- L'ESSENTIEL
- 1) I. APPROCHE CONTEXTUELLE
- A. UNITÉS ET DIVERSITÉS
INDONÉSIENNES
- 1. Le « géant
invisible »
- 2. Une croissance soutenue par la richesse de ses
ressources naturelles
- 3. ...et l'expansion rapide de son marché
intérieur
- 4. L'« unité dans la
diversité » : une mosaïque religieuse
originale
- 5. Tensions et continuités - une politique
intérieure en quête de stabilité
- 6. Le défi environnemental
- 7. Autres enjeux d'amélioration de
l'environnement économique
- 1. Le « géant
invisible »
- B. “LIBRE ET ACTIVE” : LA POLITIQUE
ÉTRANGÈRE INDONÉSIENNE DANS LE MAELSTROM
INDOPACIFIQUE
- C. UN PARTENAIRE À HAUT POTENTIEL
- A. UNITÉS ET DIVERSITÉS
INDONÉSIENNES
- II. LE PROJET D'ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE
D'INDONÉSIE RELATIF À LA COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DE LA
DÉFENSE
- 1) I. APPROCHE CONTEXTUELLE
- EXAMEN EN COMMISSION
- ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES
AUDITIONNÉES
- ANNEXE 2 : CARTE
N° 721
SÉNAT
2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juillet 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (procédure accélérée),
Par M. Étienne BLANC,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. Joël Guerriau, Jean-Baptiste Lemoyne, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; MM. Étienne Blanc, Gilbert Bouchet, Mme Valérie Boyer, M. Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, M. Philippe Folliot, Mme Annick Girardin, M. Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, André Guiol, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Claude Malhuret, Didier Marie, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.
Voir les numéros :
Sénat : |
545 et 722 (2023-2024) |
L'ESSENTIEL
Le présent projet de loi a pour objet l'approbation de l'accord, signé à Paris le 28 juin 2021 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d'Indonésie, relatif à la coopération dans le domaine de la défense, complété par l'échange de lettres des 18 août 2023 et 9 novembre 2023.
Bénéficiant d'une situation centrale au coeur du théâtre de tensions géopolitiques majeures que représente la région indopacifique, l'Indonésie, poids lourd de l'ASEAN, est une puissance émergente dynamique affichant l'ambition de devenir d'ici le mitan du siècle la 4ème économie mondiale.
Compte tenu de ce potentiel, l'intensification de la relation franco-indonésienne constitue un enjeu majeur pour le rayonnement français.
De son côté, la diplomatie indonésienne, soucieuse de n'être vassalisée par aucune grande puissance étrangère, construit, dans le cadre d'une politique extérieure résolument non-alignée, un équilibre au sein duquel la relation avec la France pourrait, sous réserve de son approfondissement, trouver une place privilégiée.
Dans ce contexte, l'accord faisant l'objet du présent rapport vient renforcer les liens entre les deux pays en développant la coopération en matière de défense.
Le texte proposé est conforme aux standards juridiques français et internationaux.
Il présente cependant la particularité, en comparaison des accords de même type conclus par la France, de ne pas comporter de clause relative au statut des forces armées (dit « SOFA »), en raison d'une particulière sensibilité de l'Indonésie aux enjeux de souveraineté. De ce fait, les exercices visés par l'accord ne pourront se dérouler qu'en dehors du territoire indonésien.
Dans la pratique, cette disposition ampute l'accord d'une part importante de son caractère opérationnel ; de sorte qu'il représente, pour l'heure, un premier pas, dans l'attente de la conclusion d'un accord « SOFA » complémentaire auquel renvoie une clause « d'effort ».
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier.
1) I. APPROCHE CONTEXTUELLE
A. UNITÉS ET DIVERSITÉS INDONÉSIENNES
1. Le « géant invisible »1(*) de l'Indopacifique
Avec plus de 13 000 îles (dont 922 habitées), soit une superficie de 1,9 million de km2, l'archipel indonésien, au carrefour des océans Indien et Pacifique et de la mer de Chine, constitue le plus vaste archipel au monde. L'Indonésie est également le 16ème plus grand pays du monde en superficie.
Sa population, estimée à 275,5 millions d'habitants, composée de plus de 1 300 groupes ethniques et parlant plus de 700 langues, fait également d'elle le quatrième pays le plus peuplé au monde. Avec une densité moyenne de 145 habitants/km2, elle se classe en 90ème/237 position au niveau mondial, mais la répartition de la population présente d'importantes disparités, atteignant 1121 habitants/km2 sur l'Ile de Java2(*).
Seizième économie mondiale et première de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN), l'Indonésie est l'une des économies de marché émergentes les plus dynamiques au monde, portée par une croissance de plus de 5% par an en moyenne au cours des dix dernières années ; elle est le premier pays d'Asie du Sud-Est à demander à rejoindre l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)3(*) et affiche comme ambition de devenir, d'ici à 2045, la quatrième puissance économique mondiale.
2. Une croissance soutenue par la richesse de ses ressources naturelles
L'Indonésie se décrit volontiers comme un « pays béni des dieux » tant ses ressources naturelles, et notamment minières, sont abondantes :
Ø Avec 42 % des réserves mondiales de nickel, elle a pu devenir le premier producteur mondial de ce métal en quelques années seulement, passant de 5 % de l'extraction mondiale en 2015 à 50 % en 2023. Dans le cadre de sa politique dite de « nationalisme des ressources », elle a décidé en 2020 l'interdiction de l'exportation de ce minerai à l'état brut, dans le but de développer les industries de transformation nationales et de bénéficier de la valeur ajoutée créée par cette filière. Cependant, comme le souligne le chercheur Anda Djoehana Wiradikarta, le secteur demeure largement aux mains des investisseurs chinois, dont « les pratiques en matière de conditions de travail et de droit des travailleurs, de relations avec les populations locales, de protection de l'environnement, vont à l'encontre des efforts des Indonésiens pour construire une société démocratique »4(*) et ont été la cause de très graves accidents5(*).
Ø L'archipel est le troisième exportateur mondial de minerai de cuivre. Comme pour le nickel, il prévoit d'interdire l'exportation de concentré de cuivre afin de développer les filières locales de traitement.
Ø Il exploite également d'importantes réserves de charbon, qui font de lui le premier exportateur mondial de charbon vapeur, ainsi que des gisements d'or, de bauxite, de zinc et d'étain...
Ø Il se classe au 13ème rang mondial des producteurs de gaz naturel et au 8ème rang mondial des exportateurs de gaz naturel liquéfié ; enfin, il est au 3ème rang mondial des producteurs d' agrocarburants avec 9,4 % de la production mondiale.
Ø S'agissant des ressources non minières, l'huile de palme, dont l'Indonésie demeure le premier producteur et exportateur mondial, joue un rôle majeur dans l'économie de l'archipel, représentant 84% des exportations de produits issus de plantations agricoles en 2022. Le secteur de l'huile de palme contribuerait à près de 3,5% du PIB indonésien et génèrerait près de 20 millions d'emplois directs et indirects. Les problèmes environnementaux soulevés par cette culture (voir 6) ci-dessous) constituent un enjeu majeur pour les autorités indonésiennes confrontées à la nécessité de remettre en question ce modèle de production.
Ø L'Indonésie disposant de la 6ème zone économique exclusive au monde, la pêche et l'aquaculture constituent un secteur majeur de son économie et font d'elle le deuxième producteur mondial de poissons, de crustacés et d'algues.
Ø Elle a développé en outre d'importantes plantations de caoutchouc, de cacao et de café.
L'archipel a largement bénéficié du renchérissement des matières premières provoqué par le conflit russo-ukrainien, ce qui a eu effet très positif sur sa balance des paiements.
3. ...et l'expansion rapide de son marché intérieur
L'Indonésie affiche un PIB/habitant de 4 788 dollars en 2022, multiplié par quatre en vingt ans, ce qui a permis la rapide émergence d'une classe moyenne (+10% par an). Cette évolution permet à l'Indonésie de se classer parmi les « PRITS » (pays à revenu intermédiaire, tranche supérieure), et de viser la catégorie des pays « à revenu élevé » à horizon 2045.
Le graphique ci-après montre l'évolution du taux de pauvreté, au sens de la Banque mondiale (population vivant avec moins d'un dollar par jour), depuis une quarantaine d'années :
Cette dynamique, soutenue par une croissance démographique moyenne de 0,6 % /an, crée les conditions d'un marché intérieur porteur.
Une autre qualité notable de la société indonésienne fut sa très bonne résilience face à la crise sanitaire de la Covid-19 : celle-ci ne semble pas avoir remis en question durablement la trajectoire économique du pays, qui, après un recul en 2020, est apparu avoir absorbé rapidement le choc, affichant dès 2021 une croissance de 3,7%.
4. L'« unité dans la diversité »6(*) : une mosaïque religieuse originale
L'État indonésien garantit la liberté de six cultes : islam, catholicisme, protestantisme, hindouisme, bouddhisme et taoïsme, sans qu'aucune préséance ne soit accordée à aucun d'entre eux. Ainsi, l'islam, ne constitue pas une religion officielle, même si 87% de sa population, en majorité tenants d'un islam modéré, se reconnaît de cette confession.
L'importance de la population musulmane induit un tropisme particulier vis-à-vis de la situation en Palestine, en Afghanistan et en Birmanie - l'Indonésie étant à titre d'exemple le seul pays de la région à autoriser le débarquement par bateau des réfugiés rohingyas. Les autorités indonésiennes sont cependant particulièrement vigilantes sur l'influence des groupes islamistes radicaux, affichant clairement la lutte contre le terrorisme comme une priorité du Gouvernement.
5. Tensions et continuités - une politique intérieure en quête de stabilité
L'élection, en 2014, puis la réélection, en 2019, du président Joko Widodo (dit « Jokowi »), avaient permis de consolider la jeune démocratie indonésienne. Constitutionnellement inéligible à un troisième mandat, ce dernier est sur le point de quitter le pouvoir, avec une popularité intacte (76% en décembre 2023) qui s'explique principalement par le succès de sa politique ouverte et ambitieuse en matière de développement économique.
