N° 661

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juin 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet (procédure accélérée),

Par Mme Nadine BELLUROT,

Sénatrice

Procédure de législation en commission,

en application de l'article 47 ter du Règlement

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

551 rect. et 662 (2023-2024)

La commission a examiné cette proposition de loi selon la procédure de législation en commission,
en application de l'article 47 ter du Règlement.

En conséquence seuls sont recevables en séance, sur cette proposition de loi, les amendements visant à :

- assurer le respect de la Constitution,

- opérer une coordination avec une autre disposition du texte en discussion, avec d'autres textes en cours d'examen ou avec les textes en vigueur,

- procéder à la correction d'une erreur matérielle.

L'ESSENTIEL

La proposition de loi visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet, présentée par Annick Billon, Françoise Gatel, Bruno Retailleau et plusieurs de leurs collègues, vise à étendre une dérogation, déjà existante, au principe de complétude du conseil municipal pour élire le maire et les adjoints au maire d'une commune nouvelle.

Par dérogation au droit commun, le conseil municipal incomplet d'une commune nouvelle serait autorisé à élire le maire et les adjoints au maire, sans procéder au préalable à un renouvellement intégral de leur conseil municipal pour pourvoir les sièges vacants, jusqu'au premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle, à moins qu'un tiers des sièges ou plus soient vacants.

L'objectif de cette initiative est d'éviter l'organisation d'une élection complémentaire intégrale, dans le cas où un nouveau maire devrait être élu, pour ne pas évincer trop vite les élus locaux à l'origine du projet de création de la commune nouvelle. L'organisation d'un renouvellement conduit en effet à une baisse souvent brutale du nombre de conseillers municipaux de la commune nouvelle, parfois très peu de temps après sa création.

Après avoir adopté un amendement de clarification rédactionnelle de sa rapporteure, la commission des lois a adopté cette proposition de loi, de nature à assurer la continuité de la gouvernance des communes nouvelles et à garantir l'attractivité de leur modèle.

I. L'APPLICATION DU PRINCIPE SELON LEQUEL LE MAIRE ET SES ADJOINTS SONT ÉLUS PAR UN CONSEIL MUNICIPAL COMPLET CRÉE DES DIFFICULTÉS DANS LES COMMUNES NOUVELLES

A. LE MAIRE ET SES ADJOINTS DOIVENT EN PRINCIPE ÊTRE ÉLUS PAR UN CONSEIL MUNICIPAL COMPLET

1.  L'élection du maire et de ses adjoints requiert un conseil municipal complet

Le principe de complétude du conseil municipal, mentionné à l'article L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales (CGCT), implique que le maire et les adjoints au maire d'une commune ne peuvent être élus par le conseil municipal que lorsque ce dernier est complet.

La procédure suivie pour pourvoir les sièges vacants au sein du conseil municipal, afin de pouvoir élire le maire ou les adjoints au maire, diffère selon la strate démographique à laquelle appartient la commune :

dans les communes de moins de 1 000 habitants, où les conseillers municipaux sont élus au scrutin majoritaire et plurinominal, il est procédé à des élections partielles complémentaires afin de pourvoir les seuls sièges devenus vacants ;

dans les communes de plus de 1 000 habitants, où les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste, il est fait appel au « suivant de liste ». Lorsque la liste est épuisée, il est procédé au renouvellement intégral du conseil municipal.

2. Des exceptions ont cependant été introduites par le législateur

Afin d'éviter l'organisation trop fréquente d'élections complémentaires, le législateur a introduit plusieurs dérogations à l'obligation de disposer d'un conseil municipal complet pour élire un maire ou des adjoints :

- lorsque le conseil municipal est incomplet mais que l'élection d'un seul adjoint est prévue, le conseil municipal peut décider de procéder à cette élection, sur proposition du maire, sans élections complémentaires préalables ;

- le conseil municipal peut également procéder à l'élection du maire et des adjoints si des vacances se produisent juste après la tenue d'élections complémentaires partielles ou intégrales ;

- dans les communes de moins de 500 habitants, le conseil municipal est « réputé complet » si deux sièges ou moins sont vacants par rapport à l'effectif légal. Il est donc possible de procéder à l'élection du maire avec un conseil municipal comptant cinq membres pour un effectif légal de sept conseillers municipaux ou comptant neuf membres pour un effectif légal de onze conseillers municipaux.

Ces exceptions ne sont toutefois pas applicables si le conseil municipal a perdu le tiers ou plus de son effectif légal ou s'il compte moins de cinq membres.

B. L'APPLICATION DE CETTE RÈGLE PEUT CONDUIRE À RESTREINDRE BRUTALEMENT L'EFFECTIF DU CONSEIL MUNICIPAL D'UNE COMMUNE NOUVELLE RÉCEMMENT CRÉÉE, CE QUI A JUSTIFIÉ LA CRÉATION D'UNE DÉROGATION AU CHAMP LIMITÉ

Un conseil municipal complet est également requis pour permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle.

Une dérogation à cette règle a cependant été introduite par la loi n° 2019-809 du 1er août 2019 visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires : l'exécutif d'une commune nouvelle récemment créée peut être élu par un conseil municipal incomplet en cas de vacance de siège intervenant avant la première réunion du conseil municipal de la commune nouvelle suivant sa création.

