FÉDÉRATION FRANÇAISE DE PSYCHIATRIE

Après discussions au sein du collège de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent de la Fédération Française de psychiatrie, deux positions différentes parfois divergentes se dégagent, ce qui souligne la complexité de cette question. Aussi, il nous est apparu pertinent de vous présenter ces deux positions.

Position 1

La première position sera rédigée et présentée par le Dr Jean Chambry, président du collège de PEA de la FFP.

Rédigée et présentée par le Dr Jean Chambry

Psychiatre d'enfants et d'adolescents

Chef de pôle au Groupement Hospitalier Universitaire de Psychiatrie et Neurosciences de Paris

Président du collège de PEA de la FFP

Past-président de la Société française de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et des disciplines associées

Pionnier des consultations pour l'accompagnement des mineurs trans avec création d'une consultation il y a 15 ans, un des fondateurs du réseau parisien à l'origine de la plateforme Trans santé Jeunes

Les réponses aux questions proposées sont issues

- De l'expérience du suivi de 200 patients depuis 15 ans

- De l'expérience issus du réseau de soin Trajectoire Jeune Trans réunissant les services de PEA de l'hôpital Robert Debré, de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et le GHU psychiatrie et neurosciences de Paris (Pole du Dr Chambry et du Dr Doyen)

- De l'article Profils cliniques et prise en charge des enfants et adolescents transgenres dans une consultation spécialisée d'Ile de France Lagrange et all Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence

- De l'avis du défenseur des droits n 24-05 du 6 Mai 2024

- D'une revue de la littérature internationale scientifique sur le sujet (auteurs et années précisée dans le document)

Ces réponses ont été validées par les professeurs de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent suivant :

- Pr Olivier Bonnot, Pr David Cohen, Pr Ludovic Gicquel, Pr François Medjkane, Pr Jean Michel Pinois, Pr Jean-Phillipe Raynaud

- Dr Louis Tandonnet membre du conseil d'administration de la Société Française de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et des disciplines associées

- Pr Mario Sperenza, président du conseil scientifique la Société Française de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et des disciplines associées

- Catherine Lacour-Gonay Présidente élue de la Société Française de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et des disciplines associées

- Anne Vachez-Gatecel, Psychomotricienne, Psychologue clinicienne, Directrice de l'IFP-Sorbonne Université

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

Il est important de différencier le questionnement de genre qui fait partie des dimensions interrogées au cours de l'adolescence. (Ces questionnements peuvent apparaitre dans tous les espaces qui reçoivent des adolescents et doivent pouvoir être accompagnés par les professionnels de santé, et du monde éducatif sensibilisés à ses questions) et le vécu de transidentité. Ce vécu repose sur un ressenti profond intrinsèque et non visible pour les autres d'une incongruence entre le sexe d'assignation à la naissance et le genre vécu. Chez certains adolescents trans ce vécu s'accompagne d'une souffrance importante en lien avec les caractères sexuels primaires et surtout secondaires source d'une demande de transition médicale voire chirurgicale. Par ailleurs il est important qu'il existe un accompagnement sociétal beaucoup plus large, notamment au niveau des protocoles scolaires et des stratégies de destigmatisation comme elles sont proposées dans d'autres pays. Cela devrait faire partie d'une stratégie d'amélioration générale de l'acceptation de la différence qui est un facteur de diminution de souffrance psychologique

Majoritairement les mineurs ayant une demande de transition médicale sont pris en charge dans des réseaux pluridisciplinaire dans lesquels sont associés des psychiatres d'enfants et d'adolescents, des psychologues, des psychomotriciens, des endocrinopédiatres, des médecins de la reproduction, des médecins généralistes. Ces réseaux accueillent tous les professionnels qui le souhaitent, à la fois des professionnels des services publics mais aussi libéraux. Ces réseaux sont coordonnés par des hôpitaux des services publiques. En Ile de France, ce réseau a fait l'objet d'un financement spécifique par l'ARS.

