- L'ESSENTIEL
- EXAMEN DES ARTICLES
- Article 1er
Délégation de la compétence « GEMAPI » des établissements publics à fiscalité propre aux départements
- Article 2
Faculté pour les communes et intercommunalités d'instituer des mesures relatives au ruissellement dans le zonage en matière d'assainissement
- Article 2 bis (nouveau)
Clarification du champ de l'assistance technique départementale pour inclure la lutte contre le ruissellement
- Article 1er
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU
SÉNAT
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET
DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 663
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 mai 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI),
Par M. Hervé REYNAUD,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Sénat : |
416, 659 et 664 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Le Sénat s'est résolument engagé, au cours des dernières années, pour mieux armer les élus locaux face aux inondations, risque naturel d'envergure, recouvrant des phénomènes différenciés selon les territoires et aux conséquences dramatiques, dont les dégâts majeurs constatés dans le Pas-de-Calais en 2023 sont l'illustration.
Partant du constat de « réalités territoriales souvent complexes, de la diversité des acteurs concernés et de la nécessité d'une coordination accrue en matière de prévention des inondations », les auteurs de la proposition de loi - Anne Chain-Larché et Pierre Cuypers - ambitionnent ainsi :
- d'instituer une nouvelle faculté de délégation des EPCI à fiscalité propre au département de tout ou partie de la compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) ;
- de faciliter l'articulation de la compétence GEMAPI avec celles relatives au ruissellement et à l'érosion des sols.
Deux autres mesures, relatives au financement de la compétence GEMAPI, ont été déléguées à la commission des finances.
Favorable à l'adoption de nouveaux outils à la main des élus locaux pour mieux assurer l'exercice de leurs compétences, la commission a adopté la proposition de loi, après l'avoir précisée par trois amendements du rapporteur, Hervé Reynaud, afin de sécuriser juridiquement la procédure de délégation et de mieux assurer le lien entre les compétences de prévention des inondations et de lutte contre le ruissellement.
I. LA GEMAPI : UNE COMPÉTENCE RÉCEMMENT ATTRIBUÉE AU BLOC COMMUNAL DONT LA MISE EN oeUVRE DEMEURE CONTRASTÉE MALGRÉ UNE RECRUDESCENCE DES RISQUES
A. LES LOIS « MAPTAM » ET « NOTRE » : UNE STRUCTURATION DE LA GEMAPI POUR FAIRE FACE AU MORCELLEMENT DES RESPONSABILITÉS
Le législateur a fait le choix, par l'adoption des lois « MAPTAM » du 27 janvier 2014 et « NOTRe » du 7 aout 2015, de confier à titre obligatoire et exclusif la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) aux établissements publics à fiscalité propre (EPCI-FP) afin de lutter contre l'émiettement de la gouvernance préexistant en la matière. Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, l'exercice de la compétence GEMAPI dans ses quatre principales composantes a été transféré des communes aux EPCI-FP.
Avant l'adoption de ces deux lois, la GEMAPI n'était ni identifiée comme telle, ni attribuée à une catégorie de collectivités territoriales ou de groupements. Les missions qui en relèvent étaient exercées, à titre facultatif, par l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements. Les uns et les autres disposaient à cette fin, en vertu de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, de diverses prérogatives de puissance publique leur permettant de prescrire ou d'effectuer des travaux d'intérêt général ou d'urgence, y compris sur des terrains privés.
Il en résultait un morcellement et un enchevêtrement des responsabilités, qui ne favorisaient pas une vision stratégique de la compétence à l'échelle d'un bassin-versant, et un défaut de structuration de la maîtrise d'ouvrage. Les inondations dramatiques survenues dans le Var en 2010 et en 2011, de même que les ravages causés en 2010 par la tempête Xynthia dans plusieurs départements de la côte atlantique, témoignaient de cette absence de gestion intégrée de ladite compétence.
La compétence GEMAPI est sécable et comprend quatre principaux domaines d'intervention, en application de l'article L. 211-7 du code de l'environnement :
- l'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique ;
- l'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris les accès à ce cours d'eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau ;
- la défense contre les inondations et contre la mer ;
- la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.
Compte tenu du caractère sécable de la compétence, le bloc communal peut transférer ou déléguer tout ou partie des missions constituant la compétence GEMAPI à un syndicat mixte ; il n'est pas obligatoire qu'une même personne publique exerce l'ensemble des missions constitutives de la GEMAPI.
Au surplus, plusieurs autres missions, en lien avec les quatre précédentes, peuvent être transférées par les communes membres à l'EPCI-FP de manière facultative, notamment s'agissant de l'approvisionnement en eau ou de la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement.
En somme, l'attribution de compétence au bloc communal vise à assurer un lien étroit et pérenne entre les politiques d'urbanisme (notamment en intégrant le risque d'inondation et de dégradation des milieux naturels dans l'aménagement du territoire et dans les documents d'urbanisme) et les missions relatives à la prévention des risques d'inondation et à la gestion des milieux aquatiques. Elle permet aussi de clarifier les responsabilités que les maires assument déjà en la matière, en vertu de leur pouvoir de police générale1(*), tout en leur fournissant les outils juridiques et financiers nécessaires à son exercice.
B. LA DIFFICILE APPROPRIATION DE LA COMPÉTENCE GEMAPI PAR LE BLOC COMMUNAL FACE À DES RISQUES CROISSANTS ET DIFFÉRENTS SELON LES TERRITOIRES
Face aux difficultés de mise en oeuvre concrètes du transfert de cette compétence, le législateur a introduit plusieurs tempéraments au principe du transfert obligatoire et d'un exercice exclusif de la compétence GEMAPI par les EPCI à fiscalité propre depuis le vote de la loi dite « Fesneau-Ferrand » du 30 décembre 2017, soit avant même le transfert effectif et obligatoire de cette compétence.
Plus précisément, il a été fait le choix de permettre aux régions et départements déjà engagés dans la GEMAPI de poursuivre leur action en la matière, sans limite de durée, sous réserve de l'accord de l'EPCI-FP, par le biais d'une convention conclue pour une durée de cinq ans renouvelable, déterminant notamment les missions exercées respectivement par le département ou la région, d'une part, et par la commune ou l'EPCI-FP, d'autre part, ainsi que la coordination de leurs actions et modalités de financement de ces missions.
Poursuivant la même logique, cette même loi a autorisé les départements et régions qui le souhaitent à demeurer membres des structures syndicales exclusivement compétentes en matière de GEMAPI auxquelles ils adhéraient à la date du 1er janvier 2018. Enfin, les départements et régions assurant une ou plusieurs missions attachées à la compétence GEMAPI à la date du 1er janvier 2018 peuvent adhérer à un syndicat mixte ouvert, constitué ou non sous la forme d'un établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau (EPAGE) ou d'un établissement public territorial de bassin (EPTB).
Ces évolutions législatives ont permis de résoudre une large partie des difficultés des élus locaux dans la gestion de la GEMAPI. Toutefois, face à la recrudescence des inondations et à l'amplification de leurs conséquences induites par le changement climatique, nombre d'élus locaux rencontrent aujourd'hui des difficultés croissantes pour prévenir effectivement et efficacement le risque d'inondation. En effet, ce risque est désormais prépondérant sur le territoire national : plus d'un habitant sur quatre est exposé aux débordements de cours d'eau ou aux submersions marines.
II. UNE PROPOSITION DE LOI VISANT À ASSOUPLIR L'EXERCICE DE LA COMPÉTENCE GEMAPI COMPLÉTÉE ET PRÉCISÉE PAR LA COMMISSION
A. APPROUVER, DANS SON PRINCIPE, UN TEXTE QUI OFFRE DE NOUVELLES FACULTÉS D'EXERCICE DE LA COMPÉTENCE GEMAPI EN ADÉQUATION AVEC LES RÉALITÉS TERRITORIALES
Pour faire face à la recrudescence et à différenciation des risques d'inondation en fonction de chaque territoire, les auteurs de la proposition de loi ambitionnent de faire évoluer le cadre législatif de la compétence GEMAPI sur deux points.