L'introduction de cette dérogation a été justifiée par les difficultés spécifiques auxquelles sont confrontées les communes nouvelles, lesquelles sont plus fréquemment concernées par un renouvellement intégral de leur conseil municipal, pour deux raisons :

- d'une part, il ressort de la jurisprudence du Conseil d'État1(*) qu'il n'est pas possible de faire appel aux « suivants de liste » pour compléter le conseil municipal d'une commune nouvelle ;

- d'autre part, il n'est pas non plus possible de procéder à des élections partielles complémentaires dans les communes de moins de 1 000 habitants ayant fusionné, car cela conduirait à organiser un scrutin sur une partie seulement du territoire communal.

Or, l'organisation d'un renouvellement intégral crée des difficultés particulières dans les communes nouvelles. En effet, afin d'assurer une transition graduelle vers le droit commun, l'effectif du conseil municipal d'une commune nouvelle décroî progressivement au gré des renouvellements. Il est ainsi composé :

- de l'ensemble des conseillers municipaux des anciennes communes à compter de sa création et jusqu'au premier renouvellement du conseil municipal ;

- d'un nombre de conseillers municipaux égal à l'effectif prévu pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure après le premier renouvellement du conseil municipal ;

- de l'effectif de droit commun après le deuxième renouvellement général des conseils municipaux.

À titre d'exemple, l'évolution de l'effectif du conseil municipal d'une commune nouvelle de 1 300 habitants, issue de la fusion de deux communes comportant respectivement 1 000 habitants et 300 habitants, est décrite dans le tableau ci-dessous :

Effectif après la création
de la commune nouvelle

Effectif après le premier renouvellement

Effectif après le deuxième renouvellement général

26 conseillers municipaux
(11 + 15)

19 conseillers municipaux

15 conseillers municipaux

En cas de siège vacant, l'obligation de procéder à un renouvellement intégral du conseil municipal pour élire un maire entraîne donc une baisse brutale de l'effectif de son conseil municipal.

II. EN RÉPONSE À CE PROBLÈME, LA PROPOSITION DE LOI TEND À ÉLARGIR LA POSSIBILITÉ D'ÉLECTION DU MAIRE ET DES ADJOINTS AU MAIRE D'UNE COMMUNE NOUVELLE PAR UN CONSEIL MUNICIPAL INCOMPLET

A. MALGRÉ LA CRÉATION D'UNE DÉROGATION À DESTINATION DES COMMUNES NOUVELLES EN 2019, CELLES-CI DEMEURENT CONFRONTÉES À DES DIFFICULTÉS

Si la dérogation introduite en 2019 permet d'éviter de procéder à un renouvellement immédiat du conseil municipal, avant même sa première réunion, des difficultés subsistent dans le cas où une vacance survient peu de temps après la première réunion du conseil municipal.

Comme le souligne l'exposé des motifs de la présente proposition de loi, cette situation peut conduire à écarter rapidement les élus des anciennes communes, qui ont pourtant initié la création de la nouvelle commune, en raison de la baisse de l'effectif de la commune nouvelle provoquée par l'organisation d'élections complémentaires.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ TEND À ÉTENDRE LA DÉROGATION CRÉÉE EN 2019

L'article unique de la présente proposition de loi tend à élargir la dérogation déjà existante afin de permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle par un conseil municipal incomplet jusqu'au premier renouvellement général des conseils municipaux, plutôt que jusqu'à la seule première réunion du conseil municipal.

Cette mesure vise à prévenir une diminution soudaine du nombre de conseillers municipaux en cas de démission ou de décès du maire d'une commune nouvelle récemment créée.

Similairement aux autres exceptions en matière de renouvellement du conseil municipal incomplet, ce régime dérogatoire ne s'appliquerait pas lorsqu'un tiers ou plus des sièges du conseil municipal sont vacants.

L'ensemble des communes nouvelles qui n'auraient pas encore connu une diminution du nombre de leurs conseillers municipaux seraient soumises ce nouveau régime. Autrement dit, il s'agit des communes nouvelles créées postérieurement au renouvellement général des conseils municipaux de 2020 et n'ayant pas encore procédé à des élections complémentaires.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : SOUTENIR UN DISPOSITIF QUI RENFORCERA L'ATTRACTIVITÉ DES COMMUNES NOUVELLES

La commission a approuvé l'extension de la dérogation introduite en 2019 à laquelle procède la présente proposition de loi et n'a adopté qu'un amendement de clarification rédactionnelle de sa rapporteure.

Elle a estimé que cette mesure, bienvenue, assurerait une continuité dans la gouvernance des communes nouvelles en évitant la tenue prématurée d'élections complémentaires et la diminution subséquente du nombre de conseillers municipaux.

En prévenant l'éviction trop rapide des élus ayant participé à la construction du nouveau projet municipal, cette initiative contribuera en outre à renforcer l'attractivité des communes nouvelles et à inciter les communes à fusionner.

Réunie le mercredi 5 juin 2024, la commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES

Article unique
Élection du maire et des adjoints au maire d'une commune nouvelle par un conseil municipal incomplet

Par dérogation au droit commun, l'article unique de la proposition de loi vise à autoriser l'élection du maire et des adjoints au maire d'une commune nouvelle par un conseil municipal incomplet, jusqu'au premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle, à moins qu'un tiers des sièges ou plus soient vacants. Ce dispositif concernerait l'ensemble des communes nouvelles créées depuis le dernier renouvellement général des conseils municipaux de 2020, et n'ayant pas fait l'objet d'un renouvellement depuis lors.

