C. LE PROGRAMME 126 « CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL »
Concernant les ressources du CESE, la dotation annuelle de l'État qui finance son fonctionnement courant (indemnités des membres, rémunération des agents, frais de fonctionnement) a progressé de 0,56 million d'euros pour atteindre 45,1 millions d'euros en 2023. Par ailleurs, le CESE a bénéficié en 2023 d'attributions de produits pour un montant de 1,6 million d'euros correspondants aux recettes tirées de la valorisation du Palais d'Iéna et du mécénat. Ces attributions de produits, correspondant ainsi aux ressources propres dégagées par le CESE, servent exclusivement aux dépenses d'investissement. Une seconde attribution de produit pour un montant de 2,4 millions d'euros a été publiée au Journal officiel le 26 décembre 2023 mais ne sera versée qu'en 2024 dans le cadre d'une attribution de crédits de gestion à venir.
1. Un manque persistant de lisibilité des informations budgétaires persistant masquant la réalité des dépenses exécutées
Le CESE jouit d'un régime administratif et financier sui generis7(*), dérogatoire à au moins deux titres.
En premier lieu, le CESE ne dispose pas de comptable public, ce rôle étant assumé par le trésorier et les deux questeurs.
En second lieu, ses dépenses ne sont pas retracées dans Chorus, le système d'information comptable et budgétaire de l'État. Le rapporteur spécial tient à ce titre à souligner qu'il appelle de ses voeux à la mise en place de Chorus pour gagner en lisibilité.
Chaque année, en apparence, le CESE consomme intégralement les crédits du programme 126 au début de l'exercice dès lors que les crédits ouverts sont virés sur le compte au Trésor détenu par le CESE. Cependant, de façon dérogatoire, le CESE vire ensuite les crédits sur un compte bancaire qui lui est propre. Afin de suivre ses opérations au jour le jour, le CESE tient en parallèle une comptabilité interne, qui elle seule permet de retracer l'exécution réelle des crédits.
Outre de doter le CESE d'une large autonomie, la Cour des comptes relève que ces spécificités empêchent la direction du budget du ministère de l'économie et des finances de disposer d'une vision exacte de la réalité des dépenses exécutées. Surtout, le rapporteur spécial note que ces spécificités sont sources d'incohérences entre les différents documents budgétaires. Elles nuisent à la transparence de l'exécution réelle des crédits, complexifient le suivi de leur évolution dans le temps, et compromettent la qualité du contrôle budgétaire.
Par exemple, concernant l'exécution des crédits de paiement (CP) de l'année 2022, d'un côté le RAP de la direction du budget fait état d'un total de 42,8 millions d'euros consommés. D'un autre, les analyses de l'exécution budgétaire 2023 et 2024 de la Cour des comptes indiquent que « l'exécution réelle des crédits [2022] serait, selon le CESE, (...) de 39 M€ en CP ». Enfin, les documents comptables transmis par les services du CESE en mai 2024 indiquent quant à eux un total de 40,1 millions d'euros de CP exécutés en 2022.
La comptabilité des dépenses des personnels (titre 2) constitue un second exemple des divergences constatées : alors le RAP fait état de 35,9 millions d'euros de CP consommées en 2023, le document comptable communiqué par les services du CESE avance le chiffre de 32,3 millions d'euros, soit un écart de 3,6 millions d'euros. Aux yeux du rapporteur spécial, dans ces conditions, la fiabilité de l'information budgétaire n'apparait pas assurée.
Pour la première fois, les états financiers du CESE de 2022 ont fait l'objet d'un audit financier annuel, en partie comparable à une certification des comptes, supervisé par la Cour des comptes, elle-même assistée par un cabinet d'audit privé. Cela, couplé à une refonte de la maquette budgétaire désormais organisée en deux actions au lieu de trois jusqu'en 2022, devrait participer à améliorer la cohérence des données budgétaires du programme 126.
2. L'intégration et la valorisation de la participation citoyenne comme principaux vecteurs de la hausse des dépenses de personnel et de fonctionnement
L'activité du CESE en 2023 est marquée par la pleine mise en oeuvre de la réforme de l'institution et de ses missions, portée par la loi organique du 15 janvier 2021, qui fait du Conseil le lieu privilégié de l'expression de la participation citoyenne, que ce soit sur saisine du Premier ministre, du président de l'Assemblée nationale ou de celui du Sénat, ou sur auto-saisine. La montée en charge de la participation citoyenne s'est confirmée en 2023 avec, au-delà de l'organisation de la convention citoyenne sur la fin de vie, l'association de citoyens à plusieurs travaux menés par les membres (concernant par exemple les mobilités durables et inclusives en zone peu dense, le développement du parasport en France, les politiques pour amener la société vers la sobriété...). En outre, des plateformes participatives ont été mises en place pour recueillir les contributions des citoyens et des journées délibératives ont été organisées pour débattre des constats et préconisations.
La réorientation des missions du CESE et la mise en valeur de ses travaux a conduit à une hausse progressive et logique des dépenses de personnel et de fonctionnement depuis 2021. D'après les documents comptables transmis par le CESE, les CP exécutés sont ainsi passés de 40,1 millions d'euros en 2022 à 46,2 millions d'euros en 2023 (+ 15 %).
