N° 595

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 mai 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à prévenir les ingérences étrangères en France,

Par Mme Agnès CANAYER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

2150, 2343 et T.A. 269

Sénat :

479, 593 et 596 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France déposée par le député Sacha Houlié, adoptée par l'Assemblée nationale le 27 mars 2024, entend renforcer le dispositif de lutte contre un phénomène avéré et potentiellement déstabilisateur pour notre pays : l'action hostile d'États destinée à peser sur les décisions publiques ou l'opinion publique française au service de leurs propres intérêts.

Estimant justifiée l'intervention législative proposée, la commission des lois a approuvé les dispositifs adoptés par l'Assemblée nationale, en les complétant et en les précisant. À l'initiative de son rapporteur, Agnès Canayer, la commission a adopté 11 amendements, 3 amendements identiques du rapporteur pour avis de la commission de la défense et des affaires étrangères et un amendement déposé par le groupe Socialiste, écologiste et républicain.

I. LES INGÉRENCES ÉTRANGÈRES : UNE MENACE PROTÉIFORME EN CONSTANTE ÉVOLUTION, APPELANT UNE INTERVENTION FORTE DU LÉGISLATEUR

A. UNE MENACE DURABLE ET EN MUTATION

Comme le soulignait le rapport de la délégation parlementaire au renseignement d'octobre 2023, si les ingérences étrangères ont toujours existé, la menace qu'elles représentent « est devenue protéiforme, omniprésente et durable »1(*). Plurielles, les ingérences étrangères peuvent prendre trois formes distinctes :

· classiques : relevant de l'espionnage - y compris économique, ces opérations d'ingérence sont généralement conduites par les services de renseignement extérieur des États concernés « et visent principalement à la captation d'informations stratégiques ou sensibles »2(*) ;

· modernes : l'espace cyber ou le domaine spatial constituent à cet égard de nouveaux domaines dans lesquels des États étrangers particulièrement offensifs dans leur stratégie d'ingérence peuvent conduire des opérations ;

· hybrides : des opérations d'influence - ou de « sharp power » - et de manipulation de l'information peuvent viser à terme l'affaiblissement des institutions démocratiques des États victimes, en particulier en période électorale, dont la France fait partie, comme l'ont montré les Macron leaks en 2017.

B. UN CADRE LÉGAL INSUFFISAMMENT ADAPTÉ À LA LUTTE CONTRE LES INGÉRENCES ÉTRANGÈRES

À cadre juridique constant, la capacité de résistance de la France aux mutations de cette menace ne paraît aujourd'hui plus garantie. En particulier, la conduite d'opérations hybrides sur notre sol exploitant les failles d'un cadre juridique libéral, pensé pour nos concitoyens et non pour des tentatives de déstabilisation concertées conduites par des puissances étrangères, doit nous amener à renforcer ce dernier.

À cet égard, le chemin du législateur n'est pas dépourvu d'obstacles : si l'influence ne peut être assimilée à l'ingérence étrangère, les deux notions ne paraissent pas imperméables. Comme le rappelle le rapport de la délégation parlementaire au renseignement précité, « bien que leurs finalités ne soient pas comparables, il existe néanmoins des porosités entre influence et ingérence, une zone grise voire un continuum en ce sens que l'influence peut aussi préparer le terrain à des actions d'ingérence. » L'inaction étant exclue, l'on ne peut néanmoins que se féliciter que le législateur s'engage sur ce chemin de crête.

II. LA PROPOSITION DE LOI : CONFIER AUX AUTORITÉS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES UNE BOÎTE À OUTILS POUR MIEUX PRÉVENIR ET LUTTER CONTRE LES INGÉRENCES ÉTRANGÈRES

Fruit d'une initiative parlementaire résultant des travaux de la délégation parlementaire au renseignement, la présente proposition de loi vise à compléter notre cadre juridique à trois égards.

A. FAVORISER LA TRANSPARENCE POUR PRÉVENIR TOUTE INGÉRENCE ÉTRANGÈRE

La présente proposition de loi vise en premier lieu à garantir une meilleure transparence sur les agissements de certains acteurs susceptibles d'agir pour le compte d'une puissance étrangère dans le cadre d'une opération d'ingérence. Cette transparence serait mieux garantie à trois niveaux.

En premier lieu, l'article 1er vise ainsi à rendre plus transparentes les activités d'influence réalisées pour le compte d'un mandant étranger. Il prévoit à cette fin la constitution d'un répertoire, tenu et rendu public par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), des représentants d'intérêts qui, pour le compte d'un mandant étranger, influence sur la décision publique, réalisent toute action de communication à destination du public ou collectent des fonds sans contrepartie. Le fait pour un tel représentant d'intérêts de ne pas se soumettre à l'inscription obligatoire à ce registre serait puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

En deuxième lieu, l'article 1er bis tend à mieux garantir la transparence du financement des think tanks « qui réalisent des analyses ou des expertises sur tout sujet en lien avec une politique publique nationale ou en matière de politique étrangère », qui seraient désormais tenus de transmettre à la HATVP la liste des dons et versements reçus de la part de toute puissance ou personne morale étrangère.

Enfin, afin de compléter l'information du Parlement sur l'état d'une menace par nature mouvante, l'article 2 prévoit la remise bisannuelle au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur l'état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, notamment s'agissant des « menaces résultant d'ingérences étrangères ».

B. ADAPTER LES MOYENS D'ENQUÊTE ET LES TECHNIQUES DE RENSEIGNEMENT AUX NOUVEAUX MODES OPÉRATOIRES

L'article 3 tend à étendre aux cas d'ingérences étrangères, pendant un délai de quatre ans à compter de la promulgation de la loi, l'usage par les services de renseignement de la technique dite de « l'algorithme ».

En l'état du droit, la capacité pour les services de renseignement de faire usage de traitements automatisés de données n'est ouverte qu'à la seule fin de prévention du terrorisme. Cet article aurait ainsi pour effet de permettre à ces mêmes services de faire également usage de ces moyens, pendant un délai de quatre ans, aux fins de prévention et de lutte contre les ingérences étrangères.

C. CONFIER À L'ADMINISTRATION DES POUVOIRS LUI PERMETTANT DE CONTRER LES NOUVELLES FORMES D'INGÉRENCE ÉTRANGÈRE

L'article 4 tend à ouvrir la possibilité de geler les avoirs des personnes physiques ou morales pratiquant des actes d'ingérences étrangères. En droit positif, l'administration a en effet la possibilité de geler les avoirs de personnes physiques ou morales « qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes de terrorisme, y incitent ou y participent »3(*). Cet article étendrait ainsi cette faculté aux personnes pratiquant des actes relevant de l'ingérence étrangère, dont il tend au surplus à donner une définition.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : COMPLÉTER UNE INITIATIVE BIENVENUE POUR ARMER LA FRANCE CONTRE LES INGÉRENCES ÉTRANGÈRES

A. ENTÉRINER DANS SON PRINCIPE ET SON ÉCONOMIE UNE PROPOSITION DE LOI ATTENDUE

La commission a en premier lieu tenu à affirmer son plein et entier soutien à une initiative parlementaire particulièrement bienvenue. Fruit des travaux de la délégation parlementaire au renseignement, ce texte attendu de longue date par les acteurs de la lutte contre les ingérences étrangères apporte dans son principe une réponse à une difficulté identifiée qui, sauf à rendre les armes face aux tentatives de déstabilisation de nos institutions démocratiques, ne saurait être tolérée davantage.

Elle a au surplus affirmé son accord sur l'économie générale du dispositif : la commission a estimé que la proposition de loi, qui concilie renforcement des exigences de transparence à destination des représentants d'intérêt et affermissement des capacités concrètes de prévention et de lutte contre les ingérences étrangères dont dispose l'administration, apporte une réponse équilibrée aux difficultés et insuffisances que présente aujourd'hui notre cadre juridique.

B. CONSOLIDER LES DISPOSITIFS PROPOSÉS POUR EN GARANTIR L'EFFICACITÉ

1. Garantir l'opérationnalité des dispositifs proposés

Afin de garantir l'efficacité pratique des dispositifs proposés, la commission a en premier lieu adapté le dispositif de l'article 1er pour mieux tenir compte des spécificités de l'influence étrangère, qui peut s'exercer de manière dissimulée et auprès d'un plus large éventail d'acteurs que la représentation d'intérêts classique. Elle a en conséquence ajouté les anciens présidents de la République, anciens membres du Gouvernement, anciens députés ou anciens sénateurs, pour une durée de cinq ans après l'expiration de leur mandat, à la liste des personnes avec lesquelles l'entrée en communication de l'agent d'influence donne lieu à obligation déclarative - en d'autres termes, les « cibles » d'opérations d'influence.

