N° 660

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 31 mai 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1)
sur le projet de loi d'
orientation et de programmation
du
ministère de la justice 2023-2027 (procédure accélérée)
et sur le projet de loi organique relatif à l'
ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (procédure accélérée),

Par Mmes Agnès CANAYER et Dominique VÉRIEN,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer, secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled.

Voir les numéros :

Sénat :

569, 570, 661 et 662 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Moins d'un an et demi après l'adoption de deux lois visant à restaurer la confiance des Français dans la justice1(*), il est apparu nécessaire au Gouvernement de légiférer à nouveau « pour rendre la justice plus rapide, plus efficace, plus protectrice et plus proche de nos concitoyens ». Le projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire et le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 constituent ainsi le volet législatif du plan d'action pour la justice annoncé par le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, le 5 janvier 2023.

La commission estime que, contrairement à ce qu'indique le Gouvernement, ces deux projets de loi ne constituent qu'une traduction approximative des conclusions du comité des États généraux de la justice. Les textes soumis à l'examen de la représentation nationale tendent à renvoyer une part substantielle de son contenu à la discrétion du pouvoir réglementaire, tandis que le rapport annexé au projet de loi d'orientation et de programmation, dont la commission a pris acte, ne permet pas de préciser les intentions du Gouvernement quant au futur de l'institution judiciaire.

Ces réserves de méthode formulées, la commission a néanmoins adopté les deux textes soumis à son examen sous réserve de l'adoption de 85 amendements. Pierre angulaire de cette initiative législative, la hausse des moyens budgétaires alloués au ministère de la justice, assurément bienvenue, ne suffira pas seule à remettre à flots l'institution : il conviendra de revoir en profondeur l'organisation du travail des magistrats, notamment par une structuration de l'équipe autour des magistrats plus ambitieuse que la vision réductrice qu'en a le Gouvernement.

Certaines mesures de modernisation de l'institution judiciaire souhaitées par le Gouvernement, bien que de portée souvent technique, ont été accueillies favorablement par la commission, à l'exemple de l'expérimentation de tribunaux des activités économiques, appelée de ses voeux par le Sénat de longue date, ou le renforcement de la responsabilité des magistrats, que la commission a souhaité prolonger.

La commission a néanmoins été attentive à ce que certaines mesures de simplification soient accompagnées des garanties juridiques suffisantes. Elle a en particulier prévu, à l'article 2 du projet de loi, habilitant le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance des mesures de clarification du code de procédure pénale à droit constant, qu'une telle ordonnance ne saurait entrer en vigueur avant l'expiration d'un délai d'un an après sa publication : le Parlement aura ainsi toute latitude pour contrôler le respect du champ de l'habilitation accordée et pour procéder à la simplification attendue de longue date par les usagers quotidiens du code de procédure pénale.

I. DE VIVES RÉSERVES SUR LA MÉTHODE

A. UNE TRADUCTION APPROXIMATIVE DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA JUSTICE

Si le Gouvernement présente les textes déposés devant le Sénat comme la traduction législative des conclusions des États généraux, ils en sont davantage une suite chronologique qu'intellectuelle. Ainsi, un certain nombre de mesures manquent à l'appel, comme l'extension de l'aide juridictionnelle pour les personnes morales de droit privé, tandis que d'autres s'éloignent des points de consensus auxquels les États généraux avaient aboutis.

Ainsi, la réforme retenue par le Gouvernement concernant le témoin assisté reste a minima, alors que les États généraux avaient porté l'ambition d'une réforme consacrant le droit des personnes en faisant de la mise sous statut de témoin assisté la règle et en limitant la possibilité de mise en examen à la fin de l'instruction.

Quant à la vision de l'équipe autour des magistrats portée par l'article 11, elle diffère de la position des États généraux en ce qu'elle exclut les greffiers. Or le comité des États généraux de la justice a bien proposé « de renforcer les effectifs des greffiers de 2 500 à 3 000 personnes, dont certaines participeront aussi à l'aide à la décision ». À propos des greffiers des conseils des prud'hommes, il a relevé que leur rôle et leurs compétences doivent être étendus pour offrir une assistance plus poussée aux conseillers prud'homaux dans la prise en charge de la mise en état.

Concernant le volet économique du projet de loi, la composition du tribunal des affaires économiques (TAE) proposée par le Gouvernement retient une forme d'échevinage édulcoré (un magistrat professionnel pouvant siéger en qualité d'assesseur uniquement). Ce choix ne reflète pas les résultats des travaux des États généraux de la justice qui n'envisageaient l'échevinage que dans l'hypothèse limitée de la création d'une chambre des sanctions du TAE qui aurait eu vocation à prononcer des sanctions pénales en matière économique.

B. UN RENVOI PARFOIS EXCESSIF AU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE

Si les renvois au pouvoir réglementaire opérés par les deux textes ne sont pas en eux-mêmes problématiques, ils le deviennent lorsque, faute de communication des projets de décret accompagnant certaines dispositions organiques ou législatives, le Parlement ne peut se prononcer en pleine connaissance de cause sur les dispositions soumises à son examen. La commission a particulièrement regretté que plusieurs paramètres déterminants relatifs à la réforme du statut des magistrats soient renvoyés au pouvoir réglementaire, sans que l'intention du Gouvernement ne soit davantage explicitée. Elle a rejoint à cet égard l'avis du Conseil supérieur de la magistrature sur le projet de loi, qui a déploré le renvoi au pouvoir réglementaire « de nombreuses dispositions présentant un caractère essentiel dans le statut des magistrats »2(*).

C. UN RAPPORT ANNEXÉ QUI N'ENGAGE FINALEMENT QUE LE GOUVERNEMENT

La commission a pris acte des orientations évoquées dans le rapport annexé. Eu égard à la multiplicité des sujets évoqués, qui entretiennent souvent un lien ténu avec le projet de loi, il n'a pas paru à la commission opportun d'en modifier les équilibres. La mise en oeuvre du plan d'action contenu dans ce document, dénué de portée normative et qui ne constitue qu'un engagement politique du Gouvernement, devra néanmoins faire l'objet d'une attention vigilante du Parlement, l'approbation du rapport annexé ne valant pas quitus pour un plan d'action à la confection duquel il n'a pas été associé.

La commission a néanmoins accepté que le rapport annexé soit complété par le Gouvernement compte tenu de l'impératif d'une meilleure prise en compte, au sein des juridictions, des violences intrafamiliales, dans la suite des recommandations formulées par le rapport remis au Gouvernement par la députée Emilie Chandler et Dominique Vérien, rapporteure3(*).

II. RENFORCER LES MOYENS BUDGÉTAIRES ET HUMAINS POUR RÉPONDRE À LA CRISE

A. UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE QUI RÉPOND À L'URGENCE

Le constat formulé lors des États généraux de la justice est clair : l'institution judiciaire est « au bord de la rupture »4(*). Face à cette crise, dont la tribune dite « des 3 000 » magistrats5(*), greffiers et auditeurs de justice a constitué l'acmé, le renforcement des moyens de la justice prévu à l'article 1er est bienvenu.

De l'ordre de 1,89 milliard d'euros, soit 21,23 %, la hausse ainsi programmée des crédits serait ramenée en volume à 6,80 % en prenant en compte l'inflation. Proche de la programmation votée, pour la mission « Justice », par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027, la hausse ainsi proposée des crédits s'inscrit dans des hausses de crédits similaires pour les ministères régaliens. Elle impliquera néanmoins une diminution relative des crédits ouverts pour d'autres missions pour tenir les objectifs de dépense publique fixés6(*).

Cette programmation budgétaire aurait notamment vocation à financer des créations nettes d'emplois dont l'article 1er fixe le niveau à 9 395 à l'horizon 2027. Souhaitant mieux reconnaître l'engagement et les besoins de recrutement des greffiers et conseillers pénitentiaires de probation et d'insertion (CPIP), la commission a porté à 1 800 et à 600 le nombre respectif de créations nettes d'emplois pour chacune de ces professions.

B. DES DISPOSITIONS FACILITANT LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

L'article 11 du projet de loi ordinaire vise à permettre le recrutement d'attachés de justice par contrats à durée indéterminée ou via des détachements de fonctionnaires pour constituer une équipe d'assistance et d'aide à la décision plus stable autour des magistrats que les juristes assistants dont les fonctions sont par définition temporaires (trois ans renouvelables une fois) et qui restent en moyenne deux ans et demi seulement dans leurs fonctions. La commission a été favorable à cette pérennisation souple, qui devrait favoriser une meilleure couverture territoriale, moins dépendante des caractéristiques du bassin d'emploi dans lequel se trouve la juridiction.

L'article 14 du projet de loi ordinaire entend faire face aux grandes difficultés de recrutement dans l'administration pénitentiaire en développant la réserve civile et en favorisant les recrutements par l'ouverture de postes de surveillant adjoint contractuel, destinés à former un vivier pour les concours, à l'instar des policiers adjoints pour la police nationale.

L'article 15 du projet de loi ordinaire transfère à un magistrat du siège du tribunal judiciaire les compétences civiles exercées par le juge des libertés et de la détention en matière de contentieux des étrangers et d'hospitalisations sous contrainte. La commission n'a pas remis en cause ce transfert qui n'affecte pas les garanties apportées aux justiciables et qui offre une souplesse d'organisation intéressante à des juridictions pâtissant durement de la pénurie de juge des libertés et de la détention.

L'article 17 du projet de loi ordinaire opèrerait un transfert de compétence des greffiers vers les commissaires de justice s'agissant de la mise en oeuvre et du suivi des saisies des rémunérations, ce qui permettrait d'économiser, à compter de 2025, l'équivalent de 140 ETP (répartis pour moitié entre greffiers et agents de catégorie C) qui pourraient être utilement redéployés vers d'autres missions.

III. LA RÉFORME DU CORPS JUDICIAIRE : COROLLAIRE INDISPENSABLE DES RECRUTEMENTS ATTENDUS

A. OUVRIR LE CORPS JUDICIAIRE

La commission a partagé le constat d'un corps judiciaire insuffisamment ouvert sur la société et les autres professions, qui peut apparaître comme un obstacle aux recrutements, prévus dans les prochaines années, indispensables pour permettre au service public de la justice de fonctionner dans des conditions acceptables.

La commission a en conséquence salué le renforcement de l'ouverture et de la lisibilité des voies de recrutement, ramenées de douze à neuf. Elle s'est néanmoins montrée intransigeante sur l'exigence du recrutement et de la formation, garantie de la qualité des décisions rendues, en portant la durée minimale de stage pour les titulaires du concours professionnel à 18 mois et en limitant le moratoire sur les quotas de recrutement au titre du concours professionnel à la période 2025-2027. Elle a également souhaité favoriser davantage l'ouverture du corps judiciaire, en prévoyant que les magistrats constituent moins de la moitié du nouveau jury professionnel, et en portant d'un vingtième à un quinzième le quota des magistrats détachés au sein du total des emplois du grade concerné.

Par ailleurs, alors que l'article 12 du projet de loi ordinaire rétablit la participation des parlementaires aux conseils de juridiction des tribunaux judiciaires et des cours d'appel, la commission a veillé à ce que l'ensemble des parlementaires élus d'une circonscription du ressort de la juridiction puissent siéger au sein de cette instance. Elle a également créé des conseils de juridiction auprès de la Cour de Cassation, du Conseil d'État, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs.

B. MODERNISER LA GESTION DU CORPS

1. Favoriser la mobilité au sein du corps judiciaire

L'article 3 du projet de loi organique prévoit de modifier la structure du corps judiciaire, en prévoyant une progression de carrière au sein de trois grades, en lieu et place des actuels second et premier grades et du grade « hors hiérarchie ». L'accès au troisième grade serait accessible de droit aux magistrats choisissant d'occuper des fonctions de chef de juridiction. Soutenant l'harmonisation de la structure du corps avec celle des autres corps d'encadrement supérieur de la fonction publique, la commission a néanmoins souhaité favoriser la mobilité au sein du corps judiciaire en prévoyant des durées minimale et maximale d'affectation, conformément à la position qu'elle avait retenue en 2017 lors de l'examen de la proposition de loi pour le redressement de la justice7(*).

Soucieuse de favoriser la mobilité au sein du corps judiciaire, la commission a accueilli favorablement la création d'une priorité d'affectation sur un poste de leur choix pour des magistrats affectés sur des emplois souffrant d'un déficit d'attractivité. Elle a néanmoins rejeté certaines dispositions prévues à l'article 5 du projet de loi organique - dont la délégation de magistrats des ressorts des cours d'appel de Paris et Aix-en-Provence vers les juridictions d'outre-mer et de Corse - au profit d'un assouplissement des outils de délégation à la main des chefs de cour : il lui a paru préférable de renforcer, corrélativement à l'augmentation des effectifs, le pouvoir de décision des chefs de cour, futures clés de voûte de la déconcentration des services judiciaires, plutôt que de pérenniser des solutions reposant sur la prémisse d'une pénurie perpétuelle d'effectifs.

2. Moderniser la gestion des carrières des magistrats judiciaires

Poursuivant l'objectif d'une évolution de carrière modernisée, la commission a approuvé les dispositions de l'article 2 du projet de loi organique prévoyant une évaluation approfondie - dite « à 360° » - des chefs de cour et de juridiction. Elle a néanmoins aligné son contenu et ses modalités sur d'autres évaluations similaires dans l'encadrement supérieur de l'État et renforcé en contrepartie les garanties d'indépendance du collège d'évaluation ainsi créé. Elle a également souhaité préciser, dans le souci de renforcer la transparence des nominations de chef de cour et de juridiction, les critères pris en compte dans de telles nominations par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

L'article 6 du projet de loi organique propose de réformer le dialogue social avec les magistrats en fusionnant la commission d'avancement, désormais déchargée du recrutement, et la commission des études appelée à se prononcer sur les réformes touchant au statut des magistrats. Il reconnaît aussi une plus grande place aux syndicats pour discuter des questions relatives à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail et, surtout, pour négocier et étendre aux magistrats les accords collectifs conclus au sein de la fonction publique. L'article 7 entend permettre un recours plus large aux magistrats à titre temporaire (MTT) et aux magistrats honoraires (MHFJ). Les MTT, dont les conditions de recrutement sont assouplies, pourront exercer davantage de fonctions, dont celle de substitut, fonctions que la commission a souhaité limiter, en conformité avec la jurisprudence constitutionnelle.

Enfin, l'article 9 du projet de loi organique prévoit de substituer au mode de scrutin indirect, actuellement prévu pour l'élection de trois des sept membres magistrats au sein de chaque formation du CSM, un mode de scrutin direct. Favorable à cette évolution, la commission a néanmoins souhaité une réforme de plus grande ampleur pour le CSM, en prévoyant en particulier que les personnalités qualifiées en son sein sont renouvelées par moitié, dans le but de favoriser la permanence de l'institution et de sa jurisprudence.

Quelques mesures relatives aux magistrats de l'ordre administratif

Le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 comporte quelques mesures relatives aux magistrats administratifs et financiers.

L'article 22, qui a reçu l'approbation de la commission, vise à permettre aux élèves de l'Institut national du service public (INSP) de rejoindre directement les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ainsi que les chambres régionales des comptes (CRC), sans avoir à justifier préalablement de deux ans de services publics en qualité d'administrateurs de l'État, les soumettant ainsi aux mêmes conditions de mobilité que les magistrats entrés par voie directe.

À l'article 23, la commission a approuvé le changement de nom du grade sommital du corps des magistrats des CRC qui devrait faciliter l'établissement de grilles indiciaires renouvelées, mais supprimé deux autres mesures statutaires relatives au tour extérieur des conseillers maîtres ou à la durée des présidences et vice-présidences de CRC qui ne lui ont pas semblé justifiées. Elle a ajouté une mesure d'assouplissement de l'obligation de résidence des magistrats de CRC.

Enfin, la commission a adopté la possibilité d'étendre les dispositions d'un accord national relatif à la protection sociale complémentaire conclu pour les agents de la fonction publique d'État à tous les magistrats administratifs et financiers pour permettre une prise en charge améliorée de leur mutuelle « santé » par l'État.

C. RESPONSABILISER LES MAGISTRATS

Le cadre disciplinaire actuel des magistrats n'est pas parvenu à diffuser au sein du corps judiciaire un nécessaire sentiment de responsabilité, corollaire de son indépendance, et l'autorité judiciaire pâtit encore auprès de nos concitoyens d'une vive défiance. Répondant à cet état de fait, l'article 8 du projet de loi organique tend en particulier à élargir les conditions de recevabilité des plaintes des justiciables auprès de la commission d'admission des requêtes (CAR) du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et à réviser à la marge l'échelle des sanctions.

Favorable au principe du renforcement de la responsabilité des magistrats, la commission a en conséquence souhaité en prolonger les dispositions, en clarifiant la définition de la faute disciplinaire, en renforçant l'échelle des sanctions - notamment en l'alignant partiellement sur celle applicable aux magistrats administratifs - et, en contrepartie, en supprimant l'obligation d'audition du magistrat par la CAR.

IV. DES MESURES DE SIMPLIFICATION QUI DOIVENT S'ACCOMPAGNER DE GARANTIES RENFORCÉES

A. REFORMER LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE DANS LE RESPECT DES PRÉROGATIVES DU PARLEMENT

Deux articles forment des pendants de ce que pourrait être une réforme du code de procédure pénale. L'article 2 propose de procéder, par voie d'ordonnance et à droit constant, à la clarification de la rédaction et du plan du code tandis que l'article 3 porte des réformes d'ampleur variable sur une dizaine de points sans autre lien que d'avoir été, pour la plupart d'entre eux, envisagés sous une forme ou une autre lors des États généraux.

La commission a estimé qu'il manquait à ces articles une vision d'ensemble et une mise en cohérence des réformes de fond susceptibles de dépasser le travail technique de réécriture incontestablement nécessaire mais insuffisant qui est proposé par l'article 2.

B. REDONNER DE L'ENVERGURE À L'EXPÉRIMENTATION D'UNE JUSTICE ÉCONOMIQUE MODERNISÉE

L'article 6, qui prévoit la création du tribunal des affaires économiques (TAE), trouve son origine dans les différents travaux législatifs et d'évaluation du Sénat menés au cours des dernières années, qui ont, d'ailleurs, été repris par le comité des États généraux de la justice. Plus spécifiquement, le rapport d'information sur le droit des entreprises en difficulté à l'épreuve de la crise des sénateurs François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi8(*) et la proposition de loi qu'ils ont ensuite déposée9(*), ont constitué le socle de la réflexion sur la réforme des juridictions commerciales. Cependant, le texte proposé par le Gouvernement manque d'envergure par rapport aux solutions constantes soutenues par le Sénat.

La commission a donc veillé à redonner une véritable ambition à l'expérimentation du TAE en prévoyant d'étendre ses compétences à l'ensemble des acteurs économiques en matière de procédures amiables et collectives d'une part, et à lui confier, d'autre part, une partie plus substantielle du contentieux de la vie économique, à savoir celui des baux commerciaux. Enfin, la commission n'a pas été convaincue par l'ersatz d'échevinage proposé par le Gouvernement, dont les modalités ne satisfont personne, mais a, au contraire, estimé grandement nécessaire de faire siéger les représentants des exploitants agricoles et des professions réglementées aux côtés des autres juges consulaires le temps de l'expérimentation.

Corollaire de l'expérimentation du TAE, l'article 7 vise à instaurer une contribution pour la justice économique en cas de saisine de cette juridiction. Le Sénat a déjà soutenu par le passé une telle initiative et il s'agit d'une des propositions formulées par les États généraux de la justice. La commission s'est, très logiquement, montrée favorable à ce dispositif tout en veillant à préciser les critères du barème que le Gouvernement aura la charge d'élaborer pour déterminer les montants de la contribution à la charge des demandeurs, étant précisé que la commission insiste sur la nécessité d'établir un barème qui ne prive pas d'accès au juge les acteurs économiques les plus en difficulté.

C. CONFIER LES SAISIES DE RÉMUNÉRATIONS AUX COMMISSAIRES DE JUSTICE

La commission a accepté la réforme des saisies des rémunérations proposée par l'article 17, qui prévoit la suppression de l'autorisation préalable du juge et le transfert des missions de mise en oeuvre et de répartition des fonds aux commissaires de justice. Officiers ministériels soumis à une déontologie et une discipline renforcées depuis l'ordonnance du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels, il lui a semblé que les commissaires de justice seraient à même de mettre en oeuvre une procédure rendue plus rapide et plus facile, notamment au bénéfice de créanciers particuliers souhaitant procéder au recouvrement de créances de loyers ou de personnes cherchant à recouvrer des prestations compensatoires, leur ouvrant ainsi la possibilité de saisir régulièrement des montants, mêmes modestes.

À l'initiative des rapporteurs, la commission a souhaité améliorer les garanties entourant cette procédure, en faisant clairement apparaître dans la mission du commissaire de justice saisissant la phase amiable de recherche d'un accord entre le créancier et le débiteur, en simplifiant la saisine du juge de l'exécution en cas de contestation - une simple requête serait suffisante - et en lui confiant la mission de contrôler d'office les frais de recouvrement engagés antérieurement à la saisie. Soucieuse de limiter les frais d'une procédure jusqu'à présent sans coûts directs pour le débiteur, elle a enfin fixé le principe d'un nombre maximum d'actes autorisés dans le cadre d'une procédure de saisie des rémunérations qui serait déterminé par décret.

D. UNE RÉFORME DE LA PUBLICITÉ FONCIÈRE QUI NE PEUT PLUS ÊTRE RETARDÉE

L'article 21 du projet de loi prolonge de 14 mois le délai d'habilitation accordé au Gouvernement dans la loi « 3DS » pour simplifier le droit de la publicité foncière. La commission a estimé qu'une telle prolongation était à la fois excessive, car portant le délai à un total inédit de 33 mois, et injustifiée, dans la mesure où le délai initial de 18 mois était amplement suffisant pour conduire les travaux à leurs termes. Elle a supprimé cet article.

V. DES DISPOSITIONS D'AJUSTEMENT POUR UNE JUSTICE EFFICACE

A. FACILITER LE RECOURS AUX TRAVAUX D'INTÉRÊT GÉNÉRAL ET MIEUX SOUTENIR LES VICTIMES

L'article 4 tend à favoriser l'offre de travaux d'intérêts général (TIG) en pérennisant la possibilité qu'ils soient accomplis dans les entreprises de l'économie sociale et solidaire. Il clarifie aussi la possibilité pour le juge de l'application des peines d'avoir recours au TIG en alternative à d'autres aménagements de peine.

L'article 5 permet d'améliorer l'indemnisation des victimes par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi) pour les victimes de violences intrafamiliales, de certaines escroqueries sur internet ou de squat. Bienvenue, cette amélioration a été confortée et ses conditions clarifiées par la commission.

B. MIEUX FORMER ET RESPONSABILISER LES PROFESSIONNELS DU DROIT

L'article 8 permet d'élargir le vivier des potentiels conseillers prud'hommes salariés et renforce leur responsabilité dans la mesure où la loi ne permet pas aujourd'hui de sanctionner un manquement disciplinaire dans l'hypothèse où ils démissionnent avant le prononcé d'une éventuelle sanction disciplinaire. La commission a également enrichi ces dispositions, mettant en oeuvre des recommandations du rapport d'information sur la justice prud'homale des commissions des lois et des affaires sociales de 2019, en prévoyant l'obligation de remplir une déclaration d'intérêts pour l'ensemble des juges prud'homaux - à l'instar des magistrats professionnels et des juges consulaires - et en instaurant une limitation du cumul des mandats de conseiller prud'hommes ainsi qu'une limite d'âge pour siéger dans cette juridiction.

Les articles 9 et 10, confortés par la commission, visent à mettre un terme, de manière rapide et efficace, au mandat des juges non professionnels (tribunaux de commerce, conseils de prud'hommes, assesseurs des pôles sociaux des tribunaux judiciaires) lorsqu'ils ne suivent pas leur formation initiale obligatoire ou qu'ils refusent de siéger sans motif légitime, alors qu'ils ont été élus ou désignés pour cette mission.

C. AJUSTER LES CONDITIONS D'EXERCICE DE PROFESSIONS DU DROIT

L'article 19 répond à une demande du Conseil national des barreaux (CNB) et rehausse le niveau de diplôme requis pour accéder à la profession d'avocat. Cette mesure est conforme avec la réforme des diplômes de l'enseignement supérieur (système dit LMD : licence, master et doctorat) et le niveau de diplôme requis pour les autres professions du droit. La commission souhaite néanmoins que le Gouvernement veille à ce que les conditions d'accès à la profession d'avocat soient dissociées de celles - fixées par décret - pour accéder à la formation d'avocat, afin de préserver la possibilité qu'ont actuellement les étudiants de finaliser l'obtention de leur master pendant leur formation au centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA).

*

* *

La commission a adopté les projets de loi
ordinaire et organique ainsi modifiés.

EXAMEN DES ARTICLES
DU PROJET DE LOI ORGANIQUE

Article 1er
Modification des conditions de recrutement des magistrats

L'article 1er tend à ouvrir et harmoniser les conditions de recrutement des magistrats dans le but de permettre à l'institution judiciaire de procéder aux 1 500 recrutements prévus pour le quinquennat 2023-2027 à l'article 1er du projet de loi d'orientation et de programmation. Il prévoit en particulier la substitution d'un concours professionnel unique aux diverses voies d'intégration directe et concours complémentaires actuels.

Favorable au principe de l'ouverture du corps judiciaire et à une meilleure lisibilité des voies d'accès à celui-ci, la commission a adopté cet article. Elle a néanmoins souhaité garantir la qualité du recrutement en prévoyant que la formation des stagiaires titulaires du concours professionnel ne peut durer moins de dix-huit mois, et renforcer l'ouverture du corps judiciaire en assouplissant le quota des magistrats détachés au sein des premier et deuxième grades et en prévoyant que les magistrats représentent moins de la moitié du jury professionnel.

1. L'état du droit : des modalités de recrutement multiples et peu lisibles

L'on dénombre actuellement douze voies d'accès au corps des magistrats de l'ordre judiciaire.

1.1. Quatre voies d'accès à l'auditorat

En premier lieu, trois concours existent pour le recrutement des auditeurs de justice10(*) :

- le premier concours, dit « étudiant », ouvert aux titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente, âgés de moins de 31 ans11(*) ;

- le deuxième concours, qui vise le recrutement de fonctionnaires issus de divers corps, disposant de quatre ans d'expérience professionnelle en cette qualité12(*) ;

- le troisième, qui vise le recrutement d'autres professionnels justifiant de huit années d'activité professionnelle, âgés de moins de 40 ans13(*).

Des quotas fixés par voie réglementaire14(*) garantissent l'équilibre entre ces trois voies de recrutement.

Premier concours

Deuxième concours

Troisième concours

Entre 65 et 77 %
des places

Entre 18 et 25 %
des places

Entre 5 à 10 %
des places

Peuvent également être recrutés comme auditeurs de justice, au titre de l'intégration directe, sur le fondement de l'article 18-1 de l'ordonnance 58-1270 du 22 décembre 1958, dite « statutaire » :

- les personnes justifiant de quatre années d'activités dans les domaines juridique, économique ou des sciences humaines et sociales « qualifient pour l'exercice des fonctions judiciaires » et titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente ;

- les docteurs en droit qui possèdent, outre les diplômes requis pour le doctorat, un autre diplôme d'études supérieures ;

- les docteurs en droit justifiant de trois années au moins d'exercice professionnel en qualité de juriste assistant ;

- les personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à cinq années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente qui ont accompli trois années au moins d'exercice professionnel en qualité de juriste assistant ;

- les personnes ayant exercé des fonctions d'enseignement ou de recherche en droit dans un établissement public d'enseignement supérieur pendant trois ans après l'obtention d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à cinq années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente.

Les personnes recrutées par la voie de l'intégration directe ne peuvent néanmoins représenter plus du tiers du total des places ouvertes au titre des concours de recrutement d'auditeurs de justice.

L'ensemble des personnes recrutées comme auditeurs de justice suivent une formation longue de 31 mois à l'École nationale de la magistrature (ENM).

1.2. De multiples voies d'accès hors de l'auditorat

Les voies d'accès au corps judiciaire hors de la voie de l'auditorat peuvent être distinguées en trois sous-ensembles.

D'une part, des recrutements peuvent être opérés sur concours complémentaires15(*). Ils sont ouverts à des « personnes justifiant d'une expérience professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, les qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires » de 15 ans et âgés de 50 ans au moins pour l'ancien premier grade, et de 7 ans et âgés de 35 ans au moins pour l'ancien second grade. Le nombre de postes offerts aux concours ne peut excéder 20 % des premières nominations à l'ancien second grade et 10 % des premières nominations en avancement à l'ancien premier grade. Les titulaires de ces concours suivent une formation courte de 5 mois puis, après avoir été déclarés aptes par le jury d'aptitude - le même que celui des auditeurs -, une formation complémentaire de 2 à 4 mois.

D'autre part, des voies d'intégration directe sont également ouvertes :

- à l'ancien second grade, pour les personnes âgées de 35 ans au moins justifiant de sept années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer les fonctions judiciaires, titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique16(*), les directeurs de greffes judiciaires justifiant de sept années de services effectifs dans leurs corps17(*), ainsi que les fonctionnaires de catégorie A du ministère de la justice justifiant de sept années de services effectifs18(*). Une formation de sept mois est prévue pour les personnes ainsi admises ;

- à l'ancien premier grade, pour les personnes âgées de 35 ans au moins justifiant de quinze années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer les fonctions judiciaires, titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique19(*), ainsi que les directeurs de greffes judiciaires qui remplissent des conditions de grade - disposer du grade hors classe - et d'emploi - occuper ou avoir occupé un emploi de directeur fonctionnel des services de greffe - et que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer les fonctions demandées. Une formation de sept mois est également prévue pour les personnes ainsi admises ;

- à l'ancien grade « hors hiérarchie »20(*), pour les conseillers d'État en service ordinaire, les magistrats de l'ordre judiciaire détachés dans les emplois de directeur ou de chef de service au ministère de la justice ou de directeur de l'École nationale de la magistrature, les maîtres des requêtes au Conseil d'État ayant au moins dix ans de fonctions en cette qualité, les professeurs des facultés de droit de l'État ayant enseigné au moins dix ans en qualité de professeur ou d'agrégé, les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, membres ou anciens membres du Conseil de l'ordre, disposant d'au moins vingt ans d'exercice dans leur profession, les avocats inscrits à un barreau français justifiant de vingt-cinq années au moins d'exercice de leur profession. Aucune formation n'est prévue pour les personnes ainsi admises ;

- à l'ancien second grade, les juges du livre foncier en Alsace-Moselle exerçant leurs fonctions depuis trois ans au moins21(*).

Enfin, deux voies d'intégration temporaire sont prévues :

- le détachement judiciaire aux anciens premier et second grades, ouvert aux hauts fonctionnaires et professeurs pour une durée de cinq ans non renouvelable ;

- la nomination de conseillers et avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation, ouverte à des professionnels du droit très qualifiés, pour une durée de 10 ans non renouvelable.

Les procédures et durées de formation de chacune de ces diverses voies d'accès tendent au surplus à varier, comme le montre le tableau synoptique ci -après.

2. Le dispositif proposé : ouvrir et harmoniser les conditions de recrutement du corps judiciaire

Eu égard à la complexité et à la multiplicité des voies de recrutement, l'article 1er du présent projet de loi tend à ouvrir et à rendre plus lisibles les diverses voies de recrutement et leurs modalités. En lien avec l'article 1er du projet de loi ordinaire, alors qu'il doit être procédé à des recrutements importants, il apparaît ainsi nécessaire de fluidifier et diversifier l'accès à la magistrature tout en conservant un haut niveau d'exigence.

S'agissant du recrutement des auditeurs de justice, les concours externe et interne seraient maintenus mais le troisième concours serait davantage ouvert, l'exigence d'expérience professionnelle étant ramenée de 8 à 4 ans. Le recrutement sur titres serait par ailleurs supprimé, ce qui réserverait l'accès à l'auditorat à un recrutement par concours. Certaines personnes étant aujourd'hui recrutées sur titres ayant désormais vocation à être recrutées par la voie du troisième concours, le quota de recrutement pour ce dernier serait porté à un tiers du total des places ouvertes pour les trois concours de recrutement à l'auditorat.

S'agissant des autres voies d'accès au corps judiciaire, plusieurs évolutions seraient apportées par l'article 1er du présent projet de loi organique.

À titre principal, les voies de recrutement sur titres et du concours complémentaire seraient supprimées au profit d'un concours professionnel pour l'accès aux nouveaux premier et deuxième grades, sanctionné par un jury professionnel, dont la composition serait renvoyée au pouvoir réglementaire. Comme le souligne l'étude d'impact, les conditions d'éligibilité varieraient selon le grade de recrutement.

Tableau des publics visés et conditions d'éligibilité au concours professionnel

Public visé

Conditions d'éligibilité pour le recrutement par concours professionnel au premier grade

Conditions d'éligibilité pour le recrutement par concours professionnel au deuxième grade

Professionnels

Personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat et justifiant de sept années au moins d'exercice professionnel dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires

Personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat et justifiant de quinze années au moins d'exercice professionnel dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires

Professionnels exerçant déjà au sein d'un tribunal judiciaire

Directeurs des services de greffe judiciaires justifiant de cinq années de services effectifs dans leur corps

Juristes assistants et aux attachés de justice justifiant de trois années au moins d'exercice professionnel en cette qualité

Directeurs des services de greffe judiciaires qui remplissent des conditions de grade et d'emploi et que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires

Magistrats à titre temporaire justifiant de cinq années d'activité en cette qualité

Avocats

Avocats justifiant de cinq années au moins d'exercice en cette qualité

Avocats justifiant de dix années au moins d'exercice professionnel en cette qualité

Source : commission des lois du Sénat

Pour les années 2025 à 2028, aucun quota de recrutement ne serait imposé pour ce nouveau concours professionnel.

Par ailleurs, d'autres évolutions tendant à ouvrir le corps judiciaire sont proposées à l'article 1er du présent projet de loi :

- à titre principal, serait créé un statut de magistrats en service extraordinaire pour les fonctions des nouveaux premier et deuxième grades, ouvert aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'étude après le baccalauréat, justifiant de quinze ans au moins d'activité professionnelle, que leur compétence et leur activité qualifient particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires. Les bénéficiaires de ce statut seraient nommés sur avis conforme du jury d'aptitude du concours professionnel, pour une durée de trois ans renouvelable une fois ;

- l'intégration directe aux fonctions hors hiérarchie serait maintenue, et légèrement ouverte - aux personnes justifiant de six années d'exercice en qualité de conseillers ou avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire ;

- le détachement judiciaire serait ouvert aux fonctionnaires de l'Union européenne et soumis à l'appréciation d'un jury professionnel en lieu et place de la commission d'avancement. Il serait au surplus possible de voir la position de détachement renouvelée une fois, sur nouvel avis conforme du jury professionnel ;

- les modalités dérogatoires d'accès au corps judiciaire des juges du livre foncier en Alsace-Moselle seraient harmonisées avec celles des autres voies d'accès, notamment celles du concours professionnel.

Enfin, les conditions de recrutement seraient unifiées, un seul jury professionnel étant mis en place pour les décisions relatives à l'aptitude et au recrutement des candidats ayant connu une expérience professionnelle antérieure, dont la composition serait définie par décret en Conseil d'État.

De façon analogue, les parcours de formation seraient simplifiés, autour de quatre options :

- pour les auditeurs de justice, le maintien d'un parcours long de 31 mois ;

- pour les bénéficiaires du concours professionnel, une formation courte dont l'étude d'impact indique qu'elle serait de 12 mois. Sollicitée par les rapporteurs, la direction des services judiciaires (DSJ) a précisé que ce parcours s'articulerait autour de trois phases : une première période d'études à l'ENM de trois mois ; une deuxième période de stage en juridiction d'une durée de 6 à 7 mois, formation probatoire rémunérée ; une troisième période de stage de pré-affectation d'une durée de deux mois se déroulerait dans la juridiction de réalisation du stage probatoire puis pour un mois sur le lieu d'affectation en poste ;

- pour les magistrats en service extraordinaire, les juges du livre foncier, et les magistrats en détachement judiciaire, la création d'une formation ad hoc ;

- le maintien d'une absence de formation pour les intégrations directes en qualité de conseillers et avocats généraux en services extraordinaires et pour les intégrations directes aux fonctions hors hiérarchie.

Enfin, à titre plus subsidiaire, l'ensemble des limites d'âge seraient supprimées.

Le tableau ci-dessous tend à retracer les modifications proposées par l'article 1er du présent projet de loi.

3. La position de la commission : garantir la qualité du recrutement et favoriser une ouverture accrue du corps judiciaire

La commission a salué le renforcement de l'ouverture et de la lisibilité des voies de recrutement du corps judiciaire, ramenées de douze à neuf. Elle a néanmoins souhaité apporter, par l'adoption de l'amendement COM-40 des rapporteurs, plusieurs ajustements tendant d'une part à garantir la qualité du recrutement et, d'autre part, à favoriser l'ouverture du corps judiciaire.

À cette fin, elle a prévu à titre principal que la durée de la formation pour les « stagiaires » titulaires du concours professionnel rénové ne puisse être inférieure à dix-huit mois. La formation comprendrait ainsi, conformément au plan de formation prévu par le Gouvernement, trois mois de formation théorique à l'ENM, puis un stage probatoire de 6 mois ; en revanche, les stages de pré-affectation, qui se dérouleraient sur le lieu du stage probatoire mais également sur le lieu de la future affectation, gagneraient à être allongés, afin de favoriser la bonne insertion du magistrat dans son environnement de travail. Une telle durée de formation permettrait au surplus d'éviter certains renouvellements de stage, lorsqu'il est manifeste que le candidat est presque apte mais nécessitera un temps d'adaptation supplémentaire.

Par ailleurs, la commission a prévu deux ajustements tendant à favoriser la qualité du recrutement des magistrats. S'agissant du recrutement des auditeurs de justice, la commission a prévu que le troisième concours pour le recrutement des auditeurs de justice demeure « de même niveau », sur le modèle de ce qui est actuellement précisé pour le deuxième concours et pour ce qui était antérieurement précisé pour le troisième concours. Afin de pleinement garantir la qualité du recrutement des magistrats, la commission a prévu à titre plus subsidiaire que les magistrats détachés ne puissent être relevés du serment prêté au début de leur stage.

Enfin, la commission a souhaité, par l'adoption de l'amendement COM-61 des rapporteurs à l'article 12, mieux encadrer le recrutement des magistrats au titre du concours professionnel, en prévoyant que le moratoire sur le quota de leur recrutement ne coure que jusqu'en 2027 et non 2028 comme prévu par le Gouvernement22(*).

En second lieu, la commission a souhaité favoriser l'ouverture du corps judiciaire. Il semble en effet problématique que la composition du jury professionnel demeure entièrement renvoyée au pouvoir réglementaire. Un tel jury, qui a vocation à recruter une large part des futurs magistrats, doit pleinement refléter la volonté d'ouverture du corps, qui fait aujourd'hui consensus, et qui constitue l'un des objectifs du présent projet de loi organique. Dans ces conditions, la commission a prévu que les magistrats constituent moins de la moitié du jury professionnel.

Par ailleurs, la voie du détachement est rénovée par l'article 1er du présent projet de loi organique, qui prévoit notamment la possibilité de renouveler une fois une première période de détachement. Le quota de la part de détachés dans chacun des premier et second grades (nouveaux deuxième et premier grades) demeure néanmoins fixé à un vingtième du total des emplois de chaque grade. Afin de favoriser l'ouverture du corps sur ces profils extérieurs et ne pas faire obstacle à l'entrée de nouveaux personnels détachés par le renouvellement de détachés en poste, la commission a ainsi porté ce quota à un quinzième du total des emplois de chacun des deux grades concernés (amendement COM-40 des rapporteurs).

La commission a également adopté l'amendement COM-7 de Laurence Harribey, tendant à prévoir la prise en compte de l'expérience professionnelle dans l'adaptation du régime d'études et de stages des auditeurs de justice. Elle a par ailleurs adopté l'amendement COM-9 de Laurence Harribey tendant à exclure les magistrats en service extraordinaire du jury professionnel.

La commission a enfin adopté les amendements COM-38, COM-39, COM-41, COM-42 et COM-37 des rapporteurs de coordination ou de portée rédactionnelle.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2
Évaluation des chefs de cour et de juridiction

L'article 2 prévoit un cadre d'évaluation pour les chefs de cour et de juridiction prenant notamment en considération leurs qualités d'administration et de gestion. Il prévoit également la prise en compte de ces critères par le Conseil supérieur de la magistrature dans le processus de nomination des chefs de cour et de juridiction.

Favorable au renforcement des responsabilités d'administration et de gestion des chefs de cour et de juridiction, la commission a adopté cet article. Ce faisant, elle a néanmoins renforcé l'encadrement du dispositif d'évaluation et précisé les critères devant présider aux décisions du Conseil supérieur de la magistrature relatives aux nominations des chefs de cour et de juridiction.

1. Une évaluation de la haute hiérarchie judiciaire insuffisante, qui ne valorise pas les compétences de gestion

1.1. Une anomalie : la haute hiérarchie judiciaire fait figure d'exception face à la diffusion de la culture de l'évaluation professionnelle dans la haute fonction publique

La nécessité de l'évaluation professionnelle des personnes occupant les emplois d'encadrement supérieur de la fonction publique est aujourd'hui largement consensuelle. Elle prend notamment la forme d'évaluations dites « à 360° ».

L'évaluation élargie de l'encadrement supérieur de l'État :
une évolution désormais consensuelle

La circulaire du Premier ministre relative à la gestion des cadres et au management dans la fonction publique de l'État du 10 juin 2015 a mis au centre de la gestion de l'encadrement supérieur de l'État la notion d'évaluation, notamment « à 360° » : le « plan managérial » de chaque ministère devait mettre « en application au sein du ministère des dispositions d'évaluation spécifiques pour les emplois fonctionnels et le développement de pratiques de développement personnel, comme les évaluations à 180 ou 360° »23(*).

Cette évolution a été consacrée au niveau législatif par l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, dont l'article 3 prévoyait la possibilité pour les cadres supérieurs de la fonction publique de l'État de bénéficier « à différents moments de leur parcours professionnel d'évaluations destinées à apprécier la qualité de leurs pratiques professionnelles et de leurs réalisations ainsi que leur aptitude à occuper des responsabilités de niveau supérieur », réalisées par des instances collégiales, permettant notamment à l'agent concerné d'être orienté vers des actions de formation, un accompagnement, voire une transition professionnelle. Désormais prévue à l'article L. 412-2 du code général de la fonction publique, cette évaluation approfondie, conçue comme distincte de l'entretien professionnel annuel24(*), est supposée bénéficier aux agents concernés au moins une fois tous les six ans25(*).

Comme le rappelle l'étude d'impact du présent projet de loi, une telle évolution avait déjà été engagée dès avant la prise de cette circulaire dans certains ministères. Le Conseil supérieur de l'administration territoriale de l'État (CSATE) au sein du ministère de l'intérieur, qui était doté, dès sa création en 200626(*), d'une mission d'assistance à l'évaluation des préfets et des sous-préfets, ou, dès 2011, le ministère des affaires étrangères s'agissant de l'évaluation des « agents exerçant les fonctions de secrétaire général, d'inspecteur général, d'ambassadeur, de consul général, de directeur général, de directeur et chef de service d'administration centrale » ont ainsi joué un rôle d'avant-garde dans la mise en place d'évaluations collégiales dites « à 360° ». À l'inverse des évaluations dites « à 180° », qui visent à évaluer les capacités de gestion de l'intéressé, notamment en s'appuyant sur la contribution des agents placés sous son autorité hiérarchique, l'évaluation dite « à 360° » vise à évaluer l'intéressé dans l'ensemble des composantes de son activité professionnelle, en s'appuyant en conséquence sur l'ensemble des personnes constituant son environnement professionnels - supérieurs hiérarchiques, subordonnés, mais également partenaires extérieurs.

La haute hiérarchie judiciaire fait à cet égard figure d'exception au sein de la haute fonction publique. En effet, si l'ensemble des magistrats fait l'objet d'une évaluation régulière - tous les deux ans et au cas d'une présentation à l'avancement ainsi qu'à l'occasion d'une candidature au renouvellement de fonctions - y compris s'agissant des chefs de juridiction, les chefs de cour d'appel et conseillers à la Cour de cassation ne font l'objet d'aucune évaluation externe. Les premiers présidents de cour d'appel27(*) et procureurs généraux28(*) près lesdites cours ne sont ainsi soumis qu'à une obligation d'auto-évaluation, réalisée tous les deux ans, au regard d'objectifs qu'eux-mêmes se fixent.

Comme le rappelle le rapport du comité des États généraux de la justice, « aucun dispositif [d'évaluation externe] n'a jusqu'à présent pu être mis en place pour ces derniers, la difficulté principale étant de concilier cette démarche avec le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire29(*). » Le comité relevait également que « cette absence d'évaluation ne favorise pas une gestion efficiente des carrières en ce qu'elle ne permet pas de fonder suffisamment les décisions de nomination lorsque, en particulier, les chefs de cour se présentent à de nouvelles fonctions. »

1.2. Un consensus : la valorisation des qualités d'administration et de gestion dans l'évolution des carrières des magistrats est insuffisante

En second lieu, un consensus relativement large se dégage aujourd'hui sur l'insuffisante valorisation des qualités de gestion et d'administration dans l'évolution de carrière des magistrats.

Alors que le défaut de pilotage des moyens des services judiciaires est souvent relevé30(*), le rôle d'impulsion et d'encadrement incombant aux chefs de cour et de juridiction semble insuffisamment valorisé. Dans son rapport, le comité des États généraux de la justice soulignait en particulier la perte d'attractivité des fonctions de chefs de cour ou de juridiction, dont les tâches de gestion des ressources humaines et budgétaires sont souvent perçues comme « ingrates ».

L'insuffisante valorisation des tâches de gestion des chefs de juridiction :
un constat étayé par le comité des États généraux de la justice

« Au nom de l'indépendance de la justice, la gestion des juridictions est confiée en France à des magistrats professionnels. On pourrait pourtant tout à fait imaginer, sur le modèle de l'administration des hôpitaux, qu'elle soit confiée à des gestionnaires publics, spécifiquement formés aux questions managériales et budgétaires, tandis que les magistrats se concentreraient sur les questions juridictionnelles. C'est le choix fait par de nombreux pays (Allemagne, Royaume-Uni, États-Unis notamment).

« Si le comité n'est dans sa majorité pas favorable à une refonte du modèle français d'administration des tribunaux, lequel repose sur les chefs de juridiction et non, comme dans les pays anglo-saxons, sur des administrateurs indépendants, il y a lieu de relever une perte d'attractivité rapide des fonctions d'encadrement supérieur en juridiction depuis 15 ans. La part croissante des tâches gestionnaires dans l'activité des chefs de juridiction, malgré des attributions juridictionnelles toujours très importantes, notamment dans les petites structures, et une incitation financière insuffisante pour des sujétions sans cesse plus nombreuses dans un contexte de manque de moyens ont concouru à une véritable désaffection de ces fonctions. Autrefois synonymes de prestige, elles sont désormais perçues comme une somme de charges ingrates et sans contrepartie.

« Deux conditions indispensables au succès de ce modèle ne semblent plus réunies aujourd'hui. En premier lieu, les équipes gestionnaires constituées autour des chefs de juridiction apparaissent largement insuffisantes en nombre et en niveau de compétences et ne sont pas toujours clairement identifiées. Dans un contexte de tension sur les effectifs, le renforcement des fonctions supports et des secrétariats généraux se fait souvent au détriment des effectifs juridictionnels. En second lieu, les magistrats ne bénéficient pas systématiquement de formations spécifiques aux méthodes et aux enjeux managériaux, et notamment de gestion des ressources humaines, avant de prendre les fonctions de chef de juridiction.

« Le rapport du groupe de travail relatif aux juridictions en situation de fragilité établi par la DSJ en décembre 2016 relevait ainsi que les difficultés rencontrées par certaines juridictions pouvaient être le résultat d'un management déficient. Le comité des États généraux partage ce constat. Face à l'ampleur des réformes qu'il convient de mener pour répondre à la crise que traverse la justice, le rôle d'impulsion des chefs de juridictions apparaît pourtant crucial dans la conduite du changement31(*). »

Source : rapport du comité des États généraux de la justice

Ainsi, la gestion des carrières au sein du corps judiciaire ne valorise pas suffisamment les compétences nécessaires à la gestion efficace d'une juridiction. D'une part, elles ne font l'objet que d'une évaluation parcellaire : si les chefs de juridiction sont effectivement soumis à une évaluation appréciant « outre leurs qualités juridictionnelles, leur capacité à gérer et à animer une juridiction »32(*), réalisée par leur supérieur hiérarchique - les chefs de cour, ces derniers ne font l'objet d'aucune évaluation externe. D'autre part et plus fondamentalement, le législateur organique n'a fixé pour la nomination des chefs de juridiction et de cour aucun critère quant à leur capacité à assumer les responsabilités de gestionnaire qui incombent pourtant aux titulaires de ces fonctions33(*).

2. Une évaluation renforcée et une prise en compte des qualités d'administration et de gestion dans l'évolution de carrière

En cohérence avec les dispositions prévues à l'article 3 tendant à mieux valoriser les postes de chef de cour et de juridiction, l'article 2 envisage deux évolutions significatives quant à la carrière des titulaires de ces postes.

En premier lieu, il prévoit l'évaluation de l'activité professionnelle des chefs de cour et de juridiction par un collège dédié. Il définit sommairement la composition de ce collège, prévoyant qu'il est composé, d'une part, de magistrats de l'ordre judiciaire, en activité ou honoraires, exerçant ou ayant exercé les fonctions de chefs de cour d'appel ou de tribunal judiciaire et, d'autre part, de « personnalités qualifiées ayant une compétence spécifique en matière de gestion de ressources humaines ou budgétaires ». L'ensemble de ces membres seraient nommés par le garde des sceaux34(*) et seraient tenus d'exercer leurs fonctions « en toute indépendance », deux garanties étant associées à ce principe :

- une garantie fonctionnelle : dans leurs fonctions, les membres ne pourraient recevoir d'instruction d'aucune autorité, comme l'a préconisé le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi organique ;

- une garantie organique : les membres ne pourraient être membres du Conseil supérieur de la magistrature - afin de délier les autorités d'évaluation et de discipline ou de nomination, comme il est préconisé par le comité des États généraux de la justice35(*) et comme il est généralement le cas pour les comités d'évaluation de cette nature36(*) - ni avoir appartenu, dans les dix années précédant leur nomination37(*), au Parlement ou au Gouvernement.

Le contenu de l'évaluation ainsi réalisée est également défini sommairement. Celle-ci tendrait à apprécier les aptitudes des intéressés « à l'administration et à la gestion, dans le cadre notamment des orientations de politiques publiques dont ils ont la charge et qui leur sont communiquées par les autorités compétentes. »

Les modalités de cette évaluation sont également précisées :

dans son rythme : au moins une fois durant l'exercice des fonctions visées, après au moins deux années d'exercice - afin que l'évaluation ne soit pas établie sur un bilan d'activité insuffisant ;

dans ses conséquences : communiquée à l'intéressé et versée à son dossier administratif, l'évaluation pourrait faire l'objet d'un recours par le magistrat concerné devant le collège d'évaluation, comme préconisé par le Conseil d'État dans son avis.

Des paramètres déterminants du dispositif sont néanmoins renvoyés au niveau réglementaire. Un décret en Conseil d'État doit ainsi fixer :

- la composition du collège d'évaluation ;

- les modalités de désignation des membres ;

- les modalités d'intervention du collège d'évaluation ;

- les modalités de participation du magistrat évalué ainsi que celles du recours éventuel ;

- les critères d'évaluation.

En second lieu, l'article 2 tend à modifier les articles 15 et 16 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature pour prévoir que le processus de nomination des chefs de juridiction, respectivement du siège et du parquet, « tient spécialement compte, outre de leur compétence juridictionnelle, de leur expérience antérieure d'une ou plusieurs fonctions d'animation et de gestion d'une juridiction ou d'un service, ainsi que de leurs aptitudes à l'administration et à la gestion, dans le cadre notamment des orientations de politiques publiques dont ils ont la charge et qui leur sont communiquées par les autorités compétentes. »

3. La position de la commission : un dispositif bienvenu, à encadrer et à renforcer

3.1. Renforcer l'encadrement du dispositif d'évaluation

La commission a jugé particulièrement bienvenue, dans son principe, l'instauration d'une évaluation approfondie des chefs de cour et de juridiction. D'une part, une telle évolution vient corriger l'anomalie consistant à exempter les seuls chefs de cour d'une évaluation. D'autre part, elle inscrit le corps judiciaire dans la tendance, désormais consensuelle au sein de l'encadrement supérieur de la fonction publique d'État, de l'évaluation dite « à 360° ».

La commission a néanmoins souhaité encadrer davantage le dispositif proposé, dans le sens d'un alignement sur les dispositions applicables pour d'autres évaluations comparables, par l'adoption de l'amendement COM-43 des rapporteurs. Elle a ainsi prévu à titre principal la sollicitation par le collège, aux fins de réalisation de l'évaluation, de l'ensemble de l'environnement professionnel de l'intéressé. Ce faisant, elle a souhaité disposer clairement que l'évaluation doit être réalisée en s'appuyant sur plusieurs interlocuteurs du magistrat évalué : ses supérieurs hiérarchiques (chefs de cour par exemple), ses éventuels subordonnés, mais également ses partenaires professionnels habituels, tels que le bâtonnier ou les membres de la profession d'avocat avec lesquels il interagit habituellement, de même que les membres du corps préfectoral et élus locaux avec lesquels il échange usuellement. Parallèlement, la commission a souhaité renforcer le contenu de l'évaluation, en l'harmonisant avec l'évaluation approfondie telle que prévue à l'article L. 412-2 du code général de la fonction publique. La qualité des pratiques professionnelles et des réalisations du magistrat concerné serait ainsi également évaluée.  

La commission a également souhaité, par l'adoption du même amendement COM-43, renforcer les garanties d'indépendance du collège d'évaluation.

Elle a ainsi prévu que les personnalités qualifiées ne peuvent représenter moins du quart du collège, condition nécessaire pour que l'évaluation des magistrats ne se borne pas à un exercice réalisé par les pairs, générant un risque de corporatisme. Si la composition précise du collège relève du domaine réglementaire, la fixation d'un tel plancher relève manifestement de la loi organique. La commission a également entendu élargir les garanties déontologiques applicables aux membres du collège, en les alignant sur celles applicables aux magistrats eux-mêmes ainsi qu'aux juges consulaires. Enfin, elle a prévu que les nominations des membres du collège sont effectuées par le garde des sceaux sur avis de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature, qui assiste le Président de la République dans la garantie de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Un tel avis a paru proportionné, en ce qu'il garantit la pleine association du Conseil supérieur de la magistrature à la nomination de ces membres, tout en ne faisant obstacle à des nominations.

Enfin, la commission a entendu garantir l'appropriation du dispositif par les chefs de cour ou de juridiction, en prévoyant que cette évaluation peut être réalisée à leur demande. La borne chronologique inférieure de deux années de fonctions demeurerait applicable, afin que l'intéressé soit évalué sur un premier bilan suffisamment consistant. En revanche, une telle évaluation pourrait être réalisée à l'initiative de l'intéressé, y compris plusieurs fois, dans une démarche de construction de la carrière et de développement professionnel. 

3.2. Rendre plus lisible les processus d'évaluation hiérarchique et de nomination

S'agissant de la précision des conditions d'évaluation professionnelle des chefs de juridiction et de nomination des chefs de cour et de juridiction, la commission a, par l'adoption du même amendement COM-43 des rapporteurs, prévu deux évolutions.

À titre principal, elle a souhaité préciser les critères devant être pris en compte par le Conseil supérieur de la magistrature dans les propositions de nomination - s'agissant de magistrats du siège -  et les avis - s'agissant de magistrats du parquet - qu'il formule pour les postes de premier président de cour d'appel, procureur général près ladite cour, président de tribunal judiciaire et procureur de la République. Ces dispositions, adoptées par le Sénat lors de l'examen de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice en 2017, puis lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour 2018-2022, visent à sécuriser les magistrats dans la poursuite de leur carrière : ces derniers seraient désormais plus à même d'identifier les critères présidant à leur nomination. Elles visent ainsi à renforcer la transparence et l'objectivité de la nomination des chefs de cour et de juridiction.

Enfin, dans un souci de cohérence, la commission a également prévu, par l'adoption du même amendement COM-43 des rapporteurs, que l'évaluation professionnelle - distincte de l'évaluation approfondie instituée par le présent article - des chefs de juridiction par les chefs de cour apprécierait ces critères, afin de faciliter le développement professionnel des intéressés et l'évolution future vers un poste de chef de cour.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3
Structure du corps judiciaire

L'article 3 tend à modifier la structure du corps judiciaire, en prévoyant une progression de carrière au sein de trois grades, en lieu et place des second, premier grades et grade « hors hiérarchie » actuellement prévus. En particulier, le troisième grade serait accessible de droit aux magistrats choisissant d'occuper des fonctions de chef de juridiction.

Soutenant l'harmonisation de la structure du corps avec celle des autres corps d'encadrement supérieur de la fonction publique, la commission s'est prononcée en faveur de la majorité des dispositions de l'article. Elle a néanmoins adopté, à l'initiative des rapporteurs, un amendement tendant à instaurer des durées minimale et maximale d'affectation, dans le but de favoriser la mobilité des carrières.

1. Le dispositif proposé : de nombreuses évolutions tendant à favoriser la mobilité des magistrats

L'article 3 du présent projet de loi prévoit un nombre important d'évolutions, d'inégale importance, dont le principal dénominateur commun est de favoriser la mobilité au sein du corps judiciaire.

1.1. La création d'un troisième grade

La structure du corps judiciaire est aujourd'hui scindée en trois grades : le second grade - le plus bas -, le premier grade, ainsi que le grade « hors hiérarchie ». La répartition des magistrats entre les trois grades est décrite dans le graphique ci-dessous.

Source : étude d'impact du projet de loi

Au sein du premier grade, un huitième échelon n'est accessible qu'aux magistrats exerçant des fonctions limitativement énumérées (dites B bis) : les 619 emplois ainsi énumérés représentent 12,3 % des 5 014 magistrats au premier grade.

La structure actuelle du corps génère ainsi des difficultés dans le déroulement de carrière des magistrats :

- d'une part, les magistrats ayant atteint l'échelon sommital du premier grade peuvent voir leur progression de carrière freinée, à défaut de nomination sur un poste hors hiérarchie ou comportant un huitième échelon. De façon analogue, certains magistrats disposant du huitième échelon peuvent solliciter un emploi hors hiérarchie pour voir leur rémunération augmenter sans avoir d'appétence réelle pour les fonctions d'encadrement qu'impliquent de tels postes ;

- d'autre part, l'accès au grade « hors hiérarchie » peut ensuite décourager des magistrats de retourner vers certaines fonctions exclusivement juridictionnelles du premier grade, ce même lorsque des difficultés ont émergé dans l'exercice des fonctions d'encadrement d'un poste « hors hiérarchie ».

Par ailleurs, une harmonisation avec la structure en trois grades retenue lors de la réforme des emplois supérieurs de l'État pourrait être souhaitable, dans le but de favoriser d'éventuels détachements entre le corps judiciaire et les autres corps de l'État.

En conséquence, l'article 3 du présent projet de loi prévoit à titre principal la réforme de la structure du corps judiciaire, désormais organisé autour de trois grades.

Par principe, l'accès au grade supérieur serait subordonné à l'inscription d'un tableau d'avancement. Néanmoins, pour l'accès au troisième grade, une voie dérogatoire serait créée : le grade serait ainsi acquis de droit pour les magistrats nommés pour exercer les fonctions de chef de cour d'appel ou de tribunal judiciaire, de tribunal de première instance ou supérieur d'appel, ou pour exercer les fonctions de conseiller ou d'avocat général à la Cour de cassation après avoir exercé les fonctions de conseiller référendaire ou d'avocat général référendaire à ladite cour.

Selon l'étude d'impact, de telles modalités d'avancement doivent permettre de distinguer deux viviers :

- « celui des chefs de cour d'appel ou de tribunal, [et] celui des magistrats exerçant des fonctions d'encadrement intermédiaire », dont les compétences d'encadrement seraient ainsi mieux valorisées ;

- « celui des magistrats exerçant des fonctions exclusivement juridictionnelles », magistrats dont les qualités juridictionnelles seraient ainsi reconnues. Ce second vivier verrait néanmoins son accès au troisième grade contingenté.

1.2. Le relèvement du ratio de magistrats placés

Le statut des magistrats placés est prévu à l'article 3-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, dite « ordonnance statutaire ».

La création du statut de magistrats placés s'est accompagnée d'une limitation de leur nombre au sein du ressort de la cour d'appel à un vingtième des emplois de magistrat du second grade ladite cour, afin de ne pas porter une atteinte excessive au principe d'inamovibilité des magistrats38(*).

L'article 7 de la loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature a néanmoins augmenté le nombre de magistrats placés en portant ce ratio à un quinzième et en prévoyant qu'il ne serait plus calculé par référence aux seuls magistrats du second grade de la cour d'appel, mais par référence au total des « emplois des tribunaux de première instance du ressort. » Enfin, l'article 32 de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature a à nouveau modifié la base de calcul de ce ratio, prévoyant qu'il inclurait désormais l'ensemble des emplois de magistrat de la cour d'appel et des tribunaux de première instance du ressort.

Constatant le bénéfice tiré, pour les intéressés comme pour les juridictions auprès desquelles ils sont affectés, des magistrats placés, le 4° de l'article 3 du présent projet de loi porte ainsi ce ratio à un douzième du total des emplois de magistrat de la cour d'appel et des tribunaux de première instance du ressort. Il tend ainsi à desserrer la contrainte de gestion portant sur vingt-deux des trente-six cours d'appel, pour lesquelles le ratio d'un quinzième est déjà atteint39(*). Si un tel relèvement du ratio paraît donc envisageable, un élargissement futur du nombre de magistrats placés pourrait être excessif et poser difficulté au regard du principe d'inamovibilité.

1.3. L'affectation de magistrats du premier grade au sein d'une cour d'appel

Faisant suite aux recommandations du comité des États généraux de la justice, qui soulignait la nécessité de « délier le lien trop strict qui existe entre l'avancement de grade et les degrés de juridiction » et jugeait « nécessaire d'inscrire la progression de carrière des magistrats dans un dispositif plus ouvert et fluide, en leur permettant d'accéder plus aisément et précocement à des postes en cour d'appel et en permettant des retours, éventuellement dans le cadre de postes à durée limitée, en première instance »40(*), le b) du IV de l'article 2 de l'ordonnance statutaire, dans sa rédaction résultant des alinéas 11 à 13 de l'article 3 du présent projet de loi, tendrait à interdire la promotion au deuxième grade de tout magistrat du premier grade « dans la cour d'appel où il exerce la fonction de conseiller ou de substitut général ».

Ainsi, en conditionnant l'avancement d'un magistrat du premier grade exerçant au sein d'une cour d'appel, cette disposition tendrait à favoriser le retour de ces magistrats vers des juridictions de première instance et ainsi à faire bénéficier celles-ci de magistrats expérimentés.

1.4. L'introduction d'un délai de retour de cinq ans après l'exercice de fonctions spécialisées ou en cas de passage du siège au parquet au sein d'une même juridiction

Le 8° de l'article 3 du présent projet de loi tend à prévoir la création au sein de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 un article 28-4 prévoyant deux clauses de « non-retour » :

- d'une part, pour les magistrats du siège ayant exercé des fonctions spécialisées durant plus de neuf ans41(*), qui ne pourraient exercer les mêmes fonctions dans la juridiction avant un délai de cinq ans ;

- d'autre part, pour les magistrats souhaitant passer, au sein d'une même juridiction, d'une affectation au siège à une affectation au parquet, ou inversement, qui ne pourraient procéder à un tel changement avant un délai de cinq ans entre les deux fonctions.

1.5. Conditions d'affectation au sein de l'inspection générale de la justice

L'article 3 du présent projet de loi prévoit également l'insertion d'un article 38-3 dans l'ordonnance dite « statutaire » prévoyant :

l'introduction d'une limitation à sept ans de la durée des fonctions d'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice, à l'exemple de la durée d'affectation prévue pour les chefs de juridiction, et de dix ans pour les inspecteurs généraux et inspecteurs de la justice ;

- la création de modalités spécifiques de retour dans les juridictions pour les magistrats ayant connu une affectation au sein de l'inspection générale de la justice, modelées sur celles applicables aux conseillers référendaires et avocats généraux référendaires au sein de la Cour de cassation.

1.6. Conditions de réintégration après une mobilité ou un congé parental

L'article 3 du présent projet de loi prévoit également les conditions de réintégration après une mobilité, sur le modèle du dispositif applicable aux conseillers référendaires et avocats généraux référendaires au sein de la cour de cassation, par la création d'un article 72-2 au sein de l'ordonnance dite « statutaire ». La procédure serait la suivante :

- neuf mois au plus tard avant la fin du détachement, le magistrat concerné ferait connaître à la direction des services judiciaires sa décision de renouveler le détachement ou de réintégrer le corps judiciaire ;

- lorsqu'il n'est pas fait obstacle à la réintégration, le magistrat concerné ferait connaître au moins trois choix d'affectation, dans au moins trois juridictions différentes, ne pouvant tous porter, lorsque le magistrat est inscrit au tableau d'avancement, sur un emploi du grade supérieur ;

- six mois au plus tard avant l'expiration du détachement, la direction des services judiciaires pourrait inviter l'intéressé à formuler trois choix supplémentaires, dans trois autres juridictions ;

- à l'expiration du détachement, le magistrat serait ainsi réintégré sur l'un des emplois ayant fait l'objet de ses demandes ;

- lorsqu'il n'a pas été possible de faire droit à l'une des demandes ainsi formulées, ou lorsque le magistrat n'a formulé aucune demande, le garde des sceaux proposerait au magistrat concerné le choix une affectation dans trois juridictions. Faute d'acceptation sous un mois, le magistrat concerné serait nommé sur l'un des postes.

S'agissant des réintégrations après un congé parental, la procédure serait distincte selon la durée du congé : en-dessous de six mois, le magistrat serait réaffecté dans le dernier emploi exercé, sans diffusion préalable d'une « transparence » permettant aux autres magistrats de solliciter l'obtention du poste en question ; au-delà de six mois, le magistrat concerné serait réintégré selon un processus de nomination traditionnel, impliquant la diffusion d'une « transparence ».

1.7.  Recul de la limite d'âge pour le maintien en activité

Poursuivant un objectif d'harmonisation avec le régime applicable aux autres magistrats et fonctionnaires, la limite d'âge d'activité, sur demande de l'intéressé et sous réserve de son aptitude et de la nécessité du service, serait portée de soixante-huit à soixante-dix ans, aux termes du 34° de l'article 3 du présent projet de loi.

1.8. Dispositions de clarification rédactionnelle

La position administrative « sous les drapeaux », datée, serait supprimée des articles 67 et 72 de l'ordonnance dite « statutaire ».

Enfin, l'article 3 du présent projet de loi prévoit en son 2° le relèvement au rang organique de dispositions actuellement prévues à l'article 191 du code de procédure pénale tendant à prévoir les modalités de nomination des présidents de chambres d'instruction.

2. La position de la commission : des évolutions bienvenues, à parachever par l'instauration de durées minimale et maximale d'affectation

La commission a jugé bienvenues l'ensemble des dispositions tendant à fluidifier la carrière des magistrats et favoriser la mobilité au sein du corps judiciaire. Elle a en conséquence adopté sans modification les dispositions relatives :

- au ratio de magistrats placés ;

- à l'affectation de magistrats du premier grade au sein des cours d'appel ;

- à l'introduction d'un délai de retour de cinq ans après l'exercice de fonctions spécialisées ou en cas de passage du siège au parquet au sein d'une même juridiction ;

- aux conditions d'affectation au sein de l'inspection générale de la justice ;

- aux modalités de réintégration après une mobilité ou un congé parental ;

- au recul de la limite d'âge pour le maintien en activité.

S'agissant des dispositions relatives à la structure du corps judiciaire, la commission a estimé souhaitables les évolutions tendant à valoriser les fonctions d'encadrement. Sensible au risque d'un effet d'aubaine, consistant pour des magistrats à obtenir le troisième grade en étant nommé sur des fonctions de chef de cour ou de juridiction avant de demander une décharge pour des fonctions moins contraignantes, la commission a adopté l'amendement COM-44 des rapporteurs tendant à prévoir une durée minimale d'affectation de trois ans sur l'ensemble des emplois.

Il a dès lors paru cohérent à la commission de reprendre le dispositif de la proposition de loi pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat en 2017, prévoyant que l'affectation des magistrats serait limitée par des durées minimale et maximale d'affectation. Par mesure de cohérence, l'ensemble des fonctions seraient ainsi soumises à une durée minimale d'affectation, ces dispositions étant étendues :

- à l'ensemble des magistrats, dans le déroulement de leur carrière ;

- aux conseillers référendaires et avocats généraux référendaires à la Cour de cassation ; aux magistrats exerçant des fonctions spécialisées ;

- aux premiers présidents de cour d'appel et procureurs généraux près lesdites cours ;

- ainsi qu'aux chefs de juridiction.

Une durée maximale, de dix ans, serait également prévue, lorsqu'une durée identique ou inférieure - sept ans pour les chefs de cour et de juridiction - n'est pas déjà prévue, afin de favoriser la mobilité des magistrats.

Naturellement, des dérogations seraient envisageables, pour prendre en compte des raisons professionnelles ou personnelles faisant obstacle à la mobilité. Des dérogations pourraient également être accordées pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière. En effet, l'articulation des différentes règles de mobilité et d'avancement pourrait, dans certains cas, retarder d'un ou deux ans la promotion de grade, ce que le présent amendement entend bien évidemment prévenir. De telles dérogations seraient accordées sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire et de la conformité des mobilités ainsi envisagées à ce principe.

Enfin, la commission a adopté l'amendement COM-45 des rapporteurs, de portée rédactionnelle.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4
Création d'un dispositif de priorité d'affectation

L'article 4 prévoit la création d'un dispositif contractuel d'affectation ouvrant à un magistrat affecté temporairement sur un poste pâtissant d'un déficit d'attractivité une priorité d'affectation pour son poste suivant.

Destiné à pallier le déficit d'attractivité de certains postes mais respectueux du principe d'inamovibilité, ce dispositif a recueilli l'accord de la commission, qui l'a adopté sous réserve d'une modification formelle.

1. L'état du droit : un corps mobile, malgré des règles de mobilité relativement rigides

1.1. Un cadre de mobilité relativement rigide

Les règles de mobilité professionnelle du corps judiciaire sont encadrées par plusieurs principes à valeur constitutionnelle.

Certains tendent à favoriser la mobilité des magistrats, à l'exemple des principes d'indépendance et d'impartialité42(*), « indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles »43(*), qui impliquent que la mobilité géographique et fonctionnelle constitue « un élément important, de nature à lutter contre les dangers d'une privatisation des fonctions exercées et d'une trop grande proximité avec les justiciables »44(*). Constatant la « quasi-inexistence de règles de mobilité statutaire »45(*) et faisant écho aux craintes formulées par le Conseil supérieur de la magistrature quant « au risque de la routine, ou de compromettre son indépendance et son impartialité par une insertion devenue trop confortable dans l'environnement »46(*), le législateur organique a ainsi prévu des obligations de mobilité géographique et fonctionnelle concernant les chefs de juridiction (maximum de sept années pour l'exercice de ces fonctions) et les fonctions spécialisées (maximum de dix ans d'exercice de ces fonctions).

D'autres principes à valeur constitutionnelle constituent à l'inverse un frein à la mobilité professionnelle des magistrats. Il en va ainsi du principe d'inamovibilité des magistrats, qui implique qu'un magistrat ne puisse être nommé à une fonction sans son consentement. L'intensité de la garantie associée à ce principe diffère néanmoins en fonction du statut du magistrat concerné : alors que cette garantie, qui résulte de l'alinéa 4 de l'article 64 de la Constitution s'agissant des magistrats du siège, ne connaît que de rares tempéraments pour ces derniers47(*), elle ne résulte que d'une pratique pour les magistrats du parquet48(*), qui demeurent soumis à l'autorité hiérarchique du garde des sceaux.

Enfin, les règles de mobilité des magistrats sont soumises au respect du principe d'égalité, et plus particulièrement de l'égal accès des citoyens aux places et emplois publics prévu à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui implique la garantie d'une égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des magistrats49(*).

Soumis à l'exigence de conciliation de ces principes, le législateur organique a donc prévu des règles de mobilité encadrant les mouvements au sein du corps judiciaire par des règles de priorité d'affectation. Comme le rappelle l'étude d'impact du projet de loi, l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit ainsi cinq priorités d'affectation :

- pour les magistrats placés - dont la priorité d'affectation sur un poste stable à l'issue de leur affectation en tant que placés a été conçue dès la création du statut comme une garantie de l'unité du corps et de l'inamovibilité des magistrats concernés50(*) - dès après deux ans d'exercice de leurs fonctions et en tout état de cause au terme du plafond de huit ans d'exercice de ces fonctions (article 3-1 de l'ordonnance statutaire) ;

- pour les conseillers référendaires à la Cour de cassation et avocats généraux référendaires près cette cour, des modalités d'affectation à leurs fonctions ultérieures particulières sont également prévues (article 28-1 de l'ordonnance statutaire) ;

- pour les chefs de cour et de juridiction (articles 28-2 et 38-2 pour les présidents de tribunal judiciaire et procureurs de la République, 37 pour les premiers présidents de cour d'appel et 38-1 pour les procureurs généraux) et titulaires de fonctions spécialisées (article 28-3 de l'ordonnance statutaire), des modalités de nomination spécifiques sont également prévues au terme de l'exercice de ces fonctions ;

- enfin, pour la réintégration à l'issue d'une mobilité statutaire (sixième alinéa de l'article 76-4) ou d'un congé parental (article 72-3 de l'ordonnance statutaire), des modalités de nomination spécifiques sont également prévues.

1.2. Un corps mobile, concentrant un fort roulement sur certains postes

Malgré ces règles de mobilité relativement rigides fixées par le législateur organique, le corps judiciaire est mobile.

Ainsi, comme le rappelle une note statistique du ministère de la justice de 2018, pour la moitié des magistrats, l'ancienneté dans le poste s'élevait à moins de 2,1 ans en 2017 et s'élevait en moyenne à 2,9 ans.

Ancienneté des magistrats dans leur fonction, poste,
ressort et corps en 2017

Ancienneté

Minimum

1er quartile

Médiane

Moyenne

3ème quartile

Maximum

Fonction

0

1,2

2,6

3,7

4,6

34,8

Poste

0

1

2,1

2,9

3,6

32,8

Ressort

0

1,6

3,2

5,9

7,6

40,2

Corps

0

7,6

14,6

16,5

26,2

40,5

Source : bulletin d'information statistique « infostat justice » n° 161, avril 2018

Malgré les règles statutaires qui s'imposent à eux, les magistrats judiciaires constituent donc un corps relativement mobile. La conciliation opérée par le législateur organique entre les principes d'inamovibilité et d'impartialité présentés ci-dessus semble donc satisfaisante.

En revanche, certains postes spécifiques présentent, en raison d'un déficit chronique d'attractivité, une difficulté à recruter et à fidéliser les magistrats.

Abondamment documentées, ces difficultés touchent tout particulièrement les juridictions d'outre-mer. Dans un référé du 13 novembre 2017 relatif aux services du ministère de la justice dans les départements d'outre-mer, la Cour des comptes avait ainsi relevé que « la faible attractivité des postes eu égard aux conditions d'exercice des fonctions, tant pour les magistrats que pour les directeurs de greffe, se révèle problématique pour le fonctionnement des juridictions » et appelé à la conduite d'une « réflexion sur les voies et moyens de rendre ces postes plus attractifs pour les magistrats en cours de carrière51(*). » Les récents travaux de la commission ont permis de corroborer ce constat, à Mayotte52(*) mais également en Guyane, les « difficultés de recrutement [qui] ajoutent à la tension permanente sur les effectifs de la justice [et interrogé] sur les moyens de renforcer l'attractivité des postes du territoire, notamment les postes intermédiaires, et de fidéliser les personnes présentes53(*). »

2. Le dispositif proposé : un outil de gestion plus souple

Le dispositif prévu à l'article 4 du présent projet de loi tend à insérer dans l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature un article 27-2 prévoyant que :

- les magistrats « exerçant leurs fonctions dans un des emplois rencontrant des difficultés particulières de recrutement » bénéficient, après avis de la commission d'avancement, « d'une priorité d'affectation » ;

- les magistrats concernés, avant leur nomination dans un emploi présentant des difficultés particulières de recrutement, fassent connaître au garde des sceaux au moins cinq affectations qu'ils souhaiteraient recevoir au terme de l'exercice de ces fonctions. Ces souhaits d'affectation - qui seraient communiqués à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature - seraient soumis à deux conditions : porter sur au moins trois juridictions et ne pas porter exclusivement ni sur des emplois du grade supérieur, ni sur les emplois supérieurs du troisième grade (conseiller ou avocat général à la Cour de cassation, premier président d'une cour d'appel ou procureur général près cette cour, premier président de chambre d'une cour d'appel ou premier avocat général près cette cour, chef de l'inspection générale de la justice ou inspecteur général de la justice) ;

- au cours de l'exercice des fonctions sur le poste connaissant des difficultés de recrutement, les magistrats concernés puissent faire connaître, « s'ils justifient d'une évolution de leur évolution de leur situation personnelles ou familiale », au moins trois nouveaux souhaits d'affectation, communiqués à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature ;

- sous la double réserve de l'exercice des fonctions pendant une durée minimale d'exercice de leurs fonctions - renvoyée à un décret en Conseil d'État - et du respect de la priorité d'affectation des magistrats placés, les magistrats concernés soient effectivement nommés sur l'une des affectations souhaitées.