Lors des élections générales (présidentielles, législatives et sénatoriales) du 14 février 2024, le ticket (président - vice-président) constitué de Prabowo Subianto, ministre de la Défense, et Gibran Rakabuming Raka, fils ainé de Joko Widodo, a remporté la victoire, avec le soutien actif de l'actuel président, dès le premier tour, en rassemblant plus de 58% des suffrages (avec une participation estimée à 83%).
Le passé du président élu, le Général Subianto, qui entrera en fonction en octobre, n'est pas sans susciter des réserves7(*) du fait de son implication dans la répression du Timor Oriental8(*), sous la dictature Soeharto, et de son rôle dans les émeutes de Jakarta9(*) en 1998. Cependant le nouveau président, à la suite d'un rapprochement remarquable avec Joko Widodo, dont il est devenu ministre de la défense en 2019, s'est engagé à poursuivre le programme de développement de son prédécesseur10(*), laissant augurer une continuité politique, au point que l'on évoque à présent une « dynastie Jokowi ».
Sur le plan des droits de l'Homme, la société indonésienne est tiraillée entre des mouvements progressistes, modérés (majoritaires) et des courants plus conservateurs, ces derniers gagnant en influence au cours des dernières années.
L'adoption du nouveau code pénal par le Parlement indonésien, le 6 décembre 2022, est symptomatique de cette ambivalence : une quinzaine d'articles de ce code ont en effet fait l'objet de critiques de la part de la société civile et de la communauté internationale eu égard aux restrictions qu'ils pourraient introduire en matière de respect des libertés publiques, du droit à la vie privée, de la liberté d'expression et de la liberté de la presse.
En même temps, ce texte acte une approche plus mesurée de la peine capitale. Cette sanction demeure en effet pleinement en vigueur en Indonésie - essentiellement pour des faits de trafic de stupéfiants -, avec 452 personnes, dont un ressortissant français11(*), dans le couloir de la mort, même si un moratoire sur l'application de cette peine est observé depuis 2016. Aux termes du nouveau code pénal, elle demeure en vigueur comme peine d'exception « prononcée de manière alternative comme l'ultime moyen pour empêcher la commission d'un crime et pour protéger la société » mais désormais avec une possibilité de commutation en peine d'emprisonnement.
Les autorités indonésiennes sont pleinement engagées en faveur de la défense des droits des femmes : l'Indonésie est partie à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW). Le pays a en outre renforcé son arsenal juridique en 2022 par l'adoption d'une loi spécifique pour lutter contre les violences sexuelles.
Concernant les droits de la communauté LGBT+, rien dans la législation indonésienne ne mentionne explicitement la question des relations sexuelles entre personnes de même sexe - ni pénalisation, ni mécanisme de protection des personnes LGBT+ face aux violences et discriminations.
Sur le plan sécuritaire, la lutte contre le terrorisme demeure la priorité du président Jokowi. Bien que la menace terroriste demeure maitrisée, ces dernières années ont vu des groupes islamiques radicaux gagner en influence. La gestion du retour des combattants djihadistes moyen-orientaux (entre 800 et 1500 personnes), la propagande terroriste et radicale en ligne et la présence de cibles potentielles pour les recruteurs djihadistes parmi les réfugiés rohingyas sont les principaux points d'attention des autorités.
Par ailleurs, le nombre record de réfugiés rohingyas arrivés en Indonésie - soit 2265 en 2023 - suscite une hostilité croissante au sein des communautés locales.
Enfin, la situation demeure tendue en Papouasie occidentale, où le mouvement de libération poursuit ses actions tandis que la répression à l'encontre des populations nourrit une grande frustration. Le territoire compterait entre 60 000 et 100 000 déplacés internes12(*).
6. Le défi environnemental
Les conséquences du dérèglement climatique apparaissent d'ores et déjà palpables sur le sol de l'archipel, avec des événements météorologiques extrêmes, des incendies dévastateurs et l'affaissement de sa capitale Jakarta à mesure que le niveau de la mer augmente ; aussi la prise de conscience des enjeux environnementaux par les autorités indonésiennes est-elle bien réelle.
Ø Dixième émetteur mondial de gaz à effet de serre, l'Indonésie a rehaussé son ambition climatique en se fixant pour cible d'atteindre la neutralité carbone en 2060. L'Indonésie s'est également engagée avec les pays du G7+ dans le Partenariat pour une Transition Energétique Juste lancé en novembre 2022, pour un montant de 20 milliards de dollars ; cependant, à ce stade de sa mise en oeuvre, il est trop tôt pour constater des progrès. A l'heure actuelle, les centrales à charbon représentent toujours 62 % de la production électrique du pays.
Ø L'Indonésie, troisième pays au monde par l'étendue de sa forêt primaire tropicale, aurait perdu approximativement 1,3 million d'hectares de forêts par an, soit 20% de ses forêts, entre 1990 et 2010 ; face à ce désastre environnemental, le pays s'est efforcé de renverser la tendance, et, dès 2013, Mme Catherine Procaccia soulignait, dans le rapport du groupe interparlementaire d'amitié qu'elle présidait : « il faut savoir reconnaître le ralentissement de la déforestation, la forte volonté de l'Indonésie et de son ministère des forêts [...] et la prise de conscience par les industriels de la nécessité d'un développement vraiment durable et de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre »13(*). Les deux mandats de Jokowi ont ainsi vu la mise en place d'une politique volontariste qui apparaît porter ses fruits : le rythme de déforestation a été divisé par dix et n'est plus que de 110 000 hectares par an sur la période 2019-2022. Le gouvernement indonésien a signé en 2021 l'engagement dit « de Glasgow », en marge de la COP26, visant à ramener à zéro la déforestation dans le monde à l'horizon 2030.
Ø Premier producteur d'huile de palme -utilisée non seulement dans l'alimentation, mais aussi dans les cosmétiques et comme carburant - dans un contexte ou cette culture fait l'objet de vives critiques et de restrictions accrues14(*), l'Indonésie, soucieuse d'apaiser le débat et de se montrer conciliante et rassurante vis-à-vis des organisations non gouvernementales (ONG), s'est engagée dans une démarche d'encadrement de cette production en vue de développer la durabilité de la filière.
Dans le cadre de leur politique de lutte contre la déforestation, les autorités indonésiennes ont ainsi institué depuis 2011 un moratoire sur l'octroi de nouveaux permis de déboisement de forêt primaire et de drainage de tourbière, ainsi qu'un moratoire entre 2018 et 2021 sur l'attribution de permis pour les nouvelles plantations ; une Agence de restauration des tourbières et des mangroves a été créée en 2016 ; le gouvernement indonésien a également pris des mesures pour améliorer la durabilité de la production d'huile de palme via le Plan d'action national (NAP) 2019-2024 pour l'huile de palme durable et la mise en place depuis 2011 de la certification nationale Indonesia Sustainable Palm Oil (ISPO).
L'Indonésie cherche à rediriger cette production vers le marché intérieur ; ainsi, depuis le 1er janvier dernier, les producteurs sont soumis à de nouvelles restrictions : ils ne peuvent exporter plus de six fois le volume qu'ils commercialisent sur le marché local, contre huit fois auparavant. Enfin, depuis le 1er février, le pays impose également un nouveau pourcentage de dérivé d'huile de palme dans le biodiésel : 35% au lieu de 30% en 2023, ce qui devrait capter deux millions de tonnes d'huile supplémentaires, selon l'Association indonésienne des producteurs de biofuel.
Ø Les méthodes douteuses, voire brutales, des exploitants miniers, au-delà de la dramatique problématique de déforestation décrite supra, sont responsables de lourds dégâts telle la contamination de l'air, de l'eau et des sols, l'accaparement des terres, la spoliation des populations autochtones, la destruction des écosystèmes... À ce jour, malgré les alertes récurrentes des ONG, les investisseurs demeurent cependant bienvenus et intouchables, avec la volonté des autorités indonésiennes de développer une filière de transformation locale des produits miniers.
L'enjeu de la transition énergétique semble avoir été pris en compte de manière volontariste, bien qu'inégale, par le gouvernement de Joko Widodo ; son approfondissement et son accélération figureront parmi les défis majeurs de la prochaine présidence.
7. Autres enjeux d'amélioration de l'environnement économique
Pour faire de son pays la « Golden Indonesia » promise par son prédécesseur, le nouveau président devra lui faire surmonter un certain nombre de points noirs qui constituent autant d'obstacles à son attractivité :
Ø Un manque de volontarisme face à une corruption endémique
Des améliorations perceptibles en matière de lutte contre la corruption avaient été réalisées au début du siècle grâce principalement au travail de la Commission d'éradication de la corruption ( Komisi Pemberantasan Korupsi - KPK), une administration indépendante créée en 2003 pour combattre ce fléau, alors que l'Indonésie se classait parmi les trois pays les plus corrompus du monde.
La lutte contre la corruption n'a cependant pas constitué une priorité des deux mandatures de Jokowi, et celle-ci demeure une pratique courante voire structurelle des échanges indonésiens ; il a même été reproché au président sortant de laisser derrière lui une Indonésie plus corrompue que lorsqu'il a été élu pour la première fois en 2014 : l'indice de perception de la corruption (IPC) du pays est passé du 107ème rang en 2014 au 110ème en 2022 (sur 180 pays étudiés)15(*).
Il est cependant à noter que l'administration Jokowi n'est pas jugée elle-même comme corrompue.
Ø Le frein de la bureaucratie
La problématique de la complexité des procédures administratives - qui n'est pas toujours sans lien avec la corruption signalée ci-dessus, dans la mesure où cette dernière constitue parfois l'expédient le plus rapide pour résoudre une situation de blocage bureaucratique - représente un handicap majeur qui pénalise le climat des affaires et représente souvent un frein aux investissements.
