N° 633

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 mai 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de résolution européenne en application de l'article 73 quinquies du Règlement, relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du « Plan d'action pour le milieu marin » présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne,

Par M. Alain CADEC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Didier Marie, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, André Gattolin, Pierre Laurent, Mme Colette Mélot, M. Jacques Fernique, Mme Véronique Guillotin, vice-présidents ; M. François Calvet, Mme Marta de Cidrac, M. Jean-Yves Leconte, Mme Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, Mme Florence Blatrix Contat, M. Philippe Bonnecarrère, Mme Valérie Boyer, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Cuypers, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Ludovic Haye, Jean-Michel Houllegatte, Patrice Joly, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Pierre Louault, Victorin Lurel, Franck Menonville, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Pierre Ouzoulias, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger.

Voir les numéros :

Sénat :

557 et 634 (2022-2023)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Conformément à l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat, la commission des affaires européennes est saisie d'une proposition de résolution européenne n° 557 (2022-2023), de M. Michel Canévet et plusieurs de ses collègues, relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du plan d'action "protéger et restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente" présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne.

Ce plan d'action invite notamment les États membres à interdire la pêche de fond mobile dans les zones Nartura 2000 dès 2024, et dans l'ensemble des zones marines protégées existantes et nouvelles à compter de 2030.

Constatant que la publication de ce plan d'action a suscité de nombreuses réactions parmi les pêcheurs, et relevant que sa mise en oeuvre aurait des conséquences dramatiques pour la filière pêche, les auteurs de la proposition de résolution appellent le Gouvernement à s'opposer à toute interdiction générale de la pêche de fond mobile dans les zones marines protégées.

Le présent rapport présente succinctement les efforts réalisés ces dernières années pour limiter l'impact des arts traînants sur les fonds marins et la biodiversité. Il procède ensuite à une analyse du plan d'action présenté par la Commission, dont il relève le caractère inopérant et inefficace. Il détaille, enfin, les conséquences socioéconomiques d'une telle interdiction.

I. DES EFFORTS RÉCENTS POUR RÉDUIRE L'IMPACT DE LA PÊCHE DE FOND MOBILE SUR LES FONDS MARINS

A. LES ARTS TRAÎNANTS : UNE TECHNIQUE DE PÊCHE TRÈS RÉPANDUE EN FRANCE ET DÉCRIÉE DE LONGUE DATE PAR LES ASSOCIATIONS DE PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

Les engins de pêche se divisent en deux grandes familles : les arts dormants et les arts traînants. Tandis que les arts dormants se composent d'engins immobiles ou en dérive dans lesquels les poissons viennent se piéger, les arts traînants sont des engins actifs, généralement tractés par des navires sur le fond marin ou en pleine eau, via des câbles d'acier.

La pêche de fond mobile désigne ainsi une grande variété d'engins de pêche, munis d'un système de lest et d'écartement et d'une partie raclant le sol pour soulever ou déterrer les espèces ciblées.

Les différents engins de pêche

Source : IFREMER.

Les arts traînants, pratiqués de façon exclusive ou occasionnelle par plus de 40 % des navires français sur la façade atlantique, fournissent les principales ressources capturées pour les pêcheries françaises : merlans baudroies, soles, langoustines ou encore coquilles Saint-Jacques.

À l'échelle de la France, les différents engins de pêche de fond mobile (drague, chalut et senne de fond) représentent ainsi 36 % des quantités pêchées, pour 28 % des jours en mer.

Part des différents engins dans la pêche française

Source : IFREMER

Selon les données du Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM)1(*), sur la période 2013-2018, près de 66 % de la surface du Golfe de Gascogne et des côtes ibériques, mais également 53 % des mers celtiques et 62 % de la Manche et mer du Nord ont fait l'objet d'une pression de chalutage entre 0 et 200 mètres de profondeur.

Pression de chalutage moyenne sur la période 2013-2018

Source : CIEM.

Les associations de défense de l'environnement dénoncent depuis de nombreuses années les répercussions de la pêche de fond mobile sur la faune et la flore. Elles relèvent notamment que cette pratique :

- détruit les écosystèmes en raclant les fonds marins. Le passage d'un engin est susceptible, d'une part, d'arracher, de briser ou d'enfouir les espèces benthiques, et d'autre part, de modifier plus ou moins durablement la morphologie des fonds marins en déplaçant les sédiments océaniques, qui constituent de grands puits naturels de carbone ;

- fragilise les populations de poissons qui s'y abritent et s'y reproduisent. Les fonds marins fournissent en effet des zones d'alevinage et de frai pour de nombreuses espèces, contribuant au maintien de la structure et du fonctionnement des réseaux alimentaires marins ;

- favorise les prises accidentelles disproportionnées faute de sélectivité, contribuant ainsi au déclin de plusieurs espèces (tortures de mer, mammifères marins) ;

- est associée à une empreinte carbone très élevée, le chalut de fond, tracté par la puissance motrice d'un navire, étant l'engin de pêche le plus consommateur de gasoil.

Ainsi, selon l'association Bloom, « les chaluts de fond détruisent pratiquement toutes les grandes espèces non ciblées, perturbent les couches supérieures des sédiments et plus généralement, produisent des habitats pauvres en biomasse et en espèces »2(*).

B. LA GESTION SPATIALE DE LA PÊCHE DE FOND : UNE APPROCHE RÉCEMMENT GÉNÉRALISÉE EN EUROPE POUR PROTÉGER LES ÉCOSYSTÈMES SENSIBLES

1. La « boîte à outils » de la PCP : une grande diversité d'instruments destinés à garantir une gestion durable des ressources halieutiques

La politique commune de la pêche (PCP), dont les premiers jalons ont été posés dès le traité de Rome, poursuivait initialement quatre objectifs distincts :

- préserver les stocks halieutiques ;

- protéger l'environnement marin ;

- garantir la viabilité économique des flottes de l'Union ;

- fournir une alimentation de qualité aux consommateurs.

En 2002, afin de mettre un terme à la surpêche et d'assurer durablement l'avenir du secteur de la pêche, un objectif supplémentaire a été assigné à la politique commune de la pêche, à savoir permettre une exploitation durable des ressources aquatiques vivantes, de manière équilibrée et en tenant compte des aspects environnementaux, économiques et sociaux.

Si la réforme de 2002, bâtie autour de trois règlements distincts3(*), a ainsi introduit une approche à long terme pour la gestion de la pêche comprenant notamment des plans de reconstitution ou de gestion pluriannuels pour les stocks halieutiques, elle n'a pas permis d'enrayer la détérioration de certains stocks.

C'est dans ce contexte qu'a été élaborée la « nouvelle PCP » de 20134(*), afin de garantir que les activités de pêche soient durables à long terme sur le plan environnemental. Le règlement de 2013 stipule notamment que la PCP doit contribuer « à la protection du milieu marin, à la gestion durable de toutes les espèces exploitées commercialement » et qu'il est « nécessaire de mettre en oeuvre une approche écosystémique de la gestion des pêches, de limiter les incidences des activités de pêche sur l'environnement et de réduire autant que possible les captures indésirées ».

Dans cette perspective, l'Union européenne, qui bénéficie d'une compétence exclusive en matière de conservation des ressources biologiques de la mer, peut s'appuyer sur une grande variété d'instruments :

- le régime des totaux admissibles de capture (TAC) et des quotas annuels, par le biais duquel le Conseil détermine les quantités maximales de pêche pour chaque espèce, sur la base d'avis scientifiques, avant de les répartir entre les États membres ;

- les plans pluriannuels pour les stocks dont la conservation est menacée, définissant des taux maximum de mortalité ;

- la limitation de l'effort de pêche (avec la fixation d'un nombre de jours en mer à ne pas dépasser pour les navires de pêche) ;

- la définition de mesures techniques (taille des mailles des filets, fermeture temporaire de certaines zones de pêche, définition de tailles minimales de captures, etc.)

Cette « boîte à outils » a permis d'améliorer de manière significative les stocks de poissons depuis 2013, comme l'a souligné la Commission dans une récente communication au Parlement européen et au Conseil5(*) : « les plans pluriannuels régionaux pour la mer Baltique, la mer du Nord et les eaux occidentales se sont révélés efficaces [...] en 2020, plus de 99 % des débarquements en mer Baltique, en mer du Nord et dans l'Atlantique gérés exclusivement par l'Union devraient provenir de pêcheries gérées de manière durable ».

Ce constat est corroboré à l'échelle nationale par le rapport de la Mission sur la politique commune des pêches de 20216(*), qui relève que désormais « environ 50 % des captures de poisson de la pêche française proviennent de stocks exploités durablement contre 15 % il y a 20 ans [...] » et que « le nombre de stocks se trouvant dans les limites biologiques de sécurité a doublé depuis 2013 ».

Dans son diagnostic 2022 sur les ressources halieutiques débarquées par la pêche française hexagonale7(*), l'Ifremer note ainsi que « depuis le début de la PCP actuelle (2013), le nombre de stocks non surpêchés est passé de 47 à 72, et en pourcentage du nombre de stocks évalués et classifiés, de 44 à 62 % » et que cette amélioration globale « est également observée à l'échelle de l'ensemble de l'Atlantique nord-est ».

2. L'instauration progressive de restrictions spatiales pour limiter l'impact de la pêche de fond

Si les outils mis en oeuvre dans le cadre de la PCP ont donc fait la preuve de leur efficacité, l'Union européenne a également posé les prémices, ces dernières années, d'une gestion spatiale des activités de pêche de fond, afin d'en réduire les incidences sur les écosystèmes marins les plus vulnérables.

Par le passé, des mesures ponctuelles ont été prises pour restreindre la pêche de fond mobile dans certaines zones particulièrement sensibles - avec par exemple en France l'interdiction, depuis 1862, du chalutage dans la bande des 3 milles marins (soit 6 kilomètres) ou encore l'interdiction périodique de la pêche au chalut entre 3 et 6 milles nautiques des côtes dans le golfe du Lion, afin de protéger les populations juvéniles de merlus.

Deux évolutions majeures ont néanmoins eu lieu ces dernières années à l'échelle européenne. Dans un règlement du 14 décembre 20168(*), l'Union européenne a ainsi interdit le chalutage de fond à une profondeur supérieure à 800 mètres, en s'appuyant notamment sur les travaux scientifiques menés par des chercheurs de l'université de Glasgow9(*).

Ces derniers ont en effet relevé, d'une part, que le chalutage en eau profonde provoquait des dommages croissants entre 600 et 1300 mètres, avec une augmentation des prises accidentelles, notamment d'espèces en voie de disparition comme les requins ou les raies et d'autre part, que les outils classique de gestion de la ressource halieutique ne permettaient pas d'enrayer ce phénomène.

Par ailleurs, le 15 septembre 2022, la Commission a adopté un acte d'exécution10(*) interdisant l'accès de 87 zones, où la présence d'écosystèmes marins vulnérables est avérée ou probable, à tous les engins ayant un contact avec le fond (chaluts de fond, dragues, filets maillants de fond, palangres de fond, casiers et pièges) opérant dans les eaux communautaires à une profondeur inférieure à 400 mètres.

Ces zones, qui se situent dans l'Atlantique du Nord-Est sur une superficie totale de 16 400 kilomètres carrés, représentent 1,16 % des eaux communautaires. L'interdiction durable de la pêche de fond a vocation à y préserver des communautés d'espèces sensibles, comme les coraux d'eau froide, qui seraient affectées de manière irréversible par le passage d'un seul chalut.

Dans sa communication du 21 février 2023 intitulée « Plan d'action de l'UE : protéger et restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente »11(*), la Commission propose d'étendre considérablement les restrictions spatiales apportées à la pêche de fond mobile, en prohibant l'utilisation des engins de fond12(*) dans les zones Natura 2000 dès 2024, et dans toutes les aires marines protégées existantes ou nouvelles à compter de 2030.