La commission a accueilli favorablement cette initiative, qui évitera aux communes nouvelles de connaître une baisse brutale de l'effectif de leur conseil municipal, parfois très peu de temps après leur création, dans le cas où elles devraient procéder à des élections complémentaires pour pourvoir des sièges vacants avant d'élire un nouveau maire. Elle a par conséquent adopté cet article, après l'avoir modifié pour en clarifier la rédaction.

1. Comme dans les autres communes, l'élection du maire et des adjoints au maire d'une commune nouvelle requiert, sauf exception très encadrée, un conseil municipal complet

1.1. L'élection du maire et des adjoints au maire nécessite en principe un conseil municipal complet

a) Le principe : l'élection du maire et des adjoints au maire par un conseil municipal complet

Comme le prévoit l'article L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT), le maire et les adjoints au maire sont élus par le conseil municipal.

Pour procéder à l'élection du maire comme des adjoints et à peine d'annulation par le juge administratif, le conseil municipal doit être complet, comme prévu par l'article L. 2122-8 du CGCT, qui précise qu'avant de convoquer le conseil municipal pour élire le maire ou les adjoints, « il est procédé aux élections qui peuvent être nécessaires lorsque le conseil municipal est incomplet2(*) ».

Le Conseil d'État a ainsi annulé l'élection des adjoints au maire de la commune de Maurepas en 2004, au motif qu'à la date des élections, « le conseil municipal, convoqué pour l'élection des adjoints au maire, n'était pas complet »3(*).

Il s'ensuit qu'en cas de siège vacant au sein d'un conseil municipal avant l'élection d'un maire ou d'adjoints au maire, le conseil municipal doit être complété avant de procéder à ladite élection.

S'agissant des règles applicables en cas de vacance de siège au sein d'un conseil municipal, deux hypothèses doivent ici être détaillées, selon le nombre d'habitants de la commune.

· Règles applicables aux communes de plus de 1 000 habitants

En cas de vacance d'un siège de conseiller municipal survenant dans une commune de plus de 1 000 habitants, où s'applique le scrutin de liste, il est fait appel au « suivant de liste » pour pourvoir le siège devenu vacant. L'article L. 270 du code électoral précise ainsi que « le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit ».

Lorsque la liste est épuisée et qu'il ne peut plus être fait appel au suivant de liste, une élection partielle intégrale4(*) est organisée afin de renouveler le conseil municipal dans son ensemble, dans les deux cas suivants :

dans les trois mois suivant la survenance de la dernière vacance, si le conseil municipal a perdu le tiers ou plus de ses membres - sauf à partir du 1er janvier de l'année qui précède le renouvellement général des conseils municipaux, où les élections complémentaires ne sont obligatoires que lorsque le conseil municipal a perdu la moitié ou plus de ses membres5(*) ;

s'il est nécessaire de compléter le conseil municipal avant l'élection du maire ou des adjoints.

· Règles applicables aux communes de moins de 1 000 habitants

Dans les communes de moins de 1 000 habitants, où le scrutin est majoritaire et plurinominal, il n'est pas possible de faire appel au suivant de liste. En cas de vacance d'un siège de conseiller municipal, une élection partielle complémentaire est donc organisée, afin de pourvoir les seuls sièges devenus vacants, s'il est nécessaire de compléter le conseil municipal avant l'élection du maire ou des adjoints ou bien si le conseil municipal a perdu le tiers ou plus de ses membres (ou qu'il compte moins de cinq membres).

b) Les exceptions au principe de complétude du conseil municipal pour l'élection du maire et des adjoints au maire

Plusieurs dérogations ont été introduites par le législateur afin de tempérer l'obligation de disposer d'un conseil municipal complet pour élire un maire ou des adjoints au maire et éviter l'organisation d'élections complémentaires trop fréquemment.

· Les exceptions applicables à l'ensemble des communes

L'article L. 2122-8 du CGCT prévoit plusieurs dérogations applicables à l'ensemble des communes, quelle que soit la strate démographique à laquelle elles appartiennent.

D'une part, lorsque le conseil municipal est incomplet mais que l'élection d'un seul adjoint est prévue, le conseil municipal peut décider de procéder à l'élection sans que des élections complémentaires préalables soient organisées afin de compléter le conseil municipal, sauf si ce dernier a perdu le tiers ou plus de son effectif légal ou s'il compte moins de cinq membres.

D'autre part, si des vacances se produisent juste après la tenue d'élections complémentaires partielles ou intégrales, le conseil municipal peut procéder à l'élection du maire et des adjoints, à moins que le conseil municipal n'ait perdu le tiers ou plus de son effectif légal ou s'il compte moins de cinq membres.

· Les exceptions applicables aux communes de moins de 500 habitants

L'effectif légal des conseils municipaux des communes de moins de 100 habitants et des communes de 100 à 499 habitants est respectivement fixé à 7 et 11 conseillers municipaux6(*).

Aux termes de l'article L. 2121-2-1 du CGCT, par dérogation, dans les communes de moins de 100 habitants, le conseil municipal est réputé complet dès lors qu'il compte 5 membres à l'issue du second tour du renouvellement général du conseil municipal ou d'une élection complémentaire.

De même, dans les communes de 100 à 499 habitants, le conseil municipal est réputé complet dès lors qu'il compte au moins 9 membres, dans les mêmes conditions.

Dans les communes de moins de 500 habitants, il est donc possible de procéder à l'élection du maire avec un conseil municipal « réputé complet », dont l'effectif est inférieur à l'effectif légal.

