N° 441
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 mars 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1)
sur le projet de
loi constitutionnelle portant modification du
corps électoral pour les
élections au
congrès et aux
assemblées de
province de la
Nouvelle-Calédonie,
Par M. Philippe BAS,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir le numéro :
Sénat : |
291 (2023-2024) |
L'ESSENTIEL
Rappelant que le contenu du texte ainsi que son calendrier d'examen avaient été choisis par le Gouvernement sans concertation préalable avec le Parlement, la commission des lois propose d'adopter le projet de révision constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie sous réserve de plusieurs modifications proposées par le rapporteur, Philippe Bas.
Ainsi, la commission valide, sur le principe, la suppression de toute référence à un corps électoral « gelé » et l'introduction d'un corps électoral restreint « glissant ». Elle a, pour ce faire, favorablement accueilli les conditions d'admission au scrutin proposées par le Gouvernement à savoir : la participation de l'ensemble des électeurs inscrits sur la liste électorale générale de Nouvelle-Calédonie natifs ou domiciliés depuis au moins dix années sur le territoire calédonien. De façon analogue, en proposant le maintien de l'entrée en vigueur de ce nouveau corps électoral au 1er juillet 2024, elle confirme sa volonté, exprimée sur le projet de loi organique portant report des élections provinciales, que le prochain scrutin provincial se déroule au plus tard le 15 décembre prochain.
Elle s'est toutefois attachée à améliorer le texte sur deux points principaux : d'une part, encourager avant tout la recherche d'un accord global sur l'avenir politique et institutionnel de la Nouvelle-Calédonie et d'autre part, garantir les droits du Parlement en évitant tout contournement injustifié par l'exécutif sur le dossier calédonien.
I. LES CONSÉQUENCES DU « GEL » DU CORPS ÉLECTORAL POUR LES ÉLECTIONS AUX PROVINCES ET CONGRÈS DE LA
A. LE PRINCIPE ANCIEN D'UN CORPS ÉLECTORAL RESTREINT EN NOUVELLE-CALÉDONIE, DONT LE « GEL » POUR LES ÉLECTIONS AUX PROVINCES ET AU CONGRÈS A ÉTÉ VOTÉ EN 2007
Héritage des accords de Matignon-Oudinot, le principe d'un corps électoral restreint a été reconduit par l'Accord de Nouméa du 5 mai 1998. Plus précisément, il a été décidé, dans l'Accord de Nouméa, que des restrictions au corps électoral seraient mises en oeuvre tant pour les consultations d'accession à la pleine souveraineté, que pour les élections provinciales.
Ainsi, à propos des élections provinciales et territoriales, l'Accord de Nouméa prévoit dans son préambule que « le corps électoral pour les élections aux assemblées locales propres à la Nouvelle-Calédonie sera restreint aux personnes établies depuis une certaine durée ».
Conformément aux orientations définies par l'Accord de Nouméa et en application de l'article 77 de la Constitution introduit en 1998 à la suite de la signature puis de l'approbation de l'Accord de Nouméa, la loi organique du 19 mars 1999 dans son article 188, limite le droit de vote à trois catégories de citoyens qui doivent répondre à l'un des critères suivants :
- remplir les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de la consultation du 8 novembre 1998, ce qui inclut ceux qui étaient effectivement inscrits et ceux qui auraient pu l'être, mais qui ne l'ont pas été, par exemple, parce qu'ils ne l'avaient pas demandé ;
- être inscrits sur le tableau annexe et être domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection au congrès et aux assemblées de province ;
- être devenus majeurs après le 31 octobre 1998 et :
- soit justifier de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998 ;
- soit avoir eu un de leurs parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8 novembre 1998 ;
- soit avoir un de leurs parents inscrit au tableau annexe et justifier d'une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection.
Saisi de la conformité à la Constitution de la loi organique précitée, le juge constitutionnel, dans sa décision n° 99-410 DC du 15 mars 1990, fait prévaloir la théorie du corps électoral « glissant », estimant que doivent participer à l'élection des assemblées de province et du congrès les personnes qui, à la date de l'élection, figurent au tableau annexe et sont domiciliées depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date de leur établissement en Nouvelle-Calédonie, même postérieure au 8 novembre 1998.
En réponse à cette interprétation des dispositions constitutionnelles que le constituant a jugée non conformes à sa volonté initiale et aux engagements pris par l'État lors de la signature de l'Accord de Nouméa, a été introduit, par la révision constitutionnelle de 2007, un nouvel alinéa à l'article 77 de la Constitution qui dispose que : « Pour la définition du corps électoral appelé à élire les membres des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, le tableau auquel se réfèrent l'accord mentionné à l'article 76 et les articles 188 et 189 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est le tableau dressé à l'occasion du scrutin prévu audit article 76 et comprenant les personnes non admises à y participer. ». Il a ainsi été acté, par une disposition interprétative du pouvoir constituant, le retour à un corps électoral « gelé » à partir de 2009 pour les élections provinciales et au congrès de Nouvelle-Calédonie.