D'une part, les dépenses de personnel sont passées de 31,6 millions d'euros en 2022 à 32,3 millions d'euros en 2023 (+ 2,1 %). Cette augmentation de 0,7 million d'euros s'explique essentiellement par l'évolution du schéma d'emploi (+ 7 ETP), la revalorisation du point d'indice et le glissement-vieillesse-technicité (GVT). La réalisation d'un schéma d'emploi plus ambitieux et l'allocation de moyens budgétaires plus conséquents ont permis de donner à l'institution les moyens de ses missions : mise en place d'une direction de la participation citoyenne fin 2023, recrutement de profils particuliers au service des directions des relations européennes et internationales ou de la direction des systèmes d'informations et des usages numériques, couverture des frais liés à la convention citoyenne sur la fin de vie (coût total de 5,3 millions d'euros dont 1,2 millions d'euros pour couvrir les indemnités versées aux citoyens et les dépenses de personnel).
D'autre part, les dépenses de fonctionnement ont augmenté, passant de 7,3 millions d'euros en 2022 à 12,1 millions d'euros en 2023 (+ 67 %). Malgré les économies réalisées grâce à une stratégie d'internalisation permettant un moindre recours à des cabinets extérieurs dans le cadre des dispositifs de participation citoyenne, l'organisation de la convention citoyenne sur la fin de vie dont 7 des 9 sessions se sont déroulées en 2023, a contribué à cette hausse significative des dépenses (coût total de 5,3 millions d'euros dont 4,1 millions d'euros pour couvrir les dépenses de fonctionnement : organisation du tirage au sort, animation, déplacements, restauration et hébergement des citoyens, communication...). En sus des missions de participation citoyenne s'ajoutent notamment une hausse des frais de déplacement expliquée par un retour du travail en présentiel, et une augmentation du coût des fluides que des efforts de sobriété (- 10 % de consommation d'eau et - 5 % de consommation de gaz) n'ont pas suffi à compenser.
3. Une dégradation de l'équilibre financier de la Caisse de retraites du CESE à anticiper
Le rapporteur spécial tient à nouveau à attirer l'attention sur l'équilibre financier délicat de la Caisse de retraites des anciens membres du CESE. Pour rappel, celle-ci est doublement affectée par, d'un côté, la réduction de 25 % du nombre de ses membres, seuls cotisants à ce régime, passés de 233 à 175 depuis le renouvellement de 2021, de l'autre côté, par la suppression du régime spécial des conseillers rejoignant le CESE à compter du 1er septembre 20238(*), ceux-ci étant désormais affiliés à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale9(*).
Cette réforme des retraites se traduit par la coexistence de deux systèmes différents, les membres ayant rejoint le CESE avant le 1er septembre 2023 continuant à cotiser au régime spécial, dont ils bénéficieront lors de l'ouverture de leurs droits à la retraite, tandis que les nouveaux membres cotisent et percevront leur pension du régime général. Alors que le bon équilibre de la caisse des retraites était déjà dépendant d'une subvention de l'État de 5,4 millions d'euros par an, cet équilibre se voit menacé par la réduction progressive des cotisations des conseillers en cours de mandat et le maintien sur une plus longue période des pensions à verser. Tandis que l'impact financier est demeuré limité pour 2023, la caisse des retraites du CESE sera progressivement exposée à un fort besoin de financement, que la Caisse des dépôts et consignations estime à 8 millions d'euros d'ici 2032.
4. Une programmation pluriannuelle des investissements (PPI) bienvenue invitant à prévoir la baisse des ressources propres du CESE à court terme
Le rapporteur spécial salue la formalisation et la présentation par le CESE d'une programmation pluriannuelle des investissements (PPI) depuis l'été 2023. Celle-ci rend compte des dépenses immobilières et informatiques engagées et prévues entre 2022 et 2027.
Les dépenses d'investissement passent de 1,2 million d'euros en 2022 à 1,8 million d'euros en 2023 (+ 51 %). Le rythme de réalisation des investissements n'a pas vocation à être linéaire, et cette variation à la hausse s'explique notamment par le démarrage des travaux d'ouverture et d'aménagement du toit-terrasse du Palais d'Iéna qui à terme pourra être valorisé par l'accueil d'évènements (0,4 million d'euros), la réalisation de l'espace « Village » (0,5 million d'euros) et la modernisation de l'hémicycle (0,2 millions d'euros) ou encore la sécurisation du réseau informatique (0,4 million d'euros).
Si l'exécution 2023 n'a pas posé de difficulté, la PPI prévoit d'importants chantiers structurants, dont notamment la rénovation de la salle hypostyle et de ses deux escaliers en 2025. Celle-ci empêchera la réception d'évènements privés avec pour conséquence une très forte baisse attendues des recettes tirées de la valorisation des espaces du Palais Iéna et donc des ressources propres dont use normalement le CESE pour financer ses dépenses d'investissement. Le rapporteur spécial sera donc attentif à la garantie d'un équilibre entre programme d'investissement ambitieux et ressources propres suffisantes.
* 7 Décret n°2017-934 du 10 mai 2017 relatif au régime administratif et financier du Conseil économique, social et environnemental.
* 8 En application de l'article 1er de la loi N° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
* 9 Article L. 381-32 du code de la sécurité sociale.