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

Dans les réseaux précédemment décrits, les mineurs font l'objet d'un accompagnement pluriprofessionnel (médecins, infirmiers, psychologues, ...), pluridisciplinaire (psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, endocrinopédiatre, médecin généraliste, médecin de la reproduction, ...) et associatif. Pour chaque situation, il est proposé un espace de parole pour les mineurs, pour les parents dans le respect de chacun sans position militante et sans exercer de pression. Il est possible d'étendre cet espace de parole à la fratrie, à la famille élargie (grands parents, ...) Ensuite des soins spécifiques sont proposés en fonction de chaque situation (découverte d'un TND, d'une pathologie psychiatrique, de difficultés dans la famille, dans le projet scolaire ou professionnel...). Enfin de la pair-aidance est proposée ainsi que du soutien associatif en fonction du souhait du mineurs et de ses parents.

Avant tout traitement médical les professionnels qui connaissent et suivent le mineur et ses parents présentent la situation clinique en RCP.

Les RCP sont organisées par la coordination du réseau pluridisciplinaire selon les règles de l'HAS.

Les décisions sont prises dans le respect de l'autorité parentale et l'évaluation bénéfices/risques et en appui des données les plus récentes de la littérature scientifique.

3. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions.

Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces débats ?

La transidentité s'inscrit dans une évolution de la notion d'identité de genre. L'identité de genre est une notion qui fait appel à des champs épistémologiques divers : sociétal, sociologique, anthropologique, psychologique, politique, .... Aussi la transidentité ne peut pas être identifiée comme une pathologie psychiatrique.

Quand les adultes souhaitent entrer dans un parcours de transition médico-chirurgicale, il est nécessaire que les professionnels de santé qui reçoivent ses demandes soit formés aux enjeux de santé mentale et en capacité d'orienter vers la psychiatrie quand il existe des co-occurences psychiatriques qui sont d'ailleurs plus fréquentes qu'en population générale notamment en raison du risque de stigmatisation (troubles anxieux, troubles dépressifs, ...).

L'accès au parcours de transition médico-chirurgicale ne doit pas dépendre de l'obligation d'une évaluation psychiatrique.

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ? Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

Une évaluation et un suivi psychologique pour les adultes ne doivent pas être obligatoire. Il doit être proposé dès qu'il est nécessaire par les professionnels de santé et être discuté avec le patient.

D'après le rapport final au NHS England du Dr Hilary Cass, les recommandations proposent une approche différente des soins de santé, plus étroitement alignée sur la pratique clinique habituelle du NHS, qui considère les mineurs de manière holistique et pas uniquement en termes de détresse liée au genre. L'objectif central de l'évaluation devrait être d'aider les jeunes à s'épanouir et à atteindre leurs objectifs de vie. Les mineurs doivent donc bénéficier d'un accompagnement pluriprofessionnel afin d'évaluer leur développement, leur discernement, leur compréhension des conséquences des décisions et d'accompagner les parents. Les enfants et les jeunes doivent recevoir une évaluation globale de leurs besoins pour éclairer un plan de soins individualisé. Cela devrait inclure le dépistage des troubles neurodéveloppementaux, y compris les troubles du spectre de l'autisme, et une évaluation de la santé mentale.

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

L'encadrement législatif sur la transidentité doit se limiter aux aspects juridiques concernant la place des personnes trans dans la société (identité, accès aux droits, ...) mais comment des personnes non formées aux soins seraient plus pertinents que des professionnels de terrains. Si l'encadrement législatif peut tout fait porter sur les conditions de l'exercice médical, il apparaît donc surprenant que le législateur se positionne sur un acte médical en lui-même.

La pratique médicale doit faire l'objet de recommandations de bonnes pratiques qui sont produites soit par des sociétés savantes, soit par l'HAS.

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

5. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

Non.

b. Des hormones du sexe opposé ?

Non.

Ces traitements répondent aux besoins de certains mineurs et apportent un vrai soulagement. Ils doivent faire l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire spécifique et un passage en RCP avec évaluation des bénéfices/risques et prise en compte de l'autorité parentale.

Leur interdiction conduira à des pratiques non médicales comme la vente de produits sur internet par exemple. Aucun pays occidental n'en a envisagé l'interdiction. (En dehors de la Finlande).