Divers paquets de réformes ont permis des avancées ponctuelles : réduction des coûts inhérents à la bureaucratie pour l'enregistrement d'une activité, introduction d'incitations fiscales pour les activités en zones économiques spéciales, simplification du mode de calcul du salaire minimum, libéralisation partielle du régime des investissements étrangers, mais aussi développement de l'intelligence artificielle dans l'administration... Une loi « omnibus » pour la création d'emplois, adoptée début 2023, a amélioré les dispositifs existants ; cependant les lourdeurs administratives persistent malgré ces efforts. La société de consulting basée à Hong-Kong Political and Economic Risk Consultancy16(*) a récemment rendue publique une étude notant sur 10 points 12 pays asiatiques, du p lus au moins bureaucrate : la République d'Indonésie se situe en deuxième place de ce classement, après l'Inde, avec une note de 8,59/10.
Ø L'importance du retard à combler en matière d'infrastructures
Avec un indice de performance logistique de 2,90 /5, un taux d'accès Internet à haut débit sur ligne fixe de seulement 4,9%17(*), les infrastructures demeurent un point noir de l'Indonésie de Jokowi, en dépit des efforts déjà accomplis.
Ce retard est particulièrement patent en comparaison des autres économies régionales :
Source : World Economic Forum, Global Competitiveness Report 2016-2017
L'enjeu constitué par le développement des infrastructures a cependant été bien appréhendé par le président Jokowi : avec un investissement total de 96,6 milliards de dollars depuis son élection en 2014, une dynamique forte a été impulsée. Celle-ci a permis de créer un nombre important d'emplois et de développer l'ensemble de l'archipel grâce à des infrastructures qui consolideront à terme la croissance économique du pays.
En mars 2024, le président a annoncé le lancement de 14 nouveaux projets bénéficiant du statut de « projets stratégiques nationaux », financés par des entreprises privées, et dont la construction devrait débuter cette année. Ces projets couvrent divers domaines tels que les autoroutes, les transports publics, l'énergie, les ports et aéroports ainsi que les technologies de l'information et communication18(*).
Projet phare de ce programme, la construction d'une nouvelle capitale, Nusantara19(*), dite « capitale-forêt » sur l'île de Bornéo, « verte, durable, avec 0 émission », est emblématique du souhait du président de marquer durablement l'histoire du pays.
Les progrès déjà réalisés pour pallier le sous-équipement de l'archipel constituent un signal fort pour les investisseurs ; cependant il reste à l'Indonésie beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre le niveau de développement infrastructurel souhaité.
La politique de modernisation du pays lancée par Joko Widodo ne devrait pas être remise en question par le futur président, Prabowo Subianto, qui a déclaré clairement souhaiter prolonger les efforts en la matière et poursuivre les projets phares tels que la construction de la nouvelle capitale Nusantara sur l'île de Bornéo.
B. “LIBRE ET ACTIVE” : LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE INDONÉSIENNE DANS LE MAELSTROM INDOPACIFIQUE
1. La zone indopacifique, « centre névralgique de la planète »20(*)
En quelques années, la région indopacifique est devenue une zone de tensions majeures, à la fois terrain de compétition multipolaire et objet d'une cour assidue de la part des grandes puissances. Par son poids économique, démographique et la persistance d'une multitude de défis politiques, stratégiques et sécuritaires, l'Indopacifique fait à présent l'objet de toutes les attentions.
La plupart des grandes puissances ont pris la mesure de cette « révolution copernicienne » ; le rapport n° 285 (2022-2023) précité analyse ainsi la manière dont les différents acteurs internationaux ont recentré leur carte du monde sur cette région : les Etats-Unis, dans le cadre du Pivot vers l'Asie opéré à compter de 2010, le Japon, en 2020, avec sa Free and open Indo-Pacific strategy, l' India's vision for the Indo-Pacific en 2008, A Stable and prosperous Indo-Pacific énoncé en 2017 par l'Australie, le Pacific Reset Policy néo-zélandais en 2018, les Perspectives pour l'Indopacifique de l'ASEAN en 2019, La stratégie de l'UE pour la coopération dans la région indopacifique, en 2021... De son côté la Chine, affichant son déni du concept d'« Indopacifique » et préférant mettre en avant sa propre centralité autour des « Nouvelles routes de la soie », n'en a pas moins les yeux tournés vers la région et rivalise avec les Etats-Unis pour y asseoir son influence hégémonique.
La France quant à elle, du fait de la présence de ses sept régions, départements et collectivités d'outre-mer (DROM-COM) que sont Mayotte, la Réunion, les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, la Polynésie française et Clipperton (soit une communauté de 1,6 million de citoyens), apparaît en théorie bien positionnée pour asseoir son influence dans la région. En juin 2019, le Président de la République a dessiné la Stratégie de la France dans l'Indopacifique : « Pays de l'Indopacifique à part entière, la France veut également être une puissance stabilisatrice, qui porte les valeurs de liberté et de respect du droit. Notre ambition est d'apporter des solutions aux défis sécuritaires, économiques, sanitaires, climatiques et environnementaux auxquels les pays de la zone sont confrontés. La stratégie indopacifique française, qui traduit ces objectifs en actions concrètes, repose sur quatre grands piliers21(*). »
Le rapport n° 285 (2022-2023) précité s'interroge cependant : « Sans calendrier, sans rendez-vous d'évaluation et d'ajustement, sans moyens humains ou financiers annoncés, comment l'ambition d'être une puissance stabilisatrice peut-elle s'incarner et convaincre ? » et appelle à crédibiliser la stratégie indopacifique française, en affichant clairement ses priorités en élevant les moyens mis en place à la hauteur des ambitions visées.
2. Le non-alignement en héritage
Acteur de premier plan au sein du groupe de Colombo22(*), organisatrice de la conférence de Bandung23(*), l'Indonésie a joué un rôle historique dans le mouvement des pays non-alignés.
La conférence de Bandung a marqué une étape majeure dans le développement des relations multilatérales, avec l'entrée sur la scène internationale des pays décolonisés du « tiers monde » : réunissant pour la première fois, dans le contexte de la guerre froide, les représentants de 29 pays africains et asiatiques dont Gamal Abdel Nasser ( Égypte), Jawaharlal Nehru ( Inde), Soekarno ( Indonésie) et Zhou Enlai ( Chine), elle a permis d'énoncer les Cinq Principes de la Coexistence pacifique : respect mutuel de la souveraineté et de l'intégrité territoriale, non-agression mutuelle, non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures, égalité et avantages réciproques et coexistence pacifique.
Ces principes, réaffirmés à de multiples reprises depuis lors, constituent le fil directeur de la diplomatie indonésienne.
3. La voie étroite de l'équilibre
« Naviguer entre deux récifs » : la doctrine définie en 1976 par Mohamed Hatta24(*) en 1976 demeure plus que jamais le maître-mot de la politique étrangère indonésienne. Ainsi, dans la continuité de son engagement historique au sein du mouvement des pays non-alignés, l'Indonésie se refuse à prêter allégeance à aucun « bloc » : Jakarta s'efforce de cultiver un positionnement médian qui serve les intérêts nationaux indonésiens sans susciter l'hostilité des deux grands, en l'espèce les États-Unis et la Chine, perçus comme des partenaires potentiels, et de ménager également autant que possible les autres puissances en présence (Australie, Japon, Inde).
Ø Dans le cadre du « pivot vers l'Asie » prononcé par le président Obama, les États-Unis et l'Indonésie ont élevé leurs relations au niveau de partenariat stratégique en 2015. Après une relative stagnation au cours de la présidence Trump25(*), l'élection de Joe Biden en 2020 a impulsé une nouvelle dynamique. La visite de Jokowi à Washington en novembre 2023 a scellé cette orientation et permis l'élévation des relations bilatérales au niveau de partenariat stratégique global.
Ø L'Indonésie et la Chine, liées par un partenariat stratégique global depuis 2013, renforcent progressivement leurs relations dans tous les domaines et particulièrement sur le plan économique. Depuis 2016, la Chine est le principal partenaire commercial de Jakarta, et Pékin sa 2ème source d'investissements étrangers après Singapour. En octobre 2023, la visite d'Etat de Jokowi à Pékin, en marge du 3ème Forum des Routes de la Soie, a confirmé la centralité du rôle de la Chine dans le développement du pays. Mais si l'Indonésie entend bien profiter des opportunités créées par les « Nouvelles Routes de la Soie » pour appuyer le développement des infrastructures dont elle a besoin, elle s'efforce d'éviter une trop grande dépendance vis-à-vis de son grand voisin.
L'Indonésie se présente comme un Etat n'ayant pas de revendications officielles (« non-claimant State ») en mer de Chine méridionale. Mais il n'en est pas moins concerné par les revendications chinoises qui s'étendent aux eaux afférentes aux îles Natuna26(*). Des incidents récurrents au large de ces îles, impliquant tantôt des garde-côtes tantôt des navires de pêche chinois, ont mis en évidence un différend avec Pékin dont Jakarta cherche à minimiser l'importance - en même temps qu'elle y a déployé, dès 2018, une base aérienne, surnommée « le Pearl Harbour indonésien ».
Ø L'Australie est liée à Jakarta par un partenariat stratégique depuis 2010, rehaussé en 2018 au rang de partenariat stratégique global. Les deux pays entretiennent un dialogue politique dense (le président Jokowi a réalisé quatre visites en Australie entre 2014 et 2020 ; le premier ministre Anthony Albanese a réservé sa première visite bilatérale à l'Indonésie en juin 2022). Un accord de partenariat économique global (IA CEPA), qui est entré en vigueur le 5 juillet 2020, devrait insuffler une nouvelle dynamique à des relations économiques actuellement déséquilibrées.
Ø L'Indonésie entretient également des relations de très bon niveau, tirées par la coopération économique et commerciale, avec d'autres partenaires régionaux, particulièrement le Japon, premier donateur en matière d'aide au développement et avec lequel l'Indonésie a conclu un Partenariat stratégique global en septembre 2023, la Corée du Sud et, de plus en plus, l'Inde.
