- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
- I. UNE EXÉCUTION QUI MOBILISE TOUJOURS
DAVANTAGE DE CRÉDITS
- II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
SUR LES PROGRAMMES 112 ET 162
- A. LE PROGRAMME 112 : UNE MISSION
D'ACCOMPAGNEMENT DES TERRITOIRES QUI MOBILISE DES CRÉDITS EN
HAUSSE
- 1. Un champ d'intervention particulièrement
éclectique sous l'appellation « Impulsion et coordination de
la politique d'aménagement du territoire »
- 2. Des dépenses d'exécution en hausse
malgré une programmation initiale une nouvelle fois insuffisante
- 3. L'Agence nationale de la cohésion des
territoires (ANCT) une agence à consolider au service des
territoires
- 1. Un champ d'intervention particulièrement
éclectique sous l'appellation « Impulsion et coordination de
la politique d'aménagement du territoire »
- B. LE PROGRAMME 162 « INTERVENTIONS
TERRITORIALES DE L'ÉTAT » : HUIT ACTIONS
TERRITORIALISÉES AUX ORIENTATIONS TRÈS VARIÉES
- A. LE PROGRAMME 112 : UNE MISSION
D'ACCOMPAGNEMENT DES TERRITOIRES QUI MOBILISE DES CRÉDITS EN
HAUSSE
- I. UNE EXÉCUTION QUI MOBILISE TOUJOURS
DAVANTAGE DE CRÉDITS
N° 34 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024 |
RAPPORT PRÉSENTÉ au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 6b (Programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État ») Rapporteur spécial : M. Bernard DELCROS |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 3, 291 et T.A. 3 Sénat : 32 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
1. Les crédits exécutés de la mission « Cohésion des territoires » se sont élevés en 2023 à 18,01 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 18,83 milliards d'euros en crédits de paiement, ce qui représente une augmentation de 3,0 % en autorisations d'engagement et de 3,5 % en crédits de paiement par rapport à 2022.
2. Au sein de la mission dans son ensemble, les deux programmes territorialisés 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État » ne pèsent que 2,6 % des crédits de paiement exécutés en 2023, même si leur importance dans les politiques menées par les acteurs locaux va bien au-delà de cette donnée statistique.
3. Les deux programmes font l'objet d'une hausse des dépenses constatées entre 2022 et 2023. S'agissant du programme 112, la hausse est pour partie liée à la montée en puissance de plusieurs dispositifs, comme le programme France Services.
4. Le rapporteur spécial note, comme chaque année, pour les programmes 112 et 162, l'importance des mouvements de crédits infra-annuels, aboutissant à des surconsommations ou à des sous consommations selon les actions par rapport à la loi de finances initiale. Ceux-ci rendent peu fiables les prévisions initiales et incertaines les lignes de conduite suivies par les différentes politiques publiques concernées.
5. Enfin, il note avec satisfaction la création d'une huitième action sur le programme 162 « Plan sargasses II », qui traduit une réelle prise en compte du problème des algues brunes dans les Antilles, tout en souhaitant que les insuffisances constatées dans la lutte contre les algues vertes en Bretagne ne se reproduisent pas.
I. UNE EXÉCUTION QUI MOBILISE TOUJOURS DAVANTAGE DE CRÉDITS
La mission « Cohésion des territoires » est composée de six programmes portant des politiques de natures diverses, allant de la politique du logement à celle de l'aménagement du territoire :
- le programme 109 « Aide à l'accès au logement » porte principalement les crédits des aides personnelles au logement ;
- le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » comprend le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), qui finance une partie des contrats de plan État-régions ainsi que divers dispositifs, dont « France Services » ;
- le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » finance, via des fonds de concours, les aides à la pierre et, au moyen de crédits budgétaires, d'autres actions relatives au logement, à la construction, à l'urbanisme et à l'aménagement ;
- le programme 147 « Politique de la ville » porte les moyens de l'État consacrés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et au nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) ;
- le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) porte sept actions spécifiques de portée régionale ou interrégionale ;
- le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » vise à répondre aux situations d'hébergement d'urgence et à permettre l'accès au logement.
