N° 34

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2023,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 29a
Sécurités

(Programmes 152 « Gendarmerie nationale » et 176 « Police nationale » ; Programme 207 « Sécurité et éducation routières »)
COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS

Rapporteur spécial : M. Bruno BELIN

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 3, 291 et T.A. 3

Sénat : 32 (2024-2025)

Les principales observations
du rapporteur spécial

1L'exécution de l'exercice 2023 s'élève, pour l'ensemble de la mission « Sécurités », à 24,2 milliards d'euros en AE (- 1,8 % par rapport à la loi de finances initiale, soit - 447 millions d'euros) et à 23,2 milliards d'euros en CP (+ 0,7 %, soit + 172 millions d'euros).

2Les crédits exécutés du programme 152 « Gendarmerie nationale » sont supérieurs de 0,4 % en AE et de 2,3 % en CP (soit respectivement + 39 millions d'euros et + 227 millions d'euros) aux crédits initiaux. Pour le programme 176 « Police nationale », ils sont stables en CP (+ 0,03 %) mais sont inférieurs de - 1,3 % en AE (soit respectivement + 3 millions d'euros et - 160 millions d'euros).

3. L'exercice 2023 a constitué la première année d'application de la LOPMI (loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur). Il est marqué par la poursuite de la hausse des dépenses de personnel en raison de la hausse des effectifs et des rémunérations. Dans un contexte d'inflation et d'activité intense des forces de sécurité intérieure qui ont renchéri les dépenses de fonctionnement, cette évolution s'est faite au détriment des dépenses d'investissement, qui sont en baisse significative.

4. L'indemnisation d'une partie du stock d'heures supplémentaires dans la police nationale connait une salutaire accélération en 2023, tandis que les réserves opérationnelles voient une hausse progressive de leurs effectifs et une augmentation franche de leur activité.

5. En 2023, le CAS « Radars » voient ses dépenses exécutées fortement augmenter par rapport à 2022, s'établissant à 1,729 milliard d'euros en CP, en hausse de 13,3 %. Les recettes s'établissent quant à elles à 1,794 milliard d'euros, permettant de dégager un solde positif.

I. LES PROGRAMMES « POLICE NATIONALE » ET « GENDARMERIE NATIONALE »

A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2023

Pour l'ensemble de la mission « Sécurités »1(*), les crédits initiaux prévus pour 2023 affichaient une nette hausse de 8,6 % en autorisations d'engagement (AE, + 1,95 milliard d'euros) et de 7,0 % en crédits de paiement (CP, + 1,5 milliard d'euros), par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Ils s'établissaient à 24,6 milliards d'euros en AE et à 23,1 milliards d'euros en CP.

L'exécution de l'exercice 2023 s'établit à l'échelle de la mission à 24,2 milliards d'euros en AE (- 1,8 % par rapport à la loi de finances initiale, soit - 447,0 millions d'euros) et à 23,2 milliards d'euros en CP (+ 0,7 %, soit + 171,7 millions d'euros).

L'exécution des crédits en 2023 s'est opérée dans un contexte riche d'actualités pour les programmes 152 « Gendarmerie nationale » et 176 « Police nationale », qui regroupent 96,9 % des CP consommés en 2023 au sein de la mission.

En effet, c'était tout d'abord la première année d'application de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur2(*) (LOPMI).

La loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation
du ministère de l'intérieur

La LOPMI présente les orientations financières et stratégiques pour le ministère de l'Intérieur pour les années 2023 à 2027, notamment pour la police et la gendarmerie nationales. Le budget du ministère de l'Intérieur, qui porte sur plusieurs missions budgétaires3(*), passerait, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », de 20,78 milliards d'euros en CP en 2022 à 25,35 milliards d'euros en CP en 2027 (+ 4,57 milliards d'euros des crédits annuels, soit + 22,0 %). Au total, la hausse de budget cumulée sur les cinq années 2023-2027 atteindrait environ 15 milliards d'euros.

S'agissant des axes stratégiques, le rapport annexé au projet LOPMI présente différents objectifs et décisions pluriannuelles pour les forces de sécurité intérieures. Ils sont orientés par plusieurs objectifs principaux : être à la hauteur de la révolution numérique, doubler la présence des forces de sécurité sur le terrain à l'horizon 2030 et mieux anticiper les menaces et les crises.