Ø L'Union européenne est quant à elle le 5ème partenaire commercial de l'Indonésie, cette dernière demeurant son 31ème partenaire commerciale. Les relations entre l'Union européenne et l'Indonésie sont régies par l'accord-cadre global de partenariat et de coopération (APC) signé en 2009 (entré en vigueur en 2014), qui couvre de nombreux domaines (commerce, environnement, énergie, migrations, lutte contre le terrorisme). Ces relations sont néanmoins entachées par une perception locale très négative de la politique de l'Union européenne sur l'huile de palme et la déforestation - qualifiée par le futur président Subianto d'« injuste »27(*) - ainsi que par plusieurs contentieux en cours à l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), concernant notamment le nickel, le biodiesel et l'huile de palme. En parallèle, les négociations pour un accord de libre-échange UE-Indonésie, officiellement lancées en juillet 2016, n'ont pas connu d'avancées majeures.
Le futur président Subianto ayant clairement affirmé, dans le cadre de sa campagne présidentielle, qu'il « respecte les États-Unis et ses alliés occidentaux, ainsi que la Chine »28(*), il semble acquis que son administration conservera le positionnement actuel de l'Indonésie, dialoguant avec la Chine comme avec les États-Unis, et s'appuyant sur ses autres partenaires, notamment son voisin australien, pour servir le développement et l'influence de son pays en Asie du Sud-Est.
4. Une diplomatie de conviction avec une véritable vision pour la région...
Ø Une influence grandissante sur la scène mondiale, dans le cadre des enceintes internationales
L'Indonésie se montre particulièrement active dans les enceintes internationales auxquelles elles participe - notamment l'Organisation des nations Unies (ONU) et l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) -, disposant d'une influence qu'elle sait exercer lorsqu'elle le souhaite. Le maintien de la stabilité régionale est sa priorité, ainsi que, plus généralement, la défense du “Sud global”.
Ses principaux engagements sont d'une manière générale le désarmement, la protection des civils dans les conflits armés et la lutte contre le terrorisme, et plus particulièrement les droits des femmes (notamment en Afghanistan) et la situation des populations rohingyas en Birmanie. Le soutien de Jakarta à la cause palestinienne, affiché dès l'origine du conflit, représente enfin une position constante de la République indonésienne, et largement consensuelle au sein de l'opinion publique.
Seul pays d'Asie du Sud-Est membre du G20, elle oeuvre en faveur de l'apaisement et du dialogue dans tous les théâtres conflictuels ; sa présidence, en 2022, a été marquée par une mission de paix réalisée en juin 2022 en Russie puis en Ukraine.
Très engagée au sein de l'ONU, elle s'est portée candidate pour le biennum 2029-2030 du Conseil de sécurité, au sein duquel elle a occupé à quatre reprises un siège de membre non permanent. Elle siège en outre depuis 2020 au Conseil des droits de l'homme, et a participé en mars 2024 à la 68ème session de la Commission de la Condition des droits de la femme.
Avec 2800 soldats déployés, l'Indonésie est le 8ème contributeur de troupes aux opérations de maintien de la paix. Dans ce cadre, elle est notamment intervenue en Afrique subsaharienne (MINUSCA) et dans le cadre de la FINUL, avec une frégate déployée au large du Liban.
Ø La construction d'un véritable leadership régional via l'ASEAN
Pour asseoir son influence régionale, l'Indonésie privilégie volontiers le vecteur de l'ASEAN, dont elle est membre fondateur, dont elle abrite le siège, et avec laquelle elle partage un ambassadeur commun. Elle a joué un rôle moteur en 2019 dans l'élaboration de l' « ASEAN outlook on the Indo-Pacific » (AOIP), qui promeut une conception alternative, correspondant en fait à la vision indonésienne de la région : une politique de développement ambitieuse afin de faire de la région un véritable pôle d'attractivité, doublée d'un engagement actif en faveur de la paix de façon à la préserver des rivalités internationales, et la réaffirmation d'une souveraineté reposant sur la neutralité et la recherche d'un équilibre entre les différentes influences en présence. L'AOIP insiste ainsi sur la centralité des institutions multilatérales aséaniennes (East Asia Summit (EAS), ASEAN Regional Forum (ARF), ASEAN Defence Minister Meeting plus (ADMM+)) et identifie quatre domaines de coopération : la coopération maritime ; la connectivité ; l'atteinte des objectifs de développement durable 2030 des Nations unies et la promotion de la coopération grâce au dialogue ; l'économie.
Les leviers utilisés pour atteindre ces objectifs correspondent aux méthodes de prédilection de la diplomatie indonésienne : la recherche de relations équilibrées (« balancing ») ou de positions intermédiaires (« hedging »), mais aussi une politique dite de « multi-enchevêtrement », consistant à multiplier les accords avec les grandes puissances extérieures de façon à les impliquer dans un réseau de liens partenariaux afin de réduire les risques d'affrontement.
Lors de sa présidence de l'ASEAN en 2023, l'Indonésie s'est efforcée d'en renforcer le pilier économique, ainsi que le fonctionnement interne et institutionnel.
Depuis le début de la crise birmane, elle oeuvre en faveur d'un arrêt des violences et de la reprise du processus diplomatique, et ce fut à son initiative que le sommet de l'ASEAN du 24 avril 2021 a pu déboucher sur l'adoption des « Cinq points de consensus »29(*).
5. ...au sein de laquelle la relation avec la France peut trouver sa place
Dans le contexte actuel d'aggravation des tensions régionales, l'Indonésie n'est pas naïve face aux assauts d'influence auxquels elle est confrontée. Plus que jamais, la préservation de sa souveraineté constitue l'objectif prioritaire de sa diplomatie, exercice d'équilibrisme dans le cadre duquel la France apparaît présenté un profil bienvenu : perçue comme un pays souverain, non inféodé à un « bloc », acteur de stabilité régionale, mais aussi comme un partenaire fiable, elle représente potentiellement une carte à jouer dans l'échiquier diplomatique indonésien, avec lequel des intérêts convergents peuvent être identifiés.
Ainsi, lors de la conclusion de l'accord de coopération militaire entre l'Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni, dit « AUKUS », rendu public le 15 septembre 2021, les autorités indonésiennes ont fait part de leur inquiétude pour la stabilité de la région30(*), allant dans le sens de la réaction française31(*).
La France a accueilli avec pragmatisme l'élection de Prabowo Subianto malgré son passé controversé, en le félicitant officiellement dès le mois de mars dernier pour son élection - comme la plupart des puissances mondiales, dont les Etats-Unis qui, pour rappel, lui avaient interdit leur territoire pendant de nombreuses années.
Le 24 juillet dernier, le président Emmanuel Macron a reçu au Palais de l'Elysée le futur président et a renouvelé ses félicitations pour son élection. Alors que la France et l'Indonésie célèbreront l'année prochaine le 75ème anniversaire de leurs relations diplomatiques, les deux dirigeants ont réaffirmé leur volonté de développer de nouveaux projets dans les domaines de la sécurité et de la défense, dans la continuité des programmes en cours pour la fourniture d'avions de combat et de sous-marins aux forces indonésiennes. Ils sont également convenus d'étendre progressivement ce partenariat stratégique aux secteurs du développement urbain et de la transition énergétique, en particulier la production de métaux critiques, et d'approfondir la relation bilatérale en développant la mobilité étudiante et les échanges culturels entre la France et l'Indonésie.
Ces éléments augurent bien de l'avenir de la relation franco-indonésienne, qui semble faire l'objet d'une appétence partagée par les deux parties.
6. La montée en puissance dans le domaine de l'armement
L'impératif de souveraineté, maître-mot de la politique étrangère indonésienne, passe par le développement de ses équipements et industries militaires32(*) : celui-ci avait été clairement affiché comme objectif par Prabowo Subianto qui, dans le cadre de son mandat de ministre de la défense, avait élaboré un plan ambitieux de renouvellement d'équipements militaires ( « Minimal Essential Force ») pour la période 2020-2024 ; le budget de la Défense, qui représente actuellement le premier poste de dépenses de l'État indonésien, apparaît à la hauteur de cette ambition.
Si les équipements de défense du haut du spectre sont majoritairement fournis par des entreprises étrangères - notamment françaises -, les autorités indonésiennes ambitionnent une montée en gamme progressive des industries de défense locales, en imposant aux entreprises étrangères, dans la plupart des grands marchés de défense, de s'associer avec des entreprises indonésiennes et de formuler des offres impliquant d'importants transferts de technologies.
Par l'ampleur et la portée des moyens mis en oeuvre dans le domaine de l'armement, l'Indonésie laisse entrevoir une volonté de s'imposer comme une puissance régionale avec une industrie de défense de plus en plus souveraine, même si la destination de cet arsenal apparaît purement dissuasive ou destinée aux opérations de maintien de la paix auxquelles l'Indonésie participe fréquemment.
C. UN PARTENAIRE À HAUT POTENTIEL
1. Un nouveau poids lourd avec lequel il faudra dorénavant compter
La République indonésienne occupe une situation géographique d'un intérêt stratégique exceptionnel : à la fois pont entre deux continents (l'Asie et l'Océanie) et porte entre deux océans (Indien et Pacifique), elle se trouve de ce fait au coeur de tensions majeures. Poids lourd de l'ASEAN, l'Indonésie est consciente de sa position stratégique de plus en plus centrale, ce qui fait dire à Alex Wang33(*) : « À côté de la Chine et de l'Inde, un troisième géant régional ou peut-être global est en train d'émerger silencieusement et pacifiquement. L'Indonésie entre, petit à petit, mais de façon irrésistible, dans notre champ de vision. »
Puissance émergente offrant un marché intérieur considérable, l'archipel indonésien constitue un pôle d'attractivité porteur d'avenir, comme développé au I. A. 2) et 3) ci-dessus : Des biens et services de grande consommation au digital en passant par les infrastructures et équipements industriels, les besoins sont énormes et constituent autant d'opportunités pour les investisseurs.
