EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 5 juin 2024, sous la présidence de M. Jean Sol, vice-président, la commission examine le rapport de Mmes Laurence Muller-Bronn et Corinne Féret, rapporteures, sur la proposition de loi n° 542 (2023-2024) pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d'autres maladies évolutives graves.

M. Jean Sol, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d'autres maladies évolutives graves, déposée par nos collègues Gilbert Bouchet et Philippe Mouiller.

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - La proposition de loi qu'il nous revient d'examiner ce matin, déposée par notre collègue Gilbert Bouchet et par le président Philippe Mouiller, fait l'objet d'un soutien exceptionnellement large : elle a été cosignée par 318 de nos collègues, issus de tous les groupes politiques. Elle vise à pallier les lacunes de notre système de protection sociale pour accompagner les personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique, ou SLA, qui peuvent laisser dans le désarroi des familles déjà choquées par le diagnostic et frappées par les conséquences de la maladie.

La SLA, plus connue sous le nom de maladie de Charcot, est une maladie rare due à une dégénérescence progressive des motoneurones.

Son incidence est d'environ 1 700 nouveaux cas par an - 4 à 5 cas par jour -, ce qui en fait l'une des maladies rares les plus fréquentes. Cette incidence serait stable au cours du temps, même si des augmentations certaines sont constatées localement qui s'expliquent en partie par le vieillissement de la population, mais touchent aussi des individus plus jeunes.

À l'heure actuelle, il s'agit d'une maladie incurable dont l'issue est le décès du patient. L'espérance de vie des patients est de deux ans en moyenne après le diagnostic, avec de fortes variations : 10 à 15 % des malades ont une durée de vie supérieure à cinq ans après le diagnostic, et 5 % une durée de vie supérieure à dix ans.

Ainsi, la prévalence de la maladie se maintient entre 6 000 et 7 000 personnes atteintes de SLA en France, dont 56 % d'hommes et 44 % de femmes.

La SLA se caractérise par un affaiblissement progressif des muscles des jambes et des bras, des muscles respiratoires, ainsi que des muscles de la déglutition et de la parole. De multiples activités simples de la vie quotidienne deviennent progressivement difficiles ou impossibles. Toutefois, la chronologie et le rythme de progression de l'atteinte motrice sont spécifiques à chaque patient, ce qui empêche toute anticipation des besoins de compensation du handicap. Il est également complexe d'en faire un diagnostic précoce, ce qui constitue un des enjeux actuels de la recherche.

La prise en charge sanitaire des patients est organisée autour de centres maladies rares labellisés. Une filière nationale de santé maladies rares SLA et maladies du neurone moteur a été créée en 2014 dans le cadre du deuxième plan national maladies rares, afin de structurer leur coordination et de faciliter la prise en charge des personnes malades. Il s'agit de la FilSLAN, articulée autour de 22 centres de référence. Dans chaque centre, les patients sont accompagnés par une équipe pluridisciplinaire qui suit l'évolution des déficiences causées par la maladie.

Pourtant, le parcours des personnes atteintes de SLA se révèle souvent jalonné d'obstacles.

En complément de la prise en charge à 100 % de leurs frais de santé par l'assurance maladie, les personnes dont la SLA a été diagnostiquée avant l'âge de 60 ans s'adressent à leur maison départementale des personnes handicapées (MDPH) afin de demander les aides et les droits auxquels elles peuvent prétendre, notamment la prestation de compensation du handicap (PCH) pour faire face à leurs besoins d'aides humaines, d'aides techniques, ainsi que d'adaptation de leur véhicule et de leur logement.

L'attribution de la PCH relève de la compétence de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, la CDAPH. Celle-ci prend ses décisions sur la base de l'évaluation de l'équipe pluridisciplinaire de la MDPH. Cette équipe peut entendre la personne en situation de handicap, se rend sur le lieu de vie de la personne - ce n'est pas toujours le cas - et sollicite en tant que de besoin, et lorsque les personnes concernées en font la demande, le concours des centres de référence maladies rares.

