EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
Élargissement aux
présidents de conseil départemental des membres de droit des
conseils locaux et intercommunaux de prévention de la
délinquance
L'article unique de la présente proposition de loi tend à rétablir les présidents de conseil départemental parmi les membres de droit des conseils locaux et intercommunaux de prévention de la délinquance.
En effet, la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a remonté au niveau de la loi les dispositions relatives à la composition des CLSPD et des CISPD, auparavant régies par voie réglementaire. Ce faisant, elle a retiré les présidents du conseil départemental de la liste des membres de droit.
La commission des lois a jugé cette mesure de rétablissement pleinement opportune, et ce pour deux raisons principales :
- elle est pleinement cohérente avec les compétences des départements en matière d'action sociale ;
- elle favorise le développement d'approches partenariales de la politique de prévention de la délinquance qui, compte tenu de son caractère intrinsèquement protéiforme, appelle une mobilisation et une coopération de l'ensemble des acteurs impliqués.
L'ensemble des acteurs interrogés (administrations, associations d'élus du bloc communal, Départements de France, collectivités territoriales) partage cette position.
La commission des lois a adopté cet article sans modification.
1. Les conseils locaux et intercommunaux de prévention de la délinquance : une instance précieuse pour l'animation des politiques locales de sécurité, dont les présidents de conseil départemental ne sont plus membres de droit depuis 2024
Institués par le décret n° 2002-999 du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) constituent des instances de coordination et de pilotage de la politique locale de prévention de la délinquance, présidés par les maires. À cette fin, elles favorisent notamment les échanges d'informations entre les organismes publics et privés concernés et peuvent proposer des actions de prévention dont elles assurent le suivi et l'évaluation. Le cas échéant, elles assurent l'animation et le suivi du contrat local de sécurité.
La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a rendu leur création obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que dans les communes comprenant un quartier prioritaire de la politique de la ville.
Elle a également prévu la possibilité d'instituer un tel conseil au niveau intercommunal. Le cas échéant, le conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) est présidé par le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou l'un de ses vice-présidents.
Les CLSPD et les CISPD sont aujourd'hui régis, respectivement, par les articles L. 132-4 et L. 132-13 du code de la sécurité intérieure.
À plusieurs reprises, le législateur a entendu renforcer les CLSPD et des CISPD.
En particulier, la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, dite « Sécurité globale », a étendu l'obligation de créer un CLSPD aux communes de plus de 5 000 habitants. Elle a également prévu l'obligation pour les maires de communes de plus de 15 000 habitants de désigner un « coordinateur » au sein du CLSPD. Celui-ci -- qui peut être un membre du conseil municipal ou un agent public territorial -- est alors chargé d'assurer l'animation, le suivi et la coordination des travaux du conseil. Depuis la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, si le maire n'a pas désigné de coordinateur, le représentant de l'État territorialement compétent est tenu d'en désigner un.
Ainsi, en 2024, le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) dénombrait 1 041 CLSPD et 301 CISPD. Il recensait également, en 2022, respectivement 660 et 238 coordinateurs pour ces instances.
Les maires et les présidents des EPCI fixent, respectivement, la liste des membres des CLSPD et des CISPD. Celle-ci comporte des membres de droit et des membres facultatifs.
Sont membres de droit :
- le représentant de l'État ou son représentant ;
- le procureur de la République ou son représentant ;
- s'agissant des CLSPD, le cas échéant, le président de l'EPCI à fiscalité propre compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance et dont la commune est membre, ou son représentant.
La loi prévoit que le CLSPD ou le CISPD se réunit au moins une fois par an en présence des membres de droit ou de leurs représentants spécialement désignés à cet effet.
Peuvent également être désignés membres de ces conseils :
- les représentants des services de l'État désignés par le représentant de l'État dans le département. Si ces services peuvent varier selon les territoires, il peut notamment s'agir de la police ou de la gendarmerie nationales, du délégué du préfet à la politique de la ville, des représentants du service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip), de la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (DTPJJ), de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS), de la direction académique des services de l'éducation nationale (Dasen), des directeurs, principaux et proviseurs des établissements scolaires, etc. ;
- à leur demande, les parlementaires concernés ;
- des représentants d'associations, d'établissements ou d'organismes désignés, avec leur accord, par le président du conseil. Il peut notamment s'agir d'acteurs sociaux et éducatifs (protection judiciaire de la jeunesse, services sociaux, éducateurs spécialisés, missions locales...) ou encore d'associations et organismes partenaires (aide aux victimes, bailleurs sociaux, médiateurs et éducateurs spécialisés, intervenants sociaux en commissariat et en gendarmerie...).
