D. UNE ÉVALUTION IMPÉRATIVE DE L'EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE

Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel alerte à plusieurs reprises dans son rapport sur le poids des dépenses contraintes au sein de la mission « Justice », liées à la masse salariale et aux dépenses de guichet (aide juridictionnelle, frais de justice), mais également aux dépenses obligatoires, dont les dettes fournisseurs9F10(*) et les engagements antérieurs10F11(*).

L'administration pénitentiaire, qui a bénéficié des plus fortes hausses de crédits depuis 2017, du fait du « plan 15 000 », se heurte également à la rigidité de ses dépenses de fonctionnement. La gestion déléguée de certains établissements pénitentiaires, la gestion en partenariat public-privé ainsi que l'externalisation de prestations dans les établissements en gestion publique contraignent fortement l'administration pénitentiaire.

Autre exemple, tout aussi inquiétant au regard des insuffisances de la justice en la matière, le budget informatique est obéré chaque début d'année par la nécessité d'apurer les dettes fournisseurs générées à la fin de l'année précédente. Dès lors, les crédits votés par le Parlement donnent une image trompeuse des crédits véritablement alloués par le ministère à sa transformation numérique.

Ainsi, comme il le fait depuis plusieurs années, le rapporteur spécial insiste sur la nécessité de conduire une évaluation de l'efficacité de la dépense du ministère de la justice. Il ne peut que regretter qu'un tel travail n'ait pas été conduit en amont de la nouvelle loi de programmation. En effet, alors que le ministère de la justice a connu une hausse inédite de ses crédits à l'échelle du budget de l'État, de l'ordre de 30 % en cinq ans, ses marges de manoeuvre semblent limitées, une large partie de cette augmentation étant déjà « fléchée » vers des postes de dépense.

Dans ce contexte, évaluer l'efficacité des politiques publiques mises en place par le ministère de la justice est un impératif, qu'elles concernent l'accès à la justice (aide juridictionnelle), l'attractivité des métiers de la justice (revalorisations) ou encore la modernisation du ministère (plan de transformation numérique). Pour reprendre les termes employés par le comité des États généraux de la Justice, « colmater les brèches » ne suffit plus pour répondre à « l'incompréhension des justiciables, [au] découragement des professionnels de justice et [aux] tensions avec les avocats »11F12(*).

Tant que le ministère se trouvera dans l'incapacité de mener une gestion rigoureuse, la hausse des moyens n'aura que peu d'effets sur l'amélioration du service public de la justice. Pour reprendre un indicateur de performance, qui peut paraître anecdotique mais qui est primordial pour nos concitoyens, les délais théoriques d'écoulement du stock des procédures continuent de s'allonger.


* 10 Rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable ministériel près le Garde des sceaux, ministre de la justice, et des services du Premier ministre, op. cit.

* 11 Notamment pour l'immobilier pénitentiaire et l'immobilier judiciaire.

* 12 Synthèse des États généraux de la Justice.

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