II. INCITER LES BRANCHES À NÉGOCIER SUR LES CLASSIFICATIONS

Dans un contexte d'inflation, de tensions de recrutement dans de nombreux secteurs d'activité et d'évolution du marché du travail, les classifications de branche revêtent une importance particulière. C'est à ce titre que les signataires de l'ANI ont rappelé que les branches sont tenues d'examiner au moins tous les cinq ans la nécessité de réviser leurs classifications et qu'ils ont demandé aux branches n'ayant pas respecté cette obligation de s'y conformer avant la fin de l'année 2023.

Afin de transposer cette mesure dans la loi, l'article 1er propose qu'une négociation en vue de l'examen de la nécessité de réviser les classifications soit ouverte avant le 31 décembre 2023 au sein des branches n'ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans.

La commission a donc adopté cet article, qui assure une transposition fidèle des stipulations de l'accord, en revenant sur les modifications apportées par l'Assemblée nationale qui s'en écartaient.

Toutefois, la commission a supprimé l'article 1er bis qui prévoit que les branches professionnelles établissent, avant le 31 décembre 2024, un bilan de leur action en faveur de la promotion et de l'amélioration de la mixité des emplois. Elle a considéré que le droit actuellement en vigueur et les stipulations de l'ANI constituent une base suffisante pour que les branches engagent les travaux sur la mixité des emplois demandés par les signataires de l'accord.

III. FACILITER LE PARTAGE DE LA VALEUR DANS LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

A. INSCRIRE LE PRINCIPE DE NON-SUBSTITUTION DE LA PARTICIPATION AUX SALAIRES

Les signataires de l'ANI ont souhaité rappeler, en son article 1er, le principe de non-substitution entre salaire et dispositifs de partage de la valeur. Ce principe implique que l'employeur ne peut s'acquitter de son obligation de paiement du salaire de ses employés par ces dispositifs.

L'article 2 A pose ce principe dans la loi pour la participation, seul dispositif pour lequel la non-substitution ne disposait pas de fondement légal.

B. DÉVELOPPER LE PARTAGE DE LA VALEUR DANS LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

Les outils de partage de la valeur peinent à se diffuser dans les petites et moyennes entreprises, en particulier celles de moins de 50 salariés. Outre que ces entreprises ne sont pas tenues d'instituer un régime de participation, la mise en place de ces outils est souvent complexe pour des entreprises qui ne sont pas dotées de services financiers et de ressources humaines conséquents.

Part des entreprises couvertes par un accord de participation ou d'intéressement

 

Entreprises ayant un accord de participation

Entreprises ayant un accord d'intéressement

 

2019

2020

2019

2020

10 à 49 salariés

4,9 %

4,8 %

10,1 %

10,9 %

50 à 99 salariés

35,5 %

36,9 %

22,4 %

24,5 %

100 à 249 salariés

59,8 %

61,3 %

33,5 %

34,8 %

250 à 499 salariés

64,9 %

68,1 %

50,3 %

47,7 %

500 à 999 salariés

67,5 %

68,4 %

56,4 %

54,2 %

1 000 salariés et plus

69,0 %

70,7 %

58,6 %

60,1 %

Source : Commission des affaires sociales d'après les données de la Dares (2022)

Les signataires de l'ANI ont donc souhaité que ces entreprises puissent mettre en place plus facilement et plus systématiquement des dispositifs de partage de la valeur au profit de leurs salariés.

? Dans cette logique, l'article 2 permet à titre expérimental aux entreprises de moins de 50 salariés de recourir à une formule de calcul de la réserve spéciale de participation dérogatoire lorsqu'elles mettent volontairement en place un dispositif de participation, qui est obligatoire pour les entreprises d'au moins 50 salariés. Cette formule, qui peut mener à un montant de mise en réserve inférieur au droit commun, permet de prendre en compte la spécificité de ces entreprises - et notamment les contraintes de trésorerie qu'elles peuvent rencontrer - et d'y encourager le recours à la participation.

? Conformément au souhait des partenaires sociaux, l'article 3 prévoit qu'à titre expérimental, pour une durée de 5 ans, les entreprises de 11 à 49 salariés qui réalisent durant trois exercices consécutifs un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % de leur chiffre d'affaires instituent, au cours de l'exercice suivant, un régime de participation ou d'intéressement, ou abondent un plan d'épargne salariale ou versent la prime de partage de la valeur.

L'article 3 bis étend ce dispositif aux structures de l'économie sociale et solidaire d'au moins 11 salariés qui réalisent durant trois exercices consécutifs un résultat excédentaire au moins égal à 1 % de leurs recettes. Elles devront instituer un régime d'intéressement ou abonder un plan d'épargne salariale ou verser la prime de partage de la valeur.

Alors que l'ANI prévoit explicitement que « cette obligation entrera en vigueur au 1er janvier 2025 », l'Assemblée nationale l'a rendue applicable aux exercices ouverts après le 31 décembre 2023. Afin de retenir la date choisie par les partenaires sociaux, la commission a prévu que l'obligation s'applique aux exercices ouverts après le 31 décembre 2024.