La commission a également renforcé les prérogatives de la HATVP afin d'améliorer l'efficacité de l'obligation déclarative prévue à l'article 1er. Sans lui octroyer un pouvoir de sanction administrative, la commission a permis à la HATVP, d'une part, d'infliger une astreinte à hauteur de 1 000 euros par jour aux assujettis qui ne défèreraient pas, dans un délai de deux mois, aux mises en demeure de lui communiquer les documents ou informations qu'elle peut leur adresser, et d'autre part, d'assortir son droit de visite sur place, après autorisation d'un juge des libertés et de la détention et en présence d'un officier de police judiciaire, dans les locaux des assujettis de la possibilité de se faire communiquer et de prendre copie des documents professionnels propres à faciliter l'accomplissement de sa mission.

Enfin, la commission a différé l'entrée en vigueur de la loi : constatant qu'une entrée en vigueur au 31 décembre 2024 n'était pas compatible avec le délai nécessaire à la mise en oeuvre opérationnelle du dispositif de l'article 1er dans le contexte d'une pleine mobilisation des services de renseignement sur la sécurisation des Jeux Olympiques et Paralympiques, la commission a repoussé cette entrée en vigueur au 31 décembre 2025.

2. ... tout en les limitant à la seule lutte contre les ingérences étrangères

Au regard des spécificités du mode opératoire des acteurs se livrant à des ingérences étrangères et de la palette d'outils mis à disposition des autorités administratives et judiciaires dans la lutte contre ces ingérences, la commission a souhaité mieux circonscrire ce champ d'action spécifique. À cette fin, elle a créé, à l'article 1er, un répertoire propre aux activités d'influence étrangère plutôt que de compléter le répertoire existant institué par la loi dite « Sapin 2 ». Afin de clarifier la définition des activités assujetties à l'obligation de déclaration, elle a systématisé le critère d'influence sur la décision publique à l'ensemble des activités assujetties.

Pour mieux circonscrire le champ d'application de la présente proposition de loi et afin d'en garantir au mieux la conventionalité, la commission a également exclu les partis politiques des États membres de l'Union européenne de la catégorie des mandants étrangers. De façon analogue et par souci de cohérence, elle a exclu les dons provenant d'États membre de l'Union européenne ou de personnes morales ressortissant de ces États de l'obligation de déclaration faite aux think tanks à l'article 1er bis.

À l'article 3, la commission a remplacé la mention de la lutte contre les ingérences, qui n'est pas définie, par une mention plus générique tenant à la détection d'« ingérences étrangères, des menaces pour la défense nationale ou des menaces terroristes ». Cela permettrait de donner toute sa place à la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) dans cette expérimentation, celle-ci étant chargée d'apprécier la proportionnalité et l'adaptation de l'ensemble des techniques de renseignement. 

Enfin, la commission a entendu recentrer le champ d'application du gel des avoirs et actifs prévu par l'article 4 à la prévention des actes d'ingérence

3. Promouvoir un contrôle parlementaire efficace et accru

La commission a également souhaité renforcer le contrôle parlementaire exercé en matière de lutte contre les ingérences étrangères. À l'article 3, elle a en particulier prévu une date explicite pour la fin de l'expérimentation de l'extension de la technique dite de « l'algorithme » au champ de la prévention et de la lutte contre les ingérences étrangères, recentré le rapport afférent sur les nouvelles finalités pour lesquelles des algorithmes sont possibles et demandé au Gouvernement la remise au Parlement d'un rapport de fin d'expérimentation et de rapports plus complets à la délégation parlementaire au renseignement, spécialement habilitée pour recevoir l'ensemble des éléments nécessaires à un contrôle parlementaire efficace et accru.

C. COMPLÉTER LES OUTILS À DISPOSITION DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES

La commission a ajouté deux articles additionnels tendant à élargir davantage la palette des outils à disposition des autorités administratives et judiciaires dans la lutte contre les ingérences étrangères.

En premier lieu, la commission a souhaité mieux coordonner les missions de la HATVP en incluant au titre du contrôle de la mobilité public-privé et de la reconversion professionnelle des anciens ministres, présidents d'exécutifs locaux et membres d'une autorité administrative ou publique indépendante, le contrôle des risques d'ingérence étrangère, et ce, pour une durée de cinq ans - et non trois ans comme pour les autres contrôles. Il s'avère en effet que de nombreuses actions d'influence étrangère à destination d'anciens décideurs publics nationaux ou locaux sont menées plusieurs années après la fin de leurs fonctions au regard du nombre et de la qualité de leurs contacts, ainsi que de leur influence parfois encore importante dans la vie publique.

En second lieu, la commission a entendu prévoir un dispositif pénal permettant de lutter contre les ingérences des puissances étrangères en prévoyant une circonstance aggravante lorsqu'une atteinte aux biens ou aux personnes est commise pour le compte d'une entité étrangère. Elle a par ailleurs permis, au regard des peines encourues, le recours aux techniques spéciales d'enquête.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Création d'un répertoire des représentants d'intérêts agissant pour le compte de mandants étrangers

L'article 1er tend à créer un répertoire numérique, tenu et rendu public par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), des représentants d'intérêts agissant pour le compte de mandants étrangers.

Dès lors qu'ils exercent une influence sur la décision publique, réalisent toute action de communication à destination du public ou collectent des fonds sans contrepartie au profit d'un mandant étranger, de tels représentants seraient soumis à l'obligation de se déclarer auprès de la HATVP, qui procèderait à leur inscription sur ce registre. Le fait de se soustraire à cette obligation déclarative serait puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Partageant pleinement l'objectif de transparence poursuivi par ces dispositions, la commission a admis sans réserve dans son principe la création d'un tel registre. Elle a néanmoins souhaité en garantir la pleine opérationnalité, notamment en ajoutant les anciens présidents de la République, anciens membres du Gouvernement, anciens députés ou anciens sénateurs, pour une durée de cinq ans après l'expiration de leur mandat, à la liste des personnes avec lesquelles l'entrée en communication de l'agent d'influence donne lieu à obligation déclarative, en renforçant les prérogatives de la HATVP - en particulier en lui octroyant un pouvoir d'astreinte - et en autonomisant le registre prévu en application de la loi dite « Sapin 2 ».

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

1. Le dispositif proposé : un effort de transparence bienvenu dans la prévention et la lutte contre les ingérences étrangères

La présente proposition de loi a notamment pour objectif de garantir une meilleure transparence des tentatives d'ingérences étrangères conduites sur notre sol, qui doit permettre aux décideurs publics, lorsqu'ils sont la cible d'opérations d'ingérence, d'en être dûment informés.

Le cadre juridique français paraît à cet égard lacunaire. Si le répertoire numérique des représentants d'intérêts issu de la loi « Sapin 2 » peut permettre l'appréhension des liens entre certains représentants d'intérêts et des mandants étrangers, force est de constater que, ce dispositif visant moins la lutte contre les ingérences étrangères que la prévention de la corruption et des conflits d'intérêts, il se révèle inadapté à cet objectif.

Cette lacune du cadre juridique français est d'autant plus préoccupante que d'autres États se sont dotés de moyens juridiques dédiés spécifiquement à la lutte contre les ingérences étrangères. Aux États-Unis, le Foreign Agents Registration Act (ou FARA), prévoit un registre spécifique sur lequel doivent s'inscrire les agents travaillant pour le compte d'un mandant étranger. D'autres États, tels que le Royaume-Uni, l'Australie ou le Canada, se sont dotés ou sont en train de se doter d'outils similaires.

L'article 1er de la présente proposition de loi a donc pour objectif de combler cette lacune du cadre juridique français, en procédant à la constitution d'un répertoire numérique, tenu et rendu public par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), sur lequel seraient tenus de s'inscrire les représentants d'intérêts agissant pour le compte de mandants étrangers.

Seraient considérés comme soumis à cette obligation « les personnes physiques ou morales » qui, « sur l'ordre, à la demande ou sous la direction ou le contrôle d'un mandant étranger (...) et aux fins de promouvoir ses intérêts », qui :

- influent sur la décision publique, notamment sur le contenu d'une loi ou d'un acte réglementaire ;

- réalisent toute action de communication à destination du public ;

- ou collectent des fonds ou procèdent au versement de fonds sans contrepartie.

Le fait pour un représentant d'intérêts concerné par cette obligation de s'y soustraire serait puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Les mandants étrangers concernés seraient définis comme appartenant à l'une des trois catégories suivantes :

- les puissances étrangères ;

- les personnes morales qui sont directement ou indirectement dirigées ou contrôlées par ces puissances étrangères, ou dont ces dernières financent plus de la moitié des ressources ;

- les organisations politiques étrangères.