A. LA MISSION « COHÉSION DES TERRITOIRES » REGROUPE DES POLITIQUES VARIÉES POUR 18 MILLIARDS D'EUROS, EN HAUSSE DE 3 %
Les crédits exécutés de la mission « Cohésion des territoires » se sont élevés en 2023 à 18,01 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 18,83 milliards d'euros en crédits de paiement, ce qui représente une augmentation de 3,0 % en autorisations d'engagement et de 3,5 % en crédits de paiement par rapport à 2022.
Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires » en 2023
(en millions d'euros et en pourcentage)
2022 |
2023 |
Exécution / LFI 2023 |
Exécution |
|||||||
2023 / 2022 |
||||||||||
LFI |
Exécution |
LFI |
Exécution |
en volume |
en % |
en volume |
en % |
|||
177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
AE |
2 785,8 |
2 976,4 |
+ 6,8 % |
2 825,8 |
3 068,7 |
+ 242,9 |
+ 8,6 % |
+ 92,3 |
+ 3,1 % |
CP |
2 677,5 |
2 885,4 |
+ 7,8 % |
2 850,6 |
3 076,5 |
+ 225,9 |
+ 7,9 % |
+ 191,1 |
+ 6,6 % |
|
109 - Aide à l'accès au logement |
AE |
13 079,4 |
13 078,5 |
- 0,0 % |
13 371,3 |
13 290,8 |
- 80,5 |
- 0,6 % |
+ 212,3 |
+ 1,6 % |
CP |
13 079,4 |
13 079,4 |
- 0,0 % |
13 371,3 |
13 290,8 |
- 80,5 |
- 0,6 % |
+ 211,4 |
+ 1,6 % |
|
135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat |
AE |
1 064,5 |
962,1 |
- 9,6 % |
1 567,1 |
1 395,6 |
- 171,5 |
- 10,9 % |
+ 433,5 |
+ 45,1 % |
CP |
1 064,5 |
891,7 |
- 16,2 % |
1 145,8 |
1 089,2 |
- 56,6 |
- 4,9 % |
+ 197,5 |
+ 22,1 % |
|
112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire |
AE |
282,2 |
382,5 |
+ 35,6 % |
380,8 |
396,8 |
+ 16,1 |
+ 4,2 % |
+ 14,3 |
+ 3,7 % |
CP |
284,9 |
338,0 |
+ 18,6 % |
313,8 |
340,1 |
+ 26,3 |
+ 8,4 % |
+ 2,1 |
+ 0,6 % |
|
147 - Politique de la ville |
AE |
558,3 |
551,5 |
- 1,2 % |
597,9 |
565,4 |
- 32,5 |
- 5,4 % |
+ 13,9 |
+ 2,5 % |
CP |
558,3 |
551,8 |
- 1,2 % |
597,9 |
565,5 |
- 32,4 |
- 5,4 % |
+ 13,7 |
+ 2,5 % |
|
162 - Interventions territoriales de l'État |
AE |
147,1 |
328,1 |
+ 123,0 % |
158,0 |
116,4 |
- 41,6 |
- 26,4 % |
- 211,7 |
- 64,5 % |
CP |
176,4 |
137,7 |
- 21,9 % |
104,5 |
148,5 |
+ 44,0 |
+ 42,1 % |
+ 10,8 |
+ 7,8 % |
|
Total mission |
AE |
17 917,4 |
18 279,1 |
+ 2,0 % |
18 900,9 |
18 833,7 |
- 67,1 |
- 0,4 % |
+ 554,6 |
+ 3,0 % |
CP |
17 841,1 |
17 884,0 |
+ 0,2 % |
18 383,8 |
18 510,6 |
+ 126,8 |
+ 0,7 % |
+ 626,6 |
+ 3,5 % |
Note : AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. LFI : budgétisation en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement ou de résultats de la gestion.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Cette augmentation résulte d'une augmentation en volume des crédits consommés dans tous les programmes :
- les crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » poursuivent leur augmentation (+ 191,1 millions d'euros en crédits de paiement, après une augmentation de 207,9 millions d'euros en 2022) ;
- de même les crédits des programmes 147 « Politique de la ville », 109 « Aide à l'accès au logement » et 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » sont en augmentation en volume, respectivement de 2,5 %, 1,6 % et 0,6 %. Cela correspond néanmoins à une réduction en euros constants, dans la mesure où l'inflation1(*) atteignait en 2023 4,9 % ;
- le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », après une diminution en 2022, connaît une augmentation importante en lien notamment avec l'augmentation de la subvention allouée à l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (ANAH) ;
- le programme 162 « Interventions territoriales de l'État », bien que connaissant une diminution importante des autorisations d'engagement ouvertes, voit les crédits consommés augmenter de 7,8 % (+ 10,8 millions d'euros), en raison d'une structure de crédits constituée en grande partie par des reports, des transferts en gestion et des crédits de fonds de concours.