Ainsi, l'article 1er de la proposition de loi a pour objet, à titre principal, d'instituer une modalité de délégation de tout ou partie de la compétence GEMAPI, par les EPCI à fiscalité propre, au département afin de « permettre une meilleure coordination et à tirer parti des expertises techniques et logistiques des acteurs départementaux ».
À titre plus subsidiaire, ils ambitionnent de « clarifier la répartition des responsabilités, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de ruissellement » en permettant d'introduire dans le zonage communal ou intercommunal d'assainissement des mesures relatives à la gestion des eaux pluviales (article 2).
La commission a approuvé ces dispositions qui permettent de dissiper les inquiétudes des élus locaux, sans nuire à la cohérence des actions déjà entreprises en la matière. Au surplus, elle a jugé cohérente cette nouvelle faculté de délégation aux départements dès lors que ceux-ci disposent, pour la plupart d'entre eux, une expertise dans le domaine de la GEMAPI et que leur périmètre géographique peut, dans certains territoires, recouvrir une réalité hydrographique propice à une gestion à cette échelle.
Enfin, la commission a considéré que la philosophie des auteurs du texte, visant à proposer de nouveaux outils, à la main des élus locaux, et facultatifs, devait être saluée et amplifiée : elle a rappelé que les élus locaux étaient les plus à même de définir l'architecture institutionnelle la plus efficace au regard des spécificités de leur territoire et adapter les outils existants à la diversité territoriale des risques d'inondation.
B. PRÉCISER ET COMPLÉTER LA PROPOSITION DE LOI
La commission a estimé nécessaire de veiller à ce que l'assouplissement des possibilités de délégation à des départements de la compétence GEMAPI conserve un caractère facultatif et volontaire. À l'initiative du rapporteur, elle a, en conséquence, aligné la procédure de délégation ainsi créée sur la procédure de délégation de droit commun, garantissant ainsi l'accord de l'ensemble des communes membres de l'EPCI à fiscalité propre pour autoriser une telle délégation.
Constatant lors des auditions que la frontière entre la lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols et la compétence de prévention des inondations était parfois particulièrement ténue, le rapporteur a, d'une part, accueilli favorablement la faculté ouverte aux EPCI à fiscalité propre de prévoir des mesures en matière de ruissellement dans les zonages en matière d'eau et d'assainissement, dès lors qu'elles présenteraient un lien avec le risque inondation.
D'autre part, il a introduit un l'article 2 bis visant à clarifier la liste des domaines dans lesquels le département est tenu d'apporter une assistance technique aux communes et EPCI à fiscalité propre ruraux, au titre de la solidarité et de l'aménagement du territoire, en incluant au titre de la prévention des inondations, le ruissellement. La commission a jugé cohérente la clarification du champ de l'assistance technique des départements, dès lors qu'ils disposent d'une expertise dans le domaine de la GEMAPI, dont les plus petites communes et intercommunalités auront le plus grand besoin.
*
* *
La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Délégation de la compétence «
GEMAPI » des établissements publics à fiscalité
propre aux départements
L'article 1er institue une nouvelle faculté de délégation de tout ou partie de la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (GEMAPI) des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre aux départements.
Tout en accueillant favorablement le principe de cette nouvelle faculté laissée à la main des élus locaux, la commission a souhaité, à l'initiative du rapporteur, rapprocher cette faculté de délégation de la procédure de délégation de droit commun en la conditionnant à l'accord de l'ensemble des communes membres.
Elle a, de ce fait, rappelé d'une part, le caractère facultatif et volontaire de ladite délégation et d'autre part, que les EPCI à fiscalité propre demeurent, dans l'exercice de leurs compétences transférées, l'émanation de leurs communes membres qui doivent, en conséquence, être associées aux évolutions en la matière. Elle a adopté cet article ainsi modifié.
1. La GEMAPI : une compétence récemment attribuée au bloc communal dont la mise en oeuvre demeure contrastée malgré une recrudescence des risques
a) Une réponse à la vulnérabilité du territoire national face au risque d'inondations
Avec 17,1 millions d'habitants exposés au risque d'inondation par débordement de cours d'eau et 1,4 million à celui de submersion marine, la France est particulièrement concernée par ces phénomènes naturels. Comme l'ont rappelé les récents travaux du Sénat en la matière : « plus d'un habitant sur quatre est exposé aux débordements de cours d'eau et/ou aux submersions marines » en 20242(*).
L'origine des réflexions ayant conduit à la consécration de la compétence GEMAPI réside dans l'ampleur des dégâts constatés après le passage de la tempête Xynthia, qui a causé le décès de 47 personnes et engendré des dommages estimés à 1,5 milliard d'euros en 2010.
Prenant acte de la vulnérabilité du territoire national et tirant les conséquences du renforcement de la réglementation européenne en matière de politique de l'eau et de prévention des inondations, les gouvernements successifs se sont engagés dans un travail de redéfinition des missions constitutives de ces politiques publiques et de clarification de leur gouvernance, notamment au sein des territoires.
b) L'indispensable structuration de la GEMAPI, en réponse à l'émiettement historique des acteurs en matière de politique de l'eau
Dans le cadre des réformes territoriales des années 2010, et afin de définir une organisation institutionnelle adaptée pour répondre aux conséquences de la multiplication de phénomènes climatiques dramatiques, il est apparu pertinent au législateur, d'une part, de rassembler sous une même compétence la gestion des milieux aquatiques avec la prévention des inondations et, d'autre part, de l'attribuer au bloc communal (communes et intercommunalités).
Si, sur une partie du territoire, les collectivités territoriales se sont depuis longtemps organisées autour de structures syndicales dynamiques pour oeuvrer dans ces domaines, d'autres parties du territoire métropolitain souffraient, au contraire, d'un déficit de coordination qui pouvait être préjudiciable à la sécurité des personnes et des biens et à la qualité de l'environnement. La création de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations - la GEMAPI - tend à répondre à ces préoccupations.
(1) L'intervention historique de tous les niveaux de collectivités territoriales dans la gestion de l'eau
Avant l'adoption de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi « MAPTAM », la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) n'était ni identifiée comme telle, ni attribuée à une catégorie de collectivités territoriales. Les missions qui en relèvent étaient exercées, à titre facultatif, par l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements. Les uns et les autres disposaient à cette fin, en vertu de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, de diverses prérogatives de puissance publique leur permettant de prescrire ou d'effectuer des travaux d'intérêt général ou d'urgence, y compris sur des terrains privés.
La politique de l'eau se caractérisait donc par une pluralité d'acteurs qui, en l'absence de stratégie commune, nuisait à la cohérence des actions menées au sein des bassins hydrographiques et fragilisait leur financement.
Dans les faits, les collectivités territoriales - le plus souvent au travers de structures syndicales - et l'État, pour les grands fleuves, ont pris l'initiative de gérer ces compétences à la suite de catastrophes naturelles. Il en résultait un morcellement et un enchevêtrement des responsabilités, qui ne favorisaient pas une vision stratégique de la compétence à l'échelle d'un bassin-versant, et un défaut de structuration de la maîtrise d'ouvrage. Les inondations dramatiques survenues dans le Var en 2010 et en 2011, de même que les ravages causés en 2010 par la tempête Xynthia dans plusieurs départements de la côte Atlantique, témoignaient de cette absence de gestion intégrée de cette compétence.
(1) La consécration de la GEMAPI au niveau intercommunal à partir de 2018
Le législateur a fait le choix, par l'adoption des lois « MAPTAM » du 27 janvier 2014 et « NOTRe » du 7 août 2015, de confier à titre obligatoire et exclusif la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) aux établissements publics à fiscalité propre (EPCI-FP) afin de lutter contre l'émiettement de la gouvernance préexistant en la matière. Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, l'exercice de la compétence GEMAPI dans ses quatre principales composantes a été transféré des communes aux EPCI-FP.