II. INTERDIRE LA PÊCHE DE FOND MOBILE DANS LES ZONES MARINES PROTÉGÉES : DERRIÈRE SON APPARENTE COHÉRENCE, UN PROJET INOPÉRANT ET DÉNUÉ D'EFFICACITÉ

A. LES ZONES MARINES PROTÉGÉES : UN TERME GÉNÉRIQUE POUR DÉSIGNER UN ENSEMBLE EN RÉALITÉ TRÈS DISPARATE

1. En Europe, un instrument multiforme érigé en pilier de la politique de protection de la biodiversité
a) La désignation de zones marines protégées, fer de lance historique de la politique européenne de protection de la biodiversité

Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), une aire protégée se définit comme « un espace géographique clairement défini, reconnu, dédié et géré, par des moyens légaux ou d'autres moyens efficaces, afin d'assurer la conservation à long terme de la nature, des services systémiques et des valeurs culturelles qui y sont associées ». Les aires marines protégées peuvent permettre « une utilisation modérée des ressources naturelles », mais « non industrielle et compatible avec la conservation de la nature ».

Au niveau de l'Union européenne, les aires marines protégées (AMP) ou zones marines protégées (ZMP) désignent des zones géographiques délimitées en mer, qui répondent à des objectifs de protection de la biodiversité marine et de gestion durable des activités maritimes.

La politique européenne en matière de protection de la biodiversité s'appuie historiquement sur les directives « Oiseaux » de 197913(*) et « Habitats » de 199214(*), destinées respectivement à protéger les oiseaux sauvages et plus de 1 000 espèces d'importance européenne, ainsi que leurs principaux habitats sur tout le territoire européen.

Ces deux directives imposent aux États membres de prendre des mesures appropriées pour éviter la détérioration des habitats naturels, notamment en désignant des aires géographiques spécialement identifiées et dédiées à la protection des espèces en danger, regroupées au sein du réseau Natura 2000.

La directive-cadre stratégie pour le milieu marin15(*), adoptée en 2008 afin de garantir une bonne articulation entre les politiques environnementales et sectorielles qui concernent le milieu marin, a reconnu l'importance de ces mesures de protection spatiale. Soulignant notamment que les zones marines protégées constituaient « une importante contribution à la réalisation d'un bon état écologique », la directive-cadre a imposé aux États membres d'établir des programmes comprenant notamment des mesures de protection spatiale, afin de contribuer à « créer des réseaux cohérents et représentatifs de zones marines protégées ».

La directive-cadre stratégie pour le milieu marin a également fourni, au cours des dernières années, un cadre juridique à l'Union européenne pour contribuer aux engagements de la Convention sur la diversité biologique (CDB), qui fut adoptée lors du sommet de la Terre à Rio en 1992, et dont le plan stratégique 2011-2020 prévoyait la création d'un réseau d'espaces protégés couvrant au moins 17 % de la surface terrestre et 10 % des océans (« objectif 11 d'Aichi »).

Cette ambition a été revue à la hausse lors de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP 15 de la CDB) qui s'est tenue à Montréal, puisque le Cadre Mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, adopté le 19 décembre 2022, préconise la protection, par le biais de systèmes d'aires protégées, de 30 % des terres et 30 % des mers à horizon 203016(*).

Ces objectifs sont cohérents avec la Stratégie de l'Union européenne en faveur de la biodiversité à l'horizon 203017(*), présentée en 2020 par la Commission, qui prévoit notamment la création de zones protégées représentant au moins 30 % de la superficie terrestre et de la superficie marine de l'UE, dont au moins 10 % de zones strictement protégées. Ces objectifs ont été approuvés en 2020 par le Conseil de l'Union européenne18(*).

Enfin, la proposition de règlement sur la restauration de la nature19(*), qui s'inscrit dans le prolongement de la stratégie de l'Union européenne en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, fixe de multiples objectifs juridiquement contraignants en matière de restauration des écosystèmes.

Ce texte, actuellement en cours de discussion, ambitionne notamment que les mesures de restauration par zone prises par les États membres couvrent au moins 20 % des zones terrestres et marines de l'Union d'ici à 2030, puis soient étendues à tous les écosystèmes devant être préservés à horizon 2050. La proposition de règlement précise notamment les mesures envisagées pour la restauration des écosystèmes marins (herbiers marins, fonds sédimentaires, habitats d'espèces marines emblématiques).

C'est dans ce contexte que doit être analysé le plan d'action de la Commission pour la protection et la restauration des écosystèmes marins. Ce dernier est ainsi destiné, d'une part, à répondre aux engagements pris par l'Union européenne lors de la COP15 et d'autre part, à atteindre les objectifs définis dans la Stratégie en faveur de la biodiversité à horizon 2030 et la proposition de règlement de restauration de la nature.

En effet, à l'heure actuelle, les 27 000 sites Natura 2000 couvrent 18,5 % de la surface terrestre européenne et 8,9 % de la surface marine des eaux européennes. En incluant les autres catégories d'aires marines protégées, seules 12 % des mers de l'UE sont actuellement protégées - soit un chiffre nettement en deçà de l'objectif de 30 %.

b) À l'échelle européenne, un réseau hétérogène, caractérisé par une grande diversité d'objectifs et des niveaux inégaux de protection

Si les aires marines protégées jouent un rôle central dans la conservation des écosystèmes marins, force est de constater qu'il en existe de toutes sortes, caractérisées par une grande diversité d'objectifs : préservation de couloirs migratoires, protection d'habitats benthiques vulnérables ou d'espèces sensibles, mais également promotion d'une exploitation durable des ressources maritimes ou préservation du patrimoine culturel marin.

La notion d'aire protégée renvoie en réalité à des systèmes de gestion des espaces très différents, comme en atteste la diversité des statuts juridiques afférents ; les règles qui s'y appliquent, de même que leurs modes d'élaboration, varient donc d'un territoire à l'autre, avec pour corollaire des niveaux de protection très inégaux.

L'exemple du réseau Natura 2000 est à cet égard particulièrement emblématique. Toutes les activités humaines y sont a priori autorisées, charge étant faite au gestionnaire de chaque zone d'engager une évaluation des incidences s'il estime qu'une activité risque d'affecter les écosystèmes - cette évaluation pouvant déboucher, à terme, sur des restrictions ciblées. Les États conservent ainsi la possibilité de choisir les mesures à mettre en place, pour pouvoir prendre en compte les particularités régionales de chacun des sites.

Par conséquent, au sein de l'Union européenne, de nombreuses aires marines protégées demeurent multi-usages, les activités humaines comme la pêche ou l'aquaculture n'y étant pas interdites, sous réserve qu'elles soient compatibles avec les objectifs de conservation des habitats.

Pour certaines associations de protection de l'environnement, les zones Natura 2000 ne constituent donc pas des aires protégées au sens de l'UICN, cette expression étant utilisée abusivement pour désigner des zones de co-gestion, qui ne répondent pas au degré minimal de protection défini selon les standards internationaux.

En effet, des travaux scientifiques récents20(*), menés par une équipe internationale de chercheurs, ont abouti à la mise en ligne d'un guide des aires marines protégées (AMP) établissant une méthodologie pour classer ces dernières selon quatre niveaux de protection de la biodiversité :

- protection intégrale : aucune activité extractive ou destructive n'est autorisée. Tous les impacts émanant d'activités que l'AMP peut gérer sont minimisés ;

- protection haute : seules les activités extractives légères sont autorisées. Les autres impacts émanant d'activités que l'aire marine protégée peut gérer sont minimisés dans la mesure du possible, par exemple en n'autorisant que les activités culturelles ou traditionnelles à faible impact et à faible niveau d'extraction ;

- protection légère : il existe une certaine protection, mais l'extraction et les autres impacts, modérés à importants, sont autorisés ;

- protection minimale : une extraction extensive et d'autres impacts sont autorisés, mais la zone offre tout de même un certain avantage en matière de conservation dans la région, car des activités hautement destructives comme la pêche industrielle sont interdites.

Or, selon cette classification, moins de 1 % des zones marines européennes bénéficieraient actuellement d'une protection intégrale.

2. En France, une protection juridique accordée à 33 % de l'espace maritime à travers une grande variété d'outils

Disposant du deuxième espace maritime mondial, la France compte désormais 565 aires marines protégées en métropole et en outre-mer, assurant une protection à 33 % des eaux françaises, contre 23,5 % en 2019.

Cette évolution traduit les efforts initiés dans le cadre de la stratégie française pour les aires protégées 2030 dont l'objectif, au terme de l'article 110-4 du code de l'environnement, est de couvrir par un réseau cohérent d'aires protégées en métropole et en outre-mer, sur terre et en mer, « au moins 30 % de l'ensemble du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française », dont au moins 10 % sous protection forte21(*).

La politique volontariste de création des aires marines protégées menée ces dernières années par la France lui permet de figurer parmi les pays européens affichant les taux le plus élevés de protection de leur espace maritime.

Réseau français des aires marines protégées

Source : site du ministère de l'écologie

Les aires marines protégées françaises se distinguent néanmoins par leur diversité. Ainsi, l'article L. 334-1 du code de l'environnement reconnaît onze grandes catégories d'aires marines protégées, si bien qu'en incluant les instruments régionaux et internationaux ainsi que les outils de protection spécifiques créés par les collectivités d'outre-mer, quarante-trois outils législatifs de protection des espaces maritimes coexistent en droit français.

Les onze catégories d'aires marines protégées

Les aires marines protégées comprennent :

- les parcs nationaux ayant une partie maritime ;

- les réserves naturelles ayant une partie maritime, et, le cas échéant, les périmètres de protection de ces réserves ;

- les zones ayant fait l'objet d'un arrêté de protection des biotopes, des habitats naturels et des sites d'intérêt géologique ayant une partie maritime ;

- les parcs naturels marins ;

- les sites Natura 2000 ayant une partie maritime ;

- les parties maritimes du domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;

- les zones de conservation halieutiques ;

- les parties maritimes des parcs naturels régionaux ;

- les réserves nationales de chasse et de faune sauvage ayant une partie maritime ;

- les aires marines protégées créées en application des codes de l'environnement de la Polynésie française, des îles Wallis et Futuna, des provinces de la Nouvelle-Calédonie et en application des délibérations du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;

- les aires marines ou ayant une partie marine délimitées par la France en application d'instruments régionaux ou internationaux.

Source : article L334-1 du code de l'environnement.

Cette diversité d'outils et de modes de gestion permet indéniablement de s'adapter aux enjeux territoriaux ; la stratégie française pour les aires protégées 2030 est très explicite sur ce point, relevant que « ces statuts diversifiés sont importants, car ils s'adaptent aux territoires, offrant un gradient allant de la conservation de la nature au développement durable [...]. La bonne articulation de ces différents outils entre eux et leur gestion adaptée au sein des territoires permettent de faire face à la diversité des écosystèmes, des enjeux de gestion, des usages, des cultures et d'accroître la résilience du réseau national d'aires protégées »22(*).

Néanmoins, dans la mesure où chaque site protégé peut réglementer différemment les activités humaines, le cadre juridique applicable se révèle particulièrement complexe et hétérogène à l'échelle nationale, avec pour corollaire des niveaux de protection très variables.

Ainsi, une étude publiée en 2021 par des chercheurs du Centre de recherche insulaire et observatoire de l'environnement23(*) a révélé que seul 1,6 % de l'espace maritime français bénéficiait d'un statut de protection intégrale ou haute, pouvant être assimilé à la « protection forte » définie à l'échelle internationale.

Il apparaît, de surcroît, que 80 % de cette protection haute ou intégrale se concentre dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), le niveau de protection des eaux métropolitaines demeurant plus faible. Ainsi, « 59 % des eaux françaises méditerranéennes sont dans des AMP, dont 0,1 % en protection haute ou intégrale ; presque 40 % de la façade Atlantique-Manche-Mer du Nord est sous un statut d'AMP tandis que 0,01 % reçoit une protection haute ou intégrale »24(*).