Enfin, en tant que de besoin et selon les particularités locales, les maires des communes limitrophes de moins de 5 000 habitants ou leurs représentants et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale intéressés ainsi que des personnes qualifiées peuvent être associés aux travaux du conseil.
Il est à noter que la loi 21 mars 2024 précitée a défini au niveau de la loi les dispositions relatives à la composition des CLSPD et CISPD, auparavant régies par voie réglementaire. Ce faisant, elle a retiré les présidents de conseil départemental de la liste des membres de droit1(*), la désignation de ces derniers pouvant néanmoins être prescrite en tant que personnes qualifiées.
En outre, les CLSPD et CISPD peuvent constituer en leur sein des groupes de travail et d'échange d'informations à vocation territoriale ou thématique, dans le cadre desquels des informations confidentielles non communicables aux tiers peuvent être échangées, selon des modalités prévues par un règlement intérieur2(*).
Ces groupes peuvent notamment traiter :
- à la demande de l'autorité judiciaire ou de ses membres, des questions relatives à l'exécution des peines et à la prévention de la récidive ;
- à la demande du maire, du représentant de l'État ou de l'autorité judiciaire, des questions relatives aux violences commises à l'encontre des élus.
2. La proposition de loi : un rétablissement bienvenu de la représentation des présidents de conseil départemental en qualité de membres de droit
La présente proposition de loi tend à modifier les articles L.132-4 et L. 132-13 du code de la sécurité intérieure de façon à rétablir les présidents de conseil départemental parmi les membres de droit des CLSPD et CISPD.
2.1 Une mesure cohérente avec les compétences des départements en matière d'action sociale
La loi consacre le rôle des départements en matière de prévention de la délinquance, en lien avec leurs compétences d'action sociale3(*).
L'article L. 132-15 du code de la sécurité intérieure prévoit ainsi expressément que : « Le conseil départemental concourt aux actions de prévention de la délinquance dans le cadre de l'exercice de ses compétences d'action sociale. Il statue sur l'organisation et le financement des services et des actions sanitaires et sociaux qui relèvent de sa compétence, notamment des actions qui concourent à la politique de prévention de la délinquance. »
Pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance dans les communes et EPCI dans le cadre des CLSPD et CISPD, le même article prévoit que : « le département détermine les territoires prioritaires, les moyens communaux et départementaux engagés et leur mode de coordination, l'organisation du suivi et de l'évaluation des actions mises en oeuvre ».
Dès lors que la loi leur impose de concourir au fonctionnement de ces instances, il paraît incohérent qu'elle ne les désigne pas comme membres de droit.
Il peut également être relevé que l'article L. 121-2 du code de la sécurité intérieure prévoit spécifiquement que « dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les lieux où se manifestent des risques d'inadaptation sociale, le département participe aux actions visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l'insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles », qui peuvent notamment prendre la forme d'« actions de prévention de la délinquance ».
Les travaux conduits par le rapporteur ont pleinement illustré le rôle précieux que les départements ont pu jouer au sein des CLSPD et CISPD. Plusieurs pans de l'action des départements y contribuent.
En premier lieu, l'aide sociale à l'enfance permet d'agir sur la prévention précoce.
Plusieurs CLSPD, à l'instar de ceux des communes de Vernon ou de Montpellier, dont le maire et l'adjoint au maire ont respectivement été auditionnés par le rapporteur, mènent des actions spécifiques concernant la prévention de la prostitution de mineurs, phénomène lié à la criminalité organisée qui monte en puissance dans de nombreux territoires. Le conseil départemental de Seine-et-Marne, également interrogé par le rapporteur, a noué un partenariat en la matière avec l'association Amicale du nid, en lien avec les juridictions et la DTPJJ.
Les services de l'ASE sont également parties prenantes de la cellule de suivi des mineurs primo-délinquants mise en place dans le cadre du CLSPD de Nanterre ou encore de la cellule de « veille éducative » mise en place dans le cadre du CLSPD de Suresnes, cités en exemple par le secrétariat général du CPIDR (SG-CIPDR).
De même, les départements jouent un rôle important en matière de prévention spécialisée, qui repose sur des interventions éducatives de rue auprès des jeunes en rupture ou en voie de marginalisation. Départements de France a notamment cité le département de l'Eure, qui cofinance le dispositif dit des « bataillons de la prévention » sur trois quartiers prioritaires de la politique de la ville d'Évreux.
Ce type de missions s'inscrit pleinement dans le champ d'action des CLSDP. À titre d'exemple, l'adjoint au maire de Bordeaux, auditionné par le rapporteur, a indiqué que le CLSPD, qui organise ses travaux selon une approche thématisée, orientait actuellement ses actions sur les enjeux liés à la lutte contre la délinquance des jeunes, dans le cadre de laquelle la prévention spécialisée a toute sa place.
