III. DES MESURES COMPLÉMENTAIRES INDISPENSABLES POUR GARANTIR LA PLEINE APPLICATION DU PROJET DE LOI

A. L'IMPORTANCE DES MESURES D'APPLICATION

Le présent projet de loi renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les détails de sa mise en oeuvre. Les règles relatives à la compétence, la composition, l'organisation et au fonctionnement de la CIVS devraient, en particulier, être modifiées afin de lui permettre d'exercer ses nouvelles missions. Son périmètre d'intervention, aujourd'hui limité aux spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur en France pendant la période de l'Occupation, ne correspond pas à celui qu'elle devrait avoir dans le cadre des nouvelles prérogatives qui doivent lui être confiées.

Sans ces dispositions réglementaires, la nouvelle procédure de restitution ne pourra pas s'appliquer pleinement. La commission regrette de ne pas avoir pu prendre connaissance de leur contenu, leur rédaction n'étant toujours pas finalisée. Les modalités de saisine, de prise de décision et de recours, ainsi que les possibilités de réexamen des dossiers en cas de survenance d'un élément nouveau, seront des éléments déterminants pour garantir le caractère opérant de cette nouvelle procédure. Des clarifications sont attendues de la part des établissements culturels au sein desquels les biens sont conservés concernant le rôle qui leur sera dévolu.

B. UN RENFORCEMENT NÉCESSAIRE DES MOYENS

Si le présent projet de loi permet de faciliter la perspective des restitutions, un immense travail reste nécessaire pour que celles-ci puissent intervenir.

La politique de recherche, de réparation et de mémoire des spoliations de biens culturels a connu une véritable accélération au cours de la dernière décennie. Le travail engagé par les bibliothèques et les musées nationaux à la demande des ministres de la culture successifs sur l'identification des biens spoliés et leur présentation au public, comme la création de la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS) et les nouvelles prérogatives confiées à la CIVS en matière de spoliations de biens culturels ont significativement amélioré l'organisation de cette politique et permis à la France de combler une partie de son retard en gagnant en efficacité.

Se pose désormais la question des moyens que notre pays est prêt à consacrer à cet enjeu. En comparaison de plusieurs de nos voisins européens, au premier rang desquels l'Allemagne, l'engagement de la France en termes humains et financiers reste encore modeste. La commission considère qu'un renforcement des moyens est indispensable pour que les ambitions affichées par ce projet de loi puissent se matérialiser.

La commission estime qu'une augmentation des effectifs de la M2RS et de la CIVS s'avérera opportune afin d'éviter que l'accroissement de leur charge de travail ne se traduise par un allongement des délais de procédure ou une réduction du temps consacré à l'instruction de chaque dossier.

Elle considère que la bonne mise en oeuvre de la présente loi passe par une meilleure sensibilisation des établissements culturels et des collectivités territoriales à l'importance de la réparation des spoliations et par une intensification du travail de recherche de provenance et d'identification des propriétaires spoliés et de leurs ayants droit, pour lequel beaucoup reste à faire. Il s'agit d'une tâche chronophage et d'autant plus coûteuse que son ampleur pourrait nécessiter de faire appel à des sociétés privées pour garantir sa réalisation dans des délais raisonnables. Son développement appelle des mesures pour enrichir l'offre de formation, soutenir les travaux de recherche sur la période 1933-1945, faciliter l'accessibilité de l'ensemble des archives et approfondir les réseaux de coopération internationale. Les établissements culturels semblent par ailleurs désireux de réunions périodiques les rassemblant sur le sujet, afin d'échanger entre eux autour de bonnes pratiques. La mutualisation du recrutement de chercheurs de provenance pourrait se révéler une piste intéressante pour permettre aux établissements d'avancer sur le travail d'identification des biens.

Parallèlement, la commission souhaite que les établissements culturels puissent renforcer la médiation autour des oeuvres spoliées et des MNR. Rendre compte de l'histoire des spoliations et retracer le parcours des oeuvres fait partie intégrante de la politique de réparation et se révèle essentiel dans les cas dans lesquels l'identification des biens spoliés ou des ayants droit est plus complexe, comme pour ce qui concerne les livres ou les instruments de musique.

La commission attire enfin l'attention du Gouvernement sur l'importance de ne pas laisser de côté la problématique des MNR. Il lui semble fondamental que la France ait accompli toutes les diligences nécessaires pour rechercher les ayants droit avant d'envisager d'autres solutions de règlement de cette question.

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