La compétence GEMAPI est, depuis lors, sécable et comprend quatre principaux domaines d'intervention, en application de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, soit les missions relatives à :
- l'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique ;
- l'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris les accès à ce cours d'eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau ;
- la défense contre les inondations et contre la mer ;
- la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.
Au surplus, plusieurs autres missions, en lien avec les quatre précédentes, peuvent être transférées par les communes membres à l'EPCI-FP de manière facultative, notamment s'agissant de l'approvisionnement en eau ou de la maitrise des eaux pluviales et de ruissèlement.
En somme, l'attribution de compétence au bloc communal vise à assurer un lien étroit et pérenne entre les politiques d'urbanisme (notamment en intégrant le risque d'inondation et de dégradation des milieux naturels dans l'aménagement du territoire et dans les documents d'urbanisme) et les missions relatives à la prévention des risques d'inondation et à la gestion des milieux aquatiques. Elle permet aussi de clarifier les responsabilités que les maires assument déjà en la matière, en vertu de leur pouvoir de police générale, tout en leur fournissant les outils juridiques et financiers nécessaires à son exercice.
c) La difficile appropriation de la compétence GEMAPI par le bloc communal face à des risques croissants et différents selon les territoires
Face aux difficultés de mise en oeuvre concrète du transfert de cette compétence, le législateur a introduit plusieurs tempéraments au principe du transfert obligatoire et d'un exercice exclusif de la compétence GEMAPI par les EPCI à fiscalité propre depuis le vote de la loi dite « Fesneau-Ferrand » du 30 décembre 2017, soit avant même l'entrée en vigueur du transfert effectif et obligatoire de cette compétence.
Plus précisément, il a été fait le choix de permettre aux régions et départements déjà engagés dans la GEMAPI de poursuivre leur action en la matière, sans limite de durée, sous réserve de l'accord de l'EPCI-FP, par le biais d'une convention conclue pour une durée de cinq ans renouvelable, déterminant notamment les missions exercées respectivement par le département ou la région, d'une part, et par la commune ou l'EPCI-FP, d'autre part, ainsi que la coordination de leurs actions et modalités de financement de ces missions.
Poursuivant la même logique, cette même loi a autorisé les départements et régions qui le souhaitent à demeurer membres des structures syndicales exclusivement compétentes en matière de GEMAPI auxquelles ils adhéraient à la date du 1er janvier 2018.
Enfin, les départements et régions assurant une ou plusieurs missions attachées à la compétence GEMAPI à la date du 1er janvier 2018 peuvent adhérer à un syndicat mixte ouvert, constitué ou non sous la forme d'un établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau (EPAGE) ou d'un établissement public territorial de bassin (EPTB). En effet, comme de nombreuses compétences, la GEMAPI n'a, dans la plupart des cas, pas vocation à être effectivement exercée au niveau communal ou intercommunal, les périmètres administratifs n'étant évidemment pas ceux des bassins-versants. C'est pourquoi de nombreux syndicats de communes et syndicats mixtes ont été constitués de longue date pour exercer ces missions à l'échelon pertinent : syndicats de rivière, établissements publics de bassin, etc. Le législateur n'a pas voulu remettre en cause leur existence.
Les auditions menées par le rapporteur ont permis de confirmer, d'un constat partagé par l'ensemble des acteurs auditionnés, que l'appropriation de la compétence GEMAPI, dix ans après sa création, avait largement été facilitée par l'existence de nombreuses souplesses ayant permis des adaptations locales très variées.
Selon les informations transmises par Intercommunalités de France au rapporteur, la sécabilité fonctionnelle et géographique de la compétence GEMAPI a été utilisée par de nombreux EPCI-FP. Ainsi, « il en résulte que bien souvent, l'intercommunalité exerce la compétence GEMAPI sur une partie du territoire pour une partie des items, et délègue ou transfère la compétence sur une autre partie du territoire pour une partie des items. »
En particulier, des EPCI-FP se situant sur un territoire particulièrement exposé à des inondations fortes peuvent décider de s'organiser à une échelle plus large, permettant de mutualiser les moyens, tout en décidant de conserver la maîtrise à leur échelle du reste de la compétence GEMAPI.
Il est ainsi estimé que plus de 450 syndicats mixtes exercent au moins l'un des quatre items composant cette compétence. Cependant, la direction générale des collectivités locales (DGCL) a indiqué au rapporteur ne pas disposer d'autres informations sur les modalités de structuration de la compétence par les collectivités et groupement depuis 2018.
2. Le dispositif proposé : permettre aux départements de se voir déléguer tout ou partie de la compétence GEMAPI
Partant du constat de « réalités territoriales souvent complexes, de la diversité des acteurs concernés et de la nécessité d'une coordination accrue », les auteurs de la proposition de loi proposent un nouvel assouplissement du cadre législatif de la GEMAPI.
En effet, face à la recrudescence des inondations et à l'amplification de leurs conséquences induites par le changement climatique, nombre d'élus locaux rencontrent aujourd'hui des difficultés croissantes pour prévenir effectivement et efficacement le risque d'inondation, compte-tenu des rigidités de l'exercice de celle-ci.
L'article 1er de la proposition de loi a pour objet, à titre principal, d'instituer une modalité de délégation de tout ou partie de la compétence GEMAPI, par les EPCI à fiscalité propre, au département afin de « permettre une meilleure coordination et à tirer parti des expertises techniques et logistiques des acteurs départementaux ». Ainsi, il est pris acte de la sécabilité de la compétence GEMAPI, qui, contrairement à de nombreuses autres compétences, pourrait être déléguée en tout ou partie.
La procédure de délégation prévue se différencierait de celle de droit commun sur un seul point : elle serait possible après simple délibération du conseil communautaire.
3. La position de la commission : faire confiance aux élus locaux, sous réserve de l'accord de l'ensemble des communes membres de l'EPCI à fiscalité propre
La commission a approuvé ces dispositions qui offrent de nouvelles facultés d'exercice de la compétence GEMAPI en adéquation avec les réalités locales.
Celles-ci ont pour objectif de dissiper les inquiétudes croissantes des élus locaux qui rencontrent des difficultés dans l'exercice de cette compétence, sans nuire à la cohérence des actions déjà entreprises en la matière. Le rapporteur a rappelé, sur ce point, que le mécanisme de délégation de compétences, s'il était plus souple que celui du transfert, n'en demeurait pas moins encadré et strictement limité.
Article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales : le régime de droit commun de la délégation de compétences
« Une collectivité territoriale peut déléguer à une collectivité territoriale relevant d'une autre catégorie ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre tout ou partie d'une compétence dont elle est attributaire, y compris pour la réalisation ou la gestion de projets structurants pour son territoire. Lorsqu'il y est expressément autorisé par ses statuts, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, avec l'accord de ses communes membres, exprimé par délibérations concordantes de tous les conseils municipaux, peut également déléguer à un département ou à une région tout ou partie d'une compétence qui lui a été transférée par ses communes membres.
« Les compétences déléguées en application de l'alinéa précédent sont exercées au nom et pour le compte de la collectivité territoriale ou de l'établissement public délégant.
« Cette délégation est régie par une convention qui en fixe la durée et qui définit les objectifs à atteindre et les modalités du contrôle de l'autorité délégante sur l'autorité délégataire. Les modalités de cette convention sont précisées par décret en Conseil d'État. »
En effet, les représentants des associations d'élus du bloc communal comme des élus départemental entendus par le rapporteur tous ont unanimement plaidé pour des assouplissements dans l'exercice de la compétence GEMAPI eu égard à la diversité des phénomènes hydrographiques et du risque d'inondations sur le territoire national.
Au surplus, la commission a jugé cohérente cette nouvelle faculté de délégation aux départements dès lors que ceux-ci disposent, pour la plupart d'entre eux, d'une expertise dans le domaine de la GEMAPI et que leur périmètre géographique peut, dans certains territoires, recouvrir une réalité hydrographique propice à une gestion à cette échelle.
Dans la même logique, la commission a considéré que la philosophie des auteurs du texte visant à proposer de nouveaux outils, à la main des élus locaux et facultatifs, devait être saluée et amplifiée : elle a rappelé que les élus locaux étaient les plus à même de définir l'architecture institutionnelle la plus efficace au regard des spécificités de leur territoire et adapter les outils existants à la diversité territoriale des risques d'inondation.