Il est notamment prévu, s'agissant des forces de sécurité :

- la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie et de onze unités de forces mobiles (4 pour la police nationale et 7 pour la gendarmerie) ;

- leur transformation numérique qui vise à la fois à développer les outils numériques des forces de sécurité intérieure, à développer les moyens de lutte contre la cybercriminalité et à renforcer la relation numérique avec les citoyens ; en outre est actée la création d'une Agence du numérique des forces de sécurité, ainsi qu'une école de formation cyber ;

- de doter les policiers et les gendarmes de matériels plus performants et innovants ;

- une réforme de la direction générale de la police nationale (DGPN) et de ses implantations départementales ;

- des mesures en faveur de la filière d'investigation et l'augmentation de ses effectifs ;

- un effort sur la formation des forces de sécurité intérieure, avec une augmentation de 50 % du temps de formation initiale et un doublement de la formation continue ;

- un effort pour favoriser l'exemplarité et la transparence de l'action des forces de l'ordre ;

- une professionnalisation de la fonction immobilière du ministère ainsi que de la politique d'achats, avec de nouveaux outils ;

- de moderniser la gestion des ressources humaines de la police et de la gendarmerie nationales, notamment dans le cadre des protocoles signés avec les organisations syndicales en mars 20224(*).

Source : LOPMI et commission des finances

En outre, l'année 2023 a été marquée par une mobilisation intense - plus forte qu'attendue - des forces de sécurité intérieure, que ce soit dans le cadre d'évènements prévus de longue date (Coupe du monde de rugby en France notamment) ou à l'occasion d'opérations liées à des troubles à l'ordre public (violences urbaines de juin et juillet, opération Wuambushu à Mayotte, incidents en marge des manifestations liées à la réforme des retraites, violences à Sainte-Soline, etc.). Les forces ont par ailleurs tâché de préparer l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 en France.

Enfin, c'est en 2023 que la mise en oeuvre concrète de la réforme de la police nationale a débuté avec la création des nouvelles directions nationales par filière métier et de l'Académie de police, ainsi que par la désignation dans la foulée des préfigurateurs chargés des directions interdépartementales et départementales.

Exécution des crédits des programmes 152 « Gendarmerie nationale »
et 176 « Police nationale » en 2023

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2022

Loi de finances initiale (LFI) pour 2023 

Crédits exécutés 2023

Évolution des crédits exécutés 2022-2023

Exécution 2023 par rapport à la LFI 2023

Police nationale

AE

12 136,5

12 702,8

12 542,8

+ 3,4 %

98,7 %

CP

11 782,4

12 372,9

12 376,2

+ 5,0 %

100,0 %

Gendarmerie nationale

AE

10 064,5

10 367,4

10 406,5

+ 3,4 %

100,4 %

CP

9 659,3

9 910,1

10 136,9

+ 4,9 %

102,3 %

Total

AE

22 200,9

23 070,2

22 949,4

+ 3,4 %

99,5 %

CP

21 441,7

22 283,0

22 513,1

+ 5,0 %

101,0 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En 2023, la loi de finances initiale prévoyait, pour les deux programmes, un montant de crédits de 23,1 milliards d'euros en AE et de 22,3 milliards d'euros en CP, en hausse respectivement de 5,2 % et de 6,4 % par rapport à 2022. Si les CP sont légèrement sur-exécutés, à hauteur de 1,0 % (+ 230,1 millions d'euros), les AE connaissent en revanche une sous-exécution de - 0,5 % (- 120,9 millions d'euros). En un an, le montant des crédits exécutés a augmenté de 3,4 % en AE (+ 748,4 millions d'euros) et de 5,0 % en CP (+ 1,071 milliard d'euros).

Écarts entre la loi de finances pour 2023 et l'exécution 2023 pour les programmes 152 « Gendarmerie nationale » et 176 « Police nationale »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les deux programmes connaissent une exécution différente. Les crédits exécutés du programme 152 « Gendarmerie nationale » sont ainsi supérieurs de 0,4 % en AE et de 2,3 % en CP (soit respectivement + 39,1 millions d'euros et + 226,8 millions d'euros) aux crédits initiaux. Pour le programme 176 « Police nationale », ils sont stables en CP (+ 0,03 %) mais sont inférieurs de - 1,3 % en AE (soit respectivement + 3,2 millions d'euros et - 160,0 millions d'euros).

En 2023, les crédits de la mission, y compris les programmes 176 et 152, ont été relativement peu modifiés en cours d'exécution. Quelques mouvements de faible ampleur sont néanmoins intervenus pour porter les crédits ouverts de la mission à 23,528 milliards d'euros en CP contre 23,072 milliards d'euros en LFI, qu'il s'agisse de reports de crédits de 2022, d'apports de fonds de concours et d'attributions de produits, de virements et transferts ou de la loi de finances de fin de gestion du 30 novembre 20235(*). Le taux d'exécution des CP de la mission par rapport à l'ensemble des crédits ouverts atteint ainsi 100,7 %. Celui du programme 152 « Gendarmerie nationale » s'établit à 102,3 %, et celui du programme 176 « Police nationale » à 100,03 %.

