III. LA PERTINENCE DE CETTE NOUVELLE ORDONNANCE RESTE À DÉMONTRER AU REGARD DE L'ABSENCE DE SOUTIEN DES ACTEURS DE LA PROTECTION DE L'ENFANCE

Si la commission des lois souscrit pleinement à l'objectif que la présente proposition de loi affiche, elle estime toutefois que cette dernière souffre de trois principales limites qui justifient son rejet en l'état.

Il ressort tout d'abord des auditions menées par le rapporteur que les principaux acteurs de la protection de l'enfance ont manifesté, à la quasi-unanimité, une forte prudence, voire une franche réticence, à l'égard du dispositif proposé, qu'il s'agisse des représentants des magistrats concernés - juges des enfants, juges aux affaires familiales, procureurs de la République -, des avocats, du ministère de la justice, d'une partie du monde associatif et même de la Ciivise, qui a émis des réserves sur le dispositif proposé. La nécessité et l'utilité d'une ordonnance de sûreté de l'enfant n'ont ainsi pas été démontrées.

Cette prudence s'explique principalement par les difficultés juridiques significatives qui pourraient résulter de l'instauration d'une ordonnance de sûreté de l'enfant. Outre le fait que ce dispositif apparaît partiellement redondant avec le droit en vigueur, il méconnaîtrait l'office du juge aux affaires familiales, qui n'a pas, par exemple, à se prononcer sur une potentielle infraction pénale commise par un adulte extérieur au cercle familial restreint ; il apparaîtrait disproportionné en ce qu'il permettrait de procéder au retrait de l'autorité parentale - mesure d'une particulière gravité - dans un cadre juridique inapproprié ; il reposerait sur des conditions de saisine inédites, moins favorables que celles des autres dispositifs de protection de l'enfance existants et contraires au devoir de protection qu'un parent doit à son enfant, dès lors qu'elles n'exigeraient pas le dépôt d'une plainte pénale ; enfin, il ne prévoirait pas de sanction et serait donc privé d'effectivité.

La création d'une nouvelle ordonnance pourrait enfin aboutir au résultat inverse que le texte poursuit, en altérant l'articulation, la lisibilité et l'efficacité du cadre juridique de la protection de l'enfance. Ce dernier a au surplus connu plusieurs évolutions législatives récentes, dont certaines ne sont pas encore intégralement entrées en vigueur : la commission a considéré, à l'instar de la plupart des personnes auditionnées par le rapporteur, qu'un temps d'évaluation avant de nouvelles réformes serait souhaitable.

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