2. Un partenariat en construction
Ø 2011 : un partenariat stratégique fondateur
La relation franco-indonésienne est encadrée depuis 2011 par un partenariat stratégique, signé à l'occasion de la visite du Premier ministre François Fillon, et qui s'est progressivement diversifiée à la faveur de contacts politiques réguliers.
Ø 2017 : les liens se resserrent
La visite d'État du Président François Hollande en Indonésie en mars 2017, première visite d'un chef d'État français depuis celle de François Mitterrand en 1986, a permis de capitaliser sur cette dynamique. Elle s'est traduite par la signature d'une trentaine d'accords, et par le lancement de deux partenariats, dans les domaines maritime et de l'économie créative et numérique.
Ø 2021 : mise en place des « 2+2 »
La visite en Indonésie de Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, en novembre 2021 a constitué une étape majeure dans le renforcement du partenariat stratégique, avec la conclusion d'un accord pour organiser des réunions ministérielles biannuelles conjointes des Affaires étrangères et de la Défense en format « 2+2 », faisant de la France le premier pays non-asiatique à en bénéficier. La première édition s'est tenue le 21 juillet 2023, à Paris, en présence des ministres Retno Marsudi (Affaires étrangères) et Prabowo Subianto (Défense), futur président.
Ø 2022 : de nouvelles avancées en marge du G20
La présidence indonésienne du G20 en 2022 a été l'occasion de plusieurs visites ministérielles françaises, notamment de Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux et d'Olivier Becht, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l'Attractivité et des Français de l'étranger.
Ø Les industries de défense françaises à l'honneur
Les autorités indonésiennes apprécient tout particulièrement la qualité des équipements de défense français (avions de combat Rafale et avions de transport militaire A-400M, camions équipés d'un système d'artillerie Caesar, sous-marins Scorpène). Au cours des 10 dernières années, d'importants contrats dans le domaine de l'armement avaient déjà été passés avec l'Indonésie. Ils concernaient notamment des hélicoptères d'Airbus Helicopters (H225M pour l'Armée de l'air, H125M (ex « Fennec ») pour l'Armée de terre et « Panther » pour la Marine) ; des canons Caesar de Nexter ; des navires hydrographiques d'OCEA ; des radars GM 200 de Thales LAS ; des missiles de MBDA (Mistral, EXOCET MM40 et VL-MICA).
Le partenariat stratégique a changé de dimension avec l'acquisition par l'Indonésie, annoncée lors de la visite de la ministre français des Armées dans l'archipel en février 2022, de 42 avions de chasse Rafale.
3. Une présence française qui demeure en dessous de son potentiel dans de nombreux domaines
Ø Une présence militaire en Indopacifique qui n'est pas à la hauteur des ambitions françaises affichées
Les forces françaises positionnées en région indopacifique sont localisées comme suit :
On distingue :
- les forces de souveraineté, présentes dans les départements et régions d'outre-mer (FAZSOI à La Réunion) et les collectivités d'outre-mer (Forces Armées de Nouvelle Calédonie (FANC) et Forces Armées de Polynésie Française (FAPF)) ;
- les forces de présence, dans deux pays avec lesquels la France a développé des partenariats particuliers : Forces Françaises à Djibouti (FFDJ) et Forces Françaises aux Emirats Arabes Unis (FFEAU) ;
- les renforcements par des moyens venant de métropole, dans le cadre de missions récurrentes (par exemple Aspides en mer Rouge, Agénor dans le détroit d'Ormuz) ou dans le cadre de déploiements à des fins de signalement stratégique (par exemple déploiements aériens Pegase ou équivalents en 2018, 2020, 2021, 2022, 2023, 2024, ou missions Jeanne d'Arc en 2020, 2021, 2023)34(*).
- des projections ponctuelles dans le cadre d'interactions avec nos partenaires. Il s'agit par exemple de notre participation à la fête nationale en Inde (Republic Day le 26 janvier 2024) ou des exercices symboliques tels que Shakti et Garuda avec l'Inde, ou Brunet Takamori avec le Japon.
Le rapport d'information sénatorial n° 285 (2022-2023) précité dénonçait cependant le sous-dimensionnement de cette présence, au regard des enjeux : « Le constat de l'insuffisance des moyens des FAZSOI, des FANC et des FAPF au regard des missions assignées s'impose. La LPM devra y remédier ! »
Dans ce contexte, la coopération militaire avec l'Indonésie, encore timide, s'exprime essentiellement dans le domaine maritime. Outre le passage régulier de la mission Jeanne d'Arc dans l'archipel indonésien, le transit de la mission Marianne dans le détroit de la Sonde en février 2021 a été valorisé par une interaction entre le sous-marin nucléaire d'attaque Emeraude et la frégate de surveillance (FS) Vendémiaire avec plusieurs bâtiments indonésiens.
Sur le plan aérien, on citera le passage en Indonésie de la mission Pégase 24 : 2 MRTT, 2 A400M et 2 Rafale se sont posés sur la base aérienne d'Halim, à la rencontre de nos partenaires indonésiens. L'objectif principal de cette étape était de consolider le partenariat franco-indonésien, en mettant en oeuvre les capacités et spécificités du triptyque Rafale/ A330 MRTT / A400M au profit de pilotes de chasse et de transport indonésiens. Afin de partager leur expertise sur le Rafale, les pilotes français ont embarqué en place arrière des futurs pilotes de Rafale indonésiens, qui se sont ainsi appropriés l'appareil.
Enfin, dans une logique de renforcement de la coopération opérationnelle régionale, l'Indonésie est régulièrement invitée à participer à divers exercices conduits sur les territoires français du Pacifique : invitation à engager un détachement dans l'exercice Croix du Sud organisé par les Forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC) en 2023 et, pour la première fois, invitation à l'exercice Marara organisé par les Forces armées en Polynésie française (FAPF) en mai 2022.
Ø Des relations économiques et commerciales encore trop timides
La France, et plus généralement l'Europe, n'occupent qu'une modeste part des échanges réalisés avec l'Indonésie, au regard notamment de la Chine et de l'ASEAN :
La France représente le 14ème fournisseur de l'Indonésie et son 16ème client. Si le volume de nos échanges commerciaux a plus que doublé en 10 ans, avec un montant de 3,3 milliards d'euros en 2022, il reste largement dépendant de l'aéronautique (voir I. C. 2) ci-dessus), qui a représenté 783 millions d'euros en 2019, soit 50% des exportations.
Les exportations de services (services financiers notamment) sont équivalentes à nos exportations de biens. Elles s'élevaient à 1,6 milliard d'euros en 2019 et ont connu une forte croissance au cours des cinq dernières années.
Plus de 200 filiales d'entreprises françaises opèrent en Indonésie, dont certaines disposent d'un poids économique significatif dans leurs domaines (Danone, L'Oréal, Michelin, AXA-Mandiri, Eramet). Ces filiales emploient près de 50 000 personnes et réalisent un chiffre d'affaires local de l'ordre de 3 milliards d'euros. La part de marché des entreprises françaises en Indonésie illustre cependant la modestie de notre implantation économique, s'élevant à 0,6% en 2022, inférieure à celle de l'Allemagne (1,6%).
L'Agence française de développement (AFD), présente depuis 2007, a développé un portefeuille de projets de 3 milliards d'euros, qui cible les secteurs de l'énergie, des transports, de la biodiversité et de la mer ; la France est le 5ème bailleur bilatéral d'aide publique au développement, derrière le Japon, l'Allemagne, l'Australie et les Etats-Unis.
Ø Une coopération culturelle et scientifique nourrie, mais qui gagnerait à être développée
Notre dispositif de coopération en Indonésie s'articule autour d'un service de coopération et d'action culturelle et d'un important réseau d'influence constitué de :
- l'Institut français d'Indonésie, doté de quatre antennes à Jakarta, Bandung, Yogyakarta et Surabaya ;
- trois Alliances françaises conventionnées situées à Denpasar, Medan, et Makassar ;
- deux établissements scolaires homologués, à Jakarta et à Bali.
La coopération éducative et universitaire s'organise autour de 3 axes : l'amélioration des capacités en formation professionnelle par la mise en relation du secteur éducatif avec le monde de l'entreprise, la structuration de partenariats en formation professionnelle dans le supérieur, et le soutien à l'éducation non formelle (inégalités de genre, changement climatique...). Dans le domaine de l'enseignement supérieur, la coopération universitaire promeut depuis 70 ans les échanges d'étudiants et de professeurs. Plus de 200 accords unissent des établissements français et indonésiens.
La France se situe au 13ème rang des pays d'accueil des étudiants indonésiens, avec 600 étudiants accueillis en 2023, un chiffre appelé à progresser grâce à la signature fin 2023 d'un partenariat avec l'organisme indonésien de mobilité étudiante « LPDP ».
Notre coopération scientifique se développe grâce aux programmes conjoints de mobilité et de formation, comme le Partenariat Hubert Curien Nusantara et peut également compter sur la présence en Indonésie de l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD, partenaire de deux laboratoires mixtes internationaux, LMI SELAMAT sur la biodiversité et SIR sur les risques sismiques), du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et de l'Ecole française d'Extrême-Orient.
II. LE PROJET D'ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE D'INDONÉSIE RELATIF À LA COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DE LA DÉFENSE
A. DIFFICULTÉS ET COMPROMIS : LA GENÈSE DE L'ACCORD
C'est en 2010, à l'initiative du ministère de la défense française, qu'un premier projet d'accord de coopération dans le domaine de la défense, contenant notamment des stipulations relatives au statut des forces françaises sur le territoire indonésien, a été transmis aux autorités indonésiennes. Ces dernières n'ont alors pas formellement répondu à ce projet mais ont transmis, en retour, un nouveau projet de texte, de niveau ministériel, qui a abouti à la signature d'un arrangement technique, le 29 février 2012. Cet arrangement technique, qui constitue la situation de référence de la coopération franco-indonésienne dans le domaine de la défense, fut ainsi conclu dans la limite des compétences de chacun des ministres signataires, et se borne à développer leur coopération dans des domaines précis (dialogue stratégique en matière de défense, échange de renseignements, opérations de maintien de la paix, industrie de défense) ; il ne contient notamment aucune clause relative au statut des forces.