3. La position de la commission : un outil de gestion bienvenu

La commission a jugé ces mesures, de nature à renforcer l'attractivité et améliorer la fidélisation des magistrats affectés dans des emplois connaissant des difficultés de recrutement, particulièrement bienvenues. Elle a notamment relevé que le dispositif proposé se fonde sur une pratique mise en oeuvre par la direction des services judiciaires - dont le fondement juridique gagnerait sûrement à être précisé - qui semble avoir porté de premiers fruits. Au surplus, elle a estimé que ces dispositions, en tant qu'elles constituent un soutien à la mobilité des magistrats, en particulier vers les juridictions d'outre-mer, gagneraient à être encouragées.

Au bénéfice de ces observations, elle a adopté l'article, modifié par l'amendement COM-46 des rapporteurs tendant à procéder à une modification de nature formelle : elle a ainsi entendu supprimer l'obligation d'une modification sans délai, par le magistrat, de ses souhaits d'affectation prioritaire en cas de modification de sa situation personnelle ou familiale. S'agissant d'un dispositif contractuel, visant à fluidifier et faciliter le parcours professionnel de certains magistrats, une telle précision, qui n'est du reste assortie d'aucune sanction, semble superfétatoire.

La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5
Modalités d'affectation temporaire de magistrats
hors de leur juridiction de nomination

L'article 5 tend, outre le relèvement au niveau organique et l'harmonisation de modalités d'affectation temporaire existantes, à prévoir de nouveaux dispositifs d'affectation temporaire, notamment au bénéfice de juridictions d'outre-mer ou de Corse.

Conformément à sa position lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2018 à 2022, la commission n'a pas retenu les dispositions tendant à favoriser les délégations au sein du ressort d'une cour d'appel de magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ou de magistrats à titre temporaire, ni celles visant à permettre la délégation temporaire de magistrats de certaines juridictions hexagonales vers des juridictions d'outre-mer ou de Corse. En cohérence avec la responsabilisation et le renforcement des chefs de cour mis en avant par le projet de loi organique, la commission a en revanche souhaité assouplir les possibilités de délégation dont bénéficient les chefs de cour, dans l'objectif d'une meilleure déconcentration de leurs moyens de gestion.

Elle a adopté l'article ainsi modifié.

1. L'état du droit : des modalités d'affectation temporaire progressivement assouplies et diversifiées

Corollaire de l'indépendance de l'autorité judiciaire54(*), l'inamovibilité des magistrats judiciaires fait l'objet de garanties statutaires.

Aux termes de l'alinéa 4 de l'article 64 de la Constitution, reproduits au premier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dite « statutaire », les magistrats du siège sont inamovibles. Il en résulte que, comme le prévoit le second alinéa de l'article 4 précité, « le magistrat du siège ne peut recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avancement ». Si les magistrats du parquet, placés sous l'autorité hiérarchique du garde des sceaux, peuvent être mutés pour les besoins du service, cette pratique demeure soumise au contrôle du juge administratif, qui s'assure qu'une telle affectation ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire55(*), et s'avère surtout particulièrement rare56(*)

Il résulte de ce qui précède que l'affectation d'un magistrat sur un emploi n'a pas vocation, en principe, à être modifiée - sauf à ce que l'intéressé y consente -, a fortiori à titre temporaire. Néanmoins, ce principe doit être concilié avec celui de continuité du service public57(*) et avec l'objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice58(*). Sous diverses formes, la faculté de délégation temporaire de magistrats constitue un tempérament au principe d'inamovibilité.

Bien que relativement anciens dans leur principe59(*), de tels dispositifs ont tendu à être progressivement élargis dans leur portée à partir des années 199060(*). En particulier, la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a porté la possibilité de délégation d'une à cinq fois par an, pour une période maximale allongée de deux à trois mois. Reprenant une exception déjà prévue au niveau réglementaire, le législateur avait néanmoins décidé qu'en « ce qui concerne les magistrats désignés pour exercer les fonctions de juge de l'expropriation, la durée de la délégation (...) peut être portée à six mois61(*). » Reprenant à grands traits ces modalités, les dispositifs de délégation existant aujourd'hui sont retracés dans le tableau ci-dessous. 

Tableau recensant les possibilités de délégation ouvertes s'agissant des magistrats du siège et du parquet

Type de dispositif

Magistrats du siège

Magistrats du parquet

Dispositif « descendant » (des cours d'appel vers les tribunaux de première instance)

Dispositif général de délégation des magistrats du siège de cours d'appel ou de tribunaux judiciaires dans des juridictions du premier degré situées dans un même ressort de cour d'appel (art. L. 121-4 du code de l'organisation judiciaire).

Dispositif général de délégation des magistrats du parquet général ou du parquet d'un tribunal judiciaire ou d'un procureur de la République adjoint ou d'un vice-procureur dans une juridiction du premier degré du ressort de la cour d'appel (articles R. 122-2 et R. 122-3 du code de l'organisation judiciaire).

Dispositif « ascendant » (des tribunaux judiciaires vers les cours d'appel)

Délégation des magistrats du siège des tribunaux judiciaires du ressort d'une cour d'appel située dans un département d'outre-mer (article R. 312-4 du même code).

Délégation des magistrats du parquet des tribunaux judiciaires du ressort d'une cour d'appel située dans un département d'outre-mer pour exercer des fonctions judiciaires au sein de cette cour (article R. 312-17 du même code).

Dispositif spécifique de soutien à une juridiction ultramarine

Délégation de magistrats du siège de la cour d'appel de Paris pour compléter les effectifs du tribunal de première instance de Nouméa (article L. 562-6-1 du même code).

Délégation d'un magistrat du parquet général près la cour d'appel de Saint-Denis-de-La-Réunion ou d'un magistrat du parquet près le tribunal judiciaire de Mamoudzou pour exercer les fonctions de procureur général à la chambre d'appel de Mamoudzou (article R. 314-5 du même code).

Source : commission des lois, à partir de l'étude d'impact

À ces dispositifs de délégation se sont ajoutés d'autres dispositifs tendant à octroyer aux chefs de cour des facilités de gestion, permettant en particulier la mutualisation ou la suppléance de fonctions. Outre les dispositions prévues spécifiquement pour les juridictions ultramarines, l'article 137-1-1 du code de procédure pénale prévoit ainsi les modalités de suppléance et de mutualisation de fonctions pour les juge des libertés et de la détention et l'article R. 122-4 du code de l'organisation judiciaire prévoit les modalités de mutualisation des fonctions pour les magistrats du parquet au sein du ressort de la cour d'appel.

Lors de l'examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, l'Assemblée nationale avait souhaité62(*) prévoir la possibilité pour les magistrats exerçant à titre temporaire (MTT) et pour les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (MHFJ) d'être délégués, « lorsque le renforcement temporaire et immédiat des tribunaux de grande instance apparaît indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable » et sur ordonnance du premier président de la cour d'appel, au sein de l'une des juridictions du ressort de la cour d'appel. De façon analogue, l'Assemblée nationale avait également souhaité que des magistrats de la cour d'appel de Paris puissent être délégués dans une juridiction outre-mer afin d'en compléter à titre provisoire l'effectif63(*). Alors que le Sénat s'était opposé à l'inscription de telles facultés dans la loi64(*), le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition, considérant qu'elle relevait de la loi organique65(*).

2. Le dispositif proposé : sécuriser, harmoniser et renforcer les dispositions existantes

Le dispositif proposé par le Gouvernement à l'article 5 du présent projet de loi organique vise en premier lieu à sécuriser les dispositifs existants, en les rehaussant au niveau organique. L'ensemble de ces dispositifs, qu'ils concernent les magistrats du siège ou du parquet, se verraient donc conférer valeur organique et seraient tous inscrits au sein du code de l'organisation judiciaire66(*).

En second lieu, poursuivant l'objectif d'une sécurisation des dispositifs, l'article 5 du présent projet de loi organique tend à en harmoniser les modalités, en particulier s'agissant du consentement du magistrat concerné. À l'exception de trois cas67(*), l'accord du magistrat concerné serait désormais systématiquement requis, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans l'état actuel du droit. Dans certains cas, un double accord serait nécessaire : d'une part, pour l'inscription sur une liste de volontaires à la délégation ; d'autre part, au moment de la décision de délégation. Surtout, le dispositif prévoit que l'ensemble des délégations d'un magistrat prises sur le fondement de plusieurs dispositifs distincts ne puisse excéder une période de trois mois sur une période de douze mois consécutifs, afin que l'application cumulée de ces délégations n'aboutisse pas à une délégation de longue durée pour un même magistrat.

En dernier lieu, le dispositif prévu à l'article 5 du présent projet de loi organique tend à compléter les dispositions existantes. D'une part, il restaure les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée :

- le 3° de l'article rétablit ainsi, dans une rédaction quasiment identique à celle adoptée en 2019, la disposition ouvrant la possibilité au premier président de la cour d'appel de déléguer au sein des tribunaux du ressort des MTT et MHFJ, la seule différence étant le recueil de l'accord préalable du magistrat concerné ;

- le 5° de l'article restaure la possibilité de délégation de magistrats vers des juridictions d'outre-mer pour compléter l'effectif de ces juridictions. Le dispositif est similaire à celui retenu en 2019, mais il prévoit l'extension à la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour les juridictions constituant le vivier de ce dispositif et aux juridictions corses pour les juridictions éventuellement bénéficiaires.

D'autre part, l'article 5 du présent projet de loi étend des dispositifs de délégation « ascendante » (des juridictions du premier degré vers les cours d'appel), actuellement prévus pour des juridictions ultramarines, à l'ensemble des ressorts, à la fois pour les magistrats du siège (nouvel article L.O. 121-4-1 du code de l'organisation judiciaire) et pour ceux du parquet (nouvel article L.O. 122-6 du code de l'organisation judiciaire).

3. La position de la commission : rejeter la multiplicité des dispositifs de délégation au profit d'un renforcement des pouvoirs de gestion des chefs de cour

La commission a accueilli favorablement, dans son principe, le relèvement au niveau organique de l'ensemble des dispositions d'affectation temporaire au sein du code de l'organisation judiciaire. Si la question peut se poser, pour les magistrats du parquet, du niveau de norme adéquat, le relèvement au niveau organique des dispositions régissant leur affectation temporaire présente le double mérite de la clarté et d'un renforcement des garanties statutaires du parquet. La commission a également été favorable à l'harmonisation des modalités d'affectation temporaire et au renforcement des garanties associées - en particulier, recueil de l'accord du magistrat concerné quasiment systématique.

Néanmoins, la commission a souhaité apporter deux modifications au dispositif, par l'adoption de l'amendement COM-47 des rapporteurs.

En premier lieu, elle a supprimé les dispositions, censurées en 2019 par le Conseil constitutionnel en raison de leur caractère organique, relatives à la délégation de magistrats à titre temporaire (MTT) et de magistrats honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles (MHFJ) ainsi qu'à la délégation de magistrats des cours d'appel de Paris et d'Aix-en-Provence vers les juridictions d'outre-mer et de Corse. Ces dispositions, auxquelles le Sénat s'était opposé en 2019, inscrivent dans la loi des mesures de gestion, qui visent à pallier une pénurie que l'on ne peut qu'espérer temporaire. D'une part, les MTT et MHFJ n'ont pas vocation à constituer une solution pérenne aux effectifs insuffisants de certaines cours d'appel ; d'autre part, les juridictions d'outre-mer et de Corse ont moins besoin de renforts ponctuels issus des cours d'appel de Paris et d'Aix-en-Provence que d'affectations pérennes, à l'échelle du ressort de la cour d'appel, leur permettant de faire face à d'éventuelles surcharges d'activité.

En second lieu, et en contrepartie de la suppression de ces souplesses de gestion, la commission a souhaité harmoniser et ouvrir plus largement les possibilités de délégation à l'échelle du ressort de chaque cour d'appel. À cette fin, elle a d'abord ouvert la faculté pour le premier président ou le procureur général de décider de délégations « ascendantes » (des juridictions du premier degré vers la cour d'appel) aux mêmes conditions que les délégations « descendantes » (de la cour d'appel vers les tribunaux du ressort) : non seulement lorsque le renforcement temporaire et immédiat de la juridiction concernée apparaît indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable, mais également en cas de vacance d'emploi ou d'empêchement d'un ou de plusieurs magistrats. Une telle évolution s'inscrit dans la logique d'une responsabilisation et d'un renforcement des pouvoirs de gestion de chefs de cour d'appel.

En outre, la commission a souhaité harmoniser les conditions applicables aux magistrats du siège et du parquet, en prévoyant que ces derniers ne peuvent être délégués plus de cinq fois sur une même période de douze mois : en procédant à cet alignement sur les conditions applicables aux magistrats du siège, elle a ainsi souhaité s'inscrire dans l'orientation retenue par le dispositif proposé par le Gouvernement tendant à renforcer les garanties attachées à l'indépendance des magistrats du parquet.

Elle a également adopté, à l'initiative des rapporteurs, l'amendement COM-48, de portée rédactionnelle, ainsi que l'amendement COM-49, qui procède au déclassement de dispositions ne relevant pas de la loi organique.

La commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6
Dialogue social

L'article 6 aborde trois points relatifs au dialogue social avec les magistrats :

- la rénovation de la commission d'avancement dans ses attributions, sa composition et son fonctionnement ;

- l'ouverture des comités sociaux d'administration aux représentants des magistrats ;

- les modalités d'extension des accords collectifs négociés au sein de la fonction publique aux magistrats.

La commission a adopté cet article sous réserve d'un amendement de coordination.

1. Un rapprochement avec le droit commun de la fonction publique en matière de dialogue social

L'article 6 comporte une partie de coordination nécessaire suite aux choix faits en matière de réforme du recrutement des magistrats et une partie tendant à aligner certains aspects du dialogue social avec les magistrats sur le droit commun de la fonction publique.

La réforme de la commission d'avancement découle nécessairement de la réforme des voies d'accès au corps de la magistrature et de l'intégration provisoire à temps plein telle qu'elle est prévue à l'article 1er, qui transfère ses compétences en matière de recrutement au jury du concours professionnel.

1.1. Une réforme nécessaire de la commission d'avancement, base de représentativité syndicale

La commission d'avancement conservera les compétences résiduelles de l'ancienne commission d'avancement en matière de décision individuelle, à savoir dresser et arrêter le tableau d'avancement au nouveau deuxième grade, ancien premier grade, et statuer sur les contestations d'évaluation prévues par l'article 12-1 de l'ordonnance statutaire. Elle sera dotée d'une nouvelle compétence : celle de dresser et d'arrêter le tableau d'avancement prévu pour l'accès au nouveau troisième grade de la hiérarchie judiciaire.

La commission actuelle de vingt membres (quatre membres de droit et seize élus) sera remplacée par une commission de treize membres, composée de six représentants des magistrats, élus au scrutin proportionnel de liste, de six représentants de la hiérarchie judiciaire élus par les assemblées de leurs pairs, et du directeur des services judiciaires.

Les spécificités de la commission d'avancement, qui n'est pas une commission administrative paritaire réunissant un nombre égal de représentants des personnels élus et de représentants de l'administration désignés par celle-ci, sont préservées.

L'élection des représentants des magistrats est la base de représentativité syndicale, puisque sont considérées comme représentatives les organisations syndicales de magistrats ayant obtenu au moins un siège à la commission d'avancement ou ayant obtenu un taux minimal, fixé par le décret en Conseil d'État68(*).

Cette commission comprendra également une formation consultative, qui remplacera la commission permanente d'étude, créée en 1977, et connaîtra des questions relatives au statut des magistrats. A l'inverse de la formation compétente pour établir les tableaux d'avancement, qui est présidée par le magistrat du siège de la Cour de cassation, cette formation sera présidée par le garde des sceaux.

1.2. La participation des représentants des magistrats aux comités sociaux d'administration

La fusion des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des comités techniques au sein des comités sociaux d'administration par la loi de transformation de la fonction publique du 8 août 2019 a posé à nouveau la question des modalités de participation des magistrats à des instances où ils se trouvent en commun avec des fonctionnaires n'ayant, par définition, pas le même statut qu'eux.

La nécessité de préserver les spécificités de la magistrature se heurte en l'occurrence au fait qu'il serait peu adapté de concevoir des instances de dialogue qui leur soient propres, spécialement pour des questions comme l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail qui affectent tous les personnels.

Pour parvenir à cette conciliation, l'article 6 propose donc que les magistrats deviennent électeurs des représentants du personnel siégeant au sein des comités sociaux d'administration du ministère de la justice. Les représentants des organisations syndicales de magistrats représentatives pourront être élus à ces comités. Il est précisé cependant que les comités sociaux d'administration ne pourront connaître des sujets dévolus à la commission d'avancement.

1.3. Participation des magistrats aux négociations collectives

Les organisations syndicales représentatives de magistrats ne peuvent aujourd'hui négocier des accords, que ce soit de façon indépendante ou aux côtés des organisations syndicales de fonctionnaires.

L'article 6 propose de leur reconnaître, d'une part, une capacité de négociation des accords relatifs aux magistrats au niveau national ou local et, d'autre part, la possibilité d'étendre aux magistrats les accords signés pour les trois fonctions publiques ou la fonction publique d'État.

Les domaines dans lesquels les accords négociés au niveau interministériel peuvent être étendus sont précisés69(*) afin de ne pas porter atteinte à l'indépendance du statut des magistrats.

2. La position de la commission : des évolutions favorisant le dialogue social avec les magistrats

La commission des lois considère que l'article 6 propose des solutions adaptées pour favoriser la place des syndicats et le dialogue social au sein du ministère de la justice.

Elle a adopté les amendements de légistique et de coordination COM-50 et COM-51 proposé par les rapporteurs. À l'initiative de Laurence Harribey, la commission a également adopté l'amendement COM-33 rétablissant le processus de désignation d'un membre de la commission en cas de vacance définitive d'un siège.

La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7
Intégration provisoire à temps partiel

L'article 7 tend à faciliter le recrutement des magistrats à titre temporaire et des magistrats honoraires.

La commission a adopté cet article en précisant les limites à l'exercice des fonctions de substitut par les magistrats à titre temporaire.

1. Des mesures d'attractivité afin de pallier les vacances de postes dans les juridictions

1.1. Renforcer la distinction entre magistrats à titre temporaire et magistrats de plein exercice pour le recrutement

Bien que le recours à des magistrats à titre temporaire soit présenté par le ministère de la justice comme un moyen pour faire face au manque de magistrats, l'étude d'impact du projet de loi considère que les exigences actuelles restreignent trop les possibilités de recrutement. Par ailleurs, la volonté des chefs de cour de recruter des magistrats à titre temporaire (MTT) dont le profil se rapproche le plus possible des magistrats de plein exercice, notamment en ce qui concerne la polyvalence, écarte certains candidats qui pourraient être utiles pour des fonctions spécialisées. Enfin, les fonctions proposées peuvent paraître aujourd'hui insuffisamment attractives.

En conséquence, l'article 7 propose d'assouplir les conditions de recrutement des MTT et d'élargir leurs attributions.

L'assouplissement des conditions est opéré tant pour le recrutement que pour le renouvellement. La condition d'un âge minimal de 35 ans est supprimée et la durée d'exercice professionnel ramenée de sept à cinq ans, en cohérence avec les critères posés par l'article 1er du projet de loi pour les concours. En matière de renouvellement, l'article 7 ouvre la possibilité d'un second renouvellement du mandat des magistrats exerçant à titre temporaire, portant la nouvelle limite d'exercice à quinze années.

Les attributions des MTT sont élargies  : ils pourront ainsi être chargés de la nouvelle audience de règlement amiable et pourront par ailleurs désormais exercer les fonctions de substitut.

1.2. Un encadrement renforcé

Du fait de la possibilité de participer aux fonctions du parquet, un contrôle renforcé est prévu pour la nomination des MTT, qui ne pourra intervenir qu'après un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Leur déclaration d'intérêts sera transmise au procureur de la République et tout changement d'activité au procureur général, de la même façon qu'ils sont actuellement transmis aux chef de cour et président de la cour d'appel pour les MTT exerçant des fonctions civiles.

Par ailleurs, la possibilité d'exercer les fonctions à l'égard des contentieux de la protection est limitée à dix ans sur les quinze années en tant que MTT, afin de garantir la conformité de leur exercice avec la durée prévue pour les magistrats sur les fonctions spécialisées.

1.3. Un assouplissement des conditions d'exercice pour les magistrats honoraires

Les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (MHFJ) sont appelés à exercer des vacations dans l'exercice de certaines fonctions. L'article 7 élargit leurs attributions et leurs possibilités d'exercice.

Outre la possibilité de présider, à l'instar des MTT, les audiences de règlement amiable, les MHFJ se voient ouvrir la possibilité par l'article 7 de siéger auprès des juridictions connaissant des procédures disciplinaires ouvertes à l'encontre d'officiers ministériels et d'avocats.

Leur limite d'âge est repoussée de 72 à 75 ans et la possibilité d'exercer pour un deuxième mandat de cinq ans est prévue.

2. La position de la commission : un mode d'ouverture de la magistrature dont la qualité doit être garantie et qui doit respecter les spécificités des fonctions du parquet

Le recours aux MHFJ et aux MTT est une nécessité pour le fonctionnement de la justice. Il constitue également un moyen de diversifier les profils, les compétences et les expériences.

La commission des lois s'est interrogée sur l'opportunité de permettre aux MTT d'exercer les fonctions de substitut. Les besoins de créations de postes, réclamées notamment par la conférence nationale des procureurs de la République, doivent impérativement trouver une réponse dans la nouvelle période de programmation budgétaire. L'apport des MTT peut cependant s'avérer utile et les garanties en matière de recrutement, notamment la nécessité d'un avis conforme du CSM, paraissent adéquates.

La commission partage cependant le regret émis par plusieurs hauts magistrats sur le fait que le bilan du recours aux MTT n'ait pas été établi et que la nécessité de pourvoir aux besoins en personnel conduise à écarter tout bilan préalable.

La commission a engagé des échanges avec la conférence nationale des procureurs de la République afin de définir au mieux le rôle des MTT en tant que substitut. Alors que ce travail se poursuit, la commission a d'ores-et-déjà souhaité, à l'initiative des rapporteurs, inscrire dans la loi les exigences posées par le Conseil constitutionnel70(*) afin de prévoir que les MTT exerçant en tant que substituts ne pourront être chargés de fonctions dans lesquels ils seraient appelés à prononcer des mesures privatives de libertés. Le Conseil constitutionnel considère en effet à juste titre que ce pouvoir est réservé aux magistrats de carrière. La commission a donc adopté à cette fin l'amendement COM-52 des rapporteurs. Elle a également adopté l'amendement COM-35 de Laurence Harribey tendant à ne pas inclure les MTT dans les jurys professionnels. Elle a enfin adopté l'amendement de coordination COM-53 des rapporteurs.

La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article 8
Renforcement de la responsabilité, de la protection et de l'égalité professionnelle des magistrats

L'article 8 vise à titre principal à modifier le régime actuel de responsabilité des magistrats, en particulier en facilitant la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par le justiciable. En contrepartie, la protection des magistrats dans l'exercice de leurs fonctions serait renforcée, notamment par la création d'un statut de lanceur d'alerte et par l'extension des cas ouvrant droit à une protection fonctionnelle, y compris à leurs ayants droit. Enfin, à titre plus subsidiaire, l'article 8 renforce les exigences applicables aux nominations de magistrats en matière d'égalité professionnelle, au regard du sexe et du handicap.

Favorable au principe du renforcement de la responsabilité des magistrats, la commission a adopté cet article. Elle a néanmoins souhaité en prolonger les dispositions, en particulier en clarifiant la définition de la faute disciplinaire, en renforçant l'échelle des sanctions et, en contrepartie, en supprimant l'obligation d'audition du magistrat par la commission d'admission des requêtes.

1. L'état du droit 

1.1. Un régime de responsabilité perfectible

a) Une définition plurivoque de la faute disciplinaire

Le régime de responsabilité des magistrats est constitué de l'ensemble des devoirs et obligations auxquels sont soumis les magistrats dans l'exercice de leurs fonctions. Ces obligations sont de deux natures : déontologique et disciplinaire.

S'agissant des obligations disciplinaires, le régime de responsabilité des magistrats s'articule autour d'une définition spécifique de la faute disciplinaire, prévue à l'article 43 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, ci-après dénommée « ordonnance statutaire ». Elle dispose en particulier que constitue une faute disciplinaire tout manquement par un magistrat « aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité ». Légèrement datée, cette formulation n'a connu aucune modification depuis 1958.

À l'initiative du Sénat, il a néanmoins été précisé que constitue un manquement aux devoirs de son état - donc une faute disciplinaire - « la violation grave et délibérée par un magistrat d'une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, constatée par une décision de justice devenue définitive »71(*).

Toutefois, cette définition de la faute n'est pas exclusive et la faute disciplinaire du magistrat peut également être recherchée sur d'autres fondements72(*) : l'on pense en particulier au devoir de réserve73(*), prévu à l'article 10 de l'ordonnance statutaire, ou plus largement aux devoirs de dignité, de loyauté et de respect du secret des délibérations, mentionnés par le serment que doivent prêter les magistrats lors de leur nomination, prévu à l'article 6 de cette même ordonnance74(*).

b) Les sanctions encourues en cas de faute

Outre l'avertissement, mesure infra-disciplinaire, les sanctions disciplinaires encourues par les magistrats en cas de faute sont au nombre de neuf et prévues à l'article 45 de l'ordonnance statutaire, par ordre croissant de gravité :

- le blâme avec inscription au dossier ;

- le déplacement d'office ;

- le retrait de certaines fonctions ;

- l'interdiction d'être nommé ou désigné dans des fonctions de juge unique pendant une durée maximum de cinq ans ;

- l'abaissement d'échelon ;

- l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum d'un an, avec privation totale ou partielle du traitement ;

- la rétrogradation ;

- la mise à la retraite d'office ou l'admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n'a pas le droit à une pension de retraite ;

- la révocation.

Ces sanctions ne sont pas cumulables : l'existence d'une faute disciplinaire ne peut être sanctionnée que par l'une des sanctions listées ci-dessus, à l'exception du déplacement d'office, qui peut être cumulé avec le retrait de fonctions, l'interdiction de nomination, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions et la rétrogradation75(*).

L'on peut néanmoins ajouter à la liste ci-dessus, s'agissant des magistrats honoraires, le retrait de l'honorariat, prévu à l'article 79 de l'ordonnance statutaire, lorsque des faits constitutifs d'une faute disciplinaire ont été commis pendant la période d'activité du magistrat mais n'ont été connus du ministère de la justice qu'après son admission à la retraite.

c) Une procédure disciplinaire qui n'a pas pleinement fait la preuve de son efficacité

Le déclenchement de la procédure disciplinaire a progressivement été élargi. Aujourd'hui, les poursuites disciplinaires peuvent être engagées selon trois modalités distinctes :

- à l'initiative du garde des sceaux76(*) (articles 50-1 et 63 de l'ordonnance statutaire respectivement pour les magistrats du siège et du parquet) ;

- à l'initiative des chefs de cour77(*) (articles 50-2 et 63 de l'ordonnance statutaire respectivement pour les magistrats du siège et du parquet) ;

- à l'initiative du justiciable, depuis la révision constitutionnelle de 2008 (articles 50-3 et 63 de l'ordonnance statutaire respectivement pour les magistrats du siège et du parquet, en application de l'avant-dernier alinéa de l'article 65 de la Constitution).

Le déroulement de la procédure et l'autorité prononçant la sanction disciplinaire diffèrent naturellement selon qu'est concerné un magistrat du siège ou du parquet. Dans le premier cas, le conseil de discipline est la formation disciplinaire du siège du Conseil supérieur de la magistrature78(*) ; dans le second cas, il s'agit du garde des sceaux, après avis rendu sur le projet de sanction par la formation disciplinaire du parquet du CSM79(*).

Corollaire de l'indépendance, la responsabilité des magistrats peut donc être mise en cause. Néanmoins, ce cadre disciplinaire semble aujourd'hui critiqué, en ce qu'il serait insuffisamment à même de diffuser au sein du corps judiciaire un nécessaire sentiment de responsabilité. Si « l'idée répandue d'une impunité des magistrats est (...) erronée »80(*), plus de 200 magistrats ayant été sanctionnés par le Conseil supérieur de la magistrature depuis 1959, dont 74 entre 2007 et 2020, et un tiers ayant fait l'objet d'exclusions du corps judiciaire81(*), il n'en demeure pas moins que l'autorité judiciaire pâtit encore auprès de nos concitoyens d'une vive défiance. Ainsi, près de la moitié (47 %) de nos concitoyens n'avaient pas confiance en la justice en 201982(*), une statistique confirmée en 202183(*). Ainsi, lors de l'Agora de la justice, 89 % des Français interrogés s'étaient déclarés favorables à une réforme du régime de responsabilité des magistrats (incluant la modernisation de la définition de la faute disciplinaire et de l'échelle des sanctions et le renforcement de l'efficacité de la saisine directe par le justiciable du Conseil supérieur de la magistrature)84(*).

Le régime disciplinaire ne semble ainsi pas avoir fait ses preuves. C'est tout particulièrement le cas de la saisine par le justiciable, qui n'a donné lieu, de 2011 à 2021, qu'à 88 déclarations de recevabilité - soit 2,65 % du total des plaintes -, 7 renvois devant la formation disciplinaire et aucune sanction, comme le montre le tableau ci-dessous.

Tableau des plaintes adressées par les justiciables entre 2011 et 2021

 

Plaintes reçues par le CSM

Plaintes déclarées recevables

Plaintes renvoyées

Sanctions

2011

421

1 (NR)

0

0

2012

283

2 Parquet
11 Siège

1 Parquet
1 Siège

0

2013

325

0 Parquet
5 Siège

1 Siège

0

2014

242

10 (NR)

0

0

2015

223

9 Siège
1 Mixte

1

0

2016

250

6 Siège
1 Parquet

1 Siège

0

2017

245

1 Siège
1 Parquet

0

0

2018

327

9 Siège

0

0

2019

324

11 (NR)

1 (3 magistrats)

0

2020

307

8 Siège
1 Parquet

0

0

2021

377

11 (NR)

1 Siège

0

TOTAL

3324

88

7

0

Source : étude d'impact du projet de loi

1.2. Une protection pouvant être jugée insuffisante

La protection des magistrats est conçue comme le pendant de l'engagement de leur responsabilité : comme le précise le Conseil supérieur de la magistrature dans son avis du 24 septembre 2021 relatif à la responsabilité et à la protection des magistrats, « les devoirs des magistrats ne sauraient être modifiés sans que leurs droits ne soient corrélativement respectés et effectivement garantis »85(*). Elle constitue également une garantie de l'impartialité et de l'indépendance du juge. Comme le rappelait François Pillet dans son rapport sur le projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société, « l'impartialité et l'indépendance du juge ne seraient pas préservées, si, exposé à la vindicte d'une partie qui a perdu son procès, il ne recevait pas de l'État la protection requise86(*). »

Le régime de protection fonctionnelle des magistrats est ainsi prévu à l'article 11 de l'ordonnance statutaire. Il impose ainsi à l'État de protéger les magistrats contre les menaces ou les attaques, « de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent être l'objet dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions ». L'État est ainsi tenu d'indemniser le préjudice direct subi par le magistrat concerné ; il est également tenu d'apporter une réparation adéquate du tort, qui peut prendre une forme autre que pécuniaire (assistance juridique, soutien psychologique, etc.). La protection fonctionnelle peut également avoir pour objet de faire cesser la menace proférée ou l'attaque subie par l'intéressé.

Le bénéfice de cette protection a été étendu aux ayants droit des magistrats par le V de l'article 112 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Cette disposition a néanmoins été abrogée par erreur par l'article 3 de l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique.

Par ailleurs, le corps judiciaire ne dispose pas, pour l'heure, d'un dispositif de protection des lanceurs d'alerte, faute d'avoir prévu explicitement le mode de recueil et de traitement des alertes émises par les magistrats.

1.3. L'égalité professionnelle : une profession au milieu du gué

Alors que le corps judiciaire est historiquement très féminisé (environ 70 % de magistrates), la place des femmes dans la hiérarchie judiciaire indique une claire sous-représentation. C'est notamment le cas pour les postes de chef de cour et de juridiction, comme le montre le tableau ci-dessous.

Répartition par sexe et par grade des chefs de juridiction
au 1er janvier 2023

Fonctions

Femmes

Hommes

Total

Représentation des femmes

Siège

Premier président hors hiérarchie

14

22

36

38,89%

Président hors hiérarchie

22

34

56

39,29%

Président au grade I B bis

61

49

110

55,45%

Parquet

Procureur général hors hiérarchie

10

27

37

27,03%

Procureur de la République hors hiérarchie

15

39

54

27,78%

Procureur de la République au grade I B bis

44

69

113

38,94%

Total

166

240

406

40,89%

Source : commission des lois du Sénat,
à partir de données issues de l'étude d'impact

Enfin, s'agissant de la promotion de l'égalité professionnelle quant au handicap, si l'article 65 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a prévu l'extension aux juridictions administratives et financières des obligations d'emploi de travailleurs en situation de handicap, cette obligation n'a pas été étendue au corps judiciaire.

2. Le dispositif proposé

2.1. Renforcer le régime de responsabilité des magistrats

L'article 8 du présent projet de loi organique prévoit en premier lieu de renforcer le régime de responsabilité des magistrats. Il procède pour ce faire à deux modifications.

a) L'assouplissement des conditions de saisine par le justiciable

En premier lieu, il facilite la saisine par le justiciable du Conseil supérieur de la magistrature, via la commission d'admission des requêtes (CAR) créée à cet effet87(*). Ainsi, il tend à modifier substantiellement les conditions et modalités de saisine de la CAR :

- il ouvre la recevabilité des plaintes - actuellement circonscrite aux hypothèses où le magistrat commet des manquements dans le seul exercice de ses fonctions - aux cas où le manquement allégué par le plaignant a été commis par le magistrat concerné « en faisant usage de sa qualité », dans le cadre d'un abus de fonctions, y compris dans le cas où il n'est pas saisi de la procédure mais adopte un comportement répréhensible affectant celle-ci en se prévalant de sa qualité ;

- il assouplit également les conditions formelles de saisine, en particulier en supprimant les obligations d'articulation de griefs et de signature de la plainte, et en ouvrant la possibilité de transmettre celle-ci via son conseil ;

- enfin, afin de ne pas faire peser sur les magistrats visés par une plainte la crainte d'une sanction sans limitation de durée, l'article 8 du présent projet de loi tend, d'une part, à fixer un nouveau délai de forclusion pour l'introduction d'une plainte devant la CAR de 3 ans après le dessaisissement de l'affaire par le magistrat - venant compléter le délai existant de forclusion d'un an à compter de la fin de la procédure en cause -- et, d'autre part, à prévoir un délai de 8 mois à compter de la réception de la plainte dans lequel la CAR est tenue de se prononcer sur la recevabilité de celle-ci.

En second lieu, l'article 8 du présent projet de loi renforce les prérogatives de la CAR. Constatant son incapacité à se prononcer, dans certaines instances, en pleine connaissance de cause sur la recevabilité d'une plainte, le Gouvernement souhaite ainsi doter la CAR de pouvoirs accrus :

- en lui permettant de formuler une demande d'observations complémentaires auprès du magistrat et des chefs de cour, cette faculté n'étant actuellement ouverte qu'à une seule et unique reprise dans la procédure ;

- en contraignant la CAR à entendre le magistrat visé par une plainte déclarée recevable avant son renvoi devant le conseil de discipline, l'audition du justiciable plaignant ne demeurant qu'une faculté, comme actuellement prévu ;

- en ouvrant la possibilité à la CAR, « lorsque la technicité des actes d'enquête le justifie », de solliciter du garde des sceaux que soit diligentée une enquête administrative par l'inspection générale de la justice, ce qui aurait pour effet de suspendre le délai d'examen de la plainte. Le silence gardé pendant deux mois par le garde des sceaux vaudrait rejet de la demande ;

- en octroyant à la CAR la faculté d'obtenir, sur demande adressée au garde des sceaux, le dossier individuel du magistrat mis en cause.

En dernier lieu, l'article 8 prévoit, en son k), la transmission de l'ensemble des décisions, y compris d'irrecevabilité, rendues par la CAR et son président au garde des sceaux, qui pourrait solliciter communication de toute pièce de la procédure. En l'état, le garde des sceaux n'est destinataire que des seules décisions de recevabilité, les décisions d'irrecevabilité ne faisant l'objet d'aucune communication.

b) Un renforcement marginal de l'échelle de sanctions

Par ailleurs, l'article 8 du présent projet de loi modifie à la marge l'échelle des sanctions applicables aux magistrats en cas de faute disciplinaire.

En premier lieu, il tend à allonger le délai d'effacement automatique d'un avertissement au sein du dossier du magistrat de trois à cinq ans, conformément à une position exprimée par le Conseil supérieur de la magistrature dans l'avis du 24 septembre 2021 précité.

En deuxième lieu, il tend à préciser explicitement que la sanction d'abaissement d'échelon peut être prononcée pour un ou plusieurs échelons - ce qui est déjà le cas - dans le but de revaloriser cette sanction et d'en favoriser la personnalisation.

En dernier lieu, il tend à prévoir que la sanction de retrait des fonctions fait obstacle à ce que le magistrat sanctionné soit nommé dans ces fonctions dans un délai de 5 ans, afin d'éviter un « retour » en fonctions immédiatement après l'exécution de la sanction.

2.2. Compléter le dispositif de protection des magistrats

S'agissant de la protection fonctionnelle des magistrats, le dispositif de protection tend essentiellement à corriger une malfaçon. Il complète ainsi l'article 11 de l'ordonnance  statutaire pour prévoir expressément que la protection fonctionnelle des magistrats est étendue à leurs ayants droit. Il prévoit également l'extension de l'ouverture du bénéfice de cette protection aux cas de harcèlement dont les magistrats peuvent faire l'objet, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.

S'agissant de la protection des lanceurs d'alerte, le dispositif proposé prévoit que les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les lanceurs d'alerte s'appliquent aux magistrats « dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire ». Il confie également au collège de déontologie la possibilité d'être désigné pour recevoir et traiter les alertes émises par les magistrats.

Le collège de déontologie des magistrats de l'ordre judiciaire :
une création récente

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature a créé le collège de déontologie, en s'inspirant des collèges de déontologie des juridictions administratives et financières.

Définies à l'article 10-2 de l'ordonnance statutaire, ses missions sont doubles : rendre des avis sur toute question déontologique concernant personnellement un magistrat, sur saisine de celui-ci ou de l'un de ses chefs hiérarchiques ; examiner les déclarations d'intérêts de magistrats qui lui sont transmises.

Également définie à l'article 10-2, sa composition prévoit la présence de trois magistrats, issus de la hiérarchie judiciaire, d'une personnalité extérieure ainsi que d'un professeur d'université.

La question de la cohabitation entre le collège de déontologie et le service d'aide et de veille déontologique (SAVD) du Conseil supérieur de la magistrature, créés concomitamment, peut se poser. Pour justifier le maintien de deux structures distinctes, il est généralement avancé la différence de leurs missions - le SAVD, qui édite le recueil des obligations déontologiques des magistrats du CSM -, ne connaît pas des déclarations d'intérêt par exemple -, les distinctions dans leurs procédures - écrite pour le collège de déontologie, orale pour le SAVD88(*) - et la qualité des liens entre les deux organes : certains membres du collège doivent être d'anciens membres du CSM et le collège présente devant la formation plénière du CSM son rapport annuel.

2.3. Améliorer, dans le respect des principes entourant la nomination de magistrats, la promotion de l'égalité professionnelle

Enfin, afin de renforcer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ainsi que pour les personnes en situation de handicap, l'article 8 du présent projet de loi prévoit la création d'un article 10-3 au sein de l'ordonnance statutaire, disposant :

- que les nominations des magistrats sont effectuées dans le respect de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et qu'elles favorisent, « dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service et les particularités de l'organisation judiciaire », l'égal accès des femmes et des hommes aux plus hauts emplois de la hiérarchie judiciaire ;

- que les autorités de nomination, chefs de cour et de juridiction, prennent les mesures appropriées pour permettre aux magistrats en situation de handicap « de développer un projet de carrière et d'accéder à des fonctions de niveau supérieur ainsi que de bénéficier d'une formation adaptée à leurs besoins tout au long de la vie professionnelle » ;

- que les nominations des magistrats tiennent compte de leur situation de famille, une disposition déjà prévue à l'article 29 de l'ordonnance statutaire, abrogé en conséquence.

3. La position de la commission

La commission partage le principe du renforcement de la responsabilité, de la protection et de l'égalité professionnelle des magistrats. Constatant néanmoins que les dispositions relatives à la responsabilité des magistrats paraissaient insuffisantes, et ne prenaient que très partiellement en compte l'avis du 24 septembre 2021 du CSM rendu sur ce sujet, elle a souhaité prolonger les dispositions relatives à la responsabilité des magistrats par l'adoption de l'amendement COM-54 des rapporteurs.

Ce faisant elle a ainsi, en premier lieu, souhaité clarifier les conditions d'engagement de cette responsabilité, en précisant, comme préconisé par le CSM dans son avis du 24 septembre 2021, la définition de la faute disciplinaire et en clarifiant la formulation du serment prêté par les magistrats89(*). Poursuivant l'objectif d'une définition plus souple et plus lisible de la faute disciplinaire, l'amendement qu'elle a adopté vise, sans modifier l'alinéa 2 de l'article 43 de l'ordonnance statutaire, relatif à la faute dans le cadre de l'acte juridictionnel, à préciser les contours et à rendre plus lisible la définition actuelle de la faute disciplinaire, dont la formulation n'a pas changé depuis 1958.

En deuxième lieu, la commission a souhaité renforcer l'échelle des sanctions disciplinaires applicables aux magistrats. D'une part, elle a prévu que le retrait de fonctions puisse être prononcé y compris « pour des fonctions distinctes de celles pour lesquelles la faute est constatée », afin de prévenir le cas où un magistrat sanctionné pourrait poursuivre l'exercice de fonctions adjacentes à celles pour lesquelles il a été sanctionné mais continuerait de poser une difficulté. D'autre part, conformément à la proposition du CSM dans son avis du 24 septembre 2021, la commission a porté à 10 ans le délai maximal d'interdiction de fonctions et étendu ces dernières aux fonctions statutairement limitées dans le temps. Enfin, conformément à la recommandation du CSM dans l'avis précité, elle a aligné le régime de l'exclusion de fonctions sur celui applicable aux magistrats administratifs.

En troisième lieu, la commission a entendu modifier l'équilibre des dispositions proposées s'agissant de la recevabilité des saisines de justiciables adressées à la commission d'admission des requêtes (CAR). D'une part, elle n'a pas retenu certains assouplissements proposés de la procédure, qui paraissent excessifs. À cet égard, si la commission a souhaité conserver la suppression de l'articulation des griefs, véritable frein à la recevabilité d'une plainte rédigée par un justiciable n'étant pas nécessairement familier du procédé, elle a en revanche conservé obligation de signature, formalité peu substantielle, à rebours de l'intention du Gouvernement.. De façon analogue, elle a supprimé l'audition obligatoire du magistrat mis en cause : la CAR ne constituant pas une commission pré-disciplinaire, elle n'a vocation à entendre le magistrat que dans le cas où une telle audition est de nature à faciliter l'établissement de la matérialité des faits allégués et la qualification de ceux-ci. Parallèlement, la commission a renforcé la place de l'avocat du plaignant dans la procédure, en prévoyant que ce dernier peut être assisté de son conseil lors de son éventuelle audition par la CAR et que son conseil est destinataire, lorsqu'il a adressé la plainte du justiciable, de la décision rendue par la CAR.

La commission a néanmoins conservé la disposition prévoyant que le garde des sceaux est également destinataire de cette dernière. En contrepartie, elle a prévu qu'il ne serait plus destinataire des observations, y compris complémentaires, adressées par le premier président de la cour d'appel à la CAR sur sollicitation de cette dernière. Une telle disposition permettrait ainsi de mieux distinguer une première phase d'examen de la recevabilité de la plainte du justiciable, relevant de la CAR, et une seconde phase, y compris après décision d'irrecevabilité de la CAR, lors de laquelle le garde des sceaux aurait toute latitude pour exercer son pouvoir disciplinaire. Enfin, la commission a supprimé la possibilité de traitement en « circuit court » (par décision du président) des plaintes manifestement infondées, conformément au souhait exprimé par le CSM dans son rapport d'activité pour 2021.

La commission a adopté l'amendement COM-55 des rapporteurs, de portée rédactionnelle.

La commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9
Modification du mode de scrutin des membres magistrats
au Conseil supérieur de la magistrature

L'article 9 tend à substituer au mode de scrutin indirect, actuellement prévu pour l'élection de trois des sept membres magistrats au sein de chaque formation du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), un mode de scrutin direct. Il supprime ce faisant le collège des « grands électeurs » actuellement prévu pour cette élection.

Favorable à cette évolution, la commission a néanmoins souhaité une réforme de plus grande ampleur pour le CSM, en prévoyant en particulier que les personnalités qualifiées en son sein sont renouvelées par moitié.

Elle a adopté cet article ainsi modifié.

1. L'état du droit : le mode de désignation des membres du CSM varie en fonction de leur qualité

Composé de trois formations - une plénière, une compétente pour les magistrats du siège, une compétente pour les magistrats du parquet - le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) comprend vingt-deux membres, dont les modalités de nomination diffèrent selon leur qualité :

- huit personnalités extérieures, communes aux trois formations, dont un conseiller d'État élu par l'assemblée générale du Conseil d'État90(*), un avocat désigné par le président du Conseil national des barreaux91(*), et six personnalités qualifiées désignées - par binôme - par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ;

- le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près cette cour, sont membres de droit ;

- deux magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, l'un du siège et l'autre du parquet, élus par l'assemblée de leurs pairs ;

- un premier président de cour d'appel élu par l'assemblée de ses pairs, ainsi qu'un procureur général près une cour d'appel élu par l'assemblée de ses pairs ;

- un président de tribunal judiciaire élu par l'assemblée de ses pairs ainsi qu'un procureur de la République désigné dans les mêmes conditions92(*) ;

trois magistrats du siège et trois magistrats du parquet élus par un collège de « grands électeurs ». Comme le rappelle l'étude d'impact du projet de loi, « les magistrats du siège et du parquet, constitués en deux collèges distincts au sein de chaque ressort de cour d'appel, élisent un nombre de magistrats du siège et du parquet proportionnel à l'importance relative de leurs effectifs ». Ces deux collèges de grands électeurs comptant respectivement 160 membres pour les magistrats du siège et 80 pour les magistrats du parquet, élisent ainsi leurs représentants.

Les membres sont répartis entre les trois formations de telle manière que, sauf en matière disciplinaire - où le magistrat du siège ou du parquet issu de l'autre formation rejoint la formation compétente pour atteindre la parité - les membres magistrats sont donc en minorité au sein des formations siège et parquet, ainsi que dans la formation plénière.

Tableau récapitulatif de la composition du CSM
en fonction des formations

Formation plénière

- Premier président de la Cour de cassation, pouvant être suppléé par le procureur général près la Cour de cassation

- Trois magistrats du siège

- Trois magistrats du parquet

- Huit membres communs non magistrats (« laïcs »)

= Quinze membres, dont sept magistrats en minorité

Formation siège

Formation parquet

- Premier président de la Cour de cassation

- Cinq magistrats du siège

- Un magistrat du parquet

- Huit membres communs non magistrats (« laïcs »)

= Quinze membres, dont sept magistrats, en minorité

- Procureur général près la Cour de cassation

- Cinq magistrats du parquet

- Un magistrat du siège

- Huit membres communs non magistrats (« laïcs »)

= Quinze membres, dont sept magistrats, en minorité

En matière disciplinaire

Adjonction du magistrat du siège siégeant dans la formation parquet

= Seize membres, dont huit magistrats, à parité

Adjonction du magistrat du parquet siégeant dans la formation siège

= Seize membres, dont huit magistrats, à parité

Source : commission des lois du Sénat93(*)

2. Le dispositif proposé : la fin attendue du mode de scrutin indirect

L'article 9 du présent projet de loi prévoit la suppression du collège des « grands électeurs » au profit d'un mode de scrutin direct. En effet, le mode de scrutin actuel présente deux séries de difficultés.

En premier lieu, il pose des difficultés sur le plan logistique. Décrit comme « complexe, lourd et coûteux »94(*), le processus implique notamment la réunion des deux collèges des grands électeurs à Paris, ce qui implique certains frais de déplacement - chiffrés par l'étude d'impact à 180 853 euros par an. Surtout, il peut constituer une difficulté organisationnelle, certaines cours pouvant épisodiquement présenter des difficultés d'organisation de ces élections.

En second lieu, et plus fondamentalement, ce mode de désignation est souvent critiqué pour favoriser la rigidification du paysage syndical du corps judiciaire. Il avait notamment fait l'objet de débats lors des États généraux de la justice, conduisant le comité à relever : « certains membres du comité ont dressé le constat que la désignation des représentants des magistrats au Conseil par des grands électeurs, élus par ressort de cour d'appel, selon un mode de scrutin de liste à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste, a pu favoriser la présence d'une seule organisation syndicale en son sein », relevant qu'il « a également été fait état auprès de certains membres du comité du sentiment de magistrats que le processus de nomination serait entaché d'une forme de "verrouillage", sans que cette affirmation qui a pu dans le passé être exacte, ne fasse consensus. »

Dans ces conditions, le comité des États généraux de la justice a proposé le passage à un scrutin direct, estimant que « pour favoriser l'ouverture et la diversité des représentants des magistrats siégeant au CSM, l'élection de ceux-ci par un unique scrutin de liste national avec une répartition des sièges à la proportionnelle au plus fort reste mériterait d'être envisagée. Cette perspective a recueilli l'adhésion d'une majorité du comité95(*). » Au sein du paysage syndical, l'union syndicale des magistrats (USM) est opposée à cette évolution96(*), tandis que le syndicat de la magistrature (SM) la soutient.

3. La position de la commission : une réforme de plus grande ampleur pour le CSM

La commission a accueilli favorablement cette évolution, qui s'inscrit dans l'ambition partagée d'une fluidification du dialogue social et des carrières des magistrats. Le dispositif proposé, qui concourt ainsi à tempérer l'importance de l'appartenance syndicale dans la conduite de la carrière, constitue une évolution bienvenue.

La commission a néanmoins estimé qu'une réforme de plus grande ampleur était envisageable pour le CSM. Elle a en conséquence adopté l'amendement COM-56 des rapporteurs tendant, outre à apporter des clarifications rédactionnelles, à modifier les conditions de nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dans le but d'en renforcer la légitimité.

En premier lieu, la commission a ainsi prévu que les personnalités qualifiées du CSM sont renouvelées par moitié. Le CSM pâtit aujourd'hui d'un manque de stabilité de sa jurisprudence, notamment en matière disciplinaire, qu'un renouvellement par moitié permettrait de conjurer partiellement, en renforçant la permanence et la continuité dans sa composition. S'il est difficilement envisageable - sauf à modifier la composition du CSM, ce qui relèverait en toute hypothèse d'un véhicule constitutionnel - de prévoir un remplacement par moitié de l'ensemble des membres, une telle modification ne pose aucune difficulté s'agissant des personnalités qualifiées. La commission a en conséquence prévu que les personnalités qualifiées soient remplacées par moitié, chacune des trois autorités de nomination - le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat - ayant vocation à nommer un seul membre, tous les deux ans. À titre transitoire, pour le prochain mandat du CSM, chacune des autorités de nomination désignerait l'une des deux personnalités pour une durée de fonctions de six ans. Les personnalités qualifiées constitueraient ainsi, aux côtés des chefs de la Cour de cassation, un pôle de stabilité et de permanence enjambant partiellement les échéances de renouvellement.

En second lieu, et à titre plus subsidiaire, la commission a prévu que les membres magistrats représentant la hiérarchie judiciaire seraient élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, afin d'éviter un relatif déficit de légitimité résultant d'une élection acquise à un faible nombre de voix dans le cadre d'un scrutin uninominal à un tour.

Enfin, la commission a adopté l'amendement COM-20 rectifié de Laurence Harribey prévoyant, d'une part, le retour à un délai de trois mois pour la désignation complémentaire en cas de vacance d'un membre magistrat au CSM et, d'autre part, que le nombre de candidats sur la liste serait porté de trois à quatre personnes pour faciliter la suppléance en cas d'éventuelles vacances.

La commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.

Article 10
Disposition diverses relatives à la déontologie des magistrats
et à la dématérialisation de la gestion de leur dossier administratif

L'article 10 étend premièrement la liste des magistrats soumis à l'obligation de dépôt d'une déclaration d'intérêts, réparant ainsi une omission, et, afin de tirer les conséquences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, circonscrit l'obligation de dépôt d'une déclaration patrimoniale aux seuls membres du Conseil supérieur de la magistrature.

Deuxièmement, il revient sur l'exigence d'un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour procéder à la gestion dématérialisée des dossiers administratifs des magistrats. S'il s'agissait d'une obligation lors du lancement des travaux correspondants en 2016, tel n'est en effet plus le cas depuis l'entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données.

L'article 10 procède enfin à des ajustements rédactionnels des dispositions statutaires relatives aux conditions de nomination des magistrats en juridiction ou à l'inspection générale de la justice. La commission a adopté cet article, sous réserve d'une précision rédactionnelle.

1. Les règles déontologiques applicables aux magistrats : la nécessité de tirer les conséquences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel

La loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a profondément rénové les règles déontologiques applicables aux plus hauts responsables publics, principalement en les soumettant à une double obligation déclarative visant à prévenir, détecter et, cas échéant, traiter les situations de conflit d'intérêts.

La première de ces obligations concerne la déclaration d'intérêts, remise exclusivement en début de mandat ou de fonction à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), tandis que la seconde concerne la déclaration de situation patrimoniale97(*), remise en début et en fin de mandat ou de fonctions. Cette dernière déclaration fait l'objet d'un contrôle par la HATVP, dont l'objectif est de repérer des situations où l'exercice du mandat ou des fonctions visées aurait engendré un enrichissement anormal susceptible de révéler des faits pénalement répréhensibles. Le nombre de responsables publics soumis à ces obligations déclaratives est allé croissant au fil des ans et s'élève aujourd'hui à environ 18 00098(*).

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature a assuré la transposition aux magistrats de ces nouvelles obligations déclaratives.

1.1. Les dispositions relatives à la déclaration d'intérêts

Conformément à l'article 7-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature tel que modifié par la loi précitée, les magistrats doivent remettre, selon les cas au chef de juridiction ou au chef de cour et dans les deux mois suivant leur installation, une déclaration « exhaustive, exacte et sincère » de leurs intérêts. Cette déclaration peut faire l'objet d'une transmission pour avis au collège de déontologie en cas de doute sur une potentielle situation de conflit d'intérêt. Sa remise donne lieu à un entretien déontologique entre le magistrat et l'autorité à laquelle la déclaration a été remise et est par la suite annexée au dossier administratif du premier. Toute modification substantielle des intérêts doit être suivie d'une nouvelle déclaration. La sanction prévue en cas d'absence de déclaration ou de déclaration mensongère est de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Il convient de relever que le projet de loi organique initial se bornait à prévoir un entretien déontologique. La création d'une obligation de déclaration d'intérêts applicable aux magistrats est une initiative de François Pillet99(*), rapporteur pour la commission des lois, qui a estimé qu'elle donnerait davantage « de consistance, d'objectivité et de conséquences éventuelles à cet entretien déontologique »100(*).

L'article 10 vise à combler un angle mort de ce dispositif en rajoutant dans la liste des magistrats soumis à l'obligation de déclaration d'intérêts les magistrats du siège et du parquet près le tribunal supérieur d'appel, le président et le procureur de la République près un tribunal de première instance situé dans le ressort de ce tribunal, le président et le procureur de la République près un tribunal supérieur d'appel ainsi que les inspecteurs généraux et les inspecteurs de la justice.

La commission a approuvé cette correction de la liste des magistrats soumis à déclaration d'intérêt, tout en adoptant un amendement COM-57 des rapporteurs de nature rédactionnelle.

1.2. Les dispositions relatives à la déclaration de situation patrimoniale

L'article 24 de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 adopté par le Parlement prévoyait également de soumettre les seuls magistrats exerçant les plus hautes fonctions101(*) à l'obligation d'adresser au président de la HATVP, dans les deux mois suivant leur installation et dans les deux mois suivant la cessation de leurs fonctions, une déclaration de situation patrimoniale. Pour ce faire, la loi organique introduisait un nouvel article 7-3 à l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 précitée.

La commission des lois s'était montrée réservée sur le périmètre d'un dispositif limité à de « hauts magistrats qui, pour l'essentiel, ne sont quasiment jamais confrontés à des tentatives d'influence ou de corruption dans leurs fonctions juridictionnelles, sauf éventuellement s'ils sont amenés à désigner un magistrat pour traiter telle ou telle affaire ou exercer telles fonctions, en supposant que ce magistrat lui-même serait soumis à des influences »102(*). Considérant irréaliste, et potentiellement inconstitutionnel, d'étendre cette obligation à l'ensemble des magistrats, elle avait néanmoins fait le choix de n'y soumettre que les magistrats exerçant une autorité hiérarchique au sein d'une juridiction103(*).

Le I du nouvel article 7-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée a néanmoins été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016. Celui-ci a considéré que le législateur avait méconnu le principe d'égalité en limitant l'obligation de déclaration de situation patrimoniale aux seuls chefs de cour et de juridiction. Dans le détail, le Conseil constitutionnel a jugé que « au regard des exigences de probité et d'intégrité qui pèsent sur les magistrats exerçant des fonctions juridictionnelles et de l'indépendance qui leur est garantie dans cet exercice, en restreignant l'obligation de dépôt d'une déclaration de situation patrimoniale aux seuls [chefs de cour et de juridiction], le législateur [avait] institué une différence de traitement qui est sans rapport avec l'objectif poursuivi par la loi ». Sont néanmoins restés en vigueur les II à VIII dudit article 7-3 qui définissent notamment la liste des biens devant figurer dans la déclaration, leur méthode d'évaluation, les modalités de remise d'une déclaration complémentaire, les pouvoirs de la HATVP ainsi que les sanctions pénales associées à la méconnaissance des dispositions relatives à cette obligation de déclaration patrimoniale. Du fait d'un renvoi opéré par l'article 10-1-2 de la loi organique du 5 février 1994, ces derniers demeurent en effet applicables aux membres du Conseil supérieur de la magistrature.

L'article 10 tire les conséquences de cette jurisprudence en supprimant dans l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 toute référence à l'obligation de déclaration de situation patrimoniale, y compris celles des dispositions qui étaient encore applicables aux membres du CSM et qui sont transférées à l'article 10-1-2 de la loi organique du 5 février 1994.

La commission souligne que le choix du Gouvernement de ne pas généraliser l'obligation de déclaration de situation patrimoniale à l'ensemble des magistrats pourrait être discuté au regard de la décision du Conseil constitutionnel précitée, qui pourrait être interprétée comme invitant au contraire à une telle généralisation. Elle a adopté ces dispositions sans modifications, tout en procédant aux coordinations nécessaires dans la loi ordinaire104(*).

2. La gestion dématérialisée des dossiers administratifs des magistrats : aligner la procédure applicable sur les exigences européennes en matière de protection des données

La dématérialisation de la gestion du dossier administratif des magistrats est un projet ancien, dont la mise en oeuvre s'est heurtée à des difficultés récurrentes et n'est toujours pas achevée. Alors que leur gestion sur support électronique a été autorisée dès la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 précitée, les dossiers administratifs des magistrats sont encore à ce jour tenus dans une version papier et les magistrats peuvent seulement en consulter une version numérisée à partir de leur « espace mobilité ».

L'article 12-2 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 dispose que la gestion sur support du dossier des magistrats est réalisée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Ce décret n'a pas été publié depuis lors. Dans l'étude d'impact, le Gouvernement explique ce retard par la nécessité d'opérer « des travaux particulièrement complexes et nombreux, au regard des problématiques posées dans le domaine de l'informatique et des libertés ainsi qu'en matière de création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel, eu égard aux spécificités propres au dossier des magistrats, compte tenu de leur statut »105(*).

Si un projet de décret a finalement été soumis au Conseil d'État en 2022, celui-ci a émis un avis défavorable106(*). Dans cet avis, le Conseil d'État constatait « qu'à elles seules les dispositions du projet ne [permettraient] pas de donner un cadre légal à la gestion sur support informatique des dossiers des magistrats, ni de régulariser la situation actuelle au regard des règles sur la protection des données personnelles, ni davantage de déployer le dispositif en prenant racine, [...] sur le décret n° 2013-626 du 16 juillet 2013 autorisant un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Harmonie relatif à la gestion des ressources humaines du ministère de la justice, qui appelle lui-même une mise en conformité préalable avec le cadre légal de la gestion des données ». Le Conseil d'État relevait toutefois également que le droit des données à caractère personnel avait connu de profondes évolution à la suite de l'entrée en vigueur du règlement général pour la protection des données en avril 2016 et, qu'en conséquence, le traitement de données requis pour procéder à la dématérialisation de la gestion du dossier administratif des magistrats n'entraient plus dans la catégorie de ceux devant être autorisés par un décret en Conseil d'État pris après avis de la CNIL. Les données traitées n'auraient en effet pas de caractère « sensible » au sens de l'article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

L'article 10 tire les conséquences de ce dernier point et substitue à la mention à un décret en Conseil d'État pris après avis de la CNIL dans l'article 12-2 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 un renvoi à caractère général aux conditions définies par la loi.

La commission a adopté cette disposition sans modification dans la mesure où elle se borne à tirer les conséquences logiques d'une modification de la législation des données à caractère personnel intervenue postérieurement au lancement du projet de dématérialisation. Dans son avis relatif au projet de loi organique, le Conseil d'État n'a par ailleurs soulevé aucune observation sur ce point.

En outre, la commission a considéré que cette modification procédurale accélérerait la finalisation d'un projet entamé il y a sept ans et attendu de longue date par les magistrats. Selon les informations communiquées par la direction des services judiciaires au cours de son audition, un délai de 12 à 18 mois serait à prévoir avant le déploiement du dispositif. La commission se montrera vigilante quant au respect de cette échéance.

3. Des dispositions régissant les conditions de nomination des magistrats en juridiction ou à l'inspection générale de la justice dont la rédaction doit être adaptée à la marge

L'article 10 comprend par ailleurs diverses dispositions complétant premièrement l'article 15 de la loi organique du 5 février 1994 précitée relatif aux modalités de nomination aux emplois pourvus sur proposition du CSM afin de mentionner les présidents d'un tribunal de première instance et d'un tribunal supérieur d'appel107(*).

Il comprend également une série de disposition modifiant ceux des articles de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 dont la rédaction devait être adaptée afin de tirer les conséquences de la création de la profession de commissaire de justice depuis 2016108(*), de la disparition de la profession d'avoué depuis 2012109(*) et du changement de dénomination des inspecteurs adjoints des services judiciaires en inspecteurs généraux de la justice en 2016110(*).

Ces dispositions n'appellent pas d'observation particulière et la commission les a adoptées sans modification.

La commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

Article 11
Expérimentation d'un concours spécial de recrutement pour l'auditorat

L'article 11 tend à prévoir, à titre expérimental, l'ouverture d'un concours spécial de recrutement pour les auditeurs de justice destiné aux étudiants de formations dites « prépas Talents ».

Favorable au renforcement de la diversité de recrutement des auditeurs de justice, la commission a adopté l'article sous réserve d'une modification rédactionnelle.

1. Le dispositif proposé : favoriser la diversité de recrutement des auditeurs de justice par l'ouverture d'un concours spécial

Le corps judiciaire pâtit aujourd'hui d'un relatif défaut d'ouverture et de représentativité du corps social, comme en témoigne le tableau ci-dessous.

Catégorie socio-professionnelle
des pères des magistrats en 2019

Source : Mission de recherche droit et justice,
Yoann Demoli et Laurent Willemez, juin 2019111(*)

Ainsi, en 2019, sur 100 magistrats, 63 environ avaient un père issu de groupes sociaux favorisés (chef d'entreprise de plus de 10 salariés, profession libérale, cadre ou profession intellectuelle supérieure). À l'inverse, les magistrats sont rarement issus des classes moyennes ou populaires, qu'il s'agisse d'enfant de professionnels indépendants (4,6 % ont ainsi un père agriculteur exploitant, artisan ou commerçant) ou de salariés (11,7 % ont ainsi un père ouvrier ou employé).

Bien que le recrutement social des magistrats tende « à se démocratiser, bien que de façon contenue »112(*), il demeure très similaire - voire plus défavorable à certaines classes moyennes ou populaires - à celui d'autres grandes écoles constituant des viviers de recrutement pour le service public, en particulier s'agissant des auditeurs de justice effectuant leur scolaire à l'École nationale de la magistrature (ENM), comme le montre le tableau ci-dessous.

Comparaison de l'origine sociale dans diverses grandes écoles

Source : Mission de recherche droit et justice,
Yoann Demoli et Laurent Willemez, juin 2019113(*)

Si les recrutements dits « latéraux » - hors du cadre de l'auditorat - permettent de diversifier le recrutement social du corps judiciaire, l'auditorat et, en son sein, le premier concours - destiné aux étudiants -, demeurent une voie privilégiée d'accès au corps (au 1er janvier 2023, 75,2 % des membres du corps étaient issus de l'un des trois concours conduisant à l'auditorat, l'écrasante majorité - 68,5 % du total du corps - étant issue du premier concours) qui semble constituer un frein à la diversité sociale au sein du corps, comme le montre le tableau ci-dessous.

Source : étude d'impact du projet de loi

Un tel constat n'a donc pas connu d'évolution favorable significative, malgré l'ouverture de classes préparatoires intégrées114(*), dites « prépas Talent ». Selon l'étude d'impact, entre leur création en 2008 et 2021, ces classes préparatoires ont permis le recrutement de 167 auditeurs de justice, soit 26,6 % des élèves qu'elles ont formés. Néanmoins, comme le relève l'étude d'impact, l'efficacité de ce dispositif semble aujourd'hui moindre : « au sein de la promotion 2023, composée de 380 auditeurs de justice dont 233 issus du premier concours, seulement 11 auditeurs sont issus des classes préparatoires de l'ENM, représentant seulement 5 % des auditeurs de justice du premier concours. » Encourageants, ces premiers résultats semblent donc insuffisants au regard de la promotion de l'égalité des chances et de la nécessité d'une justice aussi représentative que possible.

Afin de répondre à cet état de fait, constaté plus généralement dans l'accès à la haute fonction publique, le rapport rendu par Frédéric Thiriez relatif à la haute fonction publique en 2020 avait proposé la création d'un concours spécial, « voie d'accès "égalité des chances" », dans une proportion néanmoins « très minoritaire » du recrutement, de l'ordre de 10 à 15 % du total des postes ouverts115(*).

En conséquence, l'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public a prévu l'organisation, à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2024, de concours externes spéciaux ouvert aux personnes ayant suivi, dans les quatre années précédant l'année d'ouverture du concours, « un cycle de formation préparant à l'un ou plusieurs des concours externes d'accès à ces écoles, accessible au regard de critères sociaux, et à l'issue d'une procédure de sélection ». Le décret n° 2021-239 du 3 mars 2021 instituant des modalités d'accès à certaines écoles de service public et relatif aux cycles de formation y préparant prévoit la liste des écoles concernées par le dispositif116(*), dont l'École nationale de la magistrature ne fait pas partie, eu égard notamment au caractère organique de dispositions ouvrant un concours de recrutement au sein du corps judiciaire.

En conséquence et parallèlement, le dispositif prévu à l'article 11 prévoit, à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2026, un concours spécial de recrutement des auditeurs de justice, modelé sur le premier concours.

Le dispositif proposé présente ainsi de nettes similitudes avec les dispositifs régissant actuellement ces concours spéciaux :

- la durée de l'expérimentation est d'environ trois ans ;

- le vivier des candidats est composé des personnes ayant suivi, dans les quatre années précédant l'année d'ouverture du concours, « un cycle de formation préparant à l'un ou plusieurs des concours externes d'accès à ces écoles, accessible au regard de critères sociaux, et à l'issue d'une procédure de sélection » ;

- le jury, les programmes et les épreuves sont identiques à ceux du concours externe de référence ;

- le nombre maximal de places offertes ne peut dépasser 15 % du concours externe de référence.

Un rapport d'évaluation devra être remis au Parlement six mois au plus tard avant le terme de l'expérimentation, sur cette dernière.

2. La position de la commission : un dispositif à même de mieux garantir l'ouverture du corps judiciaire tout en garantissant la qualité du recrutement

La commission s'est prononcée en faveur de ce dispositif, dont il lui a semblé qu'il parvenait à un équilibre satisfaisant entre le renforcement de la représentativité du corps et l'exigence d'un niveau élevé de recrutement au recrutement, garantie de la qualité des décisions judiciaires.

La commission a été particulièrement attentive à ce que les jurys, programmes et épreuves soient identiques à ceux du premier concours. Comme dans le cas des autres concours spéciaux en cours d'expérimentation117(*), cette condition semble de nature à garantir la qualité du recrutement.

La commission a en conséquence adopté l'article, sous réserve d'une modification rédactionnelle apportée par l'amendement COM-60 des rapporteurs.

La commission a adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 12
Dispositions transitoires et d'entrée en vigueur

L'article 12 tend à prévoir l'entrée en vigueur et les dispositions transitoires rendues nécessaires par les articles du présent projet de loi organique.

Outre une clarification rédactionnelle, la commission a adopté l'article en portant de quatre à trois ans la durée du moratoire sur les quotas de recrutement par concours professionnel, en lien avec sa position sur l'article 1er.

Les dispositions transitoires et d'entrée en vigueur n'ont, dans leur ensemble, pas appelé de remarque particulière de la part de la commission. Celle-ci a néanmoins adopté trois amendements, liés notamment à sa position sur les articles 1er et 3 du présent projet de loi.

À titre principal, l'amendement COM-61, adopté à l'initiative des rapporteurs, tend à prévoir que le moratoire sur les quotas de recrutement au titre des concours professionnels est ramené de quatre à trois ans. Un tel moratoire serait de nature à déstabiliser la structure du corps pourtant prévue par le projet de loi organique alors que l'essentiel des recrutements est supposé avoir lieu jusqu'à l'exercice 2027. Dans ces conditions, il est prévu de ramener ce moratoire à trois ans au lieu de quatre.

L'amendement COM-62, adopté à l'initiative des rapporteurs, tend quant à lui à prévoir des mesures transitoires liées à l'amendement des rapporteurs à l'article 3. Enfin, l'amendement COM-63 des rapporteurs, procède à une coordination.

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EXAMEN DES ARTICLES
DU PROJET DE LOI

TITRE IER
OBJECTIFS ET MOYENS DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Article 1er
Approbation du rapport annexé et programmation budgétaire

L'article 1er tend à approuver le rapport annexé au projet de loi et à prévoir la programmation budgétaire du ministère de la justice pour les exercices 2023 à 2027. Il tend également à fixer un objectif de création nette de 1 500 emplois de magistrats et de 1 500 greffiers.

Saluant l'effort budgétaire ainsi consenti, la commission a adopté cet article. Elle a néanmoins rehaussé de 1 500 à 1 800 le nombre net d'emplois de greffiers qu'il conviendra de créer et prévu la création nette de 600 emplois de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation.

1. Une programmation budgétaire et des orientations répondant
à l'urgence

Le constat formulé lors des États généraux de la justice est clair : l'institution judiciaire est « au bord de la rupture »118(*). En cause, selon le comité des États généraux de la justice : des « décennies de politiques publiques défaillantes ». Face à cette crise, dont la tribune dite « des 3 000 » magistrats119(*), greffiers et auditeurs de justice a constitué l'acmé, un renforcement des moyens de la justice paraît bienvenu.

L'article 1er du présent projet de loi prévoit en conséquence une augmentation des moyens, entre les crédits de paiement - hors compte d'affectation spéciale (CAS) pension - votés en loi de finances initiale pour 2022 et ceux programmés pour l'exercice 2027, de l'ordre de 1,89 milliard d'euros, soit 21,28 %, pour atteindre 10,75 milliards d'euros. L'essentiel de cette augmentation serait concentré sur les exercices 2023 à 2025, le montant des crédits de paiement programmé pour 2025 atteignant déjà 10,68 milliards d'euros.

En prenant en compte les hypothèses d'inflation formulées par le Gouvernement pour le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023 à 2027, l'augmentation des moyens en volume serait néanmoins plus modeste, de l'ordre de 6,8 % environ.

Tableau d'évolution de la programmation budgétaire
pour les années 2023 à 2027

Crédits de paiement hors CAS pensions

2022
(pour mémoire)

2023

2024

2025

2026

2027

Évolution 2022-2027

Budget du ministère de la justice
(en millions d'euros)

8 862

9 579

10 081

10 681

10 691

10 748

1 886

Évolution prévisionnelle en valeur

NA

8,09%

5,66%

6,77%

0,11%

0,64%

21,28%

Inflation prévisionnelle
(LPFP 2023-2027)

NA

4,30%

3,00%

2,10%

1,75%

1,75%

13,56%

Évolution prévisionnelle en volume

NA

3,63%

2,18%

3,77%

-1,63%

-1,20%

6,80%

Source : commission des lois du Sénat,
à partir des prévisions d'inflation pour la LPFP 2023-2027

Auditionné par la commission, le garde des sceaux, ministre de la justice, Éric Dupond-Moretti a estimé que cette augmentation des moyens devait permettre de financer quatre priorités :

- la réalisation du programme immobilier du ministère de la justice, qui inclut la rénovation, l'entretien et la construction de l'immobilier judiciaire et pénitentiaire - dont la construction de places supplémentaires de prison, dont le coût représente, en 2023, 323 millions d'euros de crédits de paiement ;

- la conduite de la modernisation des outils numériques du ministère ;

- la revalorisation des rémunérations des agents du ministère, ce qui inclut la hausse de 1 000 euros mensuels pour les magistrats120(*) ;

- les recrutements de magistrats, greffiers et assistants de justice en particulier.

Sur ce dernier point, l'article 1er prévoit la création nette de 9 395 emplois (605 des 10 000 emplois annoncés ayant déjà été créés en 2022 au titre de la justice de proximité).

Il prévoit une clé de répartition très rudimentaire de ces créations d'emplois, disposant que 1 500 d'entre elles concerneront les magistrats et 1 500 autres concerneront les greffiers. Le schéma d'emplois transmis par les services de la Chancellerie est retracé dans le tableau ci-dessous.

Trajectoire prévisionnelle de création des emplois de 2022 à 2027

Exercice

LFI 2022

2023

2024

2025

2026

2027

Schéma d'emplois en
équivalents temps plein
(écart cumulé)

0

2 913

4 829

6 736

8 356

10 000

Source : secrétariat général du ministère de la justice

Enfin, outre la précision du périmètre budgétaire constituant la mission « justice » - qui demeurerait inchangée - l'article 1er du présent projet de loi prévoit l'approbation du rapport annexé à ce dernier. Ce rapport a essentiellement vocation à décliner le plan d'action pour la justice annoncé par le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, le 5 janvier 2023 à l'issue des États généraux de la justice.

2. La position de la commission : une programmation à préciser, des orientations à contrôler

2.1. Une programmation budgétaire bienvenue, à préciser

La commission a jugé bienvenue l'augmentation proposée des moyens alloués au ministère de la justice. Cette programmation est similaire à celle votée par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027, qui prévoyait des plafonds de crédits de paiement de 9,6, 10,1 et 10,7 milliards d'euros respectivement pour les exercices 2023, 2024 et 2025. Dans la mesure où les exercices 2026 et 2027 ne prévoient une hausse des crédits que de l'ordre de 67 millions d'euros, la commission a estimé que l'essentiel de la hausse proposée des crédits a déjà fait l'objet d'un consensus.

La commission a également relevé que la programmation ainsi opérée s'inscrivait dans des hausses de crédits pour les ministères régaliens (intérieur, justice et armées) relativement similaires : la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) et le projet de loi de programmation militaire prévoient ainsi des augmentations de crédits de paiement de l'ordre de 21,99 % sur 2022-2027 et de 22,81 % sur 2023-2027 respectivement, soit un ordre de grandeur similaire à celui retenu par l'article 1er du présent projet de loi.