Exécution budgétaire de la mission en CP pour l'exercice 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023

B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une hausse continue des dépenses de personnel liée au renforcement des effectifs et à la revalorisation des rémunérations, qui ne garantissent pas la fidélisation des personnels

Lors de son premier mandat, le Président de la République s'était engagé à créer 10 000 emplois sur la période 2018-2022 pour renforcer les forces de sécurité intérieure. Dans ce cadre, la police nationale devait bénéficier de 7 500 ETP et la gendarmerie nationale de 2 500 ETP. Ce plan avait été respecté, puisqu'entre 2017 et 2022, 8 441 emplois de policiers et 2 052 emplois de gendarmes ont été créés.

Alors que ce plan de création de postes avait pris fin, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé, le 6 septembre 2022, la création de 8 500 postes de policiers et gendarmes supplémentaires d'ici à 2027.

Dans ce contexte, l'exercice 2023 est marqué par une hausse significative des effectifs. Alors que le schéma d'emplois pour les deux programmes était fixé à + 2 857 ETP en loi de finances initiale, soit un niveau record dans la période récente, il a été dépassé en gestion, pour s'établir à + 2 902. Pour la police nationale, la hausse est de + 1 947 ETP (au lieu de + 1 907 ETP), et pour la gendarmerie nationale de + 955 ETP (au lieu de + 950 ETP).

Schémas d'emploi successifs des programmes 152 « Gendarmerie nationale »
et 176 « Police nationale » depuis 2017

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En parallèle de cette hausse des effectifs, la rémunération des policiers et gendarmes a fait l'objet de revalorisations successives. Ces revalorisations sont intervenues soit sous la forme de décisions interministérielles, à l'image de la hausse du point d'indice des fonctionnaires en 2022 et 2023 ou des rehaussements des rémunérations les plus basses, soit par l'intermédiaire de protocoles sociaux spécifiques aux forces de sécurité intérieure, en particulier via les protocoles de 2016, 2018 et 2022. Ces revalorisations touchent tant le traitement indiciaire que le régime indemnitaire des agents. À titre d'exemple, les deux protocoles de mars 2022 pour la modernisation des ressources humaines signés dans la police nationale et dans la gendarmerie nationale devraient conduire à des dépenses supplémentaires d'environ 1,5 milliard d'euros sur 5 ans, à compter de 2023, notamment sous la forme de primes et d'indemnités.

Les montant des primes et indemnités a cru en 2023 de 6 % en un an (sous l'effet des protocoles sociaux, en particulier ceux de mars 2022), tandis que le traitement indiciaire a augmenté de 5 % (revalorisation du point d'indice des fonctionnaires de 1,5 % en juillet 2023).

Le cumul des effets « volume » (hausse des effectifs) et « valeur » (hausse des rémunérations) conduit finalement à une augmentation globale et continue des dépenses de personnel pour les deux forces. Les dépenses de personnel (dites du « titre 2 ») des deux programmes augmentent ainsi nettement en 2023, de 5,1 % (+ 930 millions d'euros) par rapport à l'exécution de l'exercice 2022. Les crédits exécutés de personnel s'établissent ainsi à 19,2 milliards d'euros pour les deux programmes.

Cette tendance haussière des dépenses de personnel a vocation à perdurer. En effet, les ambitieux plans de recrutement à venir, mis en place dès 2023, associés à la hausse des mesures indemnitaires décidées dans les protocoles de mars 2022 devraient vraisemblablement avoir pour effet direct de tarir les mouvements de fongibilité asymétrique, tandis que les crédits de personnel devraient accaparer une part substantielle de la hausse des crédits de la mission prévue à l'horizon 2027. La LOPMI prévoyait, pour l'année 2027, une hausse des crédits de titre 2 de 1,5 milliard d'euros par rapport au montant exécuté de 2022 pour ces deux programmes ; cette hausse sera vraisemblablement nettement dépassée.

Afin d'évaluer l'efficacité de la hausse des crédits de personnel, celle-ci doit être mise en regard avec les objectifs qui lui sont assignés, à savoir principalement la hausse de la présence des forces sur la voie publique, d'une part, et une fidélisation des agents, d'autre part.

Sur le premier point, le taux d'engagement des effectifs sur le terrain apparait effectivement en hausse, avec un taux de 29,7 % contre 27,8 % en 2022 pour la police nationale et 41 % pour la gendarmerie nationale contre 39 % en 2022. Cette progression est une bonne nouvelle et doit être saluée ; elle doit se poursuivre.