Le 29 mars 2017, dans le contexte de la visite en Indonésie du Président Hollande, est signée entre les ministres de la défense des deux parties une lettre d'intention sur le développement de la coopération de défense, en vue « d'encourager davantage la conclusion d'un accord global de coopération en matière de défense ».
Les négociations seront lancées en juillet 2019, lors de la septième édition du Dialogue de Défense France-Indonésie (IFDD) : en janvier 2020, la Partie indonésienne transmet à la France un projet de texte, qui fait l'objet d'une contre-proposition transmise aux autorités indonésiennes le 18 mars 2020. Après de nouveaux échanges au cours du second semestre 2020, une version consolidée peut être élaborée en février 2021. Comme l'arrangement technique précité, cette version ne comporte pas de volet « statut des forces armées ».
L'accord a finalement été signé le 28 juin 2021 par Florence Parly, ministre des Armées, et son homologue indonésien, Prabowo Subianto, à l'occasion de la visite de ce dernier à Paris.
Pour autant, le Conseil d'Etat a considéré que l'accord ne comportait pas les garanties essentielles de nature à assurer la protection effective du personnel français déployé en Indonésie dans le cadre de l'accord, notamment vis-à-vis du prononcé de peines incompatibles avec les principes constitutionnels français et les engagements conventionnels de la France. La section des finances (voir C. 2) ci-après) a donc conditionné son avis favorable à la production d'un accord sous forme d'échange de lettres stipulant que les exercices mentionnés au c) du 2 de l'article 4 de l'accord ne pourront se dérouler, dans l'attente de la conclusion d'un accord sur le statut des forces, qu'en dehors du territoire indonésien, sauf conclusion d'un accord propre à l'exercice concerné contenant les garanties précitées.
Sébastien Lecornu, ministre des armées, a donné son agrément, par lettre signée en date du 9 novembre 2023, aux dispositions proposées par la partie indonésienne dans sa lettre du 18 août 2023. Les dispositions convenues par cet échange de lettres entreront en vigueur en même temps que l'accord lui-même.
B. LES ENJEUX DE L'ACCORD
L'accord a pour objectif d'étendre et de renforcer notre coopération bilatérale avec l'Indonésie, qui, comme développé au I. C. 3) ci-dessus, n'est pas à la hauteur des enjeux. Il prévoit que les parties coopèrent dans plusieurs domaines, tels que le renseignement dans le domaine de la défense, l'éducation et la formation militaire ou encore la science et la technologie dans le secteur de l'industrie de défense.
Il crée en outre, à son article 5, un cadre de gouvernance pour cette coopération, avec un « comité conjoint », chargé de définir les indications stratégiques relatives aux activités liées à la coopération franco-indonésienne.
Ces différentes avancées permettront d'améliorer notre partenariat stratégique avec l'Indonésie et d'accroître notre proximité géostratégique avec la République indonésienne, acteur essentiel de l'Indopacifique.
C. LE CONTENU DE L'ACCORD : UN PREMIER PAS VERS UN PARTENARIAT RENFORCÉ
1. Des clauses pour l'essentiel classiques...
Outre un court préambule et un premier article consacré aux définitions des termes utilisés dans l'accord, le texte comporte onze articles, dont la rédaction répond aux standards français de référence :
Le préambule se réfère notamment à la Déclaration commune sur le partenariat stratégique entre la France et l'Indonésie, signée le 1er juillet 2011, ainsi qu'à la Lettre d'intention des ministres de la défense des deux parties sur le développement de la coopération en matière de défense, signée le 29 mars 2017. Il rappelle les principes de « respect total du droit à la souveraineté, de l'intégrité territoriale et des principes d'égalité, de non-ingérence dans les affaires internes et d'intérêt mutuel ».
L'article 1er définit les notions de « Forces armées » et de « Membre du personnel », dans des termes conformes à ceux figurant habituellement dans de tels accords.
L'article 2 énonce l'objet du partenariat entre les deux Parties, à savoir le développement de la coopération de défense. Il rappelle le principe de réciprocité.
L'article 3 définit les autorités compétentes pour la mise en oeuvre dudit accord : pour l'Indonésie, il s'agit du ministre de la défense ; pour la France, celui des armées.
L'article 4 précise l'étendue de la coopération ; le 1. est consacré aux domaines de ladite coopération à travers une liste non exhaustive, citant la coopération en matière de renseignement dans le domaine de la défense, l'éducation et la formation militaire, la science et le technologie dans le secteur de l'industrie de défense, le maintien de la paix, l'aide humanitaire et les secours aux sinistrés, la lutte contre la piraterie et le terrorisme, le renforcement capacitaire par une production commune, la recherche et le développement et le soutien ainsi que tout autre domaine que les Parties estimeraient nécessaire pour améliorer la coopération militaire.
Le 2. précise les formes que peut prendre la coopération, à travers une liste non exhaustive : des dialogues stratégiques sur les questions de défense, des voyages d'échange et des exercices conjoints, ainsi que toute autre activité de coopération en fonction des intérêts communs des Parties.
L'article 5 prévoit l'instauration d'un comité conjoint, co-présidé par les deux Parties, chargé de définir la conception générale de la coopération bilatérale dans le domaine de la défense ainsi que d'organiser et de coordonner cette coopération. Ce comité se réunit annuellement, alternativement en France et en Indonésie.
L'article 6 traite de la répartition de la prise en charge des frais engagés, et l'article 8, des modalités du règlement des éventuels dommages causés par les Parties ou les membres de leur personnel, dans des rédactions habituelles aux accords de ce type.
L'article 9 prévoit que les droits de propriété intellectuelle relatifs aux activités prévues par l'accord seront traités conformément à des accords ou arrangements subséquents.
L'article 11 est consacré à la résolution des litiges par voie diplomatique.
Les « dispositions finales » énoncées à l'article 12 stipulent que l'accord est conclu pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes successives de cinq ans. Il peut être modifié à tout moment ou dénoncé par les Parties par la voie diplomatique, la dénonciation prenant effet six mois après la réception de la notification écrite par l'autre Partie. Enfin, classiquement, l'entrée en vigueur de cet accord met fin à l'arrangement technique relatif à des activités de coopération en matière de défense du 29 février 2012.
2. ...sous réserve de deux importantes spécificités
Ø L'absence de volet relatif au statut des forces, et ses conséquences
L'accord faisant l'objet du présent rapport présente tout d'abord la particularité de ne pas être assorti d'un volet relatif au statut des forces armées, dit « SOFA », comme c'est d'ordinaire le cas pour les accords du même type.
A priori surprenante, cette spécificité s'explique essentiellement pour des raisons historico-culturelles : en cohérence avec son engagement historique dans le mouvement des non-alignés développé au I. B. 1) ci-dessus, la République indonésienne se montre très pointilleuse sur les questions de souveraineté35(*). De fait, les clauses habituelles relatives au statut des forces impliquent la mise en place un statut juridique particulier et dérogatoire au droit commun pour les membres du personnel des deux forces durant la mise en oeuvre des activités de coopération, que l'Indonésie en l'espèce perçoit comme une limitation de sa souveraineté. Ces clauses permettent notamment de traiter de l'articulation entre compétences des juridictions pénales de l'État d'envoi et de celles de l'État d'accueil, de faciliter l'entrée, le séjour et la sortie du territoire de la Partie d'accueil des personnels de la Partie d'envoi, ou encore l'importation de matériels en exonération de droits de douane et de taxes ; elles impliqueraient notamment le respect des garanties procédurales françaises et la non-application de la peine capitale (voir I. A. 5) ci-dessus), ce que par principe l'Indonésie ne saurait accepter, malgré le moratoire en vigueur sur l'application de cette peine.
Face à ce blocage du côté de la Partie indonésienne, la diplomatie française a opté pour une position ouverte matérialisée par une clause d'effort (article 7) par laquelle les Parties conviennent de s'efforcer de conclure un accord bilatéral sur le statut des membres de leur personnel et de leurs personnes à charge. Cette rédaction, qui n'introduit aucune obligation, se borne à exprimer conjointement un souhait qui pourra donner lieu à l'ouverture de négociations formelles. Des pourparlers sont effectivement en cours, mais ils n'ont pas abouti à ce jour.
Le Conseil d'État (section des finances) a cependant estimé qu'en l'état les garanties essentielles permettant d'assurer la protection effective des personnels français déployés en Indonésie n'étaient pas assurées, et a conditionné son avis favorable à un échange de lettres stipulant que, « dans l'attente de la conclusion [d'un accord relatif au statut des forces armées], les exercices mentionnés (...) à l'article 4 (...) ne pourront se dérouler qu'en dehors du territoire de la République d'Indonésie ». C'est ainsi que l'accord faisant l'objet du présent rapport comporte en annexe les courriers du 18 août 2023, pour la partie indonésienne, et du 9 novembre 2023, pour la partie française, qui entreront en vigueur en même temps que lui.
En conséquence, les exercices mentionnés au 2. c) de l'accord ne pourront se dérouler qu'en-dehors du territoire indonésien, ce qui le prive d'une part importante de son caractère opérationnel.
Ø Les réserves concernant les échanges d'informations classifiées
L'article 10 relatif à l'échange d'informations classifiées a lui aussi fait l'objet de longues discussions qui n'ont pu déboucher sur une rédaction consensuelle, du fait de difficultés cette fois purement techniques36(*).