Par ailleurs, cela ne permettra pas la poursuite des travaux de recherches scientifiques qui s'engagent actuellement en France (Lille, Paris) avec la mise en place de suivi de cohortes d'enfants et d'adolescents trans engagés dans une transition médicale.

Ce qui semble motiver cette interdiction est la crainte d'augmentation des situations de détransition. Or il n'existe pas à ce jour de chiffre clair. Ce phénomène est estimé aux alentours de 2%. Il n'a pas été démontré que la prise en charge des mineurs augmente ce phénomène de détransition qui est un phénomène complexe. En effet, l'identité de genre est un processus qui se poursuit tout au long de la vie. Il y a donc des possibilités de regret mais cela ne résume pas le phénomène de détransition. Il y a aussi un certain nombre de personnes qui souhaitent détransitionner en raison de la violence (enquête être trans dans l'UE, données de la DILCRAH) qu'elles subissent au quotidien en tant que personnes trans.

6. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

Dans le cadre du réseau pluridisciplinaire avec la recherche des bénéfices/risques dans le cadre de la RCP.

Les prescriptions hors RCP sont à la marge d'après mon expérience au sein du réseau Trans Santé Jeunes et d'après les chiffres de la CNAM.

7. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

Ces traitements sont bien connus. Ils sont utilisés depuis plus de 40 ans dans le cadre de la puberté précoce. Ils n'entrainent aucune séquelle malgré de la prise pendant plusieurs années dans cette indication (par exemple de 3 à 11 ans) Avis de la société Française d'endocrino-pédiatrique et avis de la société Européenne d'endocrino-pédiatrie.

Depuis plus de 20 ans dans le cadre du protocole d'Amsterdam ces traitements sont proposés dans le cadre de la transidentité des jeunes. Ces traitements sont réservés aux enfants présentant une souffrance psychique majeure (idées suicidaires, refus scolaire anxieux, scarifications) face aux transformations pubertaires. Ce traitement est totalement réversible et n'entraine pas de séquelles (pas de baisse du QI par exemple seulement un décalage dans la maturation cérébrale, comme on peut l'observer dans le retard pubertaire physiologique ou pathologique) Le retour clinique est aussi que cela n'induit pas de modification de trajectoire développementale sur le plan psycho-affectif et en termes d'entrée dans le processus psychique adolescent. Avis de la société Française d'endocrino-pédiatrique et avis de la société Européenne d'endocrino-pédiatrie.

Hormones du sexe opposé : traitement de virilisation ou de féminisation partiellement réversible. La prescription de ces. Traitements hormonaux développent des caractères sexuels secondaires (voix grave, pilosité, croissance mammaire) qui ne sont pas réversibles mais les modifications des cycles hormonaux sont réversibles. Il peut y avoir des conséquences sur la fertilité. (Recommandations de l'Endocrine Society Clinical practice Guideline 2017, European Society for sexual medicine 2020)

Ces traitements n'augmentent pas les risques carcinologiques ou cardiovasculaire si l'on compare aux personnes cis. En effet, une jeune femme trans qui prend des oestrogènes augmente son risque de cancer du sein mais pas plus qu'une femme cis. (Méta analyse Totaro 2021, Revues de littérature Mac Farlane 2018, Quintela-Castro 2023, Jackson 2023)

8. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Non les propositions sont adaptées à chaque situation en prenant compte tous les facteurs de la vie de l'enfant et de l'adolescent en utilisation l'évaluation pluridisciplinaire des bénéfices/risques et un passage en RCP.

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

9. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

Non, il faut distinguer les différents types d'intervention chirurgicale participant à l'affirmation de genre. On distingue les interventions génitales (vaginoplastie, métapoiese, phalloplastie), la féminisation de visage, la torsoplastie.

10. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

La torsoplastie fait exception. En effet certains mineurs trans peuvent ressentir une souffrance profonde avec leurs seins, ce qui les amènent à se scarifier et porter un binder, ceinture compressive douloureuse qui a parfois des conséquences problématiques (scoliose, ...).

Après une évaluation pluridisciplinaire des bénéfices risques et passage en RCP il est possible de l'envisager, généralement à partir de 16 ans contrairement aux autres interventions.

11. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

Seule la torsoplastie est parfois réalisée chez des mineurs et après discussion des bénéfices risques en RCP.

12. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

Le seul risque véritable est le regret ressenti par la personne opérée. Il faudra accompagner cette demande de façon pluridisciplinaire et évaluer les facteurs participant à ce regret (évolution de l'identité de genre, victime de stigmatisation) Des opérations de reconstruction sont cependant possibles.

13. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Non Il est étonnant qu'il faudrait interdire la torsoplastie alors même que les interventions de chirurgie esthétique sont possibles chez le mineur cis (implant mammaire, rhinoplastie, gynécomastie chez les garçons cis ...) avec l'accord des détenteurs de l'autorité parentale.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

14. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

Impossible de répondre n'ayant pas les connaissances juridiques suffisantes.

15. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Impossible de répondre n'ayant pas les connaissances juridiques suffisantes.

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

16. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Le termes dépsychiatrisation vise, dans la communauté médicale et scientifique sur cette thématique, à pouvoir affirmer qu'il n'y a pas de contre-indication psychiatrique à réaliser un parcours de transition et que toute personne peut bénéficier de soins psychiatriques qu'ils soient spécifiques ou en termes d'accompagnement la transition sociale s'il le nécessite.

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

Oui c'est pertinent car il a été démontré que :

1. Les mineurs trans présentent davantage de TND que dans la population générale. Ces troubles doivent être diagnostiqués et pris en charge. (Lagrange 2023)

2. La transidentité est un facteur de risque de stigmatisation sources possibles de troubles anxieux et dépressifs, (James 2020)

17. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Il est important que l'ensemble des professionnels de santé et particulièrement de santé de mentale soient formés à l'accompagnement des questionnements de genre des mineurs.

18. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

L'accompagnement des parents et de l'ensemble des professionnels de l'enfance est très important à développer afin de soutenir le jeune dans tous les actes du quotidien.

Par ailleurs il est important d'accompagner le mineur dans toutes les dimensions de sa vie et le préparer à sa future vie d'adulte.

19. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Augmenter les PUPH en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent pour faciliter l'attractivité de la discipline auprès des internes.

Développer une offre libérale de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent avec la reconnaissance d'un remboursement spécifique de l'acte de consultation et de thérapie (modèle Belge)

Modification des grilles salariales hospitalières dans la reconnaissance des niveaux de formation (orthophonistes, psychologues, ...)

Rembourser les prises en charges psychologiques et paramédicales (psychomotricité, ergothérapie,)

Créer une spécialisation en psychiatrie pour les infirmiers

Développer les possibilités de formation de l'ensemble des professionnels en veillant à ce que les formations puissent être délocalisées dans les territoires non universitaires

Position 2

La position 1 (Dr J Chambry) et la position 2 (Dr C Zittoun) divergent sur certains points. Reflets des positions de la communauté des pédopsychiatres, elles permettent, nous l'espérons de prendre la mesure de la complexité de cette question.

Rédigée et présentée par le Dr Catherine Zittoun

Psychiatre d'enfants et d'adolescents

Chef de pôle au Groupement Hospitalier Universitaire de Psychiatrie et Neurosciences de Paris

Présidente de collège de PEA de l'AFPP (association francilienne des pédopsychiatres)

Membre du CA de l'API (association des pédopsychiatres des intersecteurs et des CMPP)

Chevalier de l'Ordre National du Mérite

Les réponses aux questions proposées sont issues :

- de 30 ans d'expérience de pédopsychiatre spécialisée auprès des adolescents ;

- de l'expérience acquise de la consultation pour adolescents en demande de transition de genre et/ou en questionnement et en souffrance quant à leur identité sexuée (suivi de ces adolescents et de leurs familles). Cette consultation a été ouverte il y a 4 ans avec le Dr Anne Perret qui bénéficiait alors d'une expérience de plusieurs années dans ce domaine ;

- du séminaire clinique organisé depuis 4 ans par le pôle de PEA 75I11(GHU) ;

- de l'article paru dans le numéro 269 (juin 2022) de la Revue santé Mentale ;

- de l'article rédigé à la demande de la revue l'Evolution Psychiatrique à paraitre (Titre : De la demande de transition au passage adolescent, une proposition de dispositifs à l'ère des mutations sociétales) ;

- d'une revue régulièrement réactualisée de la littérature internationale sur le sujet.