Les pouvoirs de la HATVP pour s'assurer du respect des obligations déclaratives ainsi posées seraient alignés sur ceux dont elle dispose déjà dans le cadre de la tenue du registre des représentants d'intérêts dit « Sapin 2 ».

2. La position de la commission : circonscrire la portée du dispositif à la lutte contre les ingérences étrangères, garantir son opérationnalité et renforcer les pouvoirs de la HATVP

2.1. Garantir l'opérationnalité du dispositif

Partageant pleinement son objectif, la commission a en premier lieu souhaité garantir l'opérationnalité du dispositif proposé. Elle y a à cette fin apporté trois modifications.

En premier lieu, elle a ajouté, par l'adoption des amendements identiques COM-27 de la rapporteure et COM-38 du rapporteur pour avis, les anciens présidents de la République, anciens membres du Gouvernement, anciens députés ou anciens sénateurs, pour une durée de cinq ans après l'expiration de leur mandat, à la liste des personnes avec lesquelles l'entrée en communication de l'agent d'influence donne lieu à obligation déclarative - en d'autres termes, les « cibles » d'opérations d'influence. Elle a ainsi entendu mieux tenir compte des spécificités des opérations d'influence étrangère, qui peuvent s'exercer de manière dissimulée et auprès d'un plus large éventail d'acteurs que la représentation d'intérêts classique.

En deuxième lieu, la commission a renforcé, par l'adoption de l'amendement COM-29 de la rapporteure, les prérogatives dont dispose la HATVP pour assurer le respect de l'obligation déclarative à laquelle seraient désormais soumis les représentants d'intérêts agissant pour le compte de mandants étrangers. Ainsi, se refusant à l'octroi d'un pouvoir de sanction administrative, la commission a néanmoins permis à la HATVP d'infliger une astreinte à hauteur de 1 000 euros par jour aux assujettis qui ne défèreraient pas, dans un délai de deux mois, aux mises en demeure de lui communiquer les documents ou informations qu'elle peut leur adresser, considérant le dispositif de contrôle applicable aux représentants d'intérêt issu de la loi dite « Sapin 2 » comme insuffisamment coercitif face à la problématique de l'influence étrangère. Elle a également ouvert à la HATVP la possibilité d'assortir son droit de visite sur place, après autorisation d'un juge des libertés et de la détention et en présence d'un officier de police judiciaire, dans les locaux des assujettis de la possibilité de se faire communiquer et de prendre copie des documents professionnels propres à faciliter l'accomplissement de sa mission.

Enfin, la commission a, par l'adoption de l'amendement COM-30 de la rapporteure, différé l'entrée en vigueur de la loi : constatant qu'une entrée en vigueur au 31 décembre 2024 n'était pas compatible avec le délai nécessaire à la mise en oeuvre opérationnelle du dispositif de l'article 1er dans le contexte d'une pleine mobilisation des services de renseignement sur la sécurisation des Jeux Olympiques et Paralympiques, la commission a repoussé cette entrée en vigueur au 31 décembre 2025.

2.2. Autonomiser le dispositif de lutte contre les ingérences étrangères par rapport au dispositif résultant de la loi dite « Sapin 2 »

D'un constat partagé par l'ensemble des personnes auditionnées par la rapporteure, le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale pourrait, en ce qu'il renvoie au régime des représentants d'intérêts tel qu'il est organisé par la loi dite « Sapin 2 », être source de confusion et limiter l'effet-signal souhaité par la création d'un nouveau dispositif ad hoc dédié au meilleur contrôle des activités d'influence étrangère.

À cette fin et à l'initiative de la rapporteure et du rapporteur pour avis, elle a adopté les amendements identiques COM-25 et COM-37 tendant à créer, à l'article 1er, un répertoire spécifique aux activités d'influence étrangère plutôt que de renvoyer au répertoire existant institué par la loi dite « Sapin 2 ». Ce faisant, elle a souhaité autonomiser les deux répertoires afin de conforter l'effet-signal envoyé par l'adoption d'un tel dispositif et rendre étanche ces deux outils afin d'éviter toute confusion sur leurs finalités.

Ainsi, elle a considéré que, d'un point de vue formel, ce cadre juridique nouveau ne peut être complètement distinct du régime existant applicable aux représentants d'intérêts qu'en supprimant systématiquement la référence à la notion de « représentant d'intérêts » - notion au surplus peu adaptée à la qualification d'activités d'influence étrangère - et en limitant, lorsque cela est possible, les renvois entre les deux régimes au profit d'une inscription « en dur » des dispositions applicables aux activités d'influence étrangères.

2.3. Circonscrire la portée du dispositif à la seule lutte contre les ingérences étrangères

Au regard des spécificités du mode opératoire des acteurs se livrant à des ingérences étrangères et de la palette d'outils mis à disposition des autorités administratives et judiciaires dans la lutte contre ces ingérences, la commission a souhaité mieux circonscrire ce champ d'action spécifique.

D'une part, la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale définit comme activités déclenchant l'obligation déclarative le fait d'« influer sur la décision publique en entrant en communication avec des élus ou décideurs » ; or, alertée sur ce point lors de ses auditions, il est apparu à la rapporteure que la notion d'influence sur la seule « décision publique » était trop restrictive compte tenu des modes opératoires de ces agents.

D'autre part, la rédaction résultant des travaux de l'Assemblée nationale inclut au surplus les activités, caractérisées par un critère matériel, consistant à « réaliser toute action de communication à destination du public », ou à « collecter des fonds ou procéder au versement de fonds sans contrepartie », sans exiger que ces activités soient conduites dans le but d'influer sur la vie publique. Il en résulte un élargissement excessif du champ d'application du dispositif qu'il est, dès lors, nécessaire de circonscrire à la seule lutte contre les ingérences étrangères considérant que celle-ci passe nécessairement par une meilleure transparence sur les influences étrangères, pratiques et activités parfaitement légales.

Pour y remédier, la commission propose, par l'adoption de l'amendement COM-26 de la rapporteure, de systématiser le critère d'influence sur la décision publique à l'ensemble des activités assujetties, - critère intentionnel qui complèterait ainsi le critère matériel relatif aux activités déjà retenu par la proposition de loi -, tout en retenant la notion plus large d'influence sur la conduite des politiques publiques.

Enfin, poursuivant le même objectif, elle a, par l'adoption de l'amendement COM-38 de la rapporteure, exclu les partis et groupements politiques de l'Union européenne de la catégorie des mandats étrangers, évitant ainsi tout risque d'inconventionnalité.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 1er bis A (nouveau)
Contrôle de la HATVP sur le risque d'ingérence en matière de reconversion professionnelle

L'article 1er bis A, inséré à l'initiative de la commission, tend à compléter les missions de la HATVP en matière de lutte contre les ingérences étrangères.

D'une part, il tire les conséquences des dispositions de l'article 1er de la proposition de loi en précisant explicitement les missions de la HATVP en matière de lutte contre les ingérences étrangères.

D'autre part, il tend à mieux coordonner les missions de la HATVP en incluant, comme le préconise le rapport de l'OCDE sur la prévention des ingérences étrangères, au titre du contrôle de la mobilité public/privé et de la reconversion professionnelle des anciens ministres, présidents d'exécutifs locaux et membres d'une autorité administrative ou publique indépendante, le contrôle des risques d'ingérence étrangère, et ce, pour une durée de cinq ans - et non trois ans comme pour les autres contrôles.

La commission a ajouté l'article 1er bis A ainsi rédigé.

Au regard des nouvelles missions attribuées à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) à l'article 1er de la présente proposition de loi, la commission a souhaité, à l'initiative de sa rapporteure, adopter l'amendement COM-31, pour en tirer toutes les conséquences.

En premier lieu, il a paru nécessaire à la commission, dans un objectif de cohérence du droit, de compléter les missions aujourd'hui dévolues à la HATVP pour y faire figurer explicitement celles découlant des attributions lui échéant en vertu de l'article 1er de la présente proposition de loi.

En second lieu, la commission a souhaité tenir compte des préconisations de l'OCDE dans son rapport relatif à la lutte contre les ingérences étrangères en France4(*).

Ce rapport relève en particulier que « concernant la reconversion d'anciens responsables et agents publics au sein d'entités étrangères, le dispositif français ne permet pas aujourd'hui d'encadrer les mobilités au-delà de trois ans et n'inclut pas de disposition particulière sur la représentation d'intérêts étrangers. » Un tel constat a été partagé, lors de son audition, par Didier Migaud, président de la HATVP, qui a plaidé pour un « meilleur contrôle de la reconversion professionnelle des quelques 15 000 personnes qui font déjà l'objet d'un contrôle, sans que le risque d'ingérence étrangère ne soit aujourd'hui pris en compte ».