La très grande majorité des crédits de la mission correspond à des dépenses largement contraintes : dépenses de guichet (aides au logement du programme 109, qui représentent 75 % des crédits de la mission en 2023), ou fortement déterminées par l'évolution de la situation économique et sociale (dépenses d'hébergement et de veille sociale portées par le programme 177) et donc difficilement pilotables.
La mission comporte très peu de dépenses de personnel. Le montant des crédits de paiement de titre 2 exécuté en 2023 est de 1,4 million d'euros, exclusivement imputés sur le programme 147 « Politique de la ville » au titre de la masse salariale des délégués du préfet pour 275 équivalents temps plein travaillés (ETPT). En effet, l'essentiel des dépenses de personnel est en fait porté par la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Comme chaque année, le programme 135 est celui qui a été le plus concerné par les mouvements de crédits en cours d'année, en raison du financement par fonds de concours des projets relevant du fonds national d'aide à la pierre (FNAP, voir infra), des transferts en provenance de la mission « Plan de relance » et de la nature pluriannuelle des projets qui a pour conséquence un niveau élevé de reports de crédits d'année en année.
Enfin, la loi de finances de fin de gestion (LFG), promulguée le 30 novembre 2023, a annulé les crédits de la réserve n'ayant pas connu de dégel pour les programmes 109, 162 et 135. En revanche, elle a permis d'ouvrir 218,74 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement dans le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », afin d'accroître le nombre de places d'hébergement d'urgence - passé de 200 000 en 2022 à 203 000. En outre, cela a permis d'ouvrir des places pour les femmes victimes de violences, de financer le soutien aux réfugiés ukrainiens et de compenser une partie des effets de l'inflation.
Au sein de la mission dans son ensemble, les deux programmes territorialisés de la mission ne pèsent que 2,6 % des crédits de paiement exécutés en 2023. Il faut toutefois souligner que leur perception par les acteurs locaux va bien au-delà de cette donnée statistique.
B. DES DÉPENSES FISCALES QUI DEMEURENT ÉLEVÉES MALGRÉ UNE MODIFICATION CONTESTABLE DE LEUR MODE DE CALCUL
D'après le rapport annuel de performances, les dépenses fiscales rattachées à la mission « Cohésion des territoires » ont un coût total estimé à 8,53 milliards d'euros en 2023 après actualisation, contre 11,3 milliards prévus initialement. Cela représente 46,1 % des crédits consommés, montrant que l'outil de la dépense fiscale est utilisé de façon conséquente par rapport à celui des crédits budgétaires pour porter les politiques publiques de la mission « Cohésion des territoires ». La baisse importante par rapport à 2022 - où l'on comptait 15,8 milliards d'euros de dépenses fiscales afférentes à la mission - est liée à une modification du mode de calcul2(*) de ces dernières et non à une évolution de fond.
Les « niches fiscales » sont concentrées presque entièrement sur les programmes 135 (90,4 % des dépenses fiscales de la mission en montant) et 112 (5,8 %). Les dépenses fiscales du programme 135 représentent 9,8 fois le montant des crédits consommés dans ce programme, alors même que ces crédits incluent une part importante de fonds de concours.
Volume des dépenses budgétaires et fiscales au sein de chacun des programmes
de la mission "Cohésion des territoires" en 2023
Source : Cour des comptes (analyse de l'exécution budgétaire 2023)
Ainsi, alors que les dépenses fiscales se traduisent en fin de compte par le même impact négatif sur le solde budgétaire que les dépenses budgétaires, il est possible d'esquisser deux cartographies très différentes de la mission « Cohésion des territoires » :
- si on considère les crédits budgétaires, les programmes 109 « Aide à l'accès au logement » et 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » dominent très largement l'exécution de la mission ;
- si l'on prend en compte les dépenses fiscales, ce sont les programmes 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » qui occupent la première place.
