II. UNE LUTTE COMPLEXE ET ENTRAVÉE CONTRE LES USAGES DÉTOURNÉS
A. UN PRODUIT DE CONSOMMATION COURANTE AISÉMENT ACCESSIBLE
1. Une diversification de l'offre hors des circuits traditionnels difficile à contrôler
Le protoxyde d'azote est un produit aisément accessible, tant en raison de la diversité de ses circuits de distribution que de son prix modéré. La grande majorité des ventes se réaliserait par internet et via les réseaux sociaux, qui contribuent à la promotion du produit. Des sites spécialisés dans la vente de protoxyde d'azote sont identifiés dès 2019.
Outre la multiplicité des points de vente, une évolution notable du marché tient à l'apparition de conditionnements de grand format, non réglementaires, qui constituent désormais la grande majorité des produits d'approvisionnement à visée récréative. Des bonbonnes permettant de confectionner jusqu'à 80 ballons sont vendues 30 euros en moyenne, tandis que le prix des bouteilles contenant l'équivalent de 1 000 à 2 000 ballons dépasse 200 euros9(*).
L'OFDT décrit également le développement de produits dérivés, notamment « des « petites billes » s'insérant sur la partie supérieure des bonbonnes [...] afin de donner un goût fruité au gaz inhalé »10(*).
2. L'apparition de réseaux illicites structurés
La direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) confirme la vente de protoxyde d'azote sur les points de deal de produits stupéfiants et les applications telles que Snapchat. Des collectivités alertent sur les ventes à la sauvette alimentées par l'importation massive de contenants non réglementaires depuis les Pays-Bas, la Belgique ou la Pologne, révélatrice de trafics émergents.
La multiplication d'importantes saisies par les services de police ces dernières années a rendu ces réseaux visibles : 14 tonnes saisies en Seine-et-Marne en 2022, 21 tonnes à Vénissieux en 2023, 30 tonnes en Île--de-France en 2024.
B. UN PREMIER BILAN EN DEMI-TEINTE DE LA LOI DU 1ER JUIN 2021
1. Un faible recul sur sa mise en oeuvre
La loi du 1er juin 2021 est d'application récente, ce qui ne permet pas de mesurer avec suffisamment de recul les conditions de sa mise en oeuvre. Deux textes réglementaires publiés en 2023 ne sont par ailleurs entrés en vigueur qu'en 2024 : l'arrêté du 19 juillet 2023 fixant la quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers de produits contenant du protoxyde d'azote, et le décret n° 2023-1224 du 20 décembre 2023 relatif à l'apposition d'une mention sur chaque unité de conditionnement des produits contenant uniquement du protoxyde d'azote11(*).
En outre, la DNPJ admet qu'en raison de leur caractère récent, les infractions spécifiques au protoxyde d'azote ne sont pas bien connues des officiers de police judiciaire.
2. Des carences juridiques qui ne facilitent pas l'action des services de police et de justice
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 1er juin 2021, 156 personnes ont été interpellées pour une infraction liée au protoxyde d'azote, dont 74 en 2023, 65 en 2022 et 17 en 2021. Environ 80 % des affaires orientées ont fait l'objet d'une réponse pénale en 2023.
Toutefois, certaines infractions apparaissent complexes à démontrer, comme l'incitation à l'usage détourné de protoxyde d'azote par un mineur. Les autorités de police et les collectivités relatent une relative difficulté à matérialiser les infractions prévues par la loi, qui exigent des constatations en flagrant délit. Les municipalités et les préfectures tentent de suppléer ces difficultés en usant de leurs pouvoirs de police par arrêté.
Par ailleurs, certaines infractions ne sont toujours sanctionnées d'aucune peine12(*).
Source : Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives
* 9 OFDT, Les usages psychoactifs du protoxyde d'azote, Tendances n° 151, août 2022.
* 10 Ibid.
* 11 Ces textes sont entrés en application respectivement le 1er janvier 2024 et le 21 juillet 2024.
* 12 Aucune peine n'est prévue en cas d'infraction aux dispositions prises en application de l'article L. 3621-1 du code de la santé publique, relatif aux quantités maximales de vente aux particuliers.