Dès lors, la commission a souhaité assurer une meilleure articulation des missions de la HATVP en matière de prévention des conflits d'intérêts pour la reconversion de responsables publics et en matière, désormais, de lutte contre les ingérences étrangères.

Elle a, à cette fin, inclu au titre du contrôle de la mobilité public/privé et de la reconversion professionnelle des anciens ministres, présidents d'exécutifs locaux et membres d'une autorité administrative ou publique indépendante, le contrôle des risques d'ingérence étrangère, et ce, pour une durée de cinq ans - et non trois ans comme pour les autres contrôles. En effet, il apparait que de nombreuses actions d'influence étrangère à destination d'anciens décideurs publics nationaux ou locaux soient menées plusieurs années après la fin de leurs fonctions au regard de leurs nombreux contacts et de leur influence parfois encore importante dans la vie publique. Au surplus, une telle durée de contrôle, bien que dérogatoire, est cohérente avec la durée introduite par la commission à l'article 1er par l'amendement COM-25 de la rapporteure qui élargit la liste des « cibles » de l'influence aux anciens élus nationaux pour une durée de cinq années à l'issue de leur mandat.

La commission a ajouté l'article 1er bis A ainsi rédigé.

Article 1er bis
Obligation pour les laboratoires d'idées de déclarer les dons et versements étrangers

Cet article, issu d'un amendement adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, tend à ce que les laboratoires d'idées soient tenus de transmettre à la HATVP le montant des dons et versements étrangers qu'ils reçoivent.

La commission a adopté cet article en y apportant plusieurs précisions et l'a complété pour inclure dans son champ les Instituts.

1. Un financement des laboratoires d'idées sujet à débat

a) Le risque d'achat d'influence dans le cadre du débat d'idées

Les laboratoires d'idées participent à la diversité et à la qualité du débat démocratique. Leur visibilité, la notoriété qu'ils peuvent acquérir et l'appui qu'ils sont susceptibles d'apporter dans le débat public à une cause ou à une demande d'évolution des politiques publiques ou législatives en font des objets d'intérêt pour les puissances étrangères soit par la voie de l'entrisme, soit par celle de la création de structures dédiées à la promotion de leurs intérêts.

Dès 2014, le New York Times relevait l'importance de l'implication financière d'États étrangers dans les think tanks américains, dans le but d'y avoir une influence. Dans le cadre des mesures prises pour limiter l'influence étrangère sur la politique intérieure américaine, à la suite de l'ingérence russe dans l'élection présidentielle américaine, le Département d'État américain a mis en place en 2020 une mesure de publication des financements étrangers reçus par les laboratoires d'idées. Aujourd'hui semble-t-il mise en sommeil par l'exécutif, cette mesure fait l'objet d'une proposition de loi au Sénat américain.

b) Les laboratoires d'idées sont considérés par la HATVP comme des représentants d'intérêts

En France, l'inscription des laboratoires d'idées en tant que représentants d'intérêts a pu faire l'objet de débat et d'un contentieux porté par l'Institut Montaigne devant le Conseil d'État. En l'état du droit, ils doivent figurer au registre des représentants d'intérêts.

Comme l'indique la HATVP, les laboratoires d'idées formulent des propositions de réformes dans différents domaines d'intervention de l'État. Leur action de promotion de ces réformes les fait entrer dans la définition des représentants d'intérêts.

2. Le dispositif proposé

Au regard de l'importance des laboratoires d'idées dans le débat public, l'article 1er bis prévoit la transmission à la HATVP de la liste des dons et versements reçus de la part de toute puissance étrangère ou de toute personne morale étrangère.

Il renvoie à un décret en Conseil d'État la définition des modalités de cette transmission et notamment les conditions de la publicité des informations transmises.

3. La position de la commission : un meilleur encadrement des exigences imposées aux laboratoires d'idées

La commission approuve le renforcement proposé de la transparence des financements étrangers pour les laboratoires d'idées. Elle a adopté l'amendement (COM-11 rect.) déposé par Gisèle Jourda afin de soumettre aux mêmes obligations les Instituts destinés à pouvoir une langue ou une culture étrangère.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a également souhaité garantir la conventionnalité et la proportionnalité du dispositif en prévoyant que les financements par des États ou des personnes morales de l'Union européenne n'entraient pas dans le champ de l'obligation de déclaration et en renvoyant au décret la détermination d'un seuil au-delà duquel la déclaration sera obligatoire, celle-ci n'ayant pas vocation à s'appliquer au premier euro. Elle a donc adopté l'amendement COM-22.

La commission a adopté l'article 1er bis ainsi modifié.

Article 2
Rapport sur l'état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale en raison d'ingérences étrangères

Cet article prévoit la remise d'un rapport tous les deux ans au Parlement sur l'état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, et notamment des menaces résultant d'ingérences étrangères. Ce rapport pourra faire l'objet d'un débat au Parlement.

La commission a adopté cet article sans modification.

La commission considère que la remise régulière d'un rapport au Parlement sur l'état des menaces et notamment sur celles résultant des ingérences étrangères participe de la prise de conscience et de la connaissance des menaces auxquelles est exposée la France et qui ne se révèlent malheureusement parfois que sous la forme de crises internes ou internationales ou d'attentats.

Elle a donc approuvé cet article tout en rappelant que la possibilité pour l'Assemblée nationale ou le Sénat d'organiser des débats relève de la responsabilité de chaque assemblée sans qu'une mesure législative soit nécessaire à cet effet.

La commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3
Extension de la technique dite de l'algorithme aux cas d'ingérence étrangère

Cet article autorise, à titre expérimental, les services de renseignements à faire fonctionner des traitements automatisés de données afin de détecter des connexions susceptibles de révéler toute forme d'ingérence ou de tentative d'ingérence étrangère.

La commission a adopté cet article en lui apportant plusieurs précisions.

1. Un recours aux algorithmes encadré mais qui doit encore faire ses preuves

Le lexique de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) définit l'algorithme comme un « traitement automatisé de données de connexion dont la mise en oeuvre, prévue à l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure, ne peut être autorisée que pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme. »

L'algorithme vise à déceler, parmi des données de connexion transitant sur les réseaux des opérateurs de communications électroniques, dont des URLs, des indices caractérisant la préparation d'un acte de terrorisme, telle qu'une succession de connexions révélant un comportement représentatif d'une menace. 

Le recours aux algorithmes comme technique de renseignement a été ouvert par la loi du 24 juillet 2015 pour une période limitée, à titre expérimental. Initialement fixée au 31 décembre 2018, son échéance a été repoussée de deux ans par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, au regard de la mise en oeuvre tardive des premiers algorithmes, puis pérennisée par la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement.

La délégation parlementaire au renseignement (DPR) a plusieurs fois souligné les résultats décevants des algorithmes au regard de l'atteinte qu'ils portent aux libertés, puisque leur usage repose sur l'obligation faite aux opérateurs ou fournisseurs de communications électroniques de mettre en oeuvre sur leurs réseaux des traitements automatisés afin de détecter des schémas de connexions susceptibles de révéler une menace terroriste.

Sur son site internet, la CNCTR fait état du fonctionnement de quatre algorithmes.

Outre la limitation de son champ d'application à la finalité de prévention du terrorisme, la procédure d'autorisation de la mise en oeuvre de l'algorithme a été strictement encadrée : il ne peut ainsi être mis en oeuvre que pour une durée initiale de deux mois renouvelée par périodes de quatre mois, après avis préalable de la CNCTR sur le dispositif technique envisagé et les paramètres retenus.

S'agissant du fonctionnement de la technique en elle-même, le traitement des données de contenu des communications en a été exclu. En outre, il a été précisé que le traitement automatisé ne doit en aucun cas permettre d'identifier les personnes auxquelles les données de connexion analysées se rapportent. Ce n'est que dans un second temps qu'un service, en cas de révélation d'une menace terroriste, peut demander l'autorisation au Premier ministre de « lever l'anonymat », après avis de la CNCTR, sur les données de connexion en question et de les conserver.

La technique de l'algorithme est donc difficile à mettre en oeuvre pour trois raisons. Elle suppose l'identification de comportements d'usage d'internet qui correspondent à la préparation d'une attaque terroriste, leur traduction sous la forme d'un programme informatique, l'application de celui-ci aux données de connexion autorisées pas la loi et l'identification de cas pertinents, enfin la levée de l'anonymat et la levée de doute par le service à l'origine de la demande. Il s'agit donc d'une technique nécessairement limitée, mais susceptible de fournir des renseignements autrement inatteignables s'il est possible de la mettre en oeuvre de manière efficace.

