N° 665

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 mai 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi
visant à
renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d'adapter les normes aux territoires,

Par Mme Nadine BELLUROT,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa,
Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt,
Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte,
Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia,
M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

493 et 666 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Alors que s'est tenue, le jeudi 3 avril 2025, sous la présidence de Gérard Larcher et en présence du Premier ministre, la troisième édition des « Assises de la simplification », le Sénat est plus que jamais engagé en faveur de la simplification et de la différenciation des normes applicables aux collectivités territoriales.

Dans cette perspective, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales a lancé une mission d'information visant à établir un bilan de l'exercice, par les préfets, du pouvoir de dérogation qui leur est reconnu depuis 2017. Ses rapporteurs, Rémy Pointereau et Guylène Pantel, ont formulé plusieurs recommandations1(*) destinées à développer cet outil, au service de la simplification et d'une meilleure adaptation des normes aux particularités locales.

La proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d'adapter les normes aux territoires traduit ces recommandations et vise ainsi à :

consacrer et élargir le pouvoir préfectoral de dérogation aux normes de niveau réglementaire ;

- reconnaître au préfet, au cas par cas, la faculté de déroger à certaines normes législatives ;

lever les freins à l'utilisation de cet outil, en favorisant le dialogue avec les élus locaux et en sécurisant l'action des préfets, au regard de leur responsabilité pénale.

Favorable à la consécration dans la loi du pouvoir préfectoral de dérogation ainsi qu'à son renforcement, la commission a adopté la proposition de loi, après l'avoir modifiée par sept amendements, dont cinq de la rapporteure, Nadine Bellurot, visant à étendre le périmètre et la portée de ce pouvoir de dérogation, tout en prévoyant des mesures de nature à faciliter la mobilisation de ce dispositif au service de la réalisation des projets locaux.

I. LE POUVOIR PRÉFECTORAL DE DÉROGATION : UN OUTIL À DÉVELOPPER AU SERVICE DES TERRITOIRES

A. LE POUVOIR PRÉFECTORAL DE DÉROGATION : UN LEVIER DE SIMPLIFICATION ET D'ADAPTATION DES NORMES AUX TERRITOIRES

Régulièrement dénoncée par le Sénat depuis plusieurs années, l'augmentation ininterrompue du nombre de normes applicables aux collectivités se conjugue à l'accroissement de leur complexité.

Cette situation, préjudiciable tant à la conduite des projets locaux qu'à l'efficacité de l'action de l'État territorial, a donné lieu au lancement d'une expérimentation en 20172(*), visant à reconnaître à certains préfets de département et de région un pouvoir général strictement encadré de dérogation aux normes réglementaires arrêtées par l'administration de l'État.

Au regard du bilan positif de cette expérimentation, le dispositif a été pérennisé et étendu à l'ensemble du territoire national par un décret du 8 avril 20203(*). Conformément à ce décret, les dérogations ne peuvent intervenir que dans un nombre limité de matières et doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et l'existence de circonstances locales. Toutefois, seules des règles « formelles » peuvent faire l'objet d'une dérogation, puisque celle-ci doit « avoir pour effet d'alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques ».

Matières dans lesquelles peut intervenir une dérogation préfectorale (article 1er du décret du 8 avril 2020)

« 1° Subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ;

« 2° Aménagement du territoire et politique de la ville ;

« 3° Environnement, agriculture et forêts ;

« 4° Construction, logement et urbanisme ;

« 5° Emploi et activité économique ;

« 6° Protection et mise en valeur du patrimoine culturel ;

« 7° Activités sportives, socio-éducatives et associatives. »

Comme l'ont souligné les préfets entendus par la rapporteure, dérogation et simplification sont étroitement liées : lorsqu'une dérogation apparaît opportune, c'est souvent parce que la règle dont l'on souhaite s'écarter s'avère trop compliquée et inadaptée à la situation concrète à régler.

Si le bilan de l'exercice du droit de dérogation depuis sa généralisation il y a cinq ans a mis en lumière les atouts présentés par ce dispositif, il a toutefois également permis d'identifier un certain nombre de freins, qu'il conviendrait de lever afin de permettre une réelle adaptation des normes aux spécificités locales.


* 1  Rapport d'information n° 346 (2024-2025) du 13 février 2025 de Rémy Pointereau et Guylène Pantel, relatif au pouvoir préfectoral de dérogation aux normes.

* 2 Décret n° 2017-1845 du 29 décembre 2017 relatif à l'expérimentation territoriale d'un droit de dérogation reconnu au préfet.

* 3 Décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet.

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