Enfin, elle a estimé nécessaire de veiller à ce que l'assouplissement des possibilités de délégation à des départements de la compétence GEMAPI conserve un caractère facultatif et volontaire. À l'initiative du rapporteur, elle a, en conséquence, aligné la procédure de délégation ainsi créée sur la procédure de délégation de droit commun, garantissant ainsi l'accord de l'ensemble des communes membres de l'EPCI à fiscalité propre pour autoriser une telle délégation (amendement COM-2).
La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.
Article 2
Faculté pour les communes et intercommunalités
d'instituer des mesures relatives au ruissellement dans le zonage en
matière d'assainissement
L'article 2 ambitionne de clarifier la répartition des responsabilités, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de ruissellement, en permettant d'introduire dans le zonage communal ou intercommunal d'assainissement des mesures relatives à la gestion des eaux pluviales.
La commission, tout en validant son principe, a souhaité expliciter le lien entre le ruissellement et la prévention des inondations afin de ne prévoir l'interaction entre les deux compétences que dès lors qu'elles présenteraient un lien. Elle a adopté l'article ainsi modifié.
1. La proposition de loi : clarifier le lien entre le ruissellement et la GEMAPI par le biais des zonages d'assainissement communaux et intercommunaux
Bien que le lien entre le ruissellement ou la maîtrise des eaux pluviales et la prévention des inondations soit établi sur de nombreux territoires, le législateur n'a pas prévu que la « maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou la lutte contre l'érosion des sols » (4° de l'article L.211-7 du code de l'environnement) soit partie intégrante de la compétence GEMAPI.
Cela peut, néanmoins, s'expliquer par le fait que la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement est à la frontière de plusieurs champs d'intervention, selon qu'elle soit, par exemple, abordée du point de vue de la prévention des inondations ou de l'assainissement des eaux pluviales.
Toutefois, comme l'ont révélé les auditions menées par le rapporteur, cette frontière entre les deux compétences est particulièrement poreuse en fonction des réalités territoriales ; la maîtrise des risques d'inondation occasionnés par le ruissellement pouvant relever, selon les cas, de la compétence intercommunale ou non.
Prenant acte de la complémentarité évidente entre GEMAPI, gestion des eaux pluviales et de ruissellement et assainissement, les auteurs de la proposition de loi proposent, à l'article 2, de « clarifier la répartition des responsabilités, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de ruissellement » en permettant d'introduire dans le zonage communal ou intercommunal d'assainissement des mesures relatives à la gestion des eaux pluviales.
Pour mémoire, la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 dispose que chaque commune ou groupement de communes doit délimiter, après enquête publique, les zones d'assainissement collectif et les zones d'assainissement non collectif. Cette obligation de zonage d'assainissement répond au souci de préservation de l'environnement, de qualité des ouvrages d'épuration et de collecte, de respect de l'existant et de cohérence avec les documents d'urbanisme. Le zonage permet également de s'assurer de la mise en place des outils d'épuration les mieux adaptés à la configuration locale et au milieu considéré.
Ainsi, en application de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales, les communes ou leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre compétents en matière d'urbanisme délimitent, après enquête publique :
- les zones d'assainissement collectif où elles sont tenues d'assurer la collecte des eaux usées domestiques et le stockage, l'épuration et le rejet ou la réutilisation de l'ensemble des eaux collectées ;
- les zones relevant de l'assainissement non collectif où elles sont tenues d'assurer le contrôle de ces installations et, si elles le décident, le traitement des matières de vidange ainsi que, à la demande des propriétaires, l'entretien et les travaux de réalisation et de réhabilitation des installations d'assainissement non collectif ;
- les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ;
- les zones où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement.
En application de l'article 2 de la proposition de loi, ces zonages pourraient inclure des mesures relatives au ruissellement et à l'érosion des sols.
2. La position de la commission : accepter l'évolution proposée sous réserve de clarifications
Constatant lors des auditions que la frontière entre la lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols et la compétence de prévention des inondations était parfois particulièrement ténue, la commission a accueilli favorablement la faculté ouverte aux EPCI à fiscalité propre de prévoir des mesures en matière de ruissellement dans les zonages en matière d'eau et d'assainissement, dès lors qu'elles présenteraient un lien avec le risque inondation.
Elle a toutefois souhaité apporter une clarification rédactionnelle, à l'initiative du rapporteur, en explicitant le lien entre les mesures de lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols qui pourraient, à titre facultatif et en fonction des réalités territoriales de chaque EPCI à fiscalité propre, être intégrées dans les zonages relatifs à l'assainissement, afin de garantir que des mesures relatives à la compétence dite « GEPU » n'y soient intégrées que lorsqu'elles présentent un lien avec la prévention des inondations (amendement COM-3).
La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.
Article 2 bis
(nouveau)
Clarification du champ de l'assistance technique
départementale pour inclure la lutte contre le ruissellement
La commission a souhaité, à l'initiative du rapporteur, clarifier, par l'adoption d'un article additionnel 2 bis, le rôle du département en matière d'assistance technique au bloc communal en matière de prévention des inondations, en y ajoutant le ruissellement dès lors que les deux présenteraient un lien eu égard à la situation hydrographique du territoire.
Ce faisant, elle a souhaité conforter davantage le département dans son rôle de solidarité territoriale, précieuse pour le bloc communal.
1. L'ingénierie territoriale : une compétence départementale historique et dynamique
L'article L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales, créé par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, impose aux départements de mettre à disposition des communes et EPCI à fiscalité propre « qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences dans le domaine de l'assainissement, de la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l'entretien des milieux aquatiques, de la voirie, de l'aménagement et de l'habitat » une assistance technique dans des conditions définies par convention.
Le champ de cette assistance technique, initialement limité aux compétences liées à l'eau, a été élargi à la voirie, à l'aménagement et à l'habitat par la loi dite « NOTRe », puis par la loi dite « Fesneau-Ferrand » précitées, à la prévention des inondations.
Ces prestations d'ingénierie font l'objet d'une convention qui en détermine le contenu, les modalités et la rémunération. Elles peuvent être déléguées par le département à un syndicat mixte « ouvert » dont il est membre. Dans les départements d'outre-mer, les offices de l'eau en sont chargés.
Il s'agit donc, pour les départements, d'une compétence obligatoire mais dont l'exercice est rémunéré.
Les critères d'éligibilité à cette assistance technique, ainsi que la liste des prestations susceptibles d'être offertes à ce titre sont actuellement fixés par les articles R. 3232-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. Il s'agit essentiellement de prestations d'étude et de conseil, dont peuvent bénéficier :
- les communes rurales au sens de l'article D. 3334-8-1 du même code, sauf si leur potentiel financier par habitant excède 1,3 fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 5 000 habitants ;
- les EPCI de moins de 15 000 habitants si, en leur sein, la population des communes qui répondent aux conditions fixées au 1° représente plus de la moitié de la population totale.
2. La position de la commission : par cohérence, permettre l'assistance technique des départements dès lors que des actions en matière de lutte contre le ruissellement entreraient dans le périmètre de la prévention des inondations
La commission a souhaité, par l'introduction d'un article 2 bis à l'initiative du rapporteur, compléter la proposition de loi en confortant le rôle des départements dans leur action en matière de lutte contre le ruissellement dès lors que celui-ci aurait un lien avec la prévention des inondations.
Pour ce faire, elle a ajouté la lutte contre le ruissellement à la liste limitative des domaines dans lesquels le département peut mettre à disposition des communes ou des EPCI à fiscalité propre, qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences, une assistance technique, en explicitant le champ d'intervention préexistant des départements en y incluant la lutte contre le ruissellement.
En effet, les auditions conduites par le rapporteur ont démontré qu'en fonction des réalités hydrographiques des territoires, la frontière entre la lutte contre le ruissellement et la prévention des inondations était parfois particulièrement ténue, justifiant dès lors de clarifier le périmètre de l'assistance susceptible d'être apportée par le département en la matière.
