-5813440c-821e-11ed-b3eb-6d22061597a4.

* 43 Extrait du rapport d'information n° 64 fait au nom de la commission des finances du Sénat sur l'établissement public « les Haras nationaux », par Joël Bourdin, 9 novembre 2006, p. 9, disponible à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r06-064/r06-0641.pdf.

* 44 Site Internet de l'IFCE consultable à cette adresse : https://equipedia.ifce.fr/economie-et-filiere/organisation/organismes-et-filiere-francaise/ifce.

* 45 Idem.

* 46 Analyse du marché des jeux d'argent pour l'année 2021, agence nationale des jeux, p. 15, disponible à l'adresse suivante :
https://anj.fr/sites/default/files/2022-04/ANJ_Rapport_e%CC%81co_2021.pdf.

* 47 Haras national de Saint Lô, haras national de Lamballe, haras national du Pin, haras national d'Hennebont, haras national du Lion d'Angers, haras national de la Roche-sur-Yon, haras national de Pompadour, haras national de Villeneuve-sur-Lot, haras national d'Aurillac, haras national de Pau-Gelos, haras national d'Uzès, haras national de Rosières aux Salines et haras national de Cluny - liste établie selon le site Internet de l'IFCE consulté le 8 mai 2023 à l'adresse suivante : https://www.ifce.fr/haras-nationaux/nos-sites/.

* 48 Site Internet de l'IFCE consultable à cette adresse : https://equipedia.ifce.fr/economie-et-filiere/organisation/organismes-et-filiere-francaise/ifce.

* 49 L'hippodrome de Verrie pour la commune de Saumur et l'hippodrome de Saint-Sornin-Lalops pour la commune d'Arnac-Pompadour.

* 50 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 51 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 52 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 53 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.