Les départements peuvent également agir dans le champ de la prévention des violences intrafamiliales, qui relève de l'action sociale et médico-sociale.
Comme le conseil départemental du Cher l'a précisé au rapporteur, ces différentes politiques « participent directement à la prévention de comportements déviants ou violents et permettent d'intervenir en amont des situations de conflit ou de danger ».
Le conseil départemental de Seine-et-Marne a notamment indiqué soutenir la lutte contre les violences intrafamiliales au travers du financement de centres d'hébergement, d'actions de sensibilisation dans les collèges, et de partenariats associatifs.
Les politiques d'insertion peuvent également concourir à la prévention de la délinquance, en agissant sur ses causes sociales.
En définitive, la vue d'ensemble du conseil départemental sur les politiques sociales menées à l'échelle du département permet de « contextualiser » la prévention de la délinquance sur le territoire. L'exemple du plan « Cher solidarités » présenté au rapporteur par le conseil départemental du Cher, qui associe les forces de sécurité intérieure et les services de la justice au titre du schéma unique des politiques de solidarités dans le département, constitue une bonne illustration de l'interdépendance des politiques d'action sociale et de prévention de la délinquance.
Ainsi, le rétablissement proposé des départements au sein de la liste des membres de droit des CLSDP et CISPD constitue à la fois une reconnaissance de leur rôle et une invitation, pour les départements qui ne l'auraient pas fait, à pleinement investir les compétences de prévention de la délinquance qui sont les leurs.
2.2 Une mesure qui favorise le développement des approches partenariales de la politique de prévention de la délinquance
Compte tenu de son caractère intrinsèquement protéiforme, la politique de prévention de la délinquance appelle une mobilisation et une coopération de l'ensemble des acteurs impliqués.
Au-delà de l'exercice de ses compétences en matière d'action sociale, le département peut jouer un rôle précieux dans l'animation de cette politique.
En premier lieu, il peut orienter sa politique de
soutien logistique et financier aux communes en faveur des politiques de
sécurité, notamment dans le domaine de la
vidéoprotection. Le conseil départemental
de Seine-et-Marne a ainsi indiqué avoir
cofinancé plus de 120 projets d'installation ou de modernisation de
caméras au titre de la seule année 2023. D'après
Départements de France, le conseil départemental du Val
d'Oise a consacré 5 millions d'euros à la mise en
oeuvre d'un centre départemental de supervision d'image de
vidéoprotection (CSD) et à un plan de déploiement de
caméras bénéficiant aux communes rurales.
Départements de France a également cité l'exemple du conseil départemental de l'Essonne, qui a lancé une étude sur les enfants non scolarisés sur son territoire, illustrant les capacités d'ingénierie du département au bénéfice de l'ensemble des communes.
L'intégration des départements au « tour de table » permet également une circulation plus complète des informations pertinentes.
Ainsi, comme ont pu en témoigner les élus auditionnés par le rapporteur, les politiques de l'ASE et de la prévention spécialisée, par-delà leur fonction d'action sociale stricto sensu, sont par exemple susceptibles de donner accès à des informations ou à des « signaux faibles » pouvant s'avérer extrêmement précieux pour les maires et pour les forces de sécurité intérieure, notamment dans le domaine de la lutte contre la radicalisation. Les groupes thématiques confidentiels pouvant être institués dans le cadre des CLSPD sont propices à de telles remontées d'information.
Ainsi, l'ensemble des acteurs auditionnés s'accordent sur la nécessité d'une représentation des conseils départementaux au sein de la gouvernance locale des politiques de prévention de la délinquance.
Dans la même logique, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) a relevé qu'il pourrait être opportun de mieux associer le bloc communal aux travaux des conseils départementaux de prévention de la délinquance (CDPD) présidés par les préfets4(*) et, plus largement, de mieux associer les collectivités territoriales à l'animation de cette politique à l'échelle nationale. Le rapporteur considère que des réflexions en ce sens pourraient également être engagées.
La commission a adopté l'article unique sans modification.
* 1 L'article D. 132-8 du code de la sécurité intérieure, faute de mesure réglementaire de coordination avec la nouvelle loi, mentionne toujours les présidents de conseil départemental en qualité de membres de droit.
* 2 Article L. 132-5 et II de l'article L. 132-13 du code de la sécurité intérieure.
* 3 Article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriale et articles L. 121-1 à L. 121-5 du code de l'action sociale et des familles.
* 4 Ces instances sont régies par les articles D. 132-5 à D. 132-6-1 du code de la sécurité intérieure.