Dépenses budgétaires et
dépenses fiscales sur les programmes
de la mission
« Cohésion des territoires »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir du rapport annuel de performances. Crédits consommés en 2023 et chiffrage actualisé des dépenses fiscales en 2023
II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LES PROGRAMMES 112 ET 162
A. LE PROGRAMME 112 : UNE MISSION D'ACCOMPAGNEMENT DES TERRITOIRES QUI MOBILISE DES CRÉDITS EN HAUSSE
1. Un champ d'intervention particulièrement éclectique sous l'appellation « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire »
L'intervention de l'État en matière d'aménagement du territoire se traduit davantage, depuis quelques années, par un accompagnement des collectivités que par des politiques conduites directement : il s'agit d'intervenir de manière ciblée selon que sont visés les territoires ruraux, les territoires périurbains ou les centres de villes moyennes. Ces dispositifs ciblés se manifestent principalement par le rattachement au programme 112 des crédits destinés :
- au programme France Services, lancé début 2020 (77,71 millions d'euros consommés en 2023 contre 61,62 millions en 2022, incluant les crédits destinés au Fonds national d'aménagement et de développement du Territoire - le FNADT- pour le financement de 2 700 structures France Services3(*)) ;
- au programme « Petites Villes de demain » qui cible un peu plus de 1 600 communes ou intercommunalités de moins de 20 000 habitants qui exercent des fonctions de centralité et qui présentent des signes de fragilité (25,55 millions d'euros consommés pour ce dispositif sur le programme 112 en 2023 contre 23,26 en 2022) ;
- au dispositif « Fabriques de territoires » qui met à disposition des « tiers lieux » dans des territoires qui en étaient totalement dépourvus (le dispositif était initialement financé par le plan de relance et se poursuit désormais dans le cadre du programme 112 avec 11,78 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2023) ;
- au programme « Territoires d'industrie » par lequel des postes de chefs de projet, à hauteur de 80 000 euros par emploi, sont financés ;
- ou encore, plus marginalement en 2023, à l'agenda rural, sous le pilotage de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (en 2022, 11,5 millions d'euros de crédits de paiement issus du plan de Relance avaient été consommés, notamment pour la mise en place des volontaires territoriaux en administration (VTA) pour seulement 1,4 million d'euros en 2023).
Par ailleurs, le programme contribue au financement de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (cf. infra) et mobilise aussi une part des crédits destinés à la contractualisation entre l'État et les territoires : sans prétendre à l'exhaustivité compte tenu des nombreux mécanismes contractuels concernés, on citera les contrats de plan État-régions (CPER), les contrats de plan interrégionaux (CPIER) de fleuves et de massifs, ainsi que des contrats territoriaux infra-régionaux, principalement axés autour de la transition écologique et l'accès au numérique.
2. Des dépenses d'exécution en hausse malgré une programmation initiale une nouvelle fois insuffisante
En 2023, le total des crédits de paiement ouverts sur le programme 112 s'est élevé à 415 millions d'euros en autorisations d'engagement (contre 382,5 millions d'euros en 2022) et à 389 millions d'euros en crédits de paiement (contre 338 millions d'euros en 2022). Cela représente une croissance du programme de 8,5 % en AE (consécutives à une croissance de 27, 3 % entre 2021 et 2022 et de 33 % entre 2020 et 2021) et de 15 % en CP (contre 19,7 % entre 2021 et 2022 et 6 % entre 2020 et 2021).
Comme chaque année, cette hausse résulte d'importants mouvements de crédits infra-annuels sur le programme 112, les crédits votés en loi de finances initiale s'étant révélés insuffisants. Le total des crédits ouverts présente en effet un écart de 26 % en AE et de 48 % en CP par rapport à la LFI. Cette insuffisance des crédits initiaux n'est en rien surprenante puisque la budgétisation 2023 a été inférieure de 14 % en AE et de 22,5 % en CP par rapport à l'exécution 2022.
Si l'on observe l'évolution des crédits effectivement consommés sous le prisme des différentes actions, cette tendance à la hausse sur le programme s'explique en grande partie par le financement du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) par lequel transitent les trois-quarts des crédits du programme en 2023.