La position 2 est, à bien des égards, conforme à la déclaration de la Société Européenne de psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent (ESCAP) sur la dysphorie de genre chez l'enfant et l'adolescent. L'ESCAP regroupe 36 sociétés de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent dont la liste est facilement consultable.

Cette déclaration appelle l'ensemble des professionnels de santé "à ne pas promouvoir des traitements expérimentaux et inutilement invasifs dont les effets psychosociaux n'ont pas été prouvés et, par conséquent, à adhérer au principe "primum-nil-nocere" (d'abord ne pas nuire)". L'ESCAP a souligné la faible fiabilité et l'instabilité d'un diagnostic de dysphorie de genre chez un enfant donné au fil du temps et les effets possibles des décisions visant à bloquer la puberté sur le développement psychosocial d'un enfant. 

L'ESCAP a formulé plusieurs recommandations clés axées sur la génération de recherches de qualité dans le domaine de la gestion de la dysphorie de genre chez le jeune.

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

Les mineurs peuvent être pris en charge dans des réseaux pluridisciplinaires dans lesquels sont associés des psychiatres, des psychologues, des endocrinopédiatres, des médecins de la reproduction, des juristes (cf Position 1).

Les mineurs peuvent être également pris en charge par des consultations spécialisées sur les intersecteurs de psychiatrie infanto-juvénile, soit en première intention, soit quand les parents et/ou l'adolescent requièrent un deuxième avis. Ils peuvent également pris en charge par le secteur libéral.

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription respectent insuffisamment ce principe de prudence. L'évaluation d'une demande explore insuffisamment l'ensemble des facteurs qui poussent un jeune à cette demande de transition.

D'une part, il y a une temporalité propre à l'adolescence (temps « compacté » de l'adolescent qui demande le plus souvent des solutions « urgentes »)

Par ailleurs, les problématiques transidentitaires qui émergent à l'adolescence s'inscrivent dans la psychodynamique propre à cet âge et recouvrent l'ensemble de la psychopathologie de l'adolescence.

Parmi les facteurs poussant un jeune à une demande de transition, figurent des facteurs cliniques que l'on retrouve souvent dans les dysphories de genre (antécédents de dépression dans l'enfance ou dépression actuelle, malaise % corps inhérent à l'adolescence, malaise face à une fréquente puberté précoce chez les filles, problématique familiale, liens mère-fille, antécédents d'abus sexuels, ..., pression par les pairs et les réseaux sociaux).

Par ailleurs, il y a lieu de différencier, sur ce sujet de la dysphorie de genre, la clinique des filles et la clinique des garçons.

Sur le plan de la clinique, il est également pertinent de différencier les problématiques transidentitaires fixées dans la petite enfance (très rares) et celles qui émergent au moment de la puberté.

Bon nombre de parents d'adolescents en demande de transition rapportent que, rapidement après de premières évaluations, il est souvent fait pression sur eux pour accéder à la demande du jeune (on leur met en avant le risque suicidaire si on n'accède pas à la demande du jeune alors même que dans certains cas le jeune n'a pas de velléités suicidaires). En outre, ceci discrédite et met en défaut l'autorité parentale.

Lors des réunions de concertations (RCP) qui sont censées élaborer une décision quant à la prescription de bloqueurs de puberté, les dossiers sont très vite passés en revue et ne font pas l'objet d'une réelle discussion clinique.

De plus, dans ces réunions de concertation (RCP), sont présents des membres représentants des associations Trans, militantes, et qui jugulent la parole des intervenants (c'est ce qui a, en tout cas, été rapporté par des collègues venus présenter des dossiers à ces RCP)

3. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions.

Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces débats ?