Couverture des différents niveaux de protection
en France métropolitaine et en outre-mer

Source : CNRS.

Les associations de protection de l'environnement relèvent également qu'en France, la catégorie de zone de protection forte correspond en réalité à une protection partielle, puisqu'au terme d'un décret de 202225(*), aucune activité n'y est formellement interdite.

B. UN RACCOURCI TROP RAPIDE ENTRE DEUX PROBLÉMATIQUES DISTINCTES : L'EXIGENCE D'UNE PROTECTION PLUS RIGOUREUSE DES ZONES MARINES PROTÉGÉES ET LA NECESSITÉ DE PRÉSERVER CERTAINS FONDS MARINS, ÉVENTUELLEMENT PAR DES RESTRICTIONS TOUCHANT LA PÊCHE DE FOND

Il ressort des travaux menés par le rapporteur que le plan d'action de la Commission établit un raccourci trop rapide entre deux constats :

- le niveau de protection des zones marines en Europe demeure très variable et globalement peu élevé, et mériterait peut-être dans certains cas d'être renforcé pour se conformer aux standards internationaux ;

- certains fonds marins particulièrement vulnérables doivent être protégés, par le biais notamment d'une interdiction totale ou partielle des arts traînants.

La Commission fusionne ainsi deux problématiques bien distinctes, auxquelles elle propose une solution unique, à savoir l'interdiction de la pêche de fond mobile dans les aires marines protégées.

En sus de la confusion qu'elle engendre, cette approche se révèle en réalité peu opérationnelle et globalement inefficace du point de vue de la protection de la biodiversité et des fonds marins.

1. Une mesure générale à rebours de la logique propre aux aires protégées, fondée sur la prise en compte des objectifs de conservation de chaque site

Depuis de nombreuses années, les associations de protection de l'environnement réclament la mise en place d'une réglementation conforme aux recommandations de l'UICN, à savoir :

- 10 % d'aires marines sous protection stricte, avec une interdiction totale des activités humaines ;

- 30 % d'aires marines protégées, c'est-à-dire de zones dans lesquelles les activités industrielles sont interdites ;

- 60 % des zones correctement gérées.

Or, si l'Union européenne a récemment repris à son compte ces objectifs dans le cadre de la stratégie en faveur de la biodiversité à horizon 2030, force est de constater que le chemin à parcourir reste encore significatif. Dans ce contexte, le plan d'action de la Commission semble davantage dicté par l'urgence d'homogénéiser le degré de protection octroyé dans les aires marines européennes que par l'impératif de préserver les fonds marins vulnérables.

Pour le rapporteur, rien n'interdit d'envisager un travail d'harmonisation à l'échelle européenne, de façon à déterminer quelles zones peuvent être qualifiées d'aires marines protégées, sur le plan réglementaire d'une part, et au regard du degré de protection qu'elles garantissent d'autre part. Une telle démarche se traduirait vraisemblablement par une diminution du nombre officiel d'aires marines protégées en Europe, mais rendrait possible un renforcement du niveau de protection afférent.

Il demeure néanmoins inenvisageable de faire de l'interdiction de tous les arts traînants un principe général applicable à l'ensemble des aires marines sanctuarisées par les États membres, une telle mesure allant à rebours de la logique ayant prévalu jusqu'alors en matière de gestion de ces zones.

En effet, jusqu'à présent, la Commission européenne a toujours prôné une approche adaptée aux enjeux propres à chaque territoire ; la directive « habitats » impose notamment aux États membres de prendre « les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés spécifiques aux sites [...] et les mesures réglementaires administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques des types d'habitats naturels [...] présents sur les sites »26(*).

Il a donc toujours été admis, jusqu'à présent, que la prise en compte des objectifs de conservation propres à chaque aire marine protégée constituait un gage d'efficacité en matière de protection de la biodiversité.

Le rapporteur note de surcroît que l'adoption du plan d'action reviendrait à faire table rase des analyses risque-pêche (ARP) actuellement en cours d'élaboration en France.

En effet, en application des directives « Oiseaux » et « Habitats », les activités de pêche, dispensées d'évaluations d'incidences Natura 2000, doivent faire l'objet d'une analyse du risque qu'elles portent atteinte aux objectifs de conservation de chaque site. En pratique, deux méthodologies nationales ont été élaborées afin de définir un niveau de risque pour les couples engins/ espèces et engins/ habitats couverts par chaque site Natura 2000. Les analyses, initiées en janvier 2023, sont conduites de manière concertée par les services de l'État et des représentants du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) et doivent aboutir en 2026. En fonction des résultats obtenus, il est prévu que dès 2027, des mesures réglementaires puissent être prises à l'échelle de chaque site pour réduire la pression de l'activité sur l'habitat ou l'espèce concerné.

Par conséquent, une interdiction de la pêche de fond mobile dans les zones Natura 2000 dès 2024 réduirait à néant les efforts déployés jusqu'à présent pour y minimiser, de manière concertée et adaptée, les incidences de la pêche.

Pour le rapporteur, une telle issue serait particulièrement regrettable, d'une part parce que les parties prenantes ont déjà consacré un temps, une énergie, et des montants considérables à la démarche en cours, et d'autre part parce que, de par la méthodologie adoptée, cette dernière garantit que les restrictions éventuelles apportées à la pêche de fond soient en adéquation avec les objectifs de conservation et les spécificités de chaque site.

2. Un plan d'action fondé sur un postulat erroné, assimilant les fonds marins vulnérables aux aires marines protégées

Les dernières avancées scientifiques permettent de mieux appréhender l'impact des engins de pêche de fond sur les habitats marins et par conséquent de cartographier de manière très précise les zones qui mériteraient une protection supplémentaire, en raison de la sensibilité des écosystèmes qu'elles abritent (voir infra).

Or, force est de constater que ces zones ne se situent pas systématiquement dans des aires marines protégées. L'exemple des travaux réalisés sur la Manche est, à cet égard, extrêmement parlant. À la demande de professionnels de la pêche, des équipes de l'Ifremer ont en effet dressé, dans une étude baptisée « Impact des engins de Pêche sur les fonds marins et la Résilience Écologique du Milieu » (IPREM)27(*), un état des lieux croisé de la pression de pêche de fond et de la santé des fonds marins de la Manche, dans le but de limiter l'impact des engins de fond tout en conservant une activité économique viable.

L'étude IPREM : un travail de cartographie riche en enseignements

Il ressort de l'étude IPREM qu'entre 2013 et 2018 :

- 68 % de la superficie de la Manche a été balayée chaque année par des engins de pêche de fond ;

- 16 % de la superficie de la Manche est considérée comme étant en état de référence, avec moins de 0,1 passage par an ;

- la pression de pêche est inégalement répartie, puisque 90 % de l'effort de pêche se concentre sur 41 % de la surface totale et 24 % de la superficie de la Manche a subi une pression de pêche très élevée, équivalente à une moyenne de 5 passages d'un engin de fond pas an et par zone.

Les travaux ont par ailleurs démontré que les espèces composant les communautés benthiques de la Manche (oursins, petits crabes et crustacés, étoiles de mer) paraissaient relativement résistantes à la pêche. Deux éléments peuvent expliquer ce constat :

- les espèces présentes sont celles qui ont pu s'adapter à la pression de pêche et aux conditions environnementales (marées importantes et courants très forts) ;

- ces espèces ont un cycle de vie court, et donc plus de chances de se reproduire avant un nouvel épisode de pêche.

Source : étude IPREM

Or, selon les informations transmises au rapporteur, la cartographie ainsi réalisée, qui permet de déterminer les zones dans lesquels l'impact des engins de fond est le plus élevé, ne recoupe que partiellement celle des aires marines protégées.

Ces résultats n'ont rien d'étonnant au demeurant, puisque les aires marines protégées n'ont pas vocation à protéger spécifiquement les fonds marins vulnérables.

Dans la mesure où il se fonde ainsi sur un postulat erroné - ce qui témoigne d'une approche plus théorique que réaliste du sujet -, le plan d'action de la Commission se révèle en réalité peu optimal du point de vue de la protection de la biodiversité ; l'interdiction de la pêche de fond mobile exposerait ainsi certains espaces à des restrictions superflues (comme les aires marines protégées désignées au titre de la directive « Oiseaux »), tout en négligeant de protéger les zones réellement vulnérables situées en dehors des AMP.

Au regard de l'ampleur des enjeux - qu'il s'agisse de la viabilité économique des activités de pêche ou de la préservation des fonds marins -, le rapporteur estime que la Commission ne peut se contenter d'agir « à l'aveugle » et que les États membres doivent consentir à financer des travaux scientifiques approfondis, permettant d'établir une cartographie précise des zones à protéger dans un premier temps, pour envisager ensuite, dans un second temps, l'adoption d'éventuelles mesures restrictives.

C. INTERDIRE LA PÊCHE DE FOND MOBILE : UNE SOLUTION EXCESSIVEMENT SIMPLISTE

Les travaux du rapporteur ont montré que le recours, à grande échelle, à des fermetures de zones pour la pêche de fond mobile, constituait une solution excessivement simpliste, faisant abstraction d'au moins deux facteurs :

- l'impact des engins de fond dépendant de plusieurs paramètres, différents types de solutions peuvent être envisagées pour diminuer la pression de pêche ;

- l'effet des fermetures de zones à la pêche n'est pas univoque.

1. Un bannissement de principe injustifié au regard de l'impact différencié des arts traînants

D'importants progrès ont été réalisés au cours de la dernière décennie dans la mesure des différents paramètres déterminant l'impact des arts traînants : engins utilisés, fréquence des passages, espèces ciblées, ou encore degré de vulnérabilité des habitats.

Les chercheurs de l'Ifremer sont ainsi parvenus à modéliser les différents types de pression exercés par les engins de pêche sur les fonds marins (abrasion, charges en particules, remaniement des sédiments), modifiant la morphologie des fonds28(*).

Types d'impacts occasionnés par le passage d'un chalut de fond à panneaux

Source : Ifremer

Des travaux d'observation menés en conditions réelles ont ensuite permis l'élaboration d'une matrice indiquant l'amplitude moyenne de chaque type de pression selon la nature des fonds, le chalutage n'ayant pas les mêmes conséquences sur des sols sableux, vaseux ou rocheux.

Matrice engins-pressions développée par les chercheurs de l'Ifremer

Source : Ifremer.

L'impact des arts traînants varie également selon la fréquence de passage de ces engins. Si les fonds marins en France métropolitaine sont en moyenne soumis au chalutage entre une et cinq fois par an, la pression de pêche est particulièrement élevée dans certaines zones subissant chaque année plusieurs dizaines de passages.

Enfin, les effets du chalutage diffèrent selon les espèces - en fonction de leur fragilité, de leur nature fixée ou non sur le fond, de leur capacité d'enfouissement ou de recolonisation - et le degré de sensibilité des habitats. Tandis que les habitats constitués d'organismes vivants particulièrement vulnérables (coraux, herbiers) peuvent être durablement modifiés, voire même irrémédiablement détériorés par le passage d'un seul chalut, d'autres habitats, soumis à des perturbations naturelles fortes (tempêtes, courants, marées), se révèlent plus résistants au chalutage.

Les travaux scientifiques ont ainsi permis de développer des indicateurs de la vulnérabilité des écosystèmes marins. Les matrices de sensibilité des habitats benthiques aux pressions physiques29(*) élaborées par l'Unité mixte de service Patrimoine naturel concourent notamment à évaluer la capacité des habitats à tolérer une pression externe (c'est-à-dire leur résistance) ainsi que le temps nécessaire à leur récupération suite à une dégradation (c'est-à-dire leur résilience), la combinaison de ces deux facteurs permettant d'attribuer un score de sensibilité aux habitats.

