II. UNE SOLUTION « JUSTE ET ÉQUITABLE » POUR RÉPARER LES SPOLIATIONS

A. LA MISE EN PLACE D'UNE PROCÉDURE DE RESTITUTION OBJECTIVE ET TRANSPARENTE AU CHAMP D'APPLICATION ÉTENDU

Les principales dispositions du projet de loi

L'article 1er crée, dans le code du patrimoine, une procédure administrative permettant à l'État ou aux collectivités territoriales, par dérogation au principe d'inaliénabilité du domaine public, de restituer les biens culturels appartenant à leurs collections qui se révéleraient spoliés dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. Il conditionne la décision de restitution par la personne publique à l'avis préalable de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), chargée d'apprécier l'existence de la spoliation et ses circonstances.

L'article 2 autorise les propriétaires des musées privés ayant reçu l'appellation « musée de France » à restituer, après avis de la CIVS, les biens spoliés de leurs collections acquis par dons ou legs ou avec le concours financier d'une collectivité publique, en principe incessibles sauf à un autre musée de France. La commission a précisé, sur proposition de son rapporteur, qu'il s'agit d'une dérogation à l'article L. 451-10 du code du patrimoine ( COM-4). Elle a également renvoyé à un décret le soin d'en fixer les modalités d'application ( COM-5).

La commission se félicite :

ü de son champ d'application large. La procédure devrait s'appliquer à tous les types de biens culturels relevant du domaine public, y compris le mobilier, les livres et les instruments de musique, et aux différentes formes de spoliations liées à des persécutions antisémites (vols, pillages, mesures d'aryanisation, ventes forcées) quels que soient l'autorité responsable et le lieu de leur perpétration.

ü du caractère objectif, transparent et collégial de la procédure mise en place, qui correspond à la position toujours défendue par la commission pour l'organisation des restitutions. Le recours à la CIVS est de nature à sécuriser les familles de victimes et les établissements culturels, compte tenu de son expertise en matière de caractérisation des spoliations et de sa compétence en matière de recherche et de restitutions des biens culturels spoliés renforcée par la réforme de 2018. Il apporte une vraie garantie d'un examen scientifique et impartial des cas concernés.

Si cette procédure ne permettra pas de faire sortir des collections des biens acquis dans des circonstances troubles comme l'avait fait la loi du 21 février 2022, elle devrait permettre de régler les cas dans lesquels la restitution s'impose aux collectivités publiques de façon objective. C'est ce qui justifie que le législateur donne son autorisation automatique à la sortie des biens des collections.

Le caractère simple et non conforme de l'avis de la CIVS ne constitue pas un obstacle à cette sortie automatique. D'une part, le risque que l'avis de la CIVS ne soit pas suivi semble faible. D'autre part, la décision des collectivités publiques pourra toujours être contestée devant le juge administratif. Cet avis simple est de nature à responsabiliser davantage les collectivités publiques et à conférer une plus grande dimension symbolique à la décision de restitution.

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