2. Le dispositif proposé : une extension des finalités de l'algorithme

L'article 3 propose d'étendre la possibilité de recours à l'algorithme à la lutte contre toute forme d'ingérence ou de tentative d'ingérence étrangère. Cette extension est prévue pour une durée de quatre ans avec une clause couperet au terme de cette période. Un rapport à mi-parcours est prévu afin de présenter au Parlement l'état de la mise en oeuvre sur ces nouvelles finalités. À la suite de l'adoption en commission des lois à l'Assemblée nationale d'un amendement du groupe Socialiste et apparentés, ce rapport doit également présenter l'impact de l'élargissement sur l'efficacité de l'algorithme en matière de lutte contre le terrorisme.

3. La position de la commission : une extension possible sous réserve de précisions et d'une meilleure information du Parlement

La commission a admis l'argument présenté par les services selon lequel l'identification de schémas de comportements par l'algorithme serait plus aisée en matière d'ingérence qu'en matière de terrorisme, où le nombre d'auteurs isolés a considérablement augmenté ces dernières années.

Elle a été moins convaincue par la possibilité de mise en oeuvre à court terme d'un algorithme pour la lutte contre les cyberattaques au regard des difficultés techniques qui lui ont été présentées. Le délai de quatre ans prévu par l'article 3 permettra de juger de la faisabilité des algorithmes en la matière.

Afin de préciser le champ d'application de la technique de l'algorithme, la commission a adopté l'amendement COM-33 présenté par la rapporteure et autorisant le recours à cette technique pour la lutte contre les ingérences étrangères et les menaces pour la défense nationale, en plus de la lutte contre le terrorisme. La notion de « menace » paraît plus précise que celle visant « toute forme d'ingérence ou de tentatives d'ingérence étrangères » et permet d'inclure la lutte contre les cyberattaques.

L'amendement COM-33 recentre également le rapport demandé sur l'extension des recours à l'algorithme et prévoit la remise d'un deuxième rapport six mois avant la fin de l'expérimentation dont la date est fixée au 1er juillet 2028. Dans les deux cas une version comportant les informations classifiées sera remise à la DPR.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4
Possibilité de procéder au gel des fonds et des ressources économiques des personnes se livrant à des actes d'ingérence

Cet article ouvre au ministre chargé de l'économie et au ministre de l'intérieur la possibilité de décider, conjointement, le gel des fonds et ressources économiques des personnes physiques ou morales ou de toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes d'ingérence, y incitent ou y participent.

La commission a choisi de limiter le champ de cet article à la prévention des actes d'ingérence, parallèlement à l'élaboration d'un mécanisme renforcé de sanctions pénales prévu à l'article 4 bis.

1. Un mécanisme déjà utilisé en matière de recours contre le terrorisme

L'article L. 562-1 du code monétaire et financier donne une définition de l'acte de terrorisme sur le fondement de laquelle l'article L 562-2 permet le gel des avoirs « qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques ou morales, ou toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes de terrorisme, y incitent ou y participent ».

Ce mécanisme est soumis à une autorisation conjointe du ministre chargé de l'économie et du ministre de l'intérieur pour une durée de six mois, renouvelable.

Cette mesure, qui implique un travail important d'identification des personnes et de leurs avoirs, est complexe à mettre en oeuvre au regard des exigences de la jurisprudence administrative en matière de preuve et des coûts liés au gel des avoirs. Elle apparaît à certains égards davantage comme un signal envoyé que comme une mesure de sanction ayant vocation à être largement déployée.

2. Le dispositif proposé : une extension à la lutte conte l'ingérence

L'article 4 propose, sur le modèle des dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, d'inscrire dans le code monétaire et financier une définition de l'ingérence puis, sur ce fondement, d'étendre la possibilité de gel des avoirs à la lutte contre le phénomène.

3. La position de la commission : un signal utile en matière de prévention des actes d'ingérence

Tout en partageant l'objectif de cet article, la commission des lois a adopté l'amendement COM-34 de la rapporteure tendant à en restreindre la portée à la prévention des actes d'ingérence. Au regard des difficultés de mise en oeuvre des procédures de gel, il semble en effet peu réaliste d'essayer de lutter contre les cas d'ingérence avérés par ce mécanisme. La mesure garde cependant tout son sens dans les cas où l'autorité judiciaire ne sera pas en mesure d'intervenir et où une mesure d'entrave pourra être mise en oeuvre, sous le contrôle du juge administratif.

La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 4 bis (nouveau)
Aggravation des peines en cas d'ingérence étrangère

Cet article, introduit à l'initiative de la rapporteure, tend à prévoir une circonstance aggravante en cas d'infraction commise pour le compte d'une entité étrangère et à autoriser le recours aux techniques spéciales d'enquête.

Participant au renforcement des sanctions contre l'ingérence étrangère, l'article 4 bis crée une circonstance aggravante applicable aux infractions contre les biens ou les personnes conduites dans le but de servir les intérêts d'une entité étrangère. Le minimum de peine encourue est dans ces cas fixé à six ans d'emprisonnement et peut aller jusqu'à la perpétuité pour les crimes encourant dans d'autres cas une peine maximale de trente ans d'emprisonnement.

En complément de cet ajout au code pénal, l'article complète également le code de procédure pénale afin de permettre le recours aux techniques spéciales d'enquête dans les affaires d'ingérence étrangère. Cette mesure permettra une continuité entre les techniques utilisées en renseignement et celles ouvertes au juge une fois l'affaire judiciarisée.

La commission a adopté l'article 4 bis ainsi rédigé.

Article 5
Application dans les Outre-mer.

Cet article procède aux coordinations nécessaires pour permettre l'application des dispositions de la présente proposition de loi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna.

Tout en soulignant l'importance de cet article au regard du niveau d'ingérence étrangère dans les Outre-mer, la commission l'a adopté sans modification.

La commission a adopté l'article 5 sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 15 MAI 2024

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons maintenant le rapport de notre collègue Agnès Canayer sur la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France. Je salue la présence de Claude Malhuret, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Ce texte a été déposé à l'Assemblée nationale par Sacha Houlié et a été adopté le 27 mars dernier. Hier, au Sénat, il a fait l'objet d'un avis favorable de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de l'adoption d'amendements déposés en commun avec le rapporteur Claude Malhuret.

Ce texte est issu des travaux de la délégation parlementaire au renseignement (DPR), composée à parité de députés et de sénateurs. Dans le rapport qu'elle a déposé en juin 2023, la DPR a fait vingt-deux propositions visant à lutter contre les ingérences étrangères, ces actions hostiles des États, destinées à peser sur les décisions publiques ou sur l'opinion pour servir leurs intérêts. Sur ces propositions, quatre sont d'ordre législatif et figurent dans le texte que nous examinons aujourd'hui.

La première vise à introduire un répertoire propre aux activités d'influence étrangère, qui sera contrôlé et géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

La deuxième mesure prévoit qu'un rapport sur les menaces liées aux ingérences étrangères pesant sur notre territoire sera remis tous les deux ans et débattu au Parlement, de façon à acculturer les parlementaires et l'opinion publique sur le sujet.

La troisième disposition vise à étendre au champ de l'ingérence étrangère l'utilisation de la technique dite « de l'algorithme » par les services de renseignement, qui n'y ont aujourd'hui recours que dans une finalité de lutte contre le terrorisme.

Enfin, le texte prévoit la possibilité de geler les avoirs des autorités et des personnes morales ou physiques participant à des opérations d'ingérence étrangère.

Cette proposition de loi est bienvenue. La menace en matière d'ingérence étrangère se développe, elle est protéiforme et omniprésente sur notre territoire, et s'annonce durable. Il est donc nécessaire de nous doter d'outils pour la prévenir, sachant qu'il faut distinguer ce qui relève de l'influence étrangère, qui consiste à défendre les intérêts d'un État étranger, de ce qui relève de l'ingérence, qui consiste à s'adonner à une action hostile visant à influer sur une décision ou une politique publique.

En lien avec la commission des affaires étrangères et de la défense, la commission des lois a rencontré de nombreux acteurs directement impliqués dans la lutte contre les ingérences étrangères, tels que les services de renseignement, la HATVP et la direction générale du Trésor. Nous avons déduit de ces rencontres la nécessité de modifier la proposition de loi, en privilégiant trois axes : la rendre plus opérationnelle, renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement et augmenter les outils à disposition des autorités administratives et judiciaires chargées de lutter contre les ingérences étrangères.

