N° 466
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 mars 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte,
Par M. Stéphane LE RUDULIER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (17ème législ.) : |
693, 864 et T.A. 43 |
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Sénat : |
315 et 467 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
L'archipel de Mayotte est confronté, de longue date, à des flux migratoires intenses, en provenance notamment des Comores. Cette pression migratoire engendre de nombreuses difficultés pour ce territoire, en matière de santé publique ou encore d'accès aux services publics et donne lieu, par exemple, à la mise en place d'un système de rotation dans les écoles primaires, celles-ci ne pouvant accueillir l'ensemble des enfants en âge d'être scolarisés.
Face à cette situation problématique, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a adapté les règles d'accès à la nationalité française à Mayotte, afin d'y restreindre le « droit du sol », en prévoyant qu'un enfant né à Mayotte ne peut obtenir la nationalité française à ce titre que si, à sa naissance, l'un de ses parents résidait en France régulièrement depuis au moins trois mois.
Si cette réforme a permis de diminuer le nombre d'acquisitions de la nationalité française au titre du « droit du sol » à Mayotte, force est de constater que la pression migratoire n'a pas été pour autant endiguée. Dans ce contexte, la proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte tend à durcir à nouveau, à Mayotte, les règles d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France. Elle vise ainsi à prévoir qu'un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne pourra accéder à la nationalité française que si, à sa naissance, ses deux parents résidaient régulièrement en France depuis au moins trois ans.
Si la commission souscrit à l'objectif de ce texte, qui permettra de rendre Mayotte moins attractive, elle a néanmoins réécrit le dispositif, à l'initiative du rapporteur, afin de le sécuriser juridiquement et ainsi d'écarter le risque de censure de la part du Conseil constitutionnel. Elle a ainsi réduit la durée minimale de résidence régulière exigée à la date de naissance de l'enfant de trois ans à un an et supprimé l'application aux deux parents de cette exigence. Elle a également supprimé l'obligation de présentation d'un passeport biométrique pour apposer, sur l'acte de naissance, une mention relative à la durée de séjour régulier en France du parent et a ensuite adopté la proposition de loi.
I. LA PRESSION MIGRATOIRE INTENSE OBSERVÉE À MAYOTTE A JUSTIFIÉ LA MISE EN PLACE, SUR L'ARCHIPEL, D'UNE RESTRICTION DU « DROIT DU SOL » EN 2018
A. MAYOTTE EST CONFRONTÉE À DES FLUX MIGRATOIRES INTENSES
Mayotte est affectée de longue date par des flux migratoires majeurs, régulièrement mis en lumière par les travaux de la commission des lois du Sénat. Ainsi, en octobre 2021, François-Noël Buffet, Stéphane Le Rudulier, Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi faisaient état d'une « situation migratoire structurellement problématique1(*) » dans l'archipel.
Illustrant cette situation, 26 855 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés à terre à Mayotte en 2023, selon les informations transmises au rapporteur par le préfet de Mayotte. Ces chiffres sont en augmentation, puisqu'en 2020, 13 608 personnes avaient été interpellées à terre.
Deux flux migratoires distincts peuvent plus particulièrement être identifiés :
· le premier flux migratoire à destination de Mayotte, en provenance d'Afrique2(*), en nette augmentation, donne lieu à environ 5 000 interpellations à terre chaque année ;
· le second flux migratoire et le plus important, en provenance des Comores, a entraîné 23 887 interpellations à terre en 2023.
À l'heure actuelle, sur une population totale de 320 000 habitants, les estimations font état de 160 000 étrangers établis à Mayotte, parmi lesquels 80 000 étrangers en situation irrégulière.
* 1 Rapport d'information n° 114 (2021-2022) du 27 octobre 2021 de François Noël Buffet, Stéphane Le Rudulier, Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi, « Insécurité à Mayotte : conjurer le sentiment d'abandon des Mahorais ».
* 2 Plus particulièrement, sont observées des arrivées de ressortissants de Tanzanie, du Rwanda, de République démocratique du Congo, de Somalie et du Burundi.