Les rapporteurs ont néanmoins rejoint l'avis du haut conseil des finances publiques (HCFP), qui relève dans son avis sur le projet de loi que l'augmentation proposée se traduira, pour respecter les objectifs de dépense publique fixés, par une diminution relative des crédits ouverts pour d'autres missions : « les crédits couverts par ces lois de programmation [la LOPMI et le projet de loi de programmation militaire] vont connaître une croissance plus rapide que le total de la dépense de l'État, imposant, pour respecter l'objectif de dépenses fixé en projet de loi de programmation des finances publiques, une croissance faible des autres dépenses en valeur entre 2023 et 2027 (+ 0,7 % en moyenne), correspondant à une baisse de ces dépenses en volume sur la période (- 1,4 % en moyenne). » Elles ont également rejoint l'avis formulé par le Conseil d'État121(*) et estimé qu'une programmation plus fine, par programme - au-delà des exercices 2024 et 2025, qui sont déjà déclinés par programme dans le cadre du programme annuel de performances pour 2023 - et, s'agissant des recrutements, par année et par catégorie d'emplois, aurait permis de mieux éclairer la représentation nationale sans constituer une contrainte excessive de gestion, s'agissant de dispositions de portée programmatique.

En toute hypothèse, la programmation proposée pour le ministère de la justice a paru à même d'apporter un début de réponse à la crise que connaît le service public de la justice et a donc emporté l'accord de la commission.

Celle-ci a néanmoins souhaité préciser, par l'adoption de l'amendement COM-102 des rapporteurs, la répartition des créations nettes d'emplois prévues à l'article 1er.

En premier lieu, et à titre principal, la commission a prévu une répartition générale des emplois ainsi créés entre trois métiers essentiels au bon fonctionnement de la justice. D'une part, le nombre de 1 500 magistrats, qui constitue un objectif de recrutement raisonnable serait conservé en l'état : une fois que les travaux d'évaluation de la charge de travail des magistrats seront conduits à leur terme, ce total pourra néanmoins être réévalué. D'autre part, le nombre net d'emplois de greffiers créés serait porté de 1 500 à 1 800, en cohérence avec le ratio ayant généralement cours dans les juridictions de 1,2 greffier pour 1 magistrat. Enfin, conformément aux préconisations du rapport d'information, présenté au nom de la commission des lois, par Marie Mercier et Laurence Harribey sur l'évaluation des services pénitentiaires d'insertion et de probation, l'amendement prévoit la création de 600 postes de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation122(*).

En second lieu, elle a clarifié le nombre total des créations nettes sur la période 2023-2027, qui sera de 9 395 équivalents temps plein, pour les raisons évoquées ci-avant.

2.2. Des orientations à contrôler et enrichir

La commission a pris acte des orientations évoquées dans le rapport annexé. Eu égard à la multiplicité des sujets évoqués, qui entretiennent souvent un lien particulièrement ténu avec le projet de loi, il n'a pas paru à la commission opportun d'en modifier les équilibres.

Le plan d'actions contenu dans cet acte, dont la portée normative est nulle et qui ne constitue qu'un engagement politique du Gouvernement, devra néanmoins faire l'objet d'une attention vigilante du Parlement : l'approbation du rapport annexé ne valant pas quitus pour un plan d'actions à la confection duquel il n'a pas été associé, il lui reviendra d'exercer ses prérogatives de contrôle de l'action du Gouvernement dans toute leur latitude.

La commission a néanmoins accepté que le rapport annexé soit complété par l'amendement COM-155 du Gouvernement relatif à l'organisation des juridictions dans le cadre de la lutte contre les violences intrafamiliales. Il prévoit notamment la constitution de pôles spécialisés, au siège comme au parquet, ainsi que la création d'un comité de pilotage unique à l'échelle de la juridiction, dit « COPIL VIF ».

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION ET À LA MODERNISATION DE LA PROCÉDURE PÉNALE

CHAPITRE 1ER
HABILITATION RELATIVE À LA RÉÉCRITURE
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

Article 2
Habilitation donnée au Gouvernement de procéder à droit constant à la recodification du code de procédure pénale afin d'en clarifier la rédaction et le plan

L'article 2 demande au Parlement d'habiliter le Gouvernement pendant vingt-quatre mois afin de clarifier la rédaction et le plan du code de procédure pénale.

Cette habilitation est donnée à droit constant.

La commission a adopté cet article en reportant l'entrée en vigueur de l'ordonnance.

1. Une clarification à droit constant

La clarification et la restructuration du code de procédure pénale sont indispensables au regard de la complexité liée aux modifications successives du code de procédure pénale. En dehors de toute modification de fond, le Gouvernement souhaite conduire ce travail pendant une période de vingt-quatre mois et a mis en place un comité scientifique à cette fin, dans le cadre d'une habilitation à intervenir par ordonnance dans le domaine de la loi. Il demande par ailleurs un délai de six mois entre la publication de l'ordonnance et le dépôt du projet de loi de ratification devant le Parlement.

Cette habilitation est demandée à droit constant. Le respect du droit constant connaît cependant des limites. Il pourra ainsi être dérogé au respect du droit constant pour apporter :

- les modifications nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes ;

- les modifications nécessaires pour assurer la cohérence rédactionnelle des textes ;

- les modifications nécessaires pour harmoniser l'état du droit ;

- les modifications nécessaires pour remédier aux éventuelles erreurs ou omissions ;

- l'abrogation des dispositions obsolètes ou devenues sans objet.

Ces dérogations trouvent des précédents dans d'autres habilitations à droit constant.

Plus originale est la demande de pouvoir déroger au droit constant « pour procéder aux adaptations terminologiques utiles, notamment pour revoir les dispositions dont la formulation peut paraître remettre en cause la présomption d'innocence ». Il résulte des échanges avec la chancellerie que cette formulation est issue de la proposition n° 25 du rapport d'Elisabeth Guigou publié en octobre 2021, intitulé « La présomption d'innocence : un défi pour l'État de droit », qui invite à « poursuivre le travail d'identification des dispositions du code de procédure pénale dont la formulation est susceptible de remettre en cause la présomption d'innocence de la personne mise en cause, et envisager le cas échéant leur modification ou l'adoption de pratiques susceptibles de l'éviter. »

Il s'agit notamment d'éviter de conserver des formulations faisant référence à « l'auteur d'une infraction » dans des dispositions qui concernent en réalité des personnes suspectées ou poursuivies, mais qui sont toujours présumées innocentes car leur culpabilité n'a pas été établie ou reconnue. Tel est le cas, par exemple, de l'article 73 du code de procédure pénale qui permet l'arrestation de l'auteur d'un crime flagrant devra faire référence à la personne suspectée d'un tel crime.

Le garde des sceaux a, lors de son audition, rappelé les contrôles permettant de garantir le respect du champ de son habilitation par le Gouvernement, que ce soit, en amont de la publication de l'ordonnance, la commission de codification ou, après sa publication, le Conseil d'État.

2. La position de la commission : une solution qui n'apparaît pas à la hauteur des attentes

La commission des lois estime que la demande d'habilitation du Gouvernement n'emporte pas la conviction.

La méthode poursuivie, qui n'apparaît pas claire, ne permet pas d'atteindre l'objectif initialement affiché de simplification de la procédure pénale. Elle ne consiste en effet qu'en une clarification des dispositions existantes. Dès lors, il est nécessaire de s'assurer que le Parlement sera en mesure de mener ce processus à son terme.

Il est en conséquence impératif que le Parlement puisse se saisir des dispositions de l'ordonnance, entre son adoption et son entrée en vigueur, afin de l'examiner au fond et d'y apporter toutes les modifications nécessaires, en particulier pour la simplification de la procédure pénale, qui est attendue par l'ensemble des acteurs.

La commission a donc adopté l'amendement COM-103 des rapporteurs tendant à différer d'une année l'entrée en vigueur de l'ordonnance, tout en imposant que le projet de loi de ratification soit déposé dans les trois mois de l'adoption de l'ordonnance.

Le délai différé d'entrée en vigueur doit permettre au Parlement d'examiner sereinement le projet de loi de ratification déposé par le Gouvernement et de procéder aux compléments nécessaires avant que les dispositions nouvelles de procédure pénale viennent à s'appliquer, en vue d'une véritable simplification et non d'une simple clarification.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 2 bis (nouveau)
Modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises

Cet article additionnel issu de l'amendement COM-1 rect., porté par Jean-Claude Requier tend à préciser les cas dans lesquels l'arrêt d'une cour d'assises vaut titre de détention.

Il reprend le texte de la proposition de loi qu'il avait déposée, visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises, adoptée par le Sénat le 16 novembre 2022.

Ainsi que l'a rappelé Maryse Carrère dans son rapport sur la proposition de loi déposée par le Jean-Claude Requier123(*), l'article 367 du code de procédure pénale précise le sort de l'accusé qui comparaît devant une cour d'assises une fois l'arrêt rendu.

Plusieurs fois modifié, cet article distingue depuis l'entrée en vigueur de l'article 6 de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire deux cas en matière de mandat de dépôt.

Dans le premier, « si l'accusé est condamné à une peine de réclusion criminelle tant que l'arrêt n'est pas définitif et, le cas échéant, pendant l'instance d'appel, l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention jusqu'à ce que la durée de détention ait atteint celle de la peine prononcée ».

Dans le second, « lorsque l'accusé n'est pas détenu au moment où l'arrêt est rendu et qu'il est condamné à une peine d'emprisonnement, la cour peut, par décision spéciale et motivée, décider de décerner mandat de dépôt, à effet immédiat ou différé ».

Il s'agit par cette distinction d'éviter que l'arrêt de la cour d'assises ne vaille systématiquement mandat de dépôt, spécialement dans les cas où la condamnation est susceptible d'être faible et où aucune mesure particulière de sûreté ne paraît nécessaire.

Cependant, la référence aux seules condamnations à une peine de réclusion « criminelle » a laissé de côté les cas dans lesquels un détenu comparaîtrait détenu devant la cour d'assises, et serait condamné à une peine correctionnelle.

La combinaison des deux cas prévus à l'article 367 et de cet oubli rédactionnel pourrait, malgré l'adoption par la Gouvernement de dispositions réglementaires destinées à préciser l'application de l'article, avoir pour conséquence de conduire à la la libération d'un détenu faute de base légale pour le maintenir en détention.

Dans sa rédaction adoptée par la commission, la proposition de loi de Jean-Claude Requier permet de résoudre cette difficulté en prévoyant que l'arrêt de la cour d'assise vaut mandat de dépôt dans tous les cas où le mis en cause comparaît détenu devant la cour d'assise. Le Sénat a adopté cette proposition de loi le 16 novembre 2022. Elle n'a cependant pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. En conséquence la commission a adopté l'amendement COM-1 rect qui reprend cette disposition.

La commission a adopté l'article 2 bis ainsi rédigé.

CHAPITRE 2
DISPOSITIONS AMÉLIORANT LE DÉROULEMENT
DE LA PROCÉDURE PÉNALE

SECTION 1 : DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENQUÊTE, À L'INSTRUCTION AU JUGEMENT ET À L'EXÉCUTION DES PEINES

Article 3
Diverses dispositions de procédure pénale

L'article  3 réforme la procédure pénale sur dix points sans relations ou faiblement liées entre eux, afin de prévoir :

- l'extension de la possibilité de recourir aux perquisitions de nuit ;

- la possibilité de téléconsultation médicale en cas de renouvellement de la garde à vue ;

- l'extension des droits ouverts aux témoins assistés ;

- la création d'une assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE), sous condition suspensive de faisabilité avec une détention provisoire ;

- des possibilités offertes au procureur appelé à mieux se pourvoir ;

- la possibilité pour le juge des libertés et de la détention de modifier un contrôle judiciaire ou une ARSE ;

- l'unification des délais de jugement en matière de détention provisoire ;

- la possibilité de prononcer une ARSE en cas de détention provisoire irrégulière ;

- l'assouplissement du recours aux moyens de communication pour les interprètes au cours de la détention provisoire ;

- la possibilité d'activer à distance des appareils à des fins soit de géolocalisation, soit, dans le cadre des techniques spéciales d'enquête, de captation d'image et de son.

La commission a adopté cet article sous réserve de précisions tendant à mieux garantir les droits des personnes.

1. Des modifications de fond ponctuelles de certaines dispositions de procédure pénale

1.1. L'extension de la possibilité de recourir aux perquisitions de nuit

L'article 3 propose d'abord de créer un article 59-1 dans le code de procédure pénale afin d'ouvrir, au-delà des cas de la lutte contre le terrorisme ou de criminalité organisée, la possibilité de recourir à des perquisitions de nuit pour tous les crimes flagrants contre les personnes.

Deux garanties sont prévues pour encadrer cette dérogation au principe et autoriser les perquisitions entre 21 heures et 6 heures du matin ::

- d'une part, ces perquisitions ne pourront être autorisées que par le juge des libertés et de la détention ;

- d'autre part, leur réalisation devra être nécessaire, soit pour prévenir un risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique, soit pour prévenir un risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d'être commis, soit pour permettre l'interpellation de l'auteur du crime.

1.2. La possibilité de recours à la téléconsultation médicale en cas de renouvellement de la garde à vue

L'article 3 propose de compléter l'article 63-3 du code de procédure pénale relatif à la visite médicale au cours de la garde à vue. Il ouvre au procureur la possibilité d'autoriser le recours à la téléconsultation pour une visite médicale demandée lors du renouvellement d'une garde à vue.

Cette possibilité est réservée à l'examen des majeurs non protégés et soumise éventuellement au consentement du membre de la famille qui a demandé l'examen. La définition de ses modalités est renvoyée à un décret en Conseil d'État.

L'alinéa proposé précise que le médecin se prononce sur la nécessité d'un examen physique direct et peut, s'il l'estime nécessaire, se faire présenter la personne.

1.3. Le renforcement du recours au statut de témoin assisté

L'article 3 propose de modifier l'article 80-1-1 du code de procédure pénale afin d'ouvrir la possibilité à une personne mise en examen de contester ce statut dans les six jours de sa notification, afin d'obtenir d'être placé sous celui de témoin assisté.

Il propose également d'accorder aux témoins assistés les mêmes possibilités qu'aux personnes mises en examen de demander des expertises et de contester une décision du juge qui refuse de faire droit à une demande de constatation de la prescription de l'action publique.

1.4. Une ARSE précédée d'une incarcération provisoire

L'article 3 propose d'intégrer dans le code de procédure pénale un nouvel article 142-6-1 tendant à permettre au juge des libertés et de la détention d'ordonner le placement conditionnel de la personne mise en examen sous assignation à résidence avec surveillance électronique, en décidant de son incarcération provisoire jusqu'à la mise en oeuvre de l'assignation.

La durée de la détention provisoire préalable à l'ARSE ne peut être supérieure à quinze jours. Sa durée effective est conditionnée à la possibilité pour les services d'insertion et de probation (SPIP) d'évaluer la faisabilité de la mesure et, le cas échéant de la mettre en oeuvre. Le SPIP dispose de dix jours après la décision pour remettre au juge des libertés et de la détention le rapport sur la faisabilité de l'ARSE.

En cas d'impossibilité ou d'absence de rapport, le juge doit convoquer à nouveau la personne mise en examen pour ordonner la détention provisoire.

Si le délai global de quinze jours n'est pas respecté, la personne est remise en liberté.

1.5. La possibilité offerte au procureur de la République appelé à mieux se pourvoir

Actuellement, la juridiction de jugement, saisie selon la procédure de comparution immédiate, peut renvoyer le dossier en raison de la complexité de l'affaire et des investigations supplémentaires approfondies qu'elle nécessite. Le procureur de la République est alors appelé à mieux se pourvoir et, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, doit ouvrir une instruction.

L'article propose de compléter l'article 397-2 du code de procédure pénale pour que le procureur puisse donner à l'affaire « les suites qu'il estime adaptées ». Il disposera donc de la faculté de demander de nouveaux actes d'enquête puis de saisir à nouveau le tribunal de l'affaire, qui pourra « la renvoyer à nouveau au procureur de la République ».

Le tribunal renvoyant l'affaire au procureur doit également statuer sur le maintien du détenu en détention provisoire.

1.6. La possibilité pour le juge des libertés et de la détention de modifier un contrôle judiciaire ou une ARSE 

L'article 3 propose de compléter l'article 394 du code de procédure pénale pour transférer du tribunal correctionnel au juge des libertés et de la détention la mission de modification ou de suppression des obligations pesant sur un prévenu placé sous ARSE.

1.7. L'unification des délais de jugement en matière de détention provisoire

Il unifie également les délais de jugement en cas de détention provisoire. L'article 397-1 est modifié afin de prévoir désormais un délai unique de dix semaines, quelle que soit la peine encourue, pour juger l'affaire en cas de renvoi demandé par le prévenu. L'article 397-3 alinéa 5 est supprimé et l'alinéa 4 est modifié afin de porter de deux à trois mois le délai dans lequel le jugement au fond doit être rendu, suivant le jour de la première comparution du prévenu devant le tribunal.

1.8. La possibilité de prononcer une ARSE en cas de détention provisoire irrégulière

L'article 3 complète l'article 803-7 du code de procédure pénale, relatif aux conditions de remise en liberté immédiate d'une personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison du non-respect des délais ou formalités prévus par le code, pour prévoir la possibilité pour la juridiction de placer cette personne sous ARSE.

1.9. L'assouplissement du recours aux moyens de télécommunication pour les interprètes pendant la garde à vue

Le 20° de l'article 3 propose d'insérer un nouvel alinéa dans l'article 803-5 du code de procédure pénale afin d'ouvrir la possibilité de recourir à l'assistance d'un interprète par l'intermédiaire d'un moyen de communication.

Les modalités en seront fixées par décret en Conseil d'État.

1.10. L'activation à distance d'un appareil électronique aux fins de géolocalisation ou de captation d'image et de son

Les 35° et 60° de l'article 3 ouvrent la possibilité d'activation à distance d'un appareil électronique dans deux cas et pour des usages distincts.

Le 35° tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 230-34-1 permettant au juge des libertés et de la détention d'autoriser l'activation à distance et à l'insu de son propriétaire d'un appareil afin de le géolocaliser en temps réel. Cette possibilité n'est offerte, à la demande du procureur ou du juge d'instruction, que pour un crime ou un délit puni d'au moins 5 ans d'emprisonnement. Ne peuvent être géolocalisés les appareils des députés, sénateurs et avocats.

Le 60° insère dans le code un nouvel article 706-96-2 afin de permettre l'activation à distance d'un appareil en tant que nouvelle technique spéciale d'enquête pour la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme à fin de captation d'image et de son.. L'autorisation donnée dans le cadre d'une enquête est accordée pour une durée de 15 jours renouvelable une fois, et dans le cadre d'une instruction, pour deux mois renouvelables jusqu'à une durée maximale de six mois.

Les appareils des députés, sénateurs et avocats ne peuvent faire l'objet de cette activation. De plus, ne peuvent être transcrites les données collectées dans les lieux suivants :

- cabinet ou domicile d'un avocat ;

- locaux d'une entreprise de presse, audiovisuelle ou de communication publique en ligne, véhicule professionnel de ces entreprises ou agences, domicile d'un journaliste ;

- cabinet ou domicile d'un médecin, d'un notaire ou d'un huissier ;

- locaux d'une juridiction ou domicile d'une personne exerçant des fonctions juridictionnelles.

2. La position de la commission : un ensemble de dispositions qui traduit une absence de vision globale de la réforme de la procédure pénale

La réunion en un article unique de dix modifications d'importance inégale de la procédure pénale pose une première question de méthode. Elle se présente formellement comme le pendant de l'article 2 et de l'habilitation à re-codifier à droit constant le code. À l'article relatif à la clarification du droit correspondrait ainsi, selon le Gouvernement, l'article de réformes issues des réflexions des États généraux de la justice. Mais le caractère disparate des réformes proposées montre surtout une absence de réflexion sur l'évolution souhaitable de la politique pénale à laquelle se substitue une multiplicité d'ajustements ponctuels.

Deux types de mesures peuvent finalement être distingués : d'une part, des mesures posant un problème en matière de libertés publiques mais facilitant l'action de la police et de la justice ; d'autre part, des mesures présentées comme protégeant les droits des personnes mais dont les effets pratiques suscitent le scepticisme des praticiens. Quelques mesures enfin concernent principalement l'organisation de la justice.

2.1. Des enjeux de liberté publique

Cinq mesures des mesures proposées ont soulevé des débats en raison de l'atteinte qu'elles portent aux libertés publiques. Elles posent, comme cela est toujours le cas, la question de la conciliation entre la nécessité de réprimer de manière efficace les crimes et délits et la protection des libertés. De manière plus contestable, certaines paraissent devoir amoindrir les garanties offertes aux libertés pour prendre en compte des questions d'organisation des services de police et de justice.

La possibilité de déroger pour toutes les atteintes flagrantes aux personnes à l'interdiction de procéder à des perquisitions de nuit a fait l'objet de deux types de critiques. La première est de principe. La mesure remplace en effet une garantie légale protectrice de la vie privée par une appréciation laissée au juge de la liberté et de la détention, et étend à des crimes de droit commun des procédures destinées initialement à la lutte contre le terrorisme puis élargies à celle contre la criminalité organisée. La seconde critique porte sur le champ de la dérogation accordée, qui peut être justifiée par le risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique, un risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d'être commis, ou pour permettre l'interpellation de son auteur. On peut relever que le risque d'atteinte à la vie permet déjà, dans certaines circonstances, l'entrée des forces de sécurité dans un lieu d'habitation privée. Plus complexe, l'appréciation du risque immédiat de disparition des preuves appellera nécessairement un contrôle particulièrement étroit du juge en raison de son caractère subjectif. Enfin, l'interpellation de l'auteur met en balance le respect de la vie privée et les contraintes opérationnelles des forces de police et de gendarmerie.

La chancellerie justifie cette mesure en s'appuyant sur des exemples tirés de la lutte contre les violences intrafamiliales, mais sans fournir d'éléments quantitatifs sur le nombre d'affaires dans lesquelles la dérogation aux horaires d'enquête aurait été nécessaire mais n'a pas été possible par le passé. Le dispositif proposé a néanmoins paru à la commission équilibré et de nature à favoriser la protection des personnes Afin de garantir la proportionnalité des mesures proposées elle a adopté l'amendement COM-63 de Guy BENARROCHE limitant la possibilité de perquisition de nuit en cas de danger pour les personnes aux cas où ce danger est « imminent ».

La lutte contre les violences intrafamiliales est également invoquée pour justifier la possibilité de mise sous ARSE d'une personne dont la détention provisoire a été reconnue irrégulière pour non-respect des délais de procédure. Ici encore, les questions d'organisation de la justice doivent être conciliées avec l'encadrement nécessaire de la détention provisoire. La commission a estimé qu'au regard des risques posés par certains détenus, une mesure d'ARSE pouvait être adaptée et proportionnée.

Ce sont les difficultés à obtenir des médecins qui justifient la possibilité de recourir, en cas de renouvellement d'un garde à vue, à une téléconsultation. Il est parallèlement proposé, pour des difficultés analogues, de pouvoir recourir à tout moment de la garde à vue à un interprète par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication. Si la commission a admis la simplification demandée pour le recours à un interprète, en revanche, à l'initiative des rapporteurs, elle a adopté l'amendement COM-104 tendant à circonscrire les téléconsultations au cas des personnes ayant déjà fait l'objet d'un examen médical au cours de la garde à vue, ceci afin de sécuriser les procédures.

La mesure ayant sans doute le plus suscité de débats est celle permettant l'activation à distance des appareils électroniques. La présentation de dispositions multiples en un article unique et les raccourcis inévitables en matière de présentation montrent ici leurs défauts. Les deux finalités distinctes de l'activation, la géolocalisation et la captation d'image et de sons, ont fait l'objet d'assimilations préjudiciables. Le champ d'autorisation de la géolocalisation en temps réel, possible pour toutes les infractions punies d'au moins cinq ans de prison, est effectivement large, et elle est interdite pour les seuls parlementaires et avocats. Néanmoins, l'intrusion dans la vie privée demeure circonscrite et proportionnée à l'objectif poursuivi. Dans ce cadre, la captation d'images et de sons serait à l'évidence inconstitutionnelle.

Mais tel n'est pas le but des dispositions proposées. La captation d'images et de sons par activation à distance d'un appareil électronique ne sera possible que dans le cadre des techniques spéciales d'enquête, limitée à la lutte contre la criminalité organisée et placée sous un contrôle renforcé du juge. Les lieux où la captation pourra être retranscrite sont par ailleurs limités et protègent, outre les parlementaires et avocats, le secret professionnel des journalistes, médecins, notaires et huissiers. La commission a donc estimé que cette mesure, techniquement nécessaire face à l'évolution de la criminalité organisée, était suffisamment encadrée.

2.2. Des mesures à l'efficacité contestée

Plusieurs mesures présentées comme plus respectueuses des droits des personnes ont fait l'objet de critiques de la part des magistrats. L'augmentation des droits reconnus aux témoins assistés a ainsi paru peu efficace et porteuse de risque de détournements à plusieurs associations et syndicats. La commission s'est interrogée sur le choix opéré par le projet de loi, qui marque ici encore la volonté de procéder à un ajustement plus qu'à un choix véritable tel que préconisé par les États généraux de la justice, à savoir le report de la possibilité de mise en examen à la fin de l'instruction. Elle a néanmoins considéré que la mesure proposée pouvait contribuer aux droits de la défense, à condition de faire l'objet d'une évaluation.

De même, les mesures tendant à favoriser l'ARSE ont paru peu réalistes à certains magistrats. Ces mesures sont soumises à une double critique : d'une part, les difficultés de coordination entre les services judiciaires et pénitentiaires pour la mise en oeuvre de la mesure ; d'autre part, l'efficacité des mesures d'ARSE qui paraissent insuffisamment sûres par rapport à la détention provisoire.

Il apparaît à la commission que l'ARSE doit faire ses preuves auprès des magistrats. Elle tient par ailleurs à saluer l'implication des services de l'administration pénitentiaire. Ici encore, une évaluation de l'efficacité des mesures relatives à l'ARSE devra être conduite dans la période de programmation budgétaire.

2.3. Des mesures d'organisation de la justice

Deux mesures, la faculté laissée au procureur de ne pas ouvrir d'instruction lorsqu'il est appelé à mieux se pourvoir et l'unification des délais en matière de détention provisoire, ont paru à la commission de nature à faciliter le bon déroulement des procédures.

Elle relève cependant que les nouvelles possibilités ouvertes au procureur supposent de bonnes relations entre celui-ci et les magistrats du siège afin d'éviter les séries d'allers-retours de procédures au détriment des justiciables et des victimes.

La commission a adopté les amendements de précision et de coordination COM-105, COM-106 et COM-107 des rapporteurs.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 3 bis (nouveau)
Accès des statisticiens publics aux données des affaires en cours

Cet article additionnel issu de l'amendement COM-108 proposé par les rapporteurs tend à garantir l'accès des statisticiens publics aux données des affaires en cours afin de garantir la fiabilité des statistiques publiques.

La mission d'information conjointe de la commission des lois et de la commission de la culture sur la délinquance des mineurs124(*) a récemment fait le constat de la difficulté à obtenir des éléments statistiques fiables permettant de dresser un constat objectif sur l'évolution de ce phénomène. Sa première recommandation était en conséquence la suivante, « mettre en place un suivi statistique de la délinquance des mineurs sur l'ensemble de la chaîne pénale fiable sur le temps long et publier des indicateurs annuels globaux et détaillés (ministère de l'intérieur, ministère de la justice) ».

Cette préoccupation rejoint celle des autorités en charge de la statistique dans les deux ministères et de l'Autorité de la statistique publique (ASP), autorité de régulation chargée de garantir l'indépendance professionnelle du système statistique public et d'assurer le respect par ses différentes composantes des principes du Code de bonnes pratiques de la statistique européenne. L'ASP a déploré plusieurs fois dans ses travaux que des difficultés soient opposées aux services statistiques ministériels de la justice, mais aussi et surtout de l'intérieur, pour l'accès aux données sur les procédures judiciaires à des fins d'établissement de statistiques répondant aux standards internationaux et incontestables dans ce secteur. L'ASP a ainsi appelé, à la page 9 de son dernier rapport annuel125(*), à trouver au plus vite une solution juridique adéquate.

La difficulté provient d'une interprétation restrictive par la direction des affaires juridiques du ministère de l'intérieur de l'article 11 du code de procédure pénale, donnant au secret de l'enquête et de l'instruction primat sur l'article 7 bis de la loi n°51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, laquelle prévoit que « le service statistique public accède aux données détenues par les administrations nonobstant toutes dispositions contraires relatives au secret professionnel », et ceci dans le cadre du strict respect d'un secret statistique protégé par des sanctions pénales, et dans le cadre de traitements autorisés par la Cnil.

Afin de permettre aux deux services statistiques de faire face sans difficultés à leurs missions et de préparer un grand projet de suivi longitudinal commun des procédures pénales, appelé de ses voeux par le Conseil national de l'information statistique et par la commission des lois, les rapporteurs ont proposé à la commission qui l'a adopté, l'amendement COM-108 .

La commission a adopté l'article 3 bis ainsi rédigé.

Article 4
Dispositions tendant à favoriser le recours au travail d'intérêt général

L'article  4 procède à différents ajustements tendant à favoriser le recours au travail d'intérêt général (TIG) :

- la pérennisation du recours au TIG dans les entreprises relevant de l'économie sociale et solidaire et la prolongation de l'expérimentation tendant à le développer dans les sociétés à mission ;

- la détermination d'une peine maximale d'emprisonnement en cas de non-respect du TIG ;

- l'obligation de transmettre dès la condamnation à un TIG une convocation devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation ;

- la clarification des hypothèses dans lesquelles le juge d'application des peines peut convertir une peine en travail d'intérêt général, ces hypothèses étant limitées aux cas où le travail d'intérêt général avait été envisagé ou à ceux où a été décidé une ARSE, un régime de semi-liberté ou de placement à l'extérieur.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Un recours au TIG difficile à développer

1.1. Augmenter les offres

L'article 4 tire les conséquences des expérimentations lancées en 2019 pour pérenniser la possibilité de TIG dans les entreprises du secteur de l'économie sociale et solidaire en modifiant l'article 131-8 du code pénal (alinéas 2 et 3).

L'expérimentation parallèle de TIG dans les entreprises à mission avec la poursuite d'objectifs sociaux et environnementaux n'a en revanche pas pu être conduite en raison de la difficulté à habiliter ces sociétés. Elle est donc prorogée pour une durée de trois ans (IV de l'article).

1.2. Améliorer l'articulation entre les TIG et les autres peines

L'article 4 propose de modifier l'article 131-9 du code pénal pour prévoir l'obligation pour la juridiction qui prononce une peine d'intérêt général de fixer la peine maximale de prison en cas de non-respect du TIG.

Il fixe également les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention peut transformer une peine en TIG. Ces hypothèses sont circonscrites aux cas dans lesquels un aménagement est déjà prévu :

- soit que le juge ait prévu d'emblée la convocation devant le juge d'application des peines parce qu'il ne disposait pas des éléments permettant de déterminer une mesure d'aménagement adaptée (article 464-2 du code de procédure pénale) ;

- soit qu'une condamnation soit inférieure ou égale à six mois et que le juge ait décidé l'aménagement de cette peine sous forme d'une ARSE, d'une semi-liberté ou d'un placement à l'extérieur (articles 723-2, 723-7-1 et 747-1 du code de procédure pénale).

L'article 4 procède également à une coordination au sein du code de la justice pénale des mineurs.

2. La position de la commission : une possibilité d'aménagement de peine intéressante

La commission estime que les TIG offrent la possibilité d'une réinsertion des auteurs d'infractions. Mieux articulés avec les peines et mieux suivis par les magistrats et les services pénitentiaires d'insertion et de probation, les TIG peuvent être une alternative intéressante à la détention. Elle n'a pas apporté de modification à cet article.

La commission a adopté l'article 4 sans modification.

SECTION 2 : DISPOSITIONS AMÉLIORANT L'INDEMNISATION DES VICTIMES

Article 5
Amélioration de l'indemnisation des victimes

L'article 5 étend le droit d'indemnisation des victimes par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI). :

La commission a adopté cet article en levant toute ambiguïté sur la forclusion des mineurs et l'inclusion des violences exercées par les ex-conjoints, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité dans le champ des infractions indemnisées.

1. La prise en compte de plusieurs infractions particulièrement sensibles

L'article 5 inclut dans le champ de l'indemnisation par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) les préjudices subis du fait de violences intrafamiliales, de certaines escroqueries liées à l'internet et de squat.

Il ouvre ainsi le droit à indemnisation intégrale aux faits commis sur un mineur, par le conjoint, le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, et prévus et réprimés par l'article 222-12 du code pénal ou par les alinéas 4 à 6 de l'article 222-14 du même code, y compris lorsque ces faits ont été commis avec d'autres circonstances aggravantes.

Il élargit par ailleurs l'indemnisation prévue sous conditions de ressources aux infractions de chantage, d'abus de faiblesse et d'une atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données.

Il étend l'indemnisation devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions aux violations de domicile avec exigence de situation matérielle grave mais sans condition de ressources.

Il prévoit un plafond fixé par décret pour l'indemnisation des victimes de violences intrafamiliales ayant subi une incapacité totale de travail inférieure à un mois.

2. La position de la commission : une extension adéquate de l'indemnisation

La commission est favorable à cette extension de l'indemnisation par la CIVI.

Elle a cependant souhaité que soit levée toute ambiguïté sur le champ de l'indemnisation qui, comme l'infraction elle-même, comporte les violences dont l'auteur est un ancien conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte de solidarité avec la victime. De même, le fait que le délai de forclusion des victimes mineures ne coure qu'à partir de leur majorité, conforme à l'intention du législateur, devait être clarifié.

La commission a donc adopté les amendements COM-111 et COM-109 des rapporteurs ainsi que les amendements identiques COM-157 et COM-156 déposés par le Gouvernement pour garantir leur recevabilité financière.

La commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À LA JUSTICE COMMERCIALE ET AUX JUGES NON PROFESSIONNELS

CHAPITRE 1ER
DIVERSES DISPOSITIONS PORTANT EXPÉRIMENTATION D'UN TRIBUNAL DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES

Article 6
Expérimentation d'un tribunal des affaires économiques aux compétences élargies

L'article 6 prévoit la création, de manière expérimentale et pour une durée de quatre ans, d'un tribunal des affaires économiques (TAE) en remplacement du tribunal de commerce, dans 9 à 12 juridictions. Les formations de jugement du TAE pourront comporter un magistrat du siège en qualité d'assesseur, désigné annuellement par le président du tribunal judiciaire après avis du président du TAE sur leur affectation. Le TAE deviendrait compétent de manière exclusive pour toutes les procédures amiables et collectives relatives à l'ensemble des acteurs économiques, à l'exception des avocats et des officiers ministériels.

Favorable au principe de l'expérimentation du tribunal des affaires économiques, la commission a adopté cet article, après avoir, sur proposition des rapporteurs, apporté plusieurs modifications en cohérence avec les multiples travaux qu'elle a menés au cours de dernières années :

- l'exclusion de la présence d'un magistrat professionnel au sein des chambres de jugement du TAE, en l'absence de consensus des acteurs concernés et de pertinence du dispositif proposé par le Gouvernement ;

- le transfert au TAE des procédures amiables et collectives applicables aux professions réglementées ainsi que du contentieux des baux commerciaux qui concernent les parties ordinaires du tribunal de commerce (artisans et commerçants) ;

- la présence au sein du TAE de juges consulaires assurant la représentation des agriculteurs et des professions réglementées.

1. La justice commerciale : des juges bénévoles au service des commerçants et les artisans

1.1. Les juridictions commerciales : entre diversités et spécificités

a) L'organisation diverse des juridictions commerciales

Le tribunal de commerce, juridiction la plus ancienne de France, trouve son origine au Moyen-Âge, à l'initiative des Républiques marchandes de Gênes et de Venise qui avaient besoin de trancher rapidement les différends entre commerçants. Les juges sont élus par leurs pairs commerçants. En 1563, le roi Charles IX décide d'instaurer de manière pérenne les tribunaux de commerce dans les grandes villes commerçantes. Le code de commerce de 1807 donne compétence aux tribunaux de commerce pour connaître des litiges entre commerçants et, partiellement, en matière de faillite.

Actuellement, la justice commerciale de première instance est rendue par deux types de juridictions.

D'une part, il existe 134 tribunaux de commerce composés de juges consulaires uniquement.

D'autre part, dans certains territoires, il existe des juridictions échevines composées d'un magistrat professionnel et de juges consulaires. À cet égard, les départements d'Alsace-Moselle126(*) comptent sept tribunaux judiciaires dotés d'une chambre commerciale composée d'un magistrat professionnel et de deux juges consulaires. En outre-mer, il existe neuf tribunaux mixtes de commerce127(*) et deux tribunaux de première instance statuant en matière commerciale128(*), composés d'un magistrat professionnel et de juges consulaires.

 
 
 

tribunaux de commerce dans l'hexagone

tribunaux judiciaires dotés d'une chambre commerciale en Alsace-Moselle

tribunaux mixtes de commerce
dans les outre-mer

Cependant, cette organisation fait l'objet de deux exceptions. En effet, dans les ressorts où aucun tribunal de commerce n'a été créé, le tribunal judiciaire est compétent pour le règlement des litiges commerciaux129(*). Ce tribunal peut également statuer à la place du tribunal de commerce lorsque celui-ci est dans l'impossibilité de se constituer ou de statuer130(*).

En outre, si en première instance, la justice commerciale est essentiellement rendue par des juges élus, en appel, les décisions sont rendues par les cours d'appel compétentes composées exclusivement de magistrats professionnels.

b) Les juges consulaires : des bénévoles élus

Il s'agit de la caractéristique essentielle de la justice commerciale : elle est une justice rendue par les pairs élus. Actuellement, les juges consulaires sont élus, depuis la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, directement par les membres des chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métiers et de l'artisanat. Leur mandat initial est de deux ans, puis ils peuvent ensuite exercer quatre mandats supplémentaires de quatre ans maximum au sein du même tribunal. Au-delà de cinq mandats, ils ne peuvent plus être élus dans le même tribunal et ils ne peuvent plus siéger au-delà de 75 ans131(*).

La deuxième particularité de la justice commerciale réside dans le fait que les juges consulaires sont bénévoles132(*). À l'inverse des autres juges non professionnels qui siègent au sein des conseils de prud'hommes, des tribunaux paritaires des baux ruraux ou des pôles sociaux des tribunaux judiciaires, ils ne bénéficient d'aucune indemnité.

Alors que, dans le budget de la justice, les juridictions commerciales bénéficient d'un budget d'un montant de 3,5 millions d'euros (en crédits de paiement pour l'année 2022), les juges consulaires, via leurs représentants à la conférence générale des juges consulaires, mettent en avant l'absence de moyens pour exercer leurs missions, étant précisé qu'ils ne demandent pas à être indemnisés puisqu'ils se disent très attachés au caractère bénévole de leur mandat.

Ils soulignent notamment qu'ils engagent des frais non pris en charge, à l'instar de leur robe d'audience (les juridictions commerciales disposent d'une dotation collective uniquement), de la téléphonie, du matériel informatique, des frais de restauration et de déplacement133(*). De manière quelque peu étonnante, ils ne disposent pas non plus d'une adresse électronique rattachée au ministère de la justice. La direction des services judiciaires a indiqué aux rapporteurs qu'une réflexion était en cours sur ce point.

Nombre de juges consulaires et répartition selon leur sexe

 
 
 

juges consulaires

sont des hommes

sont des femmes

Source : étude d'impact du projet de loi d'orientation
et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

c) Les atouts de la justice commerciale

Les atouts des tribunaux de commerce sont multiples. En premier lieu, les affaires sont traitées dans des délais plus rapides que dans les tribunaux judiciaires. À titre d'exemple général, en 2021, le délai moyen de traitement des procédures civiles étaient de 10 mois devant les tribunaux de commerce alors qu'il était de 13,7 mois devant les tribunaux judiciaires134(*). Autre exemple plus spécifique, en 2021, une procédure de liquidation durait en moyenne 31 mois devant un tribunal de commerce contre 41,1 mois devant un tribunal judiciaire135(*). Lors de l'audition des acteurs de la justice commerciale, il a été indiqué que certains tribunaux de commerce sont également en mesure de prévoir des audiences dans des délais extrêmement courts (quelques jours à une semaine), afin de s'adapter au plus près aux situations particulières des entreprises.

En deuxième lieu, c'est une justice dont le coût de fonctionnement est relativement faible, les juges consulaires étant bénévoles.

En troisième lieu, les juges consulaires possèdent une expertise du monde économique compte tenu de leur expérience de commerçants ou d'artisans, ce qui leur permet de rendre des décisions au plus près de la réalité de leurs justiciables.

Enfin, les juridictions commerciales sont particulièrement réactives et adaptables, davantage que les tribunaux judiciaires, comme l'ont démontré leur capacité à assurer la tenue des audiences pendant la période de la crise sanitaire liée au Covid-19136(*).

1.2. Des compétences juridictionnelles limitées qui ne reflètent pas la réalité de la vie économique

Les tribunaux de commerce sont compétents pour les litiges entre commerçants, artisans (depuis le 1er janvier 2022), établissements de crédit, sociétés de financement et sociétés commerciales. Les contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes font également partie de leur compétence ordinaire137(*). Les tribunaux de commerce connaissent également des procédures collectives si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale138(*). Les compétences du tribunal de commerce apparaissent ainsi limitées en ce qu'elles ne couvrent pas l'ensemble des acteurs économiques et de leurs contentieux alors que d'autres opérateurs ont des activités économiques et des litiges similaires qui relèvent alors du tribunal judiciaire.

Le tribunal judiciaire est compétent pour les litiges concernant les agriculteurs, les professions libérales et réglementées et les personnes morales de droit privé non commerçantes (à l'instar des associations ayant une activité économique). En cas d'ouverture d'une procédure amiable ou collective à l'encontre de ces trois catégories d'acteurs, c'est également le tribunal judiciaire qui est compétent.

La répartition du contentieux en matière de procédures collectives entre le tribunal de commerce et le tribunal judiciaire est source de critiques dans la mesure où il s'agit de règles identiques qui s'appliquent à tous les débiteurs quel que soit leur statut juridique, à savoir les dispositions du livre VI du code de commerce. Il existe toutefois des spécificités pour les agriculteurs (qui bénéficient du règlement amiable agricole139(*)) et pour les professions réglementées dont les instances professionnelles ou ordinales doivent être associées à la procédure.

En termes volumétriques, le nombre de décisions rendues au cours des cinq dernières années en matière de procédures collectives et amiables illustre le rôle résiduel du tribunal judiciaire. En moyenne, entre 2017 et 2021, les tribunaux judiciaires ont rendu 4 578 décisions annuelles contre 38 223 décisions par les tribunaux de commerce140(*). Ainsi, les tribunaux judiciaires interviennent dans seulement 11 % des procédures amiables et collectives, étant précisé que les années 2020 et 2021 sont marquées par une diminution du nombre de nouvelles affaires compte tenu des dispositifs de soutien aux entreprises mis en oeuvre pendant la crise sanitaire.

Par ailleurs, le juge civil est également seul compétent pour connaître du contentieux des baux commerciaux141(*). Cette compétence du tribunal judiciaire peut toutefois se comprendre dans la mesure où le bailleur peut être un particulier ou une personne morale non commerçante. Certains tribunaux judiciaires (dont celui de Paris) ont également été spécialisés en matière de propriété intellectuelle ou de devoir de vigilance des entreprises. Pour autant, les contentieux relatifs aux baux commerciaux et à la propriété intellectuelle relèvent aussi de la vie des affaires à laquelle sont habitués les tribunaux de commerce.

2. Le Sénat propose de réformer la justice commerciale depuis plusieurs années afin de la simplifier et l'adapter au monde économique d'aujourd'hui

2.1. Une réforme de la juridiction commerciale impulsée par les travaux de la commission des lois du Sénat

Au cours des années récentes, les différents travaux (législatifs et d'évaluation) du Sénat sur la justice commerciale mettent en avant, de manière constante, la nécessité de la réformer compte tenu, notamment, du caractère illisible de la répartition des litiges des acteurs économiques entre les tribunaux judiciaires et les tribunaux de commerce.

Dès 2017, le rapport de Philippe Bas sur le redressement de la justice pointait déjà « la relative incohérence de la compétence ratione materiae du tribunal de commerce »142(*) dans la mesure où tous les acteurs économiques se voient appliquer des règles identiques lorsqu'ils rencontrent des difficultés mais par un juge différent selon leur statut juridique. Se dégage alors la nécessité de construire « un bloc de compétence », au profit d'un tribunal des affaires économiques, pour un traitement plus unifié et homogène des contentieux des opérateurs économiques.

Néanmoins la modification de la composition des tribunaux de commerce n'est pas apparue, dans les travaux législatifs et d'information, comme une réforme pertinente compte tenu, en particulier, de l'absence de volonté des juges consulaires de voir les tribunaux de commerce devenir des juridictions échevines et d'arguments suffisamment convaincants en faveur de l'instauration d'un échevinage généralisé143(*).

Afin d'écarter une fusion des tribunaux de commerce et des tribunaux de grande instance (actuellement les tribunaux judiciaires), le rapport de Philippe Bas sur le redressement de la justice mettait également en avant la « forte identité juridictionnelle » du tribunal de commerce et la connaissance par les justiciables concernés de cette juridiction et de ses compétences particulières144(*). Dès lors, il n'apparaissait pas plus lisible d'apporter une modification de l'organisation des tribunaux de commerce.

Tableau récapitulatif des travaux menés par le Sénat depuis 2017
sur le transfert de compétences au tribunal de commerce
ou à un tribunal des affaires économiques

 

Procédures amiables et collectives

Autres contentieux

Proposition n° 60 du rapport d'information sur le redressement de la justice.145(*)

Extension de la compétence du tribunal de commerce à l'ensemble des entreprises.

Confier le contentieux des baux commerciaux au tribunal de commerce.

Article 15 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice.146(*)

Le texte initial visait à étendre la compétence du tribunal de commerce aux agriculteurs, professionnels indépendants dont les professions réglementées et les personnes morales non commerçantes.

Cependant la commission des lois a prévu une compétence exclusive pour les procédures du livre VI du code de commerce, peu importe le statut du débiteur.

La commission des lois a confié au tribunal de commerce la compétence relative au bail commercial si le débiteur est en procédures collectives.

Articles 19 ter et 19 quater du projet de loi de programmation 2018-2022 de réforme pour la justice et sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.147(*)

Le Sénat confie cette compétence à un tribunal des affaires économique pour les agriculteurs, professionnels indépendants dont les professions réglementées et les personnes morales non commerçantes.

Les litiges relatifs aux baux commerciaux, aux baux professionnels, aux conventions d'occupation précaire si les parties relèvent habituellement du tribunal de commerce ou si le litige porte sur un bail d'un débiteur en procédures collectives.

Recommandations n° 38, 39, 40, 42 et 43 du rapport d'information
« Le droit des entreprises en difficulté à l'épreuve de la crise ».148(*)

Attribution de cette compétence de manière exclusive au tribunal des affaires économiques, peu importe le statut et le domaine d'activité du débiteur, tout en maintenant les règles spécifiques aux professions réglementaires et aux agriculteurs.

Attribution de la compétence relative aux baux commerciaux, aux baux professionnels, aux conventions d'occupation précaire si toutes les parties sont de la compétence ordinaire du tribunal des affaires économiques (TAE) (commerçants et artisans) ainsi que les baux faisant l'objet d'un litige dont le débiteur est en procédures collectives.

Article 9 de la proposition de loi ratifiant, modifiant et complétant l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce149(*)

L'article attribue cette compétence de manière exclusive au tribunal de commerce, peu important le statut et le domaine d'activité du débiteur.

L'article confie au tribunal de commerce les baux commerciaux, les baux professionnels, les conventions d'occupation précaire si toutes les parties sont de la compétence ordinaire (commerçants et artisans) ainsi que les baux faisant l'objet d'un litige dont le débiteur ou le preneur sont en procédures collectives.

Proposition n° 10 de l'agora de la justice du Sénat150(*)

Attribution de cette compétence de manière exclusive au tribunal de commerce, peu importe le statut du débiteur.

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2.2. Les États généraux de la justice s'inspirent des propositions de réforme sénatoriales

Signe de la qualité et de la pertinence des travaux menés par le Sénat, les recommandations formulées dans le rapport des sénateurs François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi, formalisées dans leur proposition de loi déposée quelques mois plus tard, ont été le socle des réflexions du groupe de travail sur la justice économique et sociale des États généraux de la justice (EGJ).

En effet, le rapport du comité des EGJ151(*) souscrit à l'expérimentation d'un TAE, non écheviné152(*) mais aux compétences élargies, afin notamment d'assurer une plus grande lisibilité pour les justiciables et les différents acteurs. Ce TAE se verrait confier toutes les procédures amiables et collectives, quels que soient le statut et le domaine des opérateurs économiques concernés, sans toutefois modifier les règles spécifiques applicables aux agriculteurs et aux professions réglementées.

Cependant, le comité des EGJ ne s'est pas montré favorable au transfert au TAE des contentieux relatifs aux baux commerciaux (sauf si la contestation est liée à une procédure collective en cours) et à la propriété intellectuelle, compte tenu de la « technicité de ces matières » et de la spécialisation153(*), déjà ancienne, des tribunaux judiciaires dans ces deux domaines.

3. Le projet de loi s'inspire directement des travaux du Sénat et des États généraux de justice sans toutefois en assurer une pleine mise en oeuvre

3.1. Le Gouvernement entend expérimenter une nouvelle justice commerciale avant une éventuelle généralisation

Le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 propose d'expérimenter le tribunal des affaires économiques conformément à la possibilité offerte par l'article 37-1 de la Constitution qui prévoit que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ». En l'espèce, l'article 6 du projet de loi prévoit une expérimentation d'une durée de quatre ans pour 9 à 12 tribunaux de commerce et tribunaux judiciaires volontaires.

D'autres expériences en matière d'organisation judiciaire ont déjà été mises en oeuvre, à l'instar des cours criminelles départementales créées en 2019 pour une durée de trois ans dans 15 départements154(*). Sans attendre la fin de l'expérimentation en 2022, l'expérience a été généralisée à l'ensemble du territoire à compter du 1er janvier 2023155(*).

À l'aune de ce précédent sur la généralisation prématurée de cette expérimentation avant sa fin initiale156(*), les rapporteurs entendent sensibiliser le Gouvernement sur l'impérieuse nécessité de permettre à l'expérimentation de se dérouler sur l'intégralité de la période prévue, de procéder à une évaluation complète de ce dispositif comme le projet de loi l'impose et d'en rendre compte au Parlement lors de la remise d'un rapport, avant d'envisager son éventuelle généralisation.

3.2. Le tribunal des affaires économiques remplace le tribunal de commerce et fait siéger les magistrats professionnels aux côtés des juges consulaires

Dans le cadre de l'expérimentation visée à l'article 6 du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, il est prévu de renommer le tribunal de commerce en tribunal des affaires économiques. Cette appellation, proposée également par le Sénat et les États généraux de la justice, vise à mieux refléter l'extension de compétences du tribunal de commerce.

La réforme plus substantielle sur l'organisation du tribunal des affaires économiques que comprend l'article 6 du projet de loi vise à créer la possibilité157(*) de faire siéger, en qualité d'assesseur, un magistrat professionnel du tribunal judiciaire au sein de la formation de jugement du tribunal des affaires économiques dont les autres membres seraient des juges consulaires. Le président du tribunal judiciaire désignerait annuellement les magistrats concernés après avoir sollicité l'avis du président du tribunal des affaires économiques sur l'affectation des magistrats concernés.

Par ailleurs, compte tenu du caractère expérimental et temporaire de la création du tribunal des affaires économiques et de la durée du mandat des juges consulaires (quatre ans, sauf pour leur premier mandat), le Gouvernement propose de ne pas modifier, à ce stade, les règles relatives au collège électoral des juges consulaires et aux conditions d'éligibilité à cette fonction.

3.3. Une unification a minima des contentieux des affaires économiques

Alors que le Sénat plaide depuis plusieurs années pour une véritable unification des contentieux des affaires économiques au sein d'une même juridiction, afin d'assurer une rationalisation de la répartition des compétences entre les tribunaux de commerce et les tribunaux judiciaires, le projet de loi se borne à confier au TAE les procédures amiables et collectives des agriculteurs, des personnes morales de droit privé et des professions libérales, à l'exception des professions juridiques réglementées158(*).

Le texte proposé par le Gouvernement maintient le contentieux relatif aux baux commerciaux entre les mains du tribunal judiciaire, à l'exception des « actions ou contestations relatives aux baux commerciaux nées de la procédure et qui présentent avec celles-ci des liens de connexité suffisants »159(*).

Pour autant, au stade de l'étude d'impact, le Gouvernement soutient que le texte ainsi proposé vise à accroitre la lisibilité pour les justiciables et les différents acteurs et assurer une bonne administration de la justice.

Tableau récapitulatif du droit en vigueur et du projet de loi
sur l'organisation des juridictions commerciales et la répartition
des compétences entre le tribunal judiciaire et le tribunal de commerce

 

Droit en vigueur

Projet de loi

Dénomination de la juridiction

Tribunal de commerce (TC) et tribunal judiciaire (TJ)

Tribunal des affaires économiques (TAE)

Composition de la juridiction

Juges consulaires exclusivement (sauf Alsace-Moselle et outre-mer)

Juges consulaires avec assessorat possible d'un magistrat professionnel

Compétences

Procédures amiables et collectives

Le TC est compétent pour les commerçants et les artisans.

Le TJ est compétent pour les agriculteurs, les personnes morales de droit privé et les professions libérales et réglementées.

Le TAE est compétent pour les commerçants, les artisans, les agriculteurs, les personnes morales non commerçantes, les professions libérales à l'exception des professions réglementées.

Baux commerciaux

Tribunal judiciaire

TAE si le litige, relatif aux baux commerciaux, est né de la procédure et qu'il présente des liens de connexité suffisants.

Propriété intellectuelle

Tribunal judiciaire

Tribunal judiciaire

Engagements entre commerçants, artisans établissements de crédit, sociétés de financement, sociétés commerciales et actes de commerce entre toutes personnes

Tribunal de commerce

Tribunal des affaires économiques

4. Cohérente avec ses précédentes propositions, la commission des lois a souhaité rendre l'expérimentation du tribunal des affaires économiques plus cohérente et lui donner une véritable envergure

4.1. La possibilité de faire siéger un magistrat professionnel au sein des chambres de jugement du TAE n'apparait ni utile, ni pertinente

La commission constate que le dispositif proposé par le projet de loi sur la présence des magistrats professionnels au sein des compositions de jugement apparait comme une forme d'échevinage édulcoré dont il semble difficile de trouver le sens et la pertinence.

a) Les juges consulaires et les magistrats professionnels ne sont pas favorables au dispositif proposé

Position constante de la Conférence générale des juges consulaires de France, leurs membres ne souhaitent pas que les tribunaux de commerce deviennent des juridictions échevines160(*). Lors de leur audition par les rapporteurs, ses représentants ont rappelé que le fondement de leur engagement tenait au caractère spécifiquement et exclusivement consulaire de la juridiction commerciale.

De l'autre côté, les auditions et informations recueillies par les rapporteurs ont également pu mettre en avant que le dispositif proposé suscitait des interrogations des magistrats professionnels, partagées par les rapporteurs.

En premier lieu, le texte prévoit la présence des magistrats au sein du TAE comme une simple « possibilité ». Comment cette mesure sera-t-elle rendue effective, notamment en cas d'opposition du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce ou des magistrats appelés à siéger au TAE ? Cette simple possibilité semble vider de son intérêt le dispositif proposé.

En second lieu, le texte prévoit que le magistrat professionnel sera nécessairement assesseur au sein de la composition de jugement du TAE. Or cette configuration ne correspond pas à la tradition des actuelles juridictions échevines161(*) où le magistrat professionnel est systématiquement président de la formation de jugement.

En troisième lieu, la réforme proposée impliquerait que le président du tribunal de commerce, un juge consulaire, se prononce sur l'affectation d'un magistrat professionnel au sein d'une juridiction.

b) Le dispositif proposé vise à répondre à des objectifs déjà satisfaits par d'autres moyens

Les auditions menées par les rapporteurs ont mis en exergue le besoin de rapprocher les magistrats professionnels des activités économiques, de mieux les former à ces questions et de permettre de créer une filière de magistrats spécialisés en droit des affaires. Leur présence en qualité d'assesseurs a été présentée comme une des solutions pour atteindre ces objectifs.

Or la commission relève que dans un contexte où les tribunaux judiciaires manquent structurellement de magistrats pour assurer leurs missions civiles et pénales, il semble inadapté de transférer des effectifs aux TAE, ne serait-ce que de manière expérimentale et temporaire.

Par ailleurs, les formations initiale et continue des magistrats dispensées par l'École nationale de la magistrature permettent déjà à ces derniers de suivre des formations en lien avec la vie économique (stages courts ou longs en entreprises, formations spécialisées, etc.).

Au surplus, les magistrats professionnels en charge des contentieux civils des tribunaux judiciaires connaissent également, de manière habituelle, des questions relatives à la vie des entreprises via les contentieux des baux commerciaux, de la propriété intellectuelle et du droit des contrats de manière plus générale.

Enfin, l'argument selon lequel les juges consulaires auraient besoin de bénéficier de la présence d'un magistrat professionnel à leurs côtés mériterait d'être relativisé dans la mesure où il est possible de déduire du taux d'appel des décisions rendues par les tribunaux de commerce, que les décisions ne posent pas de difficultés juridiques majeures et qu'elles sont acceptées par les justiciables. Le taux d'appel en premier ressort sur les jugements au fond prononcés en 2020 était de 14,2 % pour les tribunaux de commerce contre 16,1 % pour les tribunaux judiciaires alors qu'il était de 63 % pour les jugements rendus par les conseils de prud'hommes162(*).

Au surplus, les taux d'infirmation des décisions des juridictions commerciales sur les cinq dernières années ne démontrent pas de manière évidente que les juridictions qui comprennent un magistrat professionnel connaissent un taux d'infirmation moins important. Au contraire, entre 2020 et 2022, les taux d'infirmation sont plus importants, de quelques points, pour les chambres commerciales des tribunaux judiciaires d'Alsace-Moselle que ceux des tribunaux de commerce du reste de l'hexagone.

Taux d'infirmation des décisions163(*) des juridictions commerciales
frappées d'appel entre 2018 et 2022

 

2018

2019

2020

2021

2022

Tribunaux de commerce

56,9 %

57 %

56,2 %

56 %

56,9 %

Chambres commerciales d'Alsace-Moselle

52,3 %

55,8 %

59,5 %

65,2 %

64,6 %

Tribunaux mixtes d'outre-mer

50,6 %

22,5 %

57,6 %

52,4 %

47,9 %

Source : direction des services judiciaires du ministère de la justice

La commission, par l'adoption d'un amendement COM-115 des rapporteurs, a supprimé les dispositions permettant aux magistrats professionnels de siéger au sein du tribunal des affaires économiques.

4.2 Assurer une réelle unicité du contentieux des procédures amiables et collectives pour l'ensemble des acteurs économiques

La commission rappelle que depuis plusieurs années le Sénat propose de confier l'intégralité des procédures amiables et collectives à un tribunal des affaires économiques. C'est également la solution retenue par le comité des États généraux de la justice. Le choix d'écarter les professions réglementées de l'expérimentation, à l'aune de ces travaux concordants, n'est pas compréhensible.

La commission s'étonne également du choix opéré par le Gouvernement dans la mesure où il semble également favorable à confier l'intégralité du contentieux des procédures amiables et collectives au TAE. En effet, dans l'étude d'impact du projet de loi, il est par exemple précisé que « Les juges des tribunaux de commerce, disposant d'une expertise en matière de procédures collectives et de prévention, seront en capacité de juger l'intégralité des futurs litiges du tribunal des activités économiques [...] »164(*) et que « la compétence du TAE sera étendue à l'ensemble des procédures amiables et collectives, quel que soit le statut du débiteur.165(*) »

Le Gouvernement fait pourtant valoir que les professions réglementées visées à l'article L. 722-6-1 du code de commerce doivent être écartées de l'expérimentation du TAE dans la mesure où ils ne pourront pas, en cas de généralisation du dispositif, être éligibles aux fonctions de juges consulaires en vertu de l'incompatibilité prévue par le législateur avec leurs fonctions et un mandat de juge consulaire.

La commission considère que cette disposition pourrait être, le cas échéant, modifiée en permettant à ces professionnels de siéger, par exemple, au sein d'une juridiction commerciale du ressort d'une cour d'appel différente de celle de leur lieu d'exercice. En outre, et en toute hypothèse, le Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi présenté par le Gouvernement, indique qu'il n'existe « aucune exigence constitutionnelle n'imposant que les justiciables aient un droit à l'élection des juges ou que les juges soient choisis parmi leur pairs »166(*).

Enfin, la commission constate que les tribunaux judiciaires ont une faible expertise en matière de procédures collectives puisque sur 51 000 procédures collectives ouvertes chaque année, ils n'en traitent que 6 000, soit seulement 12 %167(*). Ce chiffre modeste ne semble pas permettre une réelle spécialisation des magistrats des tribunaux judiciaires en la matière. Le maintien des seules procédures collectives des professions réglementées au sein des tribunaux judiciaires en ferait alors un contentieux extrêmement résiduel168(*). Cette dichotomie dans la répartition des compétences ne répond donc pas à l'objectif d'une justice économique simplifiée, unifiée et de plus grande qualité.

Sur proposition des rapporteurs, la commission a donc adopté un amendement COM-118 visant à confier l'intégralité du contentieux des procédures amiables et collectives au tribunal des affaires économiques.

Par ailleurs, la commission entend alerter le Gouvernement sur la nécessité de réfléchir à une éventuelle réforme du registre du commerce et des sociétés au cours de l'expérimentation. En effet, dans l'hypothèse où celle-ci venait à être généralisée, en particulier le transfert des compétences relatives aux associations ayant une activité économique, la juridiction commerciale aura besoin de disposer d'informations fiables et certifiées de ces nouveaux justiciables, notamment dans le but d'assurer une mission de prévention des difficultés.

4.3. Permettre aux nouveaux justiciables des TAE d'être jugés par leurs pairs

À l'aune des travaux menés par les rapporteurs, la commission a estimé qu'il était nécessaire, même dans le temps de l'expérimentation, de maintenir le principe pluriséculaire de la juridiction économique selon lequel les justiciables sont jugés par leurs pairs. C'est en effet une des particularités essentielles de cette justice.

Il est également apparu important de permettre aux exploitants agricoles et aux professions réglementées, compte tenu des spécificités de leur activité économique, de prévoir la présence de juges consulaires disposant d'une expérience propre à ces acteurs.

Sur proposition des rapporteurs, la commission a en conséquence adopté, l'amendement COM-114 prévoyant une nomination des juges par le garde des sceaux, parmi les membres élus et sur la proposition des chambres départementales de l'agriculture et des instances professionnelles représentatives, départementales ou défaut nationales, des professions réglementées.

Toutefois, compte tenu de la spécificité de leurs fonctions et pour limiter les conflits d'intérêts, les juges consulaires issus des professions réglementées ne pourront siéger que dans un tribunal des affaires économiques situé dans le ressort d'une cour d'appel différent de celui de leur lieu d'exercice.

4.4. Rendre l'expérimentation du TAE ambitieuse en confiant à cette juridiction le contentieux des baux commerciaux des justiciables habituelles du tribunal de commerce

Sensible aux arguments du Gouvernement qui entendent assurer une plus grande lisibilité de la justice économique et consciente également du caractère expérimental du TAE, la commission, sur proposition d'un amendement COM-119 des rapporteurs, a souhaité confier le contentieux des baux commerciaux à cette juridiction dès lors que l'ensemble des parties relèvent de sa compétence ordinaire (artisans et commerçants).

Cette solution, conforme aux propositions faites par le Sénat au cours des dernières années, a le mérite d'assurer davantage de cohérence dans la répartition des compétences entre le tribunal judiciaire et le tribunal des affaires économiques. Au surplus, les baux commerciaux, sont par essence, un domaine exclusif de la vie des affaires qu'il apparait donc naturel de confier à la juridiction spécialisée en la matière.

La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7
Expérimentation d'une contribution financière en cas de saisine du tribunal des affaires économiques

L'article 7 vise à instaurer, de manière expérimentale, une contribution, à la charge du demandeur, pour toutes les instances introduites devant le tribunal des affaires économiques. Plusieurs exemptions sont toutefois prévues, en particulier pour la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, le demandeur à l'ouverture d'une procédure amiable ou collective ou une personne morale de droit public. Son montant serait fixé selon un barème comportant plusieurs critères et plafonné à 5 % de la valeur économique du litige sans toutefois excéder 100 000 euros.

En proposant la création de cette contribution, inspirée des travaux des États généraux de la justice, le Gouvernement souhaite responsabiliser les justiciables, encourager un règlement amiable de leur litige et s'aligner sur les modes de financement de la justice des autres pays européens.

La commission, favorable au projet d'expérimentation rendant onéreux l'accès au tribunal des affaires économiques, entend toutefois alerter le Gouvernement sur la nécessité de prévoir des montants de contribution qui ne privent pas, dans les faits, les petites et moyennes entreprises d'un accès au juge, et d'étendre l'octroi de l'aide juridictionnelle aux sociétés les plus fragiles financièrement.

La commission a adopté cet article en apportant des modifications destinées à renforcer son opérationnalité et préciser les critères du barème de la contribution économique.

1. L'accès gratuit au service public de la justice169(*) : un principe relatif

L'accès au service public de la justice n'est actuellement pas totalement gratuit puisqu'en en cas d'appel un droit de timbre de 225 euros170(*) est demandé au justiciable lorsque l'assistance d'un avocat est obligatoire171(*). Cette contribution a été instaurée à compter du 1er janvier 2011172(*) afin d'abonder un fonds d'indemnisation, créé en raison de la suppression de la profession d'avoués près les cours d'appel, jusqu'au 31 décembre 2026.

En outre, l'idée de gratuité du service public de la justice est également battue en brèche par l'existence de frais d'avocats que doivent exposer les parties (non éligibles à l'aide juridictionnelle), en particulier lorsque son assistance est obligatoire.

Par ailleurs, entre le 1er octobre 2011173(*) et le 1er janvier 2014174(*), en première instance, une contribution pour l'aide juridique de 35 euros était due lors de l'introduction d'une instance. Cette contribution visait à financer l'aide juridique, notamment en raison de l'augmentation des dépenses liées à la présence de l'avocat devenue obligatoire lors d'une garde à vue175(*), outre un besoin chronique de financement. Chaque instance introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou devant une juridiction administrative devait donner lieu au paiement par le justiciable de cette contribution, sous peine d'irrecevabilité de la saisine176(*), sauf s'il était éligible à l'aide juridictionnelle.

Saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux contributions précitées, le Conseil constitutionnel a estimé dans son considérant n° 9 que « le législateur a poursuivi des buts d'intérêt général ; que, eu égard à leur montant et aux conditions dans lesquelles ils sont dus, la contribution pour l'aide juridique et le droit de 150 euros dû par les parties en instance d'appel n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction ou aux droits de la défense »177(*). Ainsi, cette décision rappelle qu'il n'existe pas de principe constitutionnel garantissant un accès gratuit au service public de la justice.

2. Les États généraux de la justice proposent de rendre l'accès à la justice économique payante

Le rapport du comité des États généraux de la justice (EGJ) estime qu'il est nécessaire de rendre payant l'accès à la justice économique178(*) pour plusieurs raisons.

Le groupe de travail des EGJ179(*) sur la justice économique note que l'accès gratuit à la justice économique ne permet pas d'écarter des litiges sans mérite qui engendre pourtant des coûts pour les autres parties et le système judiciaire dans son ensemble, alors que ses ressources sont contraintes.

Cet accès facilité ne permet pas non plus de responsabiliser les justiciables qui vont chercher à épuiser les voies de recours.

Enfin, l'absence de frais à l'introduction d'une instance dans un litige économique n'encourage pas au règlement extra-judiciaire sous la forme d'une médiation ou d'un arbitrage. Ces procédures alternatives ont en effet un coût, parfois élevé, qui tend à orienter les justiciables vers une solution contentieuse, moins onéreuse, plutôt qu'amiable.

Le rapport du groupe de travail des EGJ souligne également que la France, qui fait le choix de faire porter le coût de fonctionnement de la justice sur les contribuables et non les justiciables, est l'un des rares pays européens à assurer un accès gratuit à ses juridictions. Cela peut surprendre, en particulier, en matière de contentieux liés à la vie économique dans la mesure où il s'agit de « contentieux portant sur des droits patrimoniaux et donc in fine un partage de valeur entre parties privées180(*) ».

Par ailleurs, les représentants des mandataires et administrateurs judiciaires ont indiqué lors de leur audition par les rapporteurs que le fait de rendre l'accès à la justice payante pour les opérateurs économiques relevait d'une forme d'évidence pour ces derniers et ce d'autant plus à l'aune de la qualité de la justice rendue.

Le groupe de travail des EGJ proposait, concrètement, deux mécanismes pour rendre la justice payante : l'instauration, d'une part, « d'un droit de timbre modulable proportionnel à l'enjeu financier du litige et suivant un barème adapté » et, d'autre part, « une clef financière dans un contrat de procédure entre les parties donnant la possibilité au juge de faire varier un droit de greffe à l'issue de la procédure en tenant compte du comportement des parties durant la procédure181(*) ».

Ces propositions s'inspirent de deux exemples de droit comparé. En premier lieu, le dispositif allemand s'appuie sur un droit de timbre barémisé et modulable. Le montant de ce droit dépend de celui du litige après application d'un coefficient multiplicateur prenant en compte différents critères (type et degré de juridiction saisie, voie procédurale, nature du contentieux, conclusion du litige).

En second lieu, le groupe de travail s'est intéressé au système britannique dans lequel le coût d'accès à la justice dépend du montant de la réclamation, forfaitaires pour les faibles demandes puis proportionnels lorsque les sommes sont plus importantes, avec l'existence d'un plafond.

Tableau du coût d'accès à la justice britannique

Quantum de la demande

Frais de justice

Jusqu'à 353,95 €

41,29 €

De 353,96 € à 589,92 €

58,99 €

De 589,93 € à 1 179,84 €

82,59 €

De 1 179,85 € à 1 769,76 €

94,39 €

De 1 769,77 € à 3 539,52 €

135,68 €

De 3 539,53 € à 5 899,21 €

241,87 €

De 5 899,22 € à 11 798,42 €

536,83 €

De 11 798,43 € à 235 968,32 €

5 % de la valeur de l'objet du litige

Plus de 235 968,32 €

11 798,42 €

Source : groupe de travail des EGJ sur la justice économique et sociale182(*)

Enfin, la création d'une taxe introductive d'instance devant la juridiction commerciale ne devrait pas pénaliser les personnes morales aux ressources financières très limitées.

Pour autant, l'article 2 de la loi  n°  91-647  du  10  juillet 1991 relative à l'aide juridique limite actuellement le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux personnes physiques, et aux seules personnes morales à but non lucratif ne disposant pas de ressources, et ce de manière exceptionnelle.

Le comité des États généraux de la justice se montre donc favorable à l'extension de l'accès à l'aide juridictionnelle aux personnes morales tout en alertant sur la nécessité d'éviter les éventuels effets de bord d'une telle modification et de maintenir le contrôle du caractère subsidiaire de l'aide juridictionnelle par rapport à l'assurance de protection juridique des demandeurs183(*).

3. Le projet de loi tend à instaurer une contribution financière en cas de saisine du tribunal des affaires économiques ainsi qu'une amende civile en cas de comportement procédural abusif ou dilatoire

À titre liminaire, il convient de souligner que l'instauration d'une contribution pour la justice économique est limitée au champ de l'expérimentation du tribunal des affaires économiques prévue à l'article 6 du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

Toute instance introduite devant cette juridiction expérimentale nécessite le versement d'une contribution par la partie demanderesse, sous peine d'irrecevabilité.

Toutefois, trois exemptions au paiement de cette contribution sont prévues : la partie demanderesse est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, la saisine porte sur l'ouverture d'une procédure amiable ou collective prévue au livre VI du code de commerce et aux articles L. 351-1 à L. 351-7-1 du code rural et de la pêche maritime et la demanderesse est une personne morale de droit public.

Son montant serait fixé selon un barème à plusieurs critères et plafonné à 5 % de la valeur économique du litige sans toutefois excéder 100 000 euros. Le barème, défini par décret en Conseil d'État, prendrait en compte le montant de la demande, la nature du litige, la capacité contributive de la partie demanderesse en fonction de son chiffre d'affaires ou revenu fiscal de référence et de sa qualité de personne physique ou morale.

La contribution, recouvrée gratuitement par les greffiers des tribunaux de commerce, est remboursée à la partie demanderesse en cas de désistement ou de recours à un mode amiable de règlement du différend emportant extinction de l'instance et de l'action.

Cette expérimentation, inspirée des travaux des États généraux de la justice, vise à permettre le financement du service public de la justice. L'étude d'impact du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 évoque une estimation de recette annuelle d'un montant de 5,3 millions d'euros184(*). Le Gouvernement entend également, par ce mécanisme, responsabiliser davantage les acteurs économiques, encourager un règlement amiable de leur litige et s'aligner sur les modes de financement de la justice des autres pays européens.

Par ailleurs, l'article 7 du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 offre également une possibilité au tribunal des affaires économiques de sanctionner un comportement dilatoire ou abusif, d'une partie à la procédure, via une amende civile d'un montant de 10 000 euros.

4. Favorable à l'expérimentation d'une contribution pour la justice économique, la commission a amélioré le dispositif proposé et formulé des points de vigilance quant à sa mise oeuvre par le Gouvernement

Dans le rapport d'information Cinq ans pour sauver la justice, fait au nom de la commission des lois du Sénat par Philippe Bas, le rétablissement d'une contribution à l'aide juridictionnelle pour tous les justiciables était proposée185(*). S'inscrivant en cohérence avec cette recommandation formulée, la commission des lois estime que l'instauration d'une contribution, de manière expérimentale, pour la justice économique est judicieuse, étant précisé que sa pertinence a été réactualisée par les travaux des États généraux de la justice.

Pour autant, la commission a adopté un amendement COM-120, sur proposition des rapporteurs, afin d'améliorer le dispositif sur deux points.

En premier lieu, dans la mesure où la contribution pécuniaire doit être versée sous peine d'irrecevabilité, il est nécessaire de figer la valeur du litige au stade de la saisine de la juridiction afin d'éviter d'éventuels débats en cas de demandes nouvelles formulées par la partie demanderesse au cours de l'instance. À l'alinéa 2 de l'article 7 du projet de loi, la commission a préféré viser les demandes cumulées au stade de l'acte introductif d'instance que le montant du litige.

En second lieu, afin d'affiner le montant de la contribution économique, d'autres critères économiques méritent d'être pris en compte pour s'adapter au mieux à la situation financière de la partie demanderesse, à l'instar du chiffre d'affaires annuel moyen sur les trois dernières années et de ses bénéfices.

En outre, lors des auditions des directions du ministère de la justice menées par les rapporteurs, il a été indiqué que le public cible de la contribution pour la justice économique était principalement des entreprises disposant de capacités financières conséquentes. Cet objectif est corroboré par l'étude d'impact du projet de loi : « il est envisagé dans le barème de fixer par voie réglementaire de ne pas taxer les litiges les plus faibles, avec fixation d'un seuil permettant de ne couvrir que les contentieux les plus élevés »186(*). Dès lors, la commission, qui a pris note de cet engagement réitéré et de l'esprit gouvernant la création de la contribution pour la justice économique, insiste sur la nécessité d'élaborer un barème qui ne privera pas d'un accès au juge les petites et moyennes entreprises, les plus fragiles financièrement.

Enfin, la commission insiste sur le fait que l'attention portée sur la conception du barème précité devrait se cumuler avec une réforme partielle de l'accès à l'aide juridictionnelle, plus spécifiquement pour en étendre le bénéfice aux personnes morales de droit privé disposant de ressources insuffisantes pour ester en justice.

S'agissant d'une modification législative pouvant engendrer une dépense nouvelle, les rapporteurs n'ont toutefois pas été en mesure de proposer une réforme en ce sens, conformément à l'article 40 de la Constitution. Néanmoins, il appartient au Gouvernement de se saisir de cette problématique d'accès au juge pour les entreprises les plus fragiles, étant précisé qu'il s'agit d'une proposition formulée par le comité des États généraux de la justice d'une part, et que cette dépense nouvelle pourrait être compensée par la mise en oeuvre de la contribution pour la justice économique, d'autre part.

La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

CHAPITRE 2
DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES À LA FORMATION
ET À LA RESPONSABILITÉ DES JUGES NON PROFESSIONNELS

Article 8
Élargissement du vivier des candidats aux fonctions de conseillers prud'hommes et renforcement de la responsabilité de ces derniers

L'article 8 élargit le vivier des conseillers prud'hommes salariés en permettant à ceux qui n'ont plus d'activité professionnelle (personnes en recherche active d'emploi et retraités) ou qui exercent dans des lieux divers de candidater dans un conseil de prud'hommes limitrophe de leur domicile. Il vient également renforcer la responsabilité des conseillers prud'homaux, salariés et employeurs, en autorisant l'engagement de poursuites disciplinaires et le prononcé d'éventuelles sanctions malgré la cessation des fonctions des intéressés.

La commission s'est prononcé de manière favorable à ces modifications utiles et pragmatiques étant précisé que dans le rapport d'information sur la justice prud'homale réalisé en 2019 par les commissions des affaires sociales et des lois du Sénat avait déjà préconisé d'assouplir les conditions de candidature des retraités aux fonctions de conseiller prud'hommes187(*).