La garantie d'une plus grande opérationnalité des dispositifs concerne avant tout l'article 1er, relatif au répertoire prévu par le texte, qui doit permettre d'assurer une transparence en la matière et de mieux contrôler les activités d'influence étrangère.

En premier lieu, nous proposons de renforcer l'autonomisation du nouveau registre par rapport au répertoire actuel des déclarations d'intérêts, issu de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », dans un souci d'étanchéité.

En deuxième lieu, nous avons tenu à clarifier la notion d'ingérence étrangère, pour bien savoir qui ce répertoire doit concerner. Nous proposons de retenir comme critère intentionnel le fait d'« influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d'une loi ou d'un acte réglementaire sur une décision publique individuelle ou sur la conduite des politiques publiques ». En outre, il devrait être combiné avec un critère matériel pouvant prendre trois formes : entrer en communication avec une « personne cible » de l'influence, réaliser une opération de communication à destination du public et collecter des fonds ou procéder à des versements sans contrepartie.

En troisième lieu, nous proposons d'étendre la liste des personnes « cibles » eu égard aux règles fixées par la loi dite « Sapin 2 ». Nous avons souhaité inclure les anciens Présidents de la République, les anciens membres du Gouvernement, les anciens députés et sénateurs, pour une durée de cinq ans après la fin de leurs mandats, mais aussi les candidats aux élections présidentielle, législatives ou sénatoriales, les dirigeants de partis politiques et les élus locaux de communes de plus de 20 000 habitants, ce seuil étant fixé à 100 000 dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.

En quatrième lieu, nous avons souhaité étendre les pouvoirs de contrôle de la HATVP, sans pour autant lui donner de pouvoir de sanction administrative. Il s'agit notamment de lui permettre de procéder à des vérifications sur place et sur pièces, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD) et en présence d'un officier de police judiciaire, et d'infliger une astreinte quand les documents requis ne lui sont pas transmis.

En cinquième lieu, compte tenu de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques et de l'ampleur des actes préparatifs au déploiement effectif du nouveau registre, la HATVP ne pourra pas être opérationnelle en décembre 2024. Nous proposons donc de reporter l'entrée en vigueur du dispositif à décembre 2025.

En sixième lieu, nous avons voulu assurer la conventionnalité du dispositif en excluant les acteurs issus de l'Union européenne (UE) de la catégorie des mandants étrangers.

En septième lieu, nous proposons de clarifier, dans l'article 3, les objectifs des algorithmes, dont l'utilisation par les services de renseignement a été autorisée par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, avant d'être pérennisée par la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement. Nous souhaitons étendre cette utilisation à la lutte contre les ingérences étrangères, dans le cadre d'une expérimentation de quatre ans, qui prendra fin le 1er janvier 2028.

Enfin, à l'article 4, nous avons recentré le champ d'application du gel des avoirs sur la prévention des actes d'ingérence.

J'en viens à notre deuxième axe de travail, qui vise à renforcer le contrôle du Parlement sur ces dispositifs. Un rapport sera demandé sur l'expérimentation des techniques de l'algorithme, qui devra être remis six mois avant le 1er janvier 2028. De plus, un rapport exhaustif sera remis à la DPR et un rapport expurgé des données couvertes par le secret défense au Parlement.

Nous avons aussi souhaité compléter les outils disponibles en donnant à la HATVP des possibilités de contrôler les mobilités entre les secteurs public et privé des anciens élus, notamment les anciens Présidents de la République, anciens membres du Gouvernement, anciens parlementaires et anciens membres des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes (API), pendant une durée de cinq ans. Aujourd'hui, la HATVP vérifie le respect du principe de déontologie pendant trois ans, mais nous constatons que l'influence sur les anciens élus continue de peser au-delà de cette durée.

Enfin, nous souhaitons renforcer les peines encourues et avons prévu une circonstance aggravante en cas d'ingérence étrangère, qui permettra d'avoir recours aux techniques spéciales d'enquête et de faire le lien entre le renseignement et l'autorité judiciaire.

M. Claude Malhuret, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Hier, une question a été soulevée en commission des affaires étrangères : les députés et les sénateurs figurent parmi les personnes cibles mentionnées par le texte ; mais qu'en est-il des députés européens ? Certes, le Parlement européen a ses propres règles, mais la commission des affaires étrangères souhaiterait que la commission des lois se prononce sur le fond sur ce sujet.

M. Jérôme Durain. - Ce texte est bienvenu, le risque d'ingérence étrangère étant bien présent sur notre territoire. La guerre hybride qu'il faut mener en la matière nécessite que les pouvoirs publics mettent en place une série de dispositifs pour se défendre, ce que ce texte propose de faire. Néanmoins, les propositions formulées ne sont pas à la hauteur des enjeux, et nous avons déposé un certain nombre d'amendements, dans l'objectif de muscler le texte et de balayer un spectre plus large, qui intégrerait aussi la lutte contre les ingérences économiques, la lutte contre la présence illégale de polices étrangères sur notre territoire, la lutte contre les ingérences dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui nous paraissent particulièrement pernicieuses, de même que les questions tenant à la sensibilisation des jeunes et des élus locaux.

Nous proposons également des modifications de rédaction à l'article 1er, pour clarifier certaines définitions, ainsi qu'une réécriture de l'article 3.

Par ailleurs, il nous semble important de renforcer le contrôle de la reconversion professionnelle des anciens membres du Gouvernement. Nous soumettons un amendement en ce sens, dont les termes sont légèrement différents de ceux que propose la rapporteure.

Enfin, nous avons déposé un amendement sur l'intitulé de ce texte, dans un souci de clarification.

M. André Reichardt. - Je commencerai par évoquer la sensibilité de ce texte, qui arrive au Sénat alors qu'une commission d'enquête travaille sur le sujet. Depuis trois mois, nous multiplions les auditions. Il aurait été intéressant d'attendre les résultats de nos travaux, nous nous penchons notamment sur des aspects qui auraient pu être traités dans ce texte, d'autant que le rapport sera rendu dans deux mois au plus tard. Que fera-t-on du rapport, dans la mesure où la proposition de loi aura été votée ?

En tant que vice-président de la commission des affaires européennes, je me suis rendu en Géorgie où des manifestations monstres ont lieu contre ce que les opposants au pouvoir appellent la « loi russe », qui doit être votée aujourd'hui. Le Premier ministre géorgien nous a expliqué qu'on lui reprochait ce texte, censé porter sur les ingérences étrangères, et mentionnait le travail réalisé en France sur le sujet. Il s'agit donc d'un texte très politique, qui peut avoir des répercussions sur le plan international. Le texte initial doit évoluer.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Sur le contexte, la proposition de loi est issue d'un rapport de la DPR, mais aussi du travail accompli par une commission d'enquête de l'Assemblée nationale dont la rapporteure était Constance Le Grip. Par ailleurs, nous ne sommes pas maîtres du calendrier législatif, ce texte a été inscrit à l'ordre du jour du Sénat par le Gouvernement. Cependant, les outils sont très attendus, notamment par les services de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

La réponse française à la problématique de l'ingérence étrangère s'inspire largement de ce qu'ont fait les États-Unis avec le dispositif créé par la loi Fara (Foreign Agents Registration Act), que l'on retrouve dans d'autres pays anglo-saxons.

En ce qui concerne la Géorgie, le pouvoir pro-russe prétend vouloir mettre en place un système d'encadrement des ingérences étrangères pour servir la voix russe. Il utilise notre dispositif pour renforcer les tensions existantes. Cependant, notre ambition n'a rien à voir puisque nous recherchons la transparence et pas l'interdiction. Je rappelle que l'influence étrangère est autorisée en France et doit être déclarée, dans un souci de transparence. En outre, l'autonomisation du registre des activités d'influence étrangère par rapport au registre des représentants d'intérêts participe à nous différencier plus encore du dispositif géorgien.

Jérôme Durain considère que le texte n'est pas à la hauteur, mais le périmètre est bien circonscrit. Il s'agit d'une volonté, dans le contexte, de limiter le dispositif à ce qui relève de l'ingérence étrangère, en excluant tout ce qui relève de l'ingérence économique, qui devrait faire l'objet d'autres véhicules législatifs et ne rentre pas dans le périmètre de l'article 45.