Ce faisant et conformément à sa position constante, la commission a souhaité conforter davantage le département dans son rôle de solidarité territoriale, précieuse pour le bloc communal.
La commission a adopté l'article 2 bis ainsi rédigé.
EXAMEN EN COMMISSION
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous commençons nos travaux par l'examen du rapport d'Hervé Reynaud sur la proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI), en présence de Laurent Somon, rapporteur pour avis de la commission des finances.
M. Hervé Reynaud, rapporteur. - Je vais vous présenter le fruit de mes travaux menés conjointement avec notre collègue Laurent Somon, rapporteur pour avis de la commission des finances, à qui les articles 3 et 4 ont été délégués au fond par la commission des lois, sur la proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI), dont les auteurs sont nos collègues Anne Chain-Larché et Pierre Cuypers.
Depuis, le 1er janvier 2018, les intercommunalités à fiscalité propre sont attributaires de la compétence GEMAPI. Pour mémoire, la loi de 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles dite « MAPTAM » a attribué aux communes une compétence ciblée et obligatoire relative à la GEMAPI, avec un transfert obligatoire aux EPCI à fiscalité propre auxquels elles appartiennent, afin de lutter contre l'émiettement de la compétence et de sa gouvernance. Par la suite, la loi de 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République dite « NOTRe » a fixé au 1er janvier 2018 la date d'effet de ce transfert ; depuis, il s'agit d'une compétence obligatoire et exclusive des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.
La compétence GEMAPI se répartit en deux socles. D'une part, certaines missions relèvent de la gestion des milieux aquatiques : l'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique ; l'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris leur accès ; la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides, ainsi que des formations boisées riveraines. D'autre part, les missions relèvent de la prévention des inondations.
Toutefois, compte tenu des difficultés de mise en oeuvre concrètes du transfert de cette compétence, le législateur a introduit un certain nombre d'assouplissements au travers du vote de la loi du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, dite « Fesneau-Ferrand », dont le président Mathieu Darnaud était le rapporteur.
Plus précisément, le législateur a souhaité que l'attribution au bloc communal de la compétence GEMAPI laisse aux autres catégories de collectivités territoriales certaines compétences en la matière.
En effet, départements, les régions, leurs groupements et les autres personnes de droit public qui assuraient une ou plusieurs missions relevant de la GEMAPI à la date d'entrée en vigueur de la loi peuvent continuer à les exercer, sans limite de durée, sous réserve de l'accord de l'EPCI par le biais d'une convention conclue pour une durée de cinq ans renouvelables.
Poursuivant la même logique, cette même loi a autorisé les départements et régions qui le souhaitent à demeurer membres des structures syndicales exclusivement compétentes en matière de GEMAPI, auxquelles ils adhéraient à la date du 1er janvier 2018.
Comme de nombreuses compétences, la GEMAPI n'a, dans la plupart des cas, pas vocation à être effectivement exercée à l'échelon communal ou intercommunal, les périmètres administratifs n'étant évidemment pas ceux des bassins versants. C'est pourquoi de nombreux syndicats de communes et syndicats mixtes ont été constitués de longue date pour exercer ces missions à l'échelon pertinent - syndicats de rivière, établissements publics de bassin -, comme vous le savez.
Enfin, le financement de la compétence GEMAPI est assuré par une taxe facultative, plafonnée et affectée, qui peut être instituée par les communes et EPCI à fiscalité propre compétents en matière de GEMAPI. Son produit est exclusivement affecté au financement des charges de fonctionnement et d'investissement liées à l'exercice de cette compétence et ne peut être supérieur au montant prévisionnel de ces charges. Il est également plafonné à 40 euros par habitant.
La proposition de loi qui nous est soumise vise à répondre aux fortes demandes exprimées par les élus locaux qui, face à la multiplication des risques et aux diversités territoriales, souhaitent bénéficier de nouvelles souplesses dans l'exercice de cette compétence.
Partant du constat de « réalités territoriales souvent complexes, de la diversité des acteurs concernés et de la nécessité d'une coordination accrue », selon les termes de l'exposé des motifs, les auteurs de la proposition de loi proposent une évolution du cadre législatif de la GEMAPI, dont deux articles seulement entrent dans le champ de compétence de la commission des lois.
Ces derniers souhaitent, à titre principal, instituer une nouvelle faculté de délégation de tout ou partie de la compétence GEMAPI des EPCI à fiscalité propre aux départements, afin de « permettre une meilleure coordination et à tirer parti des expertises techniques et logistiques des acteurs départementaux ».
À titre plus subsidiaire, à l'article 2, ils ambitionnent de « clarifier la répartition des responsabilités, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de ruissellement » en permettant d'introduire dans le zonage communal ou intercommunal d'assainissement des mesures relatives au ruissellement.
Au travers des auditions denses que nous avons menées - je remercie les collègues qui étaient présents - et comme le soulignent les différents travaux conduits par le Sénat en la matière, nous avons pu relever que, près d'une décennie après sa création, la compétence GEMAPI ne satisfait pas complètement les élus locaux et mérite des correctifs pour s'adapter aux réalités locales, si diverses en la matière.
En particulier, nous avons pu mesurer le caractère parfois poreux des frontières entre la compétence GEMAPI et la compétence gestion des eaux pluviales urbaines (Gepu), car le ruissellement peut, suivant son ampleur, relever de la gestion des eaux pluviales urbaines ou de la prévention des inondations, et ce différemment selon les caractéristiques d'un territoire.
Dès lors, je vous proposerai d'approuver, dans son principe, la proposition de loi qui nous est soumise, car elle permettra d'apporter aux élus locaux de nouveaux outils, facultatifs et adaptés aux réalités de leurs territoires, pour exercer le plus efficacement possible la compétence GEMAPI.
Tout en approuvant l'économie générale de la proposition de loi, je vous proposerai, trois amendements visant à clarifier et à compléter les dispositions qui nous sont soumises.
Ainsi, je vous propose à l'article 1er d'aligner la procédure de délégation de la compétence GEMAPI des EPCI aux départements sur la procédure de délégation de droit commun, en prévoyant l'accord de l'ensemble des communes membres de l'EPCI pour ce faire. Cela garantira le caractère volontaire et facultatif d'une telle délégation, conformément à la volonté des auteurs de la proposition de loi.
Par ailleurs, à l'article 2, il me paraît souhaitable d'expliciter le lien entre les mesures de lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols, qui pourraient, à titre facultatif et en fonction des réalités territoriales de chaque intercommunalité, être intégrées dans les zonages relatifs à l'assainissement, afin de garantir que ces mesures n'y soient intégrées que lorsqu'elles présentent un lien réel avec la prévention des inondations.
Enfin, je vous proposerai de compléter cette proposition de loi par un article additionnel visant à ajouter la lutte contre le ruissellement à la liste des domaines dans lesquels le département peut mettre à disposition des communes ou des EPCI, qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences, une assistance technique. Comme je l'ai dit précédemment, la frontière entre la lutte contre le ruissellement et la prévention des inondations étant parfois particulièrement ténue, une telle explicitation apparaît indispensable pour clarifier les domaines d'intervention de chacun.
Je vous propose de poser une nouvelle pierre à l'édifice des libertés locales et des souplesses apportées aux élus locaux en matière de GEMAPI, même si je n'ignore pas que ces travaux ont vocation à être poursuivis et complétés par ceux qui sont menés par nos collègues de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Jean-Yves Roux et Rémy Pointereau - leur rapport d'information devrait être publié d'ici l'automne.
Je ne manquerai pas, en séance publique, de m'adresser plus particulièrement au Gouvernement, qui doit également prendre ses responsabilités en matière de solidarité et de risque inondation.
Enfin, je remercie particulièrement mon collègue Laurent Somon pour la qualité du travail que nous avons accompli et pour ses propositions, auxquelles je souscris pleinement.