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Un manque structurel de candidats pour exercer les fonctions de conseillers prud'homaux

1.1. Une juridiction ancienne composée de juges non professionnels

Depuis plus de deux siècles, les conseils de prud'hommes (CPH), juridictions paritaires composées d'un nombre égal de salariés et d'employeurs, tranchent les litiges individuels nés à l'occasion d'un contrat de travail unissant employeurs et salariés.

Il existe 211 conseils de prud'hommes188(*) et cinq tribunaux du travail189(*). Dans le ressort de chaque tribunal judiciaire se trouve au moins un conseil de prud'hommes190(*), divisés en deux collèges (salariés et employeurs) et en cinq sections autonomes191(*).

Les conseillers prud'hommes sont nommés par le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre chargé du travail, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles, en fonction de la mesure de l'audience syndicale et patronale, pour un mandat de quatre ans192(*).

Les candidats peuvent être des salariés, employeurs, des personnes à la recherche d'un emploi ou ayant cessé d'exercer toute activité professionnelle193(*).

Les salariés et les employeurs peuvent être candidats dans le conseil de prud'hommes dans le ressort duquel ils exercent leur activité principale ou dans un conseil de prud'hommes limitrophe.

Les personnes en recherche d'activité ou retraitées peuvent être candidates dans le CPH situé dans le ressort où elles exerçaient leur dernière activité, dans un CPH limitrophe ou dans celui situé dans le ressort de leur domicile.

Les voyageurs-représentants-placiers peuvent être candidats dans le CPH situé dans le ressort de leur domicile. Les employés de maison et leurs employeurs peuvent être candidats dans le CPH situé dans le ressort de leur domicile ou dans le CPH d'un ressort limitrophe.

1.2. Une vacance de 8 % de conseillers prud'hommes

Les 13 261 conseillers prud'homaux actuellement en fonction194(*) ont vu leur mandat débuté en 2023195(*). Il s'achèvera, exceptionnellement, en 2025, dans la mesure où leur mandat a été raccourci d'une année en raison de la crise sanitaire qui avait mené à la prolongation d'une année supplémentaire du précédent mandat.

Des opérations de désignation complémentaire sont conduites (une à deux par an) par la direction des services judiciaire afin de pourvoir les sièges vacants et procéder au remplacement des conseillers mettant fin à leur mandat196(*).

À ce jour, les conseils de prud'hommes connaissent une vacance structurelle de 8 % de leurs membres197(*).

2. La discipline des conseillers prud'hommes présente une faille en cas de démission préalable au prononcé d'une sanction disciplinaire

Les conseillers prud'hommes sont soumis aux principes déontologiques attachés à leurs fonctions de juge198(*). Ils doivent exercer leur mission en toute indépendance, impartialité, dignité et probité. Ils s'abstiennent, notamment, de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions. Ils sont tenus au secret des délibérations. Le droit de grève est interdit dans le cadre de leurs fonctions de conseiller prud'homal. Ils prêtent le serment suivant : « Je jure de remplir mes devoirs avec zèle et intégrité et de garder le secret des délibérations199(*) ».

Depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, en dehors de toute action disciplinaire, les premiers présidents de cour d'appel peuvent rappeler à leurs obligations les conseillers prud'hommes des juridictions situées dans le ressort de leur cour200(*).

La loi du 6 août 2015 a également précisé la faute disciplinaire comme étant « tout manquement à ses devoirs dans l'exercice de ses fonctions par un conseiller prud'homme »201(*) .

L'organe disciplinaire en charge des conseillers prud'hommes est la commission nationale de discipline des conseillers prud'hommes (CNDCPH), présidée par un membre de la Cour de cassation et composée d'un membre du Conseil d'État, de deux magistrats du siège de cour d'appel ainsi que quatre représentants de salariés et d'employeurs exerçant ou ayant exercé un mandat de conseiller prud'homal.

La CNDCPH peut être saisie par le garde des sceaux ou par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle siège le conseiller prud'homme concerné par une procédure disciplinaire202(*). Cette procédure doit respecter les principes du contradictoire et les droits de la défense.

Quatre sanctions disciplinaires sont applicables aux conseillers prud'hommes :

- le blâme ;

- la suspension pour une durée de six mois maximum ;

- la déchéance assortie d'une interdiction d'exercer les fonctions de conseiller prud'homme pour une durée maximale de dix ans ;

- la déchéance assortie d'une interdiction définitive d'exercer les fonctions de conseiller prud'homme.203(*)

Par leur nature, ces sanctions n'ont de sens (le blâme) ou de faisabilité (suspension ou déchéance) que si le conseiller prud'homme est toujours titulaire de son mandat. Tel n'est justement plus le cas si le conseiller prud'homme a démissionné avant la décision de la CNDCPH. Cette démission fait donc échec à l'engagement des poursuites disciplinaires et au prononcé d'une sanction.

Sanctions prononcées par la CNDCPH depuis 2017 

Sur 22 saisines, la CMDCPH a prononcé :

- 2 déchéances avec interdiction définitive d'exercer les fonctions de conseiller

- 4 déchéances avec interdiction d'exercer les fonctions de conseiller pour une durée maximale de 10 ans

- 3 suspensions des fonctions pour une durée ne pouvant excéder six mois ;

- 4 non-lieux pour absence de manquement ou absence de sanction malgré le constat de manquements ;

- 3 non-lieux en raison de la démission d'un conseiller prud'homme au cours de la procédure.

6 affaires sont pendantes.

Source : Étude d'impact du projet de loi d'orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027.

3. Le projet de loi vise à augmenter le vivier des candidats (salariés) des conseils de prud'hommes et à renforcer la responsabilité des conseillers prud'homaux

3.1. Permettre la nomination de certains candidats dans une juridiction prud'homale limitrophe de leur domicile

L'article 8 vise à assouplir les règles prévues à l'article L. 1441-11 du code du travail afin d'augmenter le vivier de candidats aux fonctions de conseillers prud'hommes.

En premier lieu, les salariés qui exercent à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement204(*) pourraient être candidats dans le CPH situé dans le ressort de leur domicile, à l'instar des voyageurs-représentants-placiers.

En second lieu, le dispositif proposé vise à permettre à ces différentes catégories de salariés, ainsi qu'aux personnes en recherche active d'emploi ou ayant cessé toute activité professionnelle, d'être candidats dans un CPH situé dans un ressort limitrophe de leur domicile.

En outre, la direction des services judiciaires a indiqué aux rapporteurs que dans le cadre dans le cadre du renouvellement général des conseillers prud'hommes de 2022, environ 50 demandes de candidature n'ont pas pu être prises en compte du fait des règles relatives aux ressorts limitrophes. Ce chiffre doit être relativisé dans la mesure où d'autres candidats potentiels ont probablement renoncé à faire acte de candidature aux fonctions de conseillers prud'hommes, ne pouvant siéger dans une juridiction d'un ressort limitrophe de leur domicile.

3.2. Permettre de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre d'un conseiller prud'homal démissionnaire

Le dispositif proposé par le Gouvernement vise à répondre à la situation particulière où il est reproché une faute disciplinaire à un conseiller prud'hommes, à l'égard duquel des poursuites disciplinaires pourraient ou sont engagées, mais qui démissionne avant tout engagement des poursuites ou décision de la CNDCPH. Depuis 2017, cet organe disciplinaire a dû prononcer à trois reprises des décisions de non-lieu à sanction compte tenu de la démission de conseiller prud'hommes mis en cause devant cette instance.

Cette situation permet à des conseillers prud'hommes, après avoir démissionné, de solliciter un nouveau mandat de juge lors du renouvellement des membres des CPH, alors même qu'ils allaient ou ont été mis en cause disciplinairement.

L'article 8 entend donc permettre l'engagement de poursuites disciplinaires et le prononcé d'une éventuelle sanction malgré la démission du conseiller prud'hommes concerné. L'objectif étant, le cas échéant, de l'empêcher d'être à nouveau désigné en qualité de conseiller prud'hommes lors du renouvellement des effectifs des CPH.

4. La commission a estimé qu'il était pertinent d'élargir le vivier des candidats salariés aux fonctions de conseiller prud'hommes et d'assurer un renforcement de la responsabilité de ces derniers

Face à un manque structurel de près de 8 % de conseillers prud'hommes, il apparaît nécessaire de trouver des assouplissements raisonnables des conditions pour élargir le vivier de candidats aux fonctions de juges au sein des conseils de prud'hommes.

En 2019 déjà, Agnès Canayer, Pascale Gruny, Nathalie Delattre et Corinne Féret proposaient, dans un rapport d'information sur la justice prud'homale, d'assouplir les conditions de candidature des retraités afin de leur permettre de se porter candidat dans les conseils de prud'hommes de ressorts voisins de celui de leur domicile205(*).

La commission estime bienvenu le dispositif proposé, qui va au-delà de cette proposition en l'étendant aux personnes en recherche active d'emploi et en permettant aux salariés qui exercent dans leur activité professionnelle dans un lieu non fixe d'être candidat dans le CPH situé dans le ressort de leur domicile. .

De la même manière, la commission juge nécessaire de renforcer la discipline des conseillers prud'hommes en s'assurant que ceux qui ont commis des fautes disciplinaires ne puissent pas échapper à leur responsabilité en démissionnant de leur mandat avant toute sanction éventuelle.

La commission a adopté l'article 8 ainsi rédigé.

Article 8 bis (nouveau)
Instauration d'une obligation de déclaration d'intérêts
pour les conseillers prud'hommes

Introduit par la commission à l'initiative des rapporteurs, l'article 8 bis vise à instaurer une obligation de déclaration d'intérêts pour les conseillers prud'hommes afin de renforcer leur obligation d'impartialité et leur permettre d'identifier et de prévenir d'éventuels conflits d'intérêts.

Dans la mesure où le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 porte notamment sur la discipline des juges prud'homaux, les rapporteurs ont souhaité mettre en oeuvre la recommandation n° 23 formulée dans le rapport d'information des co-rapporteurs Agnès Canayer, Pascale  Gruny, Nathalie Delattre et Corinne Féret sur la justice prud'homale réalisé en 2019 au nom des commissions des affaires sociales et des lois du Sénat206(*).

Initialement prévue pour les magistrats professionnels par la loi n° 215-990  du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, la déclaration d'intérêts a également était entendue aux juges consulaires des tribunaux de commerce par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Dans le prolongement de la loi du 6 août 2015207(*) ayant instauré dans le code du travail un certain nombre d'obligations déontologiques (indépendance, impartialité, dignité et probité), l'obligation de déclaration d'intérêts s'appliquant aux conseillers prud'hommes, contribuerait à mieux identifier en amont les risques de conflit d'intérêts et à faire une meilleure application des règles de déport.

La commission a en conséquence adopté l'amendement COM-121 des rapporteurs.

Selon le dispositif adopté, cette déclaration d'intérêts, remise dans un délai de deux mois à l'issue de la prise de fonctions, est le support à un entretien déontologique, avant d'être adressée à l'autorité (président du conseil de prud'hommes pour les conseillers prud'hommes et premier président de cour d'appel pour le président du CPH). Elle n'est pas accessible aux tiers, sa divulgation étant pénalement réprimée208(*), mais peut être sollicitée par la commission nationale de discipline des conseillers prud'hommes en cas de poursuites disciplinaires. Le fait de ne pas remettre sa déclaration d'intérêts ou d'omettre une partie substantielle de ses intérêts serait puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Enfin, la commission a jugé opportun, par le même amendement, d'harmoniser le régime déontologique des différents juges (professionnels, consulaires et prud'homaux) afin de permettre d'affirmer clairement l'idée selon laquelle les conseillers prud'hommes sont avant tout des juges même s'ils ne sont pas des magistrats professionnels. Cette obligation peut également permettre de renforcer la confiance des justiciables dans la justice prud'homale.

La commission a adopté l'article 8 bis ainsi rédigé.

Article 8 ter (nouveau)
Instauration d'une limitation du cumul des mandats de conseiller prud'hommes et d'une limite d'âge pour l'exercice de cette fonction

Introduit par la commission à l'initiative des rapporteurs, l'article 8 ter vise à instaurer une limitation du cumul des mandats de conseiller prud'hommes au sein d'une même juridiction et une fin d'exercice en qualité de conseiller prud'hommes après l'âge de 75 ans.

Cet article, issu de l'adoption de l'amendement COM-122 des rapporteurs, s'inscrit également dans une volonté de la commission de renforcer la déontologie des conseillers prud'hommes. Le dispositif proposé s'inspire de la recommandation n° 24 du rapport d'information sénatoriale sur la justice prud'homale de 2019209(*).

Il permet d'assurer une cohérence et une harmonisation avec les règles applicables aux juges consulaires et professionnels. En effet, les juges professionnels sont astreints à des obligations de mobilité professionnelle210(*) et doivent cesser leurs fonctions à l'âge de 67 ans211(*) (75 ans en cas d'honorariat212(*)). Les juges consulaires des tribunaux de commerce ne peuvent exercer plus de cinq mandats successifs dans un même tribunal de commerce et ne peuvent siéger au-delà de l'âge de 75 ans213(*).

En revanche, aucune règle similaire ne s'applique pour les conseillers prud'hommes. Or si l'expérience acquise est un atout incontestable, le poids des habitudes prises peut parfois être un obstacle à un fonctionnement fluide des conseils de prud'hommes.

Soucieuse de renforcer le régime déontologique des conseillers prud'hommes et l'harmoniser avec celui des juges consulaires des tribunaux de commerce, la commission a donc institué d'une règle limitative de cumul des mandats de conseillers prud'hommes au sein d'une même juridiction et d'une fin d'exercice l'année du soixante-quinzième anniversaire des juges prud'homaux.

La commission a adopté l'article 8 ter ainsi rédigé.

Article 9
Sanction de l'obligation de formation du président du tribunal
de commerce et du refus de siéger d'un juge consulaire

L'article 9 vise d'une part à réputer démissionnaires, de leur fonction de président, les présidents des tribunaux de commerce qui n'auraient pas réalisé la formation spécialisée relative au rôle de chef de juridiction. D'autre part, il introduit une nouvelle cause de cessation des fonctions des juges du tribunal de commerce s'ils refusent de siéger sans motif légitime.

La commission a adopté cet article tout en modifiant son dispositif afin de renforcer les garanties du mécanisme mettant fin au mandat des juges consulaires refusant de siéger. À l'initiative des rapporteurs, elle a également renforcé la portée de l'obligation de formation des juges consulaires.

1. L'absence de formation obligatoire des présidents des tribunaux de commerce

Le président du tribunal de commerce est un juge consulaire choisi parmi les juges du tribunal qui ont exercé des fonctions dans un tribunal de commerce pendant six ans au moins214(*). Il est élu pour quatre ans au scrutin secret par ses pairs réunis en assemblée générale215(*).

Les juges consulaires ont une obligation de formation initiale et continue216(*). S'ils n'effectuent pas leur formation initiale dans un délai de vingt mois217(*), ils sont réputés démissionnaires.

Les présidents des tribunaux de commerce n'ont, actuellement, pas d'obligation de suivre une formation spécifique pour l'exercice de leur mandat de chef de juridiction.

Pour autant, leurs missions sont nombreuses. En effet, ils doivent notamment être garants du respect des règles déontologiques, des exigences de disponibilité, de la formation initiale et continue de leurs pairs et de la compétence de ces derniers. Ils doivent également s'assurer de la continuité, de la conformité et de la diligence procédurale du traitement des affaires. Ils se voient aussi confier des compétences juridictionnelles propres. Enfin, ils sont responsables de l'administration et la gestion du tribunal. Ils doivent veiller à son bon fonctionnement et à son efficacité218(*).

Compte tenu de ces enjeux, l'École nationale de la magistrature a mis en place depuis plusieurs années une formation de deux jours intitulée « Présider  un  tribunal de commerce ». À ce jour, cette formation est néanmoins peu suivie : seulement 50 % des nouveaux présidents la suivent et constituent 50 % des stagiaires219(*).

2. Une problématique persistante au sein des juridictions commerciales : le refus de siéger des juges consulaires

Depuis 2021, la Conférence générale des juges consulaires de France (CGJCF) alerte le Sénat sur les difficultés organisationnelles engendrées par le refus de siéger de certains juges consulaires des tribunaux de commerce.

Lors de la mission d'information de la commission des lois sur le droit des entreprises en difficulté à l'épreuve de la crise, la question du refus de siéger a été abordée. Les rapporteurs François Bonhomme et Thani  Mohamed Soilihi estimaient que ce comportement pourrait éventuellement caractériser un manquement disciplinaire, justifiant le recours à une procédure disciplinaire, à l'initiative du premier président de la cour d'appel220(*).

La proposition de la sénatrice Nathalie Goulet visant à actualiser le régime de réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce, examinée en septembre 2022221(*) prévoyait notamment de sanctionner le refus de siéger des juges consulaires en les rendant démissionnaires, conformément à la demande formulée par la CGJCF. Cependant, compte tenu de la position récente de la commission sur cette question, du fait que le texte portait principalement sur des questions relatives au collège électoral et à l'éligibilité des juges consulaires et de l'annonce du dépôt d'un futur projet de loi sur la justice au cours de l'année 2023, la commission a supprimé ce dispositif de la proposition de loi.

Le Gouvernement a donc repris cette mesure dans le projet de loi en indiquant que le refus de siéger est toujours une situation « fréquemment rencontrée » et qu'il s'agit d'un facteur de désorganisation pour les juridictions commerciales. La charge de travail du juge absent doit être répartie sur les autres juges, étant précisé qu'en 2022, sur 3 513 sièges de juges consulaires localisés, 3 477 étaient en fonction, le nombre de juges consulaires par tribunal étant fixé limitativement par décret222(*). Le Gouvernement précise enfin qu'« A ce jour, le refus de siéger n'est pas sanctionné. Dès lors, aucun juge consulaire n'a fait l'objet de poursuites disciplinaires sur ce motif au cours des dernières années223(*) ».

Les auditions des rapporteurs ont mis en avant l'actualité et la persistance de la problématique du refus de siéger au sein des juridictions commerciales. Pour tenter de faire face à ces situations, certains présidents ont notamment recours à des entretiens informels avec les intéressés afin de les convaincre de démissionner pour permettre l'élection d'un autre juge qui aura une réelle volonté d'exercer son office une fois élu.

3. Le projet de loi entend renforcer l'obligation de formation des présidents des tribunaux de commerce et sanctionner le refus de siéger de manière automatique

3.1. Mettre fin au mandat du président du tribunal de commerce qui ne se forme pas à ses attributions de chef de juridiction

Dans l'hypothèse où le président du tribunal de commerce ne réalise pas une formation spécifique à la gestion d'une juridiction commerciale, le projet de loi prévoit de mettre un terme à son seul mandat de président, en le rendant automatiquement démissionnaire.

L'objectif poursuivi par le Gouvernement est de s'assurer que les présidents des tribunaux de commerce, outre leur expérience juridictionnelle, disposent des outils théoriques nécessaires pour l'exercice de leurs missions de chef de juridiction.

3.2. Le refus de siéger : une nouvelle cause de cessation automatique des fonctions du juge consulaire

Actuellement, il existe quatre causes de cessation de fonctions de juge d'un tribunal de commerce envisagées par l'article L. 722-8 du code de commerce :

- l'expiration du mandat électoral ;

- la suppression du tribunal ;

- la démission ;

- la déchéance.

Ces causes résultent toutes de situations sans équivoque, dans lesquelles, à l'exception de l'hypothèse d'une démission, le juge consulaire n'est pas à l'origine de la fin de son mandat. A l'inverse, le refus de siéger, s'il est volontaire, peut résulter de causes différentes et temporaires, et il convient d'apprécier l'absence de « cause légitime ».

Le dispositif de l'article 9 du projet de loi instaurerait une cinquième cause de cessation de fonctions en raison du refus de siéger du juge consulaire. Une mise en demeure est prévue, selon des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

4. La position de la commission : faire du refus de siéger une problématique disciplinaire et renforcer l'obligation de formation des juges consulaires

À l'initiative des rapporteurs, la commission des lois a adopté un amendement COM-123 apportant plusieurs modifications.

4.1. Le refus de siéger est un comportement qui doit relever de la discipline des juges consulaires

Sensible au caractère persistant de la problématique du refus de siéger et estimant le véhicule législatif plus adapté que lors de l'examen de la récente proposition de loi de Nathalie Goulet, la commission a souhaité renforcer l'équilibre du dispositif.

Dans la mesure où ce comportement s'apparente davantage à un manquement aux devoirs d'un juge, l'automaticité de la cessation des fonctions en cas de refus de siéger n'apparait pas comme une réponse adaptée face à une situation qui peut avoir des origines éventuellement temporaires.

La commission a donc fait le choix de déplacer les dispositions relatives au refus de siéger dans le chapitre concernant la discipline des juges des tribunaux de commerce, tout en précisant que le prononcé de cette sanction devient une possibilité qui nécessitera la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire (mise en demeure, entretiens avec l'intéressé) dont les modalités seront précisées par décret en Conseil d'État.

La commission a estimé que le mécanisme existant pour les conseillers prud'hommes pouvait utilement être appliqué aux juges consulaires étant précisé que c'est également l'option envisagée par le Gouvernement selon les termes de l'étude d'impact du projet de loi.

Le refus de siéger aux prud'hommes

Le refus de siéger des conseillers prud'hommes est sanctionné au titre de la discipline224(*). Il est réputé démissionnaire à titre disciplinaire.

Cette procédure est régie par un décret en Conseil d'État qui prévoit l'organisation d'un entretien préalable entre le président de la juridiction prud'homale et le conseiller prud'homme qui refuse d'effectuer son service. À l'issue de cet entretien, le président de la juridiction dresse un procès-verbal après avis du vice-président de la juridiction et de la section ou la chambre dans laquelle siège habituellement le conseiller prud'homme. Ensuite, la cour d'appel statue sur la démission de l'intéressé après l'avoir convoqué.

Cette procédure est peu employée : selon la direction des services judiciaires du ministère de la justice, seulement six conseillers prud'hommes ont fait l'objet de cette procédure depuis le 14 décembre 2017.

Source : Rapport n° 901 (2021-2022) de Thani Mohamed Soilihi,
fait au nom de la commission des lois du Sénat, le 28 septembre 2022, pp. 12 à 15.

4.2. Renforcer l'obligation de formation des juges consulaires et des présidents de juridiction commerciale

La commission est favorable au mécanisme proposé par le projet de loi pour renforcer la formation des présidents des tribunaux de commerce.

En outre, le Conseil national des tribunaux de commerce fait état d'une difficulté pratique relative à la sanction de l'obligation de formation de l'ensemble des juges consulaires, qui manque d'efficacité.

En effet, les juges consulaires, dont c'est le premier mandat ou n'ayant jamais suivi la formation initiale, sont soumis à une obligation de formation initiale. Conformément à l'article L. 722-17 du code de commerce, à défaut d'avoir satisfait à cette obligation dans le délai de vingt mois, ils sont réputés démissionnaires.

Toutefois, les juges consulaires ainsi réputés démissionnaires restent éligibles. En effet, dès lors qu'ils ne sont frappés par aucune inéligibilité, ils peuvent être élus à nouveau dès la fin prématurée de leur précédent mandat, ce qui prive de réel effet cette obligation de formation.

La commission a instauré une inéligibilité de quatre années pour tout juge consulaire réputé démissionnaire. Cependant, afin de prendre en compte les circonstances susceptibles de justifier la non-réalisation de cette formation dans le temps imparti, une procédure de relèvement d'inéligibilité après examen des demandes par le ministère de la justice est également créée.

4.3. Clarifier les modalités de computation des mandats après annulation de l'élection du juge consulaire

Au cours des travaux des rapporteurs, il est également apparu que certaines préfectures rencontrent des difficultés concernant la computation de mandats des juges consulaires.

En effet, le code de commerce prévoit que le tribunal judiciaire peut annuler l'élection des juges des tribunaux de commerce en cas de non-respect des règles relatives à l'électorat, à l'éligibilité et aux opérations électorales225(*). Dans ce cas, un juge élu après une annulation de l'élection précédente ne commence pas son mandat en même temps que tous les autres.

La commission propose donc de prévoir également que la durée de deux ans du mandat de juge consulaire ne soit pas comptabilisée à compter de l'annulation, à l'instar de ce qui est prévu pour les élections complémentaires.

La commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.

Article 10
Sanction de l'obligation de formation des assesseurs des pôles sociaux des tribunaux judiciaires

L'article 10 vise à réputer démissionnaires les assesseurs (magistrats non professionnels désignés parmi les représentants de salariés et d'employeurs) des pôles sociaux des tribunaux judiciaires qui n'ont pas réalisé la formation obligatoire d'une journée prévue pour l'exercice de leurs fonctions.

La commission a adopté cet article en complétant son dispositif afin de permettre de sanctionner les cas de refus de siéger d'un assesseur et de limiter la prestation de serment aux seuls assesseurs n'ayant jamais exercé cette fonction au préalable.

1. L'obligation de formation des assesseurs des pôles sociaux des tribunaux judiciaires

Depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, les pôles sociaux des tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître des contentieux de la sécurité sociale et une partie du contentieux relatif de l'admission à l'aide sociale.

La composition de la chambre du pôle social est présidée par un magistrat professionnel et deux assesseurs représentant les travailleurs salariés ainsi que les employeurs et travailleurs indépendants226(*).

Les assesseurs sont désignés pour une durée de trois ans par le premier président de la cour d'appel, après avis du président du tribunal, sur une liste dressée dans le ressort de chaque tribunal par l'autorité administrative, sur proposition des organisations professionnelles intéressées les plus représentatives227(*). Au 1er janvier 2022, 2 968 assesseurs ont été recensés228(*).

La loi du 18 novembre 2016 a imposé aux assesseurs nouvellement nommés au sein des pôles sociaux des tribunaux judiciaires et de la formation de jugement de la cour d'appel d'Amiens229(*), le suivi d'une formation initiale préalable à l'exercice de leurs fonctions230(*). Cette formation d'une journée est organisée par l'École nationale de la magistrature.

L'assesseur qui ne justifie pas du suivi de la formation initiale ne peut pas siéger s'il n'a jamais exercé de mandat au préalable. En revanche, aucune autre sanction n'est prévue, le mandat de l'assesseur subsistant et son siège ne pouvant être attribué à un autre candidat.

Au 11 janvier 2023, sur 1 521 assesseurs en formation, 1 034 ont validé l'intégralité de leur parcours de formation en ligne, 335 ne se sont jamais connectés à la plateforme, 132 ont débuté leurs parcours et 68 % de la promotion a validé sa formation initiale.

2. Le projet de loi introduit une sanction du non-respect de l'obligation de formation des assesseurs des pôles sociaux des tribunaux judiciaires

Lorsqu'un assesseur n'effectue pas sa formation obligatoire, l'empêchant de siéger, la juridiction peut initier une procédure disciplinaire231(*), inviter l'assesseur à démissionner ou recourir au dispositif de vacances des fonctions232(*). Cependant, le Gouvernement estime que ces mécanismes sont inadaptés au besoin des juridictions.

Le dispositif proposé permettrait donc de mettre automatiquement un terme au mandat d'un assesseur qui refuse ou tarde à exécuter son obligation de formation en le rendant démissionnaire.

3. La position de la commission : renforcer l'obligation de formation des assesseurs des pôles sociaux des tribunaux judiciaires et sanctionner les éventuels refus de siéger de ces derniers

Si la commission est favorable au dispositif proposé pour mettre un terme au mandat des assesseurs qui n'effectuent pas leur formation initiale, elle entend également, via l'amendement COM-124 présentée par les rapporteurs, sanctionner les assesseurs qui refusent de siéger.

En effet, les juridictions sont parfois confrontées à des assesseurs injoignables ou qui ne se présentent pas au tribunal pour les audiences auxquelles ils ont été convoqués. Face à ces assesseurs qui occupent un siège sans remplir leurs missions, les pôles sociaux ne disposent pas de dispositif efficace pour mettre un terme à ces mandats et désigner de nouveaux assesseurs.

Il est alors nécessaire soit de mettre en oeuvre la procédure disciplinaire prévue à l'article L. 218-11 du code de l'organisation judiciaire, soit recourir au dispositif de vacances des fonctions. Or aucun de ces deux mécanismes n'est adapté au cas de figure particulier de l'assesseur qui refuse d'exercer ses fonctions juridictionnelles et porte ainsi atteinte au bon fonctionnement du pôle social.

La commission entend donc harmoniser la réponse à donner à ce type de situation, à l'instar de ce qui est déjà prévu pour les conseillers prud'hommes233(*), et de ce que l'article 9 du présent projet de loi prévoit pour les juges consulaires des tribunaux de commerce. Dès lors, en cas de refus de siéger, l'assesseur du pôle social du tribunal judiciaire sera réputé démissionnaire selon une procédure dont les modalités seront fixées par décret en Conseil d'État.

Par ailleurs, par mesure de simplification l'amendement adopté par la commission, outre une simplification rédactionnelle, supprime l'obligation de prestation de serment pour les assesseurs qui ont déjà exercé, par le passé, des fonctions judiciaires au sein du pôle social d'un tribunal judiciaire.

La commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

TITRE IV
OUVERTURE ET MODERNISATION
DE L'INSTITUTION JUDICIAIRE

CHAPITRE 1ER
JURIDICTIONS JUDICIAIRES

Article 11
Statuts des attachés de justice et des assistants spécialisés

L'article 11 consacrerait un chapitre du code de l'organisation judiciaire à « l'équipe autour des magistrats ». Toutefois, seuls deux articles définissant les statuts des attachés de justice et des assistants spécialisés y figureraient, excluant de facto les greffiers.

Les attachés de justice succéderaient aux juristes assistants dans le cadre d'un statut plus pérenne - qui autoriserait un détachement de fonctionnaires ou la signature d'un contrat à durée indéterminée - et de fonctions élargies, tandis que les assistants spécialisés pourraient exercer leurs fonctions au civil, et non plus exclusivement au pénal.

Les deux statuts permettraient de recevoir des délégations de signature en matière de réquisitions pénales et, pour l'attaché de justice, selon des modalités à définir par décret, en matière civile. Ce même décret fixerait le niveau de diplôme et la durée d'expérience requis pour ces deux fonctions, ainsi que la formation dispensée, la « doctrine d'emploi durable pour chacun d'entre eux234(*) » restant quant à elle à définir.

À l'initiative de ses rapporteurs et dans la lignée de ses précédents rapports et des États généraux de la justice, la commission a choisi de ne pas exclure les greffiers de l'équipe autour du magistrat et a renommé le chapitre III bis en conséquence. Elle a accepté la création d'un statut pérenne d'attaché de justice et l'extension des missions des assistants spécialisés au civil, tout en appelant à une clarification des rôles respectifs des membres de l'équipe du magistrat qui ne ressort pas du texte.

La commission a adopté cet article avec modification.

1. Un constat partagé : la nécessité d'une « équipe autour des magistrats »

« Permettre au juge de se recentrer sur son office, sur le coeur de sa fonction, c'est-à-dire décider, trancher des litiges, grâce au développement d'une équipe de collaborateurs du juge, doit aussi contribuer à des décisions de meilleure qualité, si le juge peut être déchargé de tâches secondaires qui seraient effectuées par d'autres et de la participation à des commissions administratives où sa présence n'est pas indispensable », telle était l'une des recommandations du rapport d'information de la commission des lois « Cinq ans pour sauver la justice ! » en 2017235(*), se plaçant ainsi dans la continuité de nombreux rapports antérieurs236(*).

Force est de constater qu'au fil des années, le binôme magistrat-greffier s'est étoffé et que le profil et le statut des personnes sur lesquelles les magistrats peuvent désormais s'appuyer se sont diversifiés.

 

Base législative

Statut

Conditions de recrutement

Missions

Assistant de justice

Article 20 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative

CDD de 2 ans renouvelable deux fois (maxi : 6 ans)

Temps partiel237(*)

Diplôme sanctionnant une formation juridique d'une durée au moins égale à 4 années d'études supérieures après le baccalauréat

Apportent leur concours aux travaux préparatoires réalisés pour l'exercice de leurs attributions par les magistrats238(*)

Assistant spécialisé

Article 91 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier

Détachement nommé pour une durée de 3 ans renouvelable

ou

CDD de 3 ans renouvelable

Fonctionnaires de catégorie A ou B

ou

Diplôme national dans des matières définies par décret sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à 4 années d'études supérieures après le baccalauréat

et

4 années d'expérience professionnelle

Toutes les tâches qui leur sont confiées par les magistrats et notamment:

Assister les juges d'instruction dans tous les actes d'information ;

- Assister les magistrats du ministère public dans l'exercice de l'action publique ;

- Assister les officiers de police judiciaire agissant sur délégation des magistrats ;

- Remettre aux magistrats des documents de synthèse ou d'analyse qui peuvent être versés au dossier de la procédure ;

- Mettre en oeuvre le droit de communication reconnu aux magistrats en application de l'article 132-22 du code pénal239(*).

Juriste assistant

Article 24 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle

CDD de 3 ans, renouvelable une fois (maxi : 6 ans)

Temps partiel ou complet

Diplôme de doctorat en droit ou sanctionnant une formation juridique au moins égale à 5 années d'études supérieures après le baccalauréat

et

1 année d'expérience240(*) professionnelle dans le domaine juridique

Contribuent par leur expertise, en matière civile et en matière pénale, à l'analyse juridique des dossiers techniques ou comportant des éléments de complexité qui leur sont soumis par les magistrats sous la direction desquels ils sont placés. Ils ne participent ni à la procédure ni aux audiences. Ils ne peuvent assister aux délibérés241(*).

À ces trois catégories bien identifiées mais dont les champs d'intervention se recoupent parfois, s'ajoutent les contractuels « Justice de proximité » recrutés en 2021 et 2022 afin d'accélérer le traitement des affaires civiles et de réduire le stock dans les tribunaux. Agents de catégorie A ou B, ils sont destinés à apporter un renfort aux greffes dans les services civils ou pénaux de la juridiction ou, sous la responsabilité du magistrat, à participer au pilotage de dossiers non-juridictionnels (comme par exemple les chargés de mission VIF). Ces personnels, un temps qualifiés de « sucres rapides » par le garde des sceaux « ont vocation à devenir des renforts pérennes et s'installer durablement en tant qu'acteurs de la communauté judiciaire » selon son annonce faite à Reims le 27 février 2023.

Enfin, les juridictions accueillent également des apprentis et des stagiaires, en particulier des élèves avocats au cours de leur projet pédagogique individuel (PPI).

Dans son rapport de 2022242(*), Dominique Lottin, Première présidente honoraire et ancienne membre du Conseil constitutionnel, faisait le constat que « le développement et la structuration d'équipes pluridisciplinaires sont de nature à apporter une assistance précieuse aux juges et aux procureurs afin de contribuer à renforcer la qualité de leur office et à améliorer leurs conditions de travail ».

2. Le projet de loi : une équipe qui semble exclure les greffiers sans le dire clairement

L'article 11 du projet de loi entend, selon l'étude d'impact, répondre au constat mis à jour par les États généraux de la justice d'une confusion entre les compétences respectives des juristes assistants, assistants spécialisés et greffiers. Il vise également :

- à permettre d'accompagner le développement et l'animation de politiques publiques et partenariales incombant à l'autorité judiciaire ;

- à revaloriser le statut des juristes assistants et à pérenniser ces postes, affectés par un renouvellement important ou qui restent non pourvus faute d'un vivier universitaire local suffisant.

D'un point de vue strictement législatif, l'article se contente toutefois de renommer le chapitre III bis du titre II du livre Ier de la partie législative du code de l'organisation judiciaire « Équipe autour des magistrats », d'y insérer un article relatif aux assistants spécialisés qui n'apparaissent à présent que dans le code de procédure pénale et de redéfinir les statuts de juristes assistants et de juristes spécialisés.

Quelques chiffres

Au 1er janvier 2023, on décomptait 935 juristes assistants et 141 assistants spécialisés.

En 2023, 300 juristes assistants et 20 assistants spécialisés devraient être recrutés.243(*)

De 2024 à 2027, il est prévu de recruter 1 700 attachés de justice.

La direction des services judiciaires évalue le besoin d'attachés de justice à environ 1 pour 3 magistrats, soit 3 000 ou 4 000 agents à terme, en considérant que toutes les activités des magistrats puissent donner lieu à une aide à la décision244(*).

2.1. La proposition : créer un statut plus pérenne pour les juristes assistants et étendre les fonctions des assistants spécialisés

L'article 11 vise :

- à pérenniser le statut contractuel des juristes assistants, qui seraient désormais appelés « attachés de justice » et pourraient être recrutés par contrats à durée indéterminée ;

- à permettre le recrutement de fonctionnaires en détachement sur cette fonction, à l'instar des assistants spécialisés ;

- à leur permettre d'assister aux audiences et aux délibérés ;

- à leur accorder des délégations de signature : en matière pénale, il s'agirait des mêmes que celles données aux assistants spécialisés245(*) et, en dehors du champ pénal, de « matières particulières », à déterminer par décret ;

_ à intégrer les assistants spécialisés dans le code de l'organisation judiciaire et à élargir leur domaine d'intervention au civil.

Une large marge d'appréciation serait laissée au pouvoir réglementaire, qui aurait à déterminer les délégations de signature conférées aux attachés de justice, les conditions à remplir pour être nommé à ces deux fonctions, la formation préalable qui serait dispensée et, pour les assistants spécialisés, la durée pour laquelle ils seraient nommés.

La pérennisation des juristes assistants semble faire l'unanimité tant auprès des magistrats que des juristes assistants eux-mêmes. Le choix de maintenir un statut contractuel a également été retenu par le rapport des États généraux et le rapport Lottin précité. La Conférence nationale des Premiers présidents s'est déclarée intéressée par l'évolution du statut des juristes assistants vers un double recrutement de contractuels et de fonctionnaires en détachement, qui permet de gommer les inégalités territoriales, et a salué la facilitation de l'accès à la magistrature des attachés via le concours professionnel de recrutement de magistrats de premier grade (voir l'article 1er du projet de loi organique). Elle a relevé que la « CDisation » pourrait être une voie d'accueil à des anciens avocats.

L'appellation soulève quant à elle plus d'interrogations : l'Association des juristes assistant-e-s de magistrat-e-s souhaiterait conserver la qualification de « juriste246(*) », tandis que le rapport Lottin préférait « assistants juridictionnels » et que l'Union syndicale des magistrats propose la dénomination « juristes judiciaires »247(*)

Les rapporteurs ont noté l'absence de réflexion commune avec les juridictions administratives qui conserveraient un statut inchangé de juristes assistants248(*), tout en relevant qu'elles peuvent déjà recourir, comme les juridictions financières, aux membres du corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat - de catégorie A - relevant du Premier ministre qui « apportent leur soutien aux membres de ces juridictions pour la conduite de l'instruction, pour les contrôles et enquêtes, ainsi que pour la tenue des formations d'instruction et de jugement » 249(*).

2.2. Les flous de la réforme : la place des greffiers et la structuration de l'équipe

La rédaction proposée laisse les greffiers manifestement en dehors de l'équipe autour des magistrats puisqu'aucune disposition les concernant ne figure dans le nouveau chapitre III bis. Or ceux-ci sont bien « dans l'équipe » : c'est le sentiment exprimé par les organisations syndicales entendues par les rapporteurs et la déclaration faite par le Garde des sceaux le 23 mai 2023 devant la commission semble sans équivoque : « Quant à la place du greffier dans l'équipe autour du magistrat, elle est absolument essentielle ».

L'assistance des magistrats dans le cadre de la mise en état et du traitement des dossiers, ainsi que dans le cadre des recherches juridiques figure d'ailleurs dans les missions fixées par l'article 4 du décret n° 2015-1275 du 13 octobre 2015 portant statut particulier des greffiers des services judiciaires.

L'équipe autour des magistrats ne peut se structurer sans une réflexion sur la manière dont le travail des différents contractuels qui sont arrivés au fil des ans s'articule avec celui des greffiers, qui ont maintenu, aux côtés des magistrats, les juridictions en état de marche pendant des années malgré les difficultés et se plaignent désormais d'une perte de sens de leurs fonctions. Le rapport des États généraux de la justice détaille cette situation : « Du côté des agents des greffes, les indicateurs témoignent d'un réel mal-être, en même temps sans doute que d'un déficit de management : on constate ainsi un taux d'absentéisme anormalement élevé, de près de 9 %, au niveau des services judiciaires, contre 5 % sur l'ensemble du ministère de la justice. Entre 2015 et 2019, les demandes de détachement des greffiers ont augmenté de plus de 400 %, pour des départs notamment en préfecture où ils sont mieux payés et travaillent dans de meilleures conditions ».

Parmi les pistes, l'enrichissement des tâches des greffiers est régulièrement évoqué. Il irait de pair avec un recentrage du juge sur ses fonctions juridictionnelles.

Ainsi, dans son rapport « Cinq ans pour sauver la justice » de 2017, la commission avait recommandé de confier à un « délégué du juge » qui pourrait être issu du corps des greffiers des missions de conciliation ou de coordination des différents acteurs de la conciliation, ou encore d'expérimenter le déploiement de greffiers assistants du magistrat auprès des magistrats du siège pour leur confier, par exemple, la mise en état des affaires civiles. À l'occasion de l'Agora de la justice qu'elle a organisée le 27 septembre 2021, elle a réaffirmé l'importance de « recentrer le juge civil sur son office et encourager la délégation de certaines missions à l'équipe du juge, en particulier aux greffiers ».

Le comité des États généraux de la justice a été dans le même sens en proposant « de renforcer les effectifs des greffiers de 2 500 à 3 000 personnes, dont certaines participeront aussi à l'aide à la décision ». À propos des greffiers des conseils des prud'hommes, il a relevé que leur rôle et leurs compétences doivent être étendus pour offrir une assistance plus poussée aux conseillers prud'homaux dans la prise en charge de la mise en état.

À la lecture du rapport annexé à l'article 1er, le greffier semble plutôt cantonné aux audiences et à l'accueil du justiciable, tandis que, selon les informations transmises par la direction des services judiciaires du ministère de la justice, il est envisagé de conférer une délégation de signature aux attachés de justice pour certains contentieux comme la mise en état.

Cette organisation semble aller à l'encontre des préconisations rappelées ci-dessus.

3. La position de la commission : accepter les nouveaux statuts d'attachés de justice et d'assistants spécialisés en les encadrant

La commission est tout à fait favorable à l'idée de pérenniser une équipe d'intervenants de qualité autour des magistrats et de lui permettre de sortir d'« une solitude inhabituelle dans notre société » selon les termes utilisés par un avocat représentant le Barreau de Paris entendu par les rapporteurs. Elle est parfaitement consciente des effets bénéfiques que cette équipe pourrait avoir sur les délais de jugement.

Elle a donc accepté d'adopter les dispositions relatives aux statuts des attachés de justice et assistants spécialisés, en regrettant que le renvoi au règlement ne permette pas d'avoir une idée claire du profil des attachés de justice, ni des fonctions réellement exercées. S'agissant de leur assistance aux délibérés, à laquelle les magistrats sont très opposés, la commission a estimé que le fait d'assister aux délibérés, dès lors que c'est en lien avec les dossiers qu'ils traitent, améliorerait la qualité de leur travail et rendrait plus efficace leur soutien aux magistrats. Il appartiendra au Gouvernement de veiller à ce que la formule du serment prêté par les attachés couvre bien le secret du jugement250(*).

La commission note, en revanche, que l'article 11 ne règle en rien la question de l'organisation et de la structuration de cette équipe. Ainsi que l'a déclaré un représentant de la Fédération CFDT Interco Justice, « l'invention d'attaché de justice vient pallier l'absence de volonté de se poser les vraies questions », et en particulier : « qui fait quoi ? » 

À l'initiative des rapporteurs, elle a souhaité restaurer symboliquement les greffiers dans l'équipe autour des magistrats en modifiant l'intitulé du chapitre III bis qui les exclut de facto, et ainsi également signifier que la simple existence de dispositions législatives relatives aux statuts d'attaché de justice et d'assistant spécialisé est bien insuffisante à structurer une équipe autour des magistrats. Elle a adopté l'amendement COM-126 à cette fin.

Des mesures transitoires pour l'application de cet article sont prévues en ce qui concerne les juristes assistants dont le statut disparaîtrait dans l'année suivant la publication de la loi. Il s'agirait d'une part de conserver le vivier actuel des juristes assistants par dérogation aux règles de durée des contrats actuellement applicables et, d'autre part, de nommer automatiquement tous les juristes assistants sur des fonctions d'attachés de Justice dès l'entrée en vigueur de l'article 11. Sur cette dernière mesure, la commission a souhaité rétablir un droit d'option251(*).

La commission a adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 12
Participation des parlementaires aux conseils de juridiction

L'article 12 rétablit la participation des parlementaires aux conseils de juridiction des tribunaux judiciaires et des cours d'appel à raison d'un membre par assemblée parlementaire. Conformément aux dispositions n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique régissant la participation des élus à des organismes extra-parlementaires il rehausse, pour ce faire, les conseils de juridiction au niveau législatif.

Tout en adoptant cet article, la commission a rétabli la possibilité pour l'ensemble des parlementaires élus d'une circonscription située sur le ressort de la juridiction de participer au conseil de juridiction. Elle a également créé des conseils de juridiction auprès de la Cour de Cassation, du Conseil d'État, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs.

1. L'impossibilité juridique pour les parlementaires de participer aux conseils de juridiction depuis 2017

1.1. Les conseils de juridiction : un espace de dialogue entre les juridictions et les acteurs de la cité

La volonté de créer un espace de dialogue entre les juridictions et les acteurs de la cité remonte à l'origine au rapport de Didier Marshall intitulé « Les juridictions du XXIe siècle » et remis à la Garde des sceaux le 16 décembre 2013. Celui-ci y plaidait pour la création de conseils de justice afin de « donner un cadre [aux partenariats organisés par les juridictions] en mettant en place, au sein de chaque département et de chaque région, des conseils de justice au sein desquels les juridictions, dans un souci démocratique de transparence, [présenteraient] leurs actions et leurs politiques juridictionnelles à leurs principaux partenaires, qui [feraient] part de leurs besoins et de leurs attentes »252(*).

Cette instance a finalement vu le jour trois ans plus tard sous la dénomination « conseil de juridiction » et à titre expérimental. Trois cours d'appel et dix-sept tribunaux de grande instance étaient ainsi concernés253(*). Le dispositif a ensuite été généralisé en avril 2016 à l'ensemble du territoire national par l'article 9 du décret n° 2016-514 du 26 avril 2016 relatif à l'organisation judiciaire, aux modes alternatifs de résolution des litiges et à la déontologie des juges consulaires. Les dispositions correspondantes dudit décret sont codifiées aux articles R. 212-64 et R. 312-85 du code l'organisation judiciaire qui définissent les conseils de juridiction, respectivement pour les tribunaux judiciaires et les cours d'appel, comme un « lieu d'échanges et de communication entre la juridiction et la cité ».

Le conseil de juridiction se réunit au moins une fois par an sous la co-présidence du président du tribunal judiciaire et du procureur de la République (ou du premier président de la Cour d'appel et du procureur général). Il « n'exerce aucun contrôle sur l'activité juridictionnelle ou sur l'organisation de la juridiction ni n'évoque les affaires individuelles dont la juridiction est saisie ». Sous cette réserve, son ordre du jour est relativement libre et s'étend potentiellement à l'ensemble des dossiers qui intéressent la vie de la juridiction.

De la même manière, la composition de l'instance n'est en principe pas figée. Les articles R. 212-64 et R. 312-85 du code de l'organisation judiciaire dressent ainsi une liste indicative des personnalités locales pouvant être conviées à siéger aux côtés des magistrats et des fonctionnaires de la juridiction, en fonction de l'ordre du jour (voir encadré infra). La composition du conseil de juridiction est en revanche précisément encadrée lorsque celui-ci est consulté en application de dispositions législatives ou règlementaires. Une telle procédure est prévue à deux reprises dans le code de l'organisation judiciaire : dans le cadre d'un projet de spécialisation de certains tribunaux judiciaire, en application de l'article L. 211-9-3, ou d'un ajout de compétences au profit des chambres de proximité, en application de l'article L. 212-8254(*).

Article R. 212-64 du code de l'organisation judiciaire

« I. - Le conseil de juridiction, coprésidé par le président du tribunal judiciaire et le procureur de la République, est un lieu d'échanges et de communication entre la juridiction et la cité. Il se réunit au moins une fois par an.

« L'ordre du jour est arrêté par les chefs de juridiction après avis du directeur de greffe en comité de gestion et de l'assemblée plénière des magistrats et des fonctionnaires, qui peuvent également faire des propositions d'ordre du jour.

« Le conseil de juridiction se compose de magistrats et fonctionnaires de la juridiction désignés par la commission restreinte ou l'assemblée plénière en fonction de la taille de la juridiction et, en fonction de son ordre du jour, notamment :

« 1° De représentants de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse ;

« 2° De représentants locaux de l'État ;

« 3° De représentants des collectivités territoriales ;

« 4° De personnes exerçant une mission de service public auprès des juridictions ;

« 5° Du bâtonnier de l'ordre des avocats du ressort et de représentants des autres professions du droit

« 6° De représentants d'associations ;

« 7° De représentants des conciliateurs de justice désignés par le magistrat coordonnateur de la protection et de la conciliation de justice pour le ressort de la juridiction.

« Cet organe n'exerce aucun contrôle sur l'activité juridictionnelle ou sur l'organisation de la juridiction ni n'évoque les affaires individuelles dont la juridiction est saisie.

« II. - Lorsque sa consultation est requise par des dispositions législatives ou réglementaires, le conseil de juridiction, coprésidé par le président du tribunal judiciaire et le procureur de la République près ce tribunal, est composé :

« 1° Du directeur de greffe ;

« 2° D'au moins un magistrat du siège désigné par l'assemblée des magistrats du siège ou son suppléant ;

« 3° D'au moins un magistrat du parquet désigné par l'assemblée des magistrats du parquet ou son suppléant ;

« 4° D'au moins un fonctionnaire désigné par l'assemblée des fonctionnaires du greffe et, le cas échéant, du secrétariat de parquet autonome, ou son suppléant ;

« 5° Du maire de la commune siège du tribunal judiciaire ;

« 6° Du président du conseil départemental ou du président de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale exerçant les compétences du département ou, en Guyane, du président de l'Assemblée de Guyane ;

« 7° Du bâtonnier de l'ordre des avocats du ressort.

« Les personnes mentionnées aux 1°, 5°, 6° et 7° peuvent se faire représenter.

« Le président du tribunal judiciaire et le procureur de la République près ce tribunal recueillent l'ensemble des observations présentées lors de la réunion du conseil de juridiction. Ils rédigent, dans un délai de huit jours suivant la réunion, une synthèse de ces observations. »

1.2. Des dispositions organiques qui font désormais obstacle à la participation des parlementaires aux conseils de juridiction

La possibilité pour les parlementaires élus du ressort de la juridiction de participer au conseil de juridiction était à l'origine explicitement prévue par les articles R. 212-64 et R. 312-85 du code l'organisation judiciaire.

À compter de l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, celles-ci sont toutefois devenues incompatibles avec l'article LO. 145 du code électoral nouvellement créé qui dispose qu'« un député [ou un sénateur]255(*)ne peut être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur qu'en vertu d'une disposition législative ». Cette disposition issue d'une initiative sénatoriale avait un double objectif. Dans le prolongement des conclusions du groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat conduit par Roger Karoutchi et Alain Richard, elle visait, d'une part à ce « que soit limitée la dispersion des sénateurs dans divers organismes afin d'encourager leur participation effective aux travaux du Sénat ». Sur le plan des principes, il s'agissait, d'autre part, de garantir que, au nom de la séparation des pouvoirs, la présence d'un parlementaire au sein d'un organisme extraparlementaire ne puisse relever que de la loi256(*).

Tirant les conséquences de cette incompatibilité, le décret n° 2019-912 du 30 août 2019 a abrogé les dispositions règlementaires précitées ouvrant la possibilité pour les parlementaires de siéger au sein du conseil de juridiction257(*). Comme le relève Philippe Bonnecarrère dans un rapport d'information de mars 2022 intitulé « Judiciarisation de la vie publique : le dialogue plutôt que le duel »258(*), « Il en résulte une certaine confusion dans les juridictions dont certaines ne savent plus si elles peuvent ou non y convier des parlementaires ». Certaines ont continué à les inviter, comme par exemple le tribunal judiciaire de Soissons dont le conseil de juridiction s'est réuni en présence de députés et d'un sénateur le 8 juillet 2022.259(*) Si Philippe Bonnecarrère estime que rien ne s'oppose en effet en droit à ce que des parlementaires soient conviés au conseil de juridiction, il appelle néanmoins à clarifier la situation dans la loi.

2. L'article 12 : rehausser le conseil de juridiction au niveau législatif pour rétablir la représentation des parlementaires en son sein

Afin de rétablir la représentation des parlementaires au sein du conseil de juridiction, l'article 12 rehausse au niveau législatif les conseils de juridiction.

Pour ce faire, deux nouvelles sections sont créées au sein du code de l'organisation judiciaire, respectivement au chapitre II du titre Ier du livre II pour les tribunaux judiciaires et au chapitre II du titre Ier du livre III pour les cours d'appel. Cette méthode est conforme à la démarche précédemment retenue par le Parlement au cours de l'examen de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination. Les dispositions règlementaires prévoyant la participation de parlementaires dans ceux organismes extraparlementaires où leur présence se justifiait avaient ainsi été relevées au niveau législatif. Sans être exhaustif, on peut citer les cas du conseil d'administration du Centre national du livre, du Conseil national du développement et de la solidarité internationale ou du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires.

Sur le plan rédactionnel, l'article 12 reprend à son compte la proposition du Conseil d'État qui se borne à préciser dans la loi que le conseil de juridiction est un lieu d'échanges et de communication entre la juridiction et la cité, dont les missions, la composition, l'organisation et le fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d'État.

La présence des parlementaires est enfin prévue pour l'ensemble des réunions du conseil de juridiction, y compris pour les cas où sa consultation est exigée par des dispositions législatives ou règlementaires260(*). Compte tenu du nombre de parlementaires concernés et de la taille réduite de certaines juridictions, le Gouvernement a en revanche fait le choix de limiter à un député et un sénateur le nombre de parlementaires participant au conseil de juridiction, et ce alors même que la rédaction antérieure des articles R. 212-64 et R. 312-85 du code l'organisation judiciaire ne prévoyaient pas de telles restrictions.

3. La position de la commission : rétablir la possibilité pour tous les parlementaires de participer au conseil de juridiction de leur circonscription et généraliser cette instance à l'ensemble des juridictions

La commission n'a pas retenu la limitation à un député et à un sénateur du nombre de parlementaires autorisés à siéger au conseil de juridiction. Cette restriction n'est dictée par aucun impératif juridique et serait synonyme de recul par rapport à la situation ayant eu cours entre 2016 et 2019 où l'ensemble des parlementaires élus des circonscriptions du ressort de la juridiction pouvaient siéger au conseil de juridiction. Cette organisation n'a d'ailleurs engendré aucune difficulté particulière au cours de la période. Alors que la capacité du conseil de juridiction à faire vivre le dialogue de proximité sur la vie de la juridiction repose directement sur son degré d'ouverture, il serait paradoxal de limiter sa composition à un nombre restreint de parlementaires.

Sur le plan pratique, cette solution emporte également plus d'inconvénients que d'avantages. Comme cela est mentionné dans l'étude d'impact261(*), son application se traduirait concrètement par l'obligation de procéder à près de 200 nominations à l'Assemblée nationale et autant au Sénat. Par l'adoption d'un amendement COM-127 des rapporteurs, la commission a donc rétabli la possibilité pour l'ensemble des parlementaires élus d'une circonscription située sur le ressort de la juridiction de participer au conseil de juridiction.

La commission a également adopté un amendement COM-128 des rapporteurs visant à créer des conseils de juridiction auprès de la Cour de Cassation, du Conseil d'État, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs. Une évolution de cette nature avait été préconisée par le rapport d'information de Philippe Bonnecarrère précité. Celui-ci y décrit en effet le conseil de juridiction comme « l'instance idoine au dialogue institutionnel de proximité entre les parlementaires et tous les acteurs de la justice ». S'il relève le caractère parfois convenus des échanges qui se tiennent dans ces instances, il conclut qu'elles « facilitent cependant les rencontres, peuvent s'accompagner d'échanges informels en marge de la manifestation [et que] beaucoup dépend de la manière dont l'ordre du jour est conçu et la circulation de la parole favorisée ».

Suivant cette recommandation, la commission a généralisé le conseil de juridiction à l'ensemble des juridictions des deux ordres. Pour ce faire, elle a retenu, à trois exceptions près262(*), la même rédaction que celle du Gouvernement. La première de ces exceptions concerne le conseil de juridiction créé auprès de la Cour de cassation dont les missions, la composition, l'organisation et le fonctionnement seraient, afin de garantir la séparation entre les deux ordres de juridiction, arrêtés par son premier président. La deuxième concerne à la fois le Conseil d'État et la Cour de cassation, pour lesquels seuls les présidents de la commission des lois des deux assemblées siégeraient au sein des conseils de juridiction.

La commission a enfin estimé nécessaire de rehausser au niveau législatif les dispositions selon lesquelles le conseil de juridiction n'exerce aucun contrôle sur l'activité juridictionnelle ou sur l'organisation de la juridiction, ni n'évoque les affaires individuelles dont elle est saisie. Cette exigence découle directement de la séparation des pouvoirs et son inscription dans la loi permettra de lever tout doute sur le fait que le conseil de juridiction ne pourrait interférer avec l'activité juridictionnelle.

La commission a adopté l'article 12 ainsi modifié.

CHAPITRE 2
JURIDICTIONS DISCIPLINAIRES DES OFFICIERS MINISTÉRIELS ET DES AVOCATS

Article 13
Présence de magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats

La création de nouvelles instances disciplinaires à caractère juridictionnel pour les officiers ministériels et les avocats par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire suppose que la participation de magistrats honoraires soit autorisée par une disposition de valeur organique et non par la loi ordinaire comme c'est le cas aujourd'hui. Cette modification est opérée par l'article 7 du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire et l'article 13 ajuste en conséquence les dispositions ordinaires relatives à la composition de ces juridictions, au procédé de nomination des magistrats honoraires y siégeant et à l'âge de leur départ en retraite.

Sous réserve de modifications rédactionnelles, la commission a adopté l'article 13 qui permettra de sécuriser la situation juridique de ces magistrats honoraires et autorisera en outre leur indemnisation.

1. Un cadre juridique aujourd'hui inadapté à la situation des magistrats honoraires siégeant dans les formations disciplinaires des officiers ministériels

Une importante réforme du régime déontologique et disciplinaire des officiers ministériels263(*) et des avocats est intervenue à la suite de la publication d'un rapport de l'inspection générale de la justice sur le sujet en octobre 2020. Ledit rapport soulignait « l'hétérogénéité et la complexité des régimes, leurs failles et leur lourdeur au plan procédural, résultats d'évolutions menées successivement, profession par profession »264(*) et plaidait notamment pour l'harmonisation des différents régimes existants.

Dans le sillage de ce rapport, les articles 31 à 43 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire ont procédé à une refonte d'ampleur du cadre disciplinaire et déontologique applicable à ces professions. Cette opération de simplification avait été largement approuvée par la commission des lois puis par le Sénat. Agnès Canayer et Philippe Bonnecarrère, rapporteurs pour la commission des lois, avait ainsi estimé qu'il proposait, d'une part, « une réforme attendue et relativement consensuelle en harmonisant et modernisant le régime disciplinaire des officiers ministériels devenu aujourd'hui obsolète » et, d'autre part, que les dispositions correspondantes étaient « de nature à renforcer l'accessibilité et la sécurité juridiques ainsi que les droits des usagers »265(*).

L'une des principales modifications introduites par cette réforme réside, pour les officiers ministériels, dans la création de juridictions disciplinaires échevinées propres à chaque profession, en lieu et place de la dualité de juridiction qui avait cours jusqu'alors266(*). Le régime juridique de ces nouvelles juridictions disciplinaires est aujourd'hui fixé par l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels267(*), dont les articles 11 et 12 précisent en particulier la composition et les modalités de désignation de leurs membres.

Des évolutions similaires ont été apportées s'agissant du régime disciplinaire des avocats et ont notamment conduit à ce que le caractère juridictionnel du conseil de discipline institué dans le ressort de chaque cour d'appel soit consacré à l'article 22-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

La consécration du caractère juridictionnel des instances disciplinaires de ces professions a néanmoins entraîné des difficultés juridiques et matérielles pour les magistrats honoraires y siégeant. Pour rappel, l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 comme la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précitées prévoient systématiquement la présence de magistrats au sein des juridictions nouvellement créées268(*), dont il est précisé qu'ils peuvent être « en activité ou honoraire ».

Or, les magistrats honoraires peuvent seulement exercer les activités juridictionnelles limitativement énumérées par l'article 41-25 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Si ledit article 41-25, de valeur organique, a bien été modifié en parallèle de la refonte par la loi ordinaire des instances disciplinaires des officiers ministériels et des avocats269(*), la possibilité pour les magistrats honoraires de siéger au sein de ces instances n'y a pas été intégrée.

Il en résulte, d'une part, que la présence de magistrats honoraires au sein des juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats souffre d'une fragilité juridique et, d'autre part, que lesdits magistrats honoraires ne peuvent pas prétendre à une indemnisation pour cette activité. Comme cela est en effet précisé dans l'étude d'impact, une « rémunération est prévue pour les seuls magistrats honoraires nommés pour exercer les fonctions juridictionnelles limitativement prévues par les dispositions de l'article 41-25 de l'ordonnance statutaire au nombre desquelles ne [figurent] pas les fonctions de membre d'une juridiction disciplinaire. En conséquence, les missions confiées aux magistrats honoraires amenés à composer ces instances rattachées à des ordres professionnels ne [peuvent] pas être indemnisées sur le programme 166 »270(*).

2. L'article 13 : sécuriser la participation de magistrats honoraires aux instances disciplinaires des officiers ministériels et autoriser leur indemnisation

L'article 13 tire les conséquences au niveau ordinaire des modifications apportées par l'article 7 du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire à l'article 41-25 de l'ordonnance statutaire précisée. Celui-ci prévoit explicitement la possibilité de nommer des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles « pour siéger auprès des juridictions connaissant des procédures disciplinaires ouvertes à l'encontre d'officiers ministériels ou d'avocats ».

En conséquence, l'article 13 modifie premièrement les modalités de nomination des magistrats honoraires dans les juridictions disciplinaires des officiers ministériels, celle-ci revenant aujourd'hui au ministre de la justice sur proposition, selon les cas, du vice-président du Conseil d'État, du premier président de la cour d'appel compétente ou du premier président de la Cour de cassation. Les magistrats exerçant des fonctions juridictionnelles intéressés seraient directement nommés par ces différentes autorités, dans leur champ respectif de compétence.

Deuxièmement, l'article 13 supprime la mention relative à la limite d'âge des magistrats honoraires exerçant dans les instances disciplinaires des avocats, aujourd'hui fixée à 71 ans. La limite d'âge des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles est en effet déjà fixée à 72 ans par l'article 41-31 de l'ordonnance statutaire précitée et commission a par ailleurs approuvé son relèvement à 75 ans par l'article 7 du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire.

Troisièmement, l'article 13 supprime toute mention du terme « honoraire » dans les deux textes régissant les juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats. Au cours de son audition, la direction des affaires civiles et du sceau a justifié cette suppression par un risque de confusion avec la notion de magistrat honoraire telle que prévue par l'article 77 de l'ordonnance statutaire, qui désigne les magistrats qui ne sont plus en activité.

3. La position de la commission : une disposition nécessaire au bon fonctionnement des juridictions disciplinaires

La commission a approuvé ce dispositif indispensable pour sécuriser la situation juridique des magistrats honoraires siégeant dans les instances disciplinaires des officiers ministériels et permettre leur indemnisation. Comme le rappelait Agnès Canayer et Philippe Bonnecarrère lors de l'examen du projet de loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, « Nombre de juridictions ne pourraient fonctionner sans l'apport précieux [...] des magistrats honoraires aujourd'hui en activité »271(*).

La commission a néanmoins considéré que la suppression systématique de la précision selon laquelle les magistrats siégeant dans les instances disciplinaires des officiers ministériels et des avocats peuvent être en activité ou honoraires n'était pas dictée par un impératif juridique, ceux des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles étant expressément autorisés à siéger au sein de ces instances par l'article 41-25 de l'ordonnance statutaire précité272(*).

En termes de la lisibilité de la norme, il apparaît également préférable de maintenir dans la loi cette formulation apportant davantage de précision. Celle-ci figure par ailleurs déjà dans plusieurs textes législatifs ou règlementaires sans que cela ne porte à confusion. Par l'adoption d'un amendement COM-130 des rapporteurs, elle a donc procédé à la suppression des dispositions correspondantes.

La commission a adopté l'article 13 ainsi modifié.

CHAPITRE 3
ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Article 14
Dispositions relatives au personnel pénitentiaire

L'article 14 propose différentes mesures relatives aux personnels pénitentiaires :

- développer l'attractivité de la réserve civile pénitentiaire ;

- créer un statut de surveillant adjoint contractuel ;

- généraliser le port des caméras individuelles par les personnels pour les missions ayant fait l'objet d'une expérimentation.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Une prise en compte nécessaire des enjeux de recrutement et de qualité du travail auxquels fait face l'administration pénitentiaire

L'administration pénitentiaire fait face à un manque d'attractivité et à d'importants défis de recrutement. Sur le modèle des forces de sécurité intérieure et particulièrement de la police nationale, avec laquelle elle se trouve d'ailleurs en concurrence pour le recrutement des personnels, l'administration pénitentiaire entend désormais disposer de la possibilité de recruter des surveillants adjoints.

L'article 14 propose d'intégrer leur statut dans un nouvel article L. 113-4-1 du code pénitentiaire.

L'objectif est de permettre à de jeunes majeurs ne remplissant pas les conditions de diplôme (baccalauréat) pour présenter le concours de gardien de prison d'être recrutés comme contractuels de droit public pendant une période de trois ans renouvelable une fois.

Ces personnels pourraient ainsi apporter aux gardiens de prison une aide pour l'exercice de leurs missions et se préparer au mieux au concours de gardien de prison.

Les articles L. 114-1 et L. 114-2 du code pénitentiaire sont modifiés pour permettre aux agents retraités de l'administration pénitentiaire de rejoindre la réserve jusqu'à l'âge de 67 ans.

Enfin l'article crée une nouvelle section au sein du code pénitentiaire afin de pérenniser le recours aux caméras individuelles pour les agents exerçant des missions présentant, en raison de leur nature ou de la dangerosité des détenus concernés, un risque particulier d'incident ou d'évasion. Il tire les conséquences de l'expérimentation menée de septembre 2020 à février 2022.

Le nouvel article L. 223-40 du code pénitentiaire pose des garanties en matière d'enregistrement et d'accès aux images analogues à celles prévues pour les forces de sécurité intérieure.

2. La position de la commission : un accompagnement bienvenu des personnels de l'administration pénitentiaire

La commission estime que les mesures proposées par l'article 14 trouvent leur place dans l'effort de réforme de l'administration pénitentiaire destiné à valoriser ses missions et ses personnels face aux très importants défis auxquels elle fait face.

Afin de garnir le niveau de formation des futurs surveillants adjoint la commission a adopté l'amendement COM-4 rect. de Jean-Yves ROUX prévoyant que les conditions de formation de ces personnels seront déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Pour la préservation du droit des personnes elle a adopté les amendements COM-47 de Marie-Pierre De la Gontrie, COM- 22 rect. bis de Jean-Yves Roux et COM-85 de Guy Bennarroche prévoyant l'anonymisation des images issues des caméras portées par les surveillants et utilisées à des fins pédagogiques.

La commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.

TITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT CIVIL ET AUX PROFESSIONS

CHAPITRE 1ER
TRANSFERT DE COMPÉTENCES CIVILES DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION

Article 15
Transfert des fonctions civiles du juge des libertés et de la détention

Afin de faciliter l'organisation du travail des juridictions, d'accélérer le traitement des dossiers et de renforcer l'attractivité des fonctions de juge des libertés et de la détention, l'article 13 transfère les fonctions civiles que celui-ci exerce en matière de contentieux des étrangers et de contentieux des hospitalisations sous contrainte à un magistrat du siège.

La commission a estimé que ce transfert constituait une réponse équilibrée aux difficultés d'organisation des juridictions générées par le manque de juge des libertés et de la détention et qu'il ne remettait pas en cause les garanties apportées aux justiciables. En conséquence, elle a adopté cet article sans modification.

1. Un juge des libertés et de la détention dont les fonctions non répressives occupent une part croissante de l'activité

Le constat de l'accroissement continu des missions dévolues au juge des libertés et de la détention depuis sa création par la n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes fait aujourd'hui consensus. Outre l'extension de son activité pénale, le juge des libertés et de la détention a également vu son office s'étendre à des activités non répressives qui lui sont confiées par des lois particulières, conformément aux dispositions de l'article L. 213-8 du code de l'organisation judiciaire.

Ces fonctions non répressives, communément assimilées à des fonctions civiles, concernent principalement le contentieux des étrangers et celui de l'hospitalisation sous contrainte. Selon les données transmises par le Gouvernement, le volume de dossiers traités par le juge des libertés et de la détention en 2022 dans le premier domaine était d'environ 39 500, à raison d'environ 6 850 dossiers pour le maintien en zone d'attente et de 32 500 pour le placement ou la prolongation de la rétention administrative. S'agissant des mesures d'hospitalisation sous contrainte, le volume global de dossiers se portait à environ 115 000, dont environ 30 % concernaient des mesures de contention et d'isolement.

Le développement et la diversification croissante de l'office du juge des libertés et de la détention vont de pair avec un inquiétant phénomène de désaffection pour ces fonctions. S'il n'est pas nouveau, ce constat a été encore une fois réaffirmé dans le rapport issu des états généraux de la justice qui mentionne le fait que « l'extension continue de l'office du JLD
et la désaffection pour ces fonctions conduisent à affaiblir son action
 »273(*). Dans la pratique, cette désaffection s'illustre notamment par un taux de vacance élevé pour ces postes. Celui-ci était de 16,10 % au 1er janvier 2023, en augmentation de 3,6 points par rapport à l'année précédente274(*). En volume, cela représente 224 postes occupés sur un total de 267 postes à pourvoir.

Nombre d'affaires nouvelles de la compétence du juge des libertés
et de la détention enregistrées annuellement en contentieux des étrangers
et de l'hospitalisation sous contrainte

 

2018

2019

2020

2021

2022

Contentieux des étrangers

48 159

49 141

30 698

37 774

39 418

Dont rétention administrative

39 779

40 590

25 357

31 201

32 578

Dont zone d'attente

8380

8551

5 341

6 573

6 840

Hospitalisations sous contrainte

80 765

81 886

81 094

83 049

115 845

Dont placement sous contention et isolement

-

-

-

26 656

34 393

Source : Direction des services judiciaires

2. L'article 15 : transférer à un magistrat du siège les fonctions civiles exercées par le juge des libertés et de la détention en matière de droit des étrangers et d'hospitalisation sous contrainte

L'article 15 transfère les fonctions non répressives du juge des libertés et de la détention en matière de contentieux des étrangers et d'hospitalisation sous contrainte à un « magistrat du siège du tribunal judiciaire ». L'objectif affiché est triple :

- renforcer l'attractivité du poste de juge des libertés et de la détention en le recentrant sur ses fonctions pénales et, en miroir, renforcer celle de juge civiliste en lui permettant de développer une expertise dans le domaine des mesures privatives de liberté ;

offrir davantage de souplesse à des juridictions dont l'organisation est durement affectée par l'insuffisance du nombre de juges des libertés et de la détention. Cela s'explique notamment par l'impossibilité d'organiser sa suppléance en matière civile, contrairement à ce que prévoit l'article 137-1-1 du code de procédure pénale en matière pénale ;

accélérer le traitement des dossiers correspondants par l'augmentation du nombre de juges compétents pour statuer. La direction des services judiciaires a indiqué au cours de son audition par les rapporteurs que les magistrats du siège concernés seraient désignés par l'ordonnance de roulement du président du tribunal judiciaire et que l'intégralité des magistrats non spécialisés étaient susceptibles d'être désignés, en fonction de la taille de la juridiction et du volume de l'activité contentieuse.

Il doit être précisé que, dans le cadre des États généraux de la justice, une solution de cette nature avait été proposée par le groupe de travail sur la simplification de la justice pénale qui plaidait pour la création de « deux fonctions distinctes pour exercer les missions qui incombent au juge des libertés et de la détention : d'une part, un magistrat statutaire, du premier grade, prenant en charge la matière exclusivement pénale; d'autre part, un magistrat prenant en charge la matière civile et administrative quel que soit son grade »275(*).

Ce transfert des fonctions non répressives du juge des libertés et de la détention vers un magistrat du siège devra s'accompagner d'une évolution de la formation initiale et continue des magistrats. Si les contours n'en sont pas clairement définis à ce stade, l'étude d'impact évoque notamment une refonte des contenus pédagogiques de la formation initiale afin de proposer une formation de découverte de ces contentieux ainsi qu'un dispositif de préparation aux premières fonctions. La direction des services judiciaires estime également que la possibilité pour le juge non spécialisé d'être assisté par les nouveaux attachés de justice dont la création est prévue par l'article 11 facilitera la mise en oeuvre de ce transfert.

En termes de ressources humaines, le bénéfice du transfert de ces deux blocs contentieux est évalué dans l'étude d'impact à 83,6 ETP « juges » et 121,2 ETP fonctionnaires de greffe. S'agissant de la rémunération, le rapport annexé au projet de loi précise que « les indemnités d'astreinte des magistrats intervenant les fins de semaine dans les fonctions civiles actuellement dévolues au juge des libertés et de la détention seront maintenues sans que des quotas d'astreinte puissent leur être opposés »276(*).

L'article 15 tire par ailleurs les conséquences au niveau législatif des dispositions de l'article 5 du projet de loi relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire en procédant à deux coordinations277(*).

3. La position de la commission : un transfert qui facilitera l'organisation des juridictions sans remettre en cause les droits des justiciables

La commission n'a pas remis en cause le transfert des fonctions non répressives du juge des libertés et de la détention à un magistrat du siège. Elle a considéré que cette disposition avait le mérite de proposer une réponse équilibrée aux difficultés d'organisation des juridictions générées par la désaffection pour les fonctions de juge des libertés et de la détention et qui ne se fasse pas au détriment des garanties apportées aux justiciables.

Du reste, cette analyse est partagée par le Conseil d'État qui estime dans son avis sur le projet de loi que « la disposition envisagée n'affaiblit pas les garanties individuelles devant entourer les mesures privatives de liberté dans les domaines [concernés] mais devrait permettre au contraire de mieux les assurer en remédiant aux difficultés pratiques rencontrées par les juridictions ». Il convient par ailleurs de rappeler que ce sont les magistrats judiciaires dans leur ensemble, et singulièrement du siège, qui sont les garants de la liberté individuelle au titre de l'article 66 de la Constitution et non les seuls juges des libertés et de la détention. À l'origine, ce dernier était conçu comme un tiers à la procédure disposant de suffisamment d'autorité pour, le cas échéant, pouvoir déjuger l'un de ses collègues. Or, ce besoin n'existe pas dans les matières administratives que sont le droit des étrangers et l'hospitalisation sous contraintes.

La commission a en outre considéré que le transfert proposé faciliterait considérablement l'organisation des juridictions, avec un vivier de magistrats compétents élargi et une charge de travail mieux répartie. Rien n'interdirait par ailleurs que le juge des libertés et de la détention continue à assumer prioritairement les missions concernées dans les juridictions où cela est possible. La commission a ainsi estimé que ce dispositif représentait une souplesse d'organisation intéressante offerte à des juridictions qui pâtissent durement de la pénurie de juge des libertés et de la détention.

La commission a adopté l'article 15 sans modification.

CHAPITRE 2
DIVERSES DISPOSITIONS PORTANT MODERNISATIONS PROCESSUELLES ET RELATIVES AUX PROFESSIONS

Article 16
Création d'un portail électronique unique des déclarations de créances

L'article 16 vise à créer une plateforme électronique pour permettre aux créanciers d'une entreprise en difficulté d'effectuer une déclaration de créances et de pouvoir communiquer électroniquement avec les administrateurs et mandataires judiciaires en charge des procédures collectives. Ce portail électronique serait placé sous la responsabilité du Conseil national des administrateurs et des mandataires judiciaires (CNAJMJ).

S'agissant d'une disposition technique visant à moderniser l'efficacité des procédures collectives, en supprimant notamment les déclarations de créance adressées en papier et par voie postale, la commission a adopté cet article sans modification.

1. L'échec du premier portail électronique unique des déclarations de créances

Lorsqu'une entreprise fait l'objet d'une procédure collective, les créanciers peuvent déclarer leur créance auprès des administrateurs et mandataires judiciaires sans formalisme particulier. En effet, ni la loi278(*) ni le règlement279(*) ne prescrivent les modalités pratiques de cette déclaration. Si une lettre simple pourrait suffire, en pratique les créanciers ont recours à l'envoi de leurs déclarations de créances par lettre recommandée avec avis de réception. Au cours de la procédure, ces envois peuvent être volumineux, voire multiples, et donc onéreux.