Sur le second point, le bilan est moins positif. En effet, les départs sont aujourd'hui très nombreux dans les deux forces, selon une tendance croissante depuis la crise du Covid-19. En 2023, le taux de renouvellement annuel des personnels s'établit à 6 % pour la police nationale et à 10 % pour la gendarmerie. Ce niveau élevé de départs touche à la fois les départs en retraite (en hausse de 13 % depuis 2019 dans la gendarmerie nationale, et de 45 % pour la police nationale), les départs temporaires (en lien avec la hausse des détachements, des mutations et des congés longs) et les ruptures et fins de contrats, dans un contexte d'augmentation du recours aux contractuels.

Ces départs sont compensés par une intensification du recrutement, en particulier par l'intermédiaire de la promotion interne des policiers et gendarmes adjoints, et par des détachements et mutations vers les deux forces. Néanmoins, cette situation appelle deux remarques.

En premier lieu, elle est de nature à créer des déséquilibres au sein des services du fait de vacances et de pertes de compétences, à saturer un appareil de formation déjà sous forte tension du fait de la politique de hausse des effectifs et, enfin, à créer des distorsions dans la politique de recrutement. La police nationale a ainsi dû avoir recours en 2023 au recrutement d'un nombre élevé de personnels administratifs de catégorie C, surtout des contractuels, en lieu et place de policiers sur un certain nombre de missions. Si une politique de substitution de cette nature est en partie volontaire, afin de concentrer les policiers sur des missions « actives », elle est déployée de façon plus large que prévue en raison de pénuries d'effectifs liées à des départs.

En deuxième lieu, ce niveau élevé de départs témoigne des limites des hausses de rémunération récentes pour fidéliser les personnels. Comme l'a souvent proposé la Cour des comptes dans ses rapports, il apparait souhaitable de s'appuyer également sur d'autres leviers pour fidéliser les personnels, notamment par l'intermédiaire d'une politique de ressources humaines rénovée, et de meilleures conditions matérielles de travail, notamment en termes d'immobilier.

2. Un déséquilibre budgétaire au profit des dépenses de personnel et au détriment des dépenses d'investissement

En 2023, les crédits de personnel (titre 2) exécutés pour les deux programmes s'établissent à 19,23 milliards d'euros en CP et en AE, en hausse de 5,1 % (+ 930,4 millions d'euros). Quant aux crédits hors titre 2 exécutés, ils s'établissent à 3,28 milliards d'euros en CP et à 3,71 milliards d'euros en AE. S'ils sont en hausse de 4,5 % par rapport à 2022 en CP (+ 140 millions d'euros), ils sont en revanche en baisse de 4,7 % en AE (- 182,0 millions d'euros).

Cette évolution conduit à maintenir les équilibres globaux en vigueur entre ces deux types de crédits au sein des deux programmes. Les dépenses de personnel continuent ainsi de représenter plus de 85 % des crédits, un niveau très élevé, contre moins de 15 % pour les dépenses hors titre 2.

Part des dépenses de personnel dans l'ensemble des crédits
de la « Police nationale » et de la « Gendarmerie nationale »

(en CP, en millions d'euros, en exécution)

   

2022

2023

Police nationale

Titre 2

10 285,40

10 765,77

Total

11 782,40

12 376,17

Titre 2 / Total

87,3 %

87,0 %

Gendarmerie

Titre 2

8 019,04

8 469,12

Total

9 659,34

10 136,93

Titre 2 / Total

83,0 %

83,6 %

Total

Titre 2

18 304,4

19 234,89

Total

21 441,7

22 513,10

Titre 2 / Total

85,4 %

85,4 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Une analyse plus détaillée de l'évolution des crédits exécutés au sein de la catégorie « hors titre 2 » révèle que par rapport aux crédits exécutés en 2022, si les dépenses de fonctionnement augmentent de 9,4 % en CP (+ 235,9 millions d'euros), les dépenses d'investissement sont en nette baisse de - 15,3 % (- 89,0 millions d'euros). La baisse des crédits d'investissement est d'autant plus marquée en AE, puisqu'elle atteint - 41,63 % (- 372,8 millions d'euros). Cette baisse résulte de l'exécution et non de la prévision initiale, qui s'établissait en légère hausse.

S'agissant des dépenses de fonctionnement et d'équipement, la hausse constatée des dépenses doit être relativisée quant à ses effets sur le terrain. En effet, elle est largement due à l'inflation et au niveau d'activité opérationnelle supérieure à la prévision pour les deux forces, augmentant mécaniquement les coûts. Elle semble en revanche moins corrélable à une amélioration structurelle des conditions de fonctionnement ou d'équipement des forces.

