II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial s'était concentré sur les fonctions support de la justice, enjeux de premier plan pour ce ministère :
1. la création de 10 000 postes entre 2022 et 2027, en parallèle de la revalorisation des métiers de la justice ;
2. l'exécution des programmes d'investissement, dans les domaines immobilier comme numérique ;
3. la maîtrise des dépenses de fonctionnement, dans un contexte de dépenses contraintes ;
4. l'amélioration de la gestion budgétaire, notamment par l'évaluation de l'efficacité de la dépense.
L'examen du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023 permet d'apprécier les résultats obtenus par le ministère sur chacun de ces aspects, érigés en priorité par le Gouvernement. Le comité des États généraux de la Justice avait en effet regretté que le ministère se trouve depuis trop longtemps « dans l'incapacité de relever les défis d'une gestion rigoureuse ».
A. UN SCHÉMA D'EMPLOIS DYNAMIQUE, ALIGNÉ SUR LA TRAJECTOIRE VOTÉE PAR LE PARLEMENT
Les dépenses de personnel (titre 2), qui représentent 58,2 % des crédits de la mission, ont progressé de 5,8 % en 2023 par rapport à 2022. Cette augmentation s'explique par deux effets :
- un effet volume, avec un schéma d'emplois dynamique (+ 2 308 équivalents temps plein) ;
- un effet valeur, avec la mise en oeuvre de plusieurs mesures catégorielles, notamment la revalorisation du traitement brut des magistrats, de l'ordre de 1 000 euros en moyenne, celle du traitement des greffiers ainsi que la requalification en catégorie A des officiers pénitentiaires et en catégorie B des surveillants pénitentiaires.
Dès lors, le taux d'exécution des crédits de titre 2 s'établit à un niveau particulièrement élevé, 98,5 %, un niveau proche de celui observé ces dernières années (99,25 % en 2021 et 101,5 % en 2022). Un dégel de la réserve de précaution, qualifié d'« important » par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM)2F3(*), est intervenu en cours d'année pour couvrir le coût des mesures de la conférence salariale du 12 juin 2023, de 72,07 millions d'euros. Au total, les mesures générales et catégorielles - 208,8 millions d'euros - ont représenté plus de 60 % de la hausse des dépenses de personnel, contre seulement 20 % pour le schéma d'emplois (18 % en 2022 mais 50 % en 2020 et en 2021)3F4(*). Cette tendance devrait se poursuivre en 2024, puisque le coût total en année pleine de la revalorisation du traitement brut des magistrats judiciaires, mise en place au 1er octobre 2023, devrait s'élever à environ 110 millions d'euros.
En 2023, le plafond d'emplois de la mission a été consommé à hauteur de 91 176 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit 1 572 ETPT de moins que le plafond d'autorisation d'emplois. En revanche, le schéma d'emplois exécuté en 2023 a conduit à une hausse de 2 308 ETP, soit un taux d'exécution de 99,8 %, marquant une nette amélioration par rapport aux années précédentes - 89 % en 2022 et 95 % en 2021.
Exécution du schéma d'emploi
de
la mission « Justice » entre 2018 et 2023
(en équivalents temps plein)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Le volume de recrutements en 2023 est en ligne avec les objectifs de recrutement fixés dans la loi de programmation de la justice pour 2023-2027, à savoir 10 000 ETP, dont 1 500 magistrats et 1 800 greffiers. Toutefois, à l'instar des dernières années, si le rapporteur spécial se félicite de la progression globale des effectifs, absolument nécessaire au regard des failles du service public de la justice, de l'encombrement des tribunaux et de la suroccupation des établissements pénitentiaires, il réitère également ses inquiétudes quant à la capacité du ministère à recruter les personnels nécessaires.
Plusieurs obstacles encombrent en effet la feuille de route du ministère en matière de gestion des ressources humaines : le manque d'attractivité des métiers de la justice - en dépit des revalorisations salariales - , la capacité des écoles à former un nombre sans cesse croissant d'élèves (magistrature, greffe, administration pénitentiaire), un vivier de recrutement en berne, qui fait peser des craintes sur la qualité des recrues. Les difficultés de recrutement sont particulièrement visibles pour les métiers du social, de l'insertion et de l'éducatif, les profils techniques spécialisés dans les domaines immobilier et informatique, les métiers du greffe et du commandement ainsi que les personnels de surveillance.
* 3 Rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable ministériel près le Garde des sceaux, ministre de la justice, et des services du Premier ministre relatif à l'exécution budgétaire et à la situation financière et comptable ministérielle de l'année 2023.
* 4 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2023 - Mission « Justice », avril 2024.