Dans ce contexte, le rapporteur déplore que la Commission mette sur le même plan tous les engins de pêche de fond mobile, en faisant abstraction de leur impact différencié sur les fonds marins. Dans son avis30(*), le Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP) relève ainsi que les travaux préparatoires au plan d'action évaluent la pression de pêche à l'aide du seul indicateur « nombre de jours de pêche », sans opérer de distinction entre les différents types de pêche au chalut, alors qu'il est scientifiquement établi que l'impact de cette pratique dépend de la taille des navires et du type d'engins de fond (Eigaard et al. 2016)31(*).

Il convient, à cet égard, de relever que de nombreux progrès ont ainsi été accomplis pour mettre au point des techniques moins invasives : diminution de la profondeur des dents des dragues à coquille par exemple, réduction de la taille des surfaces exploitées, ou encore recours à des chaluts à bourrelets qui s'enfoncent moins profondément dans le sol.

L'efficacité de ces évolutions techniques demeure variable et dans certains cas, seule une interdiction de la pêche de fond mobile pourra permettre de préserver les écosystèmes. Néanmoins, dans d'autres situations, le recours à des procédés moins nocifs, associé à une diminution des passages pourrait fournir une alternative tout à fait valable, à moyen terme, sur le plan économique et environnemental.

Le rapporteur note, enfin, que de nombreux outils peuvent également être mobilisés dans le cadre de la PCP (la « boîte à outils de la PCP ») pour réduire les captures accidentelles et améliorer la sélectivité des engins : taille des mailles des filets, restrictions relatives à l'utilisation de matériaux de filet ou à la circonférence des culs de chalut, etc.

In fine, pour le rapporteur, toute une palette de mesures et d'étapes intermédiaires peuvent être envisagées avant d'opter pour une interdiction pure et simple des engins de fond. Le plan d'action de la Commission semble délibérément faire abstraction de cette multitude d'options au profit d'un bannissement de principe, dont le caractère iconique interpelle.

2. La gestion spatiale des activités de pêche : un outil controversé, assorti d'effets indésirables

Les associations de défense de l'environnement soulignent les bénéfices à attendre des fermetures de zones à la pêche. En effet, les zones sans capture constituent les aires marines les plus efficacement protégées selon le Conseil international pour l'exploration de la mer32(*), permettant la régénération des ressources halieutiques et le renforcement de la résilience de l'écosystème concerné.

Le recours à des fermetures de zones à la pêche constitue néanmoins un outil débattu : pas toujours nécessaire mais parfois insuffisant pour garantir la restauration des fonds, il s'accompagne de nombreux effets indirects.

Les travaux récents ont montré, en premier lieu, qu'il n'était pas toujours nécessaire de fermer totalement des zones à la pêche de fond pour permettre la restauration d'un habitat dégradé ; certaines espèces naturellement adaptées à des milieux perturbés (sédiments mobiles, courants) et caractérisées par un cycle de vie court seront en mesure de recoloniser un milieu en quelques semaines si la pression de pêche diminue - sans que la pêche soit totalement interdite.

En parallèle, la dégradation des fonds marins étant un phénomène multifactoriel, les fermetures de zones à la pêche sont dans certains cas insuffisantes pour assurer une restauration des écosystèmes. Le rapporteur regrette ainsi que le plan d'action de la Commission, en se focalisant sur la pêche de fond, ignore toutes les autres sources de perturbation du milieu et des espèces, que ces dernières soient d'origine anthropique (extraction minière, installations de parcs éoliens) ou naturelle (espèces invasives, réchauffement climatique).

Il a ainsi été indiqué au rapporteur que le réchauffement climatique aurait vraisemblablement une incidence sur les habitats, comme l'a détaillé l'Ifremer dans une étude récente : « face au changement des conditions environnementales, certaines zones deviennent progressivement invivables pour les poissons. Au contraire, de nouvelles zones, plus au nord ou plus profondes, peuvent progressivement devenir plus favorables. Le mouvement est déjà à l'oeuvre, avec un déplacement des aires de répartition vers le Nord [...] Toute la carte de répartition traditionnelle des populations de poissons se trouve modifiée »33(*).

L'adoption de mesures spatiales fondées sur une approche statique des stocks halieutiques constitue donc un écueil à éviter. Il en est de même pour les activités de pêche, puisque les flottes s'adaptent et se déplacent, reportant l'effort de pêche vers d'autres zones ; les mesures spatiales tendent ainsi à se répercuter sur les habitats non protégés, comme l'a rappelé le CSTEP34(*), avec pour corollaire des effets indésirables sur les stocks halieutiques et une augmentation de la consommation de carburants.

Il arrive également que la gestion spatiale des activités de pêche soit décriée pour son caractère injuste, les restrictions affectant toujours proportionnellement davantage les pêcheurs situés à proximité des zones protégées et entraînant donc parfois de nouveaux conflits d'usage.

La spatialisation soulève enfin des enjeux en termes d'information et de contrôle des usagers. Or, cet aspect est encore insuffisamment pris en charge pour les pouvoirs publics, comme en conviennent les associations de protection de l'environnement.

Il semblerait dès lors inopportun de faire de la gestion spatiale des activités de pêche le pivot d'une politique européenne de protection de la biodiversité, au détriment des autres outils de gestion des stocks halieutiques.

III. UN PLAN D'ACTION AUX CONSÉQUENCES SOCIO-ÉCONOMIQUES PARTICULIÈREMENT NÉFASTES ET MANIFESTEMENT MAL ÉVALUÉES PAR LA COMMISSION

A. UNE INTERDICTION AUX CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DÉVASTATRICES POUR LES FILIÈRES HALIEUTIQUES FRANÇAISES ET EUROPÉENNES

L'interdiction des arts traînants dans les zones marines protégées entraînerait une diminution brutale de l'activité de pêche dans certaines régions ; en effet, selon les données du CSTEP à l'échelle de l'Union européenne, plus d'un cinquième de l'effort de pêche a lieu annuellement dans les aires marines protégées, cette activité concourant à hauteur de 15,9 % aux volumes débarqués chaque année.

Activités de pêche dans les aires marines protégées
au sein de l'Union européenne sur la période 2017-2019

(en % du total)

 

Jours de pêche

Volumes débarqués

Valeur débarquée

Navires supérieurs à 12 mètres

21,3 %

14,1 %

19,3 %

Navires inférieurs à 12 mètres

22,5 %

31,2 %

28,4 %

Tous navires confondus

21,6 %

15,9 %

20,0 %

NB : le tableau ne prend pas en compte les données du Royaume-Uni.

Source : commission des affaires européennes, à partir des données de l'avis du CSTEP

La « petite pêche » (c'est à dire les navires de moins de 12 mètres) opère proportionnellement davantage dans les aires marines protégées que la « grande pêche » (c'est à dire les navires de plus de 12 mètres), puisque l'activité de pêche y représente 31,2 % des volumes débarqués, contre 14,1 % pour la grande pêche. Il y a donc tout lieu de croire que la pêche artisanale serait touchée de plein fouet par une interdiction des arts traînants dans les zones marines protégées.

En parallèle, cette mesure pénaliserait davantage les États comptabilisant un nombre élevé de zones Natura 2000 et de zones marines protégées, au premier rang desquels figurent l'Allemagne, la Belgique et la France. En effet, selon Eurostat, en 2020, le réseau Natura 2000 couvrait 45,7 % des eaux allemandes, 36,8 % des eaux belges et 30,8 % des eaux françaises.

Zones marines Natura 2000 en 2020

Source : Eurostat.

Selon les informations communiquées au rapporteur, les aires marines protégées dans leur ensemble représenteraient environ 44 % de la zone économique exclusive de la France.

Par conséquent, l'effort de pêche dans les zones marines protégées est particulièrement important en France, où il s'élève à 35,92 % des jours de pêche pour la petite pêche et 31,2 % pour la grande pêche.

Activités de pêche dans les aires marines protégées par pays en 2019

(en %)

 

Jours de pêche

Volumes débarqués

Valeur débarquée

 

>12 m

<12m

>12 m

<12m

>12 m

<12m

Belgique

15,92

0

8,03

0

8,01

6,84

Bulgarie

19,39

14,16

18,35

15,29

18,65

15,6

Chypre

0

0

0

 

0

 

Allemagne

46,2

33,52

28,68

26,2

30,65

28,16

Danemark

20,76

23,74

10,96

18,24

14,46

23,1

Espagne

21,68

12,74

23,4

22,85

23,9

23,52

France

31,18

35,92

21,36

38,92

24,66

32,87

Grande-Bretagne

1,48

0,24

1,64

0,21

1,69

0,25

Grèce

14,68

19,56

15,22

19,59

14,74

18,74

Croatie

17,96

26,92

14,74

23,78

14,17

23,06

Irlande

2,15

12,2

1,89

12,94

2,31

11,92

Italie

12,69

 

9,81

 

-

 

Lituanie

2,44

 

1,77

 

1,63

 

Lettonie

5,83

61,32

5,89

62,07

3,24

62,19

Malte

6,41

 

17,54

 

18,06

 

Pays-Bas

19,68

22,36

17,45

18,68

14,18

17,28

Pologne

29,81

88,33

16,2

88,24

18,42

88,13

Portugal

27,64

18,55

34,69

18,52

27,94

23,16

Roumanie

19,53

 

19,4

 

19,44

 

Slovénie

6,69

6,68

6,69

6,68

6,69

6,69

Suède

9,45

9,12

5,62

6,89

9,46

7,95

Source : commission des affaires européennes, à partir des données de l'avis du CSTEP

Si la France serait donc proportionnellement plus affectée que la plupart des autres États de l'Union européenne par la mise en oeuvre du plan d'action, elle le serait également en valeur absolue, puisque l'effort de pêche et les volumes débarqués par la flotte française figurent parmi les plus élevés de l'Union européenne.

En pratique, chaque année, plus de 23 000 tonnes de poissons sont pêchés par les navires français de moins de 12 mètres dans les zones protégées, soit 38,9 % des volumes débarqués, pour un total de 28,7 millions d'euros, soit 32,9 % de la valeur débarquée. Tous navires confondus, la pêche française dans les zones marines protégées représente plus de 56 000 tonnes de poissons et 138 millions d'euros.

Activités de pêche dans les aires marines protégées en France en 2019

 

Effort de pêche (en nombre de jours en mer et en % de l'effort de pêche total)

Volumes débarqués (en tonnes et en % du volume débarqué total)

Valeur débarquée (en millions d'euros et en % de la valeur débarquée totale)

Navires supérieurs à 12 m

29 856
(31,2 %)

28 927
(21,4 %)

101,6
(24,7 %)

Navires inférieurs à 12 m

22 681
(35,9 %)

23 831
(38,9 %)

28,7
(32,9 %)

Tous navires confondus

54 415
(33,0 %)

56 109
(26,4%)

138,6
(25,5 %)

Source : commission des affaires européennes, à partir des données de l'avis du CSTEP.

Il semble en revanche plus délicat d'évaluer la part des arts traînants dans l'effort de pêche au sein des différentes zones marines protégées, cette proportion fluctuant sensiblement selon les régions. À l'échelle nationale, les différents engins de pêche de fond représentent 36 % des quantités pêchées pour 28 % des jours en mer, sans qu'il soit possible à ce stade d'isoler les volumes pêchés au sein des aires marines protégées.

Si l'impact d'une interdiction de la pêche de fond mobile dans les aires marines protégées devrait donc varier selon les différentes façades maritimes, en fonction de la proportion des eaux protégées et du degré d'utilisation des arts traînants, il pourrait in fine, selon les informations transmises au rapporteur, entraîner la disparition de près d'un tiers de la flotte française.

Activités de pêche dans les aires marines protégées en France en 2019

(en %)

Source : commission des affaires européennes, à partir des données de l'avis du CSTEP

In fine, selon les estimations du Comité des pêches, l'interdiction des arts traînants dans les zones marines protégées se traduirait en France par la disparition de près de 30 % de la flotte française et donc de plus de 4 500 emplois directs et environ 15 000 emplois induits.