L'application de ces procédures pose problème dans le cas de la SLA : qu'il s'agisse de l'ouverture des droits ou de leur actualisation, les délais de traitement des demandes apparaissent, de manière générale, difficilement compatibles avec une maladie aussi rapidement évolutive.

Si la réglementation donne un délai de quatre mois à la CDAPH pour statuer, ce délai est variable selon les départements en pratique et peut s'élever à six, voire neuf mois. Pour les demandes relatives à la PCH, la durée moyenne est de 5,9 mois, d'après le baromètre des MDPH de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Or, le protocole national de diagnostic et de soins sur la SLA recommande « des bilans réguliers adaptatifs tous les trois mois ». Des adaptations plus fréquentes sont même nécessaires dans certains cas.

Mme Corinne Féret, rapporteure. - Dans ces conditions, non seulement la prise en charge n'est pas immédiate et les familles doivent souvent avancer les frais occasionnés par la compensation des handicaps, mais les besoins de la personne peuvent avoir changé avant même que sa demande n'ait abouti. En outre, la procédure se révèle complexe pour les familles qui doivent, chaque fois qu'une adaptation est nécessaire, constituer de leur propre initiative un nouveau dossier de demande.

Il existe néanmoins des procédures d'urgence : en particulier, une procédure spécifique à la PCH permet au président du conseil départemental, en cas d'urgence attestée, d'attribuer la prestation à titre provisoire. Il statue dans un délai de quinze jours ouvrés à la demande de l'intéressé en arrêtant le montant provisoire de la prestation. Toutefois, ces procédures n'apportent pas suffisamment de garanties aux personnes concernées et restent très inégalement appliquées, même si certaines MDPH ont mis en place des bonnes pratiques qu'il faut saluer.

Par ailleurs, les besoins de compensation liés à la SLA font l'objet d'un traitement différent en fonction de l'âge de la personne.

Le bénéfice de la PCH est en effet limité aux personnes dont l'âge est inférieur à une limite fixée par décret à 60 ans. Deux exceptions à cette barrière d'âge sont cependant prévues. La première bénéficie aux personnes dont le handicap répondait, avant l'âge limite, aux critères liés aux besoins de compensation pour bénéficier de la prestation : les personnes dont la SLA a été diagnostiquée avant 60 ans peuvent ainsi continuer à bénéficier de la PCH au-delà de cet âge ; la seconde concerne les personnes qui exercent encore une activité professionnelle au-delà de cet âge limite et dont le handicap répond aux mêmes critères.

Lorsque le diagnostic de la SLA intervient au-delà de cette barrière d'âge, la personne atteinte de la maladie ne peut pas bénéficier de la PCH. Elle peut alors demander l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, pour améliorer sa prise en charge. Il existe toutefois des différences majeures de prise en charge entre les deux prestations.

En effet, l'ensemble des aides attribuées au titre de l'APA est rattaché à un plan d'aide global dont le montant est déterminé dans la limite d'un plafond mensuel pour chaque groupe iso-ressources (GIR). Dans ce cadre, non seulement le plan d'aide ne permet généralement pas de financer la présence continue d'intervenants auprès du malade, mais il couvre difficilement les nombreuses aides techniques dont ce dernier a besoin.

Selon l'Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique (ARSLA), une trentaine d'aides techniques sont nécessaires au cours de la durée de vie du patient à compter du diagnostic. L'association évalue le reste à charge total sur les aides techniques à 8 000 euros dans le cadre de la PCH et 16 000 euros dans le cadre de l'APA.

Or, la majorité des personnes atteintes de SLA sont prises en charge dans le cadre de l'APA. Les données communiquées par la FilSLAN révèlent effectivement la répartition suivante pour l'incidence de la maladie : 21 % de patients incidents de moins de 60 ans et 79 % de patients incidents de 60 ans et plus.

Si la CNSA ne dispose pas de données consolidées au niveau national sur cette pathologie, on peut donc estimer qu'entre deux tiers et trois quarts des personnes atteintes de SLA pourraient relever de l'APA.

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - Face à ces constats, la proposition de loi vise à faciliter et améliorer l'accès aux aides des personnes atteintes de la maladie.