· Les exceptions applicables aux communes de plus de 1 000 habitants

L'article L. 2122-9 du CGCT prévoit que dans les communes de plus de 1 000 habitants, avant de procéder à l'élection du maire, le conseil municipal est réputé complet si les seules vacances en son sein résultent :

soit de démissions données lorsque le maire a cessé ses fonctions et avant l'élection de son successeur ;

soit d'une décision de la justice administrative définitive annulant l'élection de conseillers municipaux, sans proclamation concomitante d'autres élus.

1.2. Sauf exception, le principe de l'élection du maire par un conseil municipal complet s'applique également aux communes nouvelles

a) Le maire d'une commune nouvelle doit également être élu par un conseil municipal complet

L'article L. 2113-1 du CGCT précise que les communes nouvelles sont soumises « aux règles applicables aux communes » - sous réserve des dispositions qui leur sont propres.

Aucune disposition spécifique aux communes nouvelles n'existant concernant l'élection du maire, il s'ensuit que l'article L. 2122-8 du CGCT et, par conséquent, les règles relatives à l'élection du maire sont applicables aux communes nouvelles, de même que les dérogations introduites.

En principe, un conseil municipal complet est donc requis pour permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle, dans les conditions exposées supra.

Les communes nouvelles

Afin de remédier à l'émiettement communal, la loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a institué un nouveau dispositif de fusion de plusieurs communes, en remplacement du régime instauré par la loi dite « Marcellin » du 16 juillet 1971, critiqué pour ses rigidités procédurales et son efficacité limitée.

Dans le cadre de ce dispositif, une « commune nouvelle » se substitue aux communes fusionnées. Elle se voit transférer leurs biens, droits et obligations, ainsi que leur participation au sein des intercommunalités. Elle est ainsi une commune à part entière, bénéficiant du statut de collectivité territoriale et de la clause générale de compétence.

Les anciennes communes subsistent quant à elles sous la forme de « communes déléguées ». La commune déléguée conserve ainsi son nom et ses limites territoriales. En outre, un maire délégué est désigné par le conseil municipal de la commune nouvelle. Il exerce les fonctions d'officier d'état civil et d'officier de police judiciaire, avec la possibilité de recevoir des délégations du maire de la commune nouvelle. Une annexe de la mairie est également créée pour établir les actes d'état civil.

Au 1er janvier 2024, le nombre de communes nouvelles s'établit à 804.

b) Une exception, très encadrée, a cependant été introduite en 2019

Une exception au principe de complétude du conseil municipal pour l'élection du maire, au champ très limité, a été introduite par l'article 3 de la loi n° 2019-809 du 1er août 2019 visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires.

Celle-ci est codifiée à l'article L. 2113-8-1 A du CGCT, qui prévoit que « par dérogation au troisième alinéa de l'article L. 2122-8, si le siège d'un ou de plusieurs conseillers municipaux devient vacant, pour quelque cause que ce soit, entre la date de publication de l'arrêté du représentant de l'État dans le département prononçant la création de la commune nouvelle et la première réunion du conseil municipal, celui-ci procède à l'élection du maire et des adjoints, à moins qu'un tiers des sièges ou plus soient vacants. »

En cas de vacance de siège intervenue entre la date de création de la commune nouvelle et la première réunion du conseil municipal, celui-ci peut procéder à l'élection du maire et des adjoints, sans que tous les sièges soient pourvus, à moins qu'un tiers des sièges ou plus soient vacants. Le premier maire d'une commune nouvelle peut donc, dans ce cas très précis, être élu par un conseil municipal incomplet.

L'exception codifiée à l'article L. 2113-8-1 A du CGCT a été introduite en raison des difficultés spécifiques rencontrées par les communes nouvelles7(*). Celles-ci sont en effet plus fréquemment concernées par un renouvellement intégral de leur conseil municipal, pour deux raisons.

D'une part, il n'est pas possible de faire appel aux « suivants de liste » pour compléter un conseil municipal dans les communes nouvelles, comme en témoigne la jurisprudence du Conseil d'État (voir encadré infra.). En cas de vacance d'un siège de conseiller municipal, l'impossibilité de faire appel au suivant de liste dans les communes nouvelles rend donc obligatoire l'organisation d'un renouvellement intégral du conseil municipal pour élire un nouveau maire par exemple.

L'impossibilité de faire appel aux « suivants de liste » dans les communes nouvelles

Dans le cas où une commune nouvelle est issue de la fusion de plusieurs communes de moins de 1 000 habitants, il n'existe pas de « suivant de liste » et il n'est par conséquent pas possible de compléter le conseil municipal en faisant appel à un « suivant de liste ».

Toutefois, même dans le cas où une commune nouvelle est issue de la fusion de plusieurs communes de plus de 1 000 habitants, il n'est pas possible de faire appel au suivant de liste pour compléter les éventuelles vacances, comme l'a jugé le Conseil d'État8(*) :

« 5. Il résulte des dispositions de l'article L. 2113-7 du code des collectivités territoriales que, si les anciens conseils municipaux l'ont décidé par délibérations concordantes, le conseil municipal d'une commune nouvelle issue de la fusion de plusieurs communes est composé, à titre transitoire jusqu'au premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, des seuls conseillers municipaux en exercice lors de la fusion. Ces dispositions font obstacle, pendant la période allant de la création de la commune nouvelle au premier renouvellement du conseil municipal suivant cette création, à l'application des dispositions de l'article L. 270 du code électoral permettant, pour les communes de plus de 1 000 habitants, le remplacement des conseillers municipaux dont le siège devient vacant par les suivants de liste.