? Afin de favoriser le développement de la participation dans les entreprises qui atteignent le seuil de 50 salariés, la commission a adopté l'article 4 qui supprime le report de trois ans de l'obligation de mettre en place la participation pour les entreprises qui appliquent déjà un accord d'intéressement.

L'article 5 transpose la volonté exprimée dans l'ANI de mettre en place nouveau dispositif de partage de la valeur en cas d'augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal de l'entreprise. Cet article prévoit ainsi d'imposer aux entreprises d'au moins 50 salariés, qui disposent d'un délégué syndical, de définir, par le biais de leurs accords de participation ou d'intéressement, une augmentation exceptionnelle du bénéfice ainsi que les modalités du partage de la valeur qui en découlera le cas échéant. La commission a approuvé la précision apportée par l'Assemblée nationale concernant les critères qui peuvent être retenus dans la définition d'une augmentation exceptionnelle du bénéfice (taille de l'entreprise, secteur d'activité, bénéfice des années précédents), en ce qu'ils permettent de sécuriser juridiquement ce dispositif.

? L'instauration de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat puis de la prime de partage de la valeur a permis à de nombreux salariés de bénéficier d'une redistribution de la valeur créée par les entreprises, en particulier dans les PME. La simplicité de versement de la prime et son régime social et fiscal incitatif ont permis une large diffusion du dispositif qui a contribué au soutien du pouvoir d'achat des salariés, dans un contexte de forte inflation.

La prime de partage de la valeur (PPV) peut être versée une fois par an à chaque salarié, dans la limite de 3 000 euros ou de 6 000 euros si l'entreprise met en oeuvre un accord d'intéressement. Deux régimes d'exonérations distincts sont applicables selon la rémunération du bénéficiaire et le moment du versement de la prime. Elle est exonérée, dans la limite des plafonds :

· des cotisations sociales ainsi que de l'impôt sur le revenu, de la CSG, de la CRDS, du forfait social et de la taxe sur les salaires lorsqu'elle est versée entre le 1er juillet 2022 et 31 décembre 2023 aux salariés percevant une rémunération inférieure à 3 Smic sur les 12 mois précédant le versement de la prime ;

· des seules cotisations sociales lorsqu'elle est versée à compter du 1er juillet 2022 aux salariés dont la rémunération excède 3 Smic et à compter du 1er janvier 2024 à l'ensemble des salariés quel que soit leur niveau de rémunération. Elle est donc soumise dans ce cas à la CSG, à la CRDS, à l'impôt sur le revenu, à la taxe sur les salaires et au forfait social pour les entreprises de plus de 250 salariés.

Distribution de la prime de partage de la valeur (2022-2023)

Période

Montant de PPV versé

Nombre d'établissements ayant versé une PPV

Nombre de bénéficiaires d'une PPV

Montant moyen de PPV par bénéficiaire

2022

4,4 Md €

464 000

5 500 000

789 €

2022-janvier à juillet 2023

2,3 Md €

272 000

3 500 000

770 €

Source : Réponses de la direction de la sécurité sociale au questionnaire du rapporteur

Conformément à l'ANI, l'article 6 propose que la prime de partage de la valeur puisse être attribuée deux fois par année civile, que son montant puisse être affecté aux plans d'épargne salariale et que le régime temporaire d'exonérations sociales et fiscales soit prolongé jusqu'à la fin de l'année 2026 pour les entreprises de moins de 50 salariés.

Le contexte actuel de forte inflation justifie que le régime social et fiscal temporaire adossé à la prime soit prolongé pour trois années supplémentaires pour les salariés rémunérés jusqu'à 3 Smic, en restreignant son application aux entreprises de moins de 50 salariés. Ces entreprises sont celles qui ne sont pas tenues de mettre en place un régime de participation et qui développent peu l'intéressement. Leurs salariés bénéficient donc moins des dispositifs de partage de la valeur que ceux qui sont employés par des entreprises de plus de 50 salariés. En outre, les ajustements proposés par les signataires de l'accord, qui permettront de verser deux primes au titre d'une même année et d'affecter les sommes versées aux plans d'épargne salariale, contribueront à inscrire la prime dans les outils de partage de la valeur à la disposition des entreprises.

La commission a donc adopté l'article 6, qui assure une transposition fidèle de l'accord.

L'article 7 concrétise la volonté exprimée dans l'ANI de mettre en place un nouveau dispositif de partage de la valeur permettant d'intéresser les salariés à la valorisation de leur entreprise. À la différence de l'actionnariat-salarié, la prime de partage de la valorisation de l'entreprise (PPVE) vise un public plus large, incluant notamment les salariés des entreprises non cotées. Mise en place via un accord spécifique, elle permet de verser aux salariés une prime qui reflète l'augmentation de la valeur de l'entreprise sur les trois dernières années, en bénéficiant d'un traitement fiscal et social incitatif. La commission a adopté l'article 7, qui transpose fidèlement l'ANI.

? La commission a adopté l'article 8 qui prévoit que les sommes perçues au titre de la prime de partage de la valeur et de la prime de partage de la valorisation de l'entreprise pourront être affectées à un plan d'épargne d'entreprise ou à un plan d'épargne retraite.

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