L'article 1er instaure une procédure dérogatoire de traitement des demandes d'adaptation du plan personnalisé de compensation du handicap, applicable dans le cas où les besoins de compensation et d'accompagnement résultent d'une maladie évolutive grave telle que la SLA. La liste des maladies concernées serait fixée par arrêté.

À la demande de la personne concernée, un membre de l'équipe pluridisciplinaire de la MDPH proposerait directement à la CDAPH, sur la base d'une prescription médicale ou de la prescription d'un ergothérapeute, les adaptations du plan de compensation du handicap nécessaires. La commission devrait statuer sur ces adaptations lors de sa première réunion suivant la réception de la demande.

Nous considérons que les spécificités de la maladie de Charcot justifient le traitement dérogatoire proposé par les auteurs de la proposition de loi.

Il semblerait toutefois prudent de mieux circonscrire le champ des pathologies concernées par ce dispositif en visant, au lieu des « maladies évolutives graves », les « pathologies d'évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles ». Cette formulation permettrait de caractériser plus précisément les spécificités de la SLA.

À la lumière de nos auditions, il nous est apparu que l'efficacité de la réponse aux besoins des personnes atteintes de telles pathologies suppose de pouvoir identifier d'emblée les dossiers qui les concernent. Elle nécessite également une meilleure coordination avec les équipes chargées de leur suivi. Nous vous proposerons donc un amendement visant à rendre systématique l'identification par la MDPH, dès leur dépôt, des dossiers relatifs à une pathologie comme la SLA et à prévoir que ces dossiers soient traités en partenariat avec les centres de référence maladies rares chargés du suivi des personnes concernées.

Ces centres disposent de leur propre équipe pluridisciplinaire, qui procède en principe tous les trois mois à une évaluation des besoins des patients. Il serait donc opportun de prévoir un accès à la procédure dérogatoire prévue par l'article 1er sur la base de l'évaluation de l'équipe de soins spécialisée du centre SLA.

Enfin, il nous semblerait utile de préciser que la procédure dérogatoire s'appliquerait dès l'ouverture des droits auxquels la personne atteinte de SLA peut prétendre en fonction de ses besoins de compensation, sans être limitée aux seules adaptations du plan de compensation du handicap.

Mme Corinne Féret, rapporteure. - L'article 2 tend à introduire une exception à la barrière d'âge de 60 ans pour le bénéfice de la PCH. Les personnes d'un âge supérieur à cette limite, mais dont les besoins de compensation résultent des conséquences d'une maladie évolutive grave telle que la SLA, pourraient ainsi bénéficier de la PCH.

La différence de traitement entre les personnes dont la maladie est diagnostiquée avant 60 ans et celles dont la maladie se déclare après cet âge a des répercussions directes sur les conditions de vie des patients et sur leurs choix thérapeutiques. La suppression de cette iniquité nous paraît donc légitime.

En conséquence, les personnes atteintes d'une telle pathologie pourraient, pour la prise en charge de leurs besoins de compensation, être accompagnées par leur MDPH et bénéficier également du dispositif dérogatoire de l'article 1er.

En cohérence avec les modifications apportées à l'article 1er, nous vous proposerons de qualifier plus précisément le champ des maladies concernées par cette suppression de la barrière d'âge.

J'estime qu'on pourrait, plus généralement, s'interroger sur le bien-fondé de cette dernière pour le bénéfice du droit à la compensation. Je rappelle que l'article 13 de la loi du 11 février 2005 prévoit que « dans un délai maximum de cinq ans, les dispositions de la présente loi opérant une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d'âge en matière de compensation du handicap (...) seront supprimées ». Cette disposition est restée un voeu pieu !

D'autres enjeux relatifs à l'accès aux aides techniques ne relèvent pas de la loi, mais mériteraient aussi d'être pris en considération. En particulier, il serait pertinent de favoriser le remboursement de la location - de préférence à l'achat - pour certaines aides techniques, compte tenu de la brièveté de leur utilisation. L'importance de la formation des intervenants à domicile au maniement des aides techniques nous a également été signalée lors de nos auditions.