Comme chaque année, le montant des crédits est très variable selon les actions, en raison du caractère spécifique de certaines d'entre elles. Le montant total des crédits ouverts sur l'action 11, qui porte la section locale du FNADT, c'est-à-dire essentiellement des crédits contractualisés entre l'État et les collectivités territoriales, est de nouveau en hausse pour assurer le financement des CPER. En LFI 2023, il était prévu que l'action 11 soit dotée de 196,55 millions d'euros en AE et de 118,82 millions d'euros en CP. En fin de gestion, l'exécution constatée a été de 188,3 millions en AE et de 130,85 millions d'euros en CP.
L'action 12 croît également, entre autres du fait de la montée en puissance du dispositif France Services. Comme lors des années précédentes, il faut souligner la sur-exécution des crédits (en autorisations d'engagement, l'exécution est portée à 133 millions d'euros en 2023, incluant les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'intervention contre une ouverture en LFI de 64,9 millions d'euros) soit un niveau largement supérieur à la budgétisation initiale (+ 104 % en AE et + 97 % en CP). Toutefois, une fois soustraite la participation des opérateurs France Services, il apparait que le montant effectivement engagé par l'État augmente moins rapidement que ne le laisse supposer ces chiffres même s'il répond partiellement à la préconisation de poursuivre le déploiement du réseau France services sur le territoire, déjà formulée par le rapporteur spécial4(*).
Comme l'an dernier, l'action 13 « Soutien aux opérateurs » ressort, en hausse, ce qui bénéficie à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dont le rapporteur spécial considère qu'elle a toutefois vocation à bénéficier de moyens plus importants encore, en particulier pour répondre aux besoins de la ruralité5(*).
L'action 14, quant à elle, porte des dispositifs qui sont soit en extinction, soit rattachés aujourd'hui à d'autres programmes. La prime d'aménagement du territoire (PAT), qui constituait l'essentiel de l'action, a pris fin au 31 décembre 20206(*). De surcroît, la loi de finances pour 2018 a acté l'arrêt du financement de nouveaux engagements concernant les contrats de ruralité et des pactes État-métropoles sur le programme 112, transférés vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT). En conséquence, plus aucun crédit ne figure en AE depuis 2021. Il faut même souligner que les autorisations d'engagement constatées ressortent pour 2023 en écriture négative dans Chorus à - 2 2 062 346 euros après retraitement, ce que le rapport annuel de performances pour 2023 justifie ainsi :
« Afin de retracer la consommation réelle de l'action 14, il convient de préciser que les consommations en AE (...) doivent faire l'objet de plusieurs retraitements. Les clôtures d'engagement juridiques sur des années antérieures à 2023 qui n'ont pas fait l'objet d'une opération autorisée de recyclage doivent être écartées. Ces clôtures ont conduit à un ajustement à la baisse du montant des engagements, en générant une écriture négative ».
Il est, enfin, intéressant de relever l'accentuation, qui s'est poursuivie en 2023, de l'effort global vers les collectivités territoriales et leurs groupements, au sein des dépenses d'intervention du programme, traduisant leurs attentes importantes, car elles avaient connu des arbitrages moins favorables ces dernières années.
3. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) une agence à consolider au service des territoires
Au total, un montant de 68,4 millions d'euros, dont 62,6 millions d'euros au titre de la subvention pour charges de service public (SCSP) a été versé en 2023 par le programme 112 en 2023 à l'ANCT, en incluant les transferts en gestion.
Ce montant s'inscrit dans une trajectoire de progression de la SCSP de l'ANCT. Lors de sa mise en place, l'agence disposait d'un soutien à hauteur de 54 millions d'euros, en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), au titre de sa SCSP. Ce montant a été porté à 61 millions d'euros en 2021 pour permettre notamment le doublement du montant de l'ingénierie destinée à appuyer des projets sur mesure portés par les territoires, passant de 10 à 20 millions d'euros. La SCSP a ensuite été quasiment stable en 2022 et en 2023 autour de 63 millions d'euros en AE comme en CP.