J'en viens enfin à la remarque formulée en commission des affaires étrangères sur la situation des députés européens. Pour définir les ingérences étrangères, le critère intentionnel consiste à influer sur l'adoption de lois, de règlements et de décisions individuelles. Or le rôle des députés européens n'est pas direct en la matière. De plus, après les travaux de la commission d'enquête européenne présidée par Raphael Glucksmann, ils sont soumis à un nouveau registre. Enfin, une réflexion est menée au Parlement européen pour aller plus loin dans le dispositif de contrôle des députés.

Mme Nathalie Delattre. - Ce texte aurait pu attendre trois mois, mais il y a tant à faire sur ce sujet que d'autres véhicules législatifs seront sans doute mobilisés. Cette première approche semble très intéressante.

J'ai rencontré des représentants des AAI à l'occasion de l'examen du dernier projet de loi de finances (PLF) et leurs effectifs étaient déjà très tendus. Or nous leur confions une mission supplémentaire. Des moyens sont-ils prévus ? Avons-nous quantifié les équivalents temps plein (ETP) qui devront leur être alloués pour qu'ils puissent mener à bien cette mission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous avons rencontré Didier Migaud, le président de la HATVP, qui nous a fait part de ses inquiétudes, en termes de moyens humains, mais aussi informatiques et numériques. Nous avons décidé de reporter l'entrée en vigueur de la loi pour leur donner les moyens et le temps de créer les outils nécessaires. Ils ont déjà obtenu quatre ETP supplémentaires. Ils en demandent plus, ce qui fera l'objet de discussions lors de l'examen du prochain PLF.

M. François-Noël Buffet, président. - Le président de la HATVP réclame cette compétence et souhaite l'exercer. À charge pour lui de trouver les moyens de le faire.

J'ajouterai aussi un mot sur la temporalité. Entre les rapports de la DPR et de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, le travail est déjà largement documenté. Le texte, bien délimité dans son périmètre, est principalement inspiré du rapport de la DPR. Les sujets que vous avez mentionnés, monsieur Durain, sont très importants et devront être traités. Nous attendons un nouveau véhicule législatif à la rentrée parlementaire ; il nous faudra anticiper afin de le nourrir de nos réflexions. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est très intéressant, mais ne suffit pas sur le fond.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que le périmètre de cette proposition de loi inclut les dispositions relatives aux dispositifs administratifs et judiciaires destinés à prévenir et à réprimer l'ingérence par une puissance étrangère, aux obligations déclaratives des personnes travaillant pour promouvoir en France les intérêts de personnes publiques ou morales étrangères, aux techniques ouvertes aux services de renseignement pour détecter les ingérences étrangères.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-25 et COM-37 visent à autonomiser le nouveau répertoire.

Les amendements identiques COM-25 et COM-37 sont adoptés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-26 vise à clarifier la notion d'ingérence étrangère, au moyen d'un nouveau critère intentionnel et d'un critère matériel susceptible de prendre trois formes.

J'émets un avis défavorable à l'amendement COM-9 rectifié, moins-disant que l'amendement COM-26.

L'amendement COM-26 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-9 rectifié devient sans objet.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-27 et COM-38 visent à étendre la définition des personnes « cibles ».

Les amendements COM-27 et COM-38 sont adoptés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-4, qui vise à modifier le champ des activités déclenchant les obligations déclaratives, semble déjà satisfait. Avis défavorable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-10 rectifié vise à modifier le périmètre des activités déclenchant les obligations déclaratives. Les dispositifs que nous avons prévus sont suffisants. Avis défavorable.

L'amendement COM-10 rectifié n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-22 rectifié tend à élargir le périmètre des mandants étrangers aux États de l'Union européenne. Nous identifions un risque d'inconventionnalité. Avis défavorable.

L'amendement COM-22 rectifié n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-28 vise à exclure les groupements politiques de l'Union européenne de la catégorie des mandants étrangers.

L'amendement COM-28 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-2 prévoit d'élargir le périmètre des mandants étrangers aux partis et aux mouvements en exil, ce qui nous paraît satisfait. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-36 vise à élargir la notion de mandat à tout mandat tacite et à une appréciation au regard de l'activité déployée. Ces deux notions semblent particulièrement floues. Avis défavorable.

L'amendement COM-36 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-1 rectifié ter et COM-5 correspondent à une demande forte du Conseil national des barreaux (CNB). Ils ont pour objet d'exclure les avocats de l'obligation de déclaration. Nous souhaitons reporter ce débat en séance pour connaître la position du Gouvernement. Les avocats ne sont pas exclus de cette obligation dans la loi dite « Sapin 2 » ; pourquoi faudrait-il les exclure dans ce texte ? Nous craignons, au surplus, un risque de contournement du dispositif en cas d'exonération des activités des avocats. Avis défavorable.

Les amendements COM-1 rectifié ter et COM-5 ne sont pas adoptés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-6 vise à modifier les informations susceptibles d'être transmises à la HATVP. Il s'agirait d'une obligation trop rigoureuse, qui ne renforcerait pas la transparence. Avis défavorable.

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-3 a le même objet que le précédent. Avis défavorable.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-29 prévoit de renforcer les prérogatives de contrôle de la HATVP pour en garantir l'efficacité.

L'amendement COM-29 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-30 vise à différer l'entrée en vigueur de la loi au 31 décembre 2025.

L'amendement COM-30 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 1er

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-31 concerne le contrôle exercé par la HATVP en cas de reconversion à la fin d'un mandat, et ce, pendant cinq années.

L'amendement COM-31 est adopté et devient article additionnel.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-21 rectifié bis de M. Durain, qui est très similaire à l'amendement COM-31, s'il est mis en adéquation avec le mien.

M. Jérôme Durain. -Nous proposons que la durée de contrôle soit de dix ans et souhaiterions que le débat ait lieu sur cette question importante.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Vous ne le mettrez pas en adéquation avec celui de la commission ?

M. Jérôme Durain. - Nous préférons maintenir la durée proposée.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Mon avis est donc défavorable.

L'amendement COM-21 rectifié bis n'est pas adopté.

Article 1er bis (nouveau)

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-32 concerne les laboratoires d'idées ou think tanks. Pour éviter les risques d'inconventionnalité, nous proposons d'exclure les dons provenant des États membres de l'Union européenne. Nous proposons aussi de renvoyer à un décret en Conseil d'État la détermination du seuil qui déclenchera l'obligation de déclaration.

L'amendement COM-32 est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-11 rectifié.

L'amendement COM-11 rectifié est adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-12 rectifié concerne la déclaration des financements étrangers reçus par les universités. Nous manquons de visibilité sur les dispositifs existants et il nous faudra en rediscuter en séance. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-12 rectifié n'est pas adopté.

L'article 1er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 1er bis (nouveau)

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - En ce qui concerne l'amendement COM-13, nous avons besoin de précisions sur le lien entre les puissances étrangères et la mission confiée aux chercheurs. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

M. Christophe-André Frassa. - Il est intéressant de remarquer que les objets de ces derniers amendements sont assez identiques aux articles de la loi qui fait descendre les Géorgiens dans les rues.

L'amendement COM-13 n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Après l'article 2

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-14 rectifié formule une demande de rapport. Nous espérons obtenir les explications du Gouvernement en séance sur le sujet. Il ne semble pas nécessaire de demander un rapport. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-14 rectifié n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-15 rectifié.

L'amendement COM-15 rectifié n'est pas adopté.

Article 3

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-7, qui vise à supprimer l'article.

L'amendement COM-7 n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-16 rectifié tend à réécrire l'article. Les effets juridiques seraient identiques à ceux qui sont actuellement prévus par le dispositif. Par ailleurs, les précédents algorithmes n'ont pu être élaborés qu'au bout de trois ans, ce qui justifie la durée demandée. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

M. Jérôme Durain. - Je serai inflexible.

L'amendement COM-16 rectifié n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-33 vise notamment à donner toute sa place à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). L'amendement COM-17 rectifié de M. Durain est moins-disant. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-33 est adopté. L'amendement COM-17 rectifié est retiré.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-8 vise à demander un avis conforme de la CNCTR alors qu'il s'agit aujourd'hui d'un avis simple. Le Premier ministre a toujours suivi ces avis. La procédure de contrôle existant déjà, il n'est pas nécessaire de la modifier. Avis défavorable.

L'amendement COM-8 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 3

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-18 rectifié prévoit que la CNCTR puisse contrôler les modifications des paramètres des algorithmes, ce qu'elle peut déjà faire. Avis défavorable.

L'amendement COM-18 rectifié n'est pas adopté.

Article 4

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-34 et COM-39 visent à recentrer le champ d'application du gel des avoirs sur des actions préventives.

Les amendements identiques COM-34 et COM-39 sont adoptés.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 4

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-35 vise à compléter le dispositif de sanctions par un volet répressif, en introduisant une circonstance aggravante pour les actes commis pour le compte d'une puissance étrangère.

