B. LE POUVOIR PRÉFECTORAL DE DÉROGATION : UN OUTIL AU FORT POTENTIEL QUI MÉRITE D'ÊTRE DÉVELOPPÉ ET DAVANTAGE MOBILISÉ
1. Un dispositif jugé utile, tant par les préfets que par les élus locaux
Depuis l'entrée en vigueur du décret du 8 avril 2020, quelque 900 arrêtés de dérogation préfectoraux ont été portés à la connaissance de l'administration centrale. Toutefois, le nombre effectif d'arrêtés de dérogation pourrait être supérieur, dans la mesure où la circulaire du 28 octobre 2024 portant simplification de l'action publique a supprimé les obligations tant d'information préalable des préfets de région par les préfets de département exerçant leur pouvoir de dérogation que de saisine préalable de l'administration centrale.
Nombre d'arrêtés de dérogation pris par département
Source : délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Si les préfets se sont saisis de façon inégale de cette faculté, un constat s'impose : lorsqu'il y est recouru, ce pouvoir s'exerce dans un cadre consensuel et en concertation avec les élus locaux, comme en témoigne la quasi-absence de contentieux.
Dans 90 % des cas, ce sont les collectivités territoriales qui ont bénéficié d'une dérogation et, dans la plupart des cas, celle-ci a concerné l'attribution d'une subvention publique.
2. Les freins à l'exercice du pouvoir préfectoral de dérogation
Néanmoins, en dépit d'une accélération récente du nombre d'arrêtés de dérogation publiés, les préfets ont usé de ce pouvoir avec prudence, ce qui peut s'expliquer par la persistance de plusieurs obstacles :
- la liste des matières dans lesquelles peuvent intervenir les dérogations demeure limitée et exclut, par exemple, les domaines du transport, de la fonction publique territoriale ou encore la santé publique ;
- le pouvoir de dérogation se heurte fréquemment à l'existence de normes législatives et européennes ;
- le principe même de « dérogation » peut parfois sembler contre-intuitif pour l'administration, qui demeure attachée au principe d'égalité devant la loi ;
- des réticences ont été exprimées par les préfets, qui identifient un « risque pénal » inhérent aux décisions dérogeant à la règle commune.