À titre d'exemple, alors que les dépenses de carburant devaient représenter 56,3 millions d'euros en CP en 2023 pour la police nationale, elles ont atteint 72,9 millions d'euros. Pour la gendarmerie nationale, elles atteignent 79,2 millions d'euros, contre 55,7 millions d'euros prévus initialement. De même, les dépenses d'énergie et de fluides (électricité, eau, chauffage, etc.) sont rehaussées par l'augmentation de leur coût unitaire : ces dépenses progressent de 45,2 % pour la police (+ 37,5 millions d'euros) et de 43,8 % pour la gendarmerie (+ 41,3 millions d'euros).

S'agissant des dépenses d'investissement, les chiffres témoignent d'un effet d'éviction. Cet effet se fait au bénéfice des dépenses de personnel, comme en témoigne le niveau des crédits de personnel, d'une part, et d'investissement, d'autre part, par rapport à l'ensemble des crédits des deux programmes (respectivement 85,4 % et 2,3 % en exécution en 2023).

L'exercice 2023, première année de mise en oeuvre de la LOPMI, est caractérisée paradoxalement par une réduction particulièrement significative des crédits d'investissement exécutés. Cette situation s'explique par le fait que ces crédits constituent des dépenses pilotables et sont donc de facto susceptibles de servir de variable d'ajustement lorsque le contexte budgétaire est tendu. C'est ce qui s'est produit en 2023, une partie des crédits d'investissement ayant servi à financer des dépenses de fonctionnement plus urgentes et plus fortes que prévues6(*).

Pour la police nationale, cette forte baisse des dépenses d'investissement s'est notamment traduite par une nette réduction de l'acquisition de moyens mobiles, 84 millions d'euros de CP ayant été exécutés, contre 126 millions d'euros en 2022. Pour la gendarmerie nationale, la baisse porte tant sur les moyens mobiles, avec 45,4 millions d'euros de CP exécutés (contre 126,8 millions d'euros en 2022), que sur l'immobilier, avec 129,7 millions d'euros de CP exécutés (contre 134,2 millions d'euros en 2022). Cette évolution est regrettable, d'autant que les besoins en véhicules et en investissement immobilier sont importants.

La tendance baissière étant beaucoup plus significative en AE qu'en CP, une telle évolution interroge également pour l'avenir. En effet, pour garantir l'opérationnalité des forces, la qualité des infrastructures et des lieux de travail - et de vie pour les gendarmes - et une bonne gestion financière à long terme (en évitant la dégradation des équipements par un des investissements réguliers), il est nécessaire d'assurer un niveau d'investissement suffisamment élevé.

Or, la LOPMI avait notamment pour but de garantir un équilibre entre les types de dépenses. Si le niveau fixé par la LOPMI pour les crédits hors titre 2 est atteint pour la police nationale (1,61 milliard d'euros contre 1,54 milliard d'euros prévus) et pour la gendarmerie (1,67 milliard d'euros contre 1,56 milliard d'euros prévus), c'est en raison de la largeur de l'agrégat « hors titre 2 ». Comme le souligne la Cour des comptes, une cible spécifique par titre aurait été pertinente, a fortiori pour ce qui concerne les dépenses d'investissement, qui ont déjà trop souvent servi de variable d'ajustement par le passé.

3. Des réserves opérationnelles dont l'activité augmente plus que les effectifs et une hausse opportune des dépenses liées à l'indemnisation des heures supplémentaires dans la police nationale

Alors que des objectifs très ambitieux ont été fixés par la LOPMI, à l'initiative du Gouvernement, quant aux effectifs visés pour les réserves opérationnelles à l'horizon 2027 (30 000 pour la réserve de la police nationale et 50 000 pour celle de la gendarmerie nationale), ces derniers augmentent effectivement, sans que les objectifs fixés ne puissent néanmoins être atteints. En 2023, la réserve de la gendarmerie nationale est composée de près de 32 700 réservistes (+ 1 700 en un an, soit + 5,5 %), tandis que celle de la police nationale comprend 6 500 réservistes (+ 1 750 en un an, soit + 36,1 %). Ces recrutements sont associés à une hausse plus que proportionnelle de l'activité des réserves opérationnelles, compensant ainsi un recrutement plus faible que prévu. Cette hausse de l'activité totale se traduit budgétairement par une hausse des dépenses en lien avec les réserves (+ 13,6 millions d'euros pour la police nationale par rapport à 2022, + 16,4 millions d'euros pour la gendarmerie nationale).