L'amendement COM-35 est adopté et devient article additionnel.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-19 rectifié vise à introduire le sujet des ingérences dans le programme des journées défense et citoyenneté. Une disposition législative n'est pas nécessaire. Avis défavorable.

L'amendement COM-19 rectifié n'est pas adopté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-20 rectifié tend à inscrire le risque de manipulation de l'information parmi les sujets abordés par l'enseignement moral et civique. Une disposition législative n'est pas nécessaire. Avis défavorable.

L'amendement COM-20 rectifié n'est pas adopté.

Article 5 (nouveau)

L'article 5 est adopté sans modification.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-23 rectifié vise à rédiger ainsi l'intitulé du texte : « Proposition de loi visant à contrôler les activités d'influence étrangère et à prévenir et lutter contre les risques d'ingérence étrangère en France. » Le titre semble long et compliqué. Il risque d'édulcorer l'objectif, qui est de prévenir les ingérences. L'obligation de déclaration relative à l'influence et la transparence participent à cette prévention. Avis défavorable.

L'amendement COM-23 rectifié n'est pas adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme CANAYER, rapporteur

25

Autonomiser le cadre juridique institué par rapport au régime existant applicable aux représentants d'intérêts de droit commun

Adopté

M. MALHURET

37

Autonomiser le cadre juridique institué par rapport au régime existant applicable aux représentants d'intérêts de droit commun

Adopté

Mme CANAYER, rapporteur

26

Clarifier la définition des activités assujetties à l'obligation de déclaration

Adopté

M. DURAIN

9 rect.

Clarification de la définition des représentants d'intérêts agissant pour le compte d'un mandant étranger

Rejeté

Mme CANAYER, rapporteur

27

Adapter et étendre la liste des « cibles » de l'influence

Adopté

M. MALHURET

38

Adapter et étendre la liste des « cibles » de l'influence

Adopté

Mme Nathalie GOULET

4

Modification du champ des activités déclenchant des obligations déclaratives 

Rejeté

M. DURAIN

10 rect.

Modification du périmètre des activités déclenchant les obligations déclaratives

Rejeté

M. DURAIN

22 rect.

Élargissement du périmètre des mandants étrangers aux États de l'Union européenne

Rejeté

Mme CANAYER, rapporteur

28

Exclure les partis et groupements politiques de l'Union européenne de la catégorie des mandats étrangers

Adopté

Mme Nathalie GOULET

2

Élargissement du périmètre des mandants étrangers aux partis et mouvements en exil

Rejeté

Mme Nathalie GOULET

36

Élargissement de la notion de mandat 

Rejeté

M. FAVREAU

1 rect. ter

Exclusion des avocats, lorsqu'ils réalisent des prestations d'assistance ou de représentation des parties devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires, du dispositif

Rejeté

Mme Mélanie VOGEL

5

Exclusion des avocats, lorsqu'ils réalisent des prestations d'assistance ou de représentation des parties devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires, du dispositif

Rejeté

Mme Mélanie VOGEL

6

Modification des informations susceptibles d'être transmises à la HATVP 

Rejeté

Mme Nathalie GOULET

3

Modification des informations susceptibles d'être transmises à la HATVP 

Rejeté

Mme CANAYER, rapporteur

29

Renforcer les prérogatives de contrôle de la HATVP pour garantir l'efficacité du dispositif

Adopté

Mme CANAYER, rapporteur

30

Différer l'entrée en vigueur de la loi

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 1er

Mme CANAYER, rapporteur

31

Contrôle de la HATVP sur le risque d'ingérence

Adopté

M. DURAIN

21 rect. quater

Contrôle de la HATVP sur le risque d'ingérence

Rejeté

Article 1er bis (nouveau)

Mme CANAYER, rapporteur

32

Précision des obligations déclaratives pesant sur les laboratoires d'idées

Adopté

Mme Gisèle JOURDA

11 rect.

Obligation pour les Instituts de déclarer les dons et versements étrangers, au même titre que les laboratoires d'idées.

Adopté

Mme Gisèle JOURDA

12 rect.

Déclaration des financements étrangers reçus par les universités

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 1er bis (nouveau)

Mme Gisèle JOURDA

13

Obligation pour les chercheurs de mentionner de mentionner les liens d'intérêt avec toute puissance ou personne morale étrangère

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 2

Mme Gisèle JOURDA

14 rect.

Demande de Rapport

Rejeté

Mme Gisèle JOURDA

15 rect.

Rapport annuel sur les investissements étrangers dans les activités touchant la défense, l'ordre public ou la garantie des intérêts fondamentaux de la France

Rejeté

Article 3

Mme Mélanie VOGEL

7

Suppression de l'article

Rejeté

M. DURAIN

16 rect.

Réécriture de l'article

Rejeté

Mme CANAYER, rapporteur

33

Renforcement du contrôle sur l'expérimentation des algorithmes

Adopté

M. DURAIN

17 rect.

Amendement de repli

Retiré

Mme Mélanie VOGEL

8

Avis conforme de la CNCTR

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 3

M. DURAIN

18 rect.

Avis de la CNCTR sur les modifications de paramètres des algorithmes

Rejeté

Article 4

Mme CANAYER, rapporteur

34

Vocation préventive du gel des avoirs en matière de lutte contre l'ingérence

Adopté

M. MALHURET

39

Vocation préventive du gel des avoirs en matière de lutte contre l'ingérence

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 4

Mme CANAYER, rapporteur

35

Circonstance aggravante en cas d'infraction commise pour le compte d'une puissance étrangère et possibilité de recours aux techniques spéciales d'enquête

Adopté

Mme Gisèle JOURDA

19 rect.

Sensibilisation lors des journées Défense et citoyenneté

Rejeté

Mme Gisèle JOURDA

20 rect.

Inscription du risque de manipulation de l'information parmi les sujets de l'enseignement moral et civique

Rejeté

Mme Gisèle JOURDA

24 rect.

Formation obligatoire des élus municipaux, départementaux et régionaux aux risques d'ingérence étrangère

Irrecevable
art. 40 C

Article 5 (nouveau)

Intitulé de la proposition de loi

M. DURAIN

23 rect.

Distinction de l'influence et de l'ingérence étrangère

Rejeté

La réunion est close à 10 h 15.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 5(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie6(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte7(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial8(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 14 mai 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi, n° 479 (2023-2024) visant à prévenir les ingérences étrangères en France.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives aux dispositifs administratifs et judiciaires destinés à prévenir et à réprimer l'ingérence par une puissance étrangère, aux obligations déclaratives des personnes travaillant pour promouvoir en France les intérêts de personnes publiques ou morales étrangères, aux techniques ouvertes aux services de renseignement pour détecter les ingérences étrangères.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

M. Sacha Houlié, député, auteur de la proposition de loi

Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE)

M. Nicolas Lerner, directeur général

Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI)

M. Thierry Motta, directeur général adjoint

Groupement interministériel de contrôle (GIC)

M. Pascal Chauve, directeur

M. Marc Sirven, directeur adjoint

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLAPJ)

Mme Pascale Léglise, directrice

M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, directeur adjoint

Direction générale du trésor (DGT)

Sous-direction des sanctions et lutte contre la criminalité financière (SECFIN)

M. Pierre Allegret, sous-directeur

Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)

M. Serge Lasvignes, président

Mme Airelle Niepce, secrétaire générale

M. Guillaume Brosse, conseiller technique

Mme Juliette Emard-Lacroix, conseillère auprès du président

Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT)

M. Jean-Louis Martineau, coordonnateur adjoint

M. Basile Jomier, conseiller juridique

Service du traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin)

M. Antoine Magnant, directeur

Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)

M. Didier Migaud, président

Mme Louise Bréhier, secrétaire générale

M. Ted Marx, directeur des publics, de l'information et de la communication

Conseil national des barreaux (CNB)

M. Alexis Werl, président de la commission textes

Mme Mona Laaroussi, chargée de mission affaires publiques

Association Française des Conseils en Lobbying (AFCL)

M. Aristide Luneau, président

M. Nicolas Bouvier, membre du bureau

M. Thomas Bonnel, membre du bureau

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-479.html


* 1  Rapport n° 810 (2022-2023) relatif à l'activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2022-2023.

* 2 Ibidem.

* 3 Article L. 562-2 du code monétaire et financier.

* 4 OCDE, «  Renforcer la transparence et l'intégrité des activités d'influence étrangère en France : Un outil pour lutter contre les risques d'ingérences étrangères », avril 2024.

* 5 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 6 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 7 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 8 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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