Enfin, l'article 3 prévoit un concours financier de la CNSA aux départements afin de compenser le surcroît de dépenses de PCH occasionné par le dispositif. Faute de statistiques sur les montants versés au titre de la PCH et de l'APA à la population concernée, nous estimons que ce surcoût devrait avoisiner 30 millions d'euros par an au total.

Mes chers collègues, ce texte suscite une forte attente de la part des familles concernées par la SLA et des associations qui les accompagnent. Nous vous invitons à répondre à cette attente en le soutenant très largement.

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - Avant d'aller plus loin dans la discussion, il nous revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.

Nous considérons que ce périmètre comprend des dispositions relatives au traitement par les MDPH des demandes de compensation des handicaps résultant de maladies évolutives graves, aux conditions d'attribution de la PCH en cas de maladie évolutive grave et à la compensation financière des dépenses afférentes à cette prestation par la CNSA.

En revanche, nous estimons que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs à la recherche sur les maladies rares, ainsi qu'à l'accompagnement de la fin de vie des personnes atteintes de SLA ou d'autres maladies évolutives graves.

Il en est ainsi décidé.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Si je comprends bien, deux équipes pluridisciplinaires interviennent dans l'accompagnement de ces malades. Pourrait-on mutualiser et n'en avoir qu'une ?

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - Merci pour cette question, que nous nous sommes également posée au cours des auditions. Il y a bien deux équipes pluridisciplinaires : celle qui, au sein du centre de référence, va diagnostiquer la maladie et suivre le patient tous les trois mois, et celle qui intervient dans le cadre de la MDPH. Il se trouve qu'en rencontrant les malades et les familles, nous nous sommes rendu compte que la première avait une position très médicale, sans véritable intervention en matière de conseil, d'orientation et de prise en charge des aides techniques ou humaines. D'où notre préconisation de garder ces deux équipes, qui, en définitive, n'ont pas la même fonction, tout en travaillant à l'intensification de leurs échanges. Il faudrait par exemple qu'au moment où un malade est identifié en centre de référence, l'assistante sociale du centre hospitalier envoie immédiatement les demandes d'aides, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Mme Corinne Féret, rapporteure. - Par ailleurs, nous n'avons pas la certitude que 100 % des malades aient un contact régulier avec un centre de référence. En l'état actuel des choses, il nous a donc semblé préférable de maintenir les deux équipes pluridisciplinaires.

Mme Émilienne Poumirol. - Merci à nos deux rapporteures pour ce rapport évoquant une pathologie extrêmement grave, dont l'Organisation mondiale de la santé dit qu'elle est la plus cruelle qui soit. Quand on connaît la rapidité de l'évolution de cette maladie, on ne peut effectivement que souhaiter la réduction des délais au niveau des MDPH.

Il faudrait à ce titre un modèle de formulaire spécifique, car les services de MDPH indiquent traiter les dossiers au fur et à mesure et ne prennent connaissance de la nature de la pathologie qu'à ce moment-là.

Je partage la position sur la barrière d'âge, qui est très injuste, et je suis particulièrement surprise du montant des restes à charge pour des patients qui ne devraient pas en avoir. Il faut aller plus loin sur ce point.

Il faut également travailler sur la location de matériel, ainsi que sur les aides humaines et la formation. Toutes les associations d'aide à domicile ne souhaitent pas prendre en charge ces patients, du fait de la complexité des gestes techniques à opérer, et quand, faute d'association, les patients prennent le statut d'employeur, ils sont confrontés à d'autres problèmes, comme, par exemple, les démarches et coûts liés aux fins de contrat.