Cette problématique (demande de réassignation) en très forte augmentation résulte d'une interaction complexe entre des facteurs biologiques, psychologiques et sociétaux. Les problématiques repérées chez les adolescentes en demande de transition ne sont pas différentes de celles observées il y a 30 ans chez les adolescentes avec anorexie mentale. Ce qui diffère aujourd'hui est la réponse apportée par la société, l'impact des réseaux sociaux sur les choix des adolescents, la détresse adolescente face aux enjeux actuels et les perspectives du monde.

Les demandes de réassignation ne s'inscrivent pas le plus souvent dans le cadre d'une pathologie psychiatrique. Cependant ces demandes de réassignation sont fréquemment liées, du moins à un mal-être adolescent, sinon à une dépression de la préadolescence, à une entrée dans la psychose, à des antécédents de maltraitance, d'abus sexuels, de trauma complexe, qui ont pu contribuer à un mal être et à des difficultés relationnelles avec les pairs, ou bien à des troubles du développement, ou encore à des troubles psychiatriques dans la famille ou un dysfonctionnement familial. Un examen psychologique approfondi et tenant compte de questions psychodynamiques et psychomotrices est nécessaire (avec l'aide de test projectifs, cognitifs...), associé à une évaluation familiale, qui devrait conduire au moindre doute à une évaluation psychiatrique.

Que la HAS demande de « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation », que les RCP soient organisées par la coordination du réseau pluridisciplinaire selon les règles de l'HAS (alors qu'elles comportent des représentants des associations Trans), ceci doit nous obliger à nous questionner. En effet, malgré les demandes de plusieurs d'entre nous, nous ne sommes pas arrivés à savoir quelles sont les personnes qui participent à cette commission HAS. Nous pouvons dès lors nous demander si elles représentent bien toutes les tendances et les courants professionnels oeuvrant dans ce domaine.

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ? Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

Oui, une évaluation et un suivi psychologique précédant toute transition médicale sont nécessaires : une évaluation afin d'exclure l'existence de troubles psychiatriques et/ou afin d'identifier l'existence éventuelle d'un mal-être adolescent ou de difficultés psychologiques le plus souvent associés au préjugé d'une causalité profane en cours parmi les pairs : « ton mal-être vient du fait que tu es né dans le mauvais corps ». 

Il est également important qu'un travail psychothérapique soit proposé et mis en place afin d'introduire un espace de questionnement et de réflexion. Cette transition médicale n'est pas un acte anodin, elle doit pouvoir être accompagnée et éclairée pour l'adolescent, qui au terme d'un travail psychothérapique pourrait, s'il persiste dans sa démarche, comprendre les facteurs qui président à son choix et donc se construire psychiquement et se positionner en tant que sujet de sa vie et de son désir.

Bon nombre de cliniciens ont accompagné ces adolescents et le travail par la parole a débouché sur d'autres questions et les adolescents ont, dans le cours de ce travail, abandonné leur demande initiale de réassignation.

Le travail clinique avec les parents est également fondamental via des consultations familiales voire des thérapies familiales (Le symptôme transidentitaire est souvent en lien avec des enjeux de filiation et à ce qui se transmet des identifications sexuées entre les générations).

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Idéalement, une pratique médicale devrait être encadrée par les recommandations de bonne pratique de l'HAS.

Mais en l'occurrence, et vues certaines dérives -composition énigmatique de la commission de l'HAS, doutes sur la représentation des différentes positions sur ce sujet, présence de représentants des associations Trans -non tenus par le secret médical- aux RCP,...-, il est prudent que ces pratiques médicales soient encadrées également sur le plan législatif, sans pour autant que cette législation ne soit sous-tendue par une quelconque idéologie (qui aboutirait à une réponse tranchée : oui ou non).

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

5. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

Oui

b. Des hormones du sexe opposé ?

Oui

Des études mettent en avant des effets secondaires des bloqueurs de puberté. Quoique ces résultats ne soient pas partagés par toutes les études, et en attendant une étude qui fasse consensus, le devoir médical nous invite à adopter le principe de précaution.

De plus, la maturation du cerveau (cortex préfrontal) se termine en moyenne à l'âge de 25 ans et la modification du bain hormonal lié aux bloqueurs de puberté et aux hormones croisées pourrait avoir un impact sur ce développement. Dans l'attente d'études qui éloigneraient tout risques dans ce sens, nous nous devons d'adopter le principe de précaution.