M. Laurent Somon, rapporteur pour avis de la commission des finances. - La création de la compétence GEMAPI en 2014 par la loi « Maptam » ne s'est pas accompagnée d'un transfert de moyens de l'État. Elle a toutefois donné lieu à l'instauration d'un nouvel impôt local facultatif, la taxe GEMAPI, codifiée à l'article 1350 bis du code général des impôts. Il s'agit d'un impôt de répartition, affecté au financement de cette compétence.
Cette taxe constitue, pour les collectivités, une ressource en progression. En 2018, 428 EPCI la percevaient, contre 665 en 2021, soit un taux de couverture de 53 %. Selon les premières données disponibles, les trois quarts des EPCI auraient levé cette taxe en 2024. Son montant a également augmenté, passant de 6 euros par habitant en 2018 à 7,5 euros en 2021. Le produit global de la taxe GEMAPI aurait ainsi triplé entre 2018 et 2023.
Pour autant, les auditions que nous avons conduites ont mis en lumière un constat partagé par de nombreux élus : la taxe GEMAPI demeure insuffisante. Ce constat est revenu de manière récurrente. Si l'administration évalue le produit potentiel de la taxe à 2,9 milliards d'euros, ce plafond est encore loin d'être atteint. De fortes disparités territoriales subsistent. Les territoires les plus exposés aux risques d'inondation mobilisent cette taxe à un niveau proche du plafond légal de 40 euros par habitant, tandis que d'autres, moins exposés, disposent de marges non exploitées. L'insuffisance de la taxe GEMAPI résulte donc d'une répartition inégale de l'effort fiscal sur le territoire.
L'examen de la présente proposition de loi s'inscrit dans un contexte de forte tension sur la capacité des collectivités territoriales à faire face aux risques d'inondation, en raison de l'insuffisance des moyens dont elles disposent. Le texte a été renvoyé à la commission des lois pour l'examen des articles 1er et 2. Celle-ci a toutefois délégué à la commission des finances l'examen au fond des articles 3 et 4, qui relèvent du volet fiscal.
L'article 3 prévoit la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement. Ce rapport doit porter sur la mise en oeuvre de la taxe GEMAPI, sur les modalités permettant une répartition plus équitable de son produit sur l'ensemble du territoire, ainsi que sur l'opportunité d'instaurer un fonds de péréquation.
Je le rappelle, le Sénat se montre traditionnellement réservé à l'égard des demandes de rapport adressées au Gouvernement : seuls 20 % d'entre eux sont effectivement remis. J'aurais donc été enclin à formuler directement une proposition de création d'un fonds de péréquation de la taxe GEMAPI, de façon à provoquer un débat de fond et à contraindre le Gouvernement à se positionner, comme l'a d'ailleurs suggéré le rapporteur.
Cependant, à la suite des échanges que nous avons eus avec les auteurs de la proposition de loi, nous avons souhaité respecter leur choix de s'en tenir à une demande de rapport. Cette option permet d'engager une réflexion partenariale avec le Gouvernement, tout en rappelant que la solidarité nationale relève d'abord de sa responsabilité ; nous touchons ici à des missions qui relèvent presque de la sécurité civile.
En conséquence, la commission des finances a proposé d'adopter l'article 3 sans modification.
L'article 4 vise à permettre que les recettes de la taxe GEMAPI puissent désormais financer des actions menées dans le cadre de la compétence relative à la maîtrise des eaux pluviales en zone non urbaine. Or cette compétence ne relève pas du périmètre de la GEMAPI. L'article prévoit également que les personnes à qui la compétence GEMAPI a été transférée puissent reverser tout ou partie du produit de la taxe aux communes, afin qu'elles prennent en charge cette compétence spécifique.
Cette disposition nous paraît particulièrement superflue s'agissant des départements. En effet, l'article 1er de la proposition de loi ouvre la possibilité d'une délégation, et non d'un transfert de compétence au profit des départements. Or, dans le cadre d'une délégation, il est déjà possible de reverser les financements aux communes concernées.
Par ailleurs, il ne nous semble pas que la taxe GEMAPI puisse absorber le coût d'une compétence supplémentaire. Comme je l'ai indiqué précédemment, son produit est aujourd'hui insuffisant pour couvrir l'ensemble des dépenses nécessaires à la prévention des inondations. Plusieurs personnes auditionnées nous ont fait part de leur inquiétude quant à l'intégration de nouvelles missions dans le champ de la GEMAPI, qu'il s'agisse de la gestion des eaux pluviales en zone non urbaine ou de la protection du littoral.
La commission des finances a donc proposé la suppression de cet article.
Mme Audrey Linkenheld. - Je remercie nos rapporteurs pour le travail qu'ils viennent de nous présenter.
Si j'osais une formule, je dirais que la question, en définitive, est de savoir si l'on peut faire ruisseler... le ruissellement. Il est d'ailleurs assez original que le ruissellement, qui constitue en quelque sorte le sujet numéro un en matière de finances, ne relève pas ici de la commission des finances, mais bien de la commission des lois.
Plus sérieusement, je tiens à dire que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain partage pleinement l'intention qui sous-tend cette proposition de loi : il s'agit de tenter de faciliter la tâche des collectivités territoriales, qui sont malheureusement confrontées à la question des inondations et, plus généralement, à la problématique sensible de la gestion de l'eau.
Cela étant, comme pour d'autres textes, la question qui se pose est la suivante : en cherchant à assouplir ou à simplifier le cadre juridique, ne risque-t-on pas, paradoxalement, d'en accentuer encore la complexité ? Tel est le point de vue de notre groupe, qui rejoint, je crois, celui des rapporteurs, même si ceux-ci ont cherché à répondre à ces inquiétudes par voie d'amendement. Nous sommes donc un peu circonspects.
Il faut bien reconnaître que la question de la compétence GEMAPI est ici traitée par le biais d'une délégation, qui n'est ni un transfert de compétence ni une délégation classique. Les amendements déposés visent à apporter des précisions à ce sujet. Mais une interrogation subsiste : si l'on supprime l'article modifiant la taxe GEMAPI, quel est alors l'intérêt d'élargir une compétence dont les ressources sont d'ores et déjà insuffisantes ? Le produit moyen de cette taxe est aujourd'hui de 8 euros par habitant, alors que le plafond légal est fixé à 40 euros. L'écart est donc significatif.
Pour notre part, nous ne sommes évidemment pas opposés à l'objet du texte. En revanche, s'agissant des rédactions proposées - tant initiales que résultant des amendements -, nous souhaitons nous accorder encore un temps de réflexion. Il convient de vérifier si, au terme de ce travail, le dispositif tourne mieux qu'auparavant. Nous restons, bien entendu, favorables à l'objectif des auteurs.
M. Michel Masset. - Si l'intention des auteurs de ce texte est louable - et il est évident que des clarifications sont nécessaires en matière de compétences -, je me permets néanmoins de vous exposer la situation concrète du Lot-et-Garonne.
Dans ce département, nous subissons entre trois et cinq inondations par an. Le territoire compte onze intercommunalités, qui ont toutes institué la taxe GEMAPI. Malgré cela, les moyens financiers demeurent largement insuffisants. Il faut savoir que, durant les deux premières années d'exercice de la compétence, la taxe a été prélevée à hauteur d'environ 25 euros par habitant, ce qui a permis de constituer une enveloppe globale de 500 000 euros. Or ces deux premières années ont été intégralement consacrées à la réalisation d'études - des études que, je le précise, l'État n'avait jamais conduites - concernant l'endiguement.
Un seul exemple : une première brèche identifiée sur une digue de 700 mètres nécessite une intervention chiffrée à 400 000 euros, soit une somme presque équivalente à la totalité des ressources collectées à l'échelle départementale, alors même que nous n'avons à traiter que 40 kilomètres de berges.
Dès lors, envisager un transfert de la compétence ou de ses ressources par délégation au département revient, pour reprendre une expression imagée, à organiser un mariage entre pauvres. En effet, je ne vois pas en quoi les départements disposeraient de davantage de marges de manoeuvre que les communautés de communes, si les prélèvements restent les mêmes.