M. Daniel Chasseing. - Je voudrais aussi remercier les rapporteures pour leur travail. Effectivement, il est essentiel qu'une communication soit très rapidement faite à la MDPH, dès l'établissement du diagnostic. La suppression de la notion d'âge est par ailleurs une bonne chose. Je rejoins ce qui vient d'être dit sur la formation : du fait de la lourdeur des handicaps, il faudrait avoir des personnes formées. Enfin, outre l'amélioration de l'accès aux aides, il serait important, aussi, que la décision de la MDPH enclenche un suivi dans la durée, avec, par exemple, des visites tous les trois mois du patient par une équipe pluridisciplinaire, visites susceptibles d'entraîner une réévaluation des aides.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je remercie à mon tour nos collègues rapporteures pour le travail effectué sur cette proposition de loi qui a tout son sens, tant les familles confrontées à la maladie de Charcot vivent une situation extrêmement difficile et douloureuse.

Je pense, moi aussi, qu'il faut travailler pour supprimer tout reste à charge. Celui-ci est encore trop important. Il faut aussi continuer à travailler sur les MDPH, qui souffrent d'un manque criant de moyens humains et financiers. Je rappelle que les délais de traitement sont de 4,6 mois approximativement.

M. Xavier Iacovelli. - Dans le meilleur des cas !

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Or les personnes atteintes de SLA devraient pouvoir être prises en charge le plus rapidement possible, une fois le diagnostic posé. Au sein de mon groupe, nous voterons bien évidemment cette proposition de loi, qui est un premier pas important dans la bonne direction.

Mme Corinne Féret, rapporteure. - S'agissant de la façon d'identifier très rapidement le dossier pour un traitement en urgence par la MDPH, la notion d'urgence existe déjà : elle est matérialisée par une petite case à cocher en page 4 ou 5 du formulaire. Mais, comme cela a été rappelé, l'urgence absolue dans le cas de la SLA justifie une présentation ou un visuel particulier. On ne peut pas l'inscrire dans la loi. Toutefois, le fait de prévoir une identification immédiate, ce que nous faisons par amendement, permettra que cette proposition puisse être ultérieurement concrétisée, et ce de manière homogène, au sein des MDPH.

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - La prise en charge suivant l'identification doit se faire en « tunnel », pour reprendre l'expression des professionnels. Cela signifie qu'il faut ouvrir tous les droits très rapidement afin d'éviter que les familles aient à monter des dossiers à chaque adaptation à l'évolution de la maladie. On en arrive ainsi à des situations où les patients reçoivent les matériels demandés après leur décès !

Précisons également que cette maladie n'entraîne pas d'affaiblissement des facultés cognitives ou certaines pathologies comme l'incontinence, ce qui limite le niveau du GIR pris en compte pour le versement de l'APA. Ce pourquoi les plans d'aide alloués dans le cadre de cette allocation ne sont pas suffisants.

Bien sûr, tout le monde souhaite que les MDPH travaillent mieux, mais les équipes sont submergées par les demandes. Pour prendre l'exemple de la MDPH de la Collectivité européenne d'Alsace, le nombre de dossiers reçus mensuellement est passé, entre la fin de l'année 2023 et aujourd'hui, de 4 000 à 5 000 dossiers, soit plus de 50 000 demandes par an. Les MDPH méritent donc toute notre attention : les demandes auxquelles elles font face touchent à l'humain et il est évidemment très difficile de ne pas pouvoir y répondre correctement.

Mme Corinne Féret, rapporteure. - Le montant du reste à charge est très élevé, même dans le cadre de la PCH. Notons néanmoins qu'il est aussi possible de solliciter l'aide du département au travers du fonds départemental de compensation du handicap et que certaines complémentaires santé proposent un accompagnement financier en matière d'équipement.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je m'associe aux remerciements exprimés, que j'adresse tant aux auteurs qu'aux rapporteures du texte. Je vois, dans cette proposition de loi vertueuse, deux opportunités : d'abord, elle permet de parler d'une maladie qui est certes rare, mais qui est également brutale ; elle permet par ailleurs d'améliorer l'accompagnement des personnes qui en sont atteintes.

Ma première question porte sur la recherche. C'est un point important pour les familles qui, même après le décès de leur proche, s'intéressent à ce sujet. N'existe-t-il pas des centres de recherche ? Pouvez-vous donc nous dire si des recherches actuellement menées, y compris au niveau international, permettent un espoir ?

Le rapport mentionne certaines bonnes pratiques des maisons départementales des personnes handicapées ou des maisons départementales de l'autonomie. Quelles sont-elles ?