En effet, dans le secteur de la pêche professionnelle, un emploi embarqué génère habituellement 3 à 4 emplois à terre, au sein de la filière aval35(*) (construction navale, équipement des navires, commercialisation et transformation des produits de la pêche). Dans un contexte marqué par la disparition, au cours des 20 dernières années, de plus de 4 000 emplois pour la petite pêche et 1 000 emplois pour la pêche côtière, la mise en oeuvre du plan d'action de la Commission risquerait de porter un coup fatal à un secteur encore plus durement éprouvé ces derniers mois.

En parallèle, à l'échelle européenne, la mise en oeuvre du plan d'action menacerait directement 7 000 navires, correspondant à 25 % des volumes pêchés et 28 % de la valeur débarquée, selon les estimations de l'Alliance européenne pour la pêche.

Dans ce contexte, le rapporteur s'étonne de l'absence de concertation préalable avec les parties prenantes, ces dernières n'ayant pas été associées aux travaux préparatoires à l'élaboration du plan d'action.

Il regrette également que la Commission se soit dispensée de publier une étude d'impact en bonne et due forme à l'appui de ses préconisations. Si la production d'un tel document ne revêt pas de caractère obligatoire pour les simples communications, le rapporteur rappelle que l'accord interinstitutionnel du 13 avril 2016 « Mieux légiférer »36(*) prévoit expressément que les initiatives non législatives susceptibles d'avoir une incidence économique, environnementale ou sociale importante soient assorties d'une étude d'impact.

Le rapporteur note, enfin, que le calendrier évoqué par la Commission a suscité beaucoup d'incompréhension parmi les parties prenantes, en faisant planer sur les pêcheurs le risque d'un arrêt brutal et imminent de leurs activités.

B. UNE PROPOSITION TENDANT À RENFORCER LA DÉPENDANCE AUX IMPORTATIONS DE L'UNION EUROPÉENNE, À REBOURS DES AMBITIONS AFFICHÉES EN TERMES DE SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE

La mise en oeuvre du plan d'action de la Commission se traduirait inévitablement par une baisse des volumes débarqués au sein de l'Union européenne.

Alors que la consommation européenne de produits de la mer n'a cessé d'augmenter depuis les années 1960, passant de 9 à 20 kilogrammes par personne en 2018, et progressant encore de 0,5 % entre 2019 et 202037(*), toute diminution des approvisionnements d'origine européenne entraînerait nécessairement une hausse des importations en provenance de pays tiers.

Or, l'Union européenne est déjà le premier importateur mondial de produits de la pêche et de l'aquaculture. Ainsi, en 2020, les importations européennes de produits de la mer ont atteint 6,15 millions de tonnes pour une valeur de 24,2 milliards d'euros, soit une hausse de 8 % en volume et 19 % en valeur depuis 2011.

Par conséquent, non seulement l'autosuffisance de l'UE - c'est à dire sa capacité à satisfaire la demande à partir de sa propre production, calculée comme le rapport entre la production intérieure et la consommation intérieure - en produits de la mer n'était que de 41,2 % en 2019, mais en plus cet indicateur évolue à la baisse depuis 2010, témoignant d'une diminution des captures européennes et d'une hausse des importations.

Taux d'autosuffisance de l'Union européenne en produits de la mer

Source : Observatoire européen des marchés des produits de la pêche et de l'aquaculture.

L'interdiction de la pêche de fond serait d'autant plus préjudiciable que l'autosuffisance totale de l'UE pour les trois espèces de poissons de fond les plus consommés - cabillaud, merlu et lieu noir - est particulièrement faible, de l'ordre de 18 % en 2019. Selon l'Observatoire européen des marchés des produits de la pêche et de l'aquaculture, ce déclin résulte d'une augmentation de la consommation associée à une chute des captures européennes.

Taux d'autosuffisance pour les poissons de fond les plus consommés

Source : Observatoire européen des marchés des produits de la pêche et de l'aquaculture.

Alors que dans le contexte de la crise ukrainienne, l'Union européenne a progressivement fait du renforcement de son autonomie alimentaire une priorité, il est pour le moins paradoxal que la Commission européenne plaide en faveur de mesures qui contribueraient très directement à amplifier la dépendance de l'Union aux importations.

Le rapporteur souligne, à cet égard, que plus d'un quart des importations européennes proviennent de Norvège, pays dans lequel le chalutage de fond, déployé à très grande échelle, est nettement moins encadré que dans l'Union européenne.

De la même manière, l'accroissement de notre dépendance alimentaire à l'égard des États-Unis, du Vietnam, de la Chine ou encore du Maroc, qui représentent respectivement 4 %, 3 %, 7 % et 5 % de nos importations, constituerait une évolution d'autant plus regrettable que les produits de la mer y sont souvent pêchés par des engins interdits en Europe.

Principaux pays d'origine extra-UE en 2020

(en volume)

Source : EUMOFA.

Le risque que fait peser le plan d'action de la Commission sur la souveraineté alimentaire justifierait à lui seul un réexamen des mesures proposées, ce d'autant que la sécurité de l'approvisionnement alimentaire fait partie des objectifs de la PCP.

Néanmoins, au-delà de ces considérations d'ordre économique, le rapporteur regrette particulièrement le signal symbolique très négatif ainsi envoyé à la filière pêche européenne, dont la compétitivité pâtirait très fortement d'une mise en oeuvre du plan d'action de la Commission, alors même qu'elle figure parmi les plus vertueuses et les plus réglementées au monde.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes, réunie le mercredi 24 mai 2023, a engagé le débat suivant :

M. Jean-François Rapin, président. - Nous allons commencer nos travaux en abordant l'avenir de la pêche. Vous vous souvenez sans doute de mon intervention spontanée en commission, le 30 mars dernier, pour soutenir les pêcheurs dont l'inquiétude monte depuis la publication en février d'un plan de la Commission européenne qui risque de mettre en péril leur activité.

Nous avions auditionné le secrétaire d'État chargé de la mer, Hervé Berville, le 2 février dernier. Nous étions déjà préoccupés à cette date par les nombreuses difficultés qu'ils devaient affronter : l'épuisement de la ressource, le Brexit, le covid, les effets de la guerre en Ukraine, notamment sur le prix du carburant...

Nous avions alors interrogé M. le secrétaire d'État sur l'hypothèse, qui commençait à être évoquée, d'une gestion des pêches non plus par espèces, mais par territoires maritimes pour mieux assurer la durabilité des écosystèmes. Mais nous n'avions pas encore connaissance du projet de la Commission publié depuis, qui envisage d'interdire la pêche de fond dans les aires protégées. C'en est trop pour nos pêcheurs et c'est ce qu'a voulu signifier notre collègue Michel Canévet en déposant une proposition de résolution européenne (PPRE), une initiative que je salue.

Nous avons chargé Alain Cadec, grand spécialiste du sujet, de l'expertiser et je le remercie de nous présenter aujourd'hui son rapport sur ce texte.

M. Alain Cadec, rapporteur. - Avant toute chose, permettez-moi de vous indiquer que, dans le cadre de mes travaux, j'ai également auditionné le secrétariat général des affaires européennes (SGAE), les organisations non gouvernementales (ONG), notamment Greenpeace et Bloom, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), ainsi que le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM).

Lors d'une communication du 21 février dernier, la Commission européenne a présenté un plan d'action pour la protection et la restauration des écosystèmes marins en faveur d'une pêche durable et résiliente. Parmi les grands axes de ce plan d'action figurait, notamment, l'interdiction de la pêche de fond mobile dans les zones Natura 2000 dès 2024, et dans l'ensemble des zones marines protégées existantes ou nouvellement créées à compter de 2030. Cette proposition a suscité beaucoup d'incompréhension et de craintes dans nos territoires littoraux, et pour cause ! Les arts traînants, c'est-à-dire les engins de pêche tractés par des navires sur le fond marin, sont pratiqués de façon exclusive ou occasionnelle par plus de 40 % des navires français sur la façade atlantique, ils représentent environ 36 % des quantités pêchées et fournissent les principales ressources capturées pour les pêcheries françaises, comme les merlans, les baudroies, les soles, les langoustines ou encore les coquilles Saint-Jacques.

Dans ce contexte, le secrétaire d'État chargé de la mer, M. Hervé Berville, s'est rendu à Bruxelles pour relayer auprès du commissaire européen à la mer, M. Virginijus Sinkevièius, les inquiétudes légitimes de nos pêcheurs. Ce dernier a rappelé, lors de leur rencontre, que le plan d'action n'était pas contraignant d'un point de vue juridique et se contentait de fixer des grandes orientations à l'intention des États membres, ces derniers demeurant libres de les appliquer ou non. Faut-il dès lors considérer le sujet définitivement clos ? Mon expérience des institutions européennes m'amène à penser que non.

Ne soyons pas naïfs : la communication du 21 février dernier constitue ce que nous pouvons appeler un « ballon d'essai », destiné à tester les réactions des États membres, dans la perspective d'une éventuelle proposition législative.

Jusqu'à présent, douze États membres, dont la France, ont fait état d'une franche opposition à l'interdiction des arts traînants dans les zones marines protégées. Dès lors, et dans la mesure où le Conseil de l'Union européenne doit adopter, les 26 et 27 juin prochains, des conclusions portant sur le plan d'action de la Commission, il est essentiel que notre assemblée puisse faire valoir sa position auprès du Gouvernement, mais également de la Commission européenne.

Tel est l'objet de la proposition de résolution européenne de notre collègue Michel Canévet. Les travaux menés au cours des dernières semaines m'ont conforté dans l'idée que l'interdiction générale de la pêche de fond dans toutes les zones marines protégées constituait une mesure non seulement inefficace, mais également extrêmement délétère.

Je regrette, de manière générale, le caractère extrêmement binaire de l'approche choisie par la Commission, qui consiste à opter pour un bannissement de principe de tous les engins de fond, dans toutes les zones marines protégées et dans un délai extrêmement court, au nom de la préservation des fonds marins et de la biodiversité.

Ne nous laissons pas enfermer dans un faux débat, opposant de manière caricaturale les pêcheurs aux associations de protection de l'environnement. Je vous rappelle que la préservation des ressources halieutiques fait depuis très longtemps partie des objectifs de la politique commune de la pêche, et qu'il est dans l'intérêt même des pêcheries de lutter contre l'épuisement des stocks. Par conséquent, la plupart des parties prenantes ne sont pas opposées à l'instauration de restrictions ciblées et ponctuelles touchant les arts traînants, dès lors que ces dernières sont proportionnées et fondées sur le plan scientifique.

Il est donc important d'introduire un peu de nuance et de mesure pour poser correctement les termes du débat puisque, comme je vous l'ai indiqué, il est possible que, dans les années à venir, la pêche de fond fasse l'objet de nouvelles initiatives européennes.

Pourquoi l'approche choisie par la Commission me semble inopérante, d'une part, et délétère, d'autre part ?

Les différents échanges que j'ai pu avoir sur le sujet m'ont permis d'identifier quatre facteurs permettant de réfuter l'efficacité du plan d'action de la Commission.

Tout d'abord, ce plan d'action établit un raccourci trop rapide entre deux constats distincts : le premier est que le niveau de protection des zones marines en Europe demeure très variable et globalement peu élevé ; le second est que certains fonds marins particulièrement vulnérables doivent être protégés, par le biais notamment d'une interdiction totale ou partielle des arts traînants. La Commission tente de faire « d'une pierre deux coups », en préconisant l'interdiction de la pêche de fond mobile comme réponse unique à deux problématiques différentes.

