N° 34

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2023,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 28
Santé

Rapporteur spécial : M. Vincent DELAHAYE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 3, 291 et T.A. 3

Sénat : 32 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La mission « Santé » est composée de trois programmes : outre le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et le programme 183 « Protection maladie », principalement consacré au financement de l'aide médicale d'État (AME), elle comporte désormais un programme 379 destiné au financement des dons de vaccins à des pays tiers et du volet « investissement » du Ségur de la santé. En 2023, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Santé » s'élevaient à 3 609,6 millions d'euros, en hausse de 7,2 % par rapport à la prévision retenue en loi de finances initiale.

2Cette surconsommation est moindre qu'en 2022, où elle s'élevait à 113,7 %, essentiellement parce que les crédits du programme 379 ont été budgétés en loi de finances initiale.

3. Les dépenses liées au fonds de concours sont en diminution à la suite de la sortie de crise sanitaire.

4. L'indemnisation des victimes de contentieux médicaux est source de risques budgétaires, notamment en raison de la dynamique des dépenses d'indemnisation des victimes de la Dépakine, l'impact financier des contentieux opposant l'État à Sanofi demeurant une source d'incertitude.

5. La hausse de l'exécution des crédits de l'aide médicale d'État (AME) se poursuit à un rythme accéléré entre 2022 et 2023 : 1 145 millions d'euros en 2023, soit 13 % de plus qu'en 2022. Cette progression s'explique principalement par l'accroissement des bénéficiaires de l'AME : ils sont désormais 446 532, ce qui constitue une augmentation de 11 % par rapport à 2022. Le rapporteur sera particulièrement attentif à une éventuelle réforme de l'AME, et préférerait que cette réforme soit conduite par la voie législative.

6. L'absence du programme 378 portant sur la carte vitale biométrique est particulièrement regrettable, d'autant qu'aucun dispositif de lutte contre la fraude n'est par ailleurs introduit dans la mission.

7. Par ailleurs, concernant le programme 379, les crédits destinés à compenser la Sécurité sociale pour les dons de vaccins aux pays tiers et le « Ségur investissement » n'ont pas leur place dans la mission « Santé », dont ils affaiblissent la lisibilité.

I. EN 2023, UNE EXÉCUTION DES CRÉDITS EN LÉGÈRE HAUSSE PAR RAPPORT AUX OUVERTURES DE CRÉDITS EN LOI DE FINANCES INITIALE

A. UNE MISSION AU PÉRIMÈTRE ÉLARGI DE MANIÈRE PÉRENNE

La mission « Santé » du budget général participe à la mise en oeuvre de la politique globale de santé. Celle-ci est axée autour de trois objectifs : la prévention, la sécurité sanitaire et l'organisation d'une offre de soins de qualité.

La mission est composée de trois programmes :

le programme 204, relatif à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins, qui a pour vocation le financement des plans et de programmes de santé pilotés au niveau national par la direction générale de la santé (DGS) et la direction générale de l'offre de soins (DGOS). Il vise ainsi à garantir la protection de la population face à des évènements sanitaires importants tout en prévenant le développement de pathologies graves ;

le programme 183, dédié à la protection maladie, qui finance principalement l'aide médicale d'État (AME), destinée aux personnes étrangères en situation irrégulière en France depuis plus de trois mois et dont les ressources sont insuffisantes pour une prise en charge au titre de la couverture maladie complémentaire universelle. De manière plus marginale, le programme 183 contribue depuis 2015 au financement du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) ;

le programme 379 est un programme temporaire qui permet d'une part la compensation à la Sécurité sociale des dons de vaccins à des pays tiers et d'autre part le reversement des recettes de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l'Union européenne dédiées au volet « investissement » du Ségur de la santé.

Le programme 378 était destiné à la mise en place d'une carte vitale biométrique, en complément des crédits d'assurance maladie dédiés à ce projet. Il a été créé à l'initiative du Sénat par la loi de finances rectificative du 16 août 20221(*) mais a été supprimé en loi de finances pour 2023 du 30 décembre 20222(*).