J'ai un ami qui est décédé dernièrement de la maladie de Charcot et sa femme, qui l'a accompagné pendant sept ans au domicile, est totalement épuisée. Nous enregistrons des avancées à l'heure actuelle sur le sujet des aidants, mais cette maladie est très particulière et justifierait des accompagnements très spécifiques pour les aidants.

Mme Patricia Demas. - Je salue la qualité du travail de nos rapporteures sur ce sujet, très émouvant, qui concerne tout le monde. Je rejoins Élisabeth Doineau sur la question des aidants. Ce sont eux, souvent, qui compensent les conséquences de la désertification médicale et l'absence d'offre de soins de longue durée dans certains secteurs, par exemple en kinésithérapie. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l'accompagnement des aidants et les formations qui leur sont proposées afin qu'ils acquièrent les bons gestes et les bonnes pratiques ?

Mme Anne-Sophie Romagny. - Je souhaitais, moi aussi, aborder les questions de la recherche et des aidants, et remercie mes collègues qui les ont posées. Merci, également, aux auteurs et rapporteures du texte pour ces travaux éclairants. En complément, il me semble nécessaire de réfléchir à la manière d'assurer un accès équitable aux soins et aux traitements, indépendamment de la zone géographique : comment garantir l'application de vos propositions uniformément sur le territoire ?

Mme Frédérique Puissat. - Tout en remerciant les rapporteures, je voudrais souligner les efforts réalisés par certains départements, en période de restriction financière, pour tenter d'améliorer des délais de gestion de dossiers MDPH globalement longs pour toutes les situations. Avez-vous rencontré l'Assemblée des départements de France (ADF) ? Comment ses représentants envisageaient-ils cette proposition de loi et la façon dont vous appréhendez la gestion des dossiers MDPH ?

Je souhaite enfin, au moment où nous abordons ce sujet, avoir une pensée pour notre collègue Gilbert Bouchet, qui a porté ce texte. N'étant pas membre de la commission, il n'est pas présent ce matin parmi nous, mais je ne doute pas qu'il sera à nos côtés lors des débats en séance.

Mme Corinne Féret, rapporteure. - Les centres de référence et les centres de recherche constituent bien une même structure. Il existe aujourd'hui 22 centres sur le territoire et leur nombre pourrait augmenter dans les mois à venir. Comme nous l'avons indiqué, il n'est pas certain que tous les patients soient en relation avec ces centres, mais un effort maximal est fait pour que le lien avec l'équipe médicale soit effectif.

Par ailleurs, les travaux de recherche sont importants, en particulier en matière de recherche sur les gènes et antécédents familiaux, puisque l'on a constaté des causes génétiques pour une partie des patients. Un professeur nous expliquait que la détection de certains gènes avant que la maladie ne se déclare pourrait permettre une prise en charge beaucoup plus efficace. Ces travaux sont donc porteurs d'espoir.

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - En auditionnant les associations et les familles, nous avons constaté que ces dernières sont très isolées et, faisant face à une maladie qu'elles ne connaissent pas, elles ignorent les bons gestes et les apprennent souvent au hasard. Rien n'est automatique en matière de formation ; or nous estimons que cela devrait l'être, d'où certains amendements que nous avons déposés. Mais tout dépend, aussi, des personnels à disposition et, nous le savons tous, il y a une réelle carence en matière de soins et de services à domicile.

Sur le traitement des dossiers MDPH, il existe effectivement des disparités entre départements : entre celui du Bas-Rhin et celui du Haut-Rhin, le délai de numérisation varie de 1 à 10 jours. Mais le problème tient bien au fait que les dossiers numérisés sont ensuite traités au fil de l'eau. J'ai l'exemple d'une famille qui, pour un diagnostic posé le 14 mars, a un rendez-vous en MDPH le 28 août. L'idée globale est donc d'identifier, de traiter en « tunnel » et de procéder par dérogation.