Cette approche est séduisante, mais elle repose en réalité sur un postulat erroné, à savoir assimiler les fonds marins vulnérables aux aires marines protégées. Les dernières avancées scientifiques permettent de mieux appréhender l'impact des engins de pêche de fond sur les habitats marins, et par conséquent de cartographier de manière très précise les zones qui mériteraient une protection supplémentaire, en raison de la sensibilité des écosystèmes qu'elles abritent. Or ces zones ne se situent pas systématiquement dans des aires marines protégées ! L'interdiction de la pêche de fond mobile exposerait donc certains espaces à des restrictions superflues, tout en négligeant de protéger les zones réellement vulnérables situées en dehors des aires marines protégées.

Ensuite, l'adoption d'une interdiction générale applicable de manière uniforme s'inscrit à rebours de la logique propre aux aires protégées. Ces dernières constituent un ensemble disparate, recouvrant une grande diversité d'objectifs, certaines ayant vocation à protéger des couloirs migratoires, d'autres certaines espèces d'oiseaux, d'autres encore des fonds marins. Par conséquent, jusqu'à présent, la Commission a toujours prôné une approche adaptée aux enjeux de chaque territoire, et recommandé de prendre des mesures de conservation spécifiques à chaque site. En France, c'est donc en application des directives Oiseaux et Habitats qu'ont été initiées en janvier 2023 les analyses risque-pêche (ARP), afin de définir un niveau de risque pour chaque espèce ou habitat protégé dans chaque site Natura 2000, pour ensuite prendre, à compter de 2026, les mesures de conservation appropriées. Or j'attire votre attention sur le fait que l'adoption du plan d'action reviendrait à faire table rase de ces analyses risque-pêche, alors que les parties prenantes y ont déjà consacré un temps, une énergie et des montants considérables.

Par ailleurs, l'interdiction de la pêche de fond mobile constitue une solution excessivement simpliste, faisant abstraction de l'impact différencié des arts traînants en fonction des engins utilisés, de la nature des fonds marins, de la fréquence des passages ou encore du degré de vulnérabilité des habitats. À titre d'exemple, le passage occasionnel d'une drague sur un sol sableux n'aura pas le même impact que le passage régulier d'un chalut de fond sur un sol rocheux. Dès lors, si l'objectif est réellement de préserver les fonds marins vulnérables et la biodiversité, toute une palette de mesures et d'étapes intermédiaires peut être envisagée avant d'opter pour une interdiction pure et simple de tous les engins de fond. Je vous rappelle que de nombreux outils peuvent d'ores et déjà être mobilisés à cet effet dans le cadre de ce nous appelons la « boîte à outils » de la politique commune de la pêche (PCP) afin de réduire les captures accidentelles et d'améliorer la sélectivité des engins.

Je regrette, dès lors, que la Commission centre sa proposition sur la fermeture des zones à la pêche, et ce d'autant que la gestion spatiale des activités de pêche ne constitue pas un instrument sans faille. En réalité, il ne suffit pas d'interdire la pêche pour garantir la restauration des fonds, la dégradation de ces derniers étant un phénomène multifactoriel, associant des sources de perturbation d'origine anthropique - comme l'installation de parcs éoliens - et d'origine naturelle - comme la prolifération d'espèces invasives ou le réchauffement climatique. Je vous signale que les flottes s'adaptent et se déplacent en cas de restrictions spatiales, reportant l'effort de pêche sur les zones non protégées, avec, pour corollaire, des effets indésirables sur les stocks halieutiques et une augmentation de la consommation de carburant. Au cours des deux dernières années, l'interdiction de pêcher le bar dans la Manche a conduit les pêcheurs à aller le pêcher dans le golfe de Gascogne.

Pour toutes ces raisons, le plan d'action de la Commission me paraît peu efficace du point de vue de la protection de la biodiversité et des fonds marins. Or, sa mise en oeuvre aurait des conséquences socioéconomiques dévastatrices pour les filières halieutiques française et européenne.

En effet, les aires marines protégées représentant 44 % environ de la zone économique exclusive (ZEE) française, la « petite pêche » - c'est-à-dire les bateaux de moins de 12 mètres - y réalise plus d'un tiers de son activité. Selon les estimations du CNPMEM, l'interdiction de la pêche de fond dans les aires marines protégées entraînerait donc la disparition de près 30 % de la flotte française et de plus de 4 500 emplois directs pour environ 15 000 emplois induits, puisque, dans le secteur de la pêche professionnelle, un emploi embarqué induit habituellement trois à quatre emplois à terre.

En parallèle, cette mesure se traduirait par une baisse substantielle des volumes débarqués et donc inévitablement une hausse des importations, alors que l'Union européenne est déjà le premier importateur mondial de produits de la pêche. En France, nous importons 70 % des produits de la pêche et de l'aquaculture que nous consommons. À rebours des objectifs affichés en termes de souveraineté alimentaire, le plan d'action de la Commission contribuerait donc à accroître notre dépendance à l'égard de pays moins-disants sur le plan environnemental, ce qui est pour le moins paradoxal, vous en conviendrez.

Au-delà de ces considérations d'ordre économique, je regrette particulièrement le signal symbolique très négatif envoyé à la filière pêche européenne, dont la compétitivité pâtirait très fortement d'une mise en oeuvre du plan d'action de la Commission, alors même qu'elle figure parmi les plus vertueuses et les plus réglementées au monde.

Pour conclure, l'idée de bannir les arts traînants des zones marines protégées au nom de la biodiversité et de la protection des fonds marins illustre à merveille l'adage selon lequel l'enfer est pavé de bonnes intentions.

Par conséquent, je partage sans réserve la position de Michel Canévet. Je suggère cependant quelques amendements à cette proposition de résolution afin de préciser le propos, à l'aune des informations recueillies au cours de mes auditions. Vous avez pu en prendre connaissance dans le projet qui vous a été adressé lundi dernier, et je ne crois pas utile d'en détailler ici la présentation.

M. Pierre Cuypers. - Quel est l'impact de fond des éoliennes ?

M. Alain Cadec, rapporteur. - Il est en cours d'évaluation, car l'installation du parc offshore est récente. Dans les parcs en cours d'installation en France, la pêche sera en partie interdite alors qu'il s'agit de zones de pêche importantes. Je pense à la baie de Saint-Brieuc, haut lieu de pêche de la coquille Saint-Jacques ! Par ailleurs, l'installation des jackets nécessite des trous profonds de l'ordre de 30 à 40 mètres, ce qui occasionne des vibrations et de la turbidité faisant fuir le poisson et abîmant la biodiversité. L'impact est donc incontestable, mais c'est un choix : on a besoin d'éoliennes, il faut donc en installer, mais pas n'importe où, pas n'importe comment et pas à n'importe quel prix...

M. Jacques Fernique. - Cela n'étonnera personne, je ne suis pas en phase avec cette proposition de résolution.

Il s'agit d'une proposition de résolution (PPRE) sur les mesures préconisées dans le cadre du plan d'action pour le milieu marin. Il est donc clair, dès le titre, que le plan d'action en question n'est pas un règlement d'application directe ni une directive : ce sont des préconisations. La Commission ne fait que rappeler aux États ce qu'ils auraient déjà dû mettre en oeuvre en transposant la directive « Habitats » de 1992. M. Hervé Berville a un moment laissé entendre ou croire que le plan d'action de la Commission s'accompagnerait d'interdictions. Or il ne s'agit que d'invitations et de préconisations. J'en veux pour preuve le mécontentement des ONG environnementales.

Les auteurs de la PPRE et le Gouvernement butent sur le fait que la Commission, pour la première fois, appelle les États à éliminer progressivement d'ici à 2030 le chalutage de fond dans les aires marines protégées. Ce matin, en commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, nous avons auditionné M. Olivier Thibault, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de la biodiversité (OFB). Les chiffres ne sont pas bons : seules 0,28 % des eaux françaises bénéficient d'une protection forte. C'est ridicule ! Les zones marines protégées permettent de reconstituer les stocks halieutiques, y compris pour les espèces en voie de disparition. Les pêcheurs eux-mêmes en ont besoin. Pourquoi s'y opposer au travers de ce texte ?

M. Alain Cadec, rapporteur. - Pardonnez-moi, c'est à la mise en oeuvre d'une interdiction du chalutage et du dragage à l'ensemble des zones marines protégées que nous nous opposons. Nous préférerions un ciblage plus précis des zones qui nécessitent véritablement d'être protégées. Notre recommandation correspond d'ailleurs à la volonté exprimée par les pêcheurs eux-mêmes.

M. Jacques Fernique. - Quoi qu'il en soit, l'idée de s'opposer à une interdiction des méthodes de pêche industrielle destructrices dans des zones géographiques définies irait à l'encontre de l'intérêt des pêcheurs.

M. Alain Cadec, rapporteur. - La pêche industrielle est essentiellement pélagique, au large, et ne concerne pas du tout les zones marines protégées. Il est uniquement question ici de la « petite pêche ».

M. Jacques Fernique. - C'est pourtant paradoxalement dans les zones hautement protégées que le chalutage est le plus intense. Il faut absolument sortir de cette logique.

M. Alain Cadec, rapporteur. - Je répète que ces mesures ne sont pas contraignantes aujourd'hui. Comme vous l'avez rappelé, nous discutons d'une simple communication de la Commission européenne sur le chalutage de fond et la pêche à la drague. J'ajoute que, sur les seize États littoraux de l'Union européenne, douze s'y sont opposés dès la première réunion du Conseil.

Cela étant, ce type d'initiative de la Commission est rarement neutre et débouche souvent sur une initiative législative.

Je le redis, l'objectif partagé par les ONG, Greenpeace par exemple, et par les comités des pêches est de bien analyser les fonds marins et de protéger les zones qui sont réellement en danger.

M. Didier Marie. - Je remercie l'auteur de cette proposition de résolution européenne ainsi que le rapporteur, qui sont en phase sur ce sujet très important.

J'observe que cette communication a été utilisée par notre secrétaire d'État chargé de la mer pour alerter les pêcheurs français sur l'imminence des contraintes qui allaient les affecter, alors qu'il ne s'agit que d'une communication qui, en tant que telle, n'a pas d'effets coercitifs.

Cela étant, je souhaite pointer deux difficultés sur le fond.

La première a trait à la faiblesse de la protection des zones maritimes par l'Union européenne, qu'il s'agisse des eaux immédiates ou des eaux plus lointaines, même s'il faut souligner les efforts accomplis en la matière par notre pays, dont le niveau de protection est largement supérieur à celui des autres États européens concernés. Comme quoi, les transpositions de textes européens sont parfois utiles...

Il convient par conséquent de renforcer la protection de ces zones, mais il faut l'envisager de manière différenciée et avec discernement.

Ce plan d'action européen pour le milieu marin n'est pas de nature contraignante et s'apparente plutôt aujourd'hui à une bouteille lancée à la mer, si je puis dire. Pour autant, comme l'a dit le rapporteur, cette communication offre les prémisses de mesures tangibles. D'où l'importance de réagir par l'intermédiaire de cette proposition de résolution européenne, dont je partage les orientations.

Il me semble, enfin, qu'une telle initiative doit s'accompagner d'études d'impact pour évaluer tant les techniques employées et leurs conséquences sur les fonds marins que les flottes concernées.

Je rappelle que de telles dispositions s'appliqueront pour une large part à la pêche artisanale, qui est déjà fortement affectée par les conséquences du Brexit et la hausse des prix de l'énergie. Il ne faudrait pas que, par manque de concertation ou d'évaluation, on provoque un choc supplémentaire pour les quelque 7 000 bateaux de pêche artisanale européens. L'objectif d'un renouvellement des ressources halieutiques doit donc s'accompagner de la nécessité de préserver les emplois du secteur.

M. Jean-François Rapin, président. - J'abonde dans votre sens : pour assister régulièrement à des assemblées générales de pêcheurs, je peux vous garantir que les opérations de débarque pour ce qui concerne la petite pêche artisanale diminuent de manière continue depuis trois décennies. Il serait vraiment dommageable de sanctionner nos pêcheurs aujourd'hui.