« 6. Il résulte de ce qui précède que lorsqu'un siège de conseiller municipal devient vacant après la création d'une commune nouvelle et avant le premier renouvellement du conseil municipal suivant cette création, il ne peut être pourvu au remplacement par le suivant de liste. »

D'autre part, il n'est pas non plus procédé à des élections partielles complémentaires pour remplacer les conseillers élus dans les communes de moins de 1 000 habitants ayant fusionné, car comme souligné à l'époque par la rapporteure Agnès Canayer, « cela conduirait à organiser un scrutin sur une partie seulement du territoire communal9(*) ».

Or, la nécessité de procéder à un renouvellement intégral du conseil municipal dans les communes nouvelles pour permettre l'élection du maire (parfois immédiatement après la création de la commune nouvelle, dès l'élection du premier maire) créait des difficultés en raison des conséquences de ce renouvellement intégral sur l'effectif du conseil municipal.

En effet, aux termes des articles L. 2113-7 et L. 2113-8 du CGCT, l'effectif du conseil municipal d'une commune nouvelle nouvellement créé décroit progressivement au gré des renouvellements. Le conseil municipal est en effet composé :

- de l'ensemble des conseillers municipaux en exercice des anciennes communes, si les conseils municipaux des communes concernées le décident par délibérations concordantes avant la création de la commune nouvelle, jusqu'au prochain renouvellement suivant la création de la commune nouvelle ;

- d'un nombre de membres égal à l'effectif légal prévu par l'article L. 2121-2 du CGCT pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure après le premier renouvellement du conseil municipal ;

- de l'effectif légal correspondant à la strate démographique de la commune nouvelle après le deuxième renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle.

L'évolution de l'effectif du conseil municipal d'une commune nouvelle de 1 300 habitants, issue de la fusion de deux communes comportant respectivement 1 000 habitants et 300 habitants, est décrite dans le tableau ci-dessous :

Effectif après la création de la commune nouvelle

Effectif après le premier renouvellement

Effectif après le deuxième renouvellement général

26 conseillers municipaux
(11 + 15)

19 conseillers municipaux

15 conseillers municipaux

Comme en témoignent les travaux parlementaires10(*), la formule « premier renouvellement du conseil municipal » mentionnée aux articles L. 2113-7 et L. 2113-8 du CGCT doit s'entendre comme « tout renouvellement intégral du conseil municipal intervenant après la création de la commune nouvelle » et peut donc correspondre à une élection partielle intégrale.

Ainsi, avant l'introduction de cette dérogation, dans le cas où une commune nouvelle était obligée de renouveler intégralement son conseil municipal, dès sa création, pour élire un maire, elle voyait immédiatement l'effectif de son conseil municipal chuter. Comme souligné par Agnès Canayer dans son rapport en 2019, « quelques vacances de sièges, voire une seule, peuvent donc conduire à accélérer brutalement la diminution de l'effectif du conseil municipal ».

2. Le dispositif proposé : l'extension de la dérogation introduite en 2019 pour permettre l'élection du maire et des adjoints d'une commune nouvelle par un conseil municipal incomplet jusqu'au premier renouvellement général des conseils municipaux suivant sa création

2.1. En dépit de l'introduction de la dérogation en 2019, les communes nouvelles demeurent confrontées à des difficultés

La dérogation introduite à l'article L. 2113-8-1 A du CGCT en 2019 ne permet pas de résoudre l'intégralité des difficultés liées à la diminution progressive de l'effectif du conseil municipal des communes nouvelles, prévue par les articles L. 2113-7 et L. 2113-8 du CGCT.

Si cette dérogation permet d'éviter de procéder à un renouvellement intégral du conseil municipal en autorisant l'élection du premier maire d'une commune nouvelle par un conseil municipal incomplet - et donc d'éviter une diminution du nombre de conseillers municipaux -, des difficultés subsistent malgré tout, notamment dans le cas où une vacance surviendrait peu de temps après la première réunion du conseil municipal.

Dans cette hypothèse et si une élection du maire ou d'adjoints au maire devait être organisée, un renouvellement intégral du conseil municipal devrait être organisé pour procéder à cette élection, entraînant une baisse du nombre de conseillers municipaux - la dérogation évoquée supra ne pouvant s'appliquer après la première réunion du conseil municipal.

Comme souligné par l'exposé des motifs de la présente proposition de loi, cette situation crée des difficultés en ce qu'elle conduit à évincer très rapidement « des conseillers municipaux qui se sont investis pour la construction de la commune nouvelle » et que « la durée réduite du nouveau mandat rend difficile la définition d'un projet municipal ».

2.2. Le dispositif proposé tend donc à étendre la dérogation existante pour permettre l'élection du maire et des adjoints au maire par un conseil municipal incomplet jusqu'au premier renouvellement général des conseils municipaux

L'article unique de la présente proposition de loi modifie l'article L. 2113-8-1 A du CGCT et tend à permettre au conseil municipal incomplet d'une commune nouvelle d'élire le maire et les adjoints au maire, sans procéder au renouvellement intégral du conseil municipal, à moins qu'un tiers ou plus de ses sièges soient vacants, jusqu'au premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle.