Par ailleurs, l'exercice 2023 a connu une forte augmentation des dépenses en lien avec l'indemnisation d'une partie du stock d'heures supplémentaires des policiers. En effet, contrairement aux gendarmes, les policiers bénéficient d'une compensation au titre des services supplémentaires effectués (dépassement horaire, permanences, rappels). Sauf pour les compagnies républicaines de sécurité (CRS), dont les heures supplémentaires peuvent être payées, ces services complémentaires sont en principe compensés par l'octroi d'heures récupérables7(*).

Si l'utilisation des heures supplémentaires constitue une manière de répondre à la nécessité de renforcer la présence des policiers sur le terrain, l'accroissement de l'activité opérationnelle à compter de 2014 a entrainé l'augmentation sensible de leur stock.

Pour la première fois depuis l'émergence de cette problématique, une mesure nouvelle de 26,5 millions d'euros avait été inscrite en loi de finances pour 2020 puis pour 2021 et 2022, pour indemniser un volume identifié comme incompressible par la DGPN afin de donner aux chefs de service les marges de manoeuvre opérationnelles nécessaires. Le stock d'heures supplémentaires à apurer avait été abaissé au 31 décembre 2022 à 14,3 millions d'heures, soit un niveau inférieur de 38,1 % à celui de 2018.

Sur la base d'une dotation réhaussée à 42,5 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2023, 3,9 millions d'heures ont été indemnisées cette même année. Des difficultés informatiques du ministère de l'Intérieur empêchent néanmoins de connaître le stock et le flux de création d'heures supplémentaires à fin 2023.

La mobilisation des policiers en heures supplémentaires, qui est un levier utile, implique l'attente légitime qu'une compensation soit effectivement octroyée, dans des délais raisonnables. Pour mémoire, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit le relèvement de l'enveloppe de crédits dédiés à la campagne d'indemnisation des heures supplémentaires, pour la porter à 67,5 millions d'euros.

II. LE PROGRAMME 207 « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES »

Le programme 207 « Sécurité et éducation routières » retrace une partie des dépenses réalisées par l'État pour réduire le nombre d'accidents de la route à travers des mesures de prévention, d'information et d'éducation routières. Les dépenses liées au volet répressif de la politique de sécurité routière (radars et gestion des points des permis de conduire) sont financées par le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers »8(*), qui finance également des dépenses liées à la prévention.

En exécution, les dépenses hors personnel9(*) se sont élevées en 2023 à 55,5 millions d'euros en CP (et à 65,5 millions d'euros en AE), soit un montant supérieur à l'exécution 2022 (+ 13,3 % en CP) mais nettement inférieur à ce que prévoyait la LFI (- 25,3 %). Cette sous-exécution s'explique en particulier par une sous-consommation des crédits liés à l'organisation déconcentrée d'actions de sensibilisation lors de manifestations nationales (action n° 02 « Démarches interministérielles et communication »), à hauteur d'environ 12 millions d'euros, sans que le rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » n'en donne de justification.

Récapitulation de l'exécution 2023 du programme 207

(en millions d'euros)

Type de crédit

Exécution 2022

LFI 2023

Exécution 2023

Évolution 2023/2022

Taux d'exécution 2023/LFI

AE

49,4

75,3

65,5

+ 32,5 %

87,0 %

CP

49,0

74,4

55,5

+ 13,3 %

74,7 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023

En 2020, dans le contexte de la crise du covid-19, la mortalité routière avait atteint un point bas historique et s'établissait à 2 780 tués sur les routes de France, en métropole ou en outre-mer, contre 3 498 en 2019. En 2021, le nombre de tués sur les routes (3 219) avait connu une hausse par rapport à 2020, qui s'explique en partie par la reprise du trafic routier, tandis qu'en 2022, 3 550 personnes étaient décédées sur les routes de France, dans un contexte de reprise complète du trafic routier.

En 2023, 3 402 personnes sont décédées sur les routes de France (3 170 en France métropolitaine et 232 dans les outre-mer), soit une baisse de 4,2 % par rapport à 2022 et un niveau inférieur au dernier chiffre de référence de 2019.

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS » (CAS « RADARS »)

L'article 49 de la loi de finances pour 200610(*) a créé le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », habituellement appelé CAS « Radars » ou CAS « Amendes ».

Depuis le 1er janvier 2017, la section 1 « Contrôle automatisé » ne comprend plus qu'un seul programme, le programme 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière » finançant :

le déploiement et l'entretien des radars ;

- le traitement des messages d'infractions constatées par un dispositif de contrôle automatisé et à leur transformation en avis de contravention par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) et son centre national de traitement (CNT) ;

- les charges de gestion du permis à points.