Les intercommunalités se sont structurées, elles ont recruté du personnel. Un transfert de personnels pourrait éventuellement être envisagé, mais, à mes yeux, la véritable échelle pertinente n'est pas celle du département. Il s'agit d'une problématique qui doit être appréhendée en amont et en aval du cours d'eau, dans sa globalité, et donc à l'échelle de plusieurs départements, voire à celle de la région.
Par ailleurs, je peux vous assurer que lorsqu'on subit régulièrement des inondations, comme c'est le cas dans le Lot-et-Garonne, on souhaiterait davantage la mise en place d'un impôt ou d'une taxe collective. Car lorsque vous êtes situés en aval, vous ne faites que collecter les eaux provenant des autres territoires. Et pourtant, c'est vous qui êtes inondés.
Alors, pourquoi ne pas chercher à simplifier le dispositif ? Mais il restera toujours, en tout état de cause, la question centrale du financement.
Mme Cécile Cukierman. - La compétence GEMAPI fait couler beaucoup d'eau depuis sa création. Tout le problème est bien là, puisqu'elle devait précisément réduire les risques liés à une maîtrise insuffisante de l'eau.
Nous voterons l'article 1er, qui redonne aux départements la possibilité d'exercer cette compétence. Nous voterons également l'amendement tendant à conforter le rôle du département dans ce cadre.
Si nous souhaitons réellement rendre aux départements toute leur place, y compris dans un rôle dépassant la seule solidarité sociale pour inclure une solidarité territoriale, il est alors cohérent de permettre aux départements d'apporter une assistance technique - et c'est l'objet du texte, même si j'ai entendu les réserves -, précieuse à de nombreuses intercommunalités pour lesquelles ce sujet reste complexe à traiter.
Cela étant, cette proposition de loi et la suppression de l'article 4 ne permettent pas de régler le grand défi que constitue le financement. Ce défi est pourtant bien identifié depuis la création de la taxe GEMAPI et la mise en place de cette compétence. Dans un monde où les catastrophes naturelles se multiplient, où les précipitations deviennent de plus en plus soudaines et massives, les conséquences sont de plus en plus lourdes pour les territoires - nous le constatons malheureusement chaque année dans nos départements.
Je veux le redire ici - et nous aurons l'occasion de le répéter en séance publique -, nous n'émettons aucune réserve de principe sur cette proposition de loi. Toutefois, il faut bien admettre que les difficultés vont perdurer, en raison de l'incapacité structurelle de la taxe GEMAPI à répondre, seule, aux besoins d'investissement nécessaires. Les exemples qui viennent d'être donnés l'illustrent parfaitement : cette taxe, dans son état actuel, ne permet pas de financer les infrastructures indispensables pour préserver nos territoires des catastrophes pluviales à venir. Il en va de même, bien entendu, pour les territoires littoraux, qui doivent faire face aux effets du recul du trait de côte.
M. André Reichardt. - Je félicite nos collègues à l'origine de cette proposition de loi pour leur engagement sur la compétence GEMAPI. Cela dit, à force de déposer ce type de propositions, on finit par ne plus savoir où l'on va - permettez-moi cette franchise. Est-ce ainsi que l'on doit traiter les affaires de ce pays ? Car, à chaque nouvelle tentative de transfert de compétence, surgit immédiatement la question de savoir si la collectivité destinataire disposera des moyens nécessaires pour l'exercer. Nous contribuons, en réalité, à déstructurer un cadre institutionnel qui, certes, n'était pas parfait - je l'avais d'ailleurs critiqué à l'époque -mais qui, au moins, avait le mérite d'exister et d'offrir un minimum de lisibilité. Aujourd'hui, nous en sommes arrivés à un point où plus rien n'est clair.
J'en appelle donc, solennellement, à un retour de la cohérence dans ce domaine. Est-il, oui ou non, temps de poser, dans ce pays, la question fondamentale de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales ? Et de le faire non pas par une succession de propositions de loi, mais par un véritable projet de loi, qui traiterait en profondeur, de manière globale, les grandes thématiques relevant de l'action publique locale : qui fait quoi, avec quels moyens ?
Rappelons-nous les combats menés - pendant des années - sur le sujet de l'eau. Combien de temps a-t-il fallu pour remettre en question le transfert obligatoire de l'eau et de l'assainissement aux intercommunalités ? Aujourd'hui, ces mêmes intercommunalités en appellent à l'aide, demandent au département de prendre le relais. Mais chacun sait que les départements, de leur côté, n'en peuvent plus : les compétences qui leur sont confiées ne cessent de croître, tandis que leurs moyens stagnent, voire diminuent.
Alors, je le dis sans détour : allons-nous, enfin, avoir le courage de reconnaître que la décentralisation, dans son état actuel, ne fonctionne pas ? Elle ne fonctionne plus. Et je ne veux même pas rouvrir ici le débat - pourtant bien réel - sur les grandes régions, sur les grands cantons, sur les tensions engendrées par les binômes... Tout cela pèse dans la balance.
Ces grandes régions, dans bien des cas, ne fonctionnent pas. Nous faut-il encore attendre pour en tirer les conséquences et proposer un projet de loi structurant, qui permette, en tenant compte des capacités de chacun, de redéfinir clairement ce que l'on peut - et doit - faire à chaque niveau de territoire ?
J'ai commencé par rendre hommage aux auteurs de cette proposition de loi, mais, pour ma part, je ne peux plus de continuer à légiférer dans ces conditions.
M. Louis Vogel. - Très bien !
M. Michel Masset. - Permettez-moi de vous livrer un dernier exemple illustrant les enjeux concrets liés à la compétence GEMAPI. Cet exemple date de la semaine dernière.
Une ligne à grande vitesse (LGV) a été gravement endommagée à la suite du débordement d'un simple ruisseau. Ce débordement a emporté une portion de la ligne LGV sur une centaine de mètres. Aujourd'hui, la responsabilité incombe à l'intercommunalité, et la SNCF se retourne donc contre cette collectivité.
Voilà ce que cela signifie concrètement : 500 passagers ont dû être évacués du train à vingt-trois heures ; ils ont été mis à l'abri en urgence. Tous les transports sont paralysés depuis quinze jours ; et l'on cherche à faire porter la responsabilité sur une intercommunalité de 18 000 habitants...
M. Hervé Reynaud, rapporteur. - Je vais commencer par répondre à André Reichardt.
Nous pouvons souscrire au questionnement, voire à la sourde colère qui anime un certain nombre d'entre nous, face à l'absence de réformes structurelles ou de fond qui permettraient de régler durablement les problèmes de notre pays depuis quelques mois.
Nous avons tenté, avec ce texte, d'être cohérents avec la vision portée par le Sénat. Cette proposition de loi s'inscrit dans une suite d'assouplissements déjà introduits depuis les lois dites « Maptam » et « NOTRe ». Il s'agit d'un assouplissement de plus, certes, mais dans une logique constante : laisser à nos collectivités territoriales, à nos élus locaux, la liberté de choisir - et avec l'accord de l'ensemble des acteurs du territoire.
C'est pourquoi il n'est pas question ici d'un élargissement imposé de la compétence, mais bien d'une simple faculté de délégation au département, à condition que celui-ci soit volontaire et en capacité de le faire, notamment en matière d'ingénierie et d'assistance technique. Et surtout, nous souhaitons rétablir une procédure similaire à celle qui existe en droit commun : l'unanimité des communes concernées est requise, afin de ne tordre le bras à personne, pour procéder à la délégation de compétence.
Reste évidemment en suspens, comme une épée de Damoclès, la question du financement. Le produit de la taxe GEMAPI s'élève aujourd'hui à 536 millions d'euros. Son plafond, fixé à 40 euros par habitant, permettrait - en théorie - d'atteindre un produit de 3 milliards d'euros. Mais nous voyons bien qu'il s'agit d'un jeu de dupes.
Depuis plusieurs années, on dit aux élus locaux qu'il suffit d'appliquer la taxe pour trouver les ressources nécessaires. Cette situation, nous l'avons entendu au cours de nos auditions, est perçue comme profondément injuste, voire révoltante par de nombreux élus. Cela n'est pas convenable.