Comme l'indique l'exposé des motifs, l'objectif est de permettre, en cas de démission ou de décès du maire d'une commune nouvelle, de procéder à l'élection d'un nouveau maire, sans organiser au préalable un renouvellement intégral du conseil municipal, parfois très rapidement après la création de la commune nouvelle, ce qui aurait pour effet de faire diminuer le nombre de conseillers municipaux et d'écarter rapidement les élus des anciennes communes, qui ont pourtant porté le projet de création de la commune nouvelle.

Sous réserve des décisions de justice ayant force de chose jugée, ce dispositif serait applicable aux communes nouvelles dont le conseil municipal n'a pas fait l'objet d'un renouvellement à la date de publication de la présente loi, c'est-à-dire aux communes nouvelles créées postérieurement au renouvellement général des conseils municipaux de 2020 et n'ayant pas procédé à des élections complémentaires.

3. La position de la commission : soutenir un dispositif qui renforcera l'attractivité des communes nouvelles

La commission a approuvé l'extension de la dérogation prévue par l'article L. 2113-8-1 A du CGCT à laquelle procède la présente proposition de loi et n'a adopté qu'un amendement COM-2 de clarification rédactionnelle de sa rapporteure.

Elle a estimé que cette mesure, bienvenue, garantirait une continuité dans la gouvernance des communes nouvelles en évitant l'organisation prématurée d'élections complémentaires et la diminution de l'effectif des conseils municipaux subséquente.

Au surplus, cette initiative permettra de renforcer l'attractivité des communes nouvelles et d'inciter les communes à fusionner. En l'état du droit, les communes peuvent en effet être réticentes à fusionner en cas de potentiel renouvellement à court terme.

La commission a adopté l'article unique ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

M. François-Noël Buffet, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen, selon la procédure de législation en commission, du rapport sur la proposition de loi visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet, présentée par Annick Billon, Bruno Retailleau, Françoise Gatel et plusieurs collègues.

Mme Annick Billon, co-auteure de la proposition de loi. - Nous nous félicitons, Bruno Retailleau, Françoise Gatel et moi-même, de voir cette proposition de loi inscrite rapidement à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée.

En avril dernier, je suis allée à la rencontre des nouveaux maires des communes nouvelles de Vendée, et notamment à Rives-du-Fougerais, issue de la fusion de trois communes de moins de 1 000 habitants. Le préfet a signé l'arrêté prononçant la création de cette commune nouvelle le 1er janvier 2024. Entre le 1er et le 5 janvier, date de l'élection du maire, il y a eu une démission d'un conseiller municipal. Une autre démission avait déjà été notifiée fin 2023. La commune nouvelle a élu un maire lors de la première réunion de son conseil municipal ; les services de l'État n'avaient pas alors procédé au contrôle de légalité. Or, ce maire est décédé deux mois et demi plus tard. Le préfet a indiqué au conseil municipal de la commune nouvelle que la loi l'obligeait à procéder à une élection partielle intégrale avant la fin du mois de juin pour élire un nouveau maire, réduisant de fait l'effectif du conseil municipal de 35 à 23 sièges. Les élus de Rives-du-Fougerais en ont été très affectés, car certains d'entre eux avaient travaillé durant des années à la création de cette commune nouvelle. Ces élus avaient également probablement l'intention de briguer, à terme, d'autres mandats.

Dans les communes nouvelles, il n'est pas possible de faire appel au suivant de liste pour compléter le conseil municipal afin de procéder à l'élection du maire. La commune nouvelle est de ce fait dans l'incapacité de remplacer un membre du conseil municipal qui démissionne ou qui décède. Des difficultés subsistent donc en cas de vacance pour cause de démission ou de décès du maire sitôt après la première réunion du conseil municipal.

Selon les services de l'État, 28 communes nouvelles pourraient être concernées par la proposition de loi que nous examinons ce jour. Le dispositif que nous proposons est utile, simple et efficace, pour combler ce « trou dans la raquette ».

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Merci de nous avoir exposé le cas précis que vous avez rencontré dans la commune de Rives-du-Fougerais, sachant que d'autres communes peuvent être confrontées à ce même problème. Il revient effectivement au législateur de combler les « trous dans la raquette ».

S'agissant de la composition des conseils municipaux des communes nouvelles, les modifications législatives intervenues en 2015 et 2019 visent à faciliter la transition de l'ancienne commune à la commune nouvelle, en s'appuyant sur un modèle de retour progressif au droit commun. Il s'agit, premièrement, d'éviter d'écarter trop rapidement les élus des anciennes communes qui ont initié le projet de fusion ; deuxièmement, de faciliter la représentation de toutes les communes historiques ayant fusionné au sein du conseil municipal ; et enfin, troisièmement, de manière plus prospective, de faciliter l'adhésion au projet de fusion et l'adaptation des anciens projets communaux au nouveau cadre encore en gestation.

Une période transitoire se déroulant en deux phases est ainsi prévue.

Dans un premier temps, les communes nouvelles récemment créées peuvent maintenir en fonction l'ensemble des conseillers municipaux des communes historiques ayant fusionné. Dans un second temps, à l'issue du premier renouvellement du conseil municipal de la commune nouvelle, son effectif est fixé au nombre de membres prévu pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure. Ce n'est qu'à partir du second renouvellement général que l'effectif du conseil municipal se conforme au droit commun, déterminé en fonction de sa strate démographique réelle.

La commune nouvelle n'est pas un état d'exception permanent. Sa réussite se mesure à sa capacité à devenir une commune à part entière, respectant les règles de droit commun et fonctionnant sans les adaptations prévues, durant le régime transitoire, par le législateur.