Alors que le périmètre de la mission avait été substantiellement réduit depuis 2014, il s'est significativement élargi depuis l'exercice 2022. En effet, le financement de la majorité des agences sanitaires que la mission comprenait, et notamment de Santé Publique France, a été transféré au budget de la sécurité sociale entre 2014 et 2020. Devenue simple vecteur budgétaire de l'Aide médicale d'État, qui représentait 80 % de ses crédits, la mission a vu son périmètre à nouveau élargi par la création du programmes 379 et de l'éphémère programme 378, déjà supprimé. La loi de finances pour 2023 du 30 décembre 20223(*) a ainsi pérennisé l'existence du programme 379.

B. UNE SURCONSOMMATION DES CRÉDITS TOUJOURS MARQUÉE MAIS EN BAISSE PAR RAPPORT À 2022 EN RAISON DE LA PROGRESSION DES CRÉDITS PRÉVUS EN LOI DE FINANCES INITIALE

1. Des crédits en hausse tendanciellement en raison de l'élargissement du périmètre

Les crédits votés en loi de finances initiale (LFI) de la mission « Santé » sont en hausse tendancielle depuis plusieurs années : ils ont été multipliés par 1,5 entre 2022 et 2023. La mission « Santé » a de plus été dotée de 3,4 milliards d'euros en loi de finances pour 2022 du 30 décembre 20214(*). La hausse des crédits votés est essentiellement liée à l'inclusion pérennisée du programme 379, qui n'avait pas été inclus dans la loi de finances pour 2022 du 30 décembre 20215(*).

Exécution des crédits de la mission « Santé »

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les lois de finances rectificatives de 2022 avaient permis l'ouverture de crédits sur le programme 379 qui n'apparaissait pas en loi de finances initiale, ayant donné lieu à une consommation supplémentaire de 1 358,5 millions d'euros.

S'il est préférable que les crédits ouverts au titre du programme 379 apparaissent dès la loi de finances initiale, et non lors des lois de finances rectificatives, il est tout de même permis de s'interroger sur la pertinence de la pérennisation de l'extension de la mission « Santé » au programme 379.

De plus, les crédits de paiement votés sur la mission « Santé » se sont accrus de 11 % à champ constant (à hauteur de 136,6 millions d'euros), c'est-à-dire en excluant le programme 379. Il était en effet anticipé que les dépenses au titre de l'aide médicale d'État augmenteraient, en raison de la normalisation de la situation sanitaire après la crise du Covid- 19. La hausse des crédits de la mission « Santé » n'est donc pas exclusivement due à la pérennisation du programme 379.

2. Une surconsommation des crédits par rapport à la prévision de la loi de finances initiale moins marquée qu'en 2022

En 2023, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Santé » s'élevaient à 3 609,6 millions d'euros, en hausse de 7,2 % par rapport à la prévision retenue en loi de finances initiale. Cette surconsommation des crédits est nettement moins élevée qu'en 2022, quand elle représentait 113,7 % de plus que la prévision retenue en loi de finances initiale.

Exécution des crédits de la mission « santé » par programme en 2022

(en millions d'euros, en crédits de paiement et en %)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Exécution des crédits de la mission « santé » par programme en 2022

(en millions d'euros et en %)

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La surconsommation par rapport aux crédits budgétés en loi de finances initiale résulte principalement du report des crédits de l'année 2022 (112 millions d'euros), de crédits issus de fonds de concours et d'attribution de produits (111 millions d'euros) et de crédits ouverts en loi de fin de gestion (LFG) du 30 novembre 20236(*) (114 millions d'euros).

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2023

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les crédits ouverts au cours de l'exercice 2023 concernent le programme 204 (à hauteur de 215,4 millions d'euros), soit un doublement des crédits de ce programme, et le programme 379, à hauteur de 190 millions d'euros, soit une hausse de 10 %.

La surconsommation des crédits du programme 204 à un niveau supérieur de 120 millions d'euros au montant prévu en loi de finances initiale, s'explique principalement par des dépenses effectuées sur les fonds de concours « Participation de l'Union européenne à la constitution d'un stock de produits médicaux et non médicaux en cas d'événement nucléaire, radiologique, biologique et chimique » (101 millions d'euros) et « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d'offre de soins » (21 millions d'euros, contre 159 M€ en 2021 et 284 M€ en 2020), créé pour répondre aux impératifs sanitaires de la crise du Covid- 19. Le taux de consommation des crédits de paiement ouverts sur le programme 204 s'établit donc à 77,85 %, et s'inscrit dans la lignée de sous-consommation des exercices précédents.