Comme je l'ai indiqué en préambule, il nous faudra profiter de la séance publique pour rappeler au Gouvernement ses responsabilités en matière de sécurité publique et de solidarité nationale.
M. Laurent Somon, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Je me contenterai de quelques mots, car je partage entièrement les propos tenus par le rapporteur. Il est vrai que nous avons le sentiment de pastiller les sujets. Mais, en l'absence d'un projet de loi global - le Gouvernement est pourtant régulièrement alerté sur l'insuffisance des ressources allouées aux collectivités territoriales pour faire face à la recrudescence des inondations -, nous n'avons d'autre choix que de procéder ainsi.
Je pourrais, moi aussi, évoquer l'exemple de la Somme, confrontée à des inondations persistantes dès 2001. Il ne s'agissait pas alors d'un simple épisode ponctuel, mais d'une inondation stagnante ayant duré trois mois. Une telle situation provoque non seulement des dégâts importants, mais aussi une profonde irritation chez les habitants.
Cette proposition de loi est certes imparfaite, mais elle a le mérite de remettre au premier plan une nécessité impérieuse pour les collectivités locales, face à la récurrence d'événements climatiques particulièrement coûteux. Elle permet également de soulever, en creux, la problématique des assurances, qui devra être traitée dans le cadre de la proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales, d'initiative sénatoriale.
Pourquoi ne sommes-nous pas allés plus loin sur la question de la péréquation ? Parce que nous avons souhaité respecter la liberté des collectivités territoriales dans la détermination de leurs ressources. Il n'était pas envisageable d'imposer une solidarité horizontale dans le contexte budgétaire et financier extrêmement contraint que nous connaissons.
J'ai moi-même connu, à l'échelle départementale, les limites de la péréquation horizontale au sein de Départements de France, et ce dans une période pourtant favorable, marquée par l'augmentation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Aujourd'hui, les finances locales sont en tension ; imposer une telle solidarité serait très difficilement acceptable.
Les auditions l'ont d'ailleurs bien mis en évidence, nous avons perçu un clivage manifeste entre, d'un côté, les territoires densément peuplés, capables de lever un produit fiscal important, mais peu exposés aux risques, et de l'autre, les territoires peu peuplés, mais fortement soumis à des contraintes météorologiques, nécessitant des investissements considérables pour se prémunir contre les inondations, comme l'a illustré l'exemple évoqué par Michel Masset.
Je le rappelle, la prévention des inondations commence par l'amont, bien avant que ne survienne le ruissellement.
Pour autant, les communes littorales, qui ne subissent pas les mêmes contraintes, refusent souvent d'intégrer la gestion du ruissellement des eaux pluviales dans la GEMAPI. De la même manière, les territoires ruraux situés en amont des rivières rechignent à prendre en charge la protection du littoral, en raison des coûts très élevés que cela impliquerait.
Il appartient donc au Gouvernement d'ouvrir une concertation sérieuse avec les collectivités locales, afin de leur apporter les moyens nécessaires pour agir efficacement.
Nous avons pleinement conscience que le présent texte a une portée limitée. Mais nous avons volontairement choisi de ne pas contraindre les collectivités, tout en leur offrant la possibilité de recourir à la délégation, afin de mobiliser de l'ingénierie ou de transférer ponctuellement certaines compétences, dans le but de réaliser les travaux indispensables.
Enfin, j'évoquerai un dernier point, soulevé par la commission des finances, et que Christine Lavarde a rappelé à juste titre : le rôle de l'agence de l'eau. C'est en effet un acteur essentiel dans la gestion des bassins hydrographiques et de l'eau, qu'il s'agisse du grand cycle ou du petit cycle. Il est donc nécessaire, également, de reconsidérer le rôle et les missions de ces agences.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives à l'exercice et au financement de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations ; les dispositions relatives à la taxe dite GEMAPI mentionnée à l'article 1350 bis du code général des impôts.
Il en est ainsi décidé.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Je propose que notre commission prenne acte des résultats des travaux de la commission des finances sur les articles qui lui ont été délégués, et adopte l'article 3 sans modification et l'amendement COM-1 de suppression de l'article 4.
M. Hervé Reynaud, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à préciser que la délégation de la compétence GEMAPI au département nécessite l'accord de l'ensemble des conseils municipaux des communes membres de l'EPCI à fiscalité propre. Il s'agit ainsi d'aligner ce dispositif sur le droit commun applicable aux délégations volontaires et facultatives de compétences entre les collectivités territoriales et leurs groupements.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Hervé Reynaud, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à clarifier l'articulation entre la compétence GEMAPI et la gestion des eaux pluviales urbaines. Il me semble nécessaire d'expliciter cette articulation en introduisant dans le texte une distinction plus précise entre les notions de ruissellement et de prévention des inondations.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Hervé Reynaud, rapporteur. - L'amendement COM-4 tend, lui aussi, à renforcer le rôle des départements dans l'exercice de la compétence GEMAPI en leur donnant la possibilité de prendre des mesures en matière de ruissellement, dès lors qu'elles présentent un lien avec la prévention des inondations.
L'amendement COM-4 est adopté et devient article additionnel.
Article 3
L'article 3 est adopté sans modification.
Article 4
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article 4 est supprimé.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1er |
|||
M. REYNAUD, rapporteur |
2 |
Alignement de la procédure de délégation sur la procédure de délégation de droit commun |
Adopté |
Article 2 |
|||
M. REYNAUD, rapporteur |
3 |
Clarification rédactionnelle |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 2 |
|||
M. REYNAUD, rapporteur |
4 |
Explicitation du champ de l'assistance technique susceptible d'être fournie par les départements aux EPCI-FP et communes en matière de prévention des inondations |
Adopté |
Article 4 |
|||
M. SOMON, rapporteur pour avis |
1 |
Suppression de l'article |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 3(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie4(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte5(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial6(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 28 mai 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 416 (2024-2025) portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI).
Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives à
- l'exercice et au financement de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) ;
- les dispositions relatives à la taxe dite « Gemapi » mentionnée à l'article 1350 bis du code général des impôts.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente du Sénat, sénatrice de Seine-et-Marne, auteur de la proposition de loi
M. Pierre Cuypers, sénateur de Seine-et-Marne, auteur de la proposition de loi
Direction générale de la prévention des risques (DGPR)
Mme Véronique Lehideux, cheffe du service des risques naturels
M. Gilles Rat, conseiller placé auprès de la cheffe de service des risques naturels
Direction générale des collectivités locales (DGCL)
Mme Marie Cornet, cheffe du bureau des services publics locaux
Mme Séverine Reymund, cheffe de bureau du bureau de la fiscalité locale
Mme Valérie Pestel, attachée principale au bureau de la fiscalité locale
Assemblée des départements de France (ADF)
M. Martial Saddier, président du département de la Haute-Savoie
Table ronde d'associations d'élus
Association des élus littoraux (ANEL)
M. Robert Crauste, premier président délégué, maire du Grau-du-Roi
M. Alain Blanchard, délégué général
Association des élus de montagne (ANEM)
Mme Marie-Annick Fournier, déléguée générale
M. Charles Meiller, conseiller
Association des maires de France (AMF)
Mme Marie-Cécile Georges, responsable de la mission intercommunalités et territoires
Mme Stéphanie Bidault, chargée de mission prévention des risques
Intercommunalités de France
M. Jacques Bilirit, président de Val de Garonne Agglomération
Mme Carole Ropars, responsable du pôle environnement et aménagement
Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
France Urbaine
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-416.html
* 1 Voir article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. La police municipale comprend notamment « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (...) les inondations, les ruptures de digues », etc.
* 2 Rapport d'information n° 775 (2023-2024) fait par MM. Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux au nom de la mission d'information conjointe de contrôle de la commission de l'aménagement du territoire et du développement et de la commission des finances relative aux inondations, p.10.
* 3 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 4 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 5 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 6 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.