Depuis, la loi de finances pour 2024 a abouti à une hausse substantielle de la SCSP d'environ 20 millions d'euros pour atteindre 81,5 millions d'euros afin de doubler (de 20 à 40 millions d'euros) les crédits consacrés à l'aide à l'ingénierie des collectivités territoriales.
Le rapporteur spécial se réjouit du changement de cap opéré mais considère que le mouvement de hausse des crédits doit se poursuivre compte tenu de l'extension du champ d'action de l'agence, à travers le déploiement de ses programmes dans les territoires, notamment les maisons France services, les « petites villes de demain » et sa participation à divers dispositifs. Il estime que l'enquête qu'il a diligentée auprès de la Cour des comptes7(*), sur le fondement du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er aout 2001, et a fait l'objet d'une présentation en commission des finances du Sénat le 14 février 2024 confirme la nécessité d'accompagner la montée en puissance de l'ANCT de moyens supplémentaires.
B. LE PROGRAMME 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT » : HUIT ACTIONS TERRITORIALISÉES AUX ORIENTATIONS TRÈS VARIÉES
1. Une exécution très variable selon les actions du programme
Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE), créé en 2006, est composé de huit actions territorialisées8(*) répondant à des enjeux très variés. Il est abondé par des contributions de différents ministères et des fonds de concours.
L'action 02 « Eau et agriculture en Bretagne » vise à améliorer la qualité de l'eau en incitant les agriculteurs et les autres acteurs économiques à réduire les atteintes à l'environnement et à respecter les normes nationales et européennes. L'année 2023 a conforté les mesures mises en oeuvre, notamment dans le cadre des projets de territoire du second plan de lutte contre la prolifération des algues vertes (PLAV2).
L'action 04 est dorénavant intitulée « Plans d'investissements pour la Corse » afin de porter plusieurs projets d'aménagement de l'Ile. Il s'agit de combler les retards de développement de la collectivité par une mise à niveau de ses équipements publics s. L'année 2023 a connu les engagements des dernières opérations inscrites au plan exceptionnel d'investissement (PEI) dont le plan de transformation et d'investissement pour la Corse (PTIC) a pris le relais.
L'action 08 « Volet territorialisé du plan national d'action Chlordécone », adossée aux plans Chlordécone mis en oeuvre depuis 2009 en Martinique et en Guadeloupe, porte les mesures du plan IV (2021-2027). De nouvelles mesures ont été mises en place en juin 2023, notamment le financement d'une aide aux éleveurs de bovins, la prise en charge du surcoût du traitement de l'eau potable des usines de production, la simplification et la prolongation de l'aide aux pêcheurs, ainsi qu'un effort sur la recherche à l'horizon 2030.
L'action 09 « Littoral 21 » porte la stratégie nationale pour la mer et le littoral conduite conjointement par l'État, le conseil régional d'Occitanie et la caisse des dépôts et consignations.
L'action 10 « Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane » porte la majorité des mesures inscrites, au titre de la participation de l'État, dans le contrat de convergence et de transformation (CCT) de la Guyane pour la période 2019-2022, signé le 8 juillet 2019 avec le président de la collectivité, en vue de réduire les écarts de développement avec l'Hexagone. Il a été prorogé pour l'année 2023 afin de préparer un nouveau CCT.
L'action 11 « Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire », doit répondre aux enjeux écologiques, économiques, d'aménagement du territoire et de santé publique liés à la qualité des eaux ligériennes très dégradées.
L'action 12 « Service d'incendie et de secours de Wallis-et-Futuna » porte, depuis 2021, les crédits permettant aux deux centres de secours d'assurer les interventions courantes et les missions de gestion des crises avant le transfert à venir de cette compétence à l'assemblée territoriale.
L'action 13 « Plan Sargasses II » vise à lutter contre les conséquences du phénomène d'échouage massif d'algues sargasses sur l'arc antillais avec une approche aussi bien curative que préventive.
Au 31 décembre 2023, le montant total des crédits exécutés sur le programme s'élève à 116,3 millions d'euros en AE et 148,5 millions d'euros en CP (contre respectivement 328,1 millions d'euros et 137,7 millions d'euros en CP en 2022). La forte diminution en AE s'explique principalement par le fait que les moyens alloués à l'action 10 « Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane » avaient été sensiblement, mais ponctuellement, revalorisés en cours d'exercice 2022 pour accroitre les moyens alloués à l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France), avant de retrouver un niveau plus conforme aux exercices antérieurs lors de l'exercice 2023.