Rappelons à ce sujet la déclaration de la Société Européenne de psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent (ESCAP) sur la dysphorie de genre chez l'enfant et l'adolescent. (cf introduction)

Un récent rapport commandé par la NHS England (système publique de santé) et rédigé par la pédiatre Hilary Cass conclut qu'on n'a aujourd'hui pas suffisamment de connaissance quant aux effets à long terme des bloqueurs de puberté sur les enfants ressentant ou présentant une dysphorie de genre. Il est donc impossible d'affirmer que ces traitements sont sûrs ou non, ni dans quels cas ils peuvent être bénéfiques pour les enfants.

De nombreux rapports indiquent que les bloqueurs de puberté sont efficaces pour réduire la détresse mentale de ces enfants, mais comme le montre le rapport récent de la NHS par une revue systématique de la littérature, la qualité de ces études est médiocre. La revue systématique de l'Université d'York n'a ainsi trouvé aucune preuve qui permettrait d'affirmer que ces traitements améliorent l'image corporelle ou la dysphorie. De plus il n'y a pas d'éléments suffisants pour affirmer qu'ils auraient un effet positif sur la santé mentale. Il existe quelques exemples qui pourraient le laisser penser. Mais encore faut-il le démontrer scientifiquement. Car sans groupe témoin fiable, ces cas pourraient relever d'un effet placébo ou d'un soutien psychologique concomitant.

Le rapport du Dr Cass pour la NHS conclut aussi que l'utilisation des hormones croisées (masculinisantes ou féminisantes) chez les moins de 18 ans, présente également de nombreuses inconnues malgré leur utilisation de longue date dans la population transgenre adulte. Le manque de données de suivi à long terme sur les personnes commençant un traitement à un âge plus précoce signifie que nous ne disposons pas d'informations adéquates sur l'éventail des résultats pour ce groupe

6. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

Il n'est pas rare que ces traitements soient prescrits en dehors des RCP, qui sont, bien souvent et malheureusement, plus un passage en revue de dossiers que le lieu de réelles réflexions cliniques (cf réponses aux questions précédentes)

7. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

Pour les bloqueurs de puberté : incidence sur la minéralisation osseuse et possiblement sur la fertilité. Les études montrent, par ailleurs, que la plupart des jeunes qui prennent des bloqueurs s'engagent dans une trajectoire de transition avec une prescription d'Hormones croisées après les bloqueurs, c'est à dire que les bloqueurs engagent très souvent dans une trajectoire de transition médicale. De plus, les bloqueurs arrêtent la puberté. On peut se demander aussi quelle incidence peut avoir l'absence de transformations corporelles pubertaires sur les processus psychiques propre à l'adolescence.

Quant aux effets secondaires des hormones croisées, des études ont montré des effets secondaires multiples (métaboliques, cardio-vasculaires, augmentation des risques cancérigène, effets sur la libido...). Ces résultats doivent être étayés par d'autres études.

8. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Oui (âge minimum 18 ans : ce qui laisse du temps à la réflexion et à l'élaboration - réelles RCP avec élaboration et discussions cliniques)

Question des jeunes majeurs qui s'engagent parfois très rapidement dans une transition médicale et chirurgicale sans avoir eu le temps de mûrir leurs décisions.

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

9. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

Non, il faut distinguer les interventions génitales des autres types d'intervention comme la torsoplastie ou la féminisation du visage

10. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

Oui

Problème des jeunes majeurs qui s'engagent parfois très rapidement dans la chirurgie

Attention, toutes ces interventions sur le corps vont dans le sens des pratiques du corps augmenté, question sociétale et éthique majeure.

11. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

Je ne sais pas

12. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

Les torsoplasties ont un caractère irréversible.

Actuellement, nombre de cliniciens font état d'un nombre croissant de jeunes « détransitionneurs » qui regrettent ces interventions.

Il leur est dit alors que des opérations de reconstruction sont possibles. Mais on ne change pas de corps comme on change de chemise ! Le corps et les interventions chirurgicales ne devraient pas être un produit de consommation.