Afin de créer une porte d'entrée unique pour les créanciers souhaitant effectuer une déclaration de créances à l'égard d'une société en cours de procédure collective, l'article 20 de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques de certaines professions réglementées a prévu la création, avant le 1er janvier 2014, d'un portail numérique unique de déclaration des créances.

Cet outil, nommé « Creditors services » a été mis en service le 12 octobre 2015 puis fermé le 31 août 2021 en raison d'un constat d'échec par la profession des administrateurs et mandataires judiciaires en charge de gérer ce portail. Alors que, selon le Gouvernement, la cible d'actes réalisés chaque année devait être de 1,2 million, leur nombre a été au final extrêmement faible : 4 286 en 2016, 6 305 en 2017, 12 289 en 2018, 1 884 en 2019 et 3 965 en 2020280(*).

Le Gouvernement estime que le modèle économique basé sur la gratuité du service pour le déclarant et le caractère facultatif de l'utilisation de ce portail sont les causes principales de son échec.

Le CNAJMJ précise également que le modèle économique retenu, sans recette, a conduit au choix d'une prestation au moindre coût et dont les solutions techniques étaient peu adaptées et malgré tout très onéreuses. La qualité de service n'était d'ailleurs pas satisfaisante pour les utilisateurs de la plateforme. La plateforme numérique « Creditors services » a par ailleurs couté environ huit millions d'euros pour assurer sa conception, sa mise en oeuvre, son fonctionnement et son exploitation.

2. Une nouvelle plateforme de déclaration des créances qui tire les enseignements des échecs lié au portail « Creditors services »

Le Gouvernement propose de créer un nouveau portail unique de déclaration des créances, toujours sous la responsabilité du CNAJMJ, mais en étendant les capacités d'envoi et de réception. En effet, le dispositif permettrait de transmettre, outre les actes de procédure, des pièces, avis, avertissements, convocations et rapports. Ce que le précédent portail ne permettait pas.

Cette extension du champ du portail numérique vise notamment à assurer la conformité avec le droit de l'Union européenne, en particulier l'article 28 de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019, dite directive « restructuration et insolvabilité »281(*) qui doit être transposée par la France avant le 17 juillet 2024.

Cette directive a notamment pour objectif de « réduire encore la durée des procédures, faciliter une meilleure participation des créanciers aux procédures de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes, et de garantir des conditions similaires aux créanciers où qu'ils soient installés dans l'Union »282(*).

En outre, il ressort de l'audition du CNAJMJ et des informations transmises par le Gouvernement que le futur portail électronique ne sera plus gratuit afin d'éviter les difficultés rencontrées avec la plateforme précédente. Le financement sera double, d'une part le CNAJMJ souscrira un emprunt (d'un montant de 1,8 million d'euros) auprès de la Banque des territoires et d'autre part, le tiers utilisateur devra procéder au paiement d'une somme forfaitaire au moment de la déclaration de ses créances.

Les montants qui seront à sa charge doivent être déterminés par voie réglementaire mais le Gouvernement indique qu'ils pourraient être compris entre 4,00 euros hors taxes et 4,50 euros hors taxes, soit un montant équivalent à l'envoi d'une lettre verte d'un poids de 250 grammes pour un coût actuel de 4,00 euros et l'envoi d'un courrier du même poids avec demande d'avis de réception qui est de 7,62 euros. Le CNAJMJ insiste sur la nécessité de rendre payante l'utilisation du portail électronique dans la mesure où cela permettra d'assurer la qualité de cet outil pour l'ensemble des utilisateurs. Il met en avant le fait que le succès de cette nouvelle plateforme implique pour le Gouvernement, au stade réglementaire, de prévoir une utilisation quasi-exclusive de cet outil dans le cadre des déclarations de créances.

Le CNAJMJ souligne également que le projet de plateforme numérique sera un « service à forte valeur ajoutée pour le justiciable et la profession, tant d'un point de vue technique que juridique ». Il relève que le coût pour le créancier sera moins important qu'en l'état des pratiques actuelles, que la plateforme permettra au créancier de faire évoluer sa déclaration sans coût supplémentaire et que le recours à la voie dématérialisée assurera une réduction du délai de prise en compte des actes réalisés et de leur traitement par les professionnels. Enfin, le portail assurera la publication du suivi de l'avancement du dossier et la mise à disposition de pièces justificatives en ligne.

Par ailleurs, dans son avis sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, le Conseil d'État estime que la création d'un portail électronique de déclaration de créances pour les entreprises en difficulté et une mesure « opportune, en ce qu'elle participe de la dématérialisation des procédures et tendra ainsi, comme le relève le Gouvernement, à faciliter les démarches de ses utilisateurs et à améliorer le traitement des procédures collectives par les professionnels »283(*).

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la commission s'est montrée favorable au dispositif proposé visant à créer un nouveau portail électronique de déclaration des créances dans le cadre des procédures collectives, en ce qu'il permettra de moderniser utilement la justice économique.

La commission a adopté l'article 16 sans modification.

Article 17
Réforme de la procédure de saisie des rémunérations

L'article 17 vise à réformer la procédure de saisie des rémunérations, qui est la seule procédure d'exécution mobilière qui nécessite une autorisation préalable du juge de l'exécution. Cette procédure présente par ailleurs la spécificité d'être entièrement mise en oeuvre par le greffe et la régie du tribunal judiciaire. Enfin, la majorité de ses règles sont inscrites dans le code du travail, et non le code des procédures civiles d'exécution.

Il est proposé d'autoriser le commissaire de justice à diligenter une saisie auprès de l'employeur dès lors que le créancier dispose d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. Le commissaire de justice, mandataire du créancier, en assurerait désormais directement la mise en oeuvre après la délivrance d'un commandement de payer. Un autre commissaire de justice dénommé « répartiteur » se verrait confier la mission de recevoir les sommes de l'employeur et, le cas échéant, de répartir les fonds collectés entre les différents créanciers.

La commission a accepté le principe d'une saisie des rémunérations sans autorisation préalable du juge et d'un transfert des missions de mise en oeuvre et de répartition des fonds aux commissaires de justice qui sont des officiers ministériels soumis à une déontologie et une discipline renforcées depuis l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels.

À l'initiative des rapporteurs, la commission a souhaité améliorer les garanties entourant cette procédure en faisant clairement apparaître dans la mission du commissaire de justice saisissant la phase amiable de recherche d'un accord entre le créancier et le débiteur, en simplifiant la saisine du juge de l'exécution en cas de contestation - une simple requête serait désormais suffisante - et en lui confiant la mission de contrôler d'office les frais de recouvrement engagés antérieurement à la saisie. Elle a enfin fixé le principe d'un nombre maximum d'actes autorisés dans le cadre d'une procédure de saisie des rémunérations qui serait déterminé par décret.

La commission a adopté l'article 17 ainsi modifié.

À titre liminaire, il convient de rappeler que la procédure de saisie des rémunérations a déjà fait l'objet d'une tentative de réforme - inaboutie puisque la mesure devait être prise par une ordonnance qui n'a jamais été publiée - lors de l'examen de la précédente loi de programmation 2018-2022284(*) : il s'agissait alors d'alléger la tâche des greffiers et régisseurs des juridictions en transférant la gestion et la répartition des fonds versés par l'employeur, en cas de pluralité de créanciers, à la Caisse des dépôts et consignations. L'étude d'impact faisait déjà état - comme aujourd'hui - d'un gain de 140 ETP de fonctionnaires.

1. La saisie des rémunérations, une procédure judiciaire dont la gestion est entièrement confiée au greffe

Les rapporteurs se réfèrent à la présentation très complète qui avait été faite dans le rapport de François-Noël Buffet et Yves Détraigne à l'occasion de l'examen du projet de loi de programmation 2018-2022285(*).

La saisie des rémunérations permet à tout créancier détenteur d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible de diligenter une mesure d'exécution forcée portant sur les revenus d'activité d'un débiteur salarié. Les modalités de cette procédure sont définies par le code du travail286(*).

En raison de leur caractère alimentaire, les salaires ne sont saisissables que dans des proportions déterminées chaque année par décret287(*). Une fraction du salaire correspondant au montant mensuel du revenu de solidarité active (RSA), demeure, en toute hypothèse, insaisissable288(*). Dans le cas où le débiteur perçoit des rémunérations de plusieurs employeurs, la fraction saisissable est calculée sur l'ensemble de ces sommes. Lorsque le débiteur change d'employeur, la saisie des rémunérations se poursuit entre les mains du nouvel employeur

1.1. L'intervention préalable du juge : vérification et tentative de conciliation

Contrairement à la saisie-attribution, la saisie des rémunérations fait l'objet d'une décision préalable du juge de l'exécution, saisi sur requête par le créancier.

Le juge vérifie d'office le titre exécutoire et le montant de la créance exigible - en principal, intérêts et frais - ; il peut décider, à la demande du débiteur ou du créancier, une réduction du taux d'intérêt à compter de l'autorisation de saisie ou que les sommes retenues sur la rémunération s'imputeront d'abord sur le capital.

L'autorisation de la saisie est précédée, à peine de nullité, d'une tentative de conciliation par le juge en chambre du conseil.

Si le juge fait droit à la demande de saisie, l'employeur du débiteur est alors dans l'obligation de verser mensuellement une fraction de la rémunération du salaire de ce dernier - par chèque établi au nom du créancier ou du régisseur du tribunal en cas de pluralité de créanciers - , jusqu'à complet remboursement de la créance due. L'employeur, tiers saisi, a l'obligation de faire connaître au greffe tout événement qui suspendrait ou mettrait fin à la saisie. Dans le cas où l'employeur omet d'effectuer les versements en exécution d'une saisie, le juge peut rendre à son encontre une ordonnance le déclarant personnellement débiteur des sommes en question. À défaut d'opposition dans les quinze jours de sa notification à l'employeur, l'ordonnance devient exécutoire. L'employeur peut ensuite exercer un recours contre le débiteur, mais seulement après la mainlevée de la saisie.

La mainlevée de la saisie peut résulter soit d'un accord entre les parties, soit du constat par le juge de l'extinction de la dette. Elle est notifiée à l'employeur dans les huit jours.

1.2. Le rôle central du greffe et de la régie du tribunal

La saisie des rémunérations est mise en oeuvre par le greffier, dans les huit jours du jugement autorisant la saisie, sous la responsabilité du directeur de greffe qui veille au bon déroulement des opérations de saisie.

L'acte de saisie est établi par le greffe et notifié par celui-ci à l'employeur, avec copie au débiteur, par lettre recommandée avec accusé de réception. En cas de pluralité d'employeurs, le greffier détermine l'employeur chargé d'opérer la retenue de la part insaisissable ; en pratique, l'employeur privilégié est celui qui verse la rémunération la plus importante.

Le greffe procède également - au minimum tous les six mois - à la répartition des sommes perçues en cas de créanciers multiples : il notifie à chacun l'état de répartition et, en l'absence de contestation dans les quinze jours, fait parvenir les chèques du montant des sommes qui leur reviennent.

2. La mesure proposée : « déjudiciariser » et confier la procédure aux commissaires de justice

Aujourd'hui, selon la Chambre nationale des commissaires de justice (CNCJ), la procédure de saisie des rémunérations n'est utilisée qu'en dernier recours, en cas d'échec d'autres mesures d'exécution, compte tenu des longs délais d'audiencement et de répartition (deux répartitions par an, voire une dans certains tribunaux) et de la faiblesse des quotités mensuelles saisies.

Cette saisie peut cependant être recommandée lorsque le débiteur ne dispose que d'un faible patrimoine mobilier mais dispose de rémunérations importantes et stables.

Statistiques en matière de saisie des rémunérations

 

2017

2018

2019

2020

2021

Nombre de requêtes

123 739

121 335

124 513

97 752

113 767

Nombre d'interventions289(*)

44 244

42 983

43 197

31 863

38 590

Total

167 983

164 318

167 710

129 615

152 357

Nombre de contestations

1 845

2 092

2 181

1 827

2 361

Source : Réponse de la direction des affaires civiles et du sceau au questionnaire des rapporteurs

L'article 17 du projet de loi vise à rendre la mise en oeuvre de la saisie et la répartition des fonds plus rapides, tout en assurant une meilleure lisibilité de la procédure qui serait intégrée dans le code des procédures civiles d'exécution, tout en maintenant les règles relatives à la protection du salaire dans le titre V du code du travail. Pour ce faire, deux mesures sont proposées.

2.1. Supprimer l'autorisation judiciaire préalable

L'article 17 du projet de loi vise à supprimer l'intervention préalable du juge de l'exécution, celui-ci n'intervenant plus qu'a posteriori en cas de contestation lors des opérations de saisie en application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire qui lui donne compétence pour connaître des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée.

Selon le Conseil d'Etat, cette mesure permettrait de « recentrer le juge de l'exécution sur son office, tout en maintenant un droit au recours effectif des débiteurs, étant relevé que la saisie de rémunérations est la seule mesure d'exécution forcée mobilière qui fait l'objet d'une intervention préalable du juge de l'exécution et d'une mise en oeuvre par les services de greffe des tribunaux judiciaires »290(*).

Les représentants de l'Association des magistrats français pour la justice civile (AMFJC) ont accueilli favorablement cette harmonisation avec les autres mesures d'exécution forcée mobilières, soulignant qu'il n'y avait pas à proprement parler de « déjudiciarisation » puisque le juge restait compétent en cas de contestation. Cette suppression de l'intervention préalable du juge a en revanche suscité l'opposition de l'Union syndicale des magistrats et du Syndicat de la magistrature, qui souhaiteraient a minima que le contrôle de la régularité du titre exécutoire soit laissé au magistrat professionnel, ainsi que des syndicats d'avocats et du Conseil national des barreaux qui considèrent que la mesure ne peut que contribuer à aggraver la précarité des plus démunis et leur éloignement du juge.

2.2. Confier aux commissaires de justice la mise en oeuvre de la saisie et la répartition des sommes perçues de l'employeur

L'article 17 tend également à décharger les greffes et les régies des tribunaux judiciaires de l'ensemble des opérations de saisie et de répartition qui seraient désormais assumées par les commissaires de justice.

Le schéma procédural proposé serait le suivant :

- le commissaire de justice délivrerait un commandement de payer au débiteur et l'inscrirait au registre numérique des saisies des rémunérations, un nouveau registre national tenu sous la responsabilité de la Chambre nationale des commissaires de justice ; ce commandement de payer aurait une durée de validité de trois mois et deviendrait caduque s'il n'est pas suivi de la signification d'un procès-verbal de saisie à l'employeur dans ce délai ou d'un procès-verbal d'accord ;

- le débiteur disposerait ensuite d'un mois pour contester la mesure devant le juge de l'exécution avec un effet suspensif ; passé ce délai, la procédure de contestation ne suspendrait plus la procédure de saisie qui se poursuivrait jusqu'à la décision du juge de l'exécution ;

- ce délai d'un mois pourrait également être mis à profit pour trouver un accord avec le créancier : le procès-verbal d'accord établi par le commissaire de justice suspendrait la procédure de saisie dès lors qu'il serait dressé avant la signification du procès-verbal de saisie à l'employeur ;

- au-delà de ce délai d'un mois ou, si un accord a été trouvé, en cas de non-respect des modalités de paiement convenues dans le procès-verbal d'accord ou d'intervention d'un nouveau créancier aux opérations de saisie, le commissaire de justice dresserait un procès-verbal de saisie signifié à l'employeur et inscrit au registre numérique des saisies des rémunérations.

La suite des opérations s'opèrerait dans un cadre identique au cadre actuel (obligations de l'employeur291(*), règles de versement et de répartition...), à l'exception de la désignation d'un commissaire de justice répartiteur qui remplacerait le greffier ou le régisseur du tribunal judiciaire pour recevoir les paiements de l'employeur tous les mois et de les reverser au créancier saisissant, en procédant à la répartition s'il y en a plusieurs.

Le commissaire de justice répartiteur serait désigné parmi des commissaires de justice ayant reçu une formation spécifique organisée par la Chambre nationale des commissaires de justice et inscrits sur une liste spéciale. Son identité serait indiquée pour chaque procédure de saisie sur le registre numérique des saisies des rémunérations.

3. La position de la commission : accepter la réforme en accordant plus de garantie au débiteur

3.1. Une remarque préalable : un objectif de réforme qui reste mal identifié

La commission rappelle que la déjudiciarisation n'est pas un but en soi. Elle l'a réaffirmé lors de l'Agora de la justice organisée au Sénat le 27 septembre 2021292(*) : « la tendance de ces dernières années a été de procéder à des déjudiciarisations dont la plus emblématique a été le divorce par consentement mutuel. Or, comme l'avait souligné le professeur Serge Guinchard lors de son audition par la mission sur le redressement de la justice en 2017, le juge n'a pas seulement pour fonction de trancher les litiges, il a également pour mission de dire le droit, y compris dans le cadre de procédures gracieuses ou d'homologation. Lorsque des procédures sont retirées au juge, la protection du justiciable peut s'en trouver réduite. Il est donc nécessaire de dresser un bilan des différentes déjudiciarisations intervenues, notamment au regard des différends qui peuvent persister à l'issue de ces procédures, et de mener une réflexion sur l'office du juge civil pour déterminer les domaines ou situations dans lesquels son intervention doit être maintenue. »

Cette position a été partagée par le comité des États généraux de la justice : « si la déjudiciarisation a permis de sortir de la sphère judiciaire certains contentieux pour lesquels l'intervention d'un juge ne s'imposait pas, elle ne saurait constituer le socle d'une politique judiciaire et, surtout, elle a aujourd'hui atteint ses limites ». En l'espèce, ainsi que l'ont souligné les syndicats de magistrats, le rôle du juge n'est pas à minimiser puisqu'il vérifie la validité du titre exécutoire, fixe le montant de la créance et peut écarter certains frais de procédure.

Au-delà de cette question de déjudiciarisation, les rapporteurs relèvent que l'objectif de la réforme n'est pas très bien identifié. Si l'étude d'impact met en avant une mesure d'harmonisation visant à rendre plus facile et efficace la procédure de saisie des rémunérations, il semble qu'elle soit également motivée par la possibilité de redéployer 140 ETP (répartis pour moitié entre greffiers et agents de catégorie C) sur d'autres tâches comme cela avait déjà été identifié lors de l'examen de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Les économies de frais de notifications ont été évaluées à 4,2 millions d'euros.

Par ailleurs, le soutien économique à la profession des commissaires de justice semble également avoir été pris en compte. Cette réforme a été proposée dans le cadre des États généraux de la justice par la Chambre nationale des commissaires de justice elle-même, et n'a d'ailleurs pas été retenue dans le rapport final. Le garde des Sceaux, lors du premier congrès national des commissaires de justice, les 8 et 9 décembre 2022, a déclaré « je n'ignore pas les difficultés économiques de la profession et veux m'engager pour vous (...) le plan d'actions issu des États Généraux de la Justice sera rendu public en janvier et aboutira au printemps à une loi de réforme de la justice dans laquelle les commissaires de justice ne seront pas oubliés, et intégrés aux réflexions à ce sujet ».

3.2. Une réforme utile qui reposera sur une profession consciente de ses obligations

Une procédure de saisie rémunérations plus rapide et plus facile à mettre en place pourrait être utile aux créanciers particuliers souhaitant procéder au recouvrement de créances de loyers ou de personnes cherchant à recouvrer des prestations compensatoires293(*) en ouvrant la possibilité de saisir régulièrement des montants, mêmes modestes.

La saisie de rémunérations, comme toute saisie, resterait soumise aux principes généraux arrêtés par le code des procédures civiles d'exécution :

- l'exécution des mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation (art. L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution) ;

- les commissaires de justice ne sont pas tenus de prêter leur ministère ou leur concours lorsque la mesure requise leur paraît revêtir un caractère illicite ou si le montant des frais paraît manifestement susceptible de dépasser le montant de la créance réclamée294(*) (art. L. 122-1 du même code) ;

- le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie (art. L. 121-2 du même code).

Les rapporteurs ont considéré que la procédure de saisie des rémunérations pouvait être confiée aux commissaires de justice à l'instar des autres procédures civiles d'exécution mobilière.

La Chambre nationale des commissaires de justice, consciente des enjeux pour la profession et soucieuse de répondre aux craintes de dérive exprimées, a pris des engagements qui ont vocation à être retranscrits dans les mesures d'application, en particulier : favoriser un accord amiable préalablement à la saisie dans le respect des droits du débiteur ; dispenser une formation de qualité sur la nouvelle procédure de saisie rémunération à l'ensemble des commissaires de justice ; diligenter des missions d'inspection régulières pour superviser de manière spécifique les commissaires de justice répartiteurs ainsi que le respect par les commissaires de justice de leurs obligations tarifaires en matière de saisies de rémunérations.

3.3. La nécessité d'améliorer les garanties pour le débiteur

À l'initiative des rapporteurs, la commission a souhaité apporter plus de garanties au débiteur, sans pour autant remettre en cause la nouvelle architecture proposée. Ses apports visent à :

- faire apparaître plus nettement le rôle de conciliateur des commissaires de justice, dans la mesure où l'article 17 du projet de loi, en supprimant l'audience de conciliation, a pour conséquence de reporter cette mission exercée par le juge sur le commissaire de justice (amendement COM-132).

Le commissaire de justice est un « acteur naturel de la conciliation » entre les parties au stade de l'exécution des décisions de justice ainsi que l'a indiqué aux rapporteurs la Chambre nationale des commissaires de justice aux rapporteurs. Ce rôle a d'ailleurs été officialisé lors de la création de la procédure de recouvrement simplifiée des petites créances ;

faciliter la saisine du juge de l'exécution a posteriori et renforcer ses pouvoirs (amendement COM-133) ;

Un débiteur pourrait contester seul, sur simple requête, une procédure de saisie des rémunérations relative à une créance inférieure à 10 000 euros, sans avoir à recourir à une signification par commissaire de justice pour assigner. Conformément aux règles habituelles en matière de représentation295(*), il devrait recourir à un avocat au-delà de 10 000 euros.

Le juge saisi d'une contestation pourrait ensuite contrôler d'office le montant des frais d'exécution engagés antérieurement à la saisie des rémunérations qui seraient intégrés à la créance poursuivie. Il arrive en effet souvent que la saisie des rémunérations, qui impose un étalement des paiements sur plusieurs années et n'est de ce fait pas la solution privilégiée par les créanciers, soit mise en oeuvre après d'autres procédures d'exécution infructueuses, ce qui augmentent les frais d'exécution mis à la charge du débiter. Il est donc important que, dans le cadre d'une contestation, le juge puisse s'autosaisir de la question et écarter les frais qui apparaissent inutiles ou disproportionnés.

Pour améliorer la protection de l'employeur tiers saisi, la commission a enfin supprimé la possibilité d'appliquer une amende civile en cas de déclaration inexacte de l'employeur, qui serait ajoutée aux hypothèses existantes de non-déclaration sans motif légitime ou de déclaration mensongère (amendement COM-136). Il convient en effet de prendre en compte les situations où l'employeur est un particulier ou une petite structure (artisan, indépendant ...). Il n'y a donc pas lieu d'aligner ses obligations sur celles des établissements bancaires.

3.4. L'importante question des frais

Aujourd'hui, la procédure de saisie des rémunérations est « gratuite » (ou en tout cas supportée par le contribuable), puisque l'ensemble de la procédure est prise en charge par les greffes et les régies des juridictions. La réforme y apporterait un changement notable en ce que le débiteur - et le créancier pour partie - auraient désormais à supporter les frais de la saisie.

Dans son avis, le Conseil d'État a alerté sur les incidences de cette mesure, en soulignant qu'il n'était pas en mesure de déterminer avec précision ses effets tant sociaux, sur une population souvent vulnérable qu'une dérive même modique des coûts maintiendrait dans l'endettement, qu'économiques, privant les créanciers d'une part peut être plus importante de ce qui leur revient.

La question de la maîtrise de ces frais est en effet centrale dans la réussite de la réforme. S'agissant d'actes relevant des mesures d'exécution forcées et donc du monopole des commissaires de justice, la rémunération des commissaires de justice dans le cadre de cette activité ne pourra relever que des tarifs règlementés, en application du premier alinéa de l'article L. 444-1 du code de commerce et ne pourra donner l'occasion aux commissaires de justice de percevoir des honoraires libres. Les tarifs réglementés devront être fixés par arrêté conjoint du ministre de la Justice et du ministre chargé de l'économie en application de l'article L. 444-3 du même code.

Il semble envisagé de rémunérer les commissaires de justice procédant aux saisies de rémunérations de la même façon que dans le cadre des autres mesures d'exécution forcées, c'est-à-dire par des émoluments tarifés attachés à chacun de leurs actes et formalités, ainsi que par un droit proportionnel au montant de la somme recouvrée dont une partie resterait à la charge du créancier.

Simulation des frais par référence à la tarification actuelle des saisies-attribution
(montant de la créance 10 000 euros)

- Commandement de payer aux fins de saisie des rémunérations : 40,42 € HT

- Procès-verbal d'accord ou de non-accord dressé par le commissaire de justice : 49,60 € HT

- Signification de l'acte de saisie entre les mains de l'employeur : 87,22 € HT

- Acte de dénonciation au débiteur : 65,96 € HT

Soit un montant total d'émoluments de 243,20 € HT, soit 291,84 € TTC.

Auxquels il conviendrait d'ajouter les droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus aux articles A. 444-31 et A. 444-32 du code de commerce. L'un est à la charge du débiteur et l'autre du créancier296(*).

Source : Chambre nationale des commissaires de justice

La rémunération des commissaires de justice répartiteurs reste en revanche à définir car il n'y a pas d'analogie possible. Des pistes ont toutefois été évoquées concernant la perception d'un droit fixe pour chaque dossier ainsi que celle d'un droit proportionnel. Il convient de trouver un équilibre pour des dossiers qui ont une durée de vie très longue : elle est en moyenne 7 ans, mais certains peuvent dépasser 30 ans car les quotités saisissables sont parfois très faibles.

La commission a souhaité mieux encadrer le décret d'application à ce sujet car la rédaction actuelle est très indicative (amendement COM-137 des rapporteurs).

La détermination d'un nombre maximum d'actes semble suffisante compte tenu de la tarification réglementée qui s'applique aux commissaires de justice dans le cadre de l'article L. 444-3 du code de commerce. Il ne semble donc pas nécessaire de déroger au cadre habituel qui prévoit que le tarif de chaque prestation des commissaires de justice est arrêté conjointement par les ministres de la justice et de l'économie.

La commission a également adopté un amendement COM-135 pour apporter une clarification rédactionnelle sur l'autorité qui désigne le commissaire de justice répartiteur.

La commission a adopté l'article 17 ainsi modifié.

Article 18
Dispositions relatives à la légalisation des actes publics étrangers

À la suite de la censure par le Conseil constitutionnel des dispositions de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice conditionnant la production d'effets juridiques en France des actes publics étrangers à leur légalisation, l'article 18 redonne une assise législative à ce principe. En réponse au grief soulevé par le Conseil constitutionnel s'agissant de l'absence de recours juridictionnel effectif contre les refus de légalisation des actes d'état civil, il précise en outre que l'ensemble des refus de légalisation pourront être portés devant la juridiction administrative.

La commission a adopté l'article 18, tout en créant, pour les documents d'état civil, une exception au principe selon lequel les refus de légalisations opposés par l'administration sont portés devant la juridiction administrative. Dans la mesure où le contentieux de l'état civil est traditionnellement de la compétence du juge judiciaire, elle a considéré préférable de lui confier ce contentieux.

1. L'obligation de légalisation des actes étrangers : un principe aujourd'hui privé de fondement législatif

1.1. Un principe ancien au fondement juridique incertain

Si le principe de légalisation des actes publics étrangers est appliqué de manière constante par la France depuis le XVIIe siècle, la source textuelle de ce principe paradoxalement longtemps « oublié par le législateur »297(*) n'a été précisée que récemment. Ce n'est en effet qu'en 2006298(*) que la Cour de cassation a expressément consacré une obligation générale de légalisation, en rattachant celle-ci à l'ordonnance royale de la marine d'août 1681. Dans le détail, l'article 23 du titre IX du livre Ier de ladite ordonnance disposait que « tous actes expédiés dans les pays étrangers où il y aura des consuls, ne feront aucune foi en France s'ils ne sont pas par eux légalisés ». Cette disposition avait par ailleurs été reprise par la suite dans l'Instruction générale sur l'état civil.

La légalisation se définit comme une formalité administrative visant à attester de l'authenticité d'un acte public délivré par un État étranger. Ce contrôle de la régularité formelle de l'acte porte sur « la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu »299(*). Si la légalisation d'un acte est pour le juge judiciaire la condition sine qua non pour qu'il puisse produire des effets juridiques en France, elle ne suffit toutefois pas par elle-même à lui confier une valeur probante. C'est notamment le cas s'agissant des actes d'état civil étrangers dont l'article 47 du code civil conditionne la régularité au fait qu'ils aient été établis dans le respect de la loi du pays d'origine.

La juridiction administrative est en revanche plus souple dans son appréciation et a délié la reconnaissance de la valeur probante d'un acte de sa légalisation formelle, qui n'en est que l'une des conditions. Cette solution jurisprudentielle a été définitivement confirmée dans un avis rendu en juin 2022 par le Conseil d'État qui précise, d'une part, que « la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte [d'état civil], la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact » et, d'autre part, que « à la condition [qu'il] présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient »300(*).

En pratique, la légalisation est de la compétence de l'ambassadeur ou du chef de poste consulaire français dans l'État émetteur de l'acte ou, par exception, au ministre des affaires étrangères301(*). L'acte concerné doit également faire l'objet d'une traduction en français effectuée par un traducteur habilité.

Le principe de légalisation connaît enfin deux assouplissements conventionnels d'importance. La France est, d'une part, partie à des conventions internationales exonérant les actes publics des États parties de l'obligation de légalisation. À titre d'exemple, l'étude d'impact cite les conventions de la Commission internationale de l'état civil n° 2 et 17, qui comprennent respectivement 10 et 13 signataires, ou le protocole franco-algérien du 28 août 1962. D'autre part, il existe, entre les 125 États parties à la Convention « de la Haye » du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers et pour certains actes publics, une procédure simplifiée par la voie de « l'apostille ». Aux termes de son article 3302(*), la charge du contrôle de l'authenticité des documents revient au seul État émetteur de l'acte, qui le formalise par l'apposition d'une apostille faisant foi sur le document concerné. Malgré ces dérogations, le volume d'actes étrangers légalisés annuellement demeure important et se porte, selon les éléments avancés par l'administration, à environ 20 000 actes. Près de 80 % d'entre eux seraient des actes d'état civil.

1.2. Un principe privé de son assise législative accidentellement puis sur décision du Conseil constitutionnel

Le principe de légalisation des actes publics étrangers s'est retrouvé à deux reprises privé de son assise législative sur la période récente. Cela s'est produit une première fois en 2006 avec l'abrogation accidentelle de l'ordonnance royale de la marine d'août 1681 par l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques. La Cour de cassation ayant fait le choix de maintenir l'obligation de légalisation par la voie jurisprudentielle et sur le nouveau fondement de la coutume internationale, les effets de cette abrogation sont toutefois restés marginaux303(*). De l'avis même de la Cour de Cassation, cette solution était néanmoins insatisfaisante et ne pouvait être que temporaire. Entre 2009 et 2016, elle a systématiquement plaidé dans son rapport annuel pour le rétablissement dans la loi de l'exigence de légalisation des actes de l'état civil étrangers et ce afin « d'assurer la stabilité et la sécurité juridiques que requiert un principe comme la légalisation [de ces actes]»304(*).

Partant de ce constat, le Parlement a réintroduit dans la loi le principe de légalisation au II de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Ces dispositions ne sont toutefois restées en vigueur que trois ans. Le Conseil constitutionnel a estimé dans une décision n° 2021-972 QPC du 18 février 2022 que lesdites dispositions étaient frappées d'incompétence négative. Le législateur n'avait en effet pas prévu de voie de recours contre les refus de légalisation d'un acte d'état civil opposés par l'administration, et ce alors que le juge administratif avait à plusieurs reprises décliné sa compétence305(*) et qu'aucune voie de recours n'était expressément ouverte devant le juge judiciaire. Tirant les conséquences de cette abrogation, le Conseil d'État a par la suite également annulé le décret d'application correspondant306(*). Il en résulte que l'exigence de légalisation des actes publics étrangers est de nouveau privée de toute assise législative depuis le 1er janvier 2023307(*).

2. L'article 18 : redonner une assise législative à la légalisation des actes administratifs et préciser les voies de recours contre les refus opposés par l'administration

Dans ce contexte, l'article 18 rétablit l'exigence législative de légalisation des actes publics étrangers. Pour ce faire, il réintroduit dans les mêmes termes à l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice le principe selon lequel « sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet »308(*). Afin de répondre aux griefs soulevés par le Conseil constitutionnel, l'article 18 précise également que l'ensemble des refus de légalisation opposés par les services consulaires pourront être contestés devant la juridiction administrative dans les conditions du droit commun.

3. La position de la commission : confier au juge judiciaire la compétence pour examiner les recours contre les refus de légalisation des actes d'état civil

Par l'adoption d'un amendement COM-138 des rapporteurs, la commission a prévu une exception pour les documents d'état civil au principe selon lequel les refus de légalisations opposés par l'administration sont portés devant la juridiction administrative.

D'une part, le contentieux de l'état civil est traditionnellement de la compétence du juge judiciaire. Saisi d'un litige relatif à l'état civil, celui-ci tire déjà les conséquences d'une absence de légalisation des documents étrangers produits ou de son irrégularité. Cet état de fait est rappelé dans le commentaire de la décision n° 2021-972 QPC du Conseil constitutionnel précitée, où il est précisé que « le contentieux de l'état des personnes constitue de longue date un bloc de compétence dévolu au juge judiciaire » et « qu'il n'en va autrement que si la décision administrative en cause est détachable de l'état civil, c'est-à-dire s'en sépare formellement et fonctionnellement, et pas seulement matériellement ».

Le Conseil d'État avait par ailleurs explicitement décliné sa compétence sur ce point en 2004 en estimant qu'« il n'appartient manifestement pas à la juridiction administrative de se prononcer sur un litige touchant à l'état civil [d'une personne] et à la détermination du point de savoir si elle a la nationalité française »309(*). Quand bien même le refus de légalisation est une décision administrative qui se borne à attester de l'authenticité de la signature et de la qualité du signataire, il considérait que son caractère détachable de l'acte d'état civil n'était pas acquis. Aucun revirement jurisprudentiel n'ayant eu lieu depuis lors et par cohérence avec le champ de compétence traditionnel du juge judiciaire, il semble préférable de lui confier ce contentieux.

Du reste, ce débat est plus théorique que pratique. Les refus de légalisation sont dans la plupart des cas résolus par la correction du document puis l'émission d'une nouvelle demande plutôt que par la voie contentieuse. À l'heure actuelle, aucun recours contentieux de cette nature n'est en cours de traitement.

La commission a adopté l'article 18 ainsi modifié.

Article 19
Élévation du niveau de diplôme requis pour accéder
à la profession d'avocat

L'article 19 vise à relever le niveau de diplôme requis pour accéder à la profession d'avocat au niveau du master, en remplacement de la maîtrise.

Il s'agirait de permettre une mise en conformité avec la réforme des diplômes de l'enseignement supérieur et de conserver un niveau de diplôme équivalent aux autres professions du droit. À titre complémentaire, l'article propose de supprimer une disposition législative devenue obsolète et sans objet.

La commission a approuvé cette mesure tout en regrettant que les conditions d'inscription au centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA) qui sont fixées par décret exigent un niveau de diplôme équivalent.

Attentive à la situation des étudiants qui peuvent actuellement finir leur formation de master au cours de leur formation au CRFPA, elle souhaite que les conditions d'accès à la formation d'avocat soient dissociées de celles pour accéder à la profession d'avocat, afin de conserver la possibilité de passer l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats après une validation partielle du master.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. La modification du niveau de qualification requis pour accéder à la profession d'avocat, une mise en conformité avec la réforme des diplômes de l'enseignement supérieur

Les conditions d'accès à la profession d'avocat sont prévues à l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Deux de ces conditions relèvent des qualifications académiques :

- le 2° de cet article dispose que nul ne peut accéder à la profession d'avocat s'il n'est pas titulaire d'au moins une maîtrise en droit, ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession ;

- le 3° requiert l'obtention du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA), obtenu après une formation professionnelle d'au moins dix-huit mois.

Toutefois, depuis la réforme des diplômes de l'enseignement supérieur, adoptée par le décret n° 2002-482 du 8 avril 2002310(*), l'architecture des études est fondée sur les grades de licence, master et doctorat (système dit LMD). Le niveau maîtrise n'existe donc plus, et le master 1, qui correspond au même niveau d'étude, n'est plus une étape diplômante.

Ainsi, afin de se mettre en conformité avec le nouveau système d'enseignement supérieur français, l'article 19 du projet de loi prévoit de remplacer la condition d'obtention de la maîtrise en droit par l'obtention d'un master en droit pour accéder à la profession d'avocat. Cette modification aurait pour conséquence d'augmenter le nombre d'années d'études requises à cinq années post-bac, et non plus quatre années post-bac, conformément à l'article D. 612-36-1 du code de l'éducation qui dispose que le master est organisé sur deux années, auquel doivent s'ajouter les dix-huit mois de la formation dispensée dans les centres régionaux de formation professionnelle des avocats (CRFPA).

Ce choix d'un rehaussement du niveau de diplôme requis permet également de mettre en conformité les qualifications requises pour accéder à la profession d'avocat avec celles requises pour l'accès aux autres professions judiciaires ou juridiques.

 

Niveau de diplôme
requis pour l'accès
à la profession

Niveau de diplôme
requis pour l'accès
à la formation

Dispositions normatives ayant rehaussé les niveaux de qualification

Notaire

Master en droit

Article 3 du décret n° 73-609 du 05 juillet 1973

Master en droit

Article 10 du décret
n° 73-609
du 05 juillet 1973

Décret n° 2013-215
du 13 mars 2013

Auparavant, il fallait être titulaire d'une maîtrise en droit ou des 60 premiers crédits d'un master en droit.

Commissaire de justice

Master en droit

Article 1 du décret n° 2019-1185 du 15 novembre 2019

Master en droit

Article 11 du décret
n° 2019-1185 du 15 novembre 2019

Décret n° 2019-1185
du 15 novembre 2019

Auparavant, il fallait une maîtrise en droit pour exercer la profession d'huissier de justice (décret n° 75-770 du 14 août 1975) et une licence pour accéder à la profession de commissaire-priseur (décret n° 73-541 du 19 juin 1973).

Greffier de tribunal de commerce

Master en droit

À partir du
1er janvier 2025

Article R. 742-1 du code du commerce

Master en droit

À partir du
1er janvier 2025

Article R. 742-6-1 du code du commerce

Décret n° 2022-1401 du
2 novembre 2022

Auparavant, il fallait être titulaire d'un diplôme validant la première année de master en droit.

Administrateur judiciaire et mandataire judiciaire

Master en administration et liquidation d'entreprises en difficulté, ou suivi d'un stage et réussite de l'examen d'aptitude

Article L. 812-3 du code du commerce

Maîtrise en droit

Article R. 812-4 du code du commerce

Loi n° 2015-990 du 6 août 2015

Auparavant, seule l'option du stage et de la réussite à l'examen d'aptitude existait.

Source : commission des lois

S'il est prévu que ces nouvelles dispositions entrent en vigueur au 1er janvier 2025, en application du IV de l'article 29 du projet de loi, des dispositions transitoires ont été prévues au II de l'article 28 du projet de loi, afin de ne pas pénaliser les personnes qui seraient, au jour de l'entrée en vigueur de l'article, déjà titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) ou qui auraient déjà réussi l'examen d'entrée à un CRFPA. Les mesures adoptées ne s'appliqueraient donc pas à ces personnes.

Enfin, à titre subsidiaire, l'article 19 prévoit de supprimer l'alinéa 8 de l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qui prévoit une équivalence de diplômes pour les personnes ayant obtenus une licence en droit avant 1954, cette mesure étant désormais sans objet compte tenu de l'âge des intéressés.

2. La position de la commission : accepter le rehaussement du niveau de diplôme, en invitant le Gouvernement à dissocier les conditions d'accès à la profession de celles d'accès à la formation d'avocat

La commission a considéré la mesure de rehaussement du niveau de diplôme requis pour accéder à la formation d'avocat opportune, puisqu'elle permet une mise en conformité de la loi avec le régime LMD ainsi qu'un alignement des qualifications requises pour accéder à l'ensemble des professions judiciaires ou juridiques. Elle a également jugé pertinent la suppression du huitième alinéa de l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, qui n'a plus lieu à s'appliquer et est désormais obsolète.

Toutefois, si la commission a adopté l'article sans modification, elle a jugé qu'il convenait d'en tirer les conséquences sur les conditions de présentation à l'examen d'entrée CRFPA.

En effet, l'article 52 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat conditionne aujourd'hui la présentation d'un candidat à l'examen d'accès au CRFPA à l'obtention du diplôme prévu à l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971.

Ce renvoi soumet ainsi l'accès à la formation d'avocat au même niveau de diplôme que pour l'accès à la profession d'avocat. Pourtant, selon l'enquête menée en 2021 par l'Observatoire de la profession d'avocat, 8,8 % des élèves-avocats de la promotion 2019-2020 auraient réalisé leur seconde année de master en étant déjà admis au CRFPA, en utilisant les six mois de projet pédagogique individuel (PPI) à cette fin.

Si cette disposition réglementaire restait inchangée à la suite de la modification opérée par l'article 19, près d'un étudiant sur 10 pourrait être retardé dans son projet professionnel, ce qui entraînerait pour eux une augmentation de leur durée d'étude d'un an.

La commission appelle donc à ce que le Gouvernement supprime, dans le décret du 27 novembre 1991, la corrélation entre les conditions de diplômes pour accéder à la formation d'avocat et celles pour accéder à la profession d'avocat, pour assurer à l'avenir, comme aujourd'hui, l'entrée au CRFPA dès l'obtention des 60 premiers crédits du master311(*).

La commission a adopté l'article 19 sans modification.

Article 20
Rémunération des greffiers des tribunaux de commerce

L'article 20 vise à corriger une erreur de plume issue de l'ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, ce texte ayant supprimé la faculté offerte aux greffiers des tribunaux de commerce de percevoir des honoraires libres et l'obligation d'afficher leurs tarifs. Il entend donc rétablir le droit en vigueur antérieurement à l'ordonnance précitée.

La commission a adopté cet article sans modification.

Conformément à l'article L. 444-1 du code de commerce312(*), dans sa rédaction en vigueur entre le 8 aout 2015 et le 1er juillet 2022, les greffiers des tribunaux de commerce pouvaient pratiquer une tarification libre, à l'instar des autres professions juridiques réglementées313(*), pour les prestations, non soumises à un tarif, accomplies en concurrence avec d'autres professionnels.

De la même manière, selon l'article L. 444-4 du code de commerce314(*), les greffiers des tribunaux de commerce avaient également pour obligation d'afficher les tarifs qu'ils pratiquaient de manière visible et lisible dans leur lieu d'exercice et sur le site Internet, à l'instar des autres professions réglementées du droit.

Néanmoins, l'ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, qui a procédé à la fusion des professions de commissaires-priseurs judicaires et d'huissiers de justice à compter du 1er juillet 2022, a supprimé, par inadvertance, la référence au greffier des tribunaux de commerce dans ces deux articles du code de commerce315(*).

Dans la mesure où aucune raison particulière ne justifie d'écarter les greffiers des tribunaux de commerce de l'application des règles précitées, l'article 20 du projet de loi permet de corriger utilement l'erreur de plume issue de l'ordonnance précitée.

La commission a adopté l'article 20 sans modification.

Article 21
Prolongation de l'habilitation à réformer par ordonnances
le droit de la publicité foncière

L'article 21 prolonge de quatorze mois le délai d'habilitation accordée au Gouvernement dans la loi dite « 3DS » pour réformer par ordonnances le régime de la publicité foncière afin de porter son terme au 1er novembre 2024.

La commission a estimé que la prolongation de quatorze mois du délai d'habilitation pour réformer les règles de la publicité foncière était à la fois excessive et injustifiée. D'une part, le Parlement se verrait privé de sa compétence pour légiférer sur un sujet majeur pour une durée inédite de 33 mois. D'autre part, le délai initial était en tout état de cause suffisant pour conduire les travaux à bien. En conséquence, la commission a supprimé l'article 21.

1. Une habilitation à réformer par ordonnances le droit de la publicité foncière qui arrive à son terme le 20 août 2023

L'article 198 de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale du 21 février 2022, dite « 3DS » habilite le Gouvernement à réformer par ordonnances le régime de la publicité foncière. Aux termes de cet article, le Gouvernement dispose d'un délai de dix-huit mois à compter de cette date pour procéder aux quatre modifications suivantes : améliorer la lisibilité du droit de la publicité foncière, en particulier par la réunion et l'adaptation, au sein d'un même livre du code civil, de l'ensemble des règles législatives correspondantes ; moderniser ce régime et renforcer son efficacité ; moderniser et clarifier le régime de l'inscription des privilèges immobiliers et des hypothèques ; procéder aux diverses adaptations législatives nécessaires pour l'application de ces dispositions, en particulier dans les départements d'Alsace-Moselle et de Mayotte.

Le Sénat a admis le principe d'un recours aux ordonnances sur ce sujet lors de l'examen du projet de loi « 3DS ». Sur le rapport de Mathieu Darnaud et Françoise Gatel316(*), la commission des lois a notamment considéré que « le caractère technique et complexe du sujet [justifiait] le recours à une ordonnance et que des garanties [étaient] offertes au Parlement tant sur le sens des travaux envisagés que sur les consultations qui [seraient] menées »317(*).

2. L'article 21 : une prolongation de quatorze mois de la durée d'habilitation

L'article 21 reporte « au plus tard » au 1er novembre 2024 l'échéance du délai de l'habilitation accordée au Gouvernement pour réformer le droit de la publicité foncière, soit une prolongation de quatorze mois pour une durée d'habilitation totale de 33 mois.

Selon l'étude d'impact, les premiers travaux engagés par le Gouvernement ont en effet « révélé que le délai d'habilitation initial de 18 mois ne permettait pas d'atteindre les objectifs fixés »318(*). Dans le détail, trois éléments sont mis en avant pour justifier cette demande de report :

- la grande technicité du sujet : outre son ancienneté, le « décret-loi » n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière est caractérisé par un enchevêtrement de dispositions législatives et règlementaires. Il a donc, depuis sa publication, été modifié tant par des décrets, que par des ordonnances ou des lois et au détriment de la lisibilité d'ensemble. En conséquence, le Gouvernement a estimé que l'objectif de clarification du droit ne pouvait être atteint sans une abrogation et une réécriture intégrale des dispositions existantes ;

- le choix de procéder simultanément aux modifications règlementaires et législatives : le Gouvernement estime ainsi « nécessaire, pour anticiper toute difficulté d'application des nouveaux textes régissant la matière et le fonctionnement des services de la publicité foncière, que cette réforme soit conçue sur les plans tant législatif que règlementaire dans le même laps de temps »319(*). Or, les travaux à mener à bien en matière réglementaires sont jugés importants. Ils devraient se traduire par la refonte de 180 articles issus tant du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 précité que du décret n°55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour son application ;

- la nécessité de conduire des consultations approfondies et régulières avec les représentants des professions concernées, en particulier le notariat.

À l'issue des quinze premiers mois d'habilitation, les services compétents ont indiqué qu'outre l'important travail de qualification du niveau de norme des textes actuels, les lignes directrices de la réforme avaient été établies, notamment en ce qui concerne le périmètre des actes soumis à publicité foncière. Une consultation de l'ensemble des parties prenantes a également été conduite en novembre 2022.

3. La position de la commission : une prolongation du délai inopportune

La commission a estimé que la prolongation de quatorze mois du délai d'habilitation pour réformer les règles de la publicité foncière était à la fois excessive et injustifiée.

Il n'est tout d'abord pas acceptable que le Parlement abandonne sa compétence sur un sujet majeur pendant presque trois ans, soit une durée tout à fait inédite. À titre de comparaison, sur les 394 habilitations accordées au Gouvernement dans l'intégralité du quinquennat précédent, le délai maximal de publication était de 30 mois320(*). Le Gouvernement n'en a bénéficié qu'à deux reprises pour, d'une part, réformer la contribution des employeurs au financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage et, d'autre part, procéder à une nouvelle rédaction du livre IV du code de la construction et de l'habitation.

En l'espèce, l'imbrication de dispositions législatives et règlementaires dans le régime actuel de la publicité foncière est indéniablement de nature à complexifier les travaux. Quand bien même il n'aurait pas été correctement anticipé, cet obstacle aurait dû pouvoir être surmonté dans les délais impartis. Il convient à cet égard de relever que la durée de l'habilitation demandée à l'article 2 du projet de loi pour procéder à la recodification intégrale du code de procédure pénale est de 24 mois, et ce alors même que le sujet est caractérisé par une complexité autrement supérieure.

Enfin, la commission a estimé que le délai initial de 18 mois était manifestement suffisant pour procéder aux consultations approfondies des parties prenantes dont le Gouvernement souligne aujourd'hui, à raison, le caractère indispensable. Du reste, rien ne fait obstacle à ce que ces consultations se poursuivent jusqu'à l'échéance du délai actuel.

Dans ces circonstances, la commission a adopté un amendement COM-139 des rapporteurs supprimant l'article 21.

La commission a supprimé l'article 21.

TITRE VI
DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET FINANCIERES ET A LA RESPONSABILITÉ DES GESTIONNAIRES PUBLICS

Article 22
Conditions d'accès aux corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et des magistrats des chambres régionales des comptes en sortie de l'Institut national du service public

L'article 22 vise à permettre aux élèves lauréats de l'Institut national du service public (INSP) de rejoindre directement les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ainsi que les chambres régionales des comptes, sans avoir à justifier préalablement de deux ans de services publics en qualité d'administrateurs de l'Etat.

Cette mesure permettrait de soumettre à la même obligation de mobilité tous les magistrats des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des chambres régionales des comptes, quel que soit leur mode de recrutement.

Par ailleurs, elle éviterait une éventuelle déperdition d'élèves de l'INSP qui ne souhaiteraient plus rejoindre les juridictions après deux ans de service en tant qu'administrateurs de l'Etat.

La commission a adopté cet article après y avoir apporté une coordination.

L'article 22 du projet de loi revient sur une disposition introduite par l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat321(*) qui dispose que les magistrats des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des chambres régionales des comptes sont recrutés au grade de conseiller parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat ayant exercé ce choix à la sortie de l'Institut national du service public (INSP) et justifiant d'au moins deux ans de service effectif en cette qualité322(*).

Cette obligation de justifier d'une expérience minimale de deux ans de service effectif avait, semble-t-il, été envisagée comme une forme de « contrepartie » au maintien de ces postes juridictionnels en sortie directe de l'INSP.

Toutefois, la gestion d'une telle mesure s'avère complexe : elle diffère le recrutement effectif de magistrats en juridiction et impose aux ministères de réserver des postes pour une durée limitée de deux ans pour les élèves ayant choisi les corps des magistrats administratifs ou financiers et n'ayant pas eu d'expérience professionnelle préalable.

Par ailleurs, cette obligation de mobilité peut sembler redondante avec l'obligation de mobilité statutaire d'une durée d'au moins deux ans imposés aux conseillers pour être promus au grade de premier conseiller323(*) créé par cette même ordonnance. Enfin, elle crée de facto deux régimes distincts de mobilité selon le mode de recrutement, puisque les magistrats recrutés par concours direct ne sont pas soumis à cette obligation préalable de mobilité.

Prenant acte de ces éléments, l'article 22 du projet de loi tend à supprimer - à compter du 1er janvier 2025324(*) au moment où le classement de sortie de l'INSP prendra fin - la procédure d'affectation « transitoire » dans le corps des administrateurs de l'État pour les magistrats des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des chambres régionales des comptes. L'obligation de justifier de deux ans de services publics effectifs en qualité d'administrateurs de l'Etat - ou de membre d'un corps équivalent - serait en revanche maintenue pour les auditeurs du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes325(*).

Cette mesure, qui correspond à une demande des syndicats, a fait l'objet d'une approbation par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel et celui des chambres régionales des comptes.

L'article 22 corrige également deux erreurs matérielles relatives à une référence d'article et un grade introduites par l'article 7 de l'ordonnance du 2 juin 2021 (alinéas 1 à 4 et alinéa 13).

La commission a approuvé la simplification proposée et a adopté cet article, en apportant une coordination supplémentaire, la disposition relative à la reconnaissance d'une équivalence en cas d'expérience dans le secteur privé n'ayant plus lieu d'être (amendement COM-140).

La commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.

Article 23
Diverses modifications statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes

L'article 23 comporte trois mesures statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes (CRC) :

- la neutralisation de la position des magistrats pour la promotion au grade de conseillers-maîtres au titre du tour extérieur ; seuls les magistrats en disponibilité seraient exclus de l'avancement interne ;

- la dissociation de la fonction de président de section de celle du grade qui serait dénommé « conseiller président » ;

- le raccourcissement de la durée de l'emploi de président et vice-président de chambre régionale des comptes dans une même chambre de sept à cinq ans.

La commission a approuvée le changement de nom du grade sommital du corps des magistrats des chambres régionales des comptes qui devrait faciliter l'établissement des grilles indiciaires renouvelées.

Elle a en revanche supprimé les mesures relatives au tour extérieur des conseillers maîtres qui lui semblent à contre-courant de l'ordonnance récente du 2 juin 2021 et à la réduction de la durée des emplois de présidents et vice-présidents de chambres, préférant qu'elle reste alignée sur les autres fonctions de chefs de juridiction.

Elle a ajouté une mesure d'assouplissement de l'obligation de résidence des magistrats de CRC.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

1. La modification des conditions de promotion au grade de conseiller maître

La Cour des comptes est composée du premier président, de présidents de chambre, de conseillers maîtres et de conseillers référendaires326(*).

Les promotions au grade de conseiller maître sont prononcées sur proposition du premier président de la Cour des comptes, après avis du conseil supérieur de la Cour des comptes.

Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, l'article L. 122-3 du code des juridictions financières réserve quatre nominations de conseillers maîtres sur cinq aux conseillers référendaires ayant accompli un minimum de douze années de service en cette qualité, sous condition d'avoir accompli une mobilité statutaire de deux ans. À compter du 1er janvier 2023, une nomination sur cinq - et non plus une nomination sur trois - devrait ainsi intervenir au tour extérieur.

L'article L. 122-3 du code des juridictions financières, selon une rédaction antérieure à l'ordonnance du 2 juin 2021, précise que l'avancement de conseillers référendaires en service détaché n'est pas pris en compte dans le quota déterminant le nombre de nominations permises au tour extérieur, cet avancement se faisant « hors tour ».

L'article 23 du projet de loi propose de retoucher ces modalités avant même que leur effet ait été testé et de ne compter en « hors tour » que les conseillers référendaires en disponibilité, dont la situation n'est pas prise en compte par les textes actuellement. Seraient ainsi intégrées pour le calcul des nominations au tour extérieur les promotions des conseillers référendaires en fonction à la Cour et ceux en détachement, qui représentent 40 % des conseillers référendaires327(*).

Selon la Cour des comptes, cette mesure est nécessaire car le décompte actuel ferait « encourir le risque de ne pouvoir disposer de ressources suffisantes au sein de la Cour, faute de possibilités suffisantes de nominations à la maîtrise ouvertes au tour extérieur ».

Toutefois, ainsi que l'ont relevé le Conseil supérieur de la Cour des comptes et le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes dans leurs avis du 26 avril 2023, la mesure proposée irait à rebours de l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat. Celle-ci a réduit le nombre de nominations de conseillers maîtres au tour extérieur en prévoyant la proportion d'une nomination sur cinq, et non plus d'une nomination sur trois.

Il a semblé en l'état prématuré à la commission d'y apporter une modification. Elle a en revanche considéré nécessaire, à l'initiative des rapporteurs, pour une meilleure sécurité juridique, d'intégrer de manière expresse la situation des conseillers référendaires en disponibilité dans le hors tour (amendement COM-142).

2. La question des présidents de section au sein des chambres régionales des comptes

Le président de section organise les travaux de sa section, préside les délibérés et évalue les vérificateurs affectés à sa section. Il participe à l'élaboration du programme annuel des travaux de la chambre régionale des comptes.

Seuls les titulaires du grade de président de section - le plus haut du corps des magistrats des chambres régionales des comptes - sont nommés de manière pérenne à des emplois de président de section328(*). En revanche, les titulaires du grade de président de section peuvent être nommés en qualité d'assesseur, de rapporteur ou de contre-rapporteur et de procureur financier. Ils peuvent également être chargés par le président de la chambre de toute mission relative à la coordination des enquêtes et des équipes d'investigation, à la formation des personnels, à l'organisation et aux méthodes de travail. Ils peuvent aussi être chargés par le président de la chambre de participer aux travaux d'organismes et de commissions extérieurs329(*). Actuellement, selon les informations obtenues de la Cour des comptes, près de 90 % des magistrats de chambres régionales des comptes en fonction dans le corps et détenant le grade de président de section exercent cette fonction.

Toutes ces règles sont fixées au niveau réglementaire, de même que celles relatives aux fonctions de président de section à la Cour des comptes.

L'article 23 vise à renommer le grade sommital « conseiller président » et à mieux le distinguer de l'emploi de président de section, notamment en vue de la révision des grilles indiciaires des magistrats des chambres régionales des comptes. Ce changement terminologique ne pose aucune difficulté, une coordination supplémentaire ayant été apportée à l'article L. 120-14 du code des juridictions financières sur la proposition des rapporteurs (amendement COM-142).

Au-delà de ce changement de nom, est annoncée une réforme beaucoup plus substantielle de nature réglementaire : la fonctionnalisation de l'emploi, dont les conditions restent à déterminer au sein d'un groupe de travail associant les représentants élus des magistrats et des chefs de juridiction.

Dans ce cadre, une limitation dans le temps des fonctions de président de section au sein des chambres régionales des comptes est envisagée. Actuellement, les présidents de section des chambres régionales des comptes exercent leur choix d'affectation dans l'ordre de leur rang de promotion330(*) et peuvent ensuite être mutés à leur demande en fonction des postes disponibles et après avis du Conseil supérieur, sans qu'il existe de limite de durée d'occupation des fonctions. Cette limite existe en revanche depuis 2017 pour les fonctions de président de section à la Cour qui ne peuvent être exercées dans la même section plus de six ans (deux fois trois ans)331(*).

Sans porter d'appréciation sur ce projet dont elles ne connaissent pas les modalités, les rapporteurs relèvent que la limitation de la durée des fonctions de président de chambre régionale des comptes est fixée au niveau de la loi, comme celle des chefs de juridictions de l'ordre judiciaire ou administratifs. De même, la limitation à dix ans de l'exercice de la fonction de juge des libertés et de la détention, de juge d'instruction, de juge des enfants, de juge de l'application des peines ou de juge des contentieux de la protection dans un même tribunal judiciaire ou de première instance est fixée dans l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature332(*).

3. La réduction de la durée de mandat des présidents et vice-présidents de chambres régionales des comptes

En application de l'article L. 221-2 du code des juridictions financières, l'emploi de président de chambre régionale des comptes est pourvu par un conseiller maître ou un conseiller référendaire à la Cour des comptes, tandis que l'emploi de vice-président est pourvu par un conseiller référendaire. Les nominations sont prononcées par décret du Président de la République sur proposition du premier président de la Cour des comptes après avis du conseil supérieur de la Cour des comptes et du conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

La nomination à ces emplois est depuis 2001 prononcée pour une durée de sept ans, qui ne peut ni être prorogée ni être renouvelée au sein d'une même chambre333(*).

L'article 23 propose à l'avenir d'en limiter la durée à cinq ans et d'assouplir les conditions de nomination des présidents de section à cette fonction des chambres régionales des comptes qui n'auraient plus à justifier d'un minimum de quinze années de service public pour candidater334(*).

La durée maximum de sept ans est alignée sur celle prévue pour les chefs de juridiction par le statut des magistrats judiciaires335(*) et le statut des magistrats administratifs336(*). Elle ne semble par ailleurs pas empêcher des présidences plus brèves ou d'occuper deux présidences de chambre au cours de sa carrière car elle peut être réduite à la demande du magistrat, après avis du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

Dans ces conditions, la commission n'a pas souhaité modifier la durée des fonctions de président ou vice-président de chambre régionale des comptes (amendement COM-142 des rapporteurs).

4. L'assouplissement de l'obligation de résidence des magistrats de chambres régionales des comptes

À l'initiative des rapporteurs, la commission a aligné l'obligation de résidence des magistrats des chambres régionales des comptes sur celle applicable aux magistrats de l'ordre judiciaire337(*) et aux magistrats de tribunal administratif et de cour administrative d'appel338(*) (amendement COM-143).

L'obligation de résider au siège de leur chambre régionale serait remplacée par une obligation de siéger dans le ressort de la chambre, ce qui permettrait une plus grande souplesse pour organiser leur vie personnelle.

La commission a adopté l'article 23 ainsi modifié.

Article 24
Ratification de l'ordonnance relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics

L'article 24 vise à ratifier l'ordonnance du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics. Un projet de loi de ratification avait déjà été déposé au Sénat le 22 avril 2022, mais sans être inscrit à l'ordre du jour339(*).

L'article 24 procède également à une coordination dans l'ordonnance du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement, pour viser la Cour des comptes et non plus la Cour de discipline budgétaire et financière, disparue depuis le 31 décembre 2022.

S'agissant d'une pure question de procédure, la commission a adopté cet article sans modification.

L'article 24 vise à ratifier de manière expresse l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l'article 168 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 qui prévoyait une ordonnance dans les six mois de sa promulgation et le dépôt d'un projet de loi de ratification devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance. Ces délais ont été respectés : l'ordonnance a été publiée le 24 mars 2022 et le projet de loi déposé le 22 avril suivant.

L'objectif de l'article 24 du projet de loi est purement procédural340(*) : en l'absence de ratification expresse, l'ordonnance pourrait faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État341(*).

La commission est restée sur cette même ligne et n'a pas souhaité engager de débat de fond sur la refonte du régime de responsabilité des gestionnaires publics, renvoyant au prochain projet de loi de finances cette discussion.

L'article 24 procède également à une coordination dans l'ordonnance du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement, pour viser la Cour des comptes et non plus la Cour de discipline budgétaire et financière, disparue depuis le 31 décembre 2022342(*).

La commission a adopté l'article 24 sans modification.

Article 25
Mécanisme d'extension des accords nationaux relatif à la souscription d'un contrat collectif pour la couverture complémentaire « santé »
aux corps des magistrats administratifs et financier

L'article 25 prévoit la mise en place d'un mécanisme permettant d'étendre les dispositions d'un accord national relatif à la protection sociale complémentaire, conclu pour les agents de la fonction publique d'État, aux membres du Conseil d'État et de la Cour des comptes, des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des chambres régionales des comptes.

En l'état, ces dispositions visent spécifiquement à étendre l'accord interministériel relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, signé le 26 février 2022343(*).

La commission a adopté le dispositif d'extension proposé, considérant cette option comme étant une solution sécurisée et pragmatique pour permettre le rattachement des quatre corps de magistrats administratifs et financiers au régime de protection sociale complémentaire déjà négocié et une prise en charge améliorée de la mutuelle « santé » par l'Etat.

La commission a adopté cet article après y avoir apporté une coordination formelle.

1. Un constat : la situation particulière des magistrats vis-à-vis des accords collectifs nationaux de la fonction publique de l'Etat

Des accords collectifs peuvent être négociés, conclus et signés au niveau national, pour l'ensemble de la fonction publique ou pour un seul versant. Pour la fonction publique de l'État, ce sont les organisations syndicales disposant d'au moins un siège au Conseil supérieur de la fonction publique d'État (CSFPE) qui sont chargées des négociations, de la conclusion et de la signature de l'accord collectif avec l'État employeur344(*).

Au sein du CSFPE, vingt sièges sont répartis entre les organisations syndicales proportionnellement au nombre de voix obtenues par chacune d'elles lors des dernières élections professionnelles. Ces instances sont listées à l'article 5 du décret n° 2012-225 du 16 février 2012 relatif au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et ne comprennent pas les instances représentatives spécifiques des juridictions administratives et financières345(*), de même que des juridictions judiciaires, au nom de leur indépendance.

Les instances représentatives des magistrats administratifs et financiers

L'article 4 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a mis en place les comités sociaux d'administration (CSA), chargés de l'examen des questions collectives et des conditions de travail, qui ont remplacés les comités techniques et des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), afin de créer une instance représentative du personnel unique. Ces CSA doivent être mis en place dans toutes les administrations de l'État et tous les établissements publics de l'État, en application de l'article L. 251-2 du code général de la fonction publique (CGFP).

Cependant, si les fonctionnaires administratifs et techniques et les agents non titulaires affectés dans les juridictions administratives et financières sont bien représentés au sein d'un CSA, ce n'est pas le cas des magistrats - soient environ 2 700 personnes - qui disposent d'instances de représentation particulières :

- la Commission supérieure du Conseil d'État ;

- le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;

- le Conseil supérieur de la Cour des comptes ;

- le Conseil supérieur des chambres régionales et territoriales des comptes.

Une spécificité du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes est qu'ils ne comprennent pas d'organisation syndicale346(*), contrairement aux tribunaux administratifs, aux cours administratives d'appel et aux chambres régionales des comptes, au sein desquels des représentants élus sur des listes syndicales siègent dans les Conseils supérieurs.

Pour ces raisons, le premier accord collectif, conclu le 26 février 2022, sur le fondement de l'article L. 827-1 du CGFP, qui crée une obligation pour l'État employeur de participer à la moitié au moins du financement nécessaire des garanties de protection sociale complémentaire, n'est pas applicable directement aux magistrats administratifs et financiers.

Cet accord définit un socle interministériel de garanties destinées à couvrir les frais de santé, en complément et en supplément des remboursements effectués par les régimes obligatoires de sécurité sociale, par des contrats collectifs. Les bénéficiaires doivent obligatoirement souscrire aux contrats collectifs conclus par leurs employeurs publics.

2. La mesure proposée : créer un mécanisme d'extension par décret des accords nationaux relatifs à la protection sociale complémentaire pour les magistrats administratifs et financiers

L'article 25 du projet de loi vise à rendre applicables aux membres du Conseil d'État, de la Cour des comptes, des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des chambres régionales des comptes les stipulations de tout accord collectif intervenu au niveau national pour la fonction publique de l'Etat en matière de prévoyance statutaire et complémentaire. Aucun dispositif particulier n'est en revanche prévu pour les magistrats judiciaires.

Cette extension se ferait par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil supérieur compétent. Elle pourrait ne concerner qu'une partie de l'accord national.

Ces mesures seraient codifiées dans le code de justice administrative et le code des juridictions financières. Ainsi, bien qu'elles aient pour objet spécifique l'application de l'accord interministériel du 26 février 2022, elles auraient vocation à s'appliquer aux accords interministériels ultérieurs en matière de protection sociale complémentaire347(*).

3. La position de la commission : accepter une solution pragmatique pour permettre une meilleure prise en charge de la complémentaire santé des magistrats administratifs et financiers

Comme l'a relevé le Syndicat des juridictions financières unifié (SJF), la solution proposée - qui serait codifiée et donc appelée à durer - ne vise aucunement à trouver une solution pour assurer une participation de représentants des magistrats administratifs et financiers à la négociation d'accords collectifs au niveau national, mais à étendre directement un dispositif négocié sans la participation de syndicats représentatifs de ces magistrats, qui existent au sein des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des chambres régionales des comptes.

S'agissant des magistrats judiciaires, l'article 6 du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire propose de faire participer ces magistrats aux CSA du ministère de la justice. Les magistrats judiciaires deviendraient électeurs et leurs organisations syndicales représentatives éligibles. Il serait expressément prévu que les organisations syndicales qui disposent d'au moins un siège au sein du CSA placé auprès de l'autorité administrative compétente pour négocier auraient qualité pour conclure et signer des accords collectifs nationaux applicables aux magistrats judiciaires, notamment ceux relatifs à la protection sociale complémentaire.

Toutefois, le dispositif d'extension des accords collectifs proposé semble être l'option la plus sécurisée et la plus pragmatique à cette heure pour permettre un rattachement rapide des magistrats administratifs et financiers au régime de protection sociale complémentaire, qui devrait permettre une prise en charge financière plus importante par l'État employeur348(*).

Le contenu du régime et ses modalités ne sont pas encore arrêtés. Selon l'Association des magistrats de la Cour des comptes, le nouveau régime a de fortes chances d'être plus favorable, sous réserve des modalités d'adhésion. En effet, l'adhésion à la complémentaire santé pourrait être obligatoire, sauf dispense dans certains cas particuliers.

Il conviendrait donc en amont, avant que le décret d'extension ne soit communiqué pour avis aux différents Conseils supérieurs, d'informer et d'associer les représentants des magistrats aux différentes étapes de la mise en place de la complémentaire santé unique. Il doit en aller de même pour les futurs accords qui pourraient être « étendus » par la suite, compte tenu de la dimension pérenne des dispositions proposées.

La commission a supprimé une mention superfétatoire à l'application des dispositions pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, déjà prévue à l'article 23 du présent projet de loi (amendement COM-145 des rapporteurs).

La commission a adopté l'article 25 ainsi modifié.

Article 26
Transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale à des juridictions administratives
de droit commun spécialement désignées

L'article 26 tend à conférer une habilitation au Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transférer le contentieux de la tarification sanitaire et sociale à des juridictions administratives.

Ce contentieux relève actuellement de tribunaux interrégionaux en premier ressort et d'une cour nationale en appel dont la particularité est de comporter en leur sein des assesseurs représentants des usagers et des établissements sanitaires et médico-sociaux.

La mission d'inspection des juridictions administratives a mis à jour en 2020 un certain nombre de difficultés rencontrées par ces juridictions spécialisées, tout en relevant la prégnance de plus en plus grande des questions de procédure et des règles de droit tandis que le contentieux soulevait moins de questions d'appréciation susceptibles d'intéresser les échevins issus du milieu sanitaire et social.

L'article 26 propose de conférer une habilitation à légiférer par ordonnance au Gouvernement afin de transférer ce contentieux à des juridictions administratives de droit commun. Dans ce cadre, il est projeté de désigner un nombre limité de tribunaux administratifs et une cour administrative d'appel afin de couvrir le territoire selon un maillage interrégional identique à aujourd'hui et de pouvoir spécialiser certains magistrats administratifs en la matière.

La commission a accepté le principe de ce transfert, mais souhaité inscrire directement dans la loi les dispositions nécessaires, plutôt que de s'en remettre au Gouvernement dans le cadre d'une habilitation.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

1. Le système actuel : des juridictions administratives spécialisées pour juger du contentieux de la tarification sanitaire et sociale

Le contentieux de la tarification sanitaire et sociale concerne deux types de litiges :

- la contestation, par les établissements sanitaires et médico-sociaux (ESMS), des décisions prises par les arrêtés de tarification et fixant leurs budgets;

- et, dans une moindre mesure selon le Syndicat de la juridiction administrative (SJA), la contestation par les personnes prises en charge par ces établissements ou leurs ayants-droit des décisions tarifaires les concernant (par exemple, le prix de journée en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes).

Ce contentieux relève de juridictions administratives spécialisées.

En premier ressort, les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale (TITSS) institués par l'article L. 351-2 du code de l'action sociale et des familles sont compétents. Il en existe cinq répartis sur toute la France : Bordeaux, Lyon, Nancy, Nantes et Paris.

Ces juridictions, présidées par un conseiller d'État ou un président de tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sont composées à parité de représentants de l'administration et de représentants des ESMS et des usagers, nommés au sein d'une liste proposée par les représentants à la conférence régionale de la santé et de l'autonomie.

La majorité des rapporteurs chargés de préparer les dossiers sont des magistrats administratifs et depuis 2012349(*), les greffes de ces tribunaux sont assurés, sous l'autorité de leur président, par des agents affectés auprès des cours administratives d'appel de leur siège.

Les décisions rendues par les TITSS peuvent faire l'objet d'un appel devant la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale (CNTSS), dans le mois suivant leur notification. Comme son nom l'indique, cette cour a un ressort national. Elle est présidée par le président de la section sociale du Conseil d'État ou, en son absence, par un conseiller d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État, et comprend des membres nommés au sein d'une liste établie par les ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l'action sociale et au sein d'une liste proposée par le collège formé des membres du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale (CNOSS) siégeant comme représentants des institutions et des établissements de santé, des établissements sociaux, publics ou privés, et des établissements assurant une activité de soins à domicile et représentants des usagers de ces institutions et établissements.

Le Conseil d'État est juge de cassation des décisions de la CNTSS et compétent pour assurer l'exécution des décisions des juridictions de la tarification sanitaire et sociale.

2. La réforme proposée : transférer le contentieux de la tarification sanitaire et sociale aux juridictions administratives de droit commun

L'article 26 du projet de loi propose de mettre fin à la spécificité du traitement du contentieux de la tarification sanitaire et sociale en le renvoyant aux juridictions de droit commun.

La réforme, qui prend dans le projet de loi la forme d'une habilitation à légiférer par ordonnance, entend a priori comprendre des règles de compétence territoriale de nature à conserver une certaine spécialisation des juridictions. Les tribunaux administratifs désignés conserveraient une compétence interrégionale et une unique cour administrative d'appel serait compétente sur tout le territoire.

Selon l'étude d'impact, qui s'appuie sur les travaux de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives menés en 2020, le transfert serait justifié par :

- les difficultés rencontrées pour composer ces juridictions en raison du manque de disponibilité des magistrats et des échevins ;

l'importance croissante des questions purement juridiques, au détriment des questions d'appréciation qui justifient plus particulièrement la participation d'échevins issus du milieu sanitaire et social ;

- une obsolescence de la procédure applicable : faute de mise à jour des textes la concernant, elle n'est pas dématérialisée.

Enfin, le contentieux de la tarification sanitaire et sociale est en diminution constante depuis 2014 et le nombre de litiges, désormais inférieur à 250 par an, ne justifierait plus l'existence d'une juridiction spécialisée.

Source : Extrait de l'étude d'impact du projet de loi

3. La position de la commission : inscrire directement dans la loi la réforme proposée

La commission a pris bonne note de la transformation du contentieux depuis une dizaine d'années, en raison notamment de la mise en place d'outils de contractualisation pluriannuelle entre les autorités de tarification et les établissements, qui rendent de moins en moins utile la compétence des échevins et de plus en plus prégnant le rôle du rapporteur et du commissaire du Gouvernement. Elle a également pris en compte la diminution du contentieux des usagers, de sorte que leur représentation dans la formation de jugement ne paraît plus nécessaire. Dans ces conditions, selon le Syndicat de la juridiction administrative (SJA), la fin de l'échevinage ne devrait pas avoir d'incidence significative sur l'examen des dossiers, ni sur le sens des décisions.

La commission a donc entériné le principe d'un transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale dans le but d'en assurer un meilleur traitement. À l'initiative des rapporteurs, elle a toutefois souhaité supprimer l'habilitation à légiférer par ordonnance et inscrire directement dans la loi la réforme proposée de transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale aux juridictions administratives de droit commun (amendement COM-146). Afin de laisser aux juridictions concernées le temps de s'organiser, elle a prévu une entrée en vigueur au 1er janvier 2024 à l'article 29.

La commission a adopté l'article 26 ainsi modifié.

TITRE VII
DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 27
Application outre-mer

L'article 27 vise à assurer son application dans les territoires ultramarins.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Coordinations effectuées

Article du projet de loi concerné

Articles de loi modifiés

Motifs de la coordination

Code de l'organisation judiciaire

Dispositions générales d'application

Articles L. 531-1, L. 551-1, L. 552-2, L. 552-10, L. 561-1, L. 562-2, L. 562-25

Dispositions générales d'application dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie

Code de l'entrée du séjour et du droit d'asile

Article 15

Articles L. 362-1, L. 363-1, L. 364-1, L. 364-2, L. 365-1, L  365-2, L. 366-1, L. 366-2, L  654-1, L. 656-1, L. 761-8, L  762-1, L. 763-1, L. 764-1, L  765-1, L. 766-1, L. 832-1, L  833-1, L. 834-1, L. 835-1 et L. 836-1

Application des modifications effectuées par le projet de loi dans le code de la sécurité intérieure à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

Code de la santé publique

Article 15

Articles L. 3821-11, L. 3841-2, L. 3844-1, L. 3844-2

Application des modifications effectuées par le projet de loi dans le code pénal dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie

Code de commerce

Article 16

Article L. 950-1

Application des modifications effectuées par l'article 6 du projet de loi en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie

Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques

Article 19

Article 81

Application du rehaussement du diplôme exigé pour accéder à la profession d'avocat à Mayotte, Saint-Pierre et Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie

Code de procédure pénale

Articles 3, 4, 5

Articles 804 et 864

Application des modifications effectuées par l'article 15 du projet de loi dans la loi n° 2004-57 dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie

Code pénitentiaire

Articles 3 et 14

Articles L. 752-1, L. 753-1, L. 757-1, L. 762-1, L. 763-1, L. 767-1, L. 772-1, L. 773-1, L. 777-1

Application des modifications effectuées par les articles 15 et 18 du projet de loi dans le code des postes et des télécommunications dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

Code Pénal

Article 4

Article 711-1

Application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

Code de justice pénale des mineurs

Article

Articles L. 721-1, L. 722-1 et L. 723-1

Extension de l'application de l'article 4 du projet de loi

La commission a adopté l'amendement COM-149 des rapporteurs qui vise à intégrer au projet de loi ordinaire les dispositions législatives qui figuraient dans le projet de loi organique et l'amendement rédactionnel COM-150 des mêmes auteurs.