La surconsommation des crédits du programme 379 par rapport au montant autorisé en LFI s'explique par l'ouverture en loi de finances de fin de gestion de 190 millions d'euros, au titre de la compensation la sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers.

Enfin, le programme 183 « Protection maladie » connait une sous-exécution par rapport à la budgétisation en LFI. Ce n'est en effet qu'après une annulation de 65,8 millions d'euros en loi de finances de fin de gestion7(*) que le taux de consommation s'établit à 99,9 % en AE et en CP.

Mouvements de crédits intervenus en gestion
par programme pendant l'exercice 2023

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. LA HAUSSE DES CRÉDITS DE L'AIDE MÉDICALE D'ÉTAT EST CONSTANTE, MALGRÉ UNE ANNULATION DE CRÉDITS EN COURS D'EXERCICE

Entamée au sortir de la crise sanitaire, la hausse de l'exécution des crédits de l'Aide médicale d'État (AME) se poursuit à un rythme accéléré entre 2022 et 2023. L'exécution des crédits s'élève à 1 145 millions d'euros en 2023, soit 13 % de plus qu'en 2022, dont 1 075 millions d'euros pour l'AME de droit commun et 70 millions d'euros pour l'AME pour soins urgents. Les dépenses liées à l'AME n'avaient pourtant progressé que de 2 % entre 2021 et 2022.

Ces dépenses sont toutefois restées inférieures de plus de 5 % au montant des crédits programmés, comme mentionné plus haut.

Évolution des montants versés au titre de l'aide médicale d'État depuis 2012

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Ces montants ne recouvrent pas l'ensemble des dépenses liées à l'AME. En effet, les dépenses enregistrées par la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) au titre de l'AME de droit commun s'élèvent à 1 096 millions d'euros. De même, l'État ne prend en charge qu'une partie de l'AME pour soins urgents, à hauteur d'une dotation de 70 millions d'euros ; le reste du coût de l'AME pour soins urgents (37 millions d'euros) est pris en charge par l'Assurance maladie. Le coût total de l'AME est donc plus proche des 1 133 millions d'euros.

La hausse des dépenses de l'AME est notamment liée à la progression du nombre de bénéficiaires en 2023. Ils étaient en effet 446 532 bénéficiaires au 30 septembre 2023, soit une hausse de 11 % par rapport à 2022. Malgré une réforme limitée menée en 2020, le nombre de bénéficiaires de l'AME poursuit donc sa hausse.

Les effets de rattrapage liés à la sortie de la crise sanitaire sont insuffisants pour expliquer à eux-seuls la hausse des dépenses liées à l'AME, qui ont largement dépassé en 2023 les niveaux atteints avant la crise sanitaire. Or, selon la Cour des comptes8(*), « les facteurs expliquant les évolutions de soins dispensés au titre de l'AME restent insuffisamment documentés dans le projet annuel de performances ». Il est dommageable que cette situation soit insuffisamment documentée, surtout alors qu'une réforme de l'AME avait été annoncée par voie réglementaire par le précédent Gouvernement, conformément aux préconisations du rapport Evin-Stefanini9(*).

Les réformes menées et envisagées de l'aide médicale d'État

À l'initiative du Gouvernement, une réforme limitée de l'aide médicale de l'État a été adoptée à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, avec pour objectif notamment de maîtriser les dépenses du dispositif. Trois dispositions ont été prises essentiellement : le renforcement des conditions pour bénéficier de l'aide (avec une ouverture du droit à l'AME effective après un délai de trois mois en situation irrégulière), le conditionnement de la prise en charge de certaines prestations à un délai d'ancienneté de bénéfice de cette aide de 9 mois maximum et la limitation des possibilités de dépôt de demande d'AME à une comparution physique en caisse primaire d'assurance-maladie.

Une nouvelle réforme de l'aide médicale d'État avait été annoncée par le Gouvernement en 2023, à l'occasion du vote par le Sénat de la transformation de l'AME en Aide médicale d'urgence le 14 novembre 2023 au cours de l'examen du projet de loi immigration10(*). Cette réforme devrait être réglementaire.