La présente proposition de loi se limite à garantir, pendant la période transitoire suivant la création de la commune nouvelle, la stabilité de l'organe délibératif de la jeune collectivité territoriale, dans l'hypothèse spécifique de la démission ou du décès du maire.

L'élection du maire et des adjoints au maire d'une commune n'est possible qu'avec un conseil municipal complet. En cas de vacances de sièges de conseillers municipaux, ce principe général implique l'organisation d'une élection partielle intégrale ou complémentaire, afin de pouvoir élire un nouveau maire ou ses adjoints. Ce principe n'est pas absolu et connaît déjà des exceptions.

Dans les communes de moins de 500 habitants, le conseil municipal est « réputé complet » même si deux sièges sont vacants. Plus généralement, dans toute commune, quelle que soit sa strate démographique, un conseil municipal incomplet peut procéder à l'élection de l'exécutif sans renouvellement si des vacances se produisent juste après la tenue d'élections municipales.

Au-delà de ce cadre, des procédures allégées permettent de compléter le conseil municipal sans procéder à son renouvellement intégral. Citons par exemple le recours aux suivants de liste dans les communes de 1 000 habitants ou plus.

Toutefois, pour une commune nouvelle en période transitoire, il est impossible de recourir à de telles procédures allégées. Or, un renouvellement intégral du conseil municipal pose des difficultés importantes puisqu'il implique, par hypothèse, la réduction brutale de l'effectif du conseil municipal. Ce renouvellement anticipé accélère alors le retour à sa composition de droit commun. À titre d'exemple, si deux communes comptant respectivement 1 000 et 300 habitants décidaient de fusionner, elles passeraient d'un effectif de 26 conseillers municipaux au moment de leur création à 19 conseillers municipaux après le premier renouvellement, lequel peut intervenir parfois très rapidement après sa création.

Cette situation contredit l'intention du législateur d'aménager, par un cadre transitoire suffisamment long, une transition graduelle vers le régime général.

Face à ces difficultés, une première exception au principe de complétude du conseil municipal a été introduite par la loi du 1er août 2019 visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires : l'exécutif d'une commune nouvelle récemment créée peut être élu par un conseil municipal incomplet en cas de vacance de siège intervenant avant la première réunion du conseil municipal.

Le champ de cette exception est, malgré tout, limité. Seuls quelques jours s'écoulent entre la création d'une commune nouvelle et la première réunion du conseil municipal. Ainsi, si cette dérogation permet d'éviter de procéder à un renouvellement immédiat du conseil municipal pour élire le premier maire de la commune nouvelle, des difficultés subsistent dans le cas où une vacance surviendrait peu de temps après la première réunion du conseil municipal. Dans une telle éventualité, un renouvellement intégral du conseil s'impose si un nouveau maire devait être élu.

Les auteurs de la proposition de loi souhaitent, par conséquent, que les règles de droit commun relatives à l'obligation de renouvellement du conseil municipal incomplet pour l'élection du maire et de ses adjoints ne s'appliquent pas aux communes nouvelles, et ce jusqu'au premier renouvellement général, plutôt que jusqu'à la seule première réunion du conseil municipal. Le renouvellement anticipé du conseil municipal y serait seulement obligatoire dans l'hypothèse où il aurait perdu le tiers de ses membres.

Cette mesure pragmatique garantit, à mon sens, une continuité dans la gouvernance des communes nouvelles. Elle contribue à renforcer la nécessaire cohérence du cadre applicable aux communes nouvelles, sans pour autant instaurer un cadre dérogatoire disproportionné. J'insiste, en effet, sur ce point : les communes nouvelles sont issues de la volonté du législateur de conforter l'entité communale et non de la fragiliser par des exceptions. L'objectif est simplement d'assurer l'efficacité du cadre transitoire prévu par la loi.

Il s'agit là d'une situation, je le concède, très spécifique, mais qui pourrait néanmoins avoir des répercussions significatives sur le fonctionnement d'une jeune commune nouvelle et avoir un effet désincitatif sur les élus municipaux qui envisagent potentiellement de créer une commune nouvelle.

Comme le soulignait Françoise Gatel, co-auteur du texte, le dispositif cartésien applicable aux communes nouvelles ne prévoit tout simplement pas une hypothèse pourtant simple concernant le maire premièrement élu d'une commune nouvelle : il s'agit d'un homme mortel, qui peut aussi bien mourir que démissionner.

Afin d'éviter la tenue trop prématurée d'un renouvellement intégral et en vue de garantir l'attractivité du modèle des communes nouvelles, je vous invite à approuver l'adoption de cette proposition de loi, sous réserve de l'adoption d'un amendement de clarification rédactionnelle que je vous proposerai.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. - La vie démocratique locale est précieuse. Elle mérite d'être promue, protégée et simplifiée ; d'où son encadrement par le code général des collectivités territoriales. Pour autant, la richesse et la diversité des circonstances locales imposent parfois la modification de règles dont les effets non anticipés peuvent apparaître incohérents.

Cette proposition de loi a pour objet de modifier le code général des collectivités territoriales en étendant l'exception d'incomplétude pour l'élection du maire et des adjoints jusqu'au premier renouvellement général des conseils municipaux qui suit la création de la commune nouvelle, et non plus jusqu'à la première réunion du conseil municipal.