La commission a adopté l'article 27 ainsi modifié.

Article 28
Dispositions transitoires relatives aux juristes assistants
et aux élèves avocats

L'article  28 prévoit les mesures transitoires relatives aux juristes assistants et aux élèves avocats dont la situation serait remise en cause par l'entrée en vigueur de l'article 11 pour les premiers, et l'article 19 pour les seconds.

Les juristes assistants se verraient proposer un contrat à durée indéterminée à l'issue de leur premier ou de leur second contrat de trois ans ; ceux en poste au moment de l'entrée en vigueur de l'article 11 « basculeraient » automatiquement sur un statut d'attaché de justice.

Quant aux élèves avocats ayant déjà réussi l'examen d'entrée à un centre régional de formation professionnelle (CRFPA) ou ayant déjà obtenu le certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA), l'obligation de détention d'un master de droit pour accéder à la profession d'avocat ne s'appliquerait pas à eux.

La commission a adopté cet article en rétablissant un droit d'option en faveur des juristes assistants afin que le changement de statut ne leur soit pas imposé.

1. La situation des assistants juristes en cours de contrat au jour de l'entrée en vigueur de la loi

L'article 11 qui créé le statut d'attaché de justice et supprime celui de juriste assistant rentrerait en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le premier jour du douzième mois suivant celui de la publication au Journal officiel350(*).

Le I de l'article 28 du projet de loi vise à régler la situation des juristes assistants qui seraient en cours de contrat entre la date du vote de la loi et celle de son entrée en vigueur. Il tend à permettre aux juristes assistants dont le contrat devrait être renouvelé ou arriverait à échéance dans cette période de se voir proposer, par anticipation, un nouveau contrat à durée indéterminée. La décision de proposer une telle « CDisation » serait prise par les chefs de cour qui ont, aujourd'hui, la compétence de recruter les juristes assistants351(*).

Cette mesure devrait permettre au vivier des juristes assistants expérimentés de « basculer » sous le statut des attachés de justice, sans avoir à prévoir de coupure entre les deux statuts, ce qui risquerait de les voir partir sur d'autres emplois. Elle semble utile pour conserver au sein de la juridiction des personnes déjà formées et expérimentées.

Enfin, il est prévu qu'à l'entrée en vigueur de l'article 11, les juristes assistants en cours de contrat soient nommés pour le reste de leur contrat - donc éventuellement pour une durée indéterminée pour ceux qui auraient bénéficiés de la mesure précédente - comme attachés de justice auprès des magistrats de la juridiction au sein de laquelle ils auraient été nommés.

Les conditions de cette nomination ne sont pas précisées et la formulation choisie par le présent article semble induire un changement de statut automatique qui serait imposé à l'agent.

La pérennisation du contrat semble certes avantageuse, mais elle est couplée à un élargissement des tâches qui peut ne pas être souhaité par l'intéressé. Par ailleurs la grille de rémunération n'est pas encore connue. Dans ces conditions, les rapporteurs ont souhaité prévoir un droit d'option du juriste assistant qui s'exercerait dans les trois mois avant la disparition de leur statut. A défaut de choix pour le nouveau statut d'attaché de justice, il serait mis fin à son contrat.

À leur initiative, la commission a adopté à cette fin l'amendement COM-152.

2. La situation des élèves avocats n'ayant pas encore prêtés serment au jour de l'entrée en vigueur de la loi

Il est prévu que l'article 19 entre en vigueur le 1er janvier 2025 en application du IV de l'article 28 du projet de loi.

L'entrée en vigueur de l'article 19 du projet de loi élevant le niveau de diplôme requis pour accéder à la profession d'avocat obligerait les personnes ayant déjà réussi l'examen d'entrée à un centre régional de formation professionnelle (CRFPA) ou ayant déjà obtenu le certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) à passer un master de droit le temps de leur formation pour les premiers, ou de sursoir à leur prestation de serment le temps d'obtenir ce master de droit.

La mesure transitoire prévue par le II de l'article 28 permettrait de n'appliquer l'obligation de détention d'un master de droit qu'aux personnes débutant leur parcours pour accéder à la profession d'avocat, c'est-à-dire ceux qui n'auraient réussi aucune des deux étapes préalables (réussite à l'examen d'entrée au CRFPA ou au CAPA).

La commission s'est déclarée favorable à cette mesure d'équité.

La commission a adopté l'article 28 ainsi modifié.

Article 29
Application différée dans le temps de certaines dispositions

L'article 29 prévoit de différer l'entrée en vigueur de certaines dispositions du projet de loi, certaines de six mois, d'autres de plus de douze mois ; d'autres enfin sont rendues applicables à dates fixes :

- le 1er janvier 2024 pour le recrutement par contrat de surveillants adjoints de l'administration pénitentiaire âgés de 18 à30 ans ;

- le 1er janvier 2025 pour le rehaussement du niveau de diplôme requis pour être avocat et la suppression de l'obligation d'effectuer deux ans de service comme administrateurs de l'Etat avant de rejoindre le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ou celui des magistrats des chambres régionales des comptes ;

- le 1er juillet 2025 pour la réforme des saisies des rémunérations.

La commission a apporté deux modifications, l'une pour prévoir que le transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale interviendrait le 1er janvier 2025, et l'autre pour mieux préciser les modalités du transfert des dossiers de saisies des rémunérations des greffes aux commissaires de justice.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Outre les mesures d'entrée en vigueur différée, l'article 29 du projet de loi est essentiellement consacré à la manière dont la réforme des saisies des rémunérations entrerait en vigueur le 1er juillet 2025.

Il est prévu trois hypothèses :

1ere hypothèse : la saisie des rémunérations a déjà été autorisée par le juge de l'exécution et la procédure de saisie n'a pas encore débutée ou est en phase d'exécution auprès du greffe.

Dans ce cas, le dossier sera transféré au commissaire de justice qui a agi jusque-là comme mandataire lors de la saisie ou, s'il n'y en a pas, à celui qui est désigné par la chambre régionale des commissaires de justice du lieu où réside le débiteur. Le créancier aura alors six mois pour confirmer son souhait de poursuivre les opérations selon les nouvelles modalités dont il devra avancer les frais et qui supposera éventuellement la signification du procès-verbal de saisie et, dans tous les cas, la nomination d'un commissaire de justice répartiteur ;

2ème hypothèse : une demande incidente ou une contestation a été présentée avant le 1er juillet 2025. Elle sera alors jugée selon les dispositions applicables avant cette date et le dossier de saisie des rémunérations ne sera transféré selon les modalités ci-dessus décrites qu'après le prononcé d'une décision ayant acquis force de chose jugée ;

3ème hypothèse : la requête a été introduite avant le 1er juillet 2025. Elle sera instruite et jugée conformément aux dispositions applicables avant cette date et le dossier sera transmis à un commissaire de justice selon les modalités ci-dessus décrites après l'établissement d'un procès-verbal de non-conciliation ou le prononcé d'un jugement autorisant la saisie et ayant acquis force de chose jugée.

Ces modalités sont conformes à l'avis du Conseil d'État qui avait estimé qu'il n'y avait pas lieu de déposséder le juge de l'exécution de procédures dont il est saisi, en l'absence de motif d'intérêt général permettant de justifier l'atteinte ainsi portée à la séparation des pouvoirs, telle que garantie par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

La commission, à l'initiative des rapporteurs, a simplement clarifié la rédaction et réduit la période pendant laquelle un créancier peut confirmer sa volonté de maintenir la procédure de six à trois mois, afin de ne pas maintenir le débiteur et l'employeur dans une trop grande incertitude, même s'il est probable qu'en cas de saisie des rémunérations fructueuse ce choix se fasse rapidement (amendement COM-153).

Enfin, elle a prévu une entrée en vigueur au 1er janvier 2025 de l'article 26 qu'elle a réécrit afin d'inscrire dans la loi la mesure de transfert du contentieux sanitaire et sociale des tribunaux interrégionaux et de la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale à des juridictions administratives de droit commun, afin de disposer d'une phase préparatoire suffisante pour organiser ces opérations (amendement COM-154).

La commission a adopté l'article 29 ainsi modifié.

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EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 31 MAI 2023

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Moins d'un an et demi après le dernier projet de loi relatif à la justice, nous remettons à nouveau l'ouvrage sur le métier. Il est vrai qu'entre-temps le comité des États généraux de la justice a rendu ses conclusions, sous l'autorité de Jean-Marc Sauvé.

Les deux textes aujourd'hui soumis à notre examen sont présentés par le Gouvernement comme la traduction législative, organique et ordinaire, des conclusions de ces États généraux. Cependant, soyons vigilants : si ces textes s'inscrivent dans la suite des États généraux, c'est davantage d'un point de vue chronologique qu'intellectuel.

Un certain nombre de mesures manquent ainsi à l'appel, comme l'extension de l'aide juridictionnelle pour les personnes morales de droit privé, tandis que d'autres s'éloignent des points de consensus auxquels les États généraux avaient abouti. Je pense en particulier à la réforme retenue par le Gouvernement concernant le témoin assisté, qui reste a minima comparée à l'ambition d'une réforme faisant de la mise sous statut de témoin assisté la règle et limitant la possibilité de mise en examen à la fin de l'instruction. De plus, la vision de l'équipe entourant les magistrats que porte l'article 11 du projet de loi ordinaire exclut les greffiers, ce qui ne semble pas conforme aux États généraux de la justice.

La montagne des États généraux de la justice semble donc avoir accouché d'une souris législative. À l'exception de quelques dispositions bienvenues, les deux projets de loi se bornent pour l'essentiel à un catalogue de mesures techniques et le souffle des États généraux semble en être absent. Nous avons donc tâché de donner plus d'élan à ces deux textes, qui en manquaient cruellement.

Ces réserves de méthode étant formulées, j'en viens à la première raison d'être de cette initiative législative du Gouvernement : la programmation budgétaire de la réforme de la justice, pour la période 2023-2027.

La hausse des crédits proposée, qui est de l'ordre de 6,80 % une fois prise en compte l'inflation, est assurément bienvenue et s'inscrit dans la moyenne des programmations budgétaires qui ont été votées ou sont en cours d'examen pour d'autres ministères régaliens, que ce soit celui de l'intérieur ou celui des armées. Cette programmation budgétaire doit permettre de répondre à la crise que traverse l'institution judiciaire, en particulier en finançant des créations nettes d'emplois, fixées à 1 500 magistrats et à 1 500 greffiers.

Nous avons néanmoins jugé primordial de mieux reconnaître l'engagement et les besoins de recrutement des greffiers et des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP). Ainsi, nous vous proposerons de porter à 1 800 et à 600 le nombre respectif de créations nettes d'emplois pour chacune de ces professions.

En tout état de cause, il nous a semblé que les moyens ne suffiraient en aucun cas à résorber la crise que connaît aujourd'hui l'institution judiciaire s'ils ne s'accompagnaient pas de réformes de fond permettant de simplifier les procédures et de moderniser l'institution. C'est l'objet de certains des articles - trop peu nombreux - des deux projets de lois et des amendements que nous vous proposerons.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La seconde raison d'être du projet de loi ordinaire est son volet d'orientation des politiques publiques pour la période 2023-2027.

S'agissant du rapport annexé, il se borne à décliner le plan d'action annoncé par le garde des sceaux en janvier 2023. Sans réelle portée normative, il constitue une feuille de route que nous n'avons pas jugé utile de modifier en profondeur ; un tel document n'engage du reste que le Gouvernement.

Je souhaite néanmoins me féliciter de l'amendement déposé par le Gouvernement tendant à traduire certaines recommandations du rapport sur les violences intrafamiliales (VIF), le « plan rouge VIF », que nous avons rendu le 22 mai 2023 avec notre collègue députée Émilie Chandler. Les pôles spécialisés et le comité de pilotage dit « COPIL VIF » permettront enfin d'unifier et de coordonner l'action de lutte contre ces violences au sein des juridictions. Nous ne pouvons que nous en féliciter et je proposerai d'adopter cet amendement, par lequel le Gouvernement s'engage devant nous à mettre en oeuvre ces politiques publiques.

En la matière, l'approbation ne vaut pas quitus et nous devrons être collectivement attentifs, chers collègues, à ce que le plan d'action du Gouvernement demeure fidèle, dans sa mise en oeuvre, aux conclusions des États généraux de la justice.

Le renforcement des moyens budgétaires ainsi décidé devra s'accompagner d'une meilleure gestion des ressources humaines. En la matière, la principale évolution, attendue de longue date, concerne l'équipe autour des magistrats, dont l'article 11 du projet de loi ordinaire esquisse une ébauche. Néanmoins, notre vision du sujet semble différer de celle du Gouvernement, qui fait le choix contestable d'en exclure les greffiers, ce qui pose question quant au lien historiquement construit entre le magistrat et le greffier, mais aussi aux aspirations légitimes des membres de cette profession. Les intentions du Gouvernement s'agissant de l'avenir de la profession gagneraient à être clarifiées.

Au chapitre de la gestion des moyens humains, l'article 14 du projet de loi ordinaire entend faire face aux grandes difficultés de recrutement rencontrées dans l'administration pénitentiaire, en développant la réserve civile et en favorisant les recrutements par l'ouverture de postes de surveillants adjoints contractuels, destinés à former un vivier pour les concours, à l'instar des policiers adjoints pour la police nationale. Cette évolution a recueilli notre accord.

Enfin, deux évolutions prévues respectivement aux articles 15 et 17 du projet de loi ordinaire sont de nature à alléger ou à mieux répartir la charge de travail pesant sur les juridictions. D'abord, le transfert à un magistrat du siège des compétences dites « civiles » exercées par le juge des libertés et de la détention (JLD), en matière de contentieux des étrangers, mais aussi d'hospitalisations sous contrainte, nous a paru bienvenu. Ensuite, le transfert de compétences des greffiers vers les commissaires de justice, s'agissant de la mise en oeuvre et du suivi des saisies des rémunérations, permettrait d'économiser l'équivalent de 140 équivalents temps plein (ETP) à compter de 2025.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Cette réforme de la gestion des ressources humaines du ministère passe naturellement par une réforme en profondeur du corps judiciaire, corollaire des recrutements attendus. Le projet de loi organique prévoit ainsi trois évolutions.

En premier lieu, il ouvre le corps judiciaire. L'article 1er renforce l'ouverture et la lisibilité des voies de recrutement, qui sont réduites de douze à neuf. Il s'agit d'une évolution favorable, mais nous avons souhaité être intransigeantes sur l'exigence du recrutement et de la formation, garantie de la qualité des décisions rendues par nos tribunaux. Nous proposons donc de porter la durée minimale de stage pour les titulaires du concours professionnel à 18 mois et de limiter à la période 2025-2027 le moratoire sur les quotas de recrutement au titre du concours professionnel.

Nous vous proposons également de favoriser davantage l'ouverture du corps judiciaire, en prévoyant que les magistrats constituent moins de la moitié du nouveau jury professionnel, mais aussi en portant d'un vingtième à un quinzième le quota des magistrats détachés au sein du total des emplois du grade concerné.

En deuxième lieu, ce texte modernise la gestion du corps judiciaire dont l'article 3 propose de modifier la structure, en prévoyant une progression en trois grades, l'accès au troisième étant accessible de droit aux magistrats choisissant d'occuper des fonctions de chef de juridiction. Nous proposons de favoriser la mobilité au sein du corps en prévoyant des durées minimale et maximale d'affectation, conformément à la position que nous avions retenue en 2017, lors de l'examen de la proposition de loi pour le redressement de la justice.

En revanche, nous proposons de rejeter certaines dispositions excessives, comme la délégation de magistrats issus du ressort des cours d'appel de Paris et d'Aix-en-Provence vers les juridictions d'outre-mer et de Corse, au profit d'un assouplissement des outils de délégation à la main des chefs de cour. Il semble préférable de renforcer le pouvoir de décision de ces derniers, futures clés de voûte de la déconcentration des services judiciaires.

Par ailleurs, nous proposons d'adopter les dispositions modernisant la carrière des magistrats, moyennant quelques ajustements.

D'abord, si l'évaluation dite « à 360 degrés » paraît nécessaire, nous souhaitons aligner son contenu sur d'autres évaluations similaires pour la haute fonction publique et la compléter en précisant les critères de nomination des chefs de cour et de juridiction. Ensuite, le recours plus large aux magistrats exerçant à titre temporaire (MTT) doit être mieux encadré s'agissant de l'affectation de ceux-ci au parquet ; nous proposerons un amendement en ce sens. Enfin, la modernisation du mode de scrutin pour les membres magistrats au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est bienvenue et nous proposerons de la doubler d'une réforme de plus grande ampleur des nominations au CSM, en prévoyant en particulier que les personnalités qualifiées en son sein soient renouvelées par moitié.

En troisième lieu, le présent projet de loi organique tend à renforcer la responsabilité des magistrats judiciaires.

Alors que l'autorité judiciaire pâtit encore auprès de nos concitoyens d'une vive défiance, l'article 8 du projet de loi apporte de premières réponses. Nous vous proposerons de le prolonger en clarifiant la définition de la faute disciplinaire, en renforçant l'échelle des sanctions - en l'alignant notamment de façon partielle sur celle qui s'applique aux magistrats administratifs - et, en contrepartie, en supprimant l'obligation d'audition des magistrats par la commission d'admission des requêtes (CAR).

Nous en venons à présent aux diverses mesures de simplification prévues par le projet de loi, à commencer par l'une des plus attendues : celle de la procédure pénale.

Nous y reviendrons sûrement, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de la méthode proposée par le Gouvernement, qui prévoit l'habilitation à réformer, par voie d'ordonnance et à droit constant, le code de procédure pénale. Nous proposons donc de reporter l'entrée en vigueur de cette ordonnance, dans le but de donner au Parlement le temps nécessaire pour procéder à un examen attentif de ses dispositions et pour enfin procéder aux simplifications que tous les usagers du code appellent de leurs voeux.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Une autre mesure de simplification attendue réside dans la création du tribunal des affaires économiques (TAE), qui trouve son origine dans certains de nos travaux, notamment ceux de nos collègues Thani Mohamed Soilihi et François Bonhomme.

Considérant le manque de souffle du texte du Gouvernement, nous proposerons de donner une véritable ambition à l'expérimentation du TAE en prévoyant, d'une part, d'étendre ses compétences à l'ensemble des acteurs économiques en matière de procédures amiables et collectives et, d'autre part, de lui confier une partie plus substantielle du contentieux de la vie économique, celui des baux commerciaux, lorsque les deux signataires relèvent du TAE.

S'agissant de l'ersatz d'échevinage proposé par le Gouvernement, il ne convainc personne et nous vous proposons de le supprimer. En revanche, nous suggérons de faire siéger les représentants des exploitants agricoles et des professions réglementées aux côtés des autres juges consulaires, y compris pendant le temps de l'expérimentation.

Par ailleurs, la contribution pour la justice économique prévue à l'article 7 du projet de loi ordinaire semble aller dans le bon sens. Cependant, nous proposerons de préciser les critères du barème que le Gouvernement aura la charge d'élaborer, dans la perspective de maintenir l'accès au juge pour les acteurs économiques les plus en difficulté.

Au chapitre des simplifications bienvenues figure la réforme des saisies des rémunérations proposée par l'article 17 du projet de loi ordinaire, qui prévoit la suppression de l'autorisation préalable du juge et le transfert des missions de mise en oeuvre et de répartition des fonds aux commissaires de justice. Cette réforme, qui représente une véritable simplification pour les greffiers, emporte notre accord. Nous vous proposerons néanmoins d'améliorer les garanties entourant cette procédure, notamment en ce qui concerne le rôle du juge saisi d'une contestation.

Enfin, d'autres mesures d'ajustement, aux portées inégales, vont dans le bon sens. Sans prétendre à l'exhaustivité, j'en mentionnerai trois. D'abord, nous saluons la facilitation du recours au travail d'intérêt général (TIG) prévue à l'article 4, ainsi que l'amélioration de l'indemnisation des victimes par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi), mais nous proposerons d'en clarifier les conditions. Ensuite, le renforcement de la formation et la responsabilisation de certains professionnels du droit constituent un point positif. Je pense notamment aux juges non professionnels, en particulier aux conseillers prud'hommes, pour lesquels nous suggérons quelques améliorations. Enfin, nous sommes favorables au rehaussement du niveau de diplôme requis pour accéder à la profession d'avocat, qui aligne cette dernière sur d'autres professions du droit. Cette mesure était réclamée par le Conseil national des barreaux. Cependant, nous souhaitons que le Gouvernement modifie un décret afin que les étudiants puissent continuer à intégrer un centre régional de formation en cours de master 2, quand ils ne disposent que d'un master 1.

Nous proposons donc d'adopter ces deux projets de loi, sous réserve de l'adoption des amendements pour lesquels nous vous présenterons un avis favorable.

Si le contenu du texte détone de l'ambition affichée par le Gouvernement, nous estimons que les mesures proposées sont généralement de nature à faciliter le fonctionnement du monde judiciaire et ainsi à améliorer le service rendu au justiciable. Une telle démarche ne peut qu'emporter notre accord.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je remercie les rapporteurs, qui ont présenté de manière dynamique ces deux projets de loi un peu ingrats à appréhender.

Nous rejoignons une grande partie des critiques qui viennent d'être formulées. Le garde des sceaux présente ces textes comme étant la transcription des recommandations des États généraux de la justice, mais cette traduction est décevante.

D'abord, nous regrettons certaines absences. Je pense d'abord à la situation pénitentiaire et à la préconisation de régulation carcérale, qui était pourtant inscrite dans les conclusions des États généraux. Je songe aussi à la question de la lutte contre les VIF, qui ne figurait pas dans le rapport, mais nous tient à coeur.

Par ailleurs, nous regrettons que ces textes fassent l'objet d'une procédure accélérée. Nous avons eu quatre semaines pour travailler sur deux projets de loi très techniques, qui comptent vingt-sept et douze articles. Nous ne travaillons pas dans de bonnes conditions.

En revanche, nous nous réjouissons de l'augmentation budgétaire obtenue par le garde des sceaux et des objectifs affichés pour la répartition entre les différentes professions concernées.

Au-delà, ce texte pose une question de principe quant à la réécriture par voie d'ordonnance du code de procédure pénale. De façon spontanée, nous n'y sommes pas favorables. Pour autant, les explications et précisions données par le directeur des affaires criminelles et des grâces lors de son audition sont assez convaincantes. Le processus devra être très encadré, mais le terme de « droit constant » semble suffisamment protecteur. Votre proposition d'un report qui permettrait de travailler à cette question de manière plus précise semble pertinente.

Malgré vos critiques, vous avez avalisé une série de dispositions, notamment celles qui sont attentatoires aux libertés, sur lesquelles nous proposons des amendements. Je songe ici à l'extension des perquisitions de nuit ou à la possibilité de connexion à distance et de géolocalisation des appareils électroniques. Ces éléments ne sont pas anodins et il faudra faire preuve de vigilance sur le sujet.

Par ailleurs, vous avez évoqué la question des saisies des rémunérations et nous sommes inquiets du renchérissement du coût pour les créanciers de ce transfert de compétences aux commissaires de justice. Les magistrats eux-mêmes nous ont alertés sur ce point.

S'agissant du volet relatif à la justice économique, notamment le TAE, nous proposons des amendements. En ce qui concerne la question de la contribution exceptionnelle, son assise parait floue et pourrait conduire à priver de l'accès au droit.

Quant à la pratique fort déplaisante du rapport annexé, elle permet de tout dire, n'a aucune valeur législative, n'engage personne et permet au Gouvernement de rétorquer que les éléments en question sont intégrés.

J'ai noté que, pendant son audition, le garde des sceaux s'était engagé à transmettre les projets de décret avant l'examen des projets de loi. Les jours sont comptés. Pourtant, il serait vraiment important que ces textes puissent être examinés en amont.

Je ne me suis exprimée que sur le projet de loi ordinaire ; ma collègue Laurence Harribey va évoquer le projet de loi organique.

Mme Laurence Harribey. - Ce texte pourrait être considéré comme étant essentiellement technique, mais il peut entrainer un changement de référentiel, nous l'avons mesuré lors des auditions. Je remercie d'ailleurs les rapporteurs pour la qualité de ces auditions, qui nous ont permis d'analyser le texte en profondeur et qui expliquent aussi que leurs amendements soient relativement intéressants et souvent pertinents ; nous pouvons souscrire à nombre d'entre eux.

Cependant, des points de vigilance demeurent, notamment en ce qui concerne l'article 2, qui porte sur les conditions de nomination au sein du collège d'évaluation des chefs de cours. Cet élément peut sembler technique, mais il cache un problème de conception de la séparation des pouvoirs. Nous avons fait certaines propositions à ce sujet.

Par ailleurs, la question de l'ouverture du corps judiciaire nous parait importante. Vous y êtes favorables et on peut l'être d'une manière générale. Cependant, l'enjeu est important puisqu'il s'agit de recruter 1 500 magistrats d'ici à 2027. Dans cette perspective, se limiter au seul recrutement basé sur un concours ouvert aux étudiants revient à prendre un risque en matière de qualité. L'ouverture aux professionnels peut permettre une diversification, mais aussi garantir un bon niveau de recrutement et de qualification. Nous y sommes donc plutôt favorables, mais il faut veiller à ne pas complètement déséquilibrer la composition du corps des magistrats. Nous avons fait des propositions en matière de quotas et d'équilibre entre les différentes formes de recrutement.

Nous serons également vigilants s'agissant du sort de la commission d'avancement et de la constitution du jury. Sur ce point, nous ne sommes pas en accord avec les propositions que vous avez faites.

Enfin, nous saluons l'introduction du principe d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais regrettons que l'initiative du texte traduise le renoncement à appliquer l'article 56 de la loi Sauvadet de 2012, pour les nominations aux plus hauts postes de la hiérarchie judiciaire. Pourtant, il s'agit d'une profession fortement féminisée ; mais plus on monte dans la hiérarchie, moins les femmes sont présentes.

M. Philippe Bonnecarrère. - Je remercie les rapporteurs pour cette présentation et le travail fourni. J'ai été frappé par votre remarquable esprit de synthèse, compte tenu du volume représenté par ces textes.

Sur le fond, les moyens supplémentaires mis à disposition de la justice dans le cadre des modalités dites d'orientation et de programmation sont à saluer. La question des moyens doit néanmoins être nuancée par celle de la culture du ministère de la justice, qui souffre d'insuffisances dans le domaine informatique, mais qui doit aussi se questionner et accomplir un travail propre en matière de ressources humaines.

Il serait difficile de ne pas soutenir la logique d'ouverture de la magistrature à la société. J'évoquerai le souci de lever les obstacles en matière de responsabilité. Il ne s'agit pas de prendre le chemin d'une marée de mises en cause de la responsabilité des magistrats, mais chacun sait que la situation actuelle est un peu caricaturale. Ainsi, pour plus de 3 000 saisines du CSM, on ne compte que 8 ouvertures de dossiers et aucune sanction disciplinaire. Vous proposez un début de rééquilibrage qui me parait de bon aloi. La désignation de membres extérieurs au CSM rejoint la préoccupation exprimée par le président de la commission des lois quant à la nécessité d'un tuilage dans le fonctionnement du Conseil.

J'en viens à un point technique. Vous avez fait référence au TAE, qui permettra un sacré gain de temps pour les magistrats chargés des tribunaux judiciaires, puisqu'un volume non négligeable de contentieux lui sera transféré. Vous avez souhaité accompagner ce mouvement en donnant au tribunal la compétence en matière de baux commerciaux, à l'exception des baux concernant des propriétaires privés. De nombreuses situations de ce type étant gérées par des sociétés civiles immobilières, je voudrais attirer votre attention sur le fait que si vous transférez le contentieux du bail commercial au TAE, il faut le faire complètement, offrant ainsi au tribunal les moyens de se spécialiser en la matière.

Enfin, en ce qui concerne la réécriture du code de procédure pénale, je voudrais évoquer les sujets des ordonnances et des simplifications. S'agissant des ordonnances, l'immense travail de bénédictin qu'il faudra fournir pour réécrire, supprimer les différents renvois et donner une meilleure lisibilité peut difficilement se faire autrement que par ordonnance. Il serait déraisonnable pour le Parlement de vouloir procéder à cette réécriture. Malgré notre réserve quant aux habilitations à traiter par voie d'ordonnance, il s'agit ici de la seule issue possible.

J'ai été saisi, lors de l'audition du garde des sceaux, par le glissement permanent qui s'opérait entre la réécriture à droit constant par voie d'ordonnance et l'idée de la simplification. La confusion est regrettable. La réécriture à droit constant n'est pas une simplification. Elle vise à une meilleure lisibilité qui peut simplifier les choses, mais, par définition, la simplification du code de procédure pénale ne peut se faire à droit constant puisqu'il s'agirait d'apporter des modifications.

Vous proposez une solution consistant à la fois à lancer le processus visant à une meilleure lisibilité et à mener un travail de simplification en temps masqué, que vous concrétisez par le report de l'examen de l'ordonnance par le Parlement. Ce processus aura des conséquences sur l'organisation du travail de la commission des lois et, si le travail de simplification se surajoute au travail de lisibilité, autant commencer dès que possible. Je salue votre souci d'équilibre et cette proposition.

Mme Cécile Cukierman. - Je voudrais saluer aussi le travail fourni par les rapporteurs sur deux textes qui sont d'envergure, y compris par la diversité des sujets traités.

Au lendemain des États généraux de la justice, nous sommes confrontés à l'urgence de rétablir la confiance entre nos citoyens et l'institution judiciaire dans son ensemble. Un seul texte ne pourra y suffire, mais ces projets de loi auraient pu offrir un meilleur contenu et plus de liant entre les différents articles.

D'une façon générale, la procédure d'urgence est un défaut du texte. Certes, il y a urgence à agir pour la justice, mais parfois, à vouloir aller trop vite, on peut aussi mal faire. Ainsi, l'habilitation par voie d'ordonnance représente un gain de temps, mais, sur de tels sujets, je ne suis pas certaine qu'il faille multiplier ces recours, qui conduisent à une dépossession du travail parlementaire. On ne peut systématiquement accepter le fait qu'au nom de la rapidité, on se dessaisisse de ce qui fait le coeur du travail parlementaire.

Certaines améliorations proposées par les rapporteurs vont dans le bon sens. Je pense en particulier aux enjeux liés à la magistrature et à la sécurisation de certains dispositifs, qui répond à des attentes des magistrats dans leur diversité.

Néanmoins, des points de vigilance demeurent, notamment en ce qui concerne l'article 3 du projet de loi ordinaire, que nous tenterons d'améliorer en séance. L'adaptation aux nouvelles technologies ne peut justifier la fin de la préservation des libertés individuelles et de la vie privée.

S'agissant de l'article 15 du projet de loi ordinaire, qui dessaisit les JLD de certaines de leurs attributions, nous veillerons à ce que le contentieux en matière de droit des étrangers ne soit pas délaissé.

Nous partageons les évolutions relatives au TAE.

Enfin, nous proposerons des amendements sur la question de la surpopulation carcérale, pour laquelle la construction de nouvelles places n'offre pas de solution.

En séance, certains articles nécessiteront une attention particulière.

M. Jean-Yves Roux. - Depuis longtemps, la justice fait face à des crises, à la dégradation de l'institution, à la souffrance du personnel et à l'incompréhension des justiciables. La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire y apportait des réponses et il est regrettable que, moins de deux ans après, il faille de nouveau se pencher sur ces questions fondamentales, quand il est justement reproché au législateur de trop souvent réformer la justice. Il faut espérer que cette future loi n'aura pas besoin d'être rapidement suivie d'une autre.

Sur le fond, un grand nombre de mesures proposées ne posent pas de difficultés, comme la facilitation du recours au TIG ou l'élargissement du champ des infractions recevables par la Civi. Les orientations indiquées dans le rapport annexé sont également satisfaisantes dans leur ensemble. Il faut revaloriser le salaire des agents, renforcer les effectifs grâce au recrutement annoncé de fonctionnaires et continuer de financer les chantiers immobiliers et numériques du ministère de la justice.

En revanche, nous réservons encore notre position concernant certaines mesures qui paraissent risquées du point de vue des libertés et au sujet desquelles des professionnels de justice nous ont alertés. Je pense en particulier à deux dispositions prévues par l'article 3. La première prévoit, pendant la garde à vue, l'assouplissement du recours aux moyens de télécommunication pour organiser l'interprétariat ainsi que la téléconsultation médicale. La seconde disposition concerne l'activation à distance des appareils connectés des suspects à des fins de géolocalisation et de captation d'images et de sons. Pour ces dispositions, nous attendrons de connaitre la position de la commission, notamment au regard des amendements déposés par notre groupe et d'autres.

Mme Nathalie Goulet. - Je voudrais à mon tour remercier les rapporteurs, notamment pour leur position sur l'article 6 du projet de loi ordinaire, qui concerne les tribunaux de commerce. J'avais déposé un amendement, mais il me semble, après avoir entendu l'exposé des rapporteurs, qu'il est déjà satisfait.

M. Philippe Bas. - Le projet de loi d'orientation est un texte très important, qui a surtout pour objet d'annoncer la mise en oeuvre de moyens accrus pour le fonctionnement de la justice et qui comporte par ailleurs diverses dispositions d'ordre judiciaire, dont il est difficile de tirer une cohérence d'ensemble.

En ce qui concerne les moyens, il ne faut pas faire la fine bouche. L'État annonce un effort et nous veillerons à ce qu'il soit respecté. Nous traversons une période de forte inflation - même si elle commence à décroître - et, entre 2022 et 2023, presque 10 % de l'augmentation des moyens prévus par la loi d'orientation et de programmation auront été dévorés par l'inflation. Malgré cet élément, l'effort qui se poursuit depuis quelques années reste important et nécessaire. En effet, chaque année, les tribunaux correctionnels comptent environ 1,2 million de nouvelles affaires et plus de 2 millions d'affaires civiles - en englobant les contentieux de la famille - sont déposées devant les juges. Les délais de jugement diffèrent selon les juridictions - les pires étant ceux des conseils de prud'hommes -, mais sont généralement supérieurs à un an en première instance pour les contentieux civils. Il s'agit d'une forme de thrombose du service public de la justice. Quand on pense au problème principal de la justice, on ne doit pas songer d'abord à l'indépendance, qui est heureusement assurée, mais au service public.

La question des moyens concerne aussi les prisons. En 2017, le Président de la République avait annoncé la création de 15 000 places de prison. Il ne les a pas créées lors de son premier mandat et on nous annonce qu'il le fera lors du second. Mais il ne s'agit pas seulement d'une affaire de quantité. Le nombre de places est certes important, mais il faut que ces places soient diversifiées pour tenir compte des différentes étapes de la peine et offrir un éventail de formules ; cette idée n'apparait pas suffisamment dans le texte.

Par ailleurs, l'exposé des motifs comme les propos du garde des sceaux se réfèrent aux États généraux de la justice. Or, comme l'ont dit les rapporteurs, on s'en écarte sur bien des points. On s'écarte aussi du travail que nous avions réalisé en 2017 avec les propositions du rapport d'information intitulé Cinq ans pour sauver la justice ! Ce point me rend perplexe, et l'honnêteté intellectuelle commanderait d'expliquer pourquoi on renonce à un certain nombre de recommandations formulées lors des États généraux.

J'en viens à la question des ordonnances, qui ne doit pas devenir un point de fixation. Il faut réformer le code de procédure pénale et ce texte ne propose pas de le faire, sauf à la marge. Il annonce même vouloir confier au Gouvernement par la voie de l'ordonnance une recodification à droit constant. Ce travail est nécessaire, mais la question du droit constant pose problème. les rapporteurs ont réfléchi à ce sujet avec le président et je leur fais confiance pour la solution qui sera mise en oeuvre. En tout cas, il me semblerait plus judicieux de commencer par réformer le code de procédure pénale pour le simplifier, avant de codifier. Si l'on codifie sans avoir réformé, il faudra ensuite recommencer.

M. Guy Benarroche. - Je salue à mon tour le travail accompli sur un dossier qui n'était pas facile à manipuler, même si je ne partage pas toutes les conclusions des rapporteurs.

J'évoquerai trois éléments qui nous empêchent, en l'état actuel, de voter ces projets de loi. D'abord, certaines des mesures renforçant le pouvoir des enquêteurs et du parquet comportent des risques certains pour le respect de la vie privée, des garanties fondamentales et des droits de la défense. Nous avons évoqué l'examen médical réalisé à distance et la présence de l'interprète en visioconférence pendant la garde de vue, les perquisitions de nuit qui ne sont pas suffisamment encadrées pour des crimes de droit commun, le développement de la comparution immédiate, dont on sait que le processus contribue à détériorer la qualité de la justice rendue ou encore l'activation à distance d'appareils connectés à des fins de géolocalisation. Toutes ces mesures, sur lesquelles nous présenterons des amendements, nous empêchent de valider ce projet.

S'agissant du volet pénitentiaire, au-delà du fait que certaines mesures ne vont pas dans le bon sens, nous sommes préoccupés par l'absence de vision alternative à la prison. Je comprends qu'il faille construire des prisons : on ne peut pas laisser les détenus vivre dans des conditions de détention inacceptables. Cependant, aucune politique alternative n'est développée alors que le nombre de personnes écrouées est en constante augmentation. Nous ne trouverons pas de solution aux problèmes de la justice sans nous attaquer à cette question.

Deux derniers volets nous paraissent préoccupants : la modification des missions du JLD et le fait de faire entrer le domaine agricole dans le TAE, dont nous approuvons par ailleurs le principe. Sur ce dernier point, pas un acteur agricole ne comprend pourquoi ce volet agricole entre dans ces tribunaux et même la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) le dit à mots couverts. La totalité des syndicats agricoles y sont opposés. Nous proposons des amendements sur ce sujet.

D'une manière générale, en dehors de ces mesures problématiques, nous rappellerons au long des débats les principes fondamentaux que nous défendons concernant la justice et notre vision de la politique pénale, de la politique carcérale et de la prise en charge des victimes, ainsi que nos réflexions concernant, par exemple, la prise en charge des mineurs délinquants, la prise en charge psychiatrique des personnes détenues, la politique de lutte contre les VIF ou la création d'un statut de détenu travailleur.

Mme Brigitte Lherbier. - Nous sommes évidemment favorables au renforcement du nombre de personnels judiciaires, que nous exigeons depuis plusieurs années. Cependant, il faut veiller à ne reporter sur greffiers le travail des magistrats. Ces derniers doivent être suffisamment nombreux et ne pas être remplacés par d'autres catégories de personnel, même s'ils doivent être épaulés.

La responsabilisation des magistrats était attendue et cette mesure possède un aspect symbolique, car on ne pouvait imaginer que les choses puissent continuer ainsi.

Votre position sur les tribunaux de commerce me semble intéressante.

S'agissant du code de procédure pénale, il faut le réformer au plus vite.

Je voudrais terminer par une question : pourriez-vous revenir, madame Vérien, sur le niveau de diplôme nécessaire pour devenir avocat ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Il fallait un master 1 et on demanderait désormais un master 2.

Mme Brigitte Lherbier. - Alors j'y suis plutôt favorable ; plus les avocats seront formés et compétents, plus la justice s'améliorera.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Vous l'avez relevé de manière assez consensuelle : ces textes comprennent des manques forts et ne constituent pas une transposition fidèle des conclusions des États généraux de la justice, dont ils ne reprennent que certaines dispositions. Les manques concernent certains sujets tels que la place du parquet, la surpopulation carcérale ou les VIF.

En ce qui concerne la surpopulation carcérale, le recrutement en masse de CPIP pour assurer un meilleur suivi de la détention, de la semi-liberté et de l'accompagnement de l'exécution des peines offre un début de réponse.

De manière plus globale, de nombreuses dispositions sont très techniques et renvoient à des décrets dont nous n'avons pas encore connaissance. Parfois, nous avons inscrit directement dans la loi certaines garanties pour mieux encadrer le pouvoir réglementaire, mais nous ne connaissons pas toujours les tenants et aboutissants de la volonté du ministère.

J'en viens à l'article 2 du projet de loi d'orientation et de programmation, qui porte sur l'habilitation à légiférer par ordonnance pour réécrire à droit constant le code de procédure pénale. D'abord, la simplification du code de procédure pénale est attendue de manière quasiment unanime par l'ensemble des acteurs de la procédure - forces de l'ordre, avocats et magistrats -, qui ont besoin de cette clarification. En effet, depuis 1959, le code de procédure pénale est passé de 800 à 2 400 articles et l'ensemble s'est construit par sédimentation, intégrant de nombreux renvois. Nous avons besoin d'une clarification, mais surtout d'une simplification, qui impose de se poser des questions de fond qui ne sont pas aujourd'hui soulevées : quid du parquet, du juge d'instruction ou de la simplification des enquêtes ? Aujourd'hui, la procédure proposée par le Gouvernement ne consiste qu'en une invitation à clarifier le plan, mais pas à simplifier le code de procédure pénale. Il s'agit un peu d'un leurre puisque les professionnels s'attendent à cette simplification. Le garde des sceaux évoque un « plan », qui doit ramener le code de procédure pénale entre 280 et 300 articles, sans se poser les questions de fond.

Par ailleurs, la méthode pose question. Nous n'aimons pas les habilitations, au Parlement, et au Sénat en particulier, puisque le Parlement renonce à son pouvoir normatif au profit du Gouvernement. Néanmoins, refondre un code de procédure pénale représente un travail énorme. La Chancellerie essaie de le faire depuis des années et les États généraux ont tenté d'y parvenir, mais n'ont pas trouvé de solution en neuf mois, comme nous l'a confié le procureur général Molins. De plus, même si la clarification permettait de diminuer le nombre d'articles, l'examen législatif et parlementaire de l'ensemble d'un projet de loi portant réforme du code de procédure pénale promet d'être compliqué.

Nous avons essayé de proposer une solution à l'article 2 - l'habilitation avec un délai d'entrée en vigueur au plus tôt un an après la ratification de l'ordonnance, pour donner le temps à une ratification -, qui reste malgré tout assez bancale. Certes, cela obligera à une ratification quand seules 21 % des ordonnances sont aujourd'hui ratifiées. De plus, nous pourrons nous emparer d'une proposition de loi de ratification si le Gouvernement ne bouge pas sur le sujet. Mais quid du travail de simplification ? Quid du temps que nous aurons pour fournir cet énorme travail ? Cet amendement améliore le texte initial, mais certaines difficultés de fond subsistent.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Aujourd'hui, seul un master 1 est demandé afin d'entamer la formation pour devenir avocat, mais aussi pour exercer la profession d'avocat. L'idée est d'aligner le diplôme d'avocat sur les autres diplômes du droit, en passant à l'exigence d'un master 2. Cependant, le décret existant lie les niveaux de qualification nécessaires pour entrer dans la formation et pour exercer la profession. Nous demanderons donc au Gouvernement de modifier son décret afin de conserver l'exigence d'un master 2 pour exercer la profession, mais de faire en sorte que les 8 % d'élèves qui commencent aujourd'hui leurs études avec un master 1 et passent leur master 2 au cours de leur formation puissent continuer à le faire. Aujourd'hui déjà, 94 % des avocats, lorsqu'ils s'apprêtent à exercer, ont un master 2.

J'en viens au TAE. J'ai rencontré le monde agricole pour connaître leur position et il me semble que seule une association qui représente les petits paysans a écrit à tout le monde. On ne peut donc pas parler d'une opposition claire.

Ensuite, si les chambres d'agriculture pouvaient avoir quelques réserves, dont elles ont fait part à la Chancellerie, celles-ci étaient liées au fait que les juges consulaires agricoles n'étaient pas présents lors de l'expérimentation. Nous proposons ici une solution qui leur convient en permettant, y compris pendant l'expérimentation, d'intégrer des juges consulaires issus du monde agricole, de la même façon que nous proposons d'intégrer des juges consulaires issus des professions réglementées du droit.

S'agissant des baux commerciaux, nous n'étendons la compétence du TAE que dans le cadre d'une procédure collective - toutes les procédures collectives leur étant transférées - et lorsque les baux concernent deux ressortissants du TAE. Mais cette limitation ne doit durer que le temps de l'expérimentation, l'idée étant ensuite d'étendre la compétence à l'ensemble des baux, si cette première expérience fonctionne.

J'en viens à l'article 7 et à la contribution économique. Vous m'avez entendue alerter le Gouvernement sur ces sujets. Nous n'avons pas le décret, mais, quand on lit l'étude d'impact, les opérations de plus de 200 000 euros seraient concernées, qui ne représentent que 16 % des opérations traitées par le TAE. Nous proposons de ne pas seulement considérer le chiffre d'affaires, mais aussi le bénéfice et un chiffre d'affaires annuel réparti sur les trois dernières années. Nous avons essayé de préciser le cadre pour que les entreprises qui sont les plus en difficulté ne soient pas touchées.

L'article 17 a pour objet la saisie des rémunérations après obtention d'un titre exécutoire. Il ne s'agit pas de permettre à n'importe quel particulier de contacter un huissier, afin de recouvrer une créance au moyen d'une saisie des rémunérations.

Nous avons facilité le recours au juge de l'exécution au cas où une partie ne se satisfait pas de l'action du commissaire de justice.

Par ailleurs, nous avons rappelé que le commissaire de justice devra procéder à une médiation avant d'opérer la saisie des rémunérations. Selon nous, cette phase amiable préalable est absolument indispensable. De surcroît, il devra d'abord s'assurer si la somme demandée est bien due et si un accord peut être trouvé avant la saisie.

Mme Lana Tetuanui. - J'aimerais rappeler que sans ses outre-mer, la France n'est pas la France. Pour autant, la justice est-elle organisée de la même manière dans nos territoires ultramarins qu'en métropole ? Avons-nous dressé un état des lieux de la justice dans nos territoires ultramarins en 2023 ?

La presse s'est fait l'écho du recrutement de deux greffiers en Polynésie française, voilà trois mois. Catherine Di Folco avait réussi à instaurer, dans le projet de loi de transformation de la fonction publique, la catégorie A pour le corps des fonctionnaires de l'État pour l'administration de la Polynésie française. Ces agents peuvent ainsi passer des concours, se former en métropole et espérer revenir occuper les postes de catégorie A chez eux. Malheureusement pour eux, les recrutements ont seulement eu lieu en métropole.

Dès mon arrivée au Sénat, en 2015, j'ai alerté le Sénat sur l'inamovibilité des magistrats dans nos territoires. Il serait temps, en 2023, d'aborder ces questions, alors même que certains d'entre eux sont en train de prendre racine dans nos territoires... Il faut que la situation change.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Certaines dispositions prévoient l'adaptation du projet de loi outre-mer. Elles ne posent pas de difficultés.

Par ailleurs, le contrat de mobilité permettrait à des magistrats de métropole de se rendre dans les outre-mer et de bénéficier d'une priorité d'affectation à leur retour.

Enfin, nous avons supprimé la possibilité de détachement des magistrats des cours d'appel d'Aix-en-Provence et de Paris vers les juridictions d'outre-mer, afin de favoriser le recrutement de magistrats sur des postes pérennes en outre-mer.

M. François-Noël Buffet, président. - J'aimerais dire un mot sur l'article 2. Nous aurions pu imaginer que réformer le code de procédure pénale reviendrait à en modifier à la fois le fond et la forme. Or le garde des sceaux souhaite ne toucher qu'à la forme de la procédure pénale. Voilà ce qui suscite notre inquiétude et notre incompréhension.

Les acteurs de la justice attendent la réforme profonde du code de procédure pénale aussi bien sur le fond que sur la forme. La réponse apportée à ce jour n'a toutefois pas cette ambition.

Le texte a pour seul objet de simplifier la procédure pénale à droit constant, notamment pour éviter aux magistrats et aux officiers de police judiciaire de se reporter constamment aux centaines d'articles qui eux-mêmes font référence à nombre d'autres articles !

L'alternative est donc la suivante : soit nous décidons de supprimer l'article 2 et de renvoyer à une autre disposition, au risque de nous engager dans une procédure très longue, et cela sans répondre aux attentes immédiates des professionnels ; soit nous le « corsetons » - tel a été le choix des rapporteurs -, afin d'être en mesure, au moment de la ratification, de vérifier que les dispositions ont bien été prises à droit constant.

D'ailleurs, l'ordonnance sera soumise à la Commission supérieure de codification, puis au Conseil d'État avant de nous être présentée.

L'amendement présenté par nos rapporteurs est donc de nous donner un temps suffisant pour vérifier que l'engagement pris par le garde des sceaux a bien été respecté. Cela ne nous empêchera pas d'engager, sous une autre forme, un travail de fond sur la réforme du code de procédure pénale, afin de le clarifier. Nous ne saurions nous en exonérer.

M. Alain Richard. - La codification impose de remédier aux malfaçons juridiques, notamment les inconstitutionnalités. Or il subsisterait dans le code de procédure pénale actuel des dispositions dont la constitutionnalité serait contestable sur le fondement d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Le comité scientifique institué par le garde des sceaux et la Commission supérieure de codification ne peuvent pas, de leur propre autorité, modifier les dispositions inconstitutionnelles. Aussi, il convient de procéder à un tel travail de recodification en notant les textes à modifier, lesquels seront insérés sous la forme d'articles modificatifs dans le projet de loi de ratification. Cela justifie l'analyse parlementaire en temps réel de l'élaboration du texte.

M. François-Noël Buffet, président. - C'est en effet pour cette raison que nous souhaitons nous donner un délai suffisant avant l'entrée en vigueur des dispositions ainsi modifiées. Certes, cela n'est pas pleinement satisfaisant, mais c'est une façon d'avancer.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Quid de l'obligation de ratification ?

Nous cherchons tous à atteindre le même objectif, mais comment pourrions-nous mettre en oeuvre la solution avancée par Alain Richard, tout en faisant en sorte que la procédure soit ensuite contraignante ? Il ne faudrait pas que notre travail reste vain.

M. François-Noël Buffet, président. - Le garde des sceaux a instauré un comité scientifique et souhaiterait créer un comité parlementaire, dont on conçoit l'intérêt, mais aussi les limites. L'enjeu réside donc dans le délai d'intervention proposé.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Une ordonnance n'est pas une nécessité pour travailler sur le sujet. La solution n'est donc pas véritablement satisfaisante. Il est vrai que le gouvernement n'est pas tenu de faire voter la ratification. Mais en reportant d'un an l'entrée en vigueur de l'ordonnance, cela permettra au Parlement de déposer une proposition de loi ; telle est la garantie !

M. François-Noël Buffet, président. - Je vous propose de considérer que le périmètre du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 pour l'application de l'article 45 de la Constitution comprend les dispositions relatives à la programmation des moyens matériels, humains et financiers et aux orientations de politiques publiques retenues du ministère de la justice de 2023 à 2027 ; à l'enquête, à l'instruction, au jugement et à l'exécution des peines tels qu'organisés par la procédure pénale ; au champ d'indemnisation de victimes d'une infraction pénale ; à l'organisation, au fonctionnement, à la composition et aux compétences des tribunaux des activités économiques ; aux compétences des juridictions commerciales et des tribunaux judiciaires ; à la création expérimentale d'une contribution pour la justice économique en cas de saisine d'un tribunal des activités économiques ; à la discipline et à la formation des juges consulaires des tribunaux de commerce ; aux conditions de candidature et à la discipline des conseillers prud'hommes ; à la formation des assesseurs des pôles sociaux des tribunaux judiciaires ; au statut des juristes assistants, assistants spécialisés et attachés de justice ; aux conseils de juridiction ; aux juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats ; aux moyens matériels et humains de l'administration pénitentiaire ; aux fonctions civiles du juge des libertés et de la détention ; à la mise en place d'une plateforme dématérialisée pour l'envoi et la réception d'actes de procédure par les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires ; à la procédure des saisies des rémunérations ; au principe de légalisation des actes administratifs et aux modalités de sa mise en oeuvre ; au niveau de diplôme requis pour accéder à la profession d'avocat ; aux tarifs réglementés des greffiers des tribunaux de commerce ; à la prolongation de l'habilitation accordée par l'article 198 de la loi du 21 février 2022 pour réformer par ordonnance le droit de la publicité foncière ; à l'obligation de mobilité des élèves en sortie de l'Institut national du service public qui rejoignent le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le corps des magistrats des chambres régionales des comptes ; aux statuts des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ; à la ratification de l'ordonnance du 23 mars 2022 au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics ; à l'application aux magistrats administratifs et financiers d'un accord collectif en matière de couverture complémentaire « santé » ; aux juridictions compétentes pour juger le contentieux de la tarification sanitaire et sociale.

M. Jean-Pierre Sueur. - La question des prisons et de la régulation pénitentiaire fait-elle partie de cette liste ?

M. François-Noël Buffet, président. - Oui, cela fait partie des « moyens matériels, humains et financiers de la justice. »

M. Jean-Pierre Sueur. - La question de la compétence universelle est-elle également comprise dans cette liste ?

M. François-Noël Buffet, président. - Oui, également.

Le périmètre est adopté.

PROJET DE LOI

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-102 vise à augmenter le nombre de greffiers, sachant que le ratio s'élève actuellement à 1,2 greffier pour 1 magistrat.

De surcroît, nous demandons la création de 600 postes supplémentaires de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, conformément aux préconisations du rapport d'information de Marie Mercier et Laurence Harribey.

L'amendement COM-102 est adopté.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Au travers de l'amendement COM-26, nous souhaitons compléter votre amendement pour aborder le sujet de l'adaptation des compétences et de la revalorisation des professions judiciaires. Il n'entre pas en contradiction avec votre amendement précédent.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - C'est vrai, mais il conviendrait d'insérer votre amendement dans le cadre du rapport annexé.

En l'état actuel, nous émettons un avis défavorable.

L'amendement COM-26 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-27 a pour objet de demander un rapport à propos d'un sujet que nous abordons régulièrement lors de l'examen du projet de loi de finances. Avis défavorable.

L'amendement COM-27 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous émettons également un avis défavorable sur l'amendement COM-28 visant à actualiser la programmation budgétaire.

L'amendement COM-28 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-99 a pour objet d'attribuer prioritairement le contingent préfectoral de logements sociaux aux surveillants pénitentiaires.

Nous préférons laisser aux préfets le soin d'arbitrer une telle répartition. Ce sont les mieux placés pour savoir à qui il convient de les attribuer. De plus, nous préférons ne pas ouvrir une brèche : qu'en serait-il des infirmières, des aides-soignants, des magistrats ou encore des policiers ? Avis défavorable.

L'amendement COM-99 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-100 a pour objet de décompter les places de prison des quotas instaurés dans la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Nous avons déjà eu ce débat. Avis défavorable.

L'amendement COM-100 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-101.

L'amendement COM-101 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-155 du Gouvernement a pour objet la création de pôles « Violences intrafamiliales » au sein des parquets et des sièges, et du comité de pilotage « Violences intrafamiliales ». Il est plus complet que l'amendement COM-92 de nos collègues socialistes, car il prévoit également les comités de pilotage. Avis favorable à l'amendement COM-155 et demande de retrait de l'amendement COM-92.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je regrette que le texte lui-même n'intègre pas les préconisations du rapport parlementaire « Plan rouge vif » de Mmes Chandler et Vérien. Les faire figurer dans le rapport annexé est déjà quelque chose, mais cela reste du bavardage !

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nombre de nos préconisations sont réglementaires. Celles qui ne l'étaient pas sont en dehors du périmètre de l'article 45 de ce projet de loi.

De plus, toutes nos propositions n'avaient pas pour unique objet la magistrature. Les services de police et de gendarmerie ainsi que les services sociaux sont concernés. Mais la partie relative à la magistrature est bel et bien intégrée aux dispositions de ce projet de loi.

L'amendement COM-155 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-2 rectifié a pour objet de lutter contre l'illectronisme dans le plan numérique de la justice. Aujourd'hui, nous avons déjà besoin qu'elle se numérise davantage... Avis défavorable.

L'amendement COM-2 rectifié n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous avons expliqué précédemment pourquoi nous demandons le retrait de l'amendement COM-92.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Notre amendement est plus ambitieux, car nous parlons de « chambres spécialisées ». Nous maintenons notre amendement.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - À la différence des pôles, les chambres imposent la tenue d'audiences spécifiques. C'est ce que nous avons appelé de nos voeux dans nos préconisations. Or la Chancellerie nous a expliqué que toutes les juridictions n'étaient pas prêtes à réaliser de telles audiences spécialisées. Nous espérons que ces pôles deviendront rapidement des chambres.

M. Jean-Pierre Sueur. - Voilà un paradoxe !

L'amendement déposé par Mme de La Gontrie est plus proche des préconisations de Mme la rapporteure, qui le concède volontiers, tout en émettant un avis défavorable sur cet amendement, renonçant ainsi à ses propres propositions... Peut-être faudrait-il que la commission privilégie l'amendement de Mme de La Gontrie ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement n'est pas totalement fidèle à mes propositions puisqu'il empêcherait la création des comités de pilotage.

M. François-Noël Buffet, président. - Nous pourrons en débattre en séance.

L'amendement COM-92 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 1er

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-98.

L'amendement COM-98 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-29.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cet amendement vise à réaliser un point d'avancement annuel sur la programmation immobilière pénitentiaire et judiciaire, car chaque année on nous dit que le dossier avance, sans plus de détails.

Je vous rappelle tout de même que le 1er mai dernier le nombre de détenus en France a atteint un nouveau record !

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous avons ce débat chaque année au moment de l'examen du projet de loi de finances. Nous n'exonérons donc pas le Gouvernement de ses responsabilités ; nous lui demandons bien de répondre à nos questions.

L'amendement COM-29 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur les amendements COM-30, COM-31 et COM-93.

L'amendement COM-30 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-31 et COM-93.

Article 2

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-103 vise à maintenir l'habilitation, mais à différer l'entrée en vigueur de l'ordonnance d'un an après sa publication.

L'amendement COM-103 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-32 tend à préciser que la codification à droit constant n'entraîne pas de modifications de fond des dispositions du code de procédure pénale. Une telle disposition ne clarifie pas la formulation du Gouvernement. Avis défavorable.

L'amendement COM-32 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-33 vise à instaurer un comité de suivi parlementaire, « chargé de suivre et préparer le débat parlementaire nécessaire à la ratification de l'ordonnance de réécriture de la partie législative du code de procédure pénale. »

Les commissions permanentes du Sénat et de l'Assemblée nationale décident elles-mêmes de l'organisation de leurs travaux, en dehors d'une disposition législative. Avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il est écrit dans l'amendement que le travail du comité se fera « sans préjudice des compétences des commissions permanentes ».

Il est incohérent de réclamer, d'un côté, que les parlementaires soient davantage associés à cette démarche ambitieuse et incertaine tout en refusant, d'un autre, qu'une telle disposition soit adoptée.

M. François-Noël Buffet, président. - Nous demanderons au ministre de préciser ses engagements d'ici à la séance, notamment sur la forme de ce comité parlementaire.

M. Jean-Pierre Sueur. - Il serait bon d'adopter cet amendement, car cette question relève des compétences du Parlement.

Nous sommes directement concernés par la mise en place d'une instance qui, sans préjudice des fonctions des autres structures, a pour objet de suivre, année après année, la bonne exécution du plan. Je ne vois pas en quoi cela serait préjudiciable.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'article 2 précise « au sein de chaque commission ». Or chaque commission organise comme elle l'entend ses travaux.

M. François-Noël Buffet, président. - Le ministre a proposé devant notre commission de créer un comité de suivi parlementaire, sans entrer dans le détail. Nous lui demanderons des précisions d'ici à la séance. Si l'amendement est de nouveau déposé, nous en tiendrons compte, en fonction des propos du ministre.

M. André Reichardt. - Est-ce que l'objet de comité parlementaire sera également d'examiner les possibilités de simplifier le code de procédure pénale ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - C'est le comité scientifique qui travaille sur la clarification d'une part, la simplification en vue de la ratification d'autre part.

M. André Reichardt. - De qui est-il composé ?

M. François-Noël Buffet, président. - Il est composé de magistrats, de professeurs spécialisés, etc.

M. André Reichardt. - Est-il placé sous l'égide de la Chancellerie ?

M. François-Noël Buffet, président. - Oui, absolument.

M. André Reichardt. - Le comité parlementaire fera-t-il également un travail de simplification ?

M. François-Noël Buffet, président. - Pour être clair : le comité scientifique travaillera sur le fond ; le comité parlementaire se réunira pour suivre les travaux du comité scientifique et, si besoin, y apporter des modifications.

M. André Reichardt. - Le comité scientifique travaille à droit constant ou fait-il également des propositions ?

M. François-Noël Buffet, président. - Le ministre a demandé au comité scientifique de travailler à droit constant, d'où la nécessité d'un suivi parlementaire, pour savoir si cet engagement est respecté.

M. Jean-Pierre Sueur. - Il faut clarifier cette vaste zone d'ambiguïtés. Chacun sait bien que ce code de procédure pénale est devenu très lourd et qu'il faut sans doute le réformer, mais l'on dit que cela se fait à droit constant. Tout le monde sait ce qu'il en est...

M. François-Noël Buffet, président. - Il faudra sans doute recourir à une autre procédure pour modifier le fond du code de procédure pénale.

L'amendement COM-33 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 2

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - M. Requier reprend, au travers de l'amendement COM-1 rectifié, une proposition qu'il avait faite pour remédier à un oubli de la loi de 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Avis favorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il me semble que l'on est toujours en détention lorsque l'on comparaît devant la cour d'assises...

Mme Agnès Canayer, rapporteur. -Il n'y a pas d'égalité de statut lorsque l'on comparaît devant une cour d'assises et devant une cour criminelle.

M. François-Noël Buffet, président. - Nous avons déjà voté la proposition de loi de Jean-Claude Requier, mais il reste à harmoniser la procédure mise en place pour les cours d'assises devant les cours criminelles départementales.

L'amendement COM-1 rectifié est adopté et devient article additionnel.

Article 3

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-69 vise à supprimer la possibilité d'autoriser les perquisitions de nuit. Nous sommes y défavorables, car nous estimons que cette mesure correspond à un besoin réel.

L'amendement COM-69 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-63 tend à préciser qu'une perquisition de nuit ne peut être autorisée que si le risque d'atteinte aux personnes est « imminent ». Avis favorable.

L'amendement COM-63 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous demandons le retrait de l'amendement COM-34. À défaut, notre avis sera défavorable.

Nous ne pouvons que partager l'objet de l'amendement, mais sa rédaction soulève des difficultés. Par ailleurs, l'amendement est satisfait, car ce n'est qu'en cas de « risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d'être commis » que de telles perquisitions pourront être autorisées.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - En dehors de toute position de principe sur les perquisitions de nuit, il importe de les encadrer le plus possible, ce que la rédaction actuelle ne permet pas !

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Votre amendement COM-34 est dans tous les cas satisfait, car la rédaction de l'article 3 indique que l'on ne peut recourir aux perquisitions de nuit qu'en cas de « risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d'être commis ». À cela, il faut ajouter la précision de l'amendement de M. Benarroche que nous venons d'adopter.

L'amendement COM-34 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-104 vise à rendre possible la téléconsultation pour les seules personnes ayant déjà subi un examen médical physique lors de la garde à vue.

L'amendement COM-104 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-35 et COM-70 ont pour objet de supprimer la téléconsultation. Avis défavorable.

Les amendements identiques COM-35 et COM-70 ne sont pas adoptés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-5 rectifié est satisfait. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement COM-5 rectifié n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-68 vise à instaurer un délai de dix jours pour contester la mise en examen ou la mise sous statut de témoin assisté. Le délai de six jours nous semble cohérent avec l'objectif de fluidifier la procédure. Avis défavorable.

L'amendement COM-68 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur les amendements COM-80, COM-18 rectifié et COM-19 rectifié.

L'amendement COM-80 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-18 rectifié et COM-19 rectifié.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-81 a pour objet d'abaisser à cinq jours la période de détention provisoire avant la mise en place du bracelet électronique. Un tel délai ne nous semble pas suffisant pour procéder à l'enquête préalable et aux vérifications nécessaires. Avis défavorable.

L'amendement COM-81 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement  COM-64.

L'amendement COM-64 n'est pas adopté.

L'amendement de précision COM-105 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement  COM-82.

L'amendement COM-82 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-36 et COM-74 visent à supprimer la possibilité de recourir à la visioconférence pour l'audience devant statuer sur la mise en place de la détention provisoire en cas d'impossibilité d'assignation à résidence sous surveillance électronique (Arse). Avis défavorable.

Les amendements identiques COM-36 et COM-74 ne sont pas adoptés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-73 a pour objet l'information des témoins assistés d'une demande d'expertise. Cette mesure alourdit la procédure. Avis défavorable.

L'amendement COM-73 n'est pas adopté.

L'amendement de coordination COM-106 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-58 vise à interdire la géolocalisation à distance dans certains lieux. Une telle disposition est difficilement applicable, car il faudrait savoir qu'un appareil mobile se trouve en un lieu interdit pour ne pas le géolocaliser. Avis défavorable.

L'amendement COM-58 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements COM-37 et COM-77 ont pour objet de supprimer l'unification des délais de jugement en matière de détention provisoire. Or c'est l'une des rares mesures de simplification du code de procédure pénale. Avis défavorable.

L'amendement COM-37 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-77.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement  COM-65.

L'amendement COM-65 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-38 vise à supprimer la compétence du juge des libertés et de la détention pour les mesures de modification ou de mainlevée du contrôle judiciaire ou de l'Arse. Avis défavorable.

L'amendement COM-38 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-39 et COM-67 ont pour objet de supprimer la prolongation du délai de jugement du prévenu placé en détention provisoire. Avis défavorable.

Les amendements identiques COM-39 et COM-67 ne sont pas adoptés.

L'amendement de coordination COM-107 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-94 vise à interdire l'activation d'appareils se trouvant dans les lieux protégés par la loi, notamment pour faire droit aux demandes des journalistes. La technique utilisée n'implique pas la géolocalisation en temps réel de l'appareil. Nous préférons l'interdiction de la retranscription, sous le contrôle du juge. Avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Plusieurs catégories, dont les parlementaires, pour des raisons que je qualifierai d'opportunistes, ne sont pas concernés par les dispositions de cet article relatives à la géolocalisation et aux écoutes, alors que les journalistes le sont, même si les entreprises de presse en ont été exclues !

Bonne chance à ceux qui voteront une disposition permettant la géolocalisation et les écoutes à distance de journalistes !

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les parlementaires et les avocats bénéficient d'une interdiction générale, liée pour les uns à leur immunité parlementaire, pour les autres au secret de la défense. À cela, il faut ajouter les problèmes de faisabilité technique du dispositif.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et vous allez me faire croire que les problèmes de faisabilité technique ne concerneraient que les journalistes et non les parlementaires et les avocats...

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les journalistes sont protégés s'ils sont dans une entreprise de presse. Ils bénéficient également de la protection de leurs sources. Mais il n'y a pas de protection générale du journaliste, contrairement aux parlementaires et aux avocats.

L'amendement COM-94 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorables sur les amendements identiques COM-20 rectifié et COM-84.

Les amendements identiques COM-20 rectifié et COM-84 ne sont pas adoptés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur les amendements  COM-6 rectifié et COM-72.

L'amendement COM-6 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-72.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-71 a pour objet de supprimer la faculté de placement en Arse en cas de détention provisoire irrégulière. Avis défavorable.

M. Guy Benarroche. - Cela reviendrait à remplacer un écrou irrégulier par un nouvel écrou, sans tirer les conséquences de l'irrégularité.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Il n'y a une irrégularité que si les délais de jugement ont été dépassés. De plus, placer sous Arse permet également de protéger les victimes.

M. Guy Benarroche. - S'il est irrégulier de placer en détention, comment est-il possible que mettre sous un autre écrou, en l'occurrence l'Arse, ne soit pas irrégulier ? On ne peut pas remplacer une irrégularité juridique par une autre.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'incarcération n'est pas une mesure de même nature que le bracelet électronique. Cela permet d'éviter que la personne soit remise en liberté conditionnelle d'une part, de protéger les victimes d'autre part.

L'amendement COM-71 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur les amendements  COM-83, COM-55 et COM-56.

L'amendement COM-83 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-55 et COM-56.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 3

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-108 tend à permettre aux statisticiens publics d'accéder aux données relatives aux affaires en cours. C'est une demande récurrente.

L'amendement COM-108 est adopté et devient article additionnel.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-53 a pour objet de donner aux tribunaux français la compétence universelle pour juger des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre, commis à l'étranger.

Nous comprenons l'objet de l'amendement, qui a déjà fait l'objet d'une proposition de loi adoptée par le Sénat en 2013. Le 12 mai dernier, la jurisprudence de la Cour de cassation a confirmé cette compétence.

Plusieurs verrous empêchent aujourd'hui la reconnaissance de la compétence universelle. La complexité juridique et les implications politiques sont telles que trouver une issue à ce débat à l'occasion de l'examen de ce projet de loi nous semble peu opportun.

M. Jean-Pierre Sueur. - Il reste deux verrous : la résidence habituelle du suspect et la double incrimination. Pour lever ce dernier, il faudrait présupposer que le droit pénal doit être le même en France que dans d'autres pays qui ne partagent pas nos valeurs.

Dans un communiqué, MM. Dupond-Moretti et Le Drian se sont dit prêts à inscrire cette modification dans la loi - on m'a souvent rétorqué que ce n'était jamais le bon moment -, dès lors que les juridictions changeraient d'avis à ce sujet.

La Cour de cassation a pris une décision ferme pour revenir sur la double incrimination. Nous sommes en retard au regard d'autres pays européens à ce sujet. Nous devons saisir cette occasion.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous entendons vos arguments sur l'évolution des verrous à la suite de la jurisprudence récente de la Cour de cassation. Néanmoins, nous ne pouvons pas introduire cette compétence telle qu'elle, car les enjeux juridiques dépassent largement ceux du texte que nous examinons aujourd'hui.

Je propose que nous demandions au garde des sceaux sa position en séance.

M. Jean-Pierre Sueur. - Notre proposition de loi n'a jamais été débattue à l'Assemblée nationale. Il y a beaucoup de réticences à ce sujet, en dépit du combat mené par Robert Badinter et par Mireille Delmas-Marty. La décision de Cour de cassation emporte les positions du ministre des affaires étrangères et du garde des sceaux.

Le verrou de la résidence habituelle garantit la bonne conduite des relations diplomatiques... Il ne faudrait pas que les gens puissent être arrêtés dès qu'ils ont mis un pied en France.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je ne connais pas aussi bien le sujet, mais je m'étonne de la réponse de la rapporteure.

M. François-Noël Buffet, président. - Sur les points particuliers soulevés par M. Sueur, le Sénat a déjà voté. Il ne s'agit pas de dire « non » par principe, mais de s'assurer qu'il y a convergence entre ce qu'on a voté et ce qui est proposé. Les rapporteurs vont examiner cette question avec M. Sueur d'ici à la séance. Ne nous précipitons pas et soyons vigilants.

L'amendement COM-53 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-54.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-57 pour les mêmes raisons.

L'amendement COM-57 n'est pas adopté.

Article 4

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements COM-40 et COM-78 visent à supprimer l'obligation pour la juridiction de jugement de fixer une peine maximale de prison en cas de non-respect d'un TIG. Avis défavorable.

L'amendement COM-40 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-78.

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-111 et COM-157 ont pour objet d'élargir l'indemnisation des victimes par la Civi. Avis favorable.

Les amendements identiques COM-111 et COM-157 sont adoptés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-109 et COM-156 sont relatifs au délai de forclusion des mineurs.

Les amendements identiques COM-109 et COM-156 sont adoptés.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 5

Les amendements COM-60, COM-62 et COM-61 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 6

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-41 vise à supprimer l'article. Avis défavorable.

L'amendement COM-41 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-114 tend à inclure des représentants des chambres d'agriculture et des professions réglementées en qualité de juges. Nous y ajoutons le greffier.

L'amendement COM-114 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'avis est favorable sur les amendements identiques COM-115, COM-11 et COM-25, et, en conséquence, avis défavorable à l'amendement COM-96.

Les amendements identiques COM-115, COM-11 et COM-25 sont adoptés. L'amendement COM-96 n'est pas adopté.

L'amendement rédactionnel COM-116 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-118 tend à transférer les procédures amiables et collectives des professions réglementées au tribunal des affaires économiques.

L'amendement COM-118 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-16 a pour objet d'exclure les agriculteurs. Avis défavorable, tout comme pour les amendements COM-89 et COM-95.

M. Guy Benarroche. - Au cours de nos auditions, les agriculteurs et leurs représentants, chambres comme syndicats, ont assuré que la façon dont leurs litiges sont traités leur convient. Ils craignent la moins bonne prise en compte de leurs spécificités par des tribunaux où ils ne représenteront qu'une petite partie des affaires. Pourquoi vouloir ajouter les activités agricoles dans le périmètre de ces nouveaux tribunaux ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les tribunaux de commerce traitent 50 000 procédures collectives par an et les tribunaux judiciaires n'en traitent que 6 000. On ne peut pas dire qu'ils aient une véritable expertise car ces procédures sont réparties sur l'ensemble du territoire ; d'où l'idée de toutes les transférer aux tribunaux des affaires économiques.

Par ailleurs, comme l'a indiqué le garde des sceaux, les futurs tribunaux des affaires économiques auront une capacité à accompagner les petites entreprises et exploitations supérieure à ce que les tribunaux judiciaires peuvent offrir. Actuellement, des associations, à l'instar de Solidarité Paysans assurent un accompagnement de certains agriculteurs faisant l'objet d'une procédure amiable ou collective Cet accompagnement est également effectué par les chambres d'agriculture, c'est pourquoi nous préconisons que ceux qui siégeront au TAE dans l'expérimentation en proviennent.

La crainte souvent évoquée est qu'un agriculteur pourrait s'emparer des terres de son voisin du fait de sa qualité de juge de ses pairs, mais soupçonner un juge agriculteur d'être malhonnête est dur à entendre... Il existe des règles de déport et de récusation qui s'appliqueront de la même manière que pour les entreprises et commerces.

Les chambres d'agriculture accompagnent les agriculteurs en difficulté. J'ai demandé à une association combien, au bout de cinq ans, étaient sauvés après son intervention par rapport à ceux qui passent par le tribunal des affaires économiques : elle a indiqué que ce n'était pas le sujet, contrairement à ce que je pense.

M. François-Noël Buffet, président. - Au-delà de l'inquiétude que l'on peut comprendre de la part des agriculteurs face au changement de juridiction, l'enjeu est la gestion des procédures collectives et des mécanismes de prévention des difficultés des entreprises. Face à ces problèmes, les tribunaux de commerce sont parfaitement compétents : les procédures sont mises en place immédiatement, avec ou sans mandataire ad hoc, avec un accompagnement.

L'amendement COM-16 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-89 et COM-95.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-119 a pour objet le transfert des contentieux des baux commerciaux.

L'amendement COM-119 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'avis est favorable sur l'amendement COM-90.

L'amendement COM-90 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les amendements identiques COM-42 et COM-79 tendent à la suppression de la contribution pour la justice économique. Avis défavorable.

M. Guy Benarroche. - En audition, le garde des sceaux avait assuré qu'il donnerait des précisions : les a-t-on reçues ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Non.

M. François-Noël Buffet, président. -Nous demanderons qu'elles nous soient apportées impérativement avant la séance.

Les amendements identiques COM-42 et COM-79 ne sont pas adoptés.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous demandons le retrait de l'amendement COM-21 rectifié au profit de l'amendement COM-120. À défaut, l'avis sera défavorable.

L'amendement COM-120 est adopté. L'amendement COM-21 rectifié n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'avis est favorable sur l'amendement COM-91.

L'amendement COM-91 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8

L'article 8 est adopté sans modification.

Après l'article 8

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-121 vise à instaurer une obligation de déclaration d'intérêts pour les conseillers prud'hommes.

L'amendement COM-121 est adopté et devient article additionnel.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-122 tend à instaurer une limitation du cumul des mandats de conseiller prud'hommes. Nous leur appliquons les mêmes règles que celles qui sont applicables aux juges consulaires des tribunaux de commerce.

L'amendement COM-122 est adopté et devient article additionnel.

Article 9

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-123 a pour objet la sanction du refus de siéger et le renforcement de l'obligation de formation des juges consulaires.

L'amendement COM-123 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 10

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-124 a des dispositions similaires pour le pôle social.

L'amendement COM-124 est adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-126 vise à rétablir l'intitulé de l'article 11 en supprimant la notion d'« équipe autour des magistrats » au profit de la suivante : « Des attachés de justice et assistants spécialisés. »

L'amendement COM-126 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-43.

L'amendement COM-43 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-44 et COM-45.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-127 a pour objet la participation de tous les parlementaires élus du ressort de la juridiction au conseil de juridiction.

L'amendement COM-127 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Suivant une proposition de notre collègue Philippe Bonnecarrère dans son rapport intitulé Judiciarisation de la vie publique : le dialogue plutôt que le duel, l'amendement COM-128 tend à la création de conseils de juridiction auprès de la Cour de cassation, du Conseil d'État, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs.