Le rapport Evin-Stefanini, publié le 4 décembre 2023, estime que l'Aide médicale d'État est un dispositif « utile, maîtrisé pour l'essentiel mais exposé à l'augmentation récente du nombre de ses bénéficiaires ». Il recommande toutefois notamment de renforcer le suivi des pathologies qui engagent la collectivité dans des soins chroniques et lourds et de compléter les mesures prises en matière de contrôle.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. LES DÉPENSES LIÉES À LA CRISE SANITAIRE EN BAISSE SIGNIFICATIVE

Alors que sa clôture était initialement programmée pour le 31 décembre 2020, le fond de concours « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d'offre de soins » a été reconduit en 2023 pour la troisième année consécutive. Le fonds de concours11(*) a bénéficié d'un nouvel abondement de Santé publique France de 42 millions d'euros en 2023, outre le report de 47 millions d'euros en autorisation d'engagement (AE) et 77 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Les dépenses du fonds de concours se sont élevées à 21,15 millions d'euros en CP en 2023, dont 84 % dans les systèmes d'informations (à hauteur de 17,7 millions d'euros). La faible efficience de ces crédits a toutefois été relevée par le rapporteur spécial lors de l'exercice précédent.

Répartition des crédits supplémentaires ouverts pour lutter
contre la crise sanitaire au sein du Fonds de concours dédié

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'extinction définitive de ce fonds de concours est prévue pour le 31 mai 2024. Dans ce cadre, un premier versement de 50 millions d'euros a été effectué à Santé publique France en décembre 2023. Les dépenses ont de plus subi une réduction significative de 87 % par rapport à l'exécution 2022.

Comme l'année dernière, le rapporteur spécial émet des réserves sérieuses sur la mise en oeuvre du fonds de concours. Le fonds de concours est en effet rattaché au programme 204, mais abondé par Santé publique France, qui n'est plus inclus dans la mission « Santé » mais pris en charge par la sécurité sociale, depuis la loi de finances pour 2020 du 28 décembre 201912(*). Le « retour » de Santé publique France dans la mission « Santé » via le fonds de concours, mais avec un financement issu de l'Assurance maladie, illustre de façon manifeste cette confusion des rôles entre la Sécurité sociale et les services de l'État.

De plus, deux nouveaux fonds de concours ont été rattachés au programme 204 en 2023.

Le premier, Participation de l'Union européenne à la constitution d'un stock de produits médicaux et non médicaux en cas d'événement nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC), doté de 118,9 millions d'euros en AE et en CP, a été créé en novembre 2022 et abondé pour la première fois en 2023 par l'Union européenne au titre de la contribution de la France à ce projet organisé dans le cadre du mécanisme européen de protection civile (RescUE). Ces crédits ont été consommés à hauteur de 118,1 millions d'euros en AE et en CP.

Le second, Financements européens pour la modernisation de l'offre de soins, a été doté de 0,2 millions d'euros en AE et en CP pour permettre le financement de projets de recherche et d'innovation. Pour une large part (0,13 millions d'euros), ces crédits y ont été néanmoins affectés par erreur.

Enfin, une incertitude portant sur le programme 204 concerne l'agence de santé de Wallis-et-Futuna, qui ne bénéficie d'aucune ressource propre et dont le financement est intégralement pris en charge par l'État. Du fait du vieillissement de la population, il est à craindre que l'agence soit confrontée à une augmentation continue de ses surcoûts - en particulier l'évacuation vers les établissements de santé de Nouvelle-Calédonie, de métropole ou d'Australie - durant les prochaines années.

C. L'AMPLEUR ET LE NOMBRE DE CONTENTIEUX MÉDICAUX FONT PESER UN RISQUE SUR LES DÉPENSES DU PROGRAMME 204

Le programme 204 sert également à l'indemnisation des victimes de contentieux médicaux. Les dépenses en ce sens se sont élevées à 35,51 millions d'euros en AE et en CP, dont 22,76 millions d'euros pour les indemnisations liées au contentieux « Dépakine ». Ces dépenses sont en baisse de 73 % par rapport à 2022, quand elles s'élevaient à 83,2 millions d'euros, dont 56,7 millions d'euros des victimes de l'affaire dite du « Médiator ».