2. La création en 2023 d'une nouvelle action du programme 162 « Plan sargasses II »
Le projet de création d'une nouvelle action au sein du programme 162, décidé en 2022, s'est concrétisé en 2023. L'action 13 « Plan sargasses II » vise à financer la collecte des sargasses en mer et à prévenir leur apparition. Les sargasses sont des algues brunes qui s'échouent épisodiquement de façon plus ou moins massive sur les côtes des Antilles et de la Guyane. Ces échouages perturbent fortement les activités de la population et présentent, au-delà d'un certain seuil, un risque sanitaire. Le plan inclut un volet de valorisation économique des sargasses collectées. Ce nouveau plan devrait mobiliser 39,5 millions d'euros sur cinq ans, dont 5 millions d'euros d'AE ont été ouverts en 2023 (et 2,6 millions d'euros ont été consommés en CP).
Il comporte 26 mesures, réparties en cinq axes : action préventive, réponse opérationnelle, gouvernance, recherche-développement-innovation et coopération internationale.
Le rapporteur spécial avait mené au premier semestre 2021 un contrôle budgétaire portant sur le financement de la politique de lutte contre les algues vertes en Bretagne, intitulé « Algues vertes en Bretagne, de la nécessité d'une ambition plus forte », à l'issue duquel il formulait 23 recommandations afin d'améliorer l'efficience de la politique de lutte contre la prolifération des algues vertes. Il a par la suite produit un rapport d'information9(*) afin de mener un travail de suivi de ces 23 recommandations.
À ce titre, il se réjouit de la prise en compte du problème des algues dans les Antilles par cette initiative, tout en espérant que ce plan Sargasse II tire les leçons de l'expérience bretonne. Il renouvelle le souhait, formulé10(*) lors de l'examen du projet de loi finances initial pour 2023, que des premières évaluations soient rapidement mises en oeuvre sur ce sujet.
* 1 Indice des prix à la consommation, mesuré par l'Insee.
* 2 Depuis 2023, le Gouvernement décompte les dépenses fiscales attachées à la TVA au prorata de la part de TVA nette revenant in fine à l'État, ne prenant en compte dès lors ni la part transférée aux collectivités territoriales ni celle réservée aux organismes de sécurité sociale. La Cour des comptes et la commission des finances (rapport général n° 128 (2023-2024), tome I, déposé le 21 novembre 2023) se montrent critiques envers cette nouvelle méthode.
* 3 Le nombre de structures France Services a, par la suite, de nouveau augmenté pour atteindre 2 884 sites, incluant les structures mobiles, au premier semestre 2024.
* 4Rapport d'information n° 337 (2023-2024), déposé le 14 février 2024, de M. Bernard DELCROS, fait au nom de la commission des finances, « L'ANCT, une agence à consolider au service des territoires » et rapport d'information n° 778 (2021-2022) du 13 juillet 2022, de M. Bernard DELCROS, fait au nom de la commission des finances, « Les maisons France services, levier de cohésion sociale ».
* 5Rapport d'information n° 337 (2023-2024), déposé le 14 février 2024, de M. Bernard DELCROS, fait au nom de la commission des finances, « L'ANCT, une agence à consolider au service des territoires ».
* 6 Conformément aux dispositions du décret n° 2014-1056 du 16 septembre 2014 relatif à la prime d'aménagement du territoire pour l'industrie et les services.
* 7 Rapport d'information n° 337 (2023-2024), déposé le 14 février 2024, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2°de la LOLF, intitulée « l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), un outil à consolider - exécution 2020 2022 ».
* 8 Il existait sept actions en 2022 auxquelles s'est ajoutées l'action 13 « Plan sargasses II » (cf. infra).
* 9 Rapport d'information n° 466 (2021-2022) de M. Bernard DELCROS, fait au nom de la commission des finances, déposé le 9 février 2022 : Suivi des recommandations du rapport Algues vertes en Bretagne : de la nécessité d'une ambition plus forte.
* 10 Annexe numéro 6 au rapport général de M. Bernard DELCROS, fait au nom de la commission des finances : Cohésion des territoires.