M. Alain Cadec, rapporteur. - J'ajoute qu'entre 65 et 68 % des stocks de pêche se trouvent déjà au niveau du rendement maximal durable (RMD), qui est un système de gestion durable des ressources halieutiques permettant d'en préserver la reconstitution. C'est ce qui est fait pour la coquille Saint-Jacques de la baie de Saint-Brieuc, avec 8 500 tonnes aujourd'hui - on n'en a jamais eu autant.

M. Jean-François Rapin, président. - Je vous informe que nous serons prochainement reçus par le chef de cabinet du commissaire européen aux océans et à la pêche, Virginijus Sinkevièius, pour évoquer ce sujet et en savoir davantage sur les perspectives qui se dessinent pour ce plan d'action pour la protection et la restauration des écosystèmes marins.

M. Alain Cadec, rapporteur. - Mes chers collègues, je vous propose tout d'abord de modifier le libellé de la PPRE comme suit : « Proposition de résolution européenne relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du « Plan d'action de l'UE- : Protéger et restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente» présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne. »

Ensuite, je souhaite ajouter à l'alinéa 35 le considérant suivant : « Considérant que cette mesure réduirait à néant les efforts déployés jusqu'à présent par les pêcheurs, les chercheurs et les représentants de l'État et des collectivités territoriales pour minimiser de manière concertée les incidences de la pêche dans les zones marines protégées, notamment dans le cadre des analyses risque-pêche actuellement en cours d'élaboration ; ».

À l'alinéa 37, je propose d'ajouter les termes : « , qui opère dans de grandes proportions dans les zones marines protégées ; » ainsi que les considérants suivants :

« Considérant ainsi que chaque année, plus de 23 000 tonnes de poissons sont pêchées par la petite pêche française dans les zones marines protégées, soit plus de 38,9 % des volumes débarqués par ces navires, pour un total de 28,7 millions d'euros, soit 32,9 % de la valeur débarquée ;

« Considérant la probabilité que l'incidence du plan d'action de la Commission dépasse largement celle estimée, puisque dans le secteur de la pêche maritime, un emploi embarqué génère habituellement trois à quatre emplois à terre ; ».

De même, à l'alinéa 46, je souhaite ajouter le paragraphe suivant : « Demande par conséquent qu'en priorité, les analyses risque-pêche en cours d'élaboration puissent être menées à terme, cette démarche garantissant que les restrictions éventuelles apportées à la pêche de fond mobile fassent l'objet d'une décision concertée et soient en adéquation avec les objectifs de conservation et les spécificités de chaque site ».

Il en est ainsi décidé.

La commission autorise la publication du rapport sur la proposition de résolution européenne et adopte celle-ci ainsi modifiée, disponible en ligne sur le site du Sénat, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.

M. Michel Canévet, auteur de la proposition de résolution européenne. - Cette PPRE est importante. Même si la France est le deuxième espace maritime le plus important au monde, nous importons 70 % de notre consommation de produits de la mer, ce qui est paradoxal. Par ailleurs, la pêche est un outil pour l'aménagement du territoire essentiel. Or l'activité halieutique est confrontée à de nombreuses difficultés, notamment la crise énergétique.

Même si la proposition de la Commission n'est pour le moment que suggestive, on peut imaginer l'interprétation qui risque d'en être faite.

Très concrètement, dans la baie de Saint-Brieuc, l'un des principaux sites de production de coquilles Saint-Jacques, celles-ci ne pourraient plus y être pêchées. Il en serait de même dans le parc naturel marin d'Iroise pour la langoustine et la sole.

Oui, nous sommes favorables à des mesures de gestion, et nous en prenons depuis longtemps, mais nous sommes contre des mesures arbitraires. Nous sommes contre la surtransposition.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE RELATIVE À LA PROTECTION DE LA FILIÈRE PÊCHE FRANÇAISE ET AUX MESURES PRÉCONISÉES DANS LE CADRE DU « PLAN D'ACTION DE L'UE : PROTÉGER ET RESTAURER LES ÉCOSYSTÈMES MARINS POUR UNE PÊCHE DURABLE ET RÉSILIENTE » PRÉSENTÉ LE 21 FÉVRIER 2023 PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88 4 de la Constitution,

Vu les articles 3, 4, 7, 11, 13, 38 et 43 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu l'article 37 de la Charte des droits fondamentaux,

Vu l'accord mondial sur la biodiversité de Kunming Montréal du 18 décembre 2022,

Vu le règlement (CEE) n° 170/83 du Conseil du 25 janvier 1983 instituant un régime communautaire de conservation et de gestion des ressources de pêche,

Vu la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (directive « Habitats »),

Vu la directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d'action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive cadre « Stratégie pour le milieu marin »),

Vu le règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche, modifiant les règlements (CE) n° 1954/2003 et (CE) n° 1224/2009 du Conseil et abrogeant les règlements (CE) n° 2371/2002 et (CE) n° 639/2004 du Conseil et la décision 2004/585/CE du Conseil,

Vu le règlement (UE) 2021/1139 du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2021 instituant le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture et modifiant le règlement (UE) 2017/1004,

Vu la directive 2014/89/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l'espace maritime,

Vu le règlement (UE) 2016/2336 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 établissant des conditions spécifiques pour la pêche des stocks d'eau profonde dans l'Atlantique du Nord Est ainsi que des dispositions relatives à la pêche dans les eaux internationales de l'Atlantique du Nord Est et abrogeant le règlement (CE) n° 2347/2022 du Conseil,

Vu l'article L. 110 4 du code de l'environnement,

Vu le règlement d'exécution (UE) 2022/1614 de la Commission du 15 septembre 2022 déterminant les zones existantes de pêche en eau profonde et établissant une liste des zones qui abritent ou sont susceptibles d'abriter des écosystèmes marins vulnérables,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 décembre 2019 intitulée « Le Pacte vert pour l'Europe », COM(2019) 640 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mai 2020 sur la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, intitulée « Ramener la nature dans nos vies », COM(2020) 380 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mai 2020 sur la stratégie « De la ferme à la table », intitulée « Pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l'environnement »,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 1er juin 2022, intitulée « Vers une pêche plus durable dans l'Union européenne : état des lieux et orientations pour 2023 », COM(2022) 253 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 21 février 2023, intitulée « La politique commune de la pêche aujourd'hui et demain : un pacte pour la pêche et les océans vers une gestion de la pêche durable, fondée sur des données scientifiques, innovante et inclusive », COM(2023) 103 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 21 février 2023, intitulée « Plan d'action de l'UE : protéger et restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente », COM(2023) 102 final,

Vu la résolution du Parlement européen du 3 mai 2022, intitulée « Vers une économie bleue durable au sein de l'Union : le rôle des secteurs de la pêche et de l'aquaculture », 2021/2188(INI),

Vu les conclusions du Conseil de l'Union européenne du 16 octobre 2020 approuvant la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, dans un document intitulé « L'urgence d'agir », 11829/20,

Vu les conclusions du Conseil « Agriculture et Pêche » du 20 mars 2023,

Vu le document de travail de la Commission du 28 janvier 2022, intitulé « Critères et lignes directrices pour la désignation des aires protégées », SWD(2022) 23 final,

Considérant que l'Union européenne et les États membres exercent des compétences partagées dans le domaine de la pêche, à l'exclusion de la conservation des ressources biologiques de la mer, qui relève d'une compétence exclusive de l'Union ;

Considérant que la politique commune de la pêche poursuit le double objectif de préserver les stocks halieutiques et de garantir des revenus et des emplois stables aux pêcheurs ;

Considérant que, dans le cadre de la stratégie en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, l'Union européenne s'est fixé comme objectif de protéger juridiquement au moins 30 % de sa superficie marine d'ici à 2030, dont au moins 10 % strictement, alors que seules 12 % des eaux européennes sont actuellement protégées, dont moins d'1 % de manière intégrale ;

Considérant qu'à cet effet, l'Union européenne s'est engagée à créer un réseau cohérent de zones protégées, fondé sur le réseau Natura 2000 et complété par des désignations de zones supplémentaires par les États membres ;

Considérant qu'en France, la politique volontariste menée en faveur de la protection de la biodiversité marine a permis la création de 565 aires marines protégées, assurant aujourd'hui un haut niveau de protection à 33 % des eaux françaises contre 16,5 % en 2015 ;

Considérant que sont reconnues en France onze grandes catégories d'aires marines protégées, parmi lesquelles figurent notamment les sites Natura 2000 mais également les parcs naturels marins, les parcs nationaux, les réserves naturelles ou encore les zones de conservation halieutiques ;

Considérant que le vaste réseau des aires protégées françaises se caractérise ainsi par une grande diversité de statuts et de pratiques, ce qui constitue, au sein des territoires, une source de richesse et de résilience ;

Considérant que le recours à des statuts juridiques divers pour protéger les zones marines traduit la nécessité de prendre en compte les spécificités des écosystèmes concernés, afin de concilier au mieux la préservation du patrimoine naturel et le développement durable des activités maritimes ou de loisirs ;

Considérant que certaines aires marines protégées sont ainsi destinées uniquement à la protection des oiseaux ;

Considérant les efforts déployés ces dernières années par les pêcheurs français, les scientifiques et les responsables de collectivités territoriales en faveur de la reconstitution des stocks halieutiques, afin de garantir le caractère durable de leurs activités ;

Considérant que, parmi les mesures envisagées pour la protection et la restauration des écosystèmes marins en faveur d'une pêche durable et résiliente, la Commission invite, dans un Plan d'action pour le milieu marin, les États membres à adopter des mesures nationales afin d'interdire la pêche de fond mobile, dans les sites Natura 2000 désignés au titre de la directive « Habitats » d'ici la fin du mois de mars 2024, et à supprimer progressivement la pêche de fond mobile dans toutes les zones marines protégées à horizon 2030 ;

Considérant que cette mesure réduirait à néant les efforts déployés jusqu'à présent par les pêcheurs, les chercheurs et les représentants de l'État et des collectivités territoriales pour minimiser de manière concertée les incidences de la pêche dans les zones marines protégées, notamment dans le cadre des analyses risque pêche actuellement en cours d'élaboration ;

Considérant que la Commission préconise ainsi une interdiction uniforme de la pêche de fond mobile dans l'ensemble des zones marines protégées, sans tenir compte des spécificités desdites zones, ainsi que des caractéristiques propres aux divers engins de fond mobiles ;

Considérant, par conséquent, que ce plan d'action méconnaît la réalité de la pêche artisanale, qui opère dans de grandes proportions dans les zones marines protégées ;

Considérant ainsi que chaque année, plus de 23 000 tonnes de poissons sont pêchées par la petite pêche française dans les zones marines protégées, soit plus de 38,9 % des volumes débarqués par ces navires, pour un total de 28,7 millions d'euros, soit 32,9 % de la valeur débarquée ;

Considérant qu'à l'échelle nationale, dans la mesure où les aires marines protégées représentent environ 44 % de la zone économique exclusive, la mise en oeuvre du plan d'action de la Commission entraînerait la disparition d'un tiers de la flotte française à horizon 2030, privant ainsi d'emplois plus de 4 350 marins pêcheurs embarqués sur 1 200 navires, représentant 36 % des volumes débarqués, selon le Comité national des pêches ;

Considérant la probabilité que l'incidence du plan d'action de la Commission dépasse largement celle estimée, puisque dans le secteur de la pêche maritime, un emploi embarqué génère habituellement trois à quatre emplois à terre ;

Considérant qu'à l'échelle européenne, selon l'Alliance européenne pour la pêche de fond, l'interdiction de la pêche de fond mobile dans les zones marines protégées aurait une incidence sur l'activité de 7 000 navires correspondant à 25 % des volumes débarqués et 38 % des revenus totaux de la flotte européenne ;

Considérant que l'Union est déjà le premier importateur mondial de produits de la pêche et qu'une telle diminution des volumes pêchés par les navires européens engendrerait nécessairement une hausse des importations en provenance de pays tiers ayant recours à des techniques de pêche moins durables et moins sélectives;