Il faut que les règles promeuvent la démocratie locale, plutôt que de l'entraver ou de la complexifier. La création d'une commune nouvelle est un choix souvent rationnel, mais toujours courageux, qui exige un véritable dialogue, un projet de territoire établi et partagé.

Je veux vous dire mon attachement aux communes nouvelles, dont la création traduit souvent des synergies locales très fortes. Ces synergies ne doivent jamais être imposées, elles doivent être encouragées.

C'est dans cette optique que j'ai eu l'occasion de mener des travaux dès 2023 avec plusieurs d'entre vous, dont Françoise Gatel, travaux qui ont trouvé leur aboutissement dans la loi de finances de 2024. En effet, nous avons considérablement bonifié la dotation d'amorçage lorsqu'une commune nouvelle est créée : initialement fixée à 6 euros par habitant, elle s'établit désormais à 15 euros. Dans le cadre de cette loi de finances, nous avons également garanti le montant la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes nouvelles, afin qu'il ne baisse pas et ne soit jamais inférieur à la somme qu'auraient touchée les communes composant la commune nouvelle si elles étaient restées indépendantes.

Le Gouvernement fait donc le nécessaire pour encourager et accompagner les projets de communes nouvelles. Dès lors, il convient que les communes ne soient pas dissuadées d'engager un tel projet ou soient pénalisées par des dispositions générales dont on ne distingue pas la pertinence. Permettre aux équipes d'élus ayant porté ces projets d'union de poursuivre leur travail est une évidence. Cette proposition de loi permet de remédier à ce qui apparaît localement comme une aberration. Elle est précise et pondérée, ne prévoyant pas de rétroactivité. Ainsi, sans remettre en cause des situations acquises, elle permettra d'apporter sérénité et lisibilité aux communes qui souhaitent porter un tel projet. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable à cette proposition de loi.

M. Éric Kerrouche. - Il peut arriver que la législation ait des effets indésirés. Certes, il n'est pas fréquent qu'une commune nouvelle doive procéder à l'élection d'un maire ou d'un adjoint au maire entre la réunion du premier conseil municipal et le premier renouvellement général des conseils municipaux, mais cette situation d'incomplétude n'est pas sans conséquence.

Non seulement il est difficile d'organiser des élections complémentaires dans un contexte qui n'y est pas propice - dans la période de post-fusion, il convient avant tout de stabiliser le projet mis en place -, mais la réduction brutale du nombre de conseillers municipaux est source de problèmes.

D'une certaine façon, ce texte revient à l'esprit initial de la proposition de loi de Françoise Gatel, en 2019, en palliant les effets pervers. Nous le voterons.

M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives à la composition du conseil municipal requise pour procéder à l'élection du maire et des adjoints au maire d'une commune nouvelle.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE SELON LA PROCÉDURE DE LÉGISLATION EN COMMISSION

Article unique

L'amendement rédactionnel COM-2, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Après l'article unique

M. Alain Marc. - Par l'amendement COM-1, je souhaitais que les communes nouvelles disposent d'une dérogation supplémentaire après le deuxième renouvellement général des conseils municipaux suivant leur création. J'ai compris que cet amendement n'était pas le bienvenu. C'est pourquoi je le retire.

L'amendement COM-1 est retiré.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme BELLUROT, rapporteure

2

Amendement rédactionnel

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article unique

M. Alain MARC

1

Hausse pérenne du nombre de conseillers municipaux dans les communes nouvelles 

Retiré

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 11(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie12(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte13(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial14(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 5 juin 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 551 rect. (2023-2024) visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives à la composition du conseil municipal requise pour procéder à l'élection du maire et des adjoints au maire d'une commune nouvelle.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

AUTEURS DE LA LOI

Mme Annick Billon, sénatrice de la Vendée

Mme Françoise Gatel, sénateur d'Ille-et-Vilaine

M. Bruno Retailleau, sénateur de la Vendée

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Ministère de l'intérieur et des outre-mer - Direction générale des collectivités locales (DGCL)

Ministère de l'intérieur et des outre-mer - Direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (Dmates)

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-551.html


* 1 CE, 24 avril 2019, req. n° 426468.

* 2 À noter cependant qu'à partir du 1er janvier de l'année précédant le renouvellement général des conseils municipaux, en cas de vacance du maire ou des adjoints, il n'est procédé aux élections nécessaires que si le conseil municipal a perdu le tiers ou plus de ses membres, ou s'il compte moins de quatre membres.

* 3 CE, 19 janvier 2007, Élection des adjoints au maire de Maurepas, req. n° 289431.

* 4 Le conseil municipal est nécessairement renouvelé dans son ensemble, il ne peut être procédé à une élection partielle complémentaire dans les communes de plus de 1 000 habitants.

* 5 Article L. 258 du code électoral.

* 6 Article L. 2121-2 du CGCT.

* 7 Rapport n° 179 (2018-2019) d'Agnès Canayer sur la proposition de loi visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, 5 décembre 2018.

* 8 CE, 24 avril 2019, req. n° 426468.

* 9 Rapport n° 179 (2018-2019) d'Agnès Canayer sur la proposition de loi visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, 5 décembre 2018.

* 10 Lors de la commission mixte paritaire sur la loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, la députée Christine Pires Beaune précisait bien qu'« une des modifications proposées permet de prévoir qu'en cas de dissolution du conseil municipal, la modification de la composition du conseil municipal intervient lors de son renouvellement, et non lors du renouvellement général des conseils municipaux suivant ».

* 11 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 12 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 13 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 14 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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