En conséquence, la Partie indonésienne a accueilli favorablement la proposition de la Partie française de rédiger l'article 10 sous forme d'une seconde clause d'effort, relative à la négociation prochaine d'un accord régissant l'échange d'informations classifiées. La procédure visant à l'ouverture des négociations d'un tel accord a d'ores et déjà été entamée.
*
* *
L'accord faisant l'objet du présent rapport, dont l'enjeu est essentiellement d'approfondir notre partenariat stratégique avec la République d'Indonésie, s'inscrit dans une dynamique de renforcement de notre relation bilatérale, que les deux parties apparaissent appeler de leurs voeux. Il constitue un premier pas significatif, dans l'attente d'un volet relatif au statut des forces. Il contribue également à renforcer la position française dans un zone d'importance géostratégique majeure.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 10 juillet 2024, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Etienne Blanc sur le projet de loi n° 545 (2023-2024) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense.
M. Étienne Blanc, rapporteur. - Le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui a pour objet l'accord entre la France et la République d'Indonésie relatif à la coopération en matière de défense, signé à Paris le 28 juin 2021.
La République d'Indonésie occupe une place centrale dans la zone indopacifique, qualifiée de « centre névralgique de la planète » par nos collègues Cédric Perrin, Rachid Temal et Hugues Saury dans leur rapport d'information de 2022. Avec une superficie de 1,9 million de kilomètres carrés, elle constitue le plus vaste archipel au monde ; elle abrite une population de près de 285 millions d'habitants, composée de plus de 1 300 groupes ethniques et parlant plus de 700 langues, ce qui fait également d'elle le quatrième pays le plus peuplé au monde.
Première économie de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) grâce à la richesse de ses ressources naturelles, notamment en nickel et en charbon, et à l'expansion rapide de son marché intérieur, l'Indonésie a quadruplé son PIB en vingt ans. Sur la lancée de cette dynamique durable et en l'absence de handicap majeur, elle est en passe de devenir un pays dit à revenus intermédiaires et affiche comme ambition de passer, d'ici à 2045, du seizième rang à celui de quatrième puissance économique mondiale. Elle est en outre candidate à une adhésion à l'OCDE.
En matière de droits humains, si ceux des femmes et des personnes LGBT apparaissent globalement protégés, on déplore le maintien de la peine capitale, essentiellement pour des faits de trafic de drogue, avec 452 personnes, dont un Français, dans le couloir de la mort. Soulignons cependant que, si elle ne s'est pas encore résolue à l'abolir strictement, l'Indonésie observe, depuis 2016, un moratoire sur l'application de cette sanction.
L'élection, en 2014, puis la réélection, en 2019, du président Joko Widodo, dit Jokowi, avaient permis de consolider la jeune démocratie indonésienne. Sa politique économique, résolument ouverte, a permis le lancement d'ambitieux projets d'infrastructures, comme le transfert de la capitale sur l'île de Bornéo avec la création ex nihilo d'une « ville-forêt ».
Pour tout dire, le passé du président récemment élu, le général Prabowo Subianto, qui entrera en fonction en octobre prochain, n'est pas sans susciter quelques réserves du fait de son implication dans la répression du Timor-Oriental, sous la dictature de Soeharto, et de son rôle dans les émeutes de Jakarta en 1998. Cependant, le nouveau Président revendique à présent la continuité de l'action du Président Jokowi, dont il était ministre de la défense et qui a soutenu sa candidature. Les commissaires du Gouvernement, que j'ai interrogés sur cette élection, se sont dit rassurés et convaincus que l'évolution très positive engagée par son prédécesseur ne sera pas remise en question.
Sur le plan diplomatique, la République indonésienne, organisatrice de la Conférence de Bandung en 1955, est demeurée fidèle à son engagement comme pays non aligné : elle revendique une politique étrangère « libre et active », s'attachant à oeuvrer pour la stabilité régionale et à maintenir une balance équilibrée entre l'influence des États-Unis et celle de la Chine. Elle a conclu avec chacune de ces deux puissances, respectivement en 2015 et 2013, un partenariat stratégique. L'ASEAN, dont elle fait figure de protagoniste, représente un vecteur privilégié pour son rayonnement.
Enfin, l'Indonésie est un membre actif au sein des Nations unies, affichant comme priorités le soutien à la cause palestinienne, les droits des femmes afghanes et la situation des Rohingyas. Elle participe régulièrement aux opérations de maintien de la paix, se classant au huitième rang pour les envois de casques bleus.
Dans ce contexte, tant la France que l'Indonésie sont demandeuses d'une coopération bilatérale renforcée : l'Indonésie voit dans la France un État souverain et un partenaire fiable ; la France considère l'Indonésie comme un marché d'avenir et reconnaît en elle un interlocuteur majeur de la région indopacifique.
Cependant, en dépit de ces affinités manifestes, le partenariat franco-indonésien n'est pas actuellement à la hauteur de ce qu'il pourrait être. Si, dès 2011, un partenariat stratégique a été conclu entre nos deux pays, ce n'est qu'à partir de 2019 que la relation a véritablement décollé, avec la mise en place de réunions ministérielles régulières en format dit « 2+2 », c'est-à-dire réunissant les ministres des affaires étrangères et de la défense des deux parties. C'est dans ce cadre qu'une commande de quarante-deux avions Rafale par notre partenaire s'est vue concrétisée en 2022 ; c'est également ce format « 2+2 » qui a permis de mener à bien l'accord qui vous est soumis aujourd'hui et qui constitue un premier pas vers une coopération effective dans le domaine de la défense.
Premier pas, car ce texte présente la particularité de ne pas être assorti d'un volet « statut des forces armées », dit SOFA, comme c'est d'ordinaire le cas pour les accords du même type.
A priori surprenante, cette spécificité s'explique essentiellement pour des raisons historico-culturelles : après plusieurs siècles de colonisation hollandaise, une occupation japonaise particulièrement brutale, une indépendance difficilement conquise et un engagement historique dans le mouvement des non-alignés, la République indonésienne se montre très pointilleuse sur les questions de souveraineté.
De fait, les accords SOFA impliquent la mise en place d'un statut juridique dérogatoire au droit commun pour les personnels de l'autre partie, ce qui en l'occurrence impliquerait notamment le respect des garanties procédurales françaises et la non-application de la peine de mort. Or l'Indonésie se refuse à de telles clauses, qu'elle perçoit comme une limitation de sa souveraineté.
Cette réticence aux accords SOFA de la part du Gouvernement indonésien ne s'adresse pas spécifiquement à la France, qui a par ailleurs globalement plutôt bonne presse dans l'archipel, mais à l'ensemble de ses partenaires : la République indonésienne n'a à ce jour conclu qu'un seul accord relatif au statut des forces armées, avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée, du fait de leur grande proximité géographico-culturelle ; et encore, ce SOFA apparaît-il très anecdotique, compte tenu de l'effectif dérisoire de l'armée papouasienne (3 600 soldats), que notre collègue Hugues Saury nous a récemment décrite.
Toujours est-il que, face à cette position fermée de notre partenaire indonésien, le Conseil d'État a estimé qu'en l'état les garanties essentielles permettant d'assurer la protection effective des personnels français déployés en Indonésie n'étaient pas assurées. Il a conditionné son avis favorable à un échange de lettres stipulant que, « dans l'attente de la conclusion [d'un accord relatif au statut des forces armées], les exercices mentionnés (...) à l'article 4 (...) ne pourront se dérouler qu'en dehors du territoire de la République d'Indonésie ». C'est ainsi que l'accord qui vous est soumis aujourd'hui comporte en annexe les courriers du 18 août 2023, pour la partie indonésienne, et du 9 novembre 2023, pour la partie française, qui entreront en vigueur en même temps que lui. L'article 7 de l'accord prévoit en outre une « clause d'effort », non engageante, stipulant que les parties conviennent de « s'efforcer de conclure un accord bilatéral » sur le statut des forces ; des pourparlers sont effectivement en cours, mais ils n'ont pas abouti à ce jour.
Une seconde « clause d'effort » est prévue à l'article 10, concernant l'échange d'informations classifiées : en effet, de tels échanges d'informations nécessitent la conclusion d'un accord dit de sécurité qui garantit la protection réciproque des informations transmises. Or un tel accord n'existe pas à ce jour entre la France et l'Indonésie ; d'après les informations que j'ai obtenues, les négociations, essentiellement techniques, sont en cours.
Pour le reste, l'accord reprend la plupart des clauses habituelles, dans une rédaction correspondant aux standards français.
Une liste non exhaustive, qui pourra être complétée en cas de besoin par voie d'arrangement technique, définit à l'article 4 les domaines de coopération concernés : cette liste vise notamment le renseignement, la formation, la coopération technologique, l'entraînement des forces, l'aide humanitaire et la lutte contre la piraterie ; la coopération bilatérale pourra prendre la forme de dialogues et consultations stratégiques, de voyages d'échange, d'exercices conjoints ou de tout autre mécanisme souhaité par les deux parties. Un comité conjoint, coprésidé par les représentants des deux parties, doit assurer le pilotage de la coopération mise en place.
L'accord comporte enfin les clauses usuelles concernant la prise en charge des coûts, les modalités de règlement des éventuels dommages, les droits de propriété intellectuelle et le règlement des différends.
Il n'en reste pas moins que ce texte, amputé du volet SOFA et de toute possibilité de présence des personnels français en Indonésie, aura dans l'immédiat une portée opérationnelle très limitée ; cependant, il témoigne d'une volonté commune d'aller plus loin et constitue un premier pas significatif vers un partenariat stratégique complet.
Mes chers collègues, compte tenu de ces éléments, je vous propose d'approuver ce texte qui, en même temps qu'il consolide une relation bilatérale porteuse d'avenir, viendra renforcer la présence française dans une zone d'importance géostratégique majeure.
Le projet de loi est adopté sans modification.
ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
- S.E.M. Fabien PENONE, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République française auprès de la République d'Indonésie
Pour le Ministère de l'Europe et des affaires étrangères :
- M. Jean-Marc POMMERAY, adjoint à la Sous-directrice d'Asie du Sud-Est, Direction Générale des affaires politiques et de sécurité
- M. Frédéric BERNARD, rédacteur à la Sous-direction d'Asie du Sud-Est, Direction Générale des affaires politiques et de sécurité
- M. Jérôme POCLET, Commandant, Chef de pôle juridique du bureau juridique et finances, Direction de la Coopération, de sécurité et de défense
- M. Pierre DOUSSET, conseiller juridique à la Mission des Accords et Traités de la Direction des Affaires juridiques
Pour le Ministère des Armées :
- Mme Audrey STROCHLIC, Cheffe de bureau du droit international public général, Sous-direction du droit international et européen, Direction des affaires juridiques (DAJ)
- Mme Morgane COQUE, Chargée d'études au Bureau du droit international public général, Sous-direction du droit international et européen, Direction des affaires juridiques (DAJ)
ANNEXE 2 : CARTE
* 1 « Biggest invisible thing on earth , - It's called Indonesia, and it's waking up », Elizabeth Pisani, The Guardian, 21 novembre 2016.
* 2 Source : Atlasocio.com
* 3 Le Conseil de l'OCDE a décidé le 20 février dernier d'ouvrir des discussions d'adhésion avec l'Indonésie. Cette décision fait suite à une évaluation réalisée par les membres de l'OCDE sur la base de leur Cadre pour l'examen de Membres potentiels.
* 4 « L'Indonésie, le nickel et la Chine », Anda Djoehana Wiradikarta, Asialyst, 14 février 2024.
* 5 De 2015 à 2022, l'ONG indonésienne Trend Asia, qui travaille sur la transition énergétique et le développement durable, a dénombré 47 morts et 76 blessés sur les sites miniers du nickel dans l'archipel. On soupçonne en outre dix ouvriers chinois de s'être suicidés.
* 6 Devise de la République d'Indonésie.
* 7 Voir, par exemple « Should Indonesians feel guilt over Timor-Leste when voting for president , », D. Hutt, Benar News, 8 février 2024.
* 8 Dans le cadre de l'opération Lotus (Seroja), le 7 décembre 1975, les forces indonésiennes envahissent le Timor oriental. La répression conduite par les Kopassus (Forces spéciales de l'armée de terre indonésienne) est particulièrement brutale ; Amnesty International estime qu'un tiers de la population timoraise (soit 200 000 personnes) a trouvé la mort en raison des actions militaires, de la faim et des maladies sous l'occupation indonésienne - jusqu'à ce que le pays accède à son indépendance en 1999.
* 9 Les 13 et 14 mai 1998, des émeutes se produisent à Jakarta : de nombreux magasins appartenant à des Indonésiens d'origine chinoise sont attaqués et pillés ; plus de 1 200 personnes trouvent la mort. Ces émeutes conduiront à la démission, le 21 mai 1998, du président Soeharto, parvenu au pouvoir en 1966.
* 10 « Nous, Prabowo-Gibran [...] continuerons tous les programmes de Jokowi », Jakarta Globe, 9 février 2024.
* 11 Serge Atlaoui, arrêté et condamné à mort en 2005 pour trafic de drogue.
* 12 Source : Office des Nations Unies pour les droits de l'Homme.
* 13 La forêt indonésienne : huile de palme, pâte à papier sont-elles des menaces ? Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 108 - 24 juillet 2013.
* 14 Le Règlement (UE) 2023/115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l'Union et à l'exportation à partir de l'Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n° 995/2010 (RDUE) vise à interdire la mise sur le marché ou l'exportation depuis le marché européen de produits ayant contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts après le 30 décembre 2020. Le champ d'application du texte couvre sept commodités : café, cacao, caoutchouc, huile de palme, soja, boeuf et bois, ainsi que certains produits dérivés comme le cuir, le charbon de bois, le papier imprimé.
* 15 Source : Transparency International.
* 16 Source : Courrier International, 22 juin 2022.
* 17 Source : donnees.banquemondiale.org
* 18 Parmi ces chantiers phares, on compte par exemple le projet immobilier Pantai Indah Kapuk Tropical Concept au nord de Jakarta, la zone industrielle de Wiraraja sur l'île de Galang dans la province des îles Riau, le projet de développement d'un North Hub au large du Kalimantan oriental, ainsi que la zone industrielle Neo Energy Parimo à Parigi Moutong dans le Sulawesi central.
* 19 Sa capitale administrative actuelle est Jakarta (sur l'île de Java) ; le projet prévoit son transfert dans une nouvelle ville nommée Nusantara, bâtie ex nihilo sur l'île de Bornéo, dans le but notamment de déplacer le centre de gravité de l'archipel et de décongestionner Jakarta.
Le projet peine semble-t-il à convaincre les investisseurs, alors que l'Etat indonésien a d'ores et déjà dépensé au cours des deux dernières années l'équivalent d'1,9 milliard d'euros pour la construction de la nouvelle capitale, et qu'une enveloppe de 2,4 milliards d'euros supplémentaires y a été allouée dans le budget 2024. L'objectif affiché était d'inaugurer le palais présidentiel au cours de l'été 2024, avec un achèvement du chantier prévu en 2045.
* 20 La stratégie française pour l'Indopacifique : des ambitions à la réalité, rapport d'information n° 285 (2022-2023), du 25 janvier 2023, par MM. Cédric Perrin, Rachid Temal, Hugues Saury, Jacques Le Nay, André Gattolin et Joël Guerriau.
* 21 Soit : Sécurité et défense ; économie, connectivité, recherche et innovation ; multilatéralisme et règle de droit ; et changement climatique, biodiversité et gestion durable des océans.
* 22 Le groupe de Colombo désigne, à partir de 1954, les cinq Etats à l'initiative de la conférence de Bandung : soit l'Inde, Ceylan (actuel Sri Lanka), l'Indonésie, la Birmanie et le Pakistan.
* 23 Organisée sur l'île de Java du 18 au 24 avril 1955.
* 24 Ancien vice-président et Premier ministre de l'Indonésie, dans son ouvrage Mendayung Antara Dua Karang, 1976.
* 25 La reconnaissance de Jérusalem comme capitale, ainsi que les mesures anti-dumping prises à son encontre ont été mal perçues par la partie indonésienne.
* 26 Archipel indonésien constitué de 272 îles situées en mer de Chine méridionale, entre la péninsule Malaise et l'ïle de Bornéo.
* 27 « Prabowo slams West's'unfair' treatment of Indonesia : `We don't need Europe' », R. W. Yuniar, South China Morning Post, 14 novembre 2023.
* 28 How will Indonesia's presidential election reshape its foreign policy ? », H. Fathana, The Conversation, 2 février 2024.
* 29 La fin de la violence, un dialogue constructif entre toutes les parties, un envoyé spécial de l'ASEAN pour faciliter le dialogue, l'acceptation de l'aide et une visite de l'envoyé en Birmanie.
* 30 « L'Indonésie est profondément préoccupée par la poursuite de la course aux armements et la projection de puissance dans la région », a déclaré le ministère des Affaires étrangères indonésien dans un communiqué publié vendredi 17 septembre 2021, le lendemain de l'annonce par Canberra de la conclusion de l'accord.
* 31 Pour rappel, la signature de cet accorda été l'occasion d'une crise diplomatique majeure entre la France et l'Australie, suite à l'annulation abrupte d'une commande de douze sous-marins à propulsion classique anérobie de classe Attack devant être construits en Australie par le groupe industriel français Naval Group et ses partenaires pour la marine australienne (contrat de 34,3 milliards d'euros, réévalué plus tard à 56 milliards d'euros), au profit d'une commande de submersibles à propulsion nucléaire fournis par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.
* 32 La base industrielle et technologique de défense indonésienne repose principalement sur 5 sociétés d'Etat : PT PINDAD pour l'armement terrestre, PT PAL pour l'armement naval, PT DI pour l'aéronautique, PT DAHANA pour les propulseurs et explosifs et enfin PT LEN pour les systèmes électroniques et communications. Ces sociétés ont été regroupées en 2022 au sein d'une holding, baptisée « DEFEND ID », dont PT LEN est l'actionnaire majoritaire.
Le premier objectif est de hisser DEFEND ID dans le Top 50 mondial des entreprises dans le domaine des équipements de défense d'ici une dizaine d'années. Le second consiste à réduire les importations d'équipements de défense de l'étranger et à accroître la part de composants nationaux dans les produits de défense phares de 41 % actuellement à 100%.
* 33 « Indonésie : un pays à suivre de plus près », Conflits, 7 mars 2024.
* 34 Ces déploiements peuvent donner lieu à des interactions avec nos alliés (Etats-Unis, Grande-Bretagne) ou nos partenaires (Australie, Indonésie, Inde, Japon, Philippines etc.), en participants aux grands exercices organisés en Indopacifique, tels que :
GARUDA GUERRIER et SUPER GARUDA SHIELD organisés par l'Indonésie ;
RIMPAC organisé par le commandement américain pour l'Indopacifique (INDOPACOM)
TALISMAN SABRE, KAKADU et PITCH BLACK organisés par l'Australie ;
MILAN, VARUNA, GARUDA et TARANG SHAKTI organisés par l'Inde ;
BALIKATAN organisés par les Philippines.
* 35 Cette réticence aux accords « SOFA » de la part du Gouvernement indonésien ne s'adresse pas spécifiquement à la France, mais à l'ensemble de ses partenaires : la République indonésienne n'a à ce jour conclu qu'un seul accord relatif au statut des forces armées, avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée, du fait de leur grande proximité géographico-culturelle ; encore ce « SOFA » apparaît-il très anecdotique, compte tenu de l'effectif très modique de l'armée papouasienne (3 600 soldats).
* 36 Une telle clause nécessite en effet un tableau d'équivalence des niveaux de classification élaboré à partir d'une analyse comparée des législations des deux États, qui n'a pu aboutir dans le cadre de la négociation de l'accord en raison des spécificités des systèmes juridiques des deux parties.