L'ADF est tout à fait favorable aux propositions que nous avançons. C'est l'État qui doit nous suivre maintenant... Le Gouvernement préférerait traiter le cas de cette maladie sans dérogation susceptible de créer un précédent. Telle est la nature des discussions en cours avec le ministère.

Mme Corinne Féret, rapporteure. - Puisque nous évoquons le ministère, je précise que nous avons eu une réunion de travail avec le cabinet de la ministre. Même s'ils comprennent bien la situation et la difficulté des familles, ils ne se sont pas montrés très favorables au contenu de la proposition de loi. Or nous parlons d'un texte que nous portons, au Sénat, de manière totalement transpartisane. Ayant eu la volonté politique de parler d'une seule voix sur ce sujet, nous aurions souhaité que le Gouvernement entende cette volonté commune.

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - En réalité, à part le Gouvernement, tout le monde va dans le même sens : médecins, associations de malades et confédérations nationales d'associations, qui ont rendu un avis favorable dans le cadre du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Mme Jocelyne Guidez. - Je voudrais revenir sur le sujet des aidants. Aujourd'hui, le problème le plus aigu, c'est que les gens ne connaissent pas leurs droits ni les dispositifs auxquels ils peuvent avoir accès. Je vous invite, en particulier, à regarder ce qui figure dans le petit livret de l'Agirc-Arrco.

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - Nous avons aussi constaté le dynamisme des associations, beaucoup plus réactives que l'État ou les départements. Elles possèdent, par exemple, des parcs de matériel et apportent beaucoup plus rapidement tout ce qu'il faut pour aider le malade que nos organismes et institutions nationales ou départementales.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - L'amendement COM-1 vise à rendre systématique l'identification par la MDPH, dès leur dépôt, des dossiers relatifs à une sclérose latérale amyotrophique pour permettre leur traitement en priorité.

En outre, il prévoit que ces dossiers doivent être traités en partenariat avec les centres de référence maladies rares chargés du suivi et de la coordination du parcours des personnes atteintes de SLA.

Enfin, il a pour objet de préciser le champ des maladies concernées par ce traitement prioritaire, en les qualifiant de « pathologies d'évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles ».

L'amendement COM-1 est adopté.

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - L'amendement COM-2 tend à permettre l'application de la procédure dérogatoire prévue à l'article 1er, non seulement aux adaptations du plan de compensation du handicap, mais aussi à l'ouverture des droits auxquels la personne atteinte de SLA peut prétendre au fil de l'évolution de sa maladie.

L'amendement COM-2 est adopté.

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - Avec l'amendement COM-3, nous proposons l'application de la procédure dérogatoire proposée à l'article 1er sur le fondement de l'évaluation de l'équipe spécialisée du centre de référence SLA. Ces centres disposent effectivement de leur propre équipe pluridisciplinaire, qui procède tous les trois mois à une évaluation des besoins des patients. Nous entendons ainsi renforcer la coordination entre les centres SLA et les MDPH afin d'optimiser le temps de réponse aux besoins des malades.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Corinne Féret, rapporteure. - L'amendement COM-4 tend à préciser, en cohérence avec les modifications proposées à l'article 1er, le champ des pathologies concernées par la suppression de la barrière d'âge pour bénéficier de la PCH. Il s'agit, suivant l'esprit de la loi du 11 février 2005, de caractériser cette situation en fonction du retentissement de la pathologie sur la vie des personnes.

L'amendement COM-4 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel COM-5.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Articles 3 et 4

Les articles 3 et 4 sont successivement adoptés sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme MULLER-BRONN, rapporteure

1

Identification par la MDPH des dossiers de SLA et traitement en partenariat avec les centres de référence SLA

Adopté

Mme MULLER-BRONN, rapporteure

2

Application de la procédure dérogatoire dès la demande d'ouverture des droits

Adopté

Mme MULLER-BRONN, rapporteure

3

Accès à la procédure dérogatoire sur la base de l'évaluation du centre de référence SLA

Adopté

Article 2

Mme FÉRET, rapporteure

4

Définition du champ des pathologies concernées par la suppression de la barrière d'âge

Adopté

Mme FÉRET, rapporteure

5

Amendement rédactionnel

Adopté

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