Considérant que cette nouvelle orientation constitue le point d'aboutissement des initiatives prises ces dernières années par la Commission pour restreindre la pêche de fond mobile, puisque cette pratique est interdite dans les eaux situées à une profondeur supérieure à 800 mètres depuis 2016 ainsi que dans 87 zones de plus de 400 mètres de profondeur abritant des écosystèmes marins vulnérables et représentant 1,16 % des eaux communautaires depuis 2022 ;

Salue l'engagement de la Commission en faveur de la protection de la biodiversité et souligne l'importance de préserver les habitats marins abritant une grande diversité d'espèces et concourant à la séquestration du carbone à long terme ;

Se félicite ainsi de la récente conclusion du traité international pour la protection de la haute mer, signé à New York le 4 mars 2023 sous l'égide de l'Organisation des Nations unies ;

Appelle à poursuivre et approfondir les travaux scientifiques destinés à identifier les zones abritant des écosystèmes marins vulnérables, pour lesquels le recours à certains engins de pêche de fond mobile pourrait se révéler préjudiciable ;

Rappelle néanmoins que les restrictions éventuelles apportées à la pêche de fond mobile doivent rester cohérentes avec les objectifs de la politique commune de la pêche, chargée aussi de garantir un niveau de vie équitable pour le secteur de la pêche et de veiller à la sécurité de l'approvisionnement alimentaire au sein de l'Union ;

Estime ainsi que de telles restrictions doivent impérativement présenter un caractère proportionné, ciblé et ponctuel, de façon à prendre en compte les caractéristiques propres à chaque engin de pêche, les spécificités inhérentes aux différentes zones géographiques visées ainsi que l'évolution des paramètres environnementaux, économiques et sociaux ;

Demande par conséquent qu'en priorité, les analyses risque pêche en cours d'élaboration puissent être menées à terme, cette démarche garantissant que les restrictions éventuelles apportées à la pêche de fond mobile fassent l'objet d'une décision concertée et soient en adéquation avec les objectifs de conservation et les spécificités de chaque site ;

S'oppose donc fermement à une interdiction générale de la pêche de fond mobile s'appliquant de manière uniforme dans toutes les zones Natura 2000 dès 2024, et dans l'ensemble des zones marines protégées à compter de 2030 ;

Relève le caractère paradoxal d'une telle mesure, qui pénaliserait d'autant plus les États qu'ils se sont investis dans la création et la gestion de zones marines protégées et qu'ils ont ainsi témoigné de leur engagement en faveur de la préservation de la biodiversité ;

Met en garde contre l'ampleur des conséquences économiques et sociales d'une telle interdiction, qui ferait peser un risque substantiel sur la viabilité des filières halieutiques française et européenne et porterait donc inévitablement atteinte à la souveraineté alimentaire de l'Union ;

Regrette vivement que la publication du plan d'action de la Commission n'ait été assortie d'aucune concertation préalable ni étude d'impact permettant d'en évaluer précisément l'incidence ;

Note que, si le plan d'action de la Commission n'est pas juridiquement contraignant à ce stade, rien ne garantit qu'il le demeure, puisqu'au cours du premier semestre 2024, dans le cadre de l'examen à mi-parcours de la stratégie en faveur de la biodiversité, la Commission entend examiner si de nouvelles mesures ou législations sont nécessaires pour améliorer la mise en oeuvre de cette dernière ;

Invite dans ce cadre le Gouvernement à refuser de manière pérenne toute interdiction générale de la pêche de fond mobile dans l'ensemble des zones marines protégées pour les années à venir.

LA RÉSOLUTION EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la résolution en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/tableau-historique/ppr22-557.html

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DES AFFAIRES EUROPÉENNES

· M. Ludovic Butel, Secrétaire général adjoint

· M. Fabien Le Galloudec, adjoint à la cheffe du bureau Agriculture, alimentation, pêche

· Mme Fanny Cool, Bureau Parlements

ORGANISATIONS NON-GOUVERNEMENTALES

· M. François Chartier, chargé de campagne océan de Greenpeace France

· Mme Claire Nouvian, fondatrice et directrice générale de Bloom

· M. Swan Bommier, chargé du plaidoyer et des campagnes de Bloom

IFREMER

· Mme Clara Ulrich, directrice scientifique adjointe

· M. Pascal Laffargue, chercheur en biologie marine

COMITÉ NATIONAL DES PÊCHES MARITIMES ET DES ÉLEVAGES MARINS

· M. Philippe de Lambert des granges, directeur général

· Mme Emilie Gélard, responsable des affaires publiques


* 1 ICES Special Request Advice, Eu ecoregions, EU request on how management scenarios to reduce mobile bottom fishing disturbance on seafloor habitats affect fisheries landing and value, 24 juin 2021.

* 2 https://bloomassociation.org/quel-est-le-probleme-2/un-impact-destructeur/

* 3 Règlement (CE) n° 2371/2002 du Conseil du 20 décembre 2002 relatif à la conservation et à l'exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche, abrogeant les règlements (CEE) n° 3760/92 et (CEE) n° 101/76;

Règlement (CE) n° 2369/2002 du Conseil du 20 décembre 2002 modifiant le règlement (CE) n° 2792/1999 définissant les modalités et conditions des actions structurelles de la Communauté dans le secteur de la pêche;

Règlement (CE) n° 2370/2002 du Conseil du 20 décembre 2002 relatif à l'établissement d'une mesure communautaire d'urgence pour la démolition des navires de pêche.

* 4 Règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013, relatif à la politique commune de la pêche, modifiant les règlements (CE) n°1954/2003 et (CE) n°1224/2009 du Conseil et abrogeant les règlements (CE) n°2371/2002 et (CE) n°639/2004 du Conseil et la décision 2004/585/CE du Conseil.

* 5 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, « Vers une pêche plus durable dans l'UE : état des lieux et orientations pour 2021 », 16 juin 2020, COM(2020) 248 final.

* 6 Rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux n°21019, Inspection générale des affaires maritimes n°2021-034, « Mission sur la politique commune des pêches ».

* 7 Ifremer, Diagnostic 2022 sur les ressources halieutiques débarquées par la pêche française hexagonale, janvier 2023.

* 8 Règlement (UE) 2016/2336 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 établissant des conditions spécifiques pour la pêche des stocks d'eau profonde dans l'Atlantique du Nord-Est ainsi que des dispositions relatives à la pêche dans les eaux internationales de l'Atlantique du Nord-Est et abrogeant le règlement (CE) no 2347/2002 du Conseil.

* 9 Jo Clarke, Rosanna J. Milligan, David M. Bailey, Francis C. Neat, Current Biology, A scientific basis for regulating deep sea fishing by depth, September 21, 2015.

* 10 Règlement d'exécution (UE) 2022/1614 de la Commission du 15 septembre 2022 déterminant les zones existantes de pêche en eau profonde et établissant une liste des zones qui abritent ou sont susceptibles d'abriter des écosystèmes marins vulnérables.

* 11 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 21 février 2023, intitulée « Plan d'action de l'UE : protéger et restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente », COM(2023) 102 final.

* 12 Il est précisé dans le plan d'action de la Commission que cette interdiction viserait les engins de pêche de fond mobile suivants : les dragues remorquées par bateau, les dragues mécanisées, y compris les dragues à aspiration, les chaluts de fond à panneaux, les chaluts jumeaux à panneaux, les chaluts-boeufs de fond, les sennes de plage, les sennes danoises (sennes ancrées), les sennes-boeufs, les sennes écossaises (dragage à la volée), les sennes de bateau et les chaluts à perche.

* 13 Directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 modifiant la directive 79/409/CEE du Parlement européen et du Conseil du 2 avril 1979.

* 14 Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

* 15 Directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d'action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin

* 16 Cible 3 du Cadre Mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal : « Faire en sorte et permettre que, d'ici à 2030, au moins 30 % des zones terrestres, des eaux intérieures et des zones côtières et marines, en particulier les zones revêtant une importance particulière pour la biodiversité et les fonctions et services écosystémiques, soient effectivement conservées et gérées par le biais de systèmes d'aires protégées écologiquement représentatifs, bien reliés et gérés de manière équitable, et d'autres mesures efficaces de conservation par zone, en reconnaissant les territoires autochtones et traditionnels, le cas échéant, et intégrés dans des paysages terrestres, marins et océaniques plus vastes, tout en veillant à ce que toute utilisation durable, le cas échéant dans ces zones, soit pleinement compatible avec les résultats de la conservation, en reconnaissant et en respectant les droits des peuples autochtones et des communautés locales, y compris sur leurs territoires traditionnels ».

* 17 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mai 2020 sur la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, intitulée « Ramener la nature dans nos vies », COM(2020) 380 final.

* 18 Conclusions du Conseil de l'Union européenne du 16 octobre 2020 approuvant la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, dans un document intitulé « L'urgence d'agir », 11829/20.

* 19 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la restauration de la nature du 22 juin 2022, COM(2022) 304 final.

* 20 Science, Guide des aires marines protégées, 9 septembre 2021, https://mpa-guide.protectedplanet.net/

* 21 Le décret n°2022-527 du 12 avril 2022 pris en application de l'article L. 110-4 du code de l'environnement définit une zone de protection forte comme «une « zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques sont absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en oeuvre d'une protection foncière ou d'une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées ».

* 22 Stratégie nationale pour les aires protégées 2030, janvier 2021, https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/DP_Biotope_Ministere_strat-aires-protegees_210111_5_GSA.pdf

* 23 Joachim Claudet, Charles Loiseau, Antoine Pebayle, « Critical gaps in the protection of the second largest exclusive economic zone in the world », Marine policy, février 2021.

* 24 CNRS, «  France : des aires marines... pas encore suffisamment protégées », 13 janvier 2021.

* 25 Le décret n°2022-527 du 12 avril 2022 pris en application de l'article L. 110-4 du code de l'environnement définit une zone de protection forte comme «une « zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques sont absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en oeuvre d'une protection foncière ou d'une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées ».

* 26 Directive « habitats », article 6 paragraphe 1

* 27 Rapport final du projet IPREM - Impact des engins de Pêche sur les fonds marins et la Résilience Ecologique du Milieu (2021-2022).

* 28 Ifremer, Comment la science évalue-t-elle les impacts de la pêche sur les fonds marins ?, 9 février 2023.

* 29 https://inpn.mnhn.fr/programme/sensibilite-ecologique

* 30 Scientific, Technical and Economic Committee for Fisheries (STECF), « Support of the Action plan to conserve fisheries resources and protect marine ecosystems » (STECF-OWP-22-01), 2022.

* 31 Eigaard O.R., Bastardie F., Breen M.l., Dinesen G.E., Lafargue P., Nielsen J.R., Nilson H., O'Neil F., Polet H., Reid D., Sala A., Sköld M., Smith C., Sørensen T.K., Tully O., Zengin M., Hintzen N.T., Rijnsdorp A.D. (2016). Estimating seafloor pressure from trawls and dredges based on gear design and dimensions. ICES J. Mar. Sci. 73(1): 27-43

* 32No-take marine reserves are the most effective protected areas in the ocean - Enric Sala et Sylvaine Giakoumi, Conseil international pour l'exploration de la mer (2017).

* 33 Ifremer, Des populations de poissons perturbées par le changement climatique, 23 mai 2022.

* 34 Scientific, Technical and Economic Committee for Fisheries (STECF), « Support of the Action plan to conserve fisheries resources and protect marine ecosystems » (STECF-OWP-22-01), 2022.

* 35 FranceAgriMer, 2020.

* 36 Accord interinstitutionnel entre le Parlement européenne, le Conseil de l'Union européenne et la Commission européenne du 13 avril 2016

* 37 Observatoire Européen des Marchés des Produits de la Pêche et de l'Aquaculture, Le marché européen du poisson, novembre 2021.