L'indemnisation des victimes de contentieux médicaux est source de risques budgétaires sur le programme 204. Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel a ainsi relevé le risque budgétaire induit par la dynamique des dépenses d'indemnisation des victimes de la Dépakine, l'impact financier des contentieux opposant l'État à Sanofi demeurant une source d'incertitude. Par ailleurs, une nouvelle mission d'indemnisation des conséquences dommageables d'une vaccination contre la Covid- 19 a été confiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). Alors qu'aucune demande ne lui était parvenue en 2022, un dossier estimé à plus d'1 million d'euros lui a été présenté en 2023.

D. LES PROGRAMMES DE LA MISSION « SANTÉ » NE PERMETTENT PAS DE RÉPONDRE AUX ATTENTES DU SÉNAT SUR CETTE MISSION

Le programme 378 a été créé à l'initiative du Sénat pour lancer, dès l'automne 2022, le chantier de la mise en place d'une carte vitale biométrique afin de lutter plus efficacement contre la fraude aux prestations sociales, les 20 millions d'euros en AE et en CP qui y ont été alloués s'ajoutant au financement déjà existant par la Sécurité sociale. Toutefois, les crédits ouverts en LFR pour 2022 n'ont été exécutés qu'à hauteur de 4,3 millions d'euros.

Lors de l'examen du PLF 2023, le texte initial ne comprenait plus le programme 378. Réintroduit par le Sénat13(*) contre l'avis du Gouvernement, qui s'y était opposé en indiquant qu'une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) était en cours et qu'il serait possible, le cas échéant, d'« utiliser les crédits ouverts en 2022 », il n'a pas été retenu lors de l'engagement de la responsabilité de la Première ministre en vertu de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution en lecture définitive.

Depuis, un rapport des inspections générales des finances et des affaires sociales a recommandé de ne pas développer la Carte Vitale biométrique, jugée trop onéreuse et difficile à mettre en oeuvre. Pour autant, il apparaît nécessaire de poursuivre les efforts de lutte contre la fraude, le cas échéant en soutenant des alternatives. Il est regrettable qu'aucun programme de la mission « Santé » ne tienne véritablement compte de cette ambition.

Concernant l'aide médicale d'État, comme mentionné plus haut, la transformation en une aide médicale d'urgence (AMU), comparable aux autres dispositifs existant en Europe, est souhaitable notamment pour éviter toute fraude. Plusieurs amendements ont été adoptés par le Sénat en ce sens, souvent à l'initiative de sa commission des finances. Il comporte en outre une disposition prévoyant le rétablissement d'un « droit d'entrée » afin de bénéficier de l'AME, qui avait été adopté dans la loi de finances pour 2011 et abrogé en 2012. Ce dispositif pourrait engendrer jusqu'à 410 millions d'euros d'économies, et a été proposé par amendement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 202414(*). Le rapporteur sera particulièrement attentif à une éventuelle réforme de l'AME, et préférerait que cette réforme soit conduite par la voie législative.

Enfin, le rapporteur spécial s'interroge sur l'opportunité d'avoir intégré le programme 379 à la mission « Santé ». Ce programme visait la compensation à la Sécurité sociale des dons de vaccins à des pays tiers, ainsi que le financement du « Ségur investissement ». Le financement par des crédits budgétaires apparaît plus pertinent que l'affectation à la Sécurité sociale d'une fraction de TVA - option qui avait été précédemment retenue. Néanmoins, il aurait été plus adéquat d'intégrer les crédits du programme 379 à la mission « Plan de relance » pour les crédits « Ségur », et à la mission « Aide publique au développement » pour les dons de vaccins aux pays tiers, plutôt qu'à la mission « Santé ». En l'état, le programme 379, qui ne concourt pas directement à la politique de santé publique, nuit à la lisibilité de la loi de finances.


* 1 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 2 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 3 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 4 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 5 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 6 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

* 7 Loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 8 Note d'exécution budgétaire, mission « Santé » du budget général de l'État, avril 2024.

* 9 Rapport sur l'Aide médicale d'État, 4 décembre 2023, Claude Evin et Patrick Stefanini.

* 10 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

* 11 FDC 1-2-00640 « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d'offres de soins ».

* 12 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 13 Amendement n° II-212 rect., adopté par le Sénat lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2022.

* 14 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

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