L'amendement COM-128 est adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 13

L'amendement rédactionnel COM-130 est adopté.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 14

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-4 rectifié vise à déterminer par décret en Conseil d'État les conditions de formation des surveillants pénitentiaires adjoints. Avis favorable.

L'amendement COM-4 rectifié est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-46.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cette proposition de système de caméra est intéressante, mais le sujet du secret médical se pose tout de même.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Votre formulation est trop large : il faut distinguer ce qui relève du trajet et la consultation à proprement parler.

L'amendement COM-46 n' est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis favorable aux amendements identiques COM-47 et COM-22 rectifié bis. L'avis est également favorable sur l'amendement COM-85 rectifié.

Les amendements identiques COM-47 et COM-22 rectifié bis sont adoptés, de même que l'amendement COM-85 rectifié.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-48. L'information est déjà prévue dans l'alinéa 14, qui dispose que l'enregistrement « fait l'objet d'une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l'interdisent ».

L'amendement COM-48 n' est pas adopté.

L'amendement de précision rédactionnelle COM-131 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-17 rectifié : l'accès par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) paraît suffisant. Avis également défavorable sur l'amendement COM-86 pour les mêmes raisons.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La suggestion avait été faite par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Selon les établissements pénitentiaires, les personnes concernées ou leurs avocats ont les plus grandes difficultés à avoir accès aux images. La Cnil intervient pour des procédures disciplinaires mises en oeuvre très rapidement : mais ses délais ne sont pas adaptés.

M. Jean-Pierre Sueur. - Si une personne est filmée, elle doit pouvoir avoir accès à ces images.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Elle y a accès par l'intermédiaire de la Cnil. Le risque est que votre amendement entraîne un alourdissement des procédures.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est ce qu'on appelle le droit de la défense. On opposera à une personne des images qu'elle n'aura jamais vues.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - La Cnil garantit par ses procédures la protection des données personnelles : ne sont transmises que les images qui concernent la personne.

M. Jean-Pierre Sueur. - Notre texte ne vise pas autre chose.

M. François-Noël Buffet, président. - Nous reparlerons d'ici à la séance de la manière d'accélérer l'obtention des images dans le cadre d'une procédure disciplinaire et dans le respect des procédures habituelles.

L'amendement COM-17 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-86.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-59.

L'amendement COM-59 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 15

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les amendements identiques COM-49 et COM-87 visent à supprimer l'article. Avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le transfert des fonctions du JLD revient à gérer la pénurie. Comme les Shadoks, on creuse un trou pour en remplir un autre : on retire des compétences aux JLD parce qu'ils ont trop de travail pour les confier à d'autres magistrats qui n'ont pas davantage le temps de s'en occuper et qui n'ont pas l'expérience.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Le Conseil d'État rappelle que tous les magistrats du siège sont garants de la liberté individuelle. Le statut spécifique du JLD tient à son pouvoir de déjuger un collègue. La question n'est pas la même pour les droits des étrangers ou des personnes hospitalisées en psychiatrie. De plus, rien n'empêche le juge des libertés et de la détention de continuer à assumer ses missions ; l'enjeu est de pouvoir le remplacer au sein de la même juridiction sans faire appel à une juridiction autre, ce qui permet un meilleur fonctionnement.

M. Philippe Bonnecarrère. - Les JLD font l'objet d'un régime statutaire entre le premier et le deuxième grade. Or vous renvoyez les fonctions à des juges de droit commun. C'est à prendre en considération, me semble-t-il.

Les amendements identiques COM-49 et COM-87 ne sont pas adoptés.

L'article 15 est adopté sans modification.

Article 16

L'article 16 est adopté sans modification.

Article 17

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les amendements identiques COM-50 et COM-88 ont pour objet la suppression de la réforme des saisies des rémunérations. Avis défavorable.

Les amendements identiques COM-50 et COM-88 ne sont pas adoptés.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-132 vise à inscrire le rôle de conciliation des commissaires de justice.

L'amendement COM-132 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-133 tend à faciliter la contestation et à renforcer les pouvoirs du juge de l'exécution.

L'amendement COM-133 est adopté.

L'amendement de clarification COM-135 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-136 a pour objet de supprimer la possibilité d'appliquer une amende civile en cas de déclaration inexacte de l'employeur.

L'amendement COM-136 est adopté, de même que l'amendement COM-137.

L'article 17 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 17

Les amendements COM-7 rectifié bis et COM-8 rectifié sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 18

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-138 a pour objet de créer une voie de recours contre les refus de légalisation d'un acte d'état civil.

L'amendement COM-138 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-51.

L'amendement COM-51 n'est pas adopté.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 19

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-52. Nous demandons plutôt à distinguer le niveau de diplôme requis pour accéder à la profession et celui pour entrer au centre de formation.

L'amendement COM-52 n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté sans modification.

Article 20

L'article 20 est adopté sans modification.

Article 21

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-139. vise à supprimer la prolongation de l'habilitation à simplifier par ordonnance le droit de la publicité foncière.

L'amendement COM-139 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-24 devient sans objet.

L'article 21 est supprimé.

Après l'article 21

Les amendements COM-12, COM-13, COM-14 et COM-15 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 22

L'amendement de coordination COM-140 est adopté.

L'article 22 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 23

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-142 tend à supprimer les mesures relatives au calcul du nombre de nominations de conseillers maîtres au tour extérieur et au raccourcissement de la durée des fonctions de président et vice-président de chambre régionale des comptes.

L'amendement COM-142 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-143 a pour objet l'assouplissement de l'obligation de résidence des magistrats des chambres régionales des comptes.

L'amendement COM-143 est adopté.

L'article 23 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 24

L'article 24 est adopté sans modification.

Article 25

L'amendement de coordination COM-145 est adopté.

L'article 25 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 26

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-146 vise à inscrire dans la loi le transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale.

L'amendement COM-146 est adopté.

L'article 26 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 26

L'amendement de coordination COM-148 est adopté et devient article additionnel.

Article 27

L'amendement de coordination COM-149 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-150 est adopté.

L'article 27 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 27

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-23. Il tend à adapter le droit des sûretés réelles immobilières en Alsace-Moselle. Cela est déjà prévu par l'ordonnance donnant habilitation pour simplifier le droit de la publicité foncière.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Tant que l'ordonnance d'habilitation est en cours, on ne peut toucher aux dépositions que le gouvernement est habilité à modifier.

L'amendement COM-23 n'est pas adopté.

Article 28

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-152 vise au rétablissement d'un droit d'option en faveur des juristes assistants en cours de contrat.

L'amendement COM-152 est adopté.

L'article 28 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 29

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-153 a pour objet de clarifier les modalités de transfert des procédures de saisies des rémunérations déjà autorisées.

L'amendement COM-153 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-154 vise à différer l'entrée en vigueur de l'article 26.

L'amendement COM-154 est adopté.

L'article 29 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le périmètre du texte au titre de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer qu'il comprend les dispositions relatives à l'accès au corps judiciaire, y compris à titre temporaire et à temps partiel ; à l'évaluation des magistrats de l'ordre judiciaire ; à la structure du corps judiciaire, aux conditions d'avancement et d'évolution dans la carrière des magistrats de l'ordre judiciaire ainsi qu'aux conditions d'exercice de leurs fonctions ; aux conditions d'affectation, y compris temporaire, des magistrats de l'ordre judiciaire ; à la commission d'avancement et au dialogue social au sein du corps judiciaire ; aux conditions d'engagement de la responsabilité des magistrats et à leur protection ; aux modalités de désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature ; aux obligations déontologiques applicables aux magistrats ; aux modalités de gestion dématérialisée des dossiers administratifs des magistrats.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'amendement de coordination COM-38 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-39 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-40 tend au renforcement de la qualité du recrutement et à l'ouverture du corps judiciaire. Nous introduisons un délai de dix-huit mois pour la formation des personnes recrutées au titre du concours professionnel.

De plus, l'amendement prévoit que le recrutement des auditeurs de justice demeure « de même niveau » pour le troisième concours, sur le modèle de ce qui est actuellement prévu pour le deuxième concours. En outre, les magistrats devront constituer moins de la moitié du jury professionnel nommé par le pouvoir réglementaire. Enfin, le quota de la part de détachés est augmenté : il est fixé à un quinzième du total des emplois des nouveaux deuxième et premier grades, au lieu d'un vingtième.

L'avis est défavorable pour les amendements COM-36 et COM-8, car ils sont satisfaits.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ces deux amendements ne sont pas satisfaits. Au cours de nos auditions, les avocats ont pointé le fait que vouloir intégrer des professionnels en leur imposant un stage probatoire d'un an empêcherait les avocats de candidater, au risque de voir leur cabinet péricliter, s'ils ne sont pas titularisés. Nous proposons donc un stage probatoire court de trois mois.

Mme Laurence Harribey. - Lors de notre récent déplacement à l'École nationale de la magistrature, un représentant de la promotion nous a indiqué que la disposition va à contre-courant de l'esprit d'ouverture prôné par la réforme. Il faut augmenter le temps de formation, mais raccourcir le stage probatoire.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous avons conscience de ces difficultés. Néanmoins, il faut trouver un juste équilibre : trois mois est un délai un peu court pour le stage probatoire, ne donnant pas le recul nécessaire pour se prononcer sur l'aptitude du magistrat en formation.

Mme Laurence Harribey. - Pour les cadres supérieurs, la période d'essai est de trois mois.

L'amendement COM-40 est adopté. En conséquence, les amendements COM-36 et COM-8 deviennent sans objet.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-6 tend à instituer un quota pour le concours étudiant. L'avis est défavorable.

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-5 a pour objet l'accès des docteurs au corps judiciaire. La voie d'intégration directe n'existant plus, il faut sans doute trouver une solution pour qu'ils puissent intégrer, en raison de leur thèse, les voies de concours via le troisième concours ou le concours professionnel. En l'état de la proposition, nous émettons un avis défavorable.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis favorable sur l'amendement COM-7.

L'amendement COM-7 est adopté.

Les amendements rédactionnels COM-41 et COM-42 sont adoptés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement  COM-29.

L'amendement COM-29 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis favorable sur l'amendement COM-9.

L'amendement COM-9 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-37 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-43 vise à renforcer l'évaluation à 360 degrés des chefs de cour et des chefs de juridiction. Avis favorable.

Avis défavorable en revanche sur l'amendement COM-27.

L'amendement COM-43 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-27 devient sans objet.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous demandons le retrait de l'amendement COM-28, à défaut l'avis sera défavorable. Notre précédent amendement vise déjà à ce que l'ensemble des nominations au collège d'évaluation se fasse sur proposition du CSM.

L'amendement COM-28 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement  COM-3.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement  COM-2.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-44 a pour objet de prévoir des durées minimales et maximales d'affectation des magistrats pour répondre au risque d'effet d'aubaine s'agissant de l'accès au troisième grade.

L'amendement COM-44 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement  COM-4.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-31 tend à supprimer le contingentement du nombre de postes offerts pour le troisième grade. Avis défavorable.

L'amendement COM-31 n'est pas adopté.

L'amendement rédactionnel COM-45 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-26 qui vise à supprimer le relèvement de la limite d'âge, de maintien en activité des magistrats judiciaires jusqu'à l'âge de 70 ans

L'amendement COM-26 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 3

L'amendement COM-1 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 4

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-25 a pour objet le remplacement du critère de « difficultés particulières de recrutement » par celui de « difficultés de recrutement durables ». L'intérêt est ténu. L'avis est défavorable.

L'amendement COM-25 n'est pas adopté.

L'amendement de clarification rédactionnelle COM-46 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-47 vise à modifier les dispositifs de délégation de magistrats pour assurer davantage de souplesse, afin d'éviter que cela ne se fasse au profit de certaines juridictions uniquement, sans embauches pérennes. C'est une position constante de la commission.

Avis défavorable sur l'amendement COM-32.

L'amendement COM-47 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-32 devient sans objet.

L'amendement rédactionnel COM-48 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-49 a pour objet le déclassement de dispositions ordinaires.

L'amendement COM-49 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

L'amendement rédactionnel COM-50 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-34 vise à obliger la commission d'avancement à établir chaque année un rapport rendu public. Elle le fait déjà, aussi, il n'est pas nécessaire de le préciser dans la loi, d'autant que cela ne relève pas du domaine législatif. Je demande le retrait, à défaut l'avis sera défavorable.

L'amendement COM-34 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-22.

L'amendement COM-22 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-23.

L'amendement COM-23 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-24.

L'amendement COM-24 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis est favorable sur l'amendement COM-33.

L'amendement COM-33 est adopté.

L'amendement de coordination COM-51est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-52 a pour objet de limiter la possibilité pour les magistrats à titre temporaire d'exercer certaines attributions liées aux fonctions de substitut. Ils ne pourraient ainsi prendre de mesures de privation de liberté.

L'amendement COM-52 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis favorable sur l'amendement COM-35.

L'amendement COM-35 est adopté.

L'amendement de coordination COM-53 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-54 rectifié vise à renforcer la responsabilité des magistrats. Avis défavorable sur les amendements COM-11, COM-13 et COM-12.

L'amendement COM-54 rectifié est adopté. En conséquence, les amendements COM-11, COM-13 et COM-12 deviennent sans objet.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-15 a pour objet la suppression de l'extension de la recevabilité des plaintes de justiciables à l'abus de fonctions. L'avis est défavorable.

L'amendement COM-15 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-18.

L'amendement COM-18 n'est pas adopté, de même pour les amendements  COM-19, COM-16, COM-17 et COM-14.

L'amendement rédactionnel COM-55 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-56 vise à modifier les conditions de nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Les personnalités qualifiées seraient renouvelées par moitié.

L'amendement COM-56 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-20 rectifié a pour objet les désignations complémentaires en cas de vacance, introduisant un scrutin de liste. La liste ne peut toutefois pas être à quatre membres : elle doit être à nombre impair, d'où la rectification proposée par l'amendement. Avis favorable.

L'amendement COM-20 rectifié est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 10

L'amendement rédactionnel COM-57 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-21.

L'amendement COM-21 n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

L'amendement rédactionnel COM-60 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-10 tend à préciser le contenu du rapport. Avis défavorable.

L'amendement COM-10 n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-30 vise à réduire la durée du moratoire sur les quotas du concours professionnel de quatre à deux ans, au lieu de quatre à trois ans comme nous le proposons par l'amendement COM-61.

Avis défavorable sur l'amendement COM-30.

L'amendement COM-61 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-30 devient sans objet.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-62 a pour objet des dispositions transitoires.

L'amendement COM-62 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-63 est adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le projet de loi organique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans les tableaux suivants :

PROJET DE LOI

TITRE Ier : Objectifs et moyens du ministère de la justice

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme VÉRIEN, rapporteure

102

Clarification et répartition des créations nettes d'emplois

Adopté

Mme de LA GONTRIE

26

Revalorisation et adaptation des compétences des professions judiciaires

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

27

Rapport sur la ventilation des créations nettes d'emplois

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

28

Actualisations de la programmation budgétaire

Rejeté

RAPPORT ANNEXÉ

M. TABAROT

99

Attribution prioritaire du contingent préfectoral de logements sociaux aux surveillants pénitentiaires

Rejeté

M. TABAROT

100

Décompte des places de prison dans les quotas SRU

Rejeté

M. TABAROT

101

Prise en compte de la construction d'un établissement pénitentiaire dans le calcul de la DGF

Rejeté

Le Gouvernement

155

Pôles spécialisés "VIF" et COPIL VIF

Adopté

M. REQUIER

2 rect.

Lutte contre l'illectronisme dans le plan numérique de la justice

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

92

Pôles spéciaux au parquet et chambres spécialisées en matière de violences intra-familiales

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 1er

M. TABAROT

98

Actualisations de la programmation budgétaire

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

29

Rapport annuel sur l'exécution de la loi de programmation pour la justice

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

30

Rapport annuel sur l'avancement du plan de transformation numérique du ministère de la justice

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

31

Rapport annuel sur le plan d'action pour le renforcement et la modernisation de l'accès au droit, le traitement de l'aide juridictionnelle et l'attention renforcée aux droits des victimes, notamment de violences intrafamiliales et sur mineurs

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

93

Rapport annuel sur l'état d'avancement de l'installation des pôles spécialisés dans les violences intrafamiliales

Rejeté

TITRE II : Dispositions relatives à la simplification et à la modernisation de la procédure pénale

Chapitre Ier : Habilitation relative à la réécriture du code de procédure pénale

Article 2

Mme CANAYER, rapporteur

103

Report de l'entrée en vigueur de l'ordonnance

Adopté

Mme de LA GONTRIE

32

Précision que la codification a droit constant s'oppose à  la modification de fond des dispositions du code de procédure pénale

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

33

Création d'un comité de suivi parlementaire

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 2

M. REQUIER

1 rect.

Compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises

Adopté

Chapitre II : Dispositions améliorant le déroulement de la procédure pénale

Section 1 : Dispositions relatives à l'enquête, à l'instruction, au jugement et à l'exécution des peines

Article 3

M. BENARROCHE

69

Suppression de la possibilité d'autorisation des perquisitions de nuit

Rejeté

M. BENARROCHE

63

Précision qu'une perquisition de nuit ne peut être autorisée que si le risque d'atteinte aux personnes est "imminent"

Adopté

Mme de LA GONTRIE

34

interdiction de dérogation fondée sur la seule recherche de preuves ou d'indices

Satisfait ou sans objet

Mme CANAYER, rapporteur

104

Possibilité de téléconsultation pour les seules personnes ayant déjà subi un examen physique lors de la garde à vue

Adopté

Mme de LA GONTRIE

35

Suppression de la possibilité de téléconsultation médicale lors de la prolongation de la garde à vue

Satisfait ou sans objet

M. BENARROCHE

70

Suppression de la possibilité de téléconsultation médicale lors de la prolongation de la garde à vue

Satisfait ou sans objet

M. ROUX

5 rect.

Obligation de recueillir l'accord expresse de personne gardée à vue pour recourir à la téléconsultation médicale

Satisfait ou sans objet

M. BENARROCHE

68

Délai de 10 jours pour contester une mise en examen et la mise sous statut de témoin assisté

Rejeté

M. BENARROCHE

80

Obligation de recueillir les observations de la partie civile pour statuer sur une demande de mise sous statut de témoin assisté

Rejeté

M. ROUX

18 rect.

Suppression des conditions préalables au dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile concernant un délit

Rejeté

M. ROUX

19 rect.

Interdiction des interceptions et enregistrement avec un avocat relevant de l'exercice des droits de la défense et couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil

Rejeté

M. BENARROCHE

81

Abaissent à cinq jours de la période de détention provisoire préalable à une ARSE

Rejeté

M. BENARROCHE

64

Possibilité de prolongation du délai pour la faisabilité technique du rapport de faisabilité technique de l'ARSE

Rejeté

Mme CANAYER, rapporteur

105

Amendement de précision

Adopté

M. BENARROCHE

82

Recours au contrôle judiciaire plutôt qu'à la détention provisoire

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

36

Suppression de la possibilité de recourir à la visioconférence pour l'audience devant statuer sur la mise en place de la détention provisoire en cas d'impossibilité de l'ARSE

Rejeté

M. BENARROCHE

74

Suppression de la possibilité de recourir à la visioconférence pour l'audience devant statuer sur la mise en place de la détention provisoire en cas d'impossibilité de l'ARSE

Rejeté

M. BENARROCHE

73

Information des témoins assistés d'une demande d'expertise

Rejeté

Mme CANAYER, rapporteur

106

Amendement de coordination

Adopté

Mme de LA GONTRIE

58

Interdiction de la géolocalisation dans certains lieux

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

37

Suppression de l'unification des délais de jugement en matière de détention provisoire

Rejeté

M. BENARROCHE

77

Unification à huit semaines du délai maximal de jugement en matière en détention provisoire

Rejeté

M. BENARROCHE

65

Suppression de la possibilité donnée au procureur de décider des suites à donner à une affaire lorsqu'il est appelé à mieux se pourvoir

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

38

Suppression de la compétence du JLD pour les mesures de modification ou de mainlevée du contrôle judiciaire ou de l'ARSE

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

39

Suppression de la prolongation du délai de jugement du prévenu placé en détention provisoire

Rejeté

M. BENARROCHE

67

Suppression de la prolongation du délai de jugement du prévenu placé en détention provisoire

Rejeté

Mme CANAYER, rapporteur

107

Amendement de coordination avec les compétences du parquet européen

Adopté

Mme de LA GONTRIE

94

Interdiction d'activation des appareils se trouvant dans les lieux protégés par la loi

Rejeté

M. ROUX

20 rect.

Inclusion des hôpitaux psychiatriques parmi les lieux susceptibles d'être visité par les parlementaires et bâtonniers

Rejeté

M. BENARROCHE

84

Inclusion des hôpitaux psychiatriques parmi les lieux susceptibles d'être visité par les parlementaires et bâtonniers

Rejeté

M. ROUX

6 rect.

Obligation de recueillir l'accord expresse pour le recours à un traducteur par visioconférence

Rejeté

M. BENARROCHE

72

Limitation du recours à la traduction par visioconférence au dix premières heures de la garde à vue

Rejeté

M. BENARROCHE

71

Suppression de la faculté de placement en ARSE en cas de détention provisoire irrégulière

Rejeté

M. BENARROCHE

83

Suppression de la possibilité de transfèrement pour remédier à une situation de détention indigne.

Rejeté

M. SUEUR

55

Amélioration de la procédure contre les conditions de détention indigne

Rejeté

M. SUEUR

56

Encadrement du transfèrement en cas de situation indigne de détention

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 3

Mme CANAYER, rapporteur

108

Possibilité pour les statisticiens publics d'accéder aux données relatives aux affaires en cours

Adopté

M. SUEUR

53

Compétence universelle des tribunaux français pour juger des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre.

Rejeté

M. SUEUR

54

Compétence universelle des tribunaux français pour juger des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre.

Rejeté

M. SUEUR

57

Mécanisme de régulation de la population carcérale

Rejeté

Article 4

Mme de LA GONTRIE

40

Suppression de l'obligation pour la juridiction de jugement de fixer une peine maximale de prison en cas de non respect d'un TIG

Rejeté

M. BENARROCHE

78

Suppression de l'obligation pour la juridiction de jugement de fixer une peine maximale de prison en cas de non respect d'un TIG

Rejeté

Section 2 : Dispositions améliorant l'indemnisation des victimes

Article 5

Mme CANAYER, rapporteur

111

Précision que les infractions indemnisée peuvent avoir été causées par un ancien conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civile de solidarité

Adopté

Le Gouvernement

157

Précision que les infractions indemnisée peuvent avoir été causées par un ancien conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civile de solidarité

Adopté

Mme CANAYER, rapporteur

109

Délai de forclusion des mineurs

Adopté

Le Gouvernement

156

Délai de forclusion des mineurs

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 5

M. KERROUCHE

60

Aggravation des sanctions commises contre les élus

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme ROSSIGNOL

62

Modification du régime de l'ordonnance de protection

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme de LA GONTRIE

61

Création d'une ordonnance de protection délivrée dans les vingt-quatre heures sans contradictoire

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

TITRE III : Dispositions relatives à la justice commerciale et aux juges non professionnels

Chapitre Ier : Diverses dispositions portant expérimentation d'un tribunal des activités économiques

Article 6

Mme de LA GONTRIE

41

Suppression de l'expérimentation du tribunal des affaires économiques

Rejeté

Mme VÉRIEN, rapporteure

114

Inclusion des représentants des chambres d'agriculture et des professions réglementées en qualité de juges au sein du tribunal des affaires économiques.

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

115

Suppression de la présence des magistrats professionnels au sein du tribunal des affaires économiques.

Adopté

M. BOURGI

11

Suppression de la présence des magistrats professionnels au sein du tribunal des affaires économiques.

Adopté

Mme Nathalie GOULET

25

Suppression de la présence des magistrats professionnels au sein du tribunal des affaires économiques.

Adopté

M. LE RUDULIER

96

Magistrat professionnel siégeant en qualité de président au sein du tribunal des affaires économiques.

Satisfait ou sans objet

Mme VÉRIEN, rapporteure

116

Amendement rédactionnel.

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

118

Transfert des procédures amiables et collectives des professions réglementées au tribunal des affaires économiques.

Adopté

M. BUIS

16

Exclusion des agriculteurs du champ de l'expérimentation du tribunal des affaires économiques.

Rejeté

M. BENARROCHE

89

Exclusion des agriculteurs du champ de l'expérimentation du tribunal des affaires économiques.

Rejeté

M. LE RUDULIER

95

Exclusion des agriculteurs du champ de l'expérimentation du tribunal des affaires économiques.

Rejeté

Mme VÉRIEN, rapporteure

119

Transfert des contentieux des baux commerciaux au tribunal des affaires économiques lorsque les parties relèvent de sa compétence ordinaire (artisans et commerçants).

Adopté

M. MOHAMED SOILIHI

90

Participation des parlementaires à l'évaluation de l'expérimentation des tribunaux des affaires économiques.

Adopté

Article 7

Mme de LA GONTRIE

42

Suppression de la contribution pour la justice économique.

Rejeté

M. BENARROCHE

79

Suppression de la contribution pour la justice économique.

Rejeté

Mme VÉRIEN, rapporteure

120

Précisions concernant la mise oeuvre de la contribution pour la justice économique.

Adopté

M. ROUX

21 rect.

Instauration d'un seuil minimal du montant litige rendant exigible la contribution pour la justice économique.

Rejeté

M. MOHAMED SOILIHI

91

Participation des parlementaires à l'évaluation de l'expérimentation de la contribution pour la justice économique.

Adopté

Chapitre II : Diverses dispositions relatives à la formation et à la responsabilité des juges non professionnels

Article(s) additionnel(s) après Article 8

Mme VÉRIEN, rapporteure

121

Instauration d'une obligation de déclaration d'intérêts pour les conseillers prud'hommes.

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

122

Instauration d'une limitation du cumul des mandats de conseiller prud'hommes et d'une limite d'âge pour l'exercice de cette fonction.

Adopté

Article 9

Mme VÉRIEN, rapporteure

123

Sanction du refus de siéger et renforcement de l'obligation de formation des juges consulaires.

Adopté

Article 10

Mme VÉRIEN, rapporteure

124

Sanction du refus de siéger d'un assesseur du pôle social du tribunal judiciaire et diverses dispositions de simplification de leur régime.

Adopté

TITRE IV : Ouverture et modernisation de l'institution judiciaire

Chapitre Ier : Juridictions judiciaires

Article 11

Mme CANAYER, rapporteur

126

Modification d'intitulé

Adopté

Mme de LA GONTRIE

43

Précision rédactionnelle

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

44

Fixation des conditions de diplôme et d'expérience des attachés de justice

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

45

Suppression des délégations de signature en faveur de l'attaché de justice en matière de réquisitions de données informatiques

Rejeté

Article 12

Mme CANAYER, rapporteur

127

Participation de tous les parlementaires élus du ressort de la juridiction au conseil de juridiction

Adopté

Mme CANAYER, rapporteur

128

Création de conseils de juridiction auprès de la Cour de cassation, du Conseil d'État, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs

Adopté

Chapitre II : Juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats

Article 13

Mme CANAYER, rapporteur

130

Correction rédactionnelle

Adopté

Chapitre III : Administration pénitentiaire

Article 14

M. ROUX

4 rect.

Détermination par décret en Conseil d'État des conditions de formation des surveillants pénitentiaires adjoints

Adopté

Mme de LA GONTRIE

46

Interdiction de captation d'image lors d'une prise en charge de nature médicale

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

47

Anonymat des personnes filmées

Adopté

M. ROUX

22 rect. bis

Anonymat des personnes filmées

Adopté

M. BENARROCHE

85 rect.

Anonymat des personnes filmées

Adopté

Mme de LA GONTRIE

48

Précision des conditions d'information des personnes filmées

Rejeté

Mme CANAYER, rapporteur

131

Précision rédactionnelle

Adopté

M. ROUX

17 rect.

Accès direct aux images de l'avocat de la personne filmée

Rejeté

M. BENARROCHE

86

Accès direct aux images de l'avocat de la personne filmée

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

59

Accès aux images dans le cadre d'une procédure disciplinaire

Rejeté

TITRE V : Dispositions relatives au droit civil et aux professions

Chapitre Ier : Transfert de compétences civiles du juge des libertés et de la détention

Article 15

Mme de LA GONTRIE

49

Suppression de l'article

Rejeté

M. BENARROCHE

87

Suppression de l'article

Rejeté

Chapitre II : Diverses dispositions portant modernisations processuelles et relatives aux professions

Article 17

Mme de LA GONTRIE

50

Suppression de la réforme des saisies des rémunérations

Rejeté

M. BENARROCHE

88

Suppression de la réforme des saisies des rémunérations

Rejeté

Mme VÉRIEN, rapporteure

132

Inscription de la mission de conciliation des commissaires de justice

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

133

Facilitation de la contestation et renforcement des pouvoirs du juge de l'exécution

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

135

Amendement de clarification

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

136

Suppression de la possibilité d'appliquer une amende civile en cas de déclaration inexacte de l'employeur

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

137

Encadrement du décret d'application

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 17

M. REQUIER

7 rect. bis

Modification des règles relatives à la Caisse de prêts de la Chambre nationale des commissaires de justice 

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. REQUIER

8 rect.

Modification des règles relatives à la consultation du fichier FICOBA

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 18

Mme VÉRIEN, rapporteure

138

Voie de recours contre les refus de légalisation d'un acte d'état civil

Adopté

M. LECONTE

51

Niveau de norme requis pour fixer les modalités de légalisation d'un acte étranger

Rejeté

Article 19

Mme de LA GONTRIE

52

Mesures transitoires pour l'application de l'article 19

Rejeté

Article 21

Mme VÉRIEN, rapporteure

139

Suppression de la prolongation de l'habilitation à simplifier par ordonnance le droit de la publicité foncière

Adopté

M. REICHARDT

24

Consultations requises pour procéder par ordonnance à la réforme du droit de la publicité foncière

Satisfait ou sans objet

Article(s) additionnel(s) après Article 21

M. CALVET

12

Autorisation des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires d'exercer un mandat social ou une fonction d'administrateur.

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. CALVET

13

Fusion des voies d'accès aux professions d'administrateurs et mandataires judiciaires.

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. CALVET

14

Autorisation pour les administrateurs et mandataires judiciaires d'exercer la mission de curateur aux successions vacantes.

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. CALVET

15

Possibilité pour les administrateurs et mandataires judiciaires d'exercer les missions d'arbitre, de curateur aux actions de groupe, de fiduciaire, de conciliateur et de médiateur.

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

TITRE VI : Dispositions diverses relatives aux juridictions administratives et financières et à la responsabilité des gestionnaires publics

Article 22

Mme CANAYER, rapporteur

140

Amendement de coordination

Adopté

Article 23

Mme CANAYER, rapporteur

142

Suppression des mesures relatives au calcul du nombre de nominations de conseillers maîtres au tour extérieur et au raccourcissement de la durée des fonctions de président et vice-président de CRC

Adopté

Mme CANAYER, rapporteur

143

Assouplissement de l'obligation de résidence des magistrats des chambres régionales des comptes

Adopté

Article 25

Mme CANAYER, rapporteur

145

Amendement de coordination

Adopté

Article 26

Mme CANAYER, rapporteur

146

Inscription dans la loi du transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 26

Mme VÉRIEN, rapporteure

148

Coordination

Adopté

TITRE VII : Dispositions transitoires et finales

Article 27

Mme CANAYER, rapporteur

149

Reclassement de dispositions ordinaires

Adopté

Mme CANAYER, rapporteur

150

Amendement rédactionnel

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 27

M. REICHARDT

23

?Adaptation du droit des sûretés réelles immobilières en Alsace-Moselle

Rejeté

Article 28

Mme CANAYER, rapporteur

152

Rétablissement d'un droit d'option en faveur des juristes assistants en cours de contrat

Adopté

Article 29

Mme VÉRIEN, rapporteure

153

Clarification des modalités de transfert des procédures de saisies des rémunérations déjà autorisées

Adopté

Mme CANAYER, rapporteur

154

Entrée en vigueur différée de l'article 26

Adopté

PROJET DE LOI ORGANIQUE

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme CANAYER, rapporteur

38

Amendement de coordination

Adopté

Mme CANAYER, rapporteur

39

Rédactionnel

Adopté

Mme CANAYER, rapporteur

40

Renforcement de la qualité du recrutement et ouverture du corps judiciaire

Adopté

Mme HARRIBEY

36

Allongement et séquençage de la formation probatoire des titulaires du concours professionnel

Satisfait ou sans objet

Mme HARRIBEY

8

Composition du jury professionnel

Satisfait ou sans objet

Mme HARRIBEY

6

Quota pour le concours étudiant

Rejeté

M. BENARROCHE

5

Accès des docteurs au corps judiciaire

Rejeté

Mme HARRIBEY

7

Prise en compte de l'expérience professionnelle dans la formation des auditeurs

Adopté

Mme CANAYER, rapporteur

41

Rédactionnel

Adopté

Mme CANAYER, rapporteur

42

Rédactionnel

Adopté

Mme HARRIBEY

29

Facilitation de l'accès des avocats à la profession

Rejeté

Mme HARRIBEY

9

Exclusion des magistrats en service extraordinaire du jury professionnel

Adopté

Mme CANAYER, rapporteur

37

Rédactionnel pour entrée en vigueur

Adopté

Article 2

Mme CANAYER, rapporteur

43

Renforcement de l'évaluation approfondie et conditions de nomination des magistrats

Adopté

Mme HARRIBEY

27

Composition du collège d'évaluation

Satisfait ou sans objet

Mme HARRIBEY

28

Nomination des membres magistrats du collège d'évaluation sur proposition du CSM

Rejeté

Mme Nathalie DELATTRE

3 rect.

Consultation du CSM préalable à la prise de décrets relatifs à l'évaluation approfondie

Rejeté

Article 3

Mme Nathalie DELATTRE

2 rect.

Suppression de l'accès au troisième grade par la nomination

Rejeté

Mme CANAYER, rapporteur

44

Durées minimales et maximales d'affectation

Adopté

Mme Nathalie DELATTRE

4 rect.

Soumission de l'avancement au troisième grade à l'approbation du CSM

Rejeté

Mme HARRIBEY

31

Suppression du contingentement

Rejeté

Mme CANAYER, rapporteur

45

Rédactionnel

Adopté

Mme HARRIBEY

26

Suppression du relèvement de la limite d'âge

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 3

M. SOL

1

Restitution aux familles des prélèvements biologiques réalisés au cours d'une autopsie judiciaire à des fins de crémation ou inhumation

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 4

Mme HARRIBEY

25

Substitution du critère de difficulté durable de recrutement à celui de difficulté particulière de recrutement

Rejeté

Mme CANAYER, rapporteur

46

Clarification rédactionnelle

Adopté

Article 5

Mme CANAYER, rapporteur

47

Modification des dispositifs de délégation de magistrats

Adopté

Mme HARRIBEY

32

Resserrement des conditions de délégation

Satisfait ou sans objet

Mme CANAYER, rapporteur

48

Rédactionnel

Adopté

Mme CANAYER, rapporteur

49

Déclassement de dispositions ordinaires

Adopté

Article 6

Mme VÉRIEN, rapporteure

50

Correction légistique

Adopté

Mme HARRIBEY

34

Obligation pour la commission d'avancement d'établir chaque année un rapport rendu public

Rejeté

Mme HARRIBEY

22

Augmentation du nombre de membres de la commission d'avancement afin d'assurer la parité entre représentant syndicaux et représentants de la hiérarchie et de l'administration.

Rejeté

Mme HARRIBEY

23

Détermination par la loi d'un seuil minimum de suffrage pour assurer la représentativité d'un syndicat

Rejeté

Mme HARRIBEY

24

Maintien à trois ans de la durée de membres de la commission d'avancement

Rejeté

Mme HARRIBEY

33

Conditions de remplacent d'un siège en cas de vacance définitive

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

51

Coordination

Adopté

Article 7

Mme VÉRIEN, rapporteure

52

Restriction des fonctions accordées aux MTT exerçant en tant que substitut

Adopté

Mme HARRIBEY

35

Impossibilité pour les MTT de participer à un jury professionnel

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

53

Coordination

Adopté

Article 8

Mme CANAYER, rapporteur

54 rect.

Renforcement de la responsabilité des magistrats

Adopté

Mme HARRIBEY

11

Renforcement de la responsabilité des magistrats

Satisfait ou sans objet

Mme HARRIBEY

13

Renforcement de la responsabilité des magistrats

Satisfait ou sans objet

Mme HARRIBEY

12

Renforcement de la responsabilité des magistrats

Satisfait ou sans objet

Mme HARRIBEY

15

Suppression de l'extension de la recevabilité des plaintes de justiciables à l'abus de fonctions

Rejeté

Mme HARRIBEY

18

Communication des décisions de la CAR aux intéressés

Rejeté

Mme HARRIBEY

19

Assistance par toute personne de leur choix pour l'audition du magistrat et du justiciable

Rejeté

Mme HARRIBEY

16

Suppression de la capacité de la CAR de solliciter des enquêtes administratives

Rejeté

Mme HARRIBEY

17

Suppression de la communication au garde des sceaux des décisions irrecevables

Rejeté

Mme HARRIBEY

14

Quotas de féminisation des emplois de magistrats

Rejeté

Mme VÉRIEN, rapporteure

55

Rédactionnel

Adopté

Article 9

Mme CANAYER, rapporteur

56

Modification des conditions de nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM)

Adopté

Mme HARRIBEY

20 rect.

Désignation complémentaire en cas de vacance

Adopté

Article 10

Mme VÉRIEN, rapporteure

57

Rédactionnel

Adopté

Mme HARRIBEY

21

Procédure à suivre pour procéder à la dématérialisation de la gestion du dossier administratif des magistrats

Rejeté

Article 11

Mme VÉRIEN, rapporteure

60

Clarification rédactionnelle

Adopté

Mme HARRIBEY

10

Précision du contenu du rapport

Rejeté

Article 12

Mme CANAYER, rapporteur

61

Durée du moratoire sur les quotas du concours professionnel

Adopté

Mme HARRIBEY

30

Durée du moratoire sur les quotas du concours professionnel

Satisfait ou sans objet

Mme CANAYER, rapporteur

62

Dispositions transitoires relatives à l'entrée en vigueur des durées minimales et maximales d'affectation

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

63

Rédactionnel

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 352(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie353(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte354(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial355(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 31 mai 2023, le périmètre indicatif du projet de loi n° 569 (2022-2023) d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives :

- à la programmation des moyens matériels, humains et financiers et aux orientations de politiques publiques retenues du ministère de la justice de 2023 à 2027 ;

- à l'enquête, à l'instruction, au jugement et à l'exécution des peines tels qu'organisés par la procédure pénale ;

- au champ d'indemnisation de victimes d'une infraction pénale ;

- à l'organisation, au fonctionnement, à la composition et aux compétences des tribunaux des activités économiques ;

- aux compétences des juridictions commerciales et des tribunaux judiciaires ;

- à la création expérimentale d'une contribution pour la justice économique en cas de saisine d'un tribunal des activités économiques ;

- à la discipline et à la formation des juges consulaires des tribunaux de commerce ;

- aux conditions de candidature et à la discipline des conseillers prud'hommes ;

- à la formation des assesseurs des pôles sociaux des tribunaux judiciaires ;

- au statut des juristes assistants, assistants spécialisés et attachés de justice ;

- aux conseils de juridiction ;

- aux juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats ;

- aux moyens matériels et humains de l'administration pénitentiaire ;

- aux fonctions civiles du juge des libertés et de la détention ;

- à la mise en place d'une plateforme dématérialisée pour l'envoi et la réception d'actes de procédure par les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires ;

- à la procédure des saisies des rémunérations ;

- au principe de légalisation des actes administratifs et aux modalités de sa mise en oeuvre ;

- au niveau de diplôme requis pour accéder à la profession d'avocat ;

- aux tarifs réglementés des greffiers des tribunaux de commerce ;

- à la prolongation de l'habilitation accordée par l'article 198 de la loi du 21 février 2022 pour réformer par ordonnance le droit de la publicité foncière ;

- à l'obligation de mobilité des élèves en sortie de l'Institut national du service public qui rejoignent le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le corps des magistrats des chambres régionales des comptes ;

- au statut des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ;

- à la ratification de l'ordonnance du 23 mars 2022 au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics ;

- à l'application aux magistrats administratifs et financiers d'un accord collectif en matière de couverture complémentaire « santé » ;

- aux juridictions compétentes pour juger le contentieux de la tarification sanitaire et sociale.

Lors de la même réunion, la commission des lois a arrêté le périmètre indicatif du projet de loi organique n° 570 (2022-2023) relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives :

- à l'accès au corps judiciaire, y compris à titre temporaire et à temps partiel ;

- à l'évaluation des magistrats de l'ordre judiciaire ;

- à la structure du corps judiciaire, aux conditions d'avancement et d'évolution dans la carrière des magistrats de l'ordre judiciaire ainsi qu'aux conditions d'exercice de leurs fonctions ;

- aux conditions d'affectation, y compris temporaire, des magistrats de l'ordre judiciaire ;

- à la commission d'avancement et au dialogue social au sein du corps judiciaire ;

- aux conditions d'engagement de la responsabilité des magistrats et à leur protection ;

- aux modalités de désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature ;

- aux obligations déontologiques applicables aux magistrats ;

- aux modalités de gestion dématérialisée des dossiers administratifs des magistrats.

COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE M. ÉRIC DUPOND-MORETTI,
GARDE DES SCEAUX

__________

MARDI 23 MAI 2023

M. François-Noël Buffet, président. - Monsieur le garde des sceaux, nous vous accueillons ce soir pour évoquer deux sujets.

L'un, prévu de longue date, a trait à notre travail législatif. Vous défendrez au Sénat, dans quinze jours, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et le projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire. Vous êtes devant nous aujourd'hui pour nous en présenter les points saillants et pour répondre aux questions de nos deux rapporteures, Agnès Canayer et Dominique Vérien.

L'autre est lié à l'actualité : la semaine dernière, la commission des lois a auditionné le maire de Saint-Brevin-les-Pins, Yannick Morez, qui a décrit les violences et les actes criminels qu'il a subis dans le cadre de son mandat de maire. Il nous paraît utile que vous nous éclairiez, monsieur le ministre, sur le volet judiciaire de cette affaire ; je pense en particulier aux déclarations que M. Morez a faites de ses contacts avec la procureure de la République, dont vous avez certainement pris connaissance. Vous savez combien nous sommes attachés au principe du contradictoire, qui nous permet d'appréhender les situations dans leur ensemble ; je vous remercie donc par avance pour les échanges que nous allons avoir à ce propos.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. - Monsieur le président, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose de vous présenter les grands axes des textes que votre commission examinera la semaine prochaine et d'évoquer ensuite plus en détail la question cruciale de l'exposition croissante et intolérable de nos élus à la violence - vous connaissez l'engagement de ma politique pénale en la matière.

Je suis particulièrement heureux de revenir devant vous cet après-midi, après vous avoir longuement présenté, le 10 janvier 2023, l'ensemble du plan d'action issu des États généraux de la justice.

À cette occasion, je vous avais annoncé une loi de programmation ainsi que son volet organique. Nous y voilà, conformément à l'engagement du Président de la République et de la Première ministre pour la justice de notre pays.

La justice, c'est d'abord des moyens, évidemment, eu égard au constat de délabrement qui a été dressé par le comité des États généraux.

C'est pourquoi l'article 1er du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 entérine une hausse inédite des crédits de la justice, qui atteindront près de 11 milliards d'euros en 2027. Sur les cinq prochaines années cumulées, par comparaison à une situation de reconduction du niveau actuel des crédits du ministère de la justice, ceux-ci augmenteront de près de 7,5 milliards d'euros. À titre de comparaison, ils ont augmenté de 2 milliards d'euros seulement sous le quinquennat du président Sarkozy et de 2,1 milliards d'euros sous celui du président Hollande.

Le Parlement vote le budget ; il en contrôle aussi l'affectation. Concrètement, à quoi vont servir ces crédits supplémentaires massifs ? C'est ce que précise le rapport annexé qui vous est soumis.

La mère de toutes les batailles, ce sont les recrutements massifs et rapides de magistrats, de greffiers, d'attachés de justice - j'y reviendrai -, d'agents pénitentiaires, d'agents administratifs, bref, de tous ceux qui font vivre le ministère. Pour graver cela dans le marbre, j'ai souhaité inscrire dans la loi le recrutement de 10 000 personnels supplémentaires en créations nettes de postes d'ici à 2027. La répartition sera affinée très prochainement, mais, d'ores et déjà, je vous confirme que nous recruterons 1 500 magistrats et 1 500 greffiers. Là encore, j'ai souhaité graver ces chiffres dans le marbre de la loi de programmation.

Deuxième priorité afférente à ces crédits supplémentaires : la revalorisation des rémunérations de ceux qui servent notre justice au quotidien. On ne saurait en effet, d'un côté, annoncer le plus grand plan d'embauche de l'histoire de la justice et, de l'autre, ne rien faire pour attirer nos compatriotes vers ces missions passionnantes mais également, il faut le dire, très difficiles. C'est pourquoi l'État doit manifester sa reconnaissance aux agents du ministère de la justice.

C'est ce que prévoit cette loi de programmation, qui entérine d'importantes revalorisations, et notamment une hausse de 1 000 euros mensuels pour les magistrats, qui sera effective dès l'automne, pour récompenser et encourager leur engagement quotidien - je rappelle qu'ils n'ont pas été augmentés depuis 1996 -, ainsi qu'une revalorisation des greffiers, sans qui la justice ne peut fonctionner - et je veux leur rendre hommage. Ces revalorisations se feront dans un calendrier dédié de négociation, à l'automne.

Je me dois de mentionner également le passage historique des agents pénitentiaires de la catégorie C vers la catégorie B et des officiers pénitentiaires de la catégorie B vers la catégorie A - j'y insiste, puisqu'il était réclamé par les syndicats depuis vingt ans. Il était grand temps de reconnaître le rôle indispensable de la troisième force de sécurité intérieure de notre pays ; je suis fier non seulement d'être leur ministre, mais aussi d'avoir pu changer concrètement leur place au sein de la fonction publique.

Troisième priorité de ces nouveaux crédits : la transformation numérique du ministère, dont la rapporteure Dominique Vérien est une spécialiste.

En la matière, le ministère de la justice a été longtemps considéré, à juste titre - je l'avoue sans détour -, comme un mauvais voire très mauvais élève. Il suffit d'ailleurs d'écouter les magistrats et les greffiers : ils sont souvent freinés dans leur action par une informatique et un réseau qui ne sont pas à la hauteur.

Le but est clair : il faut instaurer le zéro papier d'ici à 2027. Pour atteindre cet objectif, il nous faut une méthode.

C'est pourquoi nous allons doter toutes les juridictions d'experts en informatique capables d'agir au plus près du terrain, avec le savoir-faire requis, lorsque « la bécane plante ». Nous allons également accroître massivement la capacité des réseaux du ministère pour fluidifier les connexions.

À terme, l'un de nos objectifs est aussi qu'un seul compte permette d'accéder à toutes les applications informatiques, afin d'éviter les doublons de saisine, notamment pour les greffiers, qui y perdent un temps extrêmement précieux.

Nous accélérerons la mise à jour des logiciels en matière civile, en concertation avec le terrain - je pense par exemple à Portalis.

En matière pénale, c'est dans le cadre des moyens alloués par ce projet de loi de programmation que se déploie actuellement la procédure pénale numérique en lien avec le ministère de l'intérieur. Nous avons désigné un chef de file unique issu de la Chancellerie, qui sera chargé de piloter efficacement, pour le compte des deux ministères, ce chantier si attendu par les forces de l'ordre, les magistrats et les greffiers.

La transformation numérique de la justice doit également se faire en direction de ceux qu'elle sert, c'est-à-dire des justiciables.

Je vous avais annoncé, en janvier dernier, le lancement d'une application pour smartphone regroupant des fonctionnalités importantes - « justice à portée de doigt », avais-je osé. C'est chose faite, puisque cette application a été lancée le 27 avril dernier dans une version qui permet déjà au justiciable, par exemple, d'identifier le lieu de justice le plus proche, de savoir s'il est ou non éligible à l'aide juridictionnelle ou encore de simuler le montant d'une pension alimentaire.

Cette application « justice.fr », qui a déjà été téléchargée plusieurs dizaines de milliers de fois - et que je vous suggère chaleureusement, mesdames, messieurs les sénateurs, de télécharger -, va monter en puissance, de nouvelles fonctionnalités étant ajoutées au gré des mises à jour régulières.

La quatrième priorité absolue concerne bien sûr le programme immobilier du ministère de la justice, qui se décompose en deux axes majeurs.

Je commencerai par évoquer l'immobilier judiciaire, c'est-à-dire la construction de tribunaux. L'arrivée dans le corps judiciaire de 1 500 magistrats, de 1 500 greffiers et de nombreux attachés de justice va nécessiter une augmentation et une rénovation massives du parc judiciaire. La question sera non pas de savoir si la justice va recruter massivement, mais plutôt si la justice va réussir à accueillir les nouveaux agents issus de ces recrutements massifs.

Nous avons à cet égard une vision et une stratégie globales qui prévoient d'investir de manière massive dans les tribunaux de demain, afin d'agir sur tous les leviers susceptibles d'améliorer les conditions de travail de ceux qui servent la justice ; car en bout de chaîne c'est bien le justiciable qui bénéficiera pleinement d'une telle amélioration. Concrètement, sur le quinquennat, ce ne sont pas moins de quarante opérations de restructuration et de rénovation de tribunaux et de cours qui seront engagées.

J'évoquerai ensuite le programme immobilier pénitentiaire, qui avance sûrement malgré de nombreux freins. Je pense bien sûr à la crise sanitaire, qui, si elle est derrière nous, a eu sur les chantiers un impact durable ; à la guerre en Ukraine, qui a considérablement réduit l'accès aux matières premières ; et bien sûr, aux réticences des riverains, et souvent de leurs élus, facteur de retard important dans la livraison des places du plan « 15 000 ».

Je l'ai déjà dit devant vous, nous nous retrouvons souvent dans des situations où ceux qui, sur les plateaux de télévision, réclament le plus de fermeté sont les premiers à refuser l'implantation d'une prison près de chez eux, avec toujours, bien sûr, d'excellents arguments. Il arrive même qu'après étroite concertation un élu nous donne son accord avant finalement de le retirer lorsque l'annonce est officialisée.

Notre engagement est clair et notre cap est fixé : nous construirons 15 000 places supplémentaires d'ici 2027.

Il y va, tout d'abord, de la bonne application de ma politique pénale, qui est sans ambiguïté : fermeté sans démagogie et sans populisme, humanisme sans angélisme !

Il y va, ensuite, des conditions de détention, qui sont parfois indignes - nul besoin d'un énième rapport pour en prendre conscience. Je fais le tour des prisons depuis plus de quarante ans : je l'ai fait en tant qu'avocat, je le fais en tant que ministre !

Je connais la dégradation d'un certain nombre d'établissements ; mais je n'ai pas de baguette magique : je n'ai qu'une volonté politique forte, assortie de leviers d'actions réalistes et de moyens inédits.

L'indignité des conditions de détention est une préoccupation importante, singulièrement en démocratie. J'ai d'ailleurs soutenu avec force votre proposition de loi, monsieur le président, tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, dont l'adoption a permis de créer un recours contre de telles conditions indignes.

Reste qu'en matière pénitentiaire comme en matière pénale il faut se méfier des solutions miracles, car il s'agit toujours de solutions mirages ! La construction de prisons est la solution la plus lente, mais la plus sûre, d'autant qu'en parallèle des constructions nous investissons massivement dans les rénovations, pour près de 130 millions d'euros par an, soit près de deux fois plus que sous le quinquennat de François Hollande.

Pour paraphraser les mots d'un ancien Premier ministre, qui fut aussi sénateur,  « notre route est droite, mais la pente est forte ».

Le rapport du comité des États généraux, au-delà d'un constat lucide sur la question des moyens, a cela de riche que ses auteurs ont tout aussi lucidement indiqué qu'une hausse des moyens budgétaires ne suffirait pas à remettre durablement sur pied l'institution judiciaire. Le Président de la République l'a dit en ces mots : tout ne se résume pas à la question des moyens.

C'est pourquoi, en complément - j'insiste sur ce mot -, nous vous présentons une série de mesures qui réforment en profondeur l'institution sans pour autant la déstabiliser. Là encore, je ne crois pas à la mesure gadget : je crois à la gestion rigoureuse, mais ambitieuse, et au cap clair.

L'une des innovations de cette réforme de la justice est bel et bien, en effet, de mettre face aux mesures nouvelles les moyens nécessaires à leur application correcte et au rattrapage d'une partie du retard accumulé depuis des décennies.

Cette coordination entre moyens nouveaux et réformes nouvelles répond à un objectif : diviser par deux les délais, au civil comme au pénal. La première chose que vous diront les Français, c'est qu'ils trouvent la justice beaucoup trop lente : c'est à ce problème qu'il convient de remédier en priorité.

Souhaitant ménager du temps pour vos questions, je me concentrerai sur les principales mesures et vous laisserai m'interroger plus précisément, si vous le souhaitez, sur certains articles que vous souhaiteriez aborder.

Les axes de réforme proposés sont clairs et issus de deux vagues de concertation menées l'année dernière sur la base du rapport des États généraux.

Le premier axe est celui de l'amélioration de l'organisation de la justice selon une approche pragmatique et innovante.

J'ai évoqué le souhait d'aller dans le sens d'une déconcentration accrue du ministère de la justice en laissant davantage d'autonomie aux juridictions dans leur administration, afin de ne faire intervenir l'administration centrale que lorsqu'elle est utile dans une fonction de support ou nécessaire dans une fonction d'arbitrage.

Le ministère de la justice est l'un des rares à n'avoir pas su, voire pas voulu, prendre le virage de la déconcentration. En la matière, il faut aller beaucoup plus loin en faisant confiance aux chefs de cour et aux chefs de juridiction. Tout ne doit plus remonter à l'administration centrale : il nous faut responsabiliser les acteurs de terrain.

Cette nouvelle étape de déconcentration relève en grande partie du niveau réglementaire, mais j'ai souhaité inscrire cette orientation claire dans le rapport annexé. Oui, une organisation plus efficace de l'administration de la justice, c'est aussi des moyens mieux employés pour une gestion au plus près des professionnels et des justiciables.

Monsieur le président, madame la rapporteure Agnès Canayer, sur cette question qui vous tient à coeur, je vous annonce que je vous ferai parvenir, ainsi qu'aux membres de votre commission, les projets de décret à l'été.

L'amélioration de l'organisation des juridictions passe aussi par des expérimentations innovantes, l'objectif étant d'améliorer concrètement le service rendu au justiciable.

C'est ce que nous proposons via l'expérimentation relative au tribunal des activités économiques (TAE).

Le constat est simple : l'organisation actuelle des juridictions commerciales, et plus particulièrement le partage des compétences en première instance entre les tribunaux de commerce et les tribunaux judiciaires, selon les secteurs d'activité, manque de lisibilité pour les justiciables et pour les différents acteurs concernés. Nous proposons donc d'expérimenter - j'y insiste : il s'agit d'une expérimentation - les tribunaux des activités économiques.

Il s'agit de conférer à certains tribunaux de commerce, au nombre de neuf à douze, pendant quatre ans, une compétence étendue pour connaître de toutes les procédures amiables et collectives engagées par les acteurs économiques, quels que soient leur statut et leur domaine d'activité, à l'exception des avocats et des officiers ministériels.

Dans le cadre de ces TAE, une expérimentation complémentaire vous est proposée, à savoir l'instauration d'une contribution économique, dispositif déjà mis en oeuvre dans divers pays européens. Cette contribution constitue une ressource supplémentaire pour le service public de la justice, un moyen de lutte contre les recours abusifs, ainsi qu'une incitation à recourir à un mode amiable de règlement des différends. Elle permettra aussi de bénéficier de l'effet « marque », car, dans le monde économique, ce qui est gratuit est souvent perçu comme de moindre qualité. Cette contribution tient notamment compte de la capacité contributive du demandeur et du montant de la demande. Les bénéficiaires de l'aide juridique, les entreprises en difficulté et l'État en seront évidemment dispensés.

Une amélioration de l'organisation de nos juridictions doit aussi être opérée dans les politiques pénales prioritaires. Je pense bien sûr à la question de la lutte contre les violences intrafamiliales.

Madame la rapporteure Dominique Vérien, vous avez remis hier au Gouvernement un rapport de grande qualité, corédigé avec la députée Émilie Chandler, qui préconise une véritable adaptation de toutes les juridictions à ce contentieux de masse via la création de pôles spécialisés. J'y suis tout particulièrement favorable. Cette nouvelle organisation sera inscrite dans le code de l'organisation judiciaire par un décret qui vous sera transmis et qui sera pris à l'été. Je vous proposerai d'inscrire cette orientation dans le rapport annexé.

Un dernier exemple assez parlant de notre approche en matière d'organisation consiste en la possibilité accordée au chef de juridiction de désigner tout magistrat du siège pour exercer certaines attributions du juge des libertés et de la détention ne relevant pas de ses strictes attributions en matière pénale, comme les hospitalisations d'office ou le contentieux des étrangers. Cela permettra aux juridictions de renouer avec davantage de souplesse dans leur organisation en autorisant la participation d'un nombre plus important de magistrats du siège au traitement des atteintes aux libertés en dehors du champ pénal.

Le deuxième axe est celui de la modernisation des ressources humaines de la Chancellerie, magistrats et fonctionnaires.

L'idée est toute simple : nous souhaitons employer tous les leviers à notre disposition pour nous assurer non seulement que le plan de recrutement pourra être réalisé, mais surtout qu'il correspondra aux besoins du terrain.

Cette modernisation implique une adaptation de ces ressources à la réalité d'aujourd'hui, qui est notamment celle de la diversification des fonctions. Je pense par exemple au travail formidable réalisé par les contractuels dans toutes nos juridictions. Leur recrutement et l'engagement des magistrats et des greffiers ont permis de réduire les stocks d'affaires de près de 30 % dans les juridictions.

C'est pourquoi, en plus des recrutements massifs de magistrats et de greffiers, le projet de loi de programmation prévoit non seulement de pérenniser ces emplois, mais de les institutionnaliser par la création de la fonction d'attaché de justice.

Ces attachés de justice seront formés à l'École nationale de la magistrature (ENM) et prêteront serment. Ils participeront à la constitution d'une véritable équipe autour du magistrat - j'y reviendrai, mais cette équipe que nous appelons de nos voeux représente la véritable révolution à venir au sein de la justice.

Je précise d'ailleurs que le projet de loi de programmation prévoit également de « CDIser » tous les contractuels recrutés dans le cadre de la politique de justice de proximité. Ces renforts que d'aucuns craignaient éphémères deviennent, avec ce texte, durables et pérennes.

C'est cette même impulsion que nous souhaitons donner à l'administration pénitentiaire en lui conférant la faculté de recruter des surveillants adjoints par la voie contractuelle. Une telle disposition a fait ses preuves au ministère de l'intérieur ; il n'y a pas de raison que cela ne fonctionne pas dans la pénitentiaire, d'autant que ce recours aux contractuels est couplé à une revalorisation historique de la rémunération des surveillants. J'ajoute que, du point de vue de l'attractivité, le recrutement de contractuels permet d'embaucher des personnels au plus près des établissements pénitentiaires. On sait combien la mobilité géographique imposée par les concours à affectation nationale peut parfois détourner des candidats à la fonction publique.

Le chantier majeur de la modernisation des ressources humaines est bien sûr celui qui est contenu dans le projet de loi organique, c'est-à-dire la réforme du statut de la magistrature.

Il s'agit de la plus grande réforme de l'ordonnance statutaire depuis plus de vingt ans ; elle tourne autour de trois axes.

Premier axe : l'ouverture du corps judiciaire - recruter 1 500 magistrats va nécessiter de faciliter l'accès à la magistrature.

À cette fin, nous proposons la création de magistrats en service extraordinaire, mais également l'ouverture des recrutements : nous simplifions les différentes voies d'accès, notamment pour les avocats, et professionnalisons le recrutement via l'instauration d'un jury professionnel. Le maintien du principe du concours républicain nous garantira l'excellence du niveau de recrutement.

L'objectif est aussi d'assouplir les règles applicables aux magistrats à titre temporaire, qui font un travail absolument remarquable, dont nous avons besoin pour mettre en place la politique de l'amiable et pour renforcer les cours criminelles départementales.

Il s'agit également de simplifier certaines règles de gestion des ressources humaines : pérennisation des brigades de soutien de magistrats et de greffiers, qui font leurs preuves actuellement à Mayotte et en Guyane ; mise en place de priorités d'affectation pour les magistrats qui ont accepté de partir dans des territoires peu attractifs ; création d'un troisième grade permettant de maintenir des magistrats d'expérience dans les tribunaux de première instance, afin notamment d'améliorer la qualité des décisions qui y sont prises, conformément aux recommandations du rapport du comité des États généraux de la justice.

Le deuxième axe de la réforme statutaire repose notamment sur la modernisation du dialogue social et du mode de scrutin applicable aux élections au Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

Le dernier axe a trait à la responsabilité du corps judiciaire : je citerai l'élargissement des conditions de recevabilité des plaintes déposées devant le CSM par les justiciables contre des magistrats - jusqu'à présent, sur 2 500 plaintes, aucune n'a en définitive donné lieu à sanction - et des pouvoirs d'enquête dont dispose le CSM pour instruire ces plaintes, via la possibilité de saisir l'inspection générale de la justice.

Le troisième chantier de réforme est celui de la simplification d'un certain nombre de procédures : qu'elles soient civiles ou pénales, elles sont un facteur de complexité pour nos professionnels et d'éloignement entre le citoyen et la justice.

Vous le savez, en matière civile, je veux simplifier la procédure d'appel en réformant le décret Magendie et surtout faire enfin advenir la révolution de l'amiable, qui se fait tant attendre dans notre pays.

Ces réformes sont de niveau réglementaire ; mais je vous annonce que, comme je m'y étais engagé, je vous ferai parvenir cette semaine les projets de décret relatifs à la mise en place de la césure et de l'audience de règlement amiable.

J'y insiste, mon plan d'action est un tout cohérent, budgétaire, législatif et réglementaire. Il est essentiel à mes yeux que le Parlement puisse en avoir une vue d'ensemble.

En matière pénale, je souhaite que nous puissions lancer ensemble le chantier titanesque, si j'ose dire, de la simplification de la procédure pénale.

Il s'agit, dans un premier temps, de restructurer le code et de le toiletter dans le cadre d'un travail qui, à la suite de diverses consultations, notamment celle du président de votre commission, sera bien évidemment - les adverbes sont utiles ! - à droit constant. Voilà qui est d'ailleurs écrit noir sur blanc à l'article 2 du projet de loi de programmation.

L'objectif est de rendre plus lisible et plus clair le code de procédure pénale pour les professionnels, donc de réécrire des articles qui sont rédigés par renvois successifs à d'autres articles, de réorganiser l'ensemble des chapitres et de regrouper certains textes épars, pour éviter les erreurs procédurales.

Afin de garantir que cette réécriture se fera bien à droit constant, j'ai mis en place un comité scientifique, et je vous proposerai l'installation d'un groupe de liaison avec l'ensemble des groupes parlementaires et les présidents des commissions des lois de chacune des deux assemblées.

Je rappelle en outre que, lorsqu'une codification est faite à droit constant, elle est soumise à de nombreux contrôles, notamment de la part de la Commission supérieure de codification, dont Alain Richard est membre, et du Conseil d'État. Ces institutions imposent au Gouvernement de respecter la lettre de l'habilitation octroyée par le législateur, mais aussi son esprit.

Enfin, et je conclurai par là mon propos pour ce qui concerne la présentation des deux projets de loi soumis à votre examen, il vous est proposé une série de mesures concrètes immédiatement applicables.

Je pense par exemple à des mesures améliorant l'efficacité de l'enquête pénale, mais nous aurons le temps d'y revenir et vos questions seront sans doute pour moi l'occasion de répondre à un certain nombre d'inquiétudes qui sont, vous le verrez, sans fondement.

Je pense également à l'extension du champ des bénéficiaires des travaux d'intérêt général aux entreprises du secteur de l'économie sociale et solidaire ainsi qu'à l'extension du champ des infractions dont les victimes peuvent bénéficier d'une indemnisation.

Je pense enfin aux mesures relatives aux professions du droit, avec la dématérialisation des déclarations de créances dans le cadre des procédures collectives. La nouvelle plateforme qui a été mise en place permettra un suivi complet de la procédure, dont le coût sera extrêmement réduit pour le justiciable. Nous allons également accompagner la nouvelle profession de commissaire de justice afin qu'elle puisse prendre en charge, sous le contrôle du juge, le traitement des saisies des rémunérations, ce qui allégera considérablement le travail des greffiers.

D'autres professions réglementées du droit seront accompagnées dans leur modernisation : la réforme de la formation des avocats sera lancée et la base légale permettant aux greffiers des tribunaux de commerce de percevoir des honoraires libres, supprimée par erreur en 2016, sera rétablie.

Je n'ai pu entrer dans le détail de toutes les mesures, mais je suis certain que vos questions permettront d'éclairer un certain nombre de points.

J'en termine par un point essentiel de notre audition : la question des violences faites aux élus et de la réponse de la justice.

La démission d'un maire est évidemment toujours un échec collectif. Je veux à nouveau apporter mon soutien le plus total à tous nos élus, qui font un travail remarquable - don de soi, sens de l'intérêt général -, et je m'adresse aussi, bien sûr, au maire de Saint-Brevin-les-Pins.

S'attaquer à un maire, c'est s'attaquer à la République.

Mais je voudrais revenir sur ce que fait mon ministère depuis mon entrée en fonction.

Permettez-moi de citer tout d'abord, en matière législative, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui a créé un délit de révélation d'informations relatives à la vie privée ou professionnelle d'une personne investie d'un mandat électif.

Ensuite, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a interdit l'avertissement pénal probatoire pour les délits commis à l'encontre des élus.

Toujours dans le but de renforcer l'accompagnement et la protection des élus, la loi du 24 janvier 2023 présentée par Nathalie Delattre, que je veux ici saluer - nous y avons travaillé de concert -, a permis aux assemblées d'élus et aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d'un mandat électif public victime d'agression ainsi que sa famille.

Je n'ai pas été en reste pour ce qui est des instructions de politique pénale que j'ai adressées aux procureurs. Dans mes circulaires du 7 septembre 2020 et du 15 décembre 2020, j'ai réaffirmé l'importance qui s'attache à la mise en oeuvre d'une politique pénale empreinte de volontarisme, de fermeté et de célérité et d'un suivi judiciaire renforcé des procédures pénales concernant les élus, afin que ceux-ci soient soutenus dans leur action quotidienne et qu'ils puissent la conduire sereinement. J'ai ainsi demandé aux parquets une réponse pénale rapide et systématique en privilégiant les défèrements et, pour les faits les plus graves, la comparution immédiate.

De même, un magistrat de chaque parquet a été désigné pour être l'interlocuteur privilégié des élus du ressort. Des juristes assistants ont également été recrutés en nombre pour être les petites mains de la justice de proximité, traits d'union entre le maire et le procureur local.

Dans ma nouvelle circulaire de politique pénale générale, datée du 20 septembre 2022, j'ai demandé avec force aux parquets de poursuivre le renforcement des échanges avec les élus, et en premier lieu avec les maires et les présidents des conseils départementaux.

Voici les chiffres : d'après les remontées d'information, depuis 2018, le taux de poursuite des parquets est de 95 % en cas d'atteinte aux élus ; lorsque l'infraction est caractérisée et qu'un auteur a été identifié, 100 % des mis en cause poursuivables ont fait l'objet d'une réponse pénale, à 92 % sous la forme d'une poursuite devant le tribunal correctionnel - c'est 10 points de plus que pour les autres victimes. Une peine de prison a été prononcée dans 84 % des cas de condamnation contre les auteurs d'agressions ayant visé un maire.

Dans cette affaire particulière de Saint-Brevin-les-Pins, la justice locale n'a pas été aux abonnés absents ; je tiens à vous en dire deux mots, même si, l'enquête étant toujours en cours, il m'est interdit de la commenter.

Ainsi, dès réception du courrier adressé par le maire de Saint-Brevin à la procureure de Nantes le 15 février, la procureure de Saint-Nazaire a informé téléphoniquement le directeur de cabinet du maire que cette affaire relevait de sa compétence territoriale. Et sa collègue de Nantes a envoyé dès le 21 février 2023 à Yannick Morez une lettre l'informant de la transmission de son courrier au parquet de Saint-Nazaire, pour compétence, selon la formule consacrée.

À la suite de la transmission du courrier par son homologue nantais, la procureure de la République de Saint-Nazaire a adressé au maire, le 27 février 2023, un courrier lui faisant savoir sa décision d'ouvrir une enquête confiée à la brigade de recherche de Pornic.

Enfin, après l'incendie criminel du 22 mars, la procureure de Saint-Nazaire a eu personnellement le maire au téléphone, lui communiquant son numéro de téléphone portable personnel. Ce dossier est actuellement traité par le pôle criminel de Nantes avec toutes les capacités d'investigation dont il dispose.

Conformément à mes instructions générales, les parquets locaux ont donc toujours été en contact avec ce maire menacé et ont pris très au sérieux ces faits en ouvrant immédiatement des enquêtes qui, je l'espère, vont aboutir très prochainement.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Voici venu le temps de la mise en oeuvre législative des dispositions issues des concertations conduites dans le cadre des États généraux de la justice. Nous abordons là le sixième texte de réforme de la justice depuis 2017. Ces projets de loi embrassent l'ensemble des mesures attendues pour redonner confiance dans l'institution judiciaire et combattre le mal-être qui existe actuellement au sein de nos juridictions.

Parmi les recrutements inscrits à l'article 1er du projet de loi d'orientation et de programmation - je pense notamment aux 1 500 magistrats -, combien auront lieu par la voie professionnelle ? La suspension des quotas applicables à cette voie jusqu'en 2028 est-elle véritablement utile pour atteindre l'objectif fixé ? Qu'en est-il de l'évaluation de la charge des magistrats, qui permet de mieux définir les besoins réels des juridictions ? Comment les 6 395 emplois qui ne le sont pas encore seront-ils pourvus ?

Deuxième sujet : l'équipe autour du magistrat. Comment cette équipe va-t-elle s'articuler avec les greffes ? Quels seront les profils particuliers des attachés de justice ?

Troisièmement, concernant l'habilitation à légiférer par voie d'ordonnance prévue à l'article 2, comment entendez-vous à droit constant simplifier le code de procédure pénale ?

Quatrièmement, pour ce qui est des mesures inscrites à l'article 3, pourquoi n'avez-vous pas été jusqu'au bout des préconisations du rapport du comité des Etats généraux de la justice en faisant du témoin assisté la voie de droit commun et de la mise en examen la voie secondaire ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir introduit dans le rapport annexé le principe de la création de pôles spécialisés dans le traitement des violences intrafamiliales, mesure qu'Émilie Chandler et moi-même avions proposée dans notre rapport. Nous ne pouvons que nous en satisfaire : nous avons été entendues.

Quel type d'organisation envisagez-vous pour ces pôles ? Je me permets de vous le signaler : la procureure de Châlons-en-Champagne, dont vous connaissez l'engagement en la matière, attend toujours l'autorisation de remplacer la chargée de mission qui coordonnait pour elle jusqu'au mois de février le travail des différents acteurs concernés sur le sujet des violences intrafamiliales. Dans notre rapport, nous préconisions d'ailleurs - il s'agit de notre recommandation 58 - un véritable pilotage de cette politique au sein du ministère de la justice afin de veiller au déploiement effectif des mesures mises en place.

Ma deuxième question a trait à l'expérimentation des tribunaux des activités économiques et à la création d'une contribution pour la justice économique. Son montant serait au maximum de 5 % du montant du litige, dans la limite de 100 000 euros. Notons cependant que dans un tel cadre il pourra arriver qu'une petite entreprise confrontée à un sinistre immobilier doive s'acquitter de 50 000 euros pour avoir seulement le droit d'ester en justice. Il est certes prévu une modulation en fonction de la capacité contributive de la partie demanderesse, mais nous n'avons aucun détail concernant le projet de décret afférent.

Un mot sur l'article 17 relatif aux saisies des rémunérations, dont vous souhaitez confier la responsabilité aux commissaires de justice : il est vrai que cela va probablement soulager les greffiers ; pour autant, tout travail méritant salaire, on peut supposer que ces commissaires de justice seront rémunérés pour ces actes. S'agissant d'un cadre non concurrentiel, donc d'honoraires encadrés, avez-vous déjà une idée du montant ?

Vous souhaitez par ailleurs donner à n'importe quel juge civil de la juridiction la possibilité d'exercer les compétences du juge des libertés et de la détention. Ne serait-il pas possible d'orienter tout ce qui a trait aux hospitalisations d'office vers le juge des contentieux de la protection ? Le droit des étrangers ne relève-t-il pas d'une justice spécialisée ? Tout juge civil est-il apte à exercer de telles compétences ?

M. Jean-Pierre Sueur. - Je note, premièrement, qu'il n'est jamais question de régulation carcérale : vous laissez penser que la seule réponse possible est dans la construction de prisons. Mais un rapport récent montre que, historiquement, à mesure qu'on a construit davantage de prisons, le problème de la surpopulation s'est aggravé. Si l'on choisit de ne pas opter pour la régulation, donc de ne pas aller dans le sens préconisé par les États généraux de la justice, je crains que l'on échoue à répondre au problème. Or tel serait précisément l'objet d'une loi de programmation que de prévoir les modalités d'une telle régulation. Votre pensée à ce propos a-t-elle évolué, monsieur le ministre ?

Je souhaite vous interroger, deuxièmement, sur une décision toute récente, du 12 mai dernier, de la Cour de cassation au sujet de la compétence universelle du juge français. Avec Jean-Yves Le Drian, alors ministre des affaires étrangères, vous aviez publié un communiqué dans lequel vous vous engagiez, dans l'hypothèse où la jurisprudence évoluerait, à en tirer les conséquences législatives, en une forme d'inversion de la logique habituelle. L'hypothèse s'étant réalisée, il serait bon que vous le fassiez. Envisagez-vous que ces projets de loi servent de véhicule pour cette décision relative à la compétence universelle, donc à la fin de la double infraction, ou avez-vous l'idée d'un autre vecteur législatif ?

Mme Cécile Cukierman. - Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, pour cette présentation très complète.

Vous remplacez la nomination sur titre des magistrats judiciaires par un nouveau concours. Or des inquiétudes pèsent sur la qualité de ce concours, la formation prévue étant très réduite, d'une durée de douze mois. Les solutions miracles sont souvent des solutions mirages, avez-vous dit : ne craignez-vous pas qu'en voulant remédier à la lenteur de la justice on opte pour la quantité au détriment de la qualité ? Dans cinq ou six ans pourrait se poser un problème d'indépendance, de formation et d'efficacité de ces nouveaux magistrats... Il faut avant tout réconcilier les citoyens avec la justice et restaurer leur confiance envers une institution qui est parfois fortement décriée.

Vous proposez, à l'article 15 du projet de loi d'orientation et de programmation, de transférer aux juges non spécialisés certaines compétences civiles du juge des libertés et de la détention (JLD). Cette mesure relève de la gestion de crise : quid de la perte de sens de la fonction du JLD ?

Concernant la réforme de la procédure pénale, comment justifiez-vous l'extension des perquisitions de nuit aux crimes flagrants de droit commun ? Le droit en vigueur n'est-il pas amplement suffisant pour collecter les preuves ? La banalisation d'une procédure pénale d'exception ne risque-t-elle pas de contrevenir à l'équilibre indispensable en démocratie entre protection de l'ordre public et protection de la vie privée des justiciables ?

M. Guy Benarroche. - En déjudiciarisant la saisie des rémunérations, on supprime la conciliation qui existait en la matière entre les parties et le juge. Or, dans le rapport annexé, il est préconisé de développer toutes les procédures de conciliation. N'y a-t-il pas là une contradiction ?

Je m'interroge par ailleurs sur le système d'information de l'aide juridictionnelle et la mise en place du site internet justice.fr : sera-t-il possible malgré tout, pour les justiciables qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas effectuer leurs demandes par la voie dématérialisée, de les présenter par voie papier ?

Concernant les travaux d'intérêt général réalisés dans le secteur privé, une expérimentation est en cours depuis la publication du décret du 26 décembre 2019. Le Gouvernement devait remettre au Parlement un rapport procédant à l'évaluation de cette expérimentation six mois avant sa fin ; or ce rapport n'a pas été publié et vous envisagez de généraliser l'expérimentation aux personnes morales relevant de l'économie sociale et solidaire et de l'étendre aux sociétés dont les statuts leur assignent des objectifs sociaux et environnementaux. Nous sera-t-il possible de disposer de ce rapport avant l'examen des projets de loi ?

Mme Laurence Harribey. - Je m'associe aux remarques de mes collègues concernant le volet carcéral : un seul article dans une loi de programmation, c'est peu, compte tenu des problèmes et des besoins.

Pour ce qui est de la lutte contre les violences intrafamiliales, êtes-vous prêt à accepter l'intégration dans le texte, lors de sa discussion au Sénat, d'un certain nombre d'amendements visant à préciser les contours de ces pôles spécialisés ou à instituer un délai de 24 heures pour la délivrance d'une ordonnance de protection ?

En matière de formation des magistrats, si la diversification des recrutements peut être une garantie de qualité, la durée de la formation apparaît insuffisante : êtes-vous prêt à modifier cette durée pour les recrutements directs ?

Quant à l'évaluation à 360 degrés, elle pose question, car aucune expérimentation n'a été menée. Quelle sera la composition de la commission d'évaluation ?

À propos des juristes assistants, vous avez parlé de « révolution » : constituer une équipe autour du juge, c'est en effet très novateur, mais ce dispositif ne réussira que si ces juristes sont focalisés sur une fonction d'appui au juge et ne deviennent pas les supplétifs tous azimuts d'une institution qui manque de moyens. Êtes-vous prêt à définir précisément leurs missions ?

Mme Maryse Carrère. - En tant que présidente de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France, dont le rapporteur est Mathieu Darnaud, je souhaite revenir sur l'affaire de Saint-Brevin-les-Pins. Je vous remercie pour les précisions que vous avez d'ores et déjà apportées, monsieur le garde des sceaux. Avez-vous eu connaissance de la demande de protection rapprochée que le maire avait formulée ? Avait-elle été prise en considération ?

Au gré de nos déplacements et de nos auditions, nous avons auditionné des maires qui ont été victimes d'agressions ou de menaces ; tous déplorent que les délais d'instruction de leurs affaires soient trop longs et les réponses pénales parfois inadaptées.

La prise en considération de pareilles agressions est-elle identique sur tout le territoire ? Nous avons eu connaissance d'une initiative intéressante prise par un procureur dans son ressort : il a consacré une boîte mail spécifique à ses échanges avec les maires sur ces sujets de violences faites aux élus et la relève lui-même tous les jours.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Madame Canayer, si le quota de recrutement de 50 % d'externes est suspendu jusqu'en 2028, c'est tout simplement parce que nous avons besoin de souplesse. À défaut, nous ne parviendrons pas à recruter 1 500 magistrats d'ici 2027, ce qui est quand même le but !

Pourquoi ne fait-on pas du témoin assisté la règle ? Le témoin assisté a actuellement moins de droits que le mis en examen, alors qu'il n'existe pas d'indices graves et concordants corroborant sa participation aux faits incriminés. L'idée était donc de renforcer ses droits afin qu'il accède à davantage de contradictoire, dans l'espoir que la procédure aille à son terme plus rapidement. Si l'on fait des mis en examen des témoins assistés, l'évolution ne sera guère que cosmétique. Inspiré par mon expérience d'avocat, j'ai souhaité, quant à moi, renforcer les droits du témoin assisté.

Pour ce qui est de la simplification des voies de recrutement, le véritable changement a trait à la suppression des anciennes voies d'accès latérales, qui sont remplacées par un concours professionnel unique. Toutes les personnes recrutées par cette voie se verront offrir une formation probatoire. Nous voulions par ailleurs maintenir les équilibres entre les modes de recrutement et permettre l'arrivée rapide des nouveaux entrants dans les juridictions.

Dans le cadre des États généraux de la justice, exercice démocratique réussi, nous avons recueilli 1 million de contributions : ce qui revient de manière insistante, c'est la lenteur de la justice. L'objectif est de diviser par deux le temps de procédure et nous nous en donnons les moyens - vous le verrez en prenant connaissance des mesures relatives à l'amiable contenues dans le volet réglementaire de cette réforme. Aux Pays-Bas, par exemple, on cultive l'amiable à hauteur de 80 % - nous sommes, nous, aux alentours de 1 %... - et on y enregistre deux fois plus de contentieux civil réglé en deux fois moins de temps.

Concernant la répartition des emplois, nous ne souhaitons pas graver dans la loi le recrutement qui sera fait sur les années 2024 à 2027 afin de conserver un peu de flexibilité dans l'allocation de nos moyens et de répondre aux besoins exprimés au plus proche du terrain.

Quant à la place du greffier dans l'équipe autour du magistrat, elle est absolument essentielle : le rôle des greffiers, garants du respect de la procédure, ne saurait être confondu avec celui des attachés de justice ; mais ils vont intégrer cette équipe.

Les magistrats se sont exprimés, dans la « tribune des 3 000 » notamment, évoquant la solitude du magistrat. L'équipe permet de régler cette question, mais aussi d'aller plus vite. Affecter un attaché de justice auprès d'un magistrat, nous le savons, c'est diviser par deux le temps que ce dernier prend pour rendre une décision. De surcroît, nous aurons là un vivier : les jeunes qui seront recrutés sur ces postes seront totalement intégrés, via la prestation de serment, à la grande famille judiciaire ; peut-être deviendront-ils plus tard magistrats. Songez à ce qui s'est passé avec les contractuels, à propos desquels c'est la circonspection qui dominait au début : les chefs de juridiction nous ont demandé de les pérenniser, ce que nous avons fait.

Madame Vérien, je rappelle que nous allons créer un pôle spécialisé dans le traitement des violences intrafamiliales dans chaque juridiction, avec un coordonnateur du siège, un coordonnateur du parquet, des magistrats référents, le renfort d'attachés de justice CDIsés et formés, des audiences spécialisées. Votre rapport a été remis, le texte de loi arrive au Sénat ; cela tombe bien, mais parfois le hasard fait bien les choses - il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous, écrivait Éluard !

La contribution pour la justice économique est expérimentale : nous verrons bien. Sur les grandes places commerciales, le service qui consiste à trancher les litiges est payant ; et beaucoup d'entrepreneurs se défient de notre justice parce qu'elle est gratuite - curieux réflexe, mais c'est ainsi. Les recettes d'une telle contribution viendraient abonder le budget de l'État et le garde des sceaux, au moment de la préparation du budget, pourrait faire valoir auprès de Bercy que la justice ne fait pas que coûter, mais qu'elle rapporte beaucoup d'argent ! Le barème tiendra évidemment compte du montant de la demande, de la nature du litige, de la capacité contributive du demandeur : le sens de cette disposition n'est absolument pas de faire payer les petites entreprises...

Pour ce qui est du transfert des opérations de saisie des rémunérations aux commissaires de justice, il présente un véritable intérêt pour les greffiers, dont il faut alléger le travail : il s'agit d'une tâche répétitive. Toutes les garanties seront prises, notamment liées à la désignation du commissaire de justice répartiteur : il ne faut pas que cela coûte plus cher qu'auparavant, et vous aurez très prochainement communication de ces éléments relatifs au coût de l'intervention du commissaire de justice.

Monsieur Sueur, à propos des prisons, vous faites le bilan suivant : plus on en construit, plus on les remplit. Pour tout vous dire, ces propos me laissent dubitatif... On compte actuellement 73 000 détenus pour 60 000 places. Il n'y a pas cinquante solutions : on peut certes choisir de libérer plus de 10 000 détenus, envoyés en prison par des magistrats indépendants dans le cadre de leur liberté juridictionnelle, mais il faut en assumer la responsabilité. Je ne suis d'ailleurs pas certain que cela ne provoque pas une révolution.

On peut aussi décider de construire des prisons. La moitié des établissements pénitentiaires du programme « 15 000 places » seront sortis de terre et opérationnels à la fin de l'année 2024. J'inaugurerai déjà dix établissements supplémentaires d'ici la fin de 2023.

Lorsque Nicole Belloubet a libéré des détenus, en pleine pandémie, elle a eu raison de le faire, parce que la promiscuité carcérale risquait de causer une catastrophe. Voyez les polémiques que cela a déclenché, on en parle encore aujourd'hui. Prendre une telle décision, c'est s'exposer à ce que l'extrême droite s'en empare !

Cela dit, on ne saurait résumer notre politique de réduction de la surpopulation carcérale à la construction d'établissements pénitentiaires.

Dans le texte que je soumets à votre appréciation, nous étendons le champ des travaux d'intérêt général. Par ailleurs, nous avons mis en place, au 1er janvier de cette année, la libération sous contrainte. Cet outil est tout nouveau, attendons de voir ce qu'il donne.  Cette décision, je le rappelle, est prise par un magistrat. Lorsque l'on peut écourter une peine parce que toutes les garanties d'insertion sont réunies, il faut le faire, en tâchant d'éviter les sorties sèches, dont on sait qu'elles sont génératrices de récidives. Le calcul doit être fait à très long terme. Si le détenu, une fois sa peine purgée, sort de prison sans travail ni logement, chacun sait bien, statistiquement, où cela finira.

Au chapitre de la régulation, j'ajouterai le contrat d'emploi pénitentiaire, qui est susceptible de porter ses fruits et de prévenir la récidive.

Vous m'interrogez sur la jurisprudence de la Cour de cassation : je me félicite de l'arrêt rendu le 12 mai dernier par son assemblée plénière, qui clarifie l'appréciation de la condition de double incrimination, dont l'interprétation avait été durcie par l'arrêt Chaban. Il devrait permettre aux procédures en cours concernant les crimes commis en Syrie de prospérer. J'ai pris également note de la proposition de loi déposée par le député Gouffier-Cha, qui vise à clarifier dans la loi le critère de la double incrimination. Nous en reparlerons.

- Présidence de Mme Catherine Di Folco, vice-présidente -

M. Jean-Pierre Sueur. - Serait-il possible d'intégrer ces dispositions dans le présent texte ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je ne suis pas convaincu que l'on ne se heurte pas à quelque problème majeur de recevabilité...

Tous ceux qui sont préoccupés par cette question de la compétence universelle des juridictions françaises ont lu cet arrêt ; il y aura à ce propos des initiatives parlementaires.

M. Jean-Pierre Sueur. - Un vote du Sénat a eu lieu voilà dix ans !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Sans doute, mais je n'étais pas là il y a dix ans !

Madame Cukierman, je précise que l'autorisation des perquisitions de nuit ne s'appliquera pas à toutes les infractions. Par ailleurs, la situation actuelle est la suivante : lorsqu'une personne est suspectée d'avoir commis un crime, deux policiers ou deux gendarmes stationnent toute la nuit devant la porte de son domicile. La protection du domicile n'est alors plus que symbolique, car sitôt la porte franchie le suspect sera interpellé. De surcroît, tous ceux qui participent à la mise en oeuvre de justice ont évoqué, lorsque je les ai consultés, le risque d'un nettoyage des lieux. Dans le régime actuellement en vigueur, si une victime encore en vie se trouve au domicile du suspect, à supposer qu'il soit 23 heures, les policiers doivent attendre toute la nuit avant de perquisitionner... Les motifs de cette disposition sont donc purement pratiques.

Ces questions sont évidemment importantes : elles ne m'échappent pas et je suis, comme vous, très attaché aux libertés individuelles. Mais, en la matière, le juge des libertés et de la détention est là pour ordonner ou ne pas ordonner, et son intervention est soumise à un certain nombre de règles et de garanties.

J'en viens, précisément, aux JLD. Nous avons organisé deux grandes vagues de concertation. Des JLD nous ont dit qu'ils avaient trop de contentieux à traiter entre celui qu'ils tirent du code de procédure pénale et les tâches que leur a confiées le Conseil constitutionnel. Notre credo est de faire confiance aux acteurs de terrain. Pourquoi le chef de juridiction, avec son ou ses JLD, ne répartirait-il pas le travail en sollicitant d'autres magistrats ? Je ne crois pas du tout que ces matières soient trop complexes pour être traitées de cette façon. Une partie du contentieux des étrangers fait déjà l'objet d'un tel traitement. Et l'ENM sert à cela, à former les magistrats au regard des évolutions qui peuvent intervenir dans les modalités d'exercice de leurs missions.

En tout état de cause, madame la Sénatrice, imaginez-vous une seconde un chef de juridiction confiant ce contentieux-là à un magistrat qui n'y connaît rien ? Non, le chef de juridiction ira chercher le magistrat dont il estime qu'il est le meilleur pour traiter ce contentieux. C'est aussi cela faire confiance aux acteurs de terrain. Ainsi se donne-t-on les moyens d'alléger la charge de certains JLD. Quant aux autres, ils pourront conserver l'intégralité de leurs compétences.

Monsieur Benarroche, il restera bien sûr possible de demander l'aide juridictionnelle par papier. Au passage, je précise que l'application que je vous ai suggéré de télécharger permet de savoir si l'on est éligible à l'aide juridictionnelle, de simuler le montant d'une pension alimentaire ou de consulter 8 000 fiches thématiques relatives, par exemple, au changement de nom. Voilà de la justice de proximité, voilà qui parle à nos compatriotes !

Vous me direz que tout le monde n'a pas de téléphone portable mais le papier demeure, bien sûr, et il est possible de demander des renseignements dans les plus de 2 000 « points justice » répartis sur le territoire. L'accès de nos compatriotes les plus défavorisés à la justice n'a donc pas été négligé.

La justice amiable, que nous promouvons par la voie réglementaire, permet d'ailleurs à des justiciables de rencontrer leurs juges. S'agissant de contentieux qui peuvent toucher à l'intime, comment voulez-vous aimer la justice si elle n'est pas incarnée à vos yeux ?

Quant au rapport d'évaluation sur l'expérimentation relative aux travaux d'intérêt général dans les sociétés qui se fixent des objectifs sociaux et environnementaux, il a été transmis en septembre. Nous allons vous le faire parvenir.

Madame Harribey, vous faites état d'une inquiétude quant à l'évaluation des chefs de cour. Le contenu de cette évaluation, je veux le construire avec le nouveau Conseil supérieur de la magistrature en préservant l'indépendance des magistrats et en en excluant l'activité juridictionnelle, laquelle, dans notre belle démocratie, ne concerne en rien le garde des sceaux. Une large concertation sera effectuée. Nous avions d'ailleurs déjà envisagé, à titre expérimental, l'évaluation des chefs de cour. À mesure que la déconcentration suit son chemin, ils vont avoir de nouvelles tâches à exercer. Il faut donc qu'ils puissent être évalués car avoir davantage de prérogatives sur le terrain exige de rendre des comptes. Tel est le prix de la déconcentration. Des formations managériales seront d'ailleurs organisées à l'ENM.

Je dis un mot de l'article 2 et de la recodification du code de procédure pénale. Sous simplifions sans toucher en rien aux équilibres existants. Aujourd'hui, dans le code, certains textes ne se lisent que par renvoi à quatre autres. Il faut donc en lire cinq pour trouver la « solution », bonjour le cluedo. Le code étant devenu illisible, n'est-il pas possible de le réécrire en conservant exactement les mêmes solutions que dans la version antérieure ? Ces chausse-trappes produisent nullités, incompréhension, difficultés. Toutes les forces de sécurité intérieure appellent à une simplification du code de procédure pénale ! J'en ai deux versions sur mon bureau, l'une de 1959, l'autre de 2023 ; comparez les épaisseurs respectives... Simplifier, c'est tout réordonner en un bel outil sans en toucher le fond.

Toutes les garanties sont prévues, à commencer par l'habilitation. Vous regarderez ce que nous vous proposerons,  et je sais que les sénateurs savent dire non. Un comité scientifique est créé, un suivi parlementaire organisé. À la fin de la procédure, un nouveau contrôle aura lieu au moment d'examiner le projet de loi de ratification, en sachant que l'excellent sénateur Richard et le Conseil d'État veilleront tout du long. C'est un boulot titanesque que d'accomplir cette simplification, qui n'est, je le rappelle, pas une modification. L'outil qui en sortira, tout le monde l'attend !

J'ajoute que le Conseil d'État, dans son avis, ne tique pas là-dessus. Ce n'est pas rien, c'est même une très belle garantie. Que le garde des sceaux s'échine à dire que la recodification se fera à droit constant, j'entends que cela puisse susciter votre circonspection ; mais le Conseil d'État ? Vous serez ceux qui contrôleront ce travail consistant à rendre lisible un outil qui est devenu illisible. La tâche est si complexe, je le précise, que le comité scientifique souhaite disposer, pour la mener à bien, de dix-huit mois ou deux ans.

M. Alain Richard. - Je complète le propos du ministre : il est très important que vous nous communiquiez dès maintenant le texte de l'amendement que vous comptez déposer à l'article d'habilitation pour créer un comité de suivi parlementaire. Envoyez-nous un projet « martyr » sur les modalités de désignation des membres de ce comité !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je n'y vois aucun inconvénient ; qu'en pensent vos rapporteurs ? Il y a longtemps que je plaide pour un tel suivi parlementaire.

M. Alain Richard. - J'y insiste. Le débat a eu lieu très souvent lors de l'examen de textes d'habilitation, et jamais les gouvernements successifs n'ont mis en place une telle concertation. Si j'avais l'esprit malin, je dirais que le secrétariat général du Gouvernement y est sans doute pour quelque chose... Il me semble que, sur un sujet aussi délicat que celui-là, il vaut mieux, une fois n'est pas coutume, matérialiser dans la loi la relation de confiance entre l'exécutif et le législateur.

Mme. Catherine Di Folco, présidente. - Je vous remercie. La commission examinera ces textes lors de sa réunion du 31 mai prochain.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ministère de la justice

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL

Mme Carine Chevrier, secrétaire générale

M. Philippe Clergeot, directeur, secrétaire général adjoint

DIRECTION DES SERVICES JUDICIAIRES

M. Paul Huber, directeur des services judiciaires

Mme Soizic Guillaume, sous-directrice des ressources humaines de la magistrature

M. Frédéric Trinh, sous-directeur de l'organisation judiciaire et de l'innovation

M. Marc-Antoine Moreau, adjoint au chef du bureau du droit de l'organisation judiciaire

Mme Delphine Yeponde, cheffe du bureau du statut et de la déontologie

DIRECTION DES AFFAIRES CRIMINELLES ET DES GRÂCES (DACG)

M. Olivier Christen, directeur

Mme Elise Barbe, sous-directrice de la négociation et de la législation pénales

M. Francis Le Gunehec, directeur de projet « refonte du code de procédure pénale »

M. Romain Lemoel, magistrat rédacteur au sein de la direction de projet « refonte du code de procédure pénale »

Mme Joséphine Pibault, magistrate rédactrice au sein du bureau de la législation pénale générale

DIRECTION DES AFFAIRES CIVILES ET DU SCEAU (DACS)

M. Rémi Decout-Paolini, directeur

Mme Joanna Ghorayeb, sous-directrice du droit économique

Mme Emmanuelle Masson, sous-directrice des professions judiciaires et juridiques

Mme Céline Boniface, cheffe du bureau du droit processuel et du droit social

Mme Florence Gainot, adjointe à la cheffe du bureau du droit de l'économie des entreprises

DIRECTION DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE (DAP)

M. Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Ministère de l'intérieur et des outre-mer

DIRECTION GÉNÉRALE DE LA GENDARMERIE NATIONALE (DGGN)

M. André Petillot, major général

DIRECTION GÉNÉRALE DE LA POLICE NATIONALE (DGPN)

M. Frédéric Veaux, directeur général

Mme Charlotte Huntz, adjointe à la conseillère judiciaire

Conseil d'État

M. Thierry-Xavier Girardot, secrétaire général

Cour des comptes

Mme Maïa Wirgin, secrétaire générale

Mme Marie Dussol, directrice des affaires juridiques

Mme Sophie Onado, directrice-adjointe des ressources humaines

M. Alexandre Brodu, chargé de mission chambres régionales des comptes

Cour de cassation

M. Christophe Soulard, premier président

M. François Molins, procureur général

Conseil supérieur de la magistrature

M. Xavier Serrier, secrétaire général

Cour d'appel de Lyon

Mme Catherine Pautrat, première présidente

Mme Fabienne Klein-Donati, procureure générale

Mme Catherine Dubost, substitut générale membre du comité scientifique sur la réforme de la procédure pénale

M. Hervé Desvignes, directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire

Table ronde des chefs de cours d'appel

CONFÉRENCE NATIONALE DES PREMIERS PRÉSIDENTS DE COUR D'APPEL

Mme Isabelle Gorce, présidente, première présidente de la cour d'appel de Bordeaux

CONFÉRENCE NATIONALE DES PROCUREURS GÉNÉRAUX DE COUR D'APPEL

M. Eric Corbaux, membre du bureau, procureur général près la cour d'appel de Poitiers,

Table ronde des chefs de tribunaux judiciaires

CONFÉRENCE NATIONALE DES PRÉSIDENTS DES TRIBUNAUX JUDICIAIRES

M. Benjamin Deparis, président, président du tribunal judiciaire de Nanterre

M. Bertrand Menay, secrétaire général adjoint, président du tribunal judiciaire de Versailles

CONFÉRENCE NATIONALE DES PROCUREURS DE LA RÉPUBLIQUE

Mme Solène Belaouar, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Périgueux

M. Raphaël Balland, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Béziers

Table ronde des organisations syndicales d'avocats

CONFÉDÉRATION NATIONALE DES AVOCATS (CNA)

Mme Valérie Rosano, avocate au Barreau de Paris et présidente de la section parisienne de la CNA

SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE (SAF)

Mme Claire Dujardin, présidente

M. David Van Der Vlist, ancien secrétaire général

FÉDÉRATION NATIONALE DES UNIONS DES JEUNES AVOCATS (FNUJA)

Mme Anne-Laure Casado, présidente de l'UJA de Paris

Mme Laure Ben Kemoun, responsable de la commission pénale de l'UJA de Paris

MANIFESTE DES AVOCATS COLLABORATEURS (MAC)

M. Avi Bitton, avocat

AVOCATS, ENSEMBLE (ACE)

M. Emmanuel Raskin, président

Table ronde des organisations professionnelles d'avocats

CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX

M.  Jérôme Gavaudan, président

Mme Anne-Charlotte Varin, directrice des affaires publiques

CONFÉRENCE DES BÂTONNIERS

M. Bruno Blanquer, président

BARREAU DE PARIS

M. Olivier Laude, membre du conseil de l'ordre

Table ronde des associations de magistrats

ASSOCIATION FRANÇAISE DES MAGISTRATS DE LA JEUNESSE ET DE LA FAMILLE (AFMJF)

Mme Gisèle Delcambre, vice-présidente du tribunal pour enfants de Lille

ASSOCIATION FRANÇAISE DES MAGISTRATS INSTRUCTEURS (AFMI)

Mme Marion Cackel, présidente, magistrate instructeur au tribunal judiciaire de Lille,

Mme Lucie Delaporte. vice-présidente chargée de l'instruction au tribunal judiciaire de Bobigny

ASSOCIATION DES MAGISTRATS FRANÇAIS POUR LA JUSTICE CIVILE (AMFJC)

M. Manuel Carius, vice-président placé à la cour d'appel de Montpellier, co-président de l'association

M. Clément Bergère-Mestrinaro, président du tribunal judiciaire de Sens, co-président de l'association

Table ronde des organisations professionnelles des syndicats pénitentiaires

SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEMBLE DES PERSONNELS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE - FÉDÉRATION SYNDICALE UNITAIRE (SNEPAP-FSU)

Mme Estelle Carraud, secrétaire générale, appartenant au corps des conseillers et conseillères pénitentiaire d'insertion et de probation (CPIP)

M. André Blanc, secrétaire général adjoint, appartenant au corps des directeurs et directrices pénitentiaire d'insertion et de probation (DPIP)

SYNDICAT FORCE OUVRIÈRE JUSTICE

Mme Valérie Vaissie, membre élue de la commission exécutive

M. Yoan Karar, secrétaire général adjoint

M. Arnaud Schade, membre élu de la commission exécutive

UFAP UNSA JUSTICE

M. Emmanuel Chambaud, surveillant à la maison d'arrêt de Lyon Corbas, secrétaire général de l'UFAP-UNSa Justice

M. Luciano Ducceschi, capitaine au centre de détention d'Oermingen

Table ronde des syndicats de magistrats

SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE

Mme Kim Reuflet, présidente

M. Laurent Desgouis, secrétaire national

UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS (USM)

M. Ludovic Friat, président

Mme Natacha Aubeneau, membre du bureau, secrétaire nationale et rédactrice en chef

Mme Fabienne Averty, membre du bureau et secrétaire nationale

UNITÉ MAGISTRATS - SNM FO

Mme Béatrice Brugère, secrétaire générale

Mme Delphine Blot, déléguée

Table ronde des organisations de personnels de greffe et personnels judiciaires

CGT DES CHANCELLERIES ET SERVICES JUDICIAIRES

M. Ferréol Billy, secrétaire national

FÉDÉRATION CFDT INTERCO JUSTICE

Mme Laurence De Susanne, secrétaire fédérale

M. Guillaume Grassaud, secrétaire général

M. Pierre Gardier, magistrat

SYNDICAT DES GREFFIERS DE FRANCE-FO

Mme Isabelle Besnier-Houben, greffière au tribunal judiciaire de Caen

M. Jean-Jacques Pieron, greffier au tribunal judiciaire de Vannes

UNSA SERVICES JUDICIAIRES

M. Vincent Rochefort, directeur de service de greffe, secrétaire général adjoint

Mme Brigitte Bruneau-Berchere, directrice service de greffe, secrétaire nationale

Table ronde des organisations représentant les professions des tribunaux de commerce

CONFÉRENCE GÉNÉRALE DES JUGES CONSULAIRES DE FRANCE

M. Michel Peslier, président, président du tribunal de commerce de Laval

M. Xavier Aubry, vice-président, président du tribunal de commerce de Versailles

Mme Chryssanthi Guillon, collaboratrice

CONSEIL NATIONAL DES GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE

M. Thomas Denfer, président

Mme Karla Aman, conseillère affaires publiques

Table ronde des acteurs judiciaires de la justice économique

CONSEIL NATIONAL DES ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ET DES MANDATAIRES JUDICIAIRES (CNAJMJ)

M. Frédéric Abitbol, président

M. François-Charles Desprat, vice-président

M. Alain Damais, directeur général

M. Alexandre de Montesquiou, consultant

ASSOCIATION SYNDICALE PROFESSIONNELLE D'ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES (ASPAJ)

M. Christophe Thevenot, président de l'ASPAJ Paris

Table ronde de présidents des tribunaux judiciaires dotés d'une chambre commerciale

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE STRASBOURG

M. Thierry Ghera, président

Mme Muriel Zecca-Bischoff, premier vice-président

M. Tony Fasciglione, président de la compagnie des juges consulaires de Strasbourg

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COLMAR

Mme Lorène Vivin, vice-présidente en charge de la chambre commerciale

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MULHOUSE

M. Philippe Babo, président

Mme Sandrine Martin, vice-présidente en charge de la présidence de la chambre commerciale

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE METZ

Mme Valérie Rossburger, coordinatrice de la chambre commerciale

Chambre nationale des commissaires de justice

M. Benoît Santoire, président

Mme Béatrice Duquerroy, membre du bureau national

M. Cédric Kieffer, directeur juridique

M. Jérôme Fastier, directeur des affaires publiques

M. Luc Ferrand, directeur de la conformité

Table ronde de représentants des magistrats des juridictions financières

SYNDICAT DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES (SJF)

M. Pierre Genève, président, membre du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes

M. Laurent Catinaud, membre du bureau, membre de la chambre des contentieux de la cour des comptes

ASSOCIATION DES MAGISTRATS DE LA COUR DES COMPTES

M. Philippe-Pierre Cabourdin, président, conseiller maître à la Cour des comptes

Mme Perrine Tournade, membre du conseil d'administration, conseillère référendaire élue au Conseil supérieur de la Cour des comptes

Table ronde des syndicats de magistrats des juridictions administratives

UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS ADMINISTRATIFS (USMA)

M. Emmanuel Laforêt, président, magistrat au tribunal administratif de Montreuil

Mme Céline Arquié, secrétaire générale adjointe, magistrate à la cour administrative d'appel de Toulouse

Mme Anne Triolet, vice-présidente au tribunal administratif de Grenoble et membre élue au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel

SYNDICAT DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE (SJA)

M. Julien Henninger, président

Mme Gabrielle Maubon, secrétaire générale

M. Virgile Nehring, secrétaire général adjoint

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP)

Association des présidents et vice-présidents des chambres régionales des comptes

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl22-569.html

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl22-570.html


* 1 Loi organique n° 2021-1728 et loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

* 2 Paragraphe 4 de l'avis du 12 avril 2023 sur l'avant-projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité de la magistrature.

* 3 « Plan rouge VIF : améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales », remis le 22 mai 2023 par Emilie Chandler, députée du Val-d'Oise et Dominique Vérien, sénatrice de l'Yonne, rapporteure des présents projets de loi, consultable à l'adresse suivante : https://www.vie-publique.fr/rapport/289498-lutte-contre-les-violences-intrafamiliales-rapport-chandler-verien.

* 4 Rapport du comité des États généraux de la justice, p. 36.

* 5 Cette tribune, publiée en novembre 2021, a finalement été signée par plus de 7 000 personnes.

* 6 Comme l'a relevé le Haut conseil des finances publiques dans son avis sur le projet de loi.

* 7 Articles 8 à 13 de la proposition de loi organique n° 640 (2016-2017) pour le redressement de la justice de Philippe Bas, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html.

* 8 Rapport d'information n° 615 (2020 2021) fait au nom de la commission des lois du Sénat, par François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi, déposé le 19 mai 2021.

* 9 Proposition de loi n° 170 (2021-2022) ratifiant, modifiant et complétant l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce, déposée par François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi, le 16 novembre 2021.

* 10 Article 17 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 11 1° de cet article 17.

* 12 2° de cet article 17.

* 13 3° de cet article.

* 14 Deuxième alinéa de l'article 16 du décret n°72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'École nationale de la magistrature.

* 15 Article 21-1 de l'ordonnance précitée.

* 16 1° de l'article 22 de l'ordonnance précitée.

* 17 2° du même article.

* 18 3° du même article.

* 19 1° de l'article 23 de l'ordonnance précitée.

* 20 Article 40 de l'ordonnance précitée.

* 21 Article 33 de l'ordonnance précitée.

* 22 Voir le commentaire de l'article 12.

* 23 Circulaire n° 5794-SG du Premier ministre aux ministres et secrétaires d'État relative à la gestion des cadres et au management dans la fonction publique de l'État, 10 juin 2015.

* 24 Dont le régime juridique est prévu aux articles 2 à 6 du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'État.

* 25 Voir à cet égard l'article 2 du décret n° 2022-720 du 27 avril 2022 relatif aux évaluations prévues par l'article L. 412-2 du code général de la fonction publique. Pour plus de détails sur les modalités d'organisation de ces évaluations, voir la circulaire n° 6346-SG du 20 avril 2022 relative aux lignes directrices de gestion interministérielle.

* 26 Décret n°2006-1482 du 29 novembre 2006 relatif au Conseil supérieur de l'appui territorial et de l'évaluation.

* 27 Aux termes du quatrième alinéa de l'article 37 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 28 Aux termes du troisième alinéa de l'article 38-1 de la même ordonnance.

* 29 Rapport du comité des États généraux de la justice, avril 2022, p. 119.

* 30 La quatrième chambre de la Cour des comptes relève souvent le déficit de pilotage et les insuffisances de la gouvernance des services judiciaires. Voir par exemple la note structurelle « Améliorer la gestion du service public de la justice » publiée en octobre 2021, qui relevait : « La justice, confrontée à de nombreuses réformes sur son coeur de métier, doit pouvoir compter sur ses capacités d'organisation et de gestion pour anticiper les changements, les conduire et les évaluer. Cela implique de rediriger une partie de l'attention et des énergies du ministère des réformes de fond vers l'amélioration de la gestion ».

* 31 Rapport du comité des états généraux de la justice précité, p. 84.

* 32 Voir la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 12-1 de l'ordonnance statutaire précitée.

* 33 Les articles 15 et 16 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, relatifs à la nomination respectivement des chefs de juridiction et de cour au siège et au parquet, ne font aucune mention de tels critères.

* 34 Conformément à la recommandation formulée par le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi organique.

* 35 Rapport précité, p. 120 : « Après en avoir délibéré, le comité relève qu'il est indispensable de dissocier l'autorité chargée de proposer les nominations de celle qui procède à l'évaluation. »

* 36 La charte de déontologie du CSATE prévoit ainsi : « L'évaluation est menée par une institution indépendante de l'autorité gestionnaire ». Document consultable à l'adresse suivante : https://www.interieur.gouv.fr/ministere/organisation/conseil-superieur-de-lappui-territorial-et-de-levaluation.

* 37 Conformément à la recommandation formulée par le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi organique.

* 38 Article 2 de la loi organique n° 80-844 du 29 octobre 1980 relative au statut de la magistrature.

* 39 Il s'agit, par ordre alphabétique des cours d'appel suivantes : Agen, Amiens, Basse-Terre, Bastia, Besançon, Bourges, Caen, Cayenne, Chambéry, Fort-de-France, Grenoble, Limoges, Metz, Nîmes, Nouméa, Orléans, Papeete, Pau, Poitiers, Reims, Riom et Rouen.

* 40 Rapport du comité des États généraux de la justice, p. 119.

* 41 Pour une durée maximale de fonctions de dix ans.

* 42 La jurisprudence constitutionnelle dégage ces principes tant de l'article 64 de la Constitution - consacrant l'indépendance de l'autorité judiciaire - que de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen - relatif à la séparation des pouvoirs.

* 43 Conseil constitutionnel, 24 octobre 2014, décision n° 2014-423 QPC, cons. 9, consultable à l'adresse suivante : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2014/2014423QPC.htm.

* 44 Rapport d'activité pour 2022 du Conseil supérieur de la magistrature, p. 36, consultable à l'adresse suivante : http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/publications/rapports-annuels-dactivite.

* 45 Rapport n° 75 (2000-2001) relatif au projet de loi organique relatif à la carrière des magistrats de Pierre Fauchon, fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 novembre 2000, p. 13, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l00-075/l00-075.html.

* 46 Rapport annuel pour 1999 du Conseil supérieur de la magistrature, cité par le rapport de Pierre Fauchon précité.

* 47 Le principe d'inamovibilité des magistrats du siège n'est ainsi pas absolu. D'une part, les magistrats du siège - à l'exception de ceux exerçant des fonctions spécialisées - sont affectés au sein de la juridiction « en tenant compte des nécessités du service » (Conseil d'État, 24 octobre 2001, req n° 203803, inédit au recueil Lebon). D'autre part, si l'évolution de carrière n'est pas une obligation, elle est en tout état de cause à l'effectuation de certaines mobilités géographiques et fonctionnelles et l'occupation de certaines fonctions est depuis la loi organique n° 2001-539 du 25 juin  001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature limité dans le temps (7 ans pour les chefs de juridiction, 10 ans pour les fonctions spécialisées). Enfin, le statut de magistrat placé et le recours à la délégation constituent des tempéraments au principe d'inamovibilité des magistrats du siège.

* 48 L'étude d'impact du projet de loi rappelle (p. 149) que la mutation sans consentement de magistrats du parquet dans l'intérêt du service « n'a été mise en oeuvre qu'à trois reprises au cours des dix dernières années ». Au surplus, le Conseil supérieur de la magistrature exerce, par les avis qu'il rend sur les projets de nomination, un contrôle, complété le cas échéant par celui du Conseil d'État, garantissant en particulier qu'une telle mutation ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire (voir Conseil d'État, 27 mars 2015, req. n° 381902, cons. 2).

* 49 Le Conseil constitutionnel a ainsi estimé, pour la première fois en 1992, « que dans l'exercice de sa compétence, le législateur organique doit se conformer aux règles et principes de valeur constitutionnelle ; qu'en particulier, doivent être respectés, non seulement le principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire et la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège, comme l'exige l'article 64 de la Constitution, mais également le principe d'égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière, qui découle de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » (Conseil constitutionnel, décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, cons. 7).

* 50 Le rapport n° 46 (1979-1980) de Jacques Thyraud fait au nom de la commission des lois soulignait ainsi (p. 13) que « les auteurs du projet ont compris ce qu'il y aurait de malsain à laisser se constituer un corps de magistrats spécialisés pendant toute leur carrière dans des fonctions de remplaçants. Il est donc prévu qu'après un certain délai (deux ans dans le texte initial ou un an dans le texte adopté par l'Assemblée Nationale), ces magistrats seront en droit , sur leur demande, d'être nommés dans un poste stable d'une juridiction. »

* 51 Cour des comptes, référé n° S2017-3359 relatif aux services du ministère de la justice dans les départements d'outre-mer.

* 52 Rapport d'information n° 114 (2021-2022) de François-Noël Buffet, Stéphane Le Rudulier, Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des lois, déposé le 27 octobre 2021, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r21-114/r21-114.html.

* 53 Rapport d'information n° 337 (2019-2020) de Philippe Bas, Mathieu Darnaud, Jean-Luc Fichet, Sophie Joissains et Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 février 2020, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r19-337/r19-337.html.

* 54 Voir le premier alinéa de l'article 64 de la Constitution.

* 55 Voir notamment Conseil d'État, 27 mars 2015, req. n° 381902, cons. 2.

* 56 L'étude d'impact du projet de loi rappelle (p. 149) que la mutation sans consentement de magistrats du parquet dans l'intérêt du service « n'a été mise en oeuvre qu'à trois reprises au cours des dix dernières années ». Pour un exposé plus détaillé des règles enserrant la mobilité des magistrats judiciaires, voir le commentaire de l'article 4.

* 57 Décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979, cons. 1.

* 58 Décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, cons. 4.

* 59 Le décret n° 62-138 du 2 février 1962 relatif à l'organisation judiciaire dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion (consultable à l'adresse suivante : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000495537) prévoyait en son article 5 des modalités particulières d'application de l'ordonnance statutaire à ces territoires permettant notamment au premier président ou au procureur général selon le cas de déléguer, « selon les besoins du service », « des juges des tribunaux d'instance et de grande instance pour exercer des fonctions judicaires dans les tribunaux du ressort de la cour d'appel » ou des magistrats du parquet général ou du parquet d'un tribunal de grande instance « pour tenir les fonctions de ministère public près les tribunaux du ressort de la cour d'appel » respectivement, pour une durée ne pouvant excéder quatre mois (renouvelable une fois par le garde des sceaux pour le siège, renouvelable et allongeable par le garde des sceaux pour le parquet).

* 60 Issue d'une proposition de Jean-Jacques Hyest, la loi n° 91-1258 du 17 décembre 1991 conférant aux chefs de cour le pouvoir de déléguer des magistrats du siège de la cour d'appel pour exercer des fonctions judiciaires dans les tribunaux du ressort de la cour d'appel a notamment élargi les facultés déjà prévues de délégation, alors codifiées aux articles R. 213-27 (pour le siège) et R. 213-28 (pour le parquet) du code de l'organisation judiciaire aux présidents de chambre ou des conseillers de cour d'appel ; ce faisant, elle a également élevé au niveau législatif ces dispositions réglementaires et encadré cette faculté, notamment en subordonnant de telles délégations à des cas précis (vacance d'emploi, empêchement, nécessité de renforcer d'une manière temporaire et immédiate certaines juridictions du premier degré pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable) en lieu et place de la notion, relativement vague de « besoins du service ».

* 61 Voir l'article 1er de la loi n° 91-1258 précitée.

* 62 Par l'adoption de l'amendement n° CL753 de Jean Terlier.

* 63 Par l'adoption de l'amendement n° 1473 de Jean Terlier.

* 64 Par l'adoption des amendements COM-195 et COM-196 d'Yves Détraigne et François-Noël Buffet, rapporteurs.

* 65 Conseil constitutionnel, décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, cons. 387.

* 66 L'article 137-1-1 serait ainsi transféré, pour la majeure partie de ses dispositions, au sein d'un nouvel article L.O. 213-10-1 du code de l'organisation judiciaire.

* 67 Il s'agit du dispositif de mutualisation des fonctions de magistrats du parquet, anciennement prévues à l'article R. 122-4 du code de l'organisation judiciaire et désormais prévues à l'article L.O 122-7 du même code, du dispositif de délégation des fonctions du procureur général auprès de la chambre d'appel à Mayotte à un magistrat du parquet général (lorsque la délégation s'effectue à un magistrat du parquet du tribunal judiciaire, l'accord de ce dernier est requis), ainsi que du dispositif de suppléance de magistrats en première instance par le président du tribunal supérieur d'appel.

* 68 Le décret n° 2017-712 du 2 mai 2017 relatif à l'exercice du droit syndical dans la magistrature dispose dans son article 2 que le taux minimal prévu par le II de l'article 10-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée pour déterminer le caractère représentatif d'une organisation syndicale de magistrats est fixé à 6 % des suffrages exprimés lors de l'élection du collège de magistrats mentionné à l'article 13-1 de la même ordonnance.

* 69 Les accords peuvent porter sur les domaines suivants :

1° Les conditions et l'organisation du travail, notamment les actions de prévention dans les domaines de l'hygiène, de la sécurité et de la santé au travail ;

2° La qualité de vie au travail, les modalités des déplacements entre le domicile et le travail ainsi que les impacts de la numérisation sur l'organisation et les conditions de travail ;

3° L'accompagnement social des mesures de réorganisation des services ;

4° La mise en oeuvre des actions en faveur de la lutte contre le changement climatique, de la préservation des ressources et de l'environnement et de la responsabilité sociale des organisations ;

5° L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

6° La promotion de l'égalité des chances, la reconnaissance de la diversité et la prévention des discriminations dans l'accès aux emplois et la gestion des carrières ;

7° L'insertion professionnelle, le maintien dans l'emploi et l'évolution professionnelle des personnes en situation de handicap ;

8° L'apprentissage ;

9° L'action sociale ;

10° La protection sociale complémentaire.

* 70 Décision n° 2002-461 du 29 août 2002, Loi d'orientation et de programmation pour la justice.

* 71 Ajout opéré à l'initiative du rapporteur Jean-René Lecerf lors de l'examen du projet de loi relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution, en 2010.

* 72 L'on pense notamment au devoir de réserve des magistrats, prévu à l'article 10.

* 73 Pour un exemple récent de manquement au devoir de réserve ayant constitué une faute - résultant en l'espèce en une sanction de retrait de l'honorariat -, voir la décision n° 261-5/2023 du Conseil supérieur de la magistrature, consultable à l'adresse suivante : http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/missions/discipline/s261-52023.

* 74 Pour un exemple de manquement au devoir de respect du secret des délibérations ayant constitué une faute - résultant en l'espèce en une sanction de mise à la retraite d'office -, voir la décision n° 231 rendue le 22 janvier 2019 par le Conseil supérieur de la magistrature, consultable à l'adresse suivante : http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/missions/discipline/s231.

* 75 Second alinéa de l'article 46 de l'ordonnance statutaire.

* 76 De 1958 à 2001, c'était d'ailleurs l'unique autorité pouvant engager la procédure disciplinaire.

* 77 Depuis la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001.

* 78 Article 49 de l'ordonnance statutaire, en application du sixième alinéa de l'article 65 de la Constitution.

* 79 Article 59 de l'ordonnance statutaire, en application du septième alinéa de l'article 65 de la Constitution.

* 80 Rapport du comité des états généraux de la justice, p. 109.

* 81 Avis au Président de la République du Conseil supérieur de la magistrature, 24 septembre 2021, p. 10.

* 82 « Les Français et la justice », sondage IFOP, septembre 2019.

* 83 53 % des Français déclaraient ainsi, en septembre 2021, n'avoir pas confiance dans la justice. Voir « Le rapport des Français à la justice », sondage CSA pour l'Agora de la justice, Sénat, septembre 2021, p. 16.

* 84 « Le rapport des Français à la justice », sondage CSA pour l'Agora de la justice, Sénat, septembre 2021, p. 31.

* 85 Avis précité, p. 28.

* 86 Rapport n° 119 (2015-2016) de François Pillet relatif au projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société, fait au nom de la commission des lois, déposé le 28 octobre 2015, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l15-119/l15-119.html.

* 87 Deux CAR ont été mises en place pour les plaintes concernant les magistrats du siège ; une CAR a été mise en place pour le parquet.

* 88 Voir le rapport annuel du CSM pour 2022, p. 47.

* 89 Dans son avis, le CSM proposait ainsi « de réécrire le premier alinéa de l'article 43 afin de le rendre plus lisible. Il s'agirait ainsi : d'intégrer explicitement une liste des devoirs de l'état de magistrat résultant du statut : l'indépendance, l'impartialité, l'intégrité et la probité, la loyauté, la conscience professionnelle, la dignité, le respect et l'attention portée à autrui, la réserve et la discrétion ; d'y ajouter les références aux obligations découlant d'autres dispositions du statut et faisant partie des devoirs de l'état du magistrat mais n'étant pas intégrés aux principes précités (en particulier les déclarations d'intérêts et les incompatibilités) ; de maintenir la référence au manquement à l'honneur mais de supprimer celle à la délicatesse, idée déjà contenue dans les notions de respect et d'attention portée à autrui, lesquelles emportent nécessairement le respect dû aux justiciables, qu'il n'y a donc pas lieu de citer expressément. Par ailleurs, la formulation actuelle du serment ne contient que les références à la conscience professionnelle, à la dignité et à la loyauté. S'y ajoute seulement le respect du secret des délibérations. Cette formulation paraît assez pauvre au regard des devoirs de l'état de magistrat et des valeurs qui doivent le guider. Le Conseil propose en conséquence de le réécrire comme suit : « Je jure de remplir mes fonctions avec indépendance et impartialité, de me comporter en tout comme un magistrat digne, intègre et loyal, de porter attention à autrui, de respecter le secret professionnel et celui des délibérations ». »

* 90 Article 5 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.

* 91 Article 5-1 de la même loi.

* 92 Pour les catégories de magistrats représentant la hiérarchie judiciaire, voir les 1°, 2° et 3° des articles 1er et 2 de la même loi.

* 93 À partir du tableau issu du rapport n° 674 (2012-2013) de Jean-Pierre Michel relatif au projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, déposé au nom de la commission des lois le 19 juin 2013, p. 42, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l12-674/l12-674.html.

* 94 Étude d'impact du projet de loi.

* 95 Comité des états généraux de la justice, op. cit., p. 113.

* 96 Celle-ci a ainsi estimé, dans un document de septembre 2022, que « ce système a le double avantage de reposer sur le maillage traditionnel des cours et de permettre l'élection de magistrats dont la valeur professionnelle et éthique est reconnue localement par leurs pairs ». Cette position a été réitérée auprès des rapporteures.

* 97 Certains élus et responsables publics était néanmoins déjà soumis à un mécanisme de cette nature en application de la loi organique n° 88-226 et la loi ordinaire n° 88-227 du 11 mars 1988 relatives à la transparence financière de la vie politique.

* 98 Site internet de la HATVP.

* 99 Amendement COM-31, adopté lors de l'examen du projet de loi organique en commission.

* 100 Rapport n° 119 (2015-2016) de M. François PILLET, déposé le 28 octobre 2015 sur le projet de loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, commentaire de l'article 24.

* 101 Étaient concernés le premier président et les présidents de chambre de la Cour de cassation, le procureur général et les premiers avocats généraux près la Cour de cassation, les premiers présidents des cours d'appel, les procureurs généraux près les cours d'appel, les présidents des tribunaux de première instance et les procureurs de la République près les tribunaux de première instance.

* 102 Rapport n° 119 (2015-2016) de M. François Pillet, déposé le 28 octobre 2015 sur le projet de loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, commentaire de l'article 24.

* 103 Amendement COM-32 du rapporteur François Pillet, adopté lors de l'examen du projet de loi organique en commission et intégrant les présidents et les procureurs près les tribunaux de première instance dans la liste des magistrats soumis à obligation de déclaration de situation patrimoniale.

* 104 Voir commentaire de l'article 26 bis du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

* 105 Étude d'impact, p. 386.

* 106 Conseil d'État, section de l'intérieur, avis n° 405240 du 24 mai 2022. Extraits présentés dans l'étude d'impact (p. 387).

* 107 Par coordination avec le nouvel article 36 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 introduit par l'article 2 du présent projet de loi organique

* 108 Modification des articles 9-1 et 32.

* 109 Modification de l'article 32.

* 110 Modification des articles 37 et 38-1.

* 111 Yoann Demoli et Laurent Willemez, « L'âme du corps, la magistrature française dans les années 2010 : morphologie, mobilité et conditions de travail », Mission de recherche droit et justice, juin 2019, p. 25-27, consultable à l'adresse suivante : http://www.gip-recherche-justice.fr/publication/la-profession-de-magistrat-dans-les-annees-2010-morphologie-du-groupe-representations-du-metier-et-conditions-de-travail/.

* 112 Ibidem.

* 113 Ibidem.

* 114 Elles sont au nombre de six : Paris, Douai, Bordeaux, Lyon, Orléans, Besançon.

* 115 Suivant ainsi la recommandation formulée par le Conseil d'État dans un avis du 27 septembre 2018.

* 116 Les cinq écoles concernées sont : l'École nationale d'administration, l'Institut national des études territoriales (les formations « Talent » étant alors organisées par le CNFPT), l'École des hautes études de santé publique, l'École nationale supérieure de la police et l'École nationale d'administration pénitentiaire.

* 117 Voir l'article 2 de l'ordonnance n° 2021-238 précitée.

* 118 Rapport du comité des États généraux de la justice, p. 36.

* 119 Cette tribune, publiée en novembre 2021, a finalement été signée par plus de 7 000 personnes.

* 120 Sollicité par les rapporteurs, le secrétariat général du ministère de la justice n'a pas été en mesure de chiffrer ce coût.

* 121 Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État a ainsi relevé que « la répartition de ces crédits entre les différents programmes du ministère trouverait avantage à être exposée dans l'étude d'impact ce qui aurait également pour effet d'éclairer une variation annuelle anticipée de la progression des crédits qui, faute d'explications, peut sembler erratique » et que « la progression des emplois est présentée sous la forme d'un objectif global de dix mille emplois supplémentaires créés à l'issue de la période 2023-2027, sans que soit précisée la progression annuelle et par catégorie du plafond d'emplois. »

* 122 Rapport d'information n° 353 (2022-2023) sur l'évaluation des services pénitentiaires d'insertion et de probation, de Marie Mercier et Laurence Harribey, fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 février 2023, p. 21, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r22-353/r22-353.html.

* 123 Rapport n° 109 (2022-2023), déposé le 9 novembre 2022, sur la proposition de loi visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises.

* 124 « Prévenir la délinquance des mineurs - Éviter la récidive », Rapport d'information n° 885 (2021-2022) de Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Bernard Fialaire, Mmes Laurence Harribey et Muriel Jourda , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des lois, déposé le 21 septembre 2022.

* 125 Rapport annuel de l'Autorité de la statistique publique pour 2022, mars 2023, p.9.

* 126 Article L. 731-2 du code de commerce. Cela concerne les tribunaux judiciaires de Colmar, Mulhouse, Strasbourg, Sarreguemines, Metz, Thionville et Saverne.

* 127 Article L. 732-1 du code de commerce. Cela concerne la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion, la Martinique, Mayotte, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

* 128 Cela concerne Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

* 129 Article L. 721-2 du code de commerce.

* 130 Article L. 722-1 du code de commerce.

* 131 Article L. 723-7 du code de commerce.

* 132 Article L. 722-16 : « Le mandat des juges élus des tribunaux de commerce est gratuit ».

* 133 La conférence générale des juges consulaires de France estime qu'un budget annuel de 4,46 millions d'euros, soit 1 300 euros annuels par juge consulaire, seraient nécessaire pour couvrir les frais relatifs à l'exercice de leurs fonctions.

* 134 Annexe au projet de loi de finances pour 2023, Justice judiciaire, dit « bleu budgétaire », p. 12.

* 135 Étude d'impact du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, p. 172.

* 136 Rapport d'information n° 608 (2019-2020), Covid-19 : deuxième rapport d'étape sur la mise en oeuvre de l'état d'urgence sanitaire fait, au nom de la commission des lois, par Philippe Bas, François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Nathalie Delattre, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Loïc Hervé, Patrick Kanner, Alain Richard, Jean-Pierre Sueur et Dany Wattebled, 29 avril 2020, p. 51-52.

* 137 Article L. 721-3 du code de commerce.

* 138 Article L. 621-2 du code de commerce.

* 139 Articles L. 351-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

* 140 Source : étude d'impact du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, p. 173.

* 141 Article R. 145-23 du code de commerce.

* 142 Cinq ans pour sauver la justice ! Rapport d'information n° 495 (2016-2017) de Philippe Bas, président-rapporteur, Esther Benbassa, Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Cécile Cukierman, Jacques Mézard et François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 4 avril 2017, p. 165.

* 143 Recommandations n° 53 et 54 du rapport n° 615 (2020-2021) fait au nom de la commission des lois du Sénat, par François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi, enregistré le 19 mai 2021, pp. 123-124.

* 144 Rapport d'information n° 495 (2016-2017) de Philippe Bas, op. cit. p. 148.

* 145 Ibid. pp. 165-167.

* 146 Proposition de loi n° 641 (2016-2017) d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, présentée par Philippe Bas le 18 juillet 2017, adoptée en séance le 24 octobre 2017 ; voir également le rapport n° 33 (2017-2018) fait au nom de la commission des lois du Sénat, par François-Noël Buffet et Jacques Bigot, sur la proposition de loi précitée, enregistré le 18 octobre 2017.

* 147 Ces articles ont systématiquement été maintenus par le Sénat, par la commission des lois et lors de l'examen du texte de commission en séance, étant précisé que l'Assemblée nationale n'a pas retenu ces dispositions. Pour plus de détails sur la teneur de ces articles, il est possible de se référer par exemple au rapport n° 11 (2018-2019) fait, au stade de la première lecture, au nom de la commission des lois par François-Noël Buffet et Yves Détraigne enregistré le 3 octobre 2018.

* 148 Rapport n° 615 (2020-2021) de François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi, pp. 111 à 114.

* 149 Proposition de loi n° 170 (2021-2022) déposée par les sénateurs François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi le 16 novembre 2021.

* 150 Essentiel de l'agora de la justice au Sénat, 16 propositions pour retrouver confiance dans la justice, fait au nom de la commission des lois, 27 septembre 2021.

* 151 Rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021-avril 2022), Rendre la justice aux citoyens, pp. 183-184.

* 152 Le rapport du comité des EGJ précise à cet égard que « Le comité est attaché à la composition sans échevinage, c'est-à-dire sans juges professionnels, des tribunaux de commerce [...] », p. 25.

* 153 Pour la propriété intellectuelle : cf. la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, décret n° 2009-1205 du 9 octobre 2009 fixant le siège et le ressort des juridictions en matière de propriété intellectuelle et décret n° 2010-1369 du 13 novembre 2010 portant modification du tableau VI annexé à l'article D. 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire.

* 154 Article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

* 155 Loi organique n° 2021-1728 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

* 156 Rapport d'information n° 834 (2020-2021) fait au nom de la commission des lois du Sénat par Agnès Canayer et Philippe Bonnecarrère, sur le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire et sur le projet de loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire, enregistré le 15 septembre 2021, pp. 64-70.

* 157 L'alinéa 2 de l'article 6 du projet de loi prévoit que « Les formations de jugement dudit tribunal peuvent comprendre un magistrat du siège en qualité d'assesseur ».

* 158 Professions listées au deuxième alinéa de l'article L. 722-6-1 du code de commerce : avocat, notaire, huissier de justice, commissaire-priseur judiciaire, greffier de tribunal de commerce, administrateur judiciaire et mandataire judiciaire.

* 159 Alinéa 9 de l'article 6 du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

* 160 Exceptions faites des juridictions commerciales qui le sont déjà, dans les départements d'Alsace-Moselle et dans les outre-mer.

* 161 A l'instar du tribunal pour enfants, le tribunal paritaire des baux ruraux, la formation collégiale du pôle social du tribunal judiciaire ou le conseil de prud'hommes en cas de départage.

* 162 Les chiffres clés de la justice, édition 2022, p. 12.

* 163 Décisions relatives aux contentieux des procédures collectives et du contentieux général.

* 164 Étude d'impact du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, p. 169.

* 165 Ibid. p. 173.

* 166 Avis du Conseil d'État n° 406855 sur un projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, p. 10.

* 167 Rapport n° 615 (2020-2021) de François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi, p. 108.

* 168 En effet, selon la direction des services judiciaires du ministère de la justice, en matière de procédures collectives des professions réglementées, 117 décisions annuelles ont été rendues en moyenne sur les cinq dernières années (160 en 2018, 171 en 2019, 95 en 2020, 85 en 2021 et 75 en 2022).

* 169 L'article L. 111-2 du code de l'organisation judiciaire dispose que : « Le service public de la justice concourt à l'accès au droit et assure un égal accès à la justice. Sa gratuité est assurée selon les modalités fixées par la loi et le règlement. »

* 170 Le montant était initialement de 150 euros.

* 171 Article 1635 bis P du code général des impôts.

* 172 Article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2010.

* 173 Article 54 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

* 174 Abrogation prévue par l'article 128 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 175 En raison de la réforme instaurée par la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.

* 176 L'article 62 du code de procédure civile disposait que « A peine d'irrecevabilité, les demandes initiales sont assujetties au paiement de la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article 1635 bis Q du code général des impôts ».

* 177 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012, M. Stéphane C. et autres.

* 178 Rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021-avril 2022), Rendre la justice aux citoyens, p. 25.

* 179 Rapport des États généraux de la justice, rapport du groupe de travail sur la justice économique et sociale, annexe 3, tome 15, avril 2022, pp. 29-30.

* 180 Rapport des États généraux de la justice, rapport du groupe de travail sur la justice économique et sociale, annexe 3, tome 15, avril 2022, pp. 29-30.

* 181 Ibid. p. 36.

* 182 Ibid. pp. 30-31.

* 183 Rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021-avril 2022), Rendre la justice aux citoyens, p. 215.

* 184 Étude d'impact du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, pp. 188 à 190 : estimation s'appuyant sur la création de neuf tribunaux des affaires économiques qui connaitraient une moyenne annuelle de 462 nouvelles affaires étant précisé que la contribution serait due pour seulement 16 % des contentieux les plus importants (demande supérieure à 200 000 euros) avec une contribution fixée à 8 000 euros.

* 185 Proposition n° 103 du rapport d'information n° 495 (2016-2017), fait au nom de la commission des lois sur le redressement de la justice, par le président-rapporteur Philippe Bas et les sénateurs Esther Benbassa, Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Cécile Cukierman, Jacques Mézard et François Zocchetto, pp. 256-259.

* 186 Étude d'impact du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, p. 189.

* 187 Recommandation n° 39 du rapport d'information n° 653 (2018-2019) fait au nom de la commission des affaires sociales et la commission des lois du Sénat par Agnès Canayer, Pascale Gruny, Nathalie Delattre et Corinne Féret, enregistré le 10 juillet 2019, p. 72.

* 188 Dont huit répartis en Guadeloupe (2), Martinique (1), La Réunion (2), Guyane (1), Saint-Pierre-et-Miquelon (1) et Mayotte (1).

* 189 Trois tribunaux du travail sont situés en Polynésie française, un en Nouvelle-Calédonie, un à Wallis-et-Futuna.

* 190 Article L. 1422-1 du code du travail.

* 191 Encadrement, industrie, commerce et services commerciaux, agriculture et activités diverses.

* 192 Articles L. 1441-1 et L. 1441-2 du code du travail.

* 193 Article L.  1441-6 du code du travail.

* 194 Étude d'impact du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, p. 193.

* 195 Arrêté du 14 mars 2022 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes pour le mandat prud'homal 2023-2025, NOR : MTRT2206617A.

* 196 Articles L. 1441-25 et suivants du code du travail.

* 197Étude d'impact du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, p. 194.

* 198 Article L. 1421-2 du code du travail créé par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 199 Article D. 1442-13 du code du travail.

* 200 Article L. 1442-13-1 du code du travail.

* 201 Article L. 1442-13 du code du travail.

* 202 Article L. 1442-16 du code du travail pour les mesures provisoires et L. 1442-13-3 du code du travail pour la procédure au fond.

* 203 Article L. 1442-14 du code du travail.

* 204 L'étude d'impact du projet de loi d'orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 évoque par exemple des « techniciens après-vente, travailleurs agricoles, saisonniers, visiteurs médicaux, personnels navigants, intermittents », p. 195.

* 205 Recommandation n° 39 du rapport d'information n° 653 (2018-2019) fait au nom de la commission des affaires sociales et la commission des lois du Sénat par Agnès Canayer, Pascale Gruny, Nathalie Delattre et Corinne Féret, enregistré le 10 juillet 2019, p. 72.

* 206Rapport d'information n° 653 (2018-2019) fait au nom de la commission des affaires sociales et la commission des lois du Sénat par Agnès Canayer, Pascale Gruny, Nathalie Delattre et Corinne Féret, enregistré le 10 juillet 2019, pp.  61-62.

* 207 Loi n° 215-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

* 208 Article 226-1 du code pénal : un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

* 209 Rapport d'information n° 653 (2018-2019) fait au nom de la commission des affaires sociales et la commission des lois du Sénat par Agnès Canayer, Pascale Gruny, Nathalie Delattre et Corinne Féret, enregistré le 10 juillet 2019, p. 62.

* 210 Voir par exemple les articles 28-3 (limite de dix ans pour l'exercice des fonctions spécialisées), 38-2  (limite de sept ans pour l'exercice des fonctions de chef de juridiction de première instance), 76-4 (obligation de mobilité statutaire) de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 211 Ibid., article 76.

* 212 Ibid., article 41-32.

* 213 Article L. 723-7 du code de commerce.

* 214 Article L. 722-13 du code de commerce : le premier président de la cour d'appel peut décider que l'ancienneté requise n'est pas exigée lorsqu'aucun des candidats ne remplit la condition d'ancienneté.

* 215 Article L. 722-11 du code de commerce.

* 216 Article L. 722-17 du code de commerce.

* 217 Article D. 722-29 du code de commerce : à compter du premier jour suivant l'élection du juge au tribunal de commerce.

* 218 Étude d'impact du projet de loi orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027, pp. 211-212.

* 219 Ibid.

* 220 Les outils juridiques de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à l'aune de la crise de la covid-19, rapport d'information n° 615 (2020-2021) de François Bonhomme et de Thani  Mohamed Soilihi fait au nom de la commission des lois du Sénat, 19 mai 2021, pp. 119-120.

* 221 Proposition de loi n° 768 (2021-2022) visant à réactualiser le régime de réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce de Nathalie Goulet, déposée le 7 juillet 2022.

* 222 Annexe 7-2 du livre VII du code de commerce.

* 223 Étude d'impact du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, pp. 212.

* 224 Article L. 1442-12 du code du travail : « Tout conseiller prud'homme qui, sans motif légitime et après mise en demeure, refuse de remplir le service auquel il est appelé peut être déclaré démissionnaire ».

* 225 Article R. 723-24 du code de commerce.

* 226 Article L. 218-1 du code de l'organisation judiciaire.

* 227 Article L. 218-3 du code de l'organisation judiciaire.

* 228 Étude d'impact sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, p. 219.

* 229 Compétente pour connaître du contentieux de la tarification des accidents du travail.

* 230 Article L. 218-12 du code de l'organisation judiciaire.

* 231 Article L. 218-11 du code de l'organisation judiciaire.

* 232 Article R. 218-8 du code de l'organisation judiciaire.

* 233 Article L. 1442-12 du code du travail.

* 234 Voir l'étude d'impact, page 239.

* 235 Cinq ans pour sauver la justice ! Rapport d'information n° 495 (2016-2017) de Philippe Bas, président-rapporteur, Esther Benbassa, Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Cécile Cukierman, Jacques Mézard et François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois, par la mission d'information sur le redressement de la justice, déposé le 4 avril 2017 (recommandation n° 92).

* 236 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, commission sur la répartition des contentieux présidée par Serge Guinchard ; Le juge du XXIe siècle, un citoyen acteur, une équipe de justice, rapport remis par le groupe de travail présidé par Pierre Delmas-Goyon.

* 237 Le nombre de vacations horaires allouées à un même bénéficiaire ne peut excéder 80 par mois dans la limite de 720 par an en application de l'article 8 du décret n°96-513 du 7 juin 1996 relatif aux assistants de justice.

* 238 Article 1er du décret n°96-513 du 7 juin 1996 relatif aux assistants de justice.

* 239 Article 706 du code de procédure pénale.

* 240 Avant l'entrée en vigueur de l'article 61 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, deux années d'expérience étaient requises.

* 241 Article R. 123-30 du code de l'organisation judiciaire.

* 242 Rapport de Mme Dominique Lottin, Première présidente honoraire et ancienne membre du Conseil constitutionnel, au garde des sceaux sur la structuration des équipes juridictionnelles pluridisciplinaires.

* 243 Annonce du garde des sceaux le 27 février 2023.

* 244 Voir l'étude d'impact, page 239.

* 245 Pour certaines catégories de réquisitions visées par les articles 60-1, 60-2, 77-1-1, 77 1 2, 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale.

* 246 Communiqué de presse du 3 mai 2023.

* 247 Observations de l'USM sur le rapport Lottin sur la structuration des équipes autour des magistrats, 19 octobre 2022.

* 248 Article L. 228-1 du code de justice administrative.

* 249 Article 3-1 du décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 portant statut particulier du corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat.

* 250 La formule de serment des juristes assistants fixée par l'article R. 123-39 du code de l'organisation judiciaire, est actuellement la suivante : « Je jure de conserver le secret des informations sur les affaires judiciaires ainsi que sur les actes du parquet et des juridictions d'instruction et de jugement, dont j'aurai eu connaissance à l'occasion de mes travaux au sein des juridictions ».

* 251 Voir le commentaire de l'article 28.

* 252 Didier Marshall, « Les juridictions du XXIe siècle », 16 décembre 2013, p. 16 (disponible à cette adresse : https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/134000861.pdf).

* 253 Étude d'impact, p. 243

* 254 En application des articles R. 212-63 et R. 312-84, le conseil de juridiction est également réuni afin que lui soit présenté le projet de juridiction.

* 255 En application de l'article LO 297 du code électoral.

* 256 Amendement de séance n° 88 du rapporteur Philippe Bas, président de la commission des lois.

* 257 Article 14 du décret n° 2019-912 du 30 août 2019 modifiant le code de l'organisation judiciaire et pris en application des articles 95 et 103 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

* 258 Philippe Bonnecarrère, Rapport d'information n° 592 (2021-2022), « Judiciarisation de la vie publique : le dialogue plutôt que le duel », p. 131.

* 259 Étude d'impact, p. 253.

* 260 Voir infra

* 261 Étude d'impact p. 253.

* 262 Outre la possibilité pour l'ensemble des parlementaires élus d'une circonscription située dans le ressort de la cour administrative d'appel ou du tribunal administratif de participer au conseil de juridiction.

* 263 Sont concernés les notaires, les commissaires de justice, les greffiers des tribunaux de commerce ainsi que les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

* 264 Inspection générale de la justice, Rapport n° 074-20 sur la discipline des professions du droit et du chiffre, octobre 2020, p.3.

* 265 Commission des lois, rapport n° 834 (2020-2021) d'Agnès Canayer et de Philippe Bonnecarrère sur le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, 15 septembre 2021.

* 266 Les manquements les moins graves étaient en principe jugés par l'instance disciplinaire tandis que les manquements les plus graves étaient portés, selon les cas, devant le tribunal judiciaire, le Conseil d'État ou la Cour de cassation (voir rapport n° 834 (2020-2021) d'Agnès Canayer et de Philippe Bonnecarrère sur le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, 15 septembre 2021, commentaire de l'article 24).

* 267 Prise en application de l'article 41 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

* 268 Sont concernées les chambres de discipline et les cours nationales des notaires et des commissaires de justice, la cour nationale de discipline des greffiers des tribunaux de commerce, la cour nationale de l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de Cassation, ainsi que le conseil de discipline des avocats lorsque la poursuite disciplinaire fait suite à une réclamation présentée par un tiers ou lorsque l'avocat mis en cause en fait la demande.

* 269 Lors de l'examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 3 rect de Thani Mohamed Soilihi ajoutant aux compétences des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, l'ensemble des compétences des magistrats exerçant à titre temporaire.

* 270 Étude d'impact, p. 261.

* 271Commission des lois, rapport n°834 (2020-2021) d'Agnès Canayer et Philippe Bonnecarrère sur le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, 15 septembre 2021.

* 272 Tel que modifié par l'article 7 du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire

* 273 Rapport du comité des États généraux de la justice, 8 juillet 2022, p. 108.

* 274 Ce taux était néanmoins plus élevé par le passé, avec un pic à 36 % en 2017. Il s'est progressivement réduit avant une nouvelle augmentation à partir de 2022 (voir étude d'impact, p. 301).

* 275 Étude d'impact, p. 303.

* 276 Rapport du groupe de travail sur la simplification de la justice pénale, 8 juillet 2022, p. 29 (mentionné dans l'étude d'impact, p. 303).

* 277 À l'article L. 213-10 du code de l'organisation judiciaire et à l'article 137-1-1 du code de procédure pénale.

* 278 Articles L. 622-24 et L. 622-25 du code de commerce.

* 279 Articles R. 622-23 et R. 622-24 du code de commerce.

* 280 Étude d'impact du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, p. 315.

* 281 Directive relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes.

* 282 Ibid. considérant 90.

* 283 Avis n° 406855 du Conseil d'État sur un projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, paragraphe n° 30.

* 284 Article 14 de loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

* 285 Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, tome I, déposé le 3 octobre 2018, voir commentaire de l'article 9. https://www.senat.fr/rap/l18-011-1/l18-011-11.pdf.

* 286 Articles L. 3252-1 et suivants du code du travail.

* 287 Article R. 3252-2 du code du travail.

* 288 Article R. 3252-5 du même code.

* 289 L'intervention permet à un créancier de se « greffer » à une saisie des rémunérations en cours sans nouvelle audience de conciliation.

* 290 Voir son avis sur le projet de loi.

* 291 À l'exception de l'ajout de la possibilité d'une amende civile en cas de déclaration inexacte de l'employeur, là où seule l'abstention ou la déclaration mensongère le permettait auparavant.

* 292 « 16 propositions pour retrouver confiance dans la justice »

https://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/redaction_multimedia/2021/2021-Documents_PDF/20210928_Essentiel_synthese_Agora_Senat.pdf.

* 293 Montant moyen aux alentours de 5 000 € à 10 000 € pour les loyers et de 25 000 € pour les prestations compensatoires selon la Chambre nationale des commissaires de justice

* 294 À moins que cette dernière résulte d'une condamnation symbolique que le débiteur refuserait d'exécuter.

* 295 Article L. 121-4 du code des procédures civiles d'exécution.

* 296 À titre d'exemple, la direction des affaires civiles et du Sceau du ministère de la justice a indiqué que pour une créance de 3 000 euros, le commissaire de justice percevrait un droit proportionnel de 77,81 € à la charge du débiteur et de 216,15 € à la charge du créancier.

* 297 Pascale Deumier, « Règle recherche source désespérément (histoire d'un transfert normatif de l'ordonnance royale de 1681 vers la coutume internationale) », Revue trimestrielle de droit civil, n° 3, 2009, p. 490.

* 298 Cour de cassation - Première chambre civile, 14 février 2006 / n° 05-10.960.

* 299 Article 1er du décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère

* 300 Conseil d'État, Avis. 21 juin 2022, n° 457494.

* 301 S'agissant des « actes publics émanant d'agents diplomatiques et consulaires étrangers en résidence sur le territoire national et destinés à être produits devant d'autres agents diplomatiques et consulaires étrangers en résidence sur le territoire national » (II de l'article 3 du Décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère).

* 302 « La seule formalité qui puisse être exigée pour attester la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu, est l'apposition de l'apostille [...], délivrée par l'autorité compétente de l'État d'où émane le document ».

* 303 Cour de cassation - Première chambre civile, 4 juin 2009 / n° 08-13.541 et 08-10.962.

* 304 Rapport annuel de la Cour de cassation 2016, p. 23. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante:

https://www.courdecassation.fr/files/files/Publications/Rapport%20annuel/rapport-annuel_2016.pdf

* 305 Voir conseil d'État, référé, 26 octobre 2004, n° 273392.

* 306 Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 7 avril 2022, n° 448296.

* 307 Le Conseil constitutionnel a reporté au 1er janvier 2023 la date de l'abrogation des dispositions concernées de l'article 16 de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

* 308 Est également rétabli dans les mêmes termes l'alinéa précisant qu' « un décret en Conseil d'État précise les actes publics concernés [...] et fixe les modalités de la légalisation ».

* 309 Conseil d'État, référé. 26 octobre 2004, n° 273392, voir commentaire de la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-972 QPC du 18 février 2022.

* 310 Décret n°2002-482 du 8 avril 2002 portant application au système français d'enseignement supérieur de la construction de l'Espace européen de l'enseignement supérieur

* 311 Arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats.

* 312 Dans sa version issue de l'article 50 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 313 Commissaires-priseurs judiciaires, huissiers de justice, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires et notaires.

* 314 Dans sa version issue de l'article 50 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 315 Plus précisément, le III de l'article 23 de l'ordonnance du 2 juin 2016 prévoit que « À l'article L. 444-1 du même code, les mots : « des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers de tribunal de commerce, des huissiers de justice » sont remplacés par les mots : « des commissaires de justice » et à l'article L. 444-4 du même code, les mots : « les commissaires-priseurs judiciaires, les greffiers de tribunal de commerce, les huissiers de justice » sont remplacés par les mots : « les commissaires de justice » ».

* 316 Commission des lois, rapport n° 723 (2020-2021) du 30 juin 2021 de Mathieu Darnaud et Françoise Gatel sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 317 La commission avait uniquement adopté COM-1161 des rapporteurs visant à délimiter plus précisément le champ de l'habilitation par la suppression du terme « notamment ». L'Assemblée nationale n'a pas retenue cette modification dans la suite de la navette et l'article 65 du projet de loi a finalement été adopté définitivement tel que proposé par le Gouvernement, sous réserve de modifications rédactionnelles.

* 318 Étude d'impact, p. 358.

* 319 Étude d'impact, p. 359.

* 320 Site internet du Sénat, tableau de suivi des ordonnances du quinquennat 2017 - 2022 (accessible à cette adresse : https://www.senat.fr/fileadmin/Seance/Controle/Suivi_des_ordonnances/20230523-Suvi_ordonnances.pdf).

* 321 Ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat.

* 322 Ou préalablement affectés pendant une durée de deux ans dans les administrations de l'Etat ainsi que dans les établissements publics administratifs de l'Etat pour les magistrats financiers.

* 323 Article L. 234-2-1 du code de justice administrative et article L221-2-1 du code des juridictions financières.

* 324 Voir le IV de l'article 29 du projet de loi.

* 325 Article L. 133-5 du code de justice administrative et article L. 112-3-1 du code des juridictions administratives.

* 326 Le grade d'auditeur a été supprimé et remplacé par un statut d'emploi d'auditeur d'une durée maximale de trois ans depuis le 1er janvier 2022.

* 327 Au 30 avril 2023, 60 conseillers référendaires sont en position de détachement, pour 86 en fonction dans les chambres à la Cour.

* 328 Un magistrat de la chambre concernée ayant au moins le grade de premier conseiller peut être désigné pour une période qui ne peut excéder un an.

* 329 Articles R. 212-12 et R. 212-13 du code des juridictions financières.

* 330 Ils ne peuvent pas être promus dans la chambre où ils sont affectés au moment de leur promotion.

* 331 Il est à noter que les enjeux d'un changement de section à la Cour ne sont pas identiques à celles dans les chambres régionales et territoriales dans lesquelles les nombres de sections sont plus réduits.

* 332 Article 28-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 333 Article 19 de la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes.

* 334 La durée de quinze ans est en revanche maintenue pour accéder au grade de conseiller maître au dix-huitième tour (Article L. 122-3 du code des juridictions financières).

* 335 Article 28-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 336 Article L. 234-6 du code de justice administrative.

* 337 Article 13 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 338 Article L. 231-9 du code de justice administrative.

* 339 Projet de loi n° 622 (2021-2022) ratifiant l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

* 340 L'étude d'impact est totalement lapidaire - six lignes -, ne procédant même à aucun rappel sur le contenu même de la réforme.

* 341  https://www.conseil-etat.fr/content/download/157920/file/Com.%20presse%20-%20Contentieux%20des%20ordonnances%20vf.pdf

* 342 Comme l'a relevé le Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 sur la loi organique pour la confiance dans la vie politique, que les modalités selon lesquelles les violations des règles relatives au cumul de l'indemnité parlementaire avec d'autres rémunérations sont déférées devant le juge des comptes n'ont pas le caractère organique.

* 343 Cet accord a été conclu avant le renouvellement général des instances représentatives du personnel qui se sont déroulées dans les trois fonctions publiques le 8 décembre 2022.

* 344 Article L. 221-3 du code général de la fonction publique.

* 345 Par ailleurs, sont membres de droit, mais sans pouvoir prendre au vote, un membre du Conseil d'Etat et un membre de la Cour des comptes désignés par arrêté du ministre chargé de la fonction publique.

* 346 L'Association des magistrats de la Cour des comptes est une organisation professionnelle.

* 347 L'article 11 de l'accord interministériel du 26 février 2022 précise qu'un second accord doit être négocié en matière de prévoyance statutaire et de prévoyance complémentaire, notamment concernant les risques d'incapacité de travail, d'inaptitude, d'invalidité et de décès. Sur cette base, un accord de méthode relatif à ces négociations a été signé le 4 avril 2022 et l'accord est encore en négociation.

* 348 Est évoqué un montant de 35 euros, au lieu de 15 euros actuellement.

* 349 Décret n° 2012-433 du 30 mars 2012 relatif aux greffes des tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale et de la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale.

* 350 II de l'article 29.

* 351 Article R123-33 du code de l'organisation judiciaire.

* 352 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 353 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 354 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 355 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.