C. RÉSERVER LE RECOURS AUX TECHNOLOGIES DE RECONNAISSANCE BIOMÉTRIQUES DANS LE CADRE DES ENQUÊTES JUDICIAIRES AUX INFRACTIONS LES PLUS GRAVES

S'agissant des usages judiciaires, la commission a estimé que le recours à la reconnaissance biométrique ne devait être expérimenté que dans le cadre des enquêtes et instructions portant sur des infractions d'une exceptionnelle gravité. En conséquence, elle a fortement resserré le périmètre de l'expérimentation, que ce soit :

- dans le cadre de la reconnaissance biométrique a posteriori : elle ne pourrait être utilisée que dans le cadre des enquêtes et investigations portant sur des faits de terrorisme, de trafic d'armes, d'atteintes aux personnes punies d'au moins cinq ans de prison ou des procédures des recherche de personnes disparues ou en fuite (article 3) ;

- dans le cadre de la reconnaissance biométrique en temps réel : la commission a considéré que cet usage ne pouvait concerner que les cas les plus extrêmes. Suivant les recommandations des députés Philippe Gosselin et Philippe Latombe, elle n'en a autorisé l'expérimentation que pour les enquêtes et investigations portant sur des faits de terrorisme, d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, sur des infractions relatives à la criminalité organisée relevant de la compétence de la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée ou sur des disparitions de personnes mineures (article 6).

La commission a également entendu renforcer au maximum le régime de contrôle de cette expérimentation ainsi que les garanties associées. Elle a ainsi soumis l'usage a posteriori à une autorisation expresse de l'autorité judiciaire, qui devra préciser l'origine et la nature des données exploitées. Elle a également tiré les conséquences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière, en interdisant toute mise en commun dans un traitement général des données biométriques exploitées dans les différentes enquêtes et investigations concernées. S'agissant de l'usage en temps réel, elle a précisé la finalité du dispositif, a conditionné sa mise en oeuvre au respect d'un strict principe de subsidiarité et l'a réservé aux seuls officiers de police judiciaire habilités. Elle a également confié au seul juge des libertés et de la détention le soin de procéder au renouvellement de l'autorisation de recourir aux traitements biométriques en question.

D. INSCRIRE LES USAGES ADMINISTRATIFS DE CES TECHNOLOGIES DANS LE CADRE ROBUSTE D'UNE AUTORISATION AU PLUS HAUT NIVEAU AVEC UN CONTRÔLE D'UNE AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE

S'agissant des usages administratifs, la commission a en premier lieu recentré l'article 2, qui prévoit la possibilité, pour les organisateurs de grands événements particulièrement exposés à des risques d'actes de terrorisme ou à des risques d'atteinte grave à la sécurité des personnes, de mettre en place un système d'authentification biométrique sans consentement pour l'accès de certaines personnes à tout ou partie des zones accueillant le grand événement. À cet effet, la commission a restreint le champ de l'expérimentation en prévoyant que le système d'authentification biométrique obligatoire ne pourrait concerner les habitants des zones concernées. Elle a également précisé que seul l'État pourrait mettre en oeuvre les traitements de données biométriques utilisés dans le cadre de cette expérimentation. La commission a par ailleurs souhaité ajouter de nouvelles garanties et a instauré une information préalable obligatoire des personnes soumises au dispositif d'authentification biométrique sans consentement. Enfin, elle a prévu que l'organisateur d'un grand événement devra démontrer qu'un haut niveau de fiabilité de l'identification des personnes est requis pour accéder aux zones faisant l'objet d'une restriction de circulation et d'accès, et pas seulement pour accéder au grand événement.

La commission a ensuite souhaité inscrire l'identification des personnes sur la base de leurs données biométriques en matière administrative dans le cadre robuste prévu par la loi sur le renseignement, que cette identification soit réalisée a posteriori ou en temps réel.

À l'article 4, qui envisageait la création d'une nouvelle technique de renseignement permettant aux services du premier cercle d'utiliser des logiciels de reconnaissance biométrique a posteriori, la commission a ainsi souhaité clarifier les procédures applicables en fonction de l'origine des données traitées. Ainsi, s'agissant des renseignements collectés à la suite de la mise en oeuvre de techniques de renseignement, elle a prévu que le recours à ce type de logiciels pour en faciliter l'exploitation soit précisé dans la demande d'autorisation de la technique elle-même, afin d'éviter une double demande d'autorisation pour la collecte puis pour l'exploitation des données. La commission a également recentré la création de cette nouvelle technique de renseignement sur la possibilité, ouverte par l'article aux services, d'exploiter a posteriori les images de vidéoprotection par ce type de logiciels après autorisation du Premier ministre donné après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Conformément aux finalités de la vidéoprotection, cette nouvelle possibilité ne serait ouverte que pour la lutte contre le terrorisme.

L'article 5 proposait quant à lui de créer un cadre permettant le recours ciblé et limité dans le temps à des systèmes de reconnaissance biométrique en temps réel, dans un cadre administratif. Malgré les nombreuses garanties envisagées, il souffrait de plusieurs faiblesses : il réservait d'abord cet usage aux officiers de police judiciaire, alors qu'il s'agissait d'une procédure s'inscrivant dans un cadre administratif. Il attribuait ensuite un pouvoir étendu d'autorisation aux préfets, qui auraient été désarmés pour apprécier la pertinence de recours à ces technologies faute de disposer des éléments suffisants pour évaluer eux-mêmes la situation. Les décisions des préfets étaient en troisième lieu soumises au contrôle des tribunaux administratifs, devant lequel le contradictoire doit entièrement être respecté, ce qui aurait été à l'encontre du secret parfois nécessaire à la protection de la sécurité nationale.

La commission a en conséquence profondément remanié l'article 5, en inscrivant clairement la procédure dans un cadre administratif et en l'assortissant des garanties maximales. Pour ce faire, elle a réservé l'utilisation de la reconnaissance biométriques en temps réel dans l'espace public en matière administrative aux services de renseignement du premier cercle en charge de la sécurité intérieure, à la seule fin d'assurer la prévention du terrorisme. Elle a également choisi d'appliquer à cette utilisation le régime robuste éprouvé depuis maintenant huit ans d'autorisation du Premier ministre après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), permettant que le déploiement de ces technologies soit placé en permanence sous le contrôle de la CNCTR et du Conseil d'État. Enfin, la commission a précisé que le déploiement de ces technologies devait être strictement subsidiaire.

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La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.