Ceci rejoint les pratiques de « corps augmenté » et la médicalisation de problématiques adolescentes.

Il serait par ailleurs pertinent de documenter les chiffres en santé publique. Quel est le coût de ces interventions ? A qui profitent-elles (secteur libéral ? cliniques ? endocrinologues ? Chirurgiens plasticiens ?)

13. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Oui : âge > 18 ans

Législation pour les torsoplasties pratiquées avant 18 ans

Réelles RCP avec élaborations cliniques et réflexions interdisciplinaires, entre médecins et en dehors des représentants des associations Trans.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

14. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

Je ne suis pas légitime pour répondre à cette question

15. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Oui

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

16. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Non

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

La santé mentale de ces jeunes est insuffisamment prise en compte dans l'évaluation de la demande ; et les personnes qui ont détransitionné et témoigné mettent en évidence à quel point ces transitions peuvent avoir un impact négatif sur la santé mentale. Si ces personnes ne représentent qu'une petite partie, le principe de précaution s'impose.

Une fragilité psychique accompagne la période de l'adolescence et il y a lieu de resituer la problématique transidentitaire dans le cadre de la psychodynamique et de la psychopathologie adolescente.

17. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Il est important que l'ensemble des professionnels de santé et particulièrement de santé mentale soient formés à l'accompagnement des questionnements de genre des mineurs.

Et qu'ils soient formés par des équipes pouvant soutenir des points de vue et des approches complémentaires et potentiellement dissonantes.

18.La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

Importance des consultations familiales voire de thérapies familiales. Resituer le symptôme transidentitaire dans les enjeux de transmission intergénérationnelle.

Soulignons enfin qu'en se limitant au seul recueil de données quantifiées puis à l'application de mesures centrées exclusivement sur les symptômes, on écarte la référence à l'éthique. Celle-ci se relie en effet à des interrogations permanentes sur ce qui constitue l'humanité du sujet, sa prise de conscience de ce qui l'anime, et sa clairvoyance psychique. Ces   interrogations excluent une réponse totalisante. Des territoires restent dans l'ombre, des incertitudes s'expriment dans le choix entre différentes options. Dès lors il importe de prendre le temps d'accompagner cette réflexion en laissant le processus ouvert et permettre qu'advienne éventuellement une réponse créative et pas trop amputante.

19. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Augmenter les PUPH en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent pour faciliter l'attractivité de la discipline auprès des internes.

Augmenter le nombre de pédopsychiatres et créer les conditions d'une attractivité de cette profession

Modification des grilles salariales hospitalières dans la reconnaissance des niveaux de formation (orthophonistes, psychologues, ...)

Créer une spécialisation en psychiatrie pour les infirmiers

Concernant l'offre libérale en la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent :

- revalorisation par un doublement du CS psy enfant-ado autant pour l'acte de consultation que celui de thérapie (prise en compte des différents temps passés avec le jeune, sa famille, et des liens de coordination + reconnaissance -valorisation du temps de réunion- réseau à l'extérieur). Tout cela équivaut à se rapprocher du modèle belge qui comprend une grille tarifaire à la fois diversifiée en fonction de la nature de l'acte, et ajustée en termes de service rendu (certaines consultations complexes en plusieurs temps ont un remboursement sup à 200 euros)

- Conventionnement - remboursement des professionnels de la santé mentale (Psychomotricien, éducateur, ergothérapeute) sur prescription médicale sans que cela n'entame l'attractivité en secteur public Donc les grilles salariales hospitalières doivent avant toute chose être revues

Redonner du sens aux métiers de la pédopsychiatrie :

- meilleures conditions au quotidien (dont spatiales, foncières, l'hôpital public est dans un état déplorable à bien des endroits - ce n'est pas du tout le cas dans l'associatif, le libéral)

- Stop à la culpabilisation des équipes qui ne sauraient pas se réorganiser, s'adapter ; c'est l'offre de soin qui est sous-dimensionnée par l'absence de politique à la hauteur des besoins

- Tripler les budgets de formation pour tous les professionnels en pédopsychiatrie 

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