La section 2 « Circulation et stationnement routiers » comprend :

- le programme 753 « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers » qui gère le déploiement du « procès-verbal électronique », le « PVe ». L'objectif principal de cet outil était de moderniser substantiellement, au profit des forces de l'ordre et des polices municipales, la gestion des amendes en substituant au carnet à souche des outils nomades plus performants. Le PVe permet la verbalisation des infractions routières mais également d'infractions d'autres natures, notamment dans le cadre de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD), qui s'applique par exemple à l'usage illicite de stupéfiants et aux délits d'installation illicite sur le terrain d'autrui et d'occupation illicite des parties communes d'immeubles d'habitation. La loi LOPMI a encore étendu les délits concernés ;

- le programme 754 « Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières » transfère aux collectivités territoriales une partie des recettes des amendes ;

- le programme 755 « Désendettement de l'État » vient abonder le budget général au titre des recettes non fiscales.

Le « CAS Radars » a vocation à retracer les dépenses financées à partir du produit des amendes. Ses recettes se composent du produit :

- d'une part, des amendes non-majorées perçues par la voie de systèmes automatisés de contrôle-sanction, après retranchement des fractions de ce produit affectées à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France) et au Fonds pour la modernisation et l'investissement en santé (FMIS, anciennement FMESPP) ;

- d'autre part, des amendes issues de la police de circulation, y compris amendes forfaitaires majorées, après retranchement de la fraction de ce produit affectée au budget général.

Il convient donc de noter que l'ensemble des recettes des amendes de la circulation ne revient pas au CAS, une partie étant affectée à l'AFIT France, au FMIS et au budget général.

En 2023, le schéma d'affectation du produit des amendes de police de la circulation et du stationnement routiers était le suivant :

Schéma d'affectation du produit des amendes de police de la circulation
et du stationnement routiers dans la loi de finances initiale pour 2023

Source : projet annuel de performances du CAS Radars annexé au projet de loi de finances pour 2023

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2023

1. Un solde positif en 2023, comme depuis 2021, tandis que le nombre de radars atteint un niveau record

En 2020, en exécution, pour la troisième année consécutive, le compte spécial avait enregistré un solde négatif (- 182 millions d'euros), résultant de l'écart entre les dépenses en crédits de paiement, et les recettes affectées au compte. Le solde budgétaire est redevenu positif en 2021 (+ 131 millions d'euros) et l'est resté en 2022, de 99 millions d'euros. Il l'est également en 2023, de 65 millions d'euros. Le montant cumulé du solde du compte spécial apparaît quant à lui très positif, s'établissant ainsi à 1 130,8 millions d'euros à fin 2023.

En 2023, les dépenses exécutées du CAS sont en forte hausse par rapport à 2022, s'établissant à 1,729 milliard d'euros en CP. Les recettes s'établissent quant à elles à 1,794 milliard d'euros.

Évolution des recettes et dépenses du CAS depuis 2015

(en millions d'euros)

Année

Recettes affectées au CAS

Dépenses en CP du CAS

Solde budgétaire du CAS

2015

1 329,60

1 285,60

44,00

2016

1 421,40

1 342,00

79,40

2017

1 527,70

1 362,30

165,40

2018

1 462,85

1 466,40

- 3,55

2019

1 346,68

1 387,08

- 40,40

2020

1 144,00

1 326,29

- 182,29

2021

1 364,00

1 232,90

131

2022

1625,16

1 526,37

98,8

2023

1 794,73

1 729,25

65,5

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023

La hausse des dépenses par rapport à 2022 se concentre sur les programmes 754 (+ 16,3 %, soit + 90,6 millions d'euros) et 755 (+ 12,9 %, soit + 79,1 millions d'euros), les crédits du programme 751, au coeur des dépenses de sécurité routière du compte, étant quant à eux en hausse de 10,0 % (soit + 33,2 millions d'euros), dans un contexte de hausse du nombre et de la disponibilité des radars et donc du coût de leur gestion et de leur entretien.

Par ailleurs, les dépenses du CAS sont également en progression par rapport à ce que prévoyait la loi de finances initiale, de 5,4 % en CP (+ 88,5 millions d'euros).

2. Des recettes supérieures aux prévisions, finançant des dépenses supplémentaires au profit des collectivités territoriales et du désendettement de l'État

Alors que la prévision initiale des recettes était déjà en hausse par rapport à 2022, le produit total des recettes constatées issues des amendes de la circulation et du stationnement routiers (radars et hors radars) a été supérieur en 2023 aux prévisions initiales. Les recettes prévues en 2023 s'élevaient à 1 931 millions d'euros (en hausse de 8 % par rapport à 2022) et ont finalement atteint 2 076 millions d'euros11(*), soit une sur-exécution de 7,5 %.

Estimées à 755 millions d'euros par la LFI 2022, les recettes des amendes forfaitaires radars non majorées (section 1) se sont élevées à 747 millions d'euros soit une réalisation légèrement en-dessous de la prévision (- 1 %), alors même que le nombre de radars a augmenté, tout comme leur taux de disponibilité. 131 nouveaux radars ont ainsi été déployés en 2023 ; le parc atteint ainsi 4 661 appareils à fin 2023, contre 4 530 à fin 2022. Le taux de disponibilité est quant à lui de 90,6 % en moyenne en 2023, soit 3,3 points de plus qu'en 2022.

Concernant la section 2 relative aux recettes des autres amendes de la circulation, ces dernières ont été notablement supérieures aux prévisions puisqu'elles s'élèvent à 1 329 millions d'euros alors qu'elles étaient estimées à 1 176 millions d'euros en LFI, soit une sur-exécution de 13 %.

La loi de finances de fin de gestion (LFFG) du 30 novembre 2023 avait ajusté les prévisions des recettes en cours d'année. Elle estimait ces dernières, à ce moment-là, à 764 millions d'euros pour les amendes forfaitaires radars non majorées, soit 9 millions d'euros de plus qu'initialement, et à 1 340 millions d'euros pour les amendes forfaitaires hors radars et amendes forfaitaires majorées, au lieu de 1 176 millions d'euros. En conséquence, elle avait revu à la hausse, de 9 millions d'euros, les recettes affectées à l'AFIT France. Par ailleurs, elle avait rehaussé de 87 millions d'euros les crédits du programme 754 et de 77 millions ceux du programme 755, conformément à la clé de répartition applicable. Ces estimations ont ensuite été corrigées en toute fin de gestion en fonction du niveau de recettes, pour s'établir au niveau des dépenses et recettes exécutées12(*).

B. LE « CAS RADARS », DEVENU TROP COMPLEXE, N'EST PLUS LISIBLE ET NE REFLÈTE PAS L'EFFORT FOURNI AU TITRE DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

La création du CAS en 2006 est intervenue quelques années après la mise en oeuvre de la politique de contrôle automatisé. Sa fonction était de matérialiser le lien direct entre les recettes issues de la verbalisation et les dépenses liées à la sécurité routière. Toutefois, les modifications apportées depuis 2006 ont non seulement complexifié le CAS mais lui ont également largement fait perdre son sens initial.

En premier lieu, le CAS ne bénéficie pas de l'ensemble des recettes des amendes liées au contrôle automatisé ou à la police de la circulation, une partie des fonds étant affectée à l'AFIT France, au FMIS et au budget général en amont ou en aval de la répartition au sein du CAS13(*). Ainsi, sur les 2 076 millions d'euros de recettes constatées en 2023, seuls 1 794,7 millions d'euros sont revenus au CAS, soit 86,4 %. En sens inverse, toutes les dépenses de sécurité routière portées par l'État, qui représentaient au total 3 784 millions d'euros en 202314(*), ne sont pas assumées par le CAS.

En deuxième lieu, des recettes des amendes sont annuellement attribuées au programme 755 « Désendettement de l'État », qui ne concerne pas des dépenses de sécurité routière, ce qui contrevient au principe de spécialité des crédits au sein du CAS. En 2023, les CP exécutés de ce programme ont représenté 40,0 % des dépenses du CAS.

En troisième lieu, la complexité de la répartition des crédits au sein du CAS le rend peu lisible.

Dans ces conditions, le CAS ne répond plus, en l'état, à sa fonction.


* 1 La mission « Sécurités » est composée de quatre programmes : 176 « Police nationale », 152 « Gendarmerie nationale », 161 « Sécurité civile » et 207 « Sécurité et éducation routières ».

* 2 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 3 Il couvre trois missions (« Sécurités », « Administration générale et territoriale de l'État », et « Immigration, asile et intégration »), le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et les taxes affectées à l'ANTS (Agence nationale des titres sécurisés). Sont toutefois exclus du périmètre de la LOPMI le programme 232 « Vie politique » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », les programmes 754 et 755 du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », et les programmes « Outre-mer ».

* 4 Voir infra.

* 5 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

* 6 Voir supra.

* 7 Ces dernières correspondent au nombre d'heures supplémentaires, multiplié par un coefficient allant de 1 à 3 selon le moment où elles ont été effectuées.

* 8 Voir infra.

* Depuis le 1er janvier 2015, les dépenses de titre 2 du programme 207 « Sécurité et éducation routières » ont été transférées au programme support 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieure » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », afin d'en améliorer la gestion.

* 10 Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 11 Une partie de ces recettes ne revient pas au CAS Radars, voir supra.

* 12 Voir supra.

* 13 Voir supra.

* 14 